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N
° 1428

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2014 (n° 1395),

PAR M. Christian ECKERT,

Rapporteur Général

Député

——

ANNEXE N° 28

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET
DES RESSOURCES HUMAINES

STRATÉGIE DES FINANCES PUBLIQUES
ET MODERNISATION DE L’ÉTAT

CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES
ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Rapporteure spéciale : Mme Karine BERGER

Députée

____

SOMMAIRE

___

Pages

SYNTHÈSE 5

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : PILOTER LES FINANCES PUBLIQUES 11

I. LE PILOTAGE DE LA DÉPENSE 11

A. LES ÉCARTS ENTRE PRÉVISION ET EXÉCUTION DE LA DÉPENSE PAR SOUS-SECTEURS D’ADMINISTRATION PUBLIQUE 11

1. La prévision de la dépense de l’ensemble des administrations publiques 12

2. La prévision de la dépense de l’État 12

3. La dépense des organismes divers d’administration centrale (ODAC) 13

4. La dépense des administrations publiques locales (APUL) 14

5. Les dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSO) 14

B. UNE CAPACITÉ DE PILOTAGE DE LA DÉPENSE INÉGALE SELON LES SOUS-SECTEURS D’ADMINISTRATION PUBLIQUE 16

1. Un pilotage relativement fin des dépenses de l’État et de l’assurance maladie 16

a. Les moyens de régulation de la dépense à disposition de l’État 17

b. Les moyens de régulation de la dépense de l’assurance-maladie 19

2. Un pilotage des dépenses de l’État par rapport à une hypothèse de « dépenses tendancielles » 21

3. Des progrès dans le pilotage des dépenses des opérateurs de l’État 22

4. L’absence de tout pilotage des dépenses des collectivités territoriales 23

5. Le pilotage contrasté des dépenses sociales hors assurance maladie 25

C. LES LIMITES DE LA RÉGULATION DES DÉPENSES 26

1. Les interrogations sur le pilotage des dépenses « par la norme » 26

2. Les moyens de contournement de la norme 27

3. La relégation de la démarche de performance 28

II. UN CHANTIER À OUVRIR : LE PILOTAGE DU SOLDE STRUCTUREL 29

A. DES DÉTERMINANTS QUI ÉCHAPPENT EN PARTIE À L’ACTION DES POUVOIRS PUBLICS 30

B. L’INCOHÉRENCE ENTRE LES OUTILS TRADITIONNELS DE PILOTAGE DES FINANCES PUBLIQUES ET LE SOLDE STRUCTUREL 31

DEUXIÈME PARTIE : LES PROGRAMMES STRATÉGIE DE MODERNISATION DES FINANCES PUBLIQUES ET CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE 35

I. LE PROGRAMME 221 STRATÉGIE DES FINANCES PUBLIQUES ET MODERNISATION DE L’ÉTAT 35

A. DES OBJECTIFS QUI NE PORTENT PAS SUR LE RÔLE DE LA DIRECTION DU BUDGET EN MATIÈRE DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE 35

B. DES MOYENS EN HAUSSE POUR FINANCER LES CHANTIERS INFORMATIQUES 37

II. LE PROGRAMME 218 CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE 37

A. UNE AMBITION LIMITÉE EN MATIÈRE D’AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE 38

B. LES MOYENS DÉVOLUS EN PROGRAMME 40

EXAMEN EN COMMISSION 41

Article 68 Dissolution de l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’Outre-mer 43

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE 45

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, deux tiers des réponses avaient été envoyés à la Rapporteure spéciale.

SYNTHÈSE

Le rapport spécial 2014 sur le budget des programmes 218 et 221 vise à évaluer la capacité de pilotage des finances publiques par les administrations qui ont cette charge et dont les budgets sont établis par les programmes 218 et 221. Ce sont ces administrations qui seront garantes du résultat de l’effort de 15 milliards d’euros sur la trajectoire de dépenses publiques inscrit dans le projet de loi de finances initiale pour 2014.

L’emballement de la dette publique française à partir de 2009 et les nouvelles contraintes juridiques découlant du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) (notamment Six Pack et Two Pack) bouleversent en effet l’exigence de pilotage des dépenses publiques et de stratégie du solde des administrations publiques.

La stratégie des finances publiques et de modernisation de l’État (programme 221) revêt de fait une dimension politique renforcée. La représentation nationale est désormais amenée à voter sur des grandeurs macro-économiques « toutes administrations publiques » (« toutes APU ») à la fois en loi de finances initiales et en loi de programmation pluriannuelle. Elle est également amenée à voter sur des notions tout à fait nouvelles, comme celle de « solde structurel ».

A. Piloter les dépenses publiques « sous norme » : des résultats probants mais des interrogations quant aux conséquences sur le pilotage des politiques publiques et sur la modernisation de l’État

Compte tenu de l’importance désormais accordée à la maîtrise de la dépense publique, la Rapporteure spéciale a concentré son analyse sur la capacité de l’État à assurer le respect des objectifs de dépenses publiques « toutes APU » sur lequel s’engagent le Gouvernement et la majorité et en a tiré plusieurs réflexions :

– depuis 2011, les objectifs de dépense « toutes APU » sont globalement respectés.

– la capacité de l’État à réguler la dépense est réelle s’agissant de la dépense du budget général et de celle de l’assurance maladie en raison principalement des moyens juridiques et administratifs dont il dispose pour agir sur ces dépenses ; cette capacité s’est réalisée au cours des dernières années grâce au pilotage « sous norme ».

– la capacité de l’État à piloter la dépense des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale gérés par les partenaires sociaux est limitée. Il s’en suit qu’une dépense représentant de l’ordre de 30 % du total de la dépense publique – soit de l’ordre de 360 milliards d’euros en 2014 – échappe largement au contrôle des pouvoirs publics qui doivent néanmoins en rendre compte dans le cadre de nos engagements européens « toutes APU ».

– le pilotage se réalise « sous norme » ; ces normes sont construites en référence à une évolution tendancielle de la dépense publique dont l’évaluation doit être rendue plus transparente, notamment vis-à-vis de la représentation nationale.

– le respect des engagements pris par le Gouvernement devant la représentation nationale et devant ses partenaires européens ne tient pas uniquement à l’efficacité de l’action de l’exécutif mais également à des éléments qui lui échappent – par exemple, des décisions prises par d’autres organismes publics sur lesquels son influence est limitée et qui ne font pas l’objet d’un pilotage sous « norme » ;

– toutefois, le pilotage de la dépense de l’État « sous norme » révèle également deux effets pervers particuliers : les tentatives répétées de contournement de la norme et la relégation de la démarche de performance.

La Rapporteure spéciale développe dans ce rapport des exemples de contournements dont les normes peuvent faire l’objet et qui créent des lignes de fuite de la dépense. Elle montre également que l’utilisation systématique de « normes » de dépenses publiques, qui satisfait à l’objectif de pilotage des dépenses publiques, se heurte de fait à celui de pilotage des politiques publiques et celui de modernisation de l’État. Les objectifs d’économie pourraient être insuffisamment exigeants dans certains domaines, et porteurs de risque pour l’efficacité des services publics dans d’autres.

B. Un nouveau chantier à ouvrir : le pilotage du solde structurel « toutes APU »

En second lieu, le solde structurel devient désormais une variable tout aussi cruciale que les dépenses publiques « toutes APU » au regard de laquelle la réussite de la politique budgétaire du Gouvernement doit être appréciée.

Or, les outils permettant à l’État d’assurer le pilotage de cette nouvelle variable budgétaire doivent être inventés. La Rapporteure spéciale fait plusieurs recommandations principales :

– l’évolution du solde structurel ne dépend que partiellement des décisions prises par les pouvoirs publics. Le calcul du solde structurel est, en effet, fondé sur une hypothèse conventionnelle d’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance, qui, si elle n’est pas vérifiée, conduit à des variations importantes du solde structurel. Des éléments précis sur ces hypothèses conventionnelles d’élasticité des recettes devraient désormais figurer dans les documents budgétaires.

– les moyens traditionnels de pilotage des finances publiques ne sont pas adaptés aux caractéristiques du solde structurel. Ainsi, les économies sur la dépense sont traditionnellement évaluées par rapport à leur dynamisme spontané mais l’effort structurel en dépense, qui mesure la contribution des dépenses à la réduction du déficit structurel, est calculé en référence à la croissance potentielle de l’économie. Les deux notions ne semblent pas se recouper. Des éléments précis sur les « dépenses structurelles » devraient désormais figurer dans les documents budgétaires.

En définitive, alors que la politique budgétaire jouit désormais d’un caractère de priorité par rapport aux autres politiques publiques et que la réduction de la dépense publique est devenue un objectif majeur, il ressort de cette analyse que la capacité de l’État à piloter les finances publiques et, plus particulièrement, la dépense publique et le déficit structurel peut être améliorée. Une évolution du processus de pilotage tel que organisé par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) pourrait faire l’objet d’une réflexion parlementaire.

INTRODUCTION

L’emballement de la dette publique française à partir de 2009 et les nouvelles contraintes juridiques découlant du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) (notamment Six Pack et Two Pack) bouleversent l’exigence de pilotage des dépenses publiques et de stratégie du solde des administrations publiques.

La stratégie des finances publiques et de modernisation de l’État (programme 221) revêt de fait une dimension politique renforcée. La représentation nationale est désormais amenée à voter sur des grandeurs macro-économiques « toutes administrations publiques » (« toutes APU ») à la fois en loi de finances initiales et en loi de programmation pluriannuelle. Elle est également amenée à voter sur des notions tout à fait nouvelles, comme celle de « solde structurel », qui n’étaient pas intégrées à la réflexion ayant conduit à l’élaboration de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances qui a organisé le mécanisme de pilotage des dépenses publiques par missions et programmes. Dans le seul objectif de réduction du déficit des administrations publiques et de la dette, la représentation nationale est conduite encore plus qu’avant à une évaluation en profondeur des politiques économiques menées et de leur impact financier.

Désormais, le pilotage des politiques économiques et financières publiques (programme 218) et la stratégie de finances publiques (programme 221) revêtent également une dimension politique internationale. La France s’engage, devant ses partenaires européens, sur des objectifs portant sur les grandes masses budgétaires « toutes APU » – déficit effectif et structurel, évolutions des dépenses publiques en volume – et dont le respect détermine sa crédibilité et le respect des traités. La capacité du Gouvernement à piloter ces nouvelles variables – c’est-à-dire à anticiper leur évolution et à les réguler en cours d’exécution – est donc devenue cruciale pour permettre le respect des engagements ainsi pris et assurer son succès en matière de maîtrise des finances publiques.

En premier lieu, l’engagement de la responsabilité de l’État sur des objectifs de finances publiques « toutes APU » se heurte à des obstacles pratiques qui doivent conduire à relativiser la pertinence des critères actuels de pilotage des dépenses publiques, découlant notamment de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Le respect des engagements pris par le Gouvernement devant la représentation nationale et devant ses partenaires européens ne tient pas uniquement à l’efficacité de l’action de l’exécutif mais également à des éléments qui lui échappent – par exemple, des décisions prises par d’autres organismes publics sur lesquels son influence est limitée.

Compte tenu de l’importance désormais accordée à la maîtrise de la dépense publique, la Rapporteure spéciale a concentré son analyse sur la capacité de l’État à assurer le respect des objectifs de dépenses publiques « toutes APU » sur lequel s’engagent le Gouvernement et la majorité et en a tiré plusieurs conclusions :

– depuis 2011, les objectifs de dépense « toutes APU » sont globalement respectés.

– la capacité de l’État à réguler la dépense est réelle s’agissant de la dépense du budget général et de celle de l’assurance maladie en raison principalement des moyens juridiques et administratifs dont il dispose pour agir sur ces dépenses ; cette capacité s’est réalisée au cours des dernières années grâce au pilotage « sous norme ».

– la capacité de l’État à piloter la dépense des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale gérés par les partenaires sociaux est limitée. Il s’en suit qu’une dépense représentant de l’ordre de 30 % du total de la dépense publique – soit de l’ordre de 360 milliards d’euros en 2014 – échappe largement au contrôle des pouvoirs publics qui doivent néanmoins en rendre compte dans le cadre de nos engagements européens « toutes APU ».

– le pilotage se réalise « sous norme » ; ces normes sont construites en référence à une évolution tendancielle de la dépense publique dont l’évaluation doit être rendue plus transparente, notamment vis-à-vis de la représentation nationale.

– les normes mises en place pour assurer la régulation de la dépense ne sont toutefois pas sans effets pervers du fait des multiples contournements dont elles peuvent faire l’objet et qui créent des lignes de fuite de la dépense.

– l’utilisation systématique de « normes » de dépenses publiques, qui satisfait à l’objectif de pilotage des dépenses publiques, se heurte de fait à celui de pilotage de politiques publiques et de modernisation de l’État.

En second lieu, adoptée afin de transposer en droit interne les stipulations du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques définit le solde structurel comme la variable au regard de laquelle la réussite de la politique budgétaire du Gouvernement doit être appréciée. Une trajectoire de solde structurel est désormais prévue par la loi de programmation des finances publiques et son respect est apprécié par l’article liminaire de chaque loi de finances.

Or, les outils permettant à l’État d’assurer le pilotage de cette nouvelle variable budgétaire doivent être inventés. Compte tenu de l’importance désormais accordée à la maîtrise de ce « solde structurel », la Rapporteure spéciale fait plusieurs recommandations principales :

– l’évolution du solde structurel ne dépend que partiellement des décisions prises par les pouvoirs publics. Le calcul du solde structurel est, en effet, fondé sur une hypothèse conventionnelle d’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance, qui, si elle n’est pas vérifiée, conduit à des variations importantes du solde structurel. Des éléments précis sur ces hypothèses conventionnelles devraient désormais figurer dans les documents budgétaires.

– les moyens traditionnels de pilotage des finances publiques ne sont pas adaptés aux caractéristiques du solde structurel. Ainsi, les économies sur la dépense sont traditionnellement évaluées par rapport à leur dynamisme spontané mais l’effort structurel en dépense, qui mesure la contribution des dépenses à la réduction du déficit structurel, est calculé en référence à la croissance potentielle de l’économie. Les deux notions ne semblent pas se recouper. Des éléments précis sur les « dépenses structurelles » devraient désormais figurer dans les documents budgétaires.

En définitive, alors que la politique budgétaire jouit désormais d’un caractère de priorité par rapport aux autres politiques publiques et que la réduction de la dépense publique est devenue un objectif majeur, il ressort de cette analyse que la capacité de l’État à piloter les finances publiques et, plus particulièrement, la dépense publique et le déficit structurel, peut être améliorée.

PREMIÈRE PARTIE : PILOTER LES FINANCES PUBLIQUES

La Rapporteure spéciale examine d’abord, dans le présent développement, la capacité de l’État à piloter les dépenses publiques – c’est-à-dire à anticiper leur évolution et à les réguler en cours d’exécution (I). Si les objectifs sont globalement tenus depuis 2011, il semble que l’État soit en mesure d’agir pleinement sur la seule dépense du budget général et de l’assurance maladie et que le recours aux normes, qui rend possible ce pilotage, ne va pas sans effets pervers ni contournements.

Dans un second temps, la Rapporteure spéciale analyse la capacité de l’État à réguler l’évolution de cette nouvelle variable budgétaire qu’est le solde structurel (II). Ce pilotage paraît problématique car le déficit structurel est déterminé par des éléments qui ne dépendent pas des décisions du Gouvernement. Par ailleurs, les moyens mobilisés par l’État pour le pilotage des finances publiques ne semblent pas adaptés à cette nouvelle variable, comme l’illustre le décalage entre les outils traditionnels de régulation de la dépense et les modalités de calcul de l’effort structurel en dépense.

En définitive, la capacité des pouvoirs publics à assurer un pilotage fin des finances publiques dans le nouveau contexte de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques peut être améliorée.

I. LE PILOTAGE DE LA DÉPENSE

A. LES ÉCARTS ENTRE PRÉVISION ET EXÉCUTION DE LA DÉPENSE PAR SOUS-SECTEURS D’ADMINISTRATION PUBLIQUE

Les écarts entre prévision et exécution de la dépense fournissent un premier indice sur la capacité de l’État à anticiper son niveau et, le cas échéant, à la réguler en exécution.

On constate ainsi que, depuis 2010, les écarts entre prévision et exécution de la dépense de l’État et des régimes obligatoires de base – branches maladie mais également vieillesse et famille – sont relativement faibles.

En revanche, l’exécution de la dépense locale ressort à des niveaux souvent substantiellement différents de la prévision.

Aucune prévision spécifique n’est réalisée par le Gouvernement sur les dépenses des opérateurs et des organismes de sécurité sociale gérés par les partenaires sociaux.

1. La prévision de la dépense de l’ensemble des administrations publiques

Le Gouvernement fournit chaque année, au moment du dépôt du projet de loi de finances, une prévision de croissance en volume de la dépense publique. Le Gouvernement ne fournit pas de prévision du montant, en valeur absolue, des dépenses publiques.

Le tableau suivant indique la prévision et l’exécution du taux de croissance en volume de la dépense de l’ensemble des administrations publiques entre 2006 et 2012.

CROISSANCE EN VOLUME DE LA DÉPENSE PUBLIQUE : PRÉVISION ET EXÉCUTION

 

Prévision

Exécution

Écart

2006

1,6 %

2,1 %

0,5 %

2007

1%

2,5 %

1,1 %

2008

0,9 %

0,8 %

– 0,1 %

2009

1,2 %

3,7 %

2,5 %

2010

1,3 %

0,6 %

– 0,7 %

2011

0,5 %

0 %

– 0,5 %

2012

0,9 %

1 %

0,1 %

Source : rapport économique, social et financier ; Cour des comptes pour les exécutions 2011 et 2012

Ce tableau appelle deux remarques qui soulignent l’importance, pour le Gouvernement, d’être en mesure de piloter la dépense pour assurer le respect de ses engagements de solde public.

En premier lieu, les écarts ressortent globalement à un niveau peu élevé témoignant d’un pilotage globalement satisfaisant à l’exception notable de 2007 et 2009 qui sont marquées par des dérapages importants.

En second lieu, il est courant que des événements non anticipés au moment de la réalisation de la prévision soient constatés en cours d’exercice et emportent des effets substantiels sur la dépense. À titre d’exemple, l’année 2008 est caractérisée par un pic d’inflation, qui réduit mécaniquement la croissance en volume de la dépense puisque le pilotage se fait en valeur.

2. La prévision de la dépense de l’État

La dépense de l’État fait l’objet, depuis 2003, d’une norme destinée à fixer un taux de croissance prévisionnelle des charges du budget général, égal ou inférieur à celui de l’inflation prévisionnelle, et à faciliter le pilotage en exécution de son niveau global.

Initialement limité aux dépenses nettes du budget général, le champ de cette norme dite « zéro volume » a été élargi, à compter de 2008, aux prélèvements sur recettes et à certains transferts de recettes. À partir de 2011, cette norme a été complétée par une seconde norme s’appliquant aux mêmes charges, hors charges de la dette et pensions, et dénommée « zéro valeur » car elle prévoyait initialement un gel en valeur de cet agrégat.

Le tableau suivant compare prévision et exécution des dépenses sous la norme « zéro volume ».

DÉPENSES DE L'ÉTAT SOUS NORME « ZÉRO VOLUME »

(en milliards d’euros)

 

Prévision

Exécution

Écart

2008

340,9

344,9

+ 4

2009

348,3

348

– 0,3

2010

352,7

352,5

– 0,3

2011

357

357,5

+ 0,5

2012

361,3

357,6

– 3,7

Source : rapports du rapporteur général.

On constate, à la lecture du tableau, que depuis 2009, les écarts entre prévision et exécution sont limités et qu’en 2012, la sous-exécution de la dépense est notoire.

3. La dépense des organismes divers d’administration centrale (ODAC)

Les organismes divers d’administration centrale (ODAC) constituent un sous-secteur d’administration publique et sont définis par le comptable national comme les organismes auxquels l'État a donné une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national. Les opérateurs de l’État relèvent, quant à eux, d’une définition déterminée par l’administration, selon laquelle un organisme qui assume une mission de service public, dont le financement est majoritairement assuré par l’État et qui est soumis au contrôle de l’État est un opérateur.

Ces deux notions recoupent des réalités proches mais différentes. Ainsi, les agences de l’eau sont des opérateurs mais pas des ODAC – ce sont des organismes divers d’administration locale (ODAL) en comptabilité nationale. Inversement, les organismes publics indépendants de l’État – par exemple, le Fonds stratégique d’investissement – sont des ODAC, mais pas des opérateurs.

Le Gouvernement publie une prévision de solde des ODAC, mais pas de prévision de dépense. Il est donc impossible d’examiner l’écart entre prévision et exécution de cette dépense.

S’agissant des opérateurs, le Gouvernement publie la prévision de dépense de l’État en leur faveur. La dépense des opérateurs eux-mêmes ne fait pas, dans la documentation budgétaire, l’objet d’une prévision consolidée mais d’une prévision spécifique à chaque opérateur.

Pour être en mesure d’évaluer l’écart entre prévision et exécution de la dépense des ODAC ou des opérateurs, afin d’apprécier la qualité du pilotage exercé par l’État sur les finances de ces organismes, il conviendrait de publier dans le futur des prévisions de dépenses spécifiques.

4. La dépense des administrations publiques locales (APUL)

Le tableau suivant indique les prévisions de croissance en volume de la dépense des administrations publiques locales (APUL) et leur réalisation. Le Gouvernement ne publie pas de prévision de ces dépenses en valeur absolue.

CROISSANCE EN VOLUME DES DÉPENSES DES APUL : PRÉVISION ET EXÉCUTION

 

Prévision

Exécution

Écart

2006

4,7 %

6,2 %

+ 1,5 %

2007

5 %

7 %

+ 2 %

2008

3,3 %

3,6 %

+ 0,3 %

2009

3,7 %

3 % *

– 0,7 %

2010

2,6 %

0,3 %

– 2,3 %

2011

2,1 %

2,9 %

+ 0,8 %

2012

3,1 %

3,1 % *

0 %

Source : rapport économique, social et financier,

sauf * (Cour des comptes)

Les écarts à la prévision se révèlent donc à des niveaux substantiels.

Avec une dépense des administrations publiques locales de 242,5 milliards d’euros en 2012, un surplus de 2 %, comme celui constaté en 2007, par rapport à la prévision implique une dépense supplémentaire de l’ordre de 5 milliards d’euros, soit 0,25 % du PIB.

C’est l’un des deux champs de dépenses publiques pour lequel les résultats de pilotage sont décevants.

5. Les dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSO)

Les administrations de sécurité sociale (ASSO) peuvent être distinguées en deux ensembles.

À titre principal, les régimes obligatoires de base, dont la loi de financement fixe les prévisions de recettes et les objectifs de dépense, font l’objet de prévisions budgétaires en LFSS – solde, dépense et recettes.

S’agissant de l’ONDAM, qui recoupe approximativement le champ des dépenses de la branche Maladie, des sous-exécutions récurrentes sont constatées depuis 2010 et illustrées par le tableau ci-dessous.

OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D’ASSURANCE-MALADIE : PRÉVISION ET EXÉCUTION

(en milliards d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Prévision

144,6

152,1

157,6

162,4

167,1

171,7

175,4

Exécution

148

153

158

162

166

170

Nd

Écart

3,2

0,9

0,5

– 0,6

– 0,8

– 1,4

Nd

Source : lois de financement de la sécurité sociale

Les dépenses des branches Vieillesse et Famille semblent, depuis 2010, prévues de manière plus fiable que les années précédentes. Comme l’illustre le tableau suivant, après des dépassements entre 2006 et 2009, a succédé une sous-exécution régulière de l’objectif fixé, qui pourrait être lié au fait que les prévisions initiales étaient devenues plus prudentes.

La prévision de telles dépenses semble, en effet, relativement aisée à réaliser dès lors que les déterminants de la dépense – départs en retraites et taux de mortalité pour les dépenses de retraites, taux de natalité pour les prestations familiales – sont généralement bien connus.

DÉPENSES BRANCHE VIEILLESSE

 

DÉPENSES BRANCHE FAMILLE

 

Prévision

Exécution

Écart

   

Prévision

Exécution

Écart

2006

161

163,2

+ 2,2

 

2006

53,3

53,7

0,4

2007

170,6

172,9

+ 2,3

 

2007

55,3

54,9

– 0,4

2008

179,7

180,9

+ 1,2

 

2008

56,8

58

1,2

2009

189,7

188,4

– 1,3

 

2009

59,2

58,4

– 0,8

2010

195

194,1

– 0,9

 

2010

54,5

53,5

– 1,0

2011

202,3

202,4

0,1

 

2011

55,8

55,3

– 0,5

2012

210,4

Nd

Nd

 

2012

56,5

Nd

Nd

Source : lois de financement de la sécurité sociale.

À titre subsidiaire, les ASSO sont composées d’autres organismes, à savoir l’Unedic, les régimes complémentaires de vieillesse et les organismes divers d’assurances sociales – ODASS, principalement les hôpitaux.

Le Gouvernement ne publie aucune prévision budgétaire sur le solde, la dépense ou les recettes de ces organismes.

B. UNE CAPACITÉ DE PILOTAGE DE LA DÉPENSE INÉGALE SELON LES SOUS-SECTEURS D’ADMINISTRATION PUBLIQUE

Les écarts constatés entre prévision et exécution de la dépense par sous-secteurs d’administration publique semblent être expliqués par la capacité de l’État à piloter efficacement ces dépenses.

Ainsi, la capacité de l’État à piloter la dépense paraît avérée s’agissant de l’État et de l’assurance maladie en raison des outils juridiques et administratifs dont il dispose. Son aptitude à gérer la dépense des opérateurs paraît progresser en raison des nouveaux moyens mis en place au cours des dernières années.

L’État semble également en capacité de piloter la dépense des branches Vieillesse, Famille et ATMP de la sécurité sociale, mais uniquement sur une base pluriannuelle.

Il convient de souligner que ce pilotage se fait au regard d’hypothèse de croissance tendancielle des dépenses publiques dont la publication serait utile pour le débat national, d’autant que la Commission européenne y fait référence régulièrement dans son avis sur le budget de la France.

Enfin, la capacité de l’État à piloter la dépense des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale gérés par les partenaires sociaux est limitée. Il s’en suit qu’une dépense représentant de l’ordre de 30 % du total de la dépense publique – soit de l’ordre de 360 milliards d’euros en 2014 – échappe très largement au contrôle de l’État qui doit néanmoins en rendre compte dans le cadre de ses engagements européens.

1. Un pilotage relativement fin des dépenses de l’État et de l’assurance maladie

Comme constaté plus haut, les écarts entre prévision et exécution de la dépense de l’État et de la dépense nationale d’assurance-maladie, qui représentent un peu moins de la moitié de la dépense publique, ressortent à des niveaux globalement satisfaisants depuis 2011.

L’efficacité de ce pilotage pourrait s’expliquer par deux raisons principales :

– l’existence des moyens juridiques et administratifs nécessaires à la prévision et au pilotage infra-annuel de la dépense ;

– la nature de certaines dépenses, qui permet d’exercer la régulation budgétaire.

a. Les moyens de régulation de la dépense à disposition de l’État

Le cadre juridique applicable à la dépense de l’État tend à lui conférer les moyens d’assurer la maîtrise de la dépense.

Principe situé au fondement de la démocratie parlementaire, la fixation par le Parlement d’un plafond de dépenses qui s’impose au pouvoir exécutif constitue un premier élément juridique qui tend à assurer, en exécution, une certaine maîtrise de la dépense. Ce principe est rappelé par l’article 8 de la loi organique relative aux lois de finances, qui dispose que « les autorisations d’engagement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées » et que « les crédits de paiement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être ordonnancées ou payées pendant l’année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des autorisations d’engagement. » En conséquence, si, sur un programme donné, le comptable public constate que la dépense dépasse le plafond fixé en loi de finances, il ne peut effectuer le paiement. Si le plafond de dépenses fixé par le Parlement n’est pas, en lui-même, une garantie pour éviter un « dérapage » des charges de l’État en exécution, il suppose, du moins, qu’un éventuel surplus de dépenses ne puisse, en principe, être constaté que s’il est préalablement autorisé par une loi de finances rectificative.

L’État dispose également des moyens juridiques pour exercer la régulation budgétaire, c’est-à-dire pour modifier, dans le cadre de la régulation budgétaire, les plafonds de crédits prévus, pour chaque programme, en loi de finances initiale. Les articles 12 à 14 de la LOLF prévoient ainsi la possibilité, pour le pouvoir exécutif, d’adopter :

– des décrets de virements et de transferts, qui modifient la répartition des crédits entre les différents programmes du budget de l’État ;

– des décrets d’avances qui peuvent ouvrir des crédits au-delà des plafonds prévus par la loi de finances, à la condition d’adopter des mesures de gages pour ne pas affecter l’équilibre budgétaire (1) ;

– des décrets d’annulation qui annulent des crédits « afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire ».

Pour assurer le respect de l’autorisation parlementaire et la maîtrise de la dépense, l’État a mis en place, de longue date, les moyens administratifs nécessaires à la prévision et à la bonne exécution de la dépense.

La direction du Budget joue ainsi un rôle central dans la prévision de la dépense et dans le suivi de son exécution en cours d’année. Elle dispose de la capacité d’expertise nécessaire pour connaître les déterminants de la dépense et anticiper sa progression sur une base fine. La direction du Budget examine, en prévision, chaque « brique budgétaire », correspondant à un niveau de dépense plus étroit encore que l’action, et estime l’évolution prévisionnelle pour l’année à venir.

En exécution, les « bureaux sectoriels » de la direction, en lien avec le réseau des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM), assurent un suivi, quasiment « au jour le jour », de l’engagement de la dépense. Ce suivi peut être plus ou moins fin en fonction de la qualité des relations avec les ministères sectoriels. Le degré de finesse est, en outre, limité par le principe de liberté du responsable de programme, qui reste libre d’engager les crédits du programme comme il l’entend, sous réserve de la fongibilité asymétrique. Il semble, par ailleurs, que, trois fois dans l’année, soit fait un point global sur l’état de l’exécution de la dépense.

À l’issue de l’exercice, la direction du Budget fait un bilan de l’exécution, dont le détail semble être variable en fonction de la qualité des échanges d’information avec les ministères sectoriels.

Enfin, au cours des dernières années, le recours à des bonnes pratiques de gestion a permis d’améliorer la capacité de l’État à piloter et à maîtriser la dépense de son budget.

D’une part, le principal repère permettant au Gouvernement de respecter ses objectifs de dépense est la « norme de dépense ». Introduite en loi de finances pour 2003, elle comprenait initialement les seules dépenses nettes du budget général. Cette norme a connu, sous la précédente législature, deux évolutions notoires qui n’ont pas été remises en cause avec l’alternance :

– en loi de finances pour 2008, son périmètre a été élargi aux prélèvements sur recettes et à certains transferts de charges aux organismes publics autres que l’État – cette norme devant évoluer au rythme de l’inflation, elle est nommée « 0 volume » ;

– en loi de finances pour 2011, elle a été complétée par une norme dite « 0 valeur » car elle prévoyait initialement le gel en valeur des dépenses de la précédente norme, hors charges de la dette et pensions, qui sont les dépenses « héritées du passé ».

Cette norme est une boussole pour apprécier ex ante l’évolution globale des charges de l’État et une contrainte qui pèse, en exécution, sur les redéploiements nécessaires en exécution. Elle tient donc un rôle central tant pour assurer la maîtrise de la dépense et que pour guider le pilotage infra-annuel.

D’autre part, la pratique de la réserve de précaution tend à geler, en début d’année, un certain volume de crédits, qui sera dégelé en fin d’année à la seule condition que le volume global des dépenses initialement prévu soit respecté. Pour 2013, la réserve s’élève ainsi, pour chaque programme, à 0,5 % des crédits de personnel, soit 0,6 milliard d’euros, et à 6 % des crédits des autres titres, soit 6,4 milliards d’euros – soit un niveau plus élevé que le plancher de 5 % prévu par la loi de programmation des finances publiques.

La réserve de précaution incite à fixer des priorités entre les différentes dépenses et à engager d’abord les plus importantes. Elle tend donc à éviter le gaspillage des deniers publics et à garder une marge de sécurité en exécution pour absorber d’éventuels dépassements sur la norme de dépense.

Enfin, certaines dépenses de l’État sont d’une nature telle qu’elle permet l’annulation de crédits en cours d’année et, par conséquent, la réalisation d’un pilotage infra-annuel.

La dépense de l’État est certes en partie pré-engagée en début d’année en raison d’engagements contractuels – charge de la dette –, des règles applicables à la fonction publique – dépenses de personnel – et de l’existence de dépenses à guichet ouvert qui, en l’absence de modification des conditions d’accès, sont dues aux bénéficiaires – prestations sociales comme l’allocation adulte handicapé ou les allocations personnalisées au logement.

Néanmoins, une partie de la dépense de l’État peut être minorée en cours d’année par rapport à la prévision qui en avait été faite en loi de finances initiale. C’est notamment le cas des dépenses de fonctionnement et des dépenses d’investissement, qui peuvent ne pas être engagées en totalité.

b. Les moyens de régulation de la dépense de l’assurance-maladie

Les moyens disponibles pour assurer la régulation de la dépense de l’assurance-maladie sont relativement récents et moins développés que ceux applicables à la dépense de l’État. Plus que le cadre juridique ou l’évolution des bonnes pratiques, c’est le développement d’une gouvernance spécifique qui paraît avoir offert les meilleurs résultats en matière de régulation de la dépense d’assurance-maladie.

Le cadre juridique applicable à la dépense de l’assurance-maladie est moins contraignant que celui applicable à la dépense de l’État.

La loi de financement de la sécurité sociale ne fixe pas de plafonds de dépenses – uniquement des objectifs –, ce qui implique l’absence de tout dispositif de régulation budgétaire. Néanmoins, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) fixé par la loi de financement traduit un engagement du Gouvernement vis-à-vis du Parlement et son absence de respect ne va pas sans coût politique pour l’exécutif.

Il est probable que cette grande souplesse du cadre juridique contribue à expliquer une grande partie des « dérapages » de l’ONDAM constatés de manière récurrente jusqu’en 2010.

Les moyens administratifs sont concentrés dans la direction de la Sécurité sociale, qui, en lien avec la caisse nationale d’assurance maladie, assure le suivi infra-annuel de la dépense.

La nature du suivi ainsi exercé est toutefois de nature différente de celui mis en œuvre par la direction du Budget. En effet, l’engagement de la dépense d’assurance maladie se fait de manière décentralisée, principalement par les prescripteurs de soins et les établissements publics hospitaliers. L’administration doit donc se contenter de constater l’évolution de la dépense, sans pouvoir influer sur sa progression.

Au final, il semble que la mise en place récente d’une gouvernance de meilleure qualité constitue un élément décisif dans les bons résultats constatés au cours des dernières années.

Dans un premier temps, en 2004, un comité d’alerte, composé du secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, du directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques et d'une personnalité qualifiée nommée par le président du Conseil économique, social et environnemental, est instauré (2) afin de prévenir, en cours d’année, les pouvoirs publics du risque d’un non-respect de l’ONDAM voté en loi de financement. Si le risque était supérieur à 0,75 % du montant des dépenses prévues, les caisses d’assurance maladie devaient proposer des mesures d’économies. Les résultats obtenus avec cette première architecture de gouvernance ont toutefois été éloignés des attentes dans la mesure où le respect de l’ONDAM n’était pas mieux assuré qu’avant l’instauration de ce comité.

Pour cette raison, dans un second temps, à l’automne 2010, le fonctionnement de ce dispositif est renforcé sur la base des recommandations du rapport de M. Raoul Briet sur le pilotage des dépenses d’assurance maladie, pour assurer une prévision initiale de l’ONDAM plus sincère et une maîtrise effective de la dépense en cours d’année. Ces évolutions ont consisté à renforcer le comité d’alerte et à compléter la gouvernance par la mise en place d’un comité de pilotage de l’ONDAM, doté de pouvoirs de quasi-régulation budgétaire.

En premier lieu, le comité d’alerte doit donner un avis, avant le 15 avril de l’année en cours, sur la réalisation de l’exercice écoulé. Cet avis précoce doit permettre d’identifier la nécessité éventuelle de « rebaser » la dépense prévisionnelle de l’année en cours et ainsi d’anticiper les risques de « dérapage » de la dépense de l’année.

Le comité doit également donner un avis, avant le 15 octobre, sur les hypothèses sous-tendant l’ONDAM prévisionnel inscrit dans le projet de loi de financement afin d’évaluer la fiabilité de la prévision et notamment des économies prévisionnelles annoncées par le Gouvernement.

Le seuil d’alerte mentionné plus haut, qui déclenche la proposition de mesures d’économies est également abaissé de 0,75 % à 0,5 % du montant des dépenses prévues en loi de financement.

En second lieu, un comité de pilotage de l’ONDAM, appuyé d’un groupe de suivi statistique, a été mis en place pour apprécier l’exécution de la dépense d’assurance-maladie et éventuellement anticiper d’éventuels écarts.

Co-présidé par le ministre de la santé et le ministre du budget et composé de représentants de l’administration, de l’UNCAM et de la CNSA, ce comité peut décider, sur la base des conclusions du groupe statistique, la mise en réserve ou le dégel de crédits. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit ainsi le principe d’une mise en réserve des dotations versées aux hôpitaux au titre des crédits d’aide à la contractualisation. Ces dotations sont versées à la condition que le volume global de la dépense d’assurance maladie reste inférieur au volume prévu en loi de financement.

Par ailleurs, ce comité peut également décider de ne pas mettre en œuvre les mesures nouvelles initialement prévues si un tel choix peut conduire à ne pas respecter l’ONDAM.

À noter que le rapport Briet avait identifié plusieurs obstacles au suivi infra-annuel des dépenses d’assurance maladie, en particulier la difficulté à remonter rapidement les données d’exécution des hôpitaux en raison d’incompatibilités des systèmes informatiques ainsi que la multiplicité des intervenants (DSS, DB, DGT). Sur ce dernier point, un comité de pilotage devait être mis en place pour assurer une meilleure coordination de ces acteurs.

Enfin, la quasi « régulation budgétaire » exercée par le comité de pilotage de l’ONDAM est rendue possible par la nature des dotations aux hôpitaux, qui peuvent être mis en réserve. Ces dotations se distinguent des autres dépenses d’assurance maladie qui semblent plus difficiles à réguler sur une base infra-annuelle en raison de leur caractère de « guichet » et du fait qu’elles sont engagées sur une base décentralisée, en particulier par les prescripteurs de soins.

2. Un pilotage des dépenses de l’État par rapport à une hypothèse de « dépenses tendancielles »

Le pilotage par la norme pour les dépenses de l’État est réalisé au regard d’une évolution spontanée des dépenses. Les dépenses de l’État ont en effet une dynamique spontanée que la mission de l’Inspection générale des finances n° 2012-M-008-03 « Maîtriser les dépenses de l’État pour revenir à l’équilibre des finances publiques » a cherché à modéliser. Cette évolution tendancielle est également la référence de la Commission européenne (par exemple recommandation du 29 mai 2013).

La référence de cette évolution spontanée est cruciale pour pouvoir apprécier le respect des normes fixées. En effet les économies dans la sphère « État » sont toujours définies par rapport à cette évolution tendancielle.

Pour permettre de mieux comprendre les conséquences du pilotage sous norme des dépenses de l’État, il semble utile de publier, à l’occasion des projets de loi de finances, les hypothèses de croissance tendancielle des dépenses publiques, notamment celles de l’État.

3. Des progrès dans le pilotage des dépenses des opérateurs de l’État

L’amélioration du pilotage de la dépense des opérateurs de l’État est une exigence relativement récente. Elle suppose que l’administration dispose de l’information nécessaire à son exercice ainsi que des moyens requis pour agir sur le niveau de la dépense.

En matière d’information, la direction du Budget et les ministères sectoriels exercent la tutelle sur les opérateurs. Ils ont connaissance des budgets prévisionnels et rectificatifs et sont donc censés pouvoir suivre la dépense en cours d’année en raison notamment de son paiement par le comptable public. L’administration doit donc disposer, en principe, de l’ensemble de l’information nécessaire pour prévoir et réguler la dépense des opérateurs.

S’agissant des moyens à disposition de l’État pour agir sur ces organismes, le premier d’entre eux est la fixation de la subvention pour charge de service public que le budget général verse à de nombreux opérateurs.

Surtout, de nouveaux moyens de pilotage de la dépense des opérateurs ont été mis en place au cours des dernières années.

En premier lieu, la loi de finances fixe désormais le plafond d’emplois des opérateurs ainsi que celui des autorités publiques indépendantes (API). Le plafond applicable aux opérateurs est fixé par programme ; celui applicable aux API est fixé pour chaque organisme. Pour mémoire, les API sont indépendantes de l’État et ne sont donc pas classées en opérateurs, même si leur problématique budgétaire n’est pas différente de celle posée par ces organismes.

En deuxième lieu, la loi de programmation pour les années 2011 à 2014 a prévu le principe d’une interdiction de l’endettement à plus d’un an de la plupart des ODAC. L’objectif poursuivi était de mettre fin à une ligne de fuite de la dépense dont pouvaient profiter certains de ces organismes.

Enfin, la loi de finances pour 2012 a prévu un plafonnement des taxes affectées à plusieurs organismes afin de limiter la dynamique de leurs ressources et donc de leurs dépenses.

L’ensemble de ces moyens a largement contribué à renforcer la capacité de l’État à piloter la dépense des opérateurs. Néanmoins, deux réserves doivent être rappelées.

D’une part, les opérateurs sont, le plus souvent, des organismes disposant d’une autonomie par rapport à la tutelle – en particulier, les établissements publics. Leur statut implique donc une certaine indépendance vis-à-vis de l’État, dont la légitimité à agir sur la dépense serait renforcée s’il rebudgétisait certaines des charges aujourd’hui assumées par des organismes extérieurs.

D’autre part, les opérateurs conservent la pleine liberté de décider de l’affectation de leurs ressources propres. Dans ces conditions, l’État ne semble pas en mesure d’exercer un contrôle sur l’ensemble de leurs dépenses.

En définitive, même si elle n’est pas encore entière, la capacité de l’État à réguler la dépense de ses opérateurs s’est fortement renforcée au cours des dernières années. La Rapporteure spéciale estime que ce renforcement doit se poursuivre pour assurer un contrôle entier de l’État sur les finances des organismes qui en dépendent.

4. L’absence de tout pilotage des dépenses des collectivités territoriales

Comme l’illustrent les écarts entre prévision et exécution de la dépense locale, indiqués plus haut, la capacité de l’État à piloter la dépense des collectivités territoriales – 242,5 milliards d’euros en 2012, soit plus de 12 % du PIB – paraît extrêmement limitée. Un tel constat pourrait s’expliquer par une déficience de l’information dont dispose l’État ainsi que par un manque de moyens pour agir sur cette dépense.

En premier lieu, l’information de l’État sur la dépense locale, en particulier en cours d’exécution, paraît particulièrement lacunaire.

L’évaluation de la dépense en cours d’exécution semble être réalisée de deux manières différentes. D’une part, une approche macro-budgétaire, réalisée par la direction générale du Trésor, applique des taux d’évolution aux grandes masses de la dépense locale, calculés notamment en fonction d’hypothèses macro-économiques. D’autre part, une méthode micro-budgétaire consiste à suivre l’exécution d’un échantillon représentatif de collectivités territoriales.

Ces méthodes semblent assez largement imparfaites compte tenu des écarts entre prévision et exécution constatés par le passé. À titre d’exemple, en septembre 2010, le Gouvernement d’alors anticipait un déficit des APUL de 8,5 milliards d’euros alors qu’en exécution il s’est établi à 1,7 milliard d’euros en raison de la chute de l’investissement.

Ce constat d’un manque d’information de l’État sur la dépense locale est confirmé par le récent rapport public thématique de la Cour des comptes sur les finances publiques locales. La Cour indique ainsi que « à la différence de l’État pour lequel un suivi mensuel des recettes et des dépenses budgétaires peut être assuré, l’évolution de la situation budgétaire en cours d’exécution ne peut être commodément suivie en ce qui concerne les collectivités locales. La centralisation mensuelle automatique des balances comptables des comptes locaux tenus par un comptable direct de la DGFiP, au sein d’un infocentre géré par cette administration, telle qu’elle existe aujourd’hui, ne fournit pas, en cours d’année, des restitutions pleinement satisfaisantes.

En effet, si la centralisation des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales effectuée mensuellement présente un caractère significatif, il n’en est pas toujours de même pour les recettes de fonctionnement et pour les dépenses d’équipement. Pour ces dernières, le calendrier budgétaire et les cycles d’investissement conduisent à une concentration des enregistrements comptables des opérations afférentes sur le second semestre de l’année. En outre, de nombreuses opérations font l’objet d’enregistrements sur des comptes d’imputation provisoire soldés postérieurement à la clôture de l’exercice. »

Une telle méconnaissance de la dépense locale en cours d’année est d’autant plus préjudiciable qu’elle amoindrit la capacité de l’État à évaluer avec précision le montant révisé de la dépense, qui constitue la base sur laquelle est fondée la prévision pour l’année en cours. En d’autres termes, l’incertitude sur la dépense de l’année en cours accroît encore davantage la difficulté à anticiper celle de l’année à venir.

L’administration semble avoir des difficultés à évaluer correctement le niveau des dépenses locales, y compris une fois l’exercice clos. Ainsi, au premier semestre 2013, le Gouvernement a révisé à la hausse d’environ 0,1 % du PIB – environ 2 milliards d’euros – les dépenses 2011 des collectivités locales.

Au final, dès lors que la connaissance de la dépense locale est limitée, il semble difficile pour l’État d’en assurer un pilotage.

Ce manque d’informations est renforcé par une absence de moyens, qui conduit à une réelle incapacité de l’État à piloter la dépense des collectivités territoriales.

L’article 72 de la Constitution prévoit que les collectivités territoriales s’administrent « dans les conditions prévues par la loi ». Le législateur bénéficie donc d’une grande latitude pour les encadrer, comme il l’a fait par exemple en instaurant la « règle d’or » des budgets locaux qui limite leur recours à l’endettement.

Un tel cadre suppose néanmoins l’adoption d’une disposition législative pour agir sur la dépense locale. L’administration ne peut donc, de sa propre initiative, agir pour la limiter ou l’encadrer.

À ce stade, le seul moyen dont dispose l’État pour assurer un pilotage de la dépense des collectivités territoriales est de moduler le niveau des concours qu’il leur octroie. Toutefois, un tel instrument est assez largement imparfait dès lors que les collectivités territoriales restent libres d’augmenter leurs ressources pour compenser ce manque à gagner et maintenir le niveau de leur dépense.

En définitive, mal informé et, en l’état du droit, dépourvu de moyens d’action, l’État ne paraît pas en capacité d’exercer un réel pilotage de la dépense locale.

5. Le pilotage contrasté des dépenses sociales hors assurance maladie

Alors que l’assurance maladie fait l’objet d’un pilotage récent et relativement satisfaisant, l’exercice d’un pilotage fin, par l’État, des dépenses des autres organismes de sécurité sociale n’est pas, à ce stade, complet. Il convient néanmoins de distinguer entre les organismes relevant du champ de la loi de financement et les organismes gérés par les partenaires sociaux.

En premier lieu, les dépenses des branches Vieillesse, Famille et ATMP de la sécurité sociale font l’objet de prévisions en loi de financement. Comme l’illustrent les données mentionnées en première partie du présent développement, ces dépenses semblent relativement prévisibles et les écarts entre prévision et exécution de ces dépenses sont généralement faibles dès lors que la prévision initiale est sincère.

Toutefois, compte tenu de la nature particulière de ces dépenses à « guichet ouvert », le pilotage que l’État peut exercer sur ces dépenses ne peut être réalisé que sur une base pluriannuelle. À titre d’exemple, les réformes successives des retraites fixent des objectifs de retour à l’équilibre dont la réalisation est prévue à un horizon de moyen terme en raison de la montée en charge progressive des mesures adoptées. De même, la réforme de la branche Famille récemment annoncée par le Gouvernement vise un retour à l’équilibre financier à l’horizon de l’année 2016.

Il importe de remarquer que le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, déposé le 18 septembre dernier, prévoit l’instauration d’un comité de surveillance des retraites, chargé de suivre l’évolution financière de la branche Vieillesse et, le cas échéant, de proposer des recommandations si cette branche s’écarte significativement de ses objectifs financiers.

Au final, caractérisées par des dépenses aisément prévisibles mais rigides à court terme, les branches Vieillesse, Famille et ATMP de la sécurité sociale peuvent faire l’objet d’un pilotage par l’État mais uniquement sur une base pluriannuelle.

En second lieu, les dépenses des organismes de sécurité sociale gérés par les partenaires sociaux – Unédic et régimes complémentaires d’assurance vieillesse – sont également prévisibles, rigides à court terme et pilotables sur une seule base pluriannuelle mais, du fait de l’indépendance statutaire de ces organismes, la capacité de l’État à agir sur la progression de leurs charges paraît limitée.

L’État disposerait d’une certaine capacité d’influence sur les éventuelles négociations entre partenaires sociaux mais pas d’un pouvoir de décision. On peut également supposer que le fait que l’Unédic ne puisse émettre des obligations sans la garantie de l’État constitue un élément important pour renforcer cette influence potentiellement exercée par la puissance publique.

En résumé, si elle existe, la capacité de l’État à exercer une influence sur la progression de ces organismes ne serait qu’indirecte. Il importe de remarquer que les dépenses de ces organismes ne sont pas négligeables puisque les charges de l’Unédic s’élèvent à près de 36 milliards d’euros en 2012, celles de l’Arrco à 43,7 milliards d’euros et celles de l’Agirc à 22,4 milliards d’euros, soit, au total, plus de 5 % du PIB.

C. LES LIMITES DE LA RÉGULATION DES DÉPENSES

Le pilotage des dépenses de l’État et de l’assurance maladie semble avoir obtenu des résultats satisfaisants au regard de la sous-exécution récurrente constatée entre 2010 et 2012.

Toutefois, le pilotage de la dépense de l’État au cours des dernières années met au jour de nombreuses interrogations, avec deux effets pervers particuliers : les tentatives répétées de contournement de la norme et la relégation de la démarche de performance.

1. Les interrogations sur le pilotage des dépenses « par la norme »

En dépit de résultats plutôt satisfaisants, de nombreuses interrogations sont soulevées par ce mécanisme de pilotage.

Tout d’abord, il apparaît que la norme a toujours « un temps de retard » par rapport à la masse que les pouvoirs publics veulent piloter. Plus grossièrement, on ne met sous norme ce que l’on sait piloter.

Dans le rapport n° 2012-M-007-03 « Maîtriser les dépenses de l’État pour revenir à l’équilibre des finances publiques », l’Inspection générale des Finances met ainsi en avant plusieurs limites à l’histoire du pilotage sous norme :

une tendance au contournement des normes budgétaires dans la sphère « État » par divers mécanismes est consubstantielle à l’historique de la création de normes : la débudgétisation (transferts aux collectivités locales ou surtout aux opérateurs), la dérogation à la norme (sanctuarisation de certaines dépenses) ; le transfert hors du budget général (taxes affectées), les sorties des dépenses du bilan de l’État (engagements hors bilan) etc.

– même si les normes de dépenses ont pu s’appliquer de manière circonstanciée, l’application mécanique des normes pourrait rencontrer des difficultés de mise en œuvre compte tenu de l’inégale réparation des marges de manœuvre : les objectifs d’économie pourraient être insuffisamment exigeants dans certains domaines, et porteurs de risque pour l’efficacité des services publics dans d’autres.

2. Les moyens de contournement de la norme

Alors que, au cours des dernières années, le respect de la norme a été généralement présenté par le Gouvernement comme systématiquement assuré, ce respect a pu être obtenu par diverses mesures de contournement qui font ressortir des exécutions plus avantageuses pour le Gouvernement.

Une première méthode consiste à reporter des charges sur des organismes autres que l’État.

Ainsi, en 2007, le respect de la norme est assuré au prix d’une augmentation de 1,7 milliard d’euros des dettes de l’État à la sécurité sociale, due en particulier à l’insuffisance des crédits finançant les prestations sociales dont le service est assuré par la branche Famille pour le compte de l’État. Les dettes de l’État envers la sécurité sociale ont finalement été apurées en fin de XIIIème législature. Toutefois, le moyen retenu – le transfert de recettes – évitait de recourir à des crédits budgétaires et a donc consacré le contournement de la norme réalisé au cours des années où la dette de l’État augmentait.

De même, la croissance des charges des opérateurs au cours des dernières années s’expliquerait en grande partie par une sorte de débudgétisation de la dépense – les pertes de moyens au niveau de l’administration centrale étant compensées par des hausses de capacités financières des démembrements de l’État. Le tableau suivant illustre cette forte croissance de la dépense des opérateurs.

DÉPENSES DES ORGANISMES DIVERS D’ADMINISTRATION CENTRALE

(en milliards d’euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Croissance annuelle moyenne

59,9

68,3

64,6

72,8

79,8

79,5

81,7

5,30 %

Source : INSEE

Le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi rappelle les constats faits par l’Inspection générale des finances dans son rapport « L’État et ses agences », rendu public en septembre 2012. Ce rapport montre ainsi que les dépenses des ODAC ont cru de 4,3 % en moyenne entre 2000 et 2008, contre 2 % pour la dépense de l’État. Entre 1986 et 2008, la croissance de la masse salariale des ODAC aurait atteint 149 % contre 93 % pour l’État.

Enfin, les reports de charges peuvent également concerner les fournisseurs de l’État, via l’allongement des délais de règlement de l’administration.

Une deuxième méthode consiste à retenir l’inflation la plus « avantageuse », entre l’inflation prévisionnelle et constatée, pour apprécier le respect de la norme.

En 2008, la prévision de dépense est fixée sur la base de l’inflation prévisionnelle, estimée à 1,6 %. Toutefois, en exécution, l’inflation ressort à 2,8 %. Le Gouvernement retient l’inflation constatée pour fixer le plafond de dépenses imposé par la norme. Celle-ci est donc respectée alors que le montant des dépenses en valeur est supérieur de 4 milliards d’euros à la prévision faite en loi de finances initiale.

Inversement, en 2009, l’inflation constatée (0,1 %) ressort à un niveau nettement inférieur à celui de l’inflation prévisionnelle (1,5 %). Contrairement au choix qu’il avait fait en 2008, le Gouvernement d’alors avait choisi de retenir l’inflation prévisionnelle – qui permettait une hausse de 5,3 milliards d’euros des dépenses – pour apprécier le respect de la norme.

Enfin, une dernière méthode consiste à traiter certaines mesures en économies alors qu’elles relèvent des mesures de périmètre.

À titre d’exemple, dans le présent projet de loi, par dérogation à la charte de budgétisation, la diminution de l’ordre de 0,9 milliard d’euros de la dotation générale de décentralisation est traitée en économie sur la norme de dépense. Pourtant, dès lors que le manque à gagner est compensé, pour les régions, à due concurrence par un transfert de recettes, une telle mesure devrait être traitée en mesure de périmètre et son impact exclu de la norme de dépense.

Au final, la nécessité, devenue quasiment absolue, de respecter la norme de dépense conduit les Gouvernements successifs à recourir à des mesures de contournement, qui tendent à mettre à mal leur crédibilité et à créer des lignes de fuite de la dépense.

3. La relégation de la démarche de performance

La forte pression exercée sur la maîtrise de la dépense tend à mettre au second plan la démarche de performance et à donner la priorité à la régulation budgétaire.

Certes, de l’avis même du secrétariat général de la modernisation de l’action publique (SGMAP), « on ne réformera pas sans la pression d’une norme ». Mais, inversement, le respect de la norme n’est pas en soi la garantie que la réforme a été menée. Pour concilier à la fois le respect de la norme et la conduite de la réforme des politiques publiques, il convient sans doute de repartir de la définition des politiques publiques, et surtout de procéder à l’évaluation des politiques publiques menées, en s’appuyant sur des indicateurs de performance opérationnels, reflétant réellement les objectifs assignés aux politiques publiques en question.

En prévision, il semble que l’examen des indicateurs de performance ne constitue pas le principal élément déterminant le niveau des crédits pour l’année à venir. En particulier, s’il est, bien entendu, loisible au Gouvernement de déterminer les programmes prioritaires en fonction de ses priorités politiques, les réductions de dépenses des autres programmes ne semblent pas prendre en compte la qualité de la gestion par leurs responsables.

Les annulations et les ouvertures de crédits réalisées en exécution ne semblent pas non plus décidées sur des critères qui n’incluent pas la performance des gestionnaires. Ainsi, les ouvertures de crédits sont généralement faites sur les programmes régulièrement sous-budgétés en loi de finances initiale. Les annulations portent généralement prioritairement sur les programmes comportant des dépenses modulables en cours d’année, à savoir les dépenses de fonctionnement et d’investissement.

S’agissant de la dépense de l’assurance-maladie, le caractère relativement récent de son pilotage infra-annuel ne permet pas, à ce stade, de réaliser une évaluation précise de ses effets positifs ou négatifs. Il importera notamment d’estimer l’impact de la baisse des dotations aux hôpitaux sur leur équilibre financier et sur leur endettement.

II. UN CHANTIER À OUVRIR : LE PILOTAGE DU SOLDE STRUCTUREL

Adoptée en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques du 17 décembre 2012 fait du solde structurel l’objectif budgétaire au regard duquel la réussite d’une politique budgétaire est appréciée.

Une trajectoire de solde structurel est ainsi définie en loi de programmation des finances publiques. Dans chaque loi de finances, un article liminaire compare les nouvelles prévisions de solde structurel à celles prévues par la loi de programmation. Enfin, et surtout, s’il est constaté, en loi de règlement, un « écart important » (3) entre le solde structurel réalisé et celui prévu par la loi de programmation, s’enclenche une « procédure de correction des écarts » qui doit conduire le Gouvernement à « tenir compte » de cet écart dans le plus prochain projet de loi de finances.

Pourtant, la capacité du Gouvernement à maîtriser l’évolution de cette nouvelle variable budgétaire est peu documentée aujourd’hui.

D’une part, la variation du solde structurel dépend, pour une part non négligeable, d’éléments échappant à la maîtrise de l’État.

D’autre part, les outils traditionnels de pilotage des finances publiques ne sont pas adaptés à cette nouvelle variable budgétaire qu’est le solde structurel.

En conséquence, il semble difficile de ne pas remettre en cause la pertinence du critère de solde structurel afin d’apprécier le succès d’une politique budgétaire.

A. DES DÉTERMINANTS QUI ÉCHAPPENT EN PARTIE À L’ACTION DES POUVOIRS PUBLICS

L’estimation statistique – ex post – de l’évolution du solde structurel ne pose pas de problème particulier dès lors que l’hypothèse de croissance potentielle sur laquelle elle se fonde est fixée, pour chaque année de la législature, par le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

La prévision de la variation du solde structurel – ex ante –, en revanche, obéit à des déterminants qui sont non seulement complexes mais qui échappent en partie aux pouvoirs publics. En prévision cette variation, généralement appelée « ajustement structurel », résulte de l’effet combiné :

– de l’effort structurel, qui mesure l’impact sur le solde structurel des mesures prises par les pouvoirs publics ;

– de la variation dite non discrétionnaire du solde structurel.

Or, comme son appellation le laisse penser, cette seconde composante de la variation du solde structurel ne dépend pas des mesures prises par le Gouvernement ou tout autre organisme public.

En effet, comme le rapporteur général l’a explicité dans son rapport sur le projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (4), le calcul du solde structurel ne neutralise que partiellement les effets de la conjoncture sur les recettes publiques et, à titre subsidiaire, sur les dépenses d’indemnisation du chômage. Ce calcul suppose en effet que l’élasticité à la croissance des principaux prélèvements obligatoires est fixe et correspond aux moyennes constatées dans le passé. Le tableau suivant indique les hypothèses d’élasticité ainsi retenues pour les principales impositions et pour les dépenses d’indemnisation chômage.

ÉLASTICITÉ DES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES ET DES DÉPENSES D’INDEMNISATION DU CHÔMAGE À LA CONJONCTURE

Impôt sur le revenu

Impôt sur les sociétés

Cotisations sociales et CSG

Autres prélèvements obligatoires

Dépenses d’indemnisation chômage

1,18

1,59

0,825

1

– 3,3

Source : Les cahiers de la DGTPE, n° 2009-13, décembre 2009, « Solde structurel et effort structurel : vers une décomposition par sous-secteur des administrations publiques », T. Guyon, S. Sorbe.

Lecture : lorsque l’écart de production augmente de 1 point de PIB, les recettes perçues au titre de l’impôt sur le revenu augmentent de 1,18 %, tandis que les dépenses d’indemnisation du chômage diminuent de 3,3 %.

Or, en pratique, si l’hypothèse ainsi retenue par l’administration peut être vérifiée à moyen terme, elle ne l’est pas nécessairement sur une année donnée. Dans un tel cas, la variation du solde structurel ex post serait impactée, à la hausse par rapport à la prévision ex ante si l’élasticité constatée est supérieure à celle fixée conventionnellement, et à la baisse si elle lui est inférieure.

À titre d’exemple, en 2013, le Gouvernement estime que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance serait nettement inférieure à l’unité et s’établirait à 0,5. Si cette prévision était effectivement vérifiée, elle expliquerait une dégradation du solde structurel de l’ordre de 0,4 % du PIB en 2013. Dès lors que le montant de « l’écart important » conduisant au déclenchement de la procédure de correction des écarts est fixé à 0,5 % du PIB, on constate que l’effet de l’élasticité pourrait conduire, presque à lui seul, à mettre en œuvre cette procédure, quand bien même les décisions du Gouvernement produisaient les effets escomptés.

En définitive, cette variation non discrétionnaire, que les pouvoirs publics ne peuvent contrôler, peut expliquer une part non négligeable de la hausse ou de la baisse du solde structurel.

Du fait de l’importance politique que revêt désormais le pilotage de ce solde, une telle incertitude n’est pas satisfaisante.

B. L’INCOHÉRENCE ENTRE LES OUTILS TRADITIONNELS DE PILOTAGE DES FINANCES PUBLIQUES ET LE SOLDE STRUCTUREL

Alors que le solde structurel est devenu un objectif majeur de la politique budgétaire, il semble que les outils traditionnels de pilotage des finances publiques ne soient guère adaptés au pilotage de cette nouvelle variable.

En recettes, d’une part, la prévision se fonde généralement sur les trois éléments suivants :

– la prévision du taux de croissance du PIB : comme le calcul du solde structurel se fait par déduction du solde conjoncturel, une erreur de prévision de la croissance du PIB n’est que partiellement neutralisée.

– l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB, qui n’est pas non plus neutralisée dans le calcul du solde structurel ;

– l’impact des mesures nouvelles, correspondant à l’effort structurel en recettes et mesuré par le produit net des mesures nouvelles en recettes.

Or, si une telle décomposition permet de faciliter le travail de prévision des prélèvements obligatoires, elle tend néanmoins à faire disparaître les liens qui existent, en pratique, entre ces trois variables.

En premier lieu, le niveau de l’élasticité n’est pas indépendant de celui de la croissance du PIB. On constate, en effet, que l’élasticité est généralement inférieure à l’unité en bas de cycle – les prélèvements sous-réagissent à la croissance – alors qu’elle est supérieure à l’unité en haut de cycle – les prélèvements surréagissent à la croissance. À titre d’exemple, en 2011, au moment du rebond de la croissance du PIB, qui atteint alors 2 %, l’élasticité ressort à 1,2. Inversement, en 2013, qui est une année marquée par une croissance économique quasi-nulle, l’élasticité est anticipée à 0,5.

En second lieu, l’impact des mesures nouvelles sur l’évolution de l’assiette des prélèvements obligatoires ne peut être négligé. Il est en effet envisageable que l’apparition de nouveaux prélèvements entraîne des modifications de comportements, qui peuvent avoir un impact sur l’assiette des prélèvements obligatoires. En d’autres termes, l’effort structurel en recettes, qui est considéré comme indépendant de l’élasticité, ne l’est peut-être pas en pratique.

En définitive, les modalités traditionnelles de fixation des prévisions de recettes apparaissent en décalage avec les déterminants de la variation du solde structurel et ne semblent pouvoir qu’apporter une aide limitée au pilotage du déficit structurel.

En dépenses, d’autre part, l’administration a pour habitude de piloter la dépense, en particulier celle de l’État et celle de l’assurance-maladie, au regard d’une évolution tendancielle qu’elle estime en fonction des déterminants de la dépense et des évolutions passées.

Or, l’effort structurel en dépenses, qui mesure les économies réalisées par les administrations publiques, est fondé sur la comparaison du taux de croissance effectif de la dépense avec le taux de croissance qui aurait été constaté si la dépense avait crû au rythme de la croissance du PIB potentiel.

Il résulte de ce décalage que les économies annoncées par le Gouvernement et fondées sur la comparaison avec la dépense tendancielle ne constituent pas nécessairement des économies structurelles ayant une incidence sur le solde structurel.

À titre d’exemple, les économies retirées d’une croissance de l’ONDAM limitées à 2,4 % sont estimées par rapport à la croissance tendancielle de cette dépense, qui s’établit à 4,2 % sur la décennie écoulée. Sur cette base, les économies sont évaluées à 2,9 milliards d’euros. Pourtant, la totalité de ce montant ne doit pas être pris en compte dans le calcul de l’effort structurel en dépenses puisque l’économie doit, dans ce cadre, être calculée par rapport à ce que serait l’ONDAM s’il croissait au rythme de la croissance potentielle – de l’ordre de 3 % en valeur. Sur cette base, le montant des économies réalisées sur l’assurance-maladie serait alors plus proche du milliard d’euros.

La mesure traditionnelle de l’économie en dépense, fondée sur une estimation de la croissance tendancielle de la dépense, est donc distincte de la méthode de calcul de l’effort structurel en dépenses, qui repose sur une référence à la croissance potentielle du PIB.

Au final, dès lors que l’État ne dispose pas d’outils de régulation adaptés aux spécificités du solde structurel, sa capacité à assurer un pilotage de cette variable ne paraît pas assurée.

Les leviers de pilotages qui ont été mis en place en 2001 pour le solde public de l’État doivent par conséquent être réinventés pour le pilotage du solde structurel « toutes APU ». Une mission parlementaire pour développer ces nouveaux outils de pilotage semble indispensable.

DEUXIÈME PARTIE : LES PROGRAMMES STRATÉGIE DE MODERNISATION DES FINANCES PUBLIQUES ET CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

I. LE PROGRAMME 221 STRATÉGIE DES FINANCES PUBLIQUES ET MODERNISATION DE L’ÉTAT

Le programme 221 regroupe les crédits finançant :

– la direction du budget et les services de contrôle budgétaire et comptable ministériels placés auprès de chaque ministère ;

– l’Agence pour l’information financière de l’État (AIFE) ;

– l’Opérateur national de paye (ONP) ;

– ainsi que la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), le Conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP), l’Observatoire des jeux (OdJ) et l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

A. DES OBJECTIFS QUI NE PORTENT PAS SUR LE RÔLE DE LA DIRECTION DU BUDGET EN MATIÈRE DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE

La stratégie du programme est claire en matière de modernisation des systèmes informatiques.

Ainsi, l’AIFE, qui serait désormais entièrement tournée vers l’amélioration des services rendus par Chorus (5), doit poursuivre un objectif d’amélioration de la qualité du service offert aux administrations, mesuré au regard de la satisfaction des usagers, mesurée par deux enquêtes semestrielles.

L’objectif pour 2014 est un taux de satisfaction de 72 %, après 70 % fixé en 2013 et 79 % constaté en 2012.

Un tel objectif paraît relativement peu ambitieux puisqu’il admet que 28 % des usagers ne soient pas satisfaits des services offerts par l’AIFE. Il est justifié par le projet annuel de performance par le fait que certains projets connexes à Chorus seraient mis en œuvre en 2014 – par exemple, la dématérialisation des factures de fournisseurs – qui pourraient, pendant leur période de démarrage, réduire la satisfaction des usagers.

Le second objectif du programme en matière de gestion informatique est assigné à l’AIFE et à l’ONP et consiste à assurer le bon déroulement des chantiers informatiques.

Son respect est mesuré au regard des dépassements constatés, en termes de délais et de coût, dans les chantiers informatiques qu’elle mène.

Sur les six projets engagés (6), un seul pourrait connaître un retard de plus de six mois ou un coût dépassant de plus de 5 % soit un objectif identique à 2013. Il est prévu que les projets connexes à Chorus seraient menés conformément aux prévisions. Le dépassement de coût cumulé pourrait toutefois atteindre 16,5 millions d’euros en 2014, après 9 millions d’euros prévus en 2013.

Enfin, dans le cadre de la gestion informatique de l’État, l’ONP se voit assigner un objectif qui lui est propre et qui consiste à améliorer le système de paye des agents de l’État. Cet objectif est évalué au regard du nombre de ministères raccordés au SI-Paye. Pour 2014, l’objectif de l’ONP est d’assurer le raccordement du ministère de l’Agriculture.

Le second axe de la stratégie du programme est la maîtrise des finances publiques. Toutefois, les objectifs et les indicateurs liés à cet axe ne le traduisent que très partiellement.

La direction du budget doit ainsi améliorer la qualité du volet de performance, qui est appréciée par le taux de documentation des indicateurs et le taux de satisfaction du Parlement – mesuré par une enquête auprès des parlementaires et des administrateurs des assemblées. Les objectifs pour 2014 visent à reconduire les résultats obtenus en 2012.

La Rapporteure spéciale remarque que ce volet de l’évaluation de la performance ne traduit qu’imparfaitement la nécessité d’évaluer la capacité de la direction du budget à maîtriser les finances publiques.

Il pourrait ainsi être envisagé de fixer un objectif de qualité de la prévision initiale de dépense, dont l’atteinte serait mesurée par le nombre de programmes dont les dépenses ont été supérieures de 5 % au montant des crédits ouverts en loi de finances initiale.

La direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), le Conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP), l’Observatoire des jeux (OdJ) et l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) ne sont pas concernés par le dispositif d’évaluation de la performance ni par la stratégie de la mission. Un tel constat s’explique probablement par l’hétérogénéité des services financés sur les crédits du programme, qui impose de cibler la stratégie pour en préserver la cohérence.

B. DES MOYENS EN HAUSSE POUR FINANCER LES CHANTIERS INFORMATIQUES

Pour atteindre les objectifs ainsi fixés, le projet de loi prévoit d’affecter au programme, en 2014, 230,6 millions d’euros de crédits de paiement et 230,8 millions d’euros d’autorisations de paiement.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME STRATÉGIE DES FINANCES PUBLIQUES ET MODERNISATION DE L’ÉTAT

(en millions d’euros)

 

AE

CP

LFI 2013

PLF 2014

Évolution 2014/2013 (en %)

LFI 2013

PLF 2014

Évolution 2014/2013 (en %)

2. Politique des finances publiques et analyse de la performance des politiques publiques

36,9

36,4

– 1,4 %

36,9

36,4

– 1,4 %

5. Information financière de l’État

84,8

94,2

11,1 %

81,1

89,7

10,6 %

6. Systèmes d’information et production de la paye

62,7

77,7

23,9 %

68

81,3

19,6 %

7. Politique de la fonction publique et modernisation de la gestion des ressources humaines

12,9

12,7

– 1,6 %

12,9

12,7

– 1,6 %

8. Régulation des jeux en ligne

9,8

9,7

– 1,0 %

10,5

10,4

– 1,0 %

Total

207,2

230,8

11,4 %

209,4

230,6

10,1 %

Source : projet annuel de performances pour 2014.

Par rapport à 2013, les crédits seraient globalement stabilisés en valeur, hormis les crédits du titre 5 – qui financent les dépenses d’investissements – qui passeraient de 71,8 à 95,6 millions d’euros en crédits de paiement afin de mener à bien la construction des systèmes informatiques menés par l’AIFE et l’ONP.

II. LE PROGRAMME 218 CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Le programme Conduite et pilotage des politiques économique et financière porte les crédits visant à coordonner l’ensemble des fonctions d’état-major et de pilotage des ministères économique et financier.

Outre les cabinets des ministres et des secrétaires d’État, le programme regroupe une myriade de services : du secrétariat général, reconfiguré en mai 2010 et intégrant le service de la communication et les services de l’ex-direction des personnels et de l’adaptation de l’environnement professionnel (DPAEP), à la direction des affaires juridiques (DAJ), en passant par l’Inspection générale des finances (IGF) et Tracfin.

Il constitue un programme de soutien des ministères économique et financier, en supportant les ressources allouées aux politiques ministérielles d’action sociale, de santé et de sécurité au travail, ainsi que l’ensemble des moyens et des effectifs qui concourent au fonctionnement matériel des services centraux des deux ministères, à la gestion des personnels de l’administration centrale et à la formation des agents.

A. UNE AMBITION LIMITÉE EN MATIÈRE D’AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE

Le programme 218 finance plusieurs services du ministère des Finances, en particulier l’Inspection générale des finances, le Contrôle général économique et financier, le service des achats de l’État ainsi que les services en charge des fonctions support du ministère des Finances – gestion des ressources humaines notamment.

Compte tenu de l’hétérogénéité des services ainsi financés, il n’est pas étonnant que la stratégie du programme soit définie de manière vague et renvoie à des notions très larges comme la qualité du service rendu aux usagers et « l’amélioration des résultats des activités de gestion ». En conséquence, la cohérence entre les différents objectifs du programme n’est pas évidente et ces objectifs paraissent spécifiques à chacun des services auxquels ils sont assignés.

Le trait commun à la plupart des objectifs fixés pour 2014 aux services financés sur les crédits du programme est le manque d’ambition dans les cibles fixées pour évaluer leur performance.

Le premier objectif concerne le service de communication du ministère et porte sur l’amélioration de l’information du public. Il est mesuré par un indicateur évaluant, par sondage semestriel, le taux de reconnaissance par le grand public et par les chefs d’entreprises des projets menés par le ministère. L’objectif est fixé à 56 % pour 2014, soit un niveau stable par rapport à 2012 s’agissant de la reconnaissance par le grand public et une hausse de 4 points s’agissant des chefs d’entreprise. Il est regrettable que l’objectif pour 2014 n’ait pas été fixé à un niveau plus ambitieux.

Le deuxième objectif a trait à la satisfaction des usagers des services de l’Inspection générale des finances (IGF), du contrôle général économique et financier (CGEF) et de la direction des affaires juridiques (DAJ). Évalué par des enquêtes de satisfaction menées auprès de ces usagers, cet objectif n’est accompagné, là encore, d’aucune cible ambitieuse puisque les prévisions pour 2014 sont fixées soit aux niveaux constatés par le passé s’agissant de l’IGF et du CGEF, soit à un niveau inférieur aux résultats passés pour la DAJ. Dans ces conditions, on comprend mal quelle est la démarche de performance puisqu’elle n’incite à aucune amélioration du service rendu.

Les troisième et quatrième objectifs concernent le secrétariat général du ministère et portent sur sa gestion des ressources humaines.

L’accès à la formation fait l’objet d’un indicateur mesurant la part des agents de catégorie C ayant eu accès, au moins une fois dans l’année, à une formation. Les objectifs fixés en la matière sont exigeants, puisque la cible est fixée à 70 % alors que cette proportion atteignait seulement 61,5 % en 2011. Les progrès obtenus depuis 2011 sont satisfaisants mais, sur la base d’une prévision de 68 % pour 2013, il aurait pu être envisagé de relever quelque peu la cible de 70 % prévue en 2014 et 2015.

L’accès à l’aide sociale constitue un autre aspect de la politique de ressources humaines. La performance en la matière est mesurée au regard notamment de l’accès aux aides à la première demande d’installation et aux prestations « vacances enfants ». Là encore, les cibles fixées n’incitent pas à améliorer la performance de l’administration dans la mesure où elles se situent à un niveau inférieur aux résultats de 2011 et 2012.

Enfin, le dernier objectif a trait à la maîtrise des coûts des fonctions supports. Contrairement aux autres objectifs, celui-ci se voit assigner des cibles ambitieuses traduisant la volonté de réduire le coût de ces fonctions.

Le Service des achats de l’État (SAE) se voit assigner un objectif ambitieux d’économies réalisées sur les achats interministériels, fixées à 100 millions d’euros en 2014 et 150 millions d’euros en 2015, après 69 millions d’euros prévus en 2013. Une telle cible doit être saluée car sa réalisation constituerait un succès important en matière de rationalisation de la dépense de l’État.

Le ratio d’efficience des gestions humaines, qui rapporte le nombre d’agents du service au nombre total d’agents gérés par eux, serait en amélioration notoire et passerait de 2,3 en 2013, à 2,2 en 2014 et 2,1 en 2015. Cette évolution passerait par une réduction de 631 ETPT entre 2012 et 2015 au sein du service de gestion des ressources humaines.

Enfin, le ratio d’efficience bureautique, qui rapport la dépense de bureautique au nombre de postes informatiques, diminuerait progressivement de 680 euros en 2013 à 660 euros en raison notamment d’économies sur les consommables.

Au final, les cibles fixées en matière de réduction de coût des fonctions supports paraissent ambitieuses mais nécessaires à l’atteinte des objectifs de maîtrise de la dépense fixés par le Gouvernement et la majorité.

B. LES MOYENS DÉVOLUS EN PROGRAMME

Les crédits de paiement ouverts pour 2014, qui ressortent à 884,5 millions d’euros, sont quasiment stables par rapport à ceux ouverts en loi de finances pour 2013.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

(en millions d’euros)

 

AE

CP

LFI 2013

PLF 2014

Évolution 2014/2014 (en %)

LFI 2013

PLF 2014

Évolution 2014/2013 (en %)

1. État-major, médiation et politiques transversales

346,9

346,4

– 0,1

346,9

346,4

– 0,1 %

2. Expertise, audit, évaluation et contrôle

66,7

65,3

– 2,1 %

67,8

65,3

– 3,7 %

3. Promotion des politiques économique et financière

15,3

15,4

0,7 %

15,1

15,1

0,0 %

4. Contribution au respect du droit et à la sécurité juridique

20,9

20,4

– 2,4 %

20,9

20

– 4,3 %

5. Prestations d’appui et support

443,2

435,9

– 1,6 %

432,4

437,7

1,2 %

Total

893

883,4

– 1,1 %

883

884,5

0,2 %

Source : projet annuel de performances pour 2014.

Cette stabilité des crédits est notamment permise par le non-remplacement de 107 des 735 départs de fonctionnaires ou contractuels relevant du programme, permettant une diminution de près de 5 millions d’euros des rémunérations d’activité, par une diminution de 4 millions d’euros des dépenses de fonctionnement ainsi que par une diminution de près de 10 millions d’euros des dépenses du haut fonctionnaire de défense et de sécurité au titre d’opérations d’interceptions de communications électroniques.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des Finances, et de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, lors de la commission élargie du 4 novembre 2013 à 15 heures (7), la commission des Finances examine les crédits de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, ainsi que l’article 68, rattaché.

Suivant l’avis favorable de Mme Karine Berger et de MM. Pascal Terrasse et Jean-Louis Dumont, et malgré l’avis défavorable de M. Camille de Rocca Serra, Rapporteurs spéciaux, la Commission adopte les crédits de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines.

La Commission examine maintenant l’article 68.

*

* *

Article 68
Dissolution de l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’Outre-mer

Texte du projet de loi :

I.– L’établissement public dénommé Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer est dissous à compter du 1er janvier 2014.

Les biens, droits et obligations de cet établissement sont dévolus à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

II.– Sont abrogés :

a) L’ordonnance n° 62-1106 du 19 septembre 1962 créant une Agence de défense des biens et intérêts des rapatriés ;

b) L’article 31 de la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l’indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ;

c) L’article 21 de la loi n° 77-1466 du 30 décembre 1977 de finances rectificative pour 1977.

Observations et décisions de la Commission :

Le présent article a pour objet la dissolution, à compter du 1er janvier 2014, de l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’Outre-mer (ANIFOM), dont les biens, droits et obligations seraient repris par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

L’ordonnance du 19 septembre 1962 (8) a créé, sous la forme d’un établissement public administratif, une agence de défense des biens et intérêts des rapatriés (ADBIR), chargée d’indemniser les Français d’Algérie des préjudices matériels qu’ils auraient subis du fait de leur rapatriement. Cette agence est alors placée sous la tutelle conjointe du ministre chargé des Affaires algériennes, du ministre des Affaires étrangères et du ministre des Finances.

La loi du 15 juillet 1970 (9) la renomme « Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’Outre-mer » et la place sous l’autorité du Premier ministre. L’agence est alors chargée de la mise en œuvre de cette loi qui prévoit une indemnisation pour les Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France. La mission ainsi confiée par la loi de 1970 est aujourd’hui achevée.

Pour la réalisation de cette mission, l’article 31 de la loi de finances rectificative pour 1977 (10) avait prévu que l’État devait satisfaire les besoins en personnel de l’agence.

Enfin, deux décrets du 26 mai 2005 (11) ont chargé l’agence d’instruire les demandes d’indemnisations prévues par les articles 12 et 13 de la loi du 23 février 2005 (12). Ces demandes, qui ont été transmises, au plus tard, à fin mai 2007, ont été traitées par l’agence, qui a donc également achevé cette mission.

En définitive, l’agence a achevé l’ensemble des missions qui lui ont été confiées par le législateur. Sa seule activité consiste aujourd’hui à gérer ses archives et à préparer leur transfert aux Archives nationales.

Le présent article est donc la conséquence logique du constat de l’achèvement des missions confiées à l’ANIFOM. Proposée dans le cadre de la modernisation de l’action publique, cette évolution permettrait une économie de 0,4 million d’euros sur le programme 218.

Selon l’évaluation préalable annexée au présent projet de loi, l’ANIFOM emploie aujourd’hui un contractuel de catégorie A, qui partirait en retraite en fin d’année 2013, et un fonctionnaire de catégorie B, qui retournerait à son ministère d’origine à compter du 1er janvier 2014.

Par coordination, l’ordonnance du 19 septembre 1962, l’article 31 de la loi du 15 juillet 1970 et l’article 21 de finances rectificative pour 1977 sont abrogés.

Suivant l’avis favorable de la Rapporteure spéciale, la Commission adopte l’article 68 sans modification.

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

– M. Julien Dubertret, directeur du Budget ;

– Mme Mélanie Joder, 1ère sous-directrice de la direction du Budget ;

– Mme Marie-Anne Lévêque, directrice générale de l’administration et de la fonction publique ;

– M. Michel Houdebine, chef du service des politiques publiques de la direction générale du Trésor ;

– M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes ;

– Mme Marie-Christine Lepetit, chef du service de l’Inspection générale des finances.

© Assemblée nationale

1 () En cas de nécessité impérieuse d’intérêt national, un décret d’avances, pris en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État, peut dégrader l’équilibre budgétaire. Un projet de loi de finances portant ratification des crédits ainsi ouverts doit être déposé immédiatement après l’adoption d’un tel décret.

2 () Art. L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale.

3 () Un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu'il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives.

4 () Rapport n°244 de M. Christian Eckert sur le projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

5 () Système d’information portant sur l’engagement et la comptabilisa tion de la dépense de l’État.

6 () Projets connexes à Chorus, menés par l’AIFE : dématérialisation des facteurs de fournisseurs et gestion des déplacements temporaires. Projets menés par l’ONP : système d’information de paye (SI-Paye), ressources humaines (SIRH), outil de gestion des référentiels (OGR) et système d’information décisionnel (SID) pour le suivi de la masse salariale.

7 () Le compte rendu de la commission élargie peut être consulté sur le site internet de l’Assemblée nationale à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2014/commissions_elargies/

8 () Ordonnance n° 62-1106 du 19 septembre 1962 portant création de l’agence de défense des biens et intérêts des rapatriés.

9 () Loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France.

10 () Loi n°77-1466 du 30 décembre 1977 de finances rectificative pour 1977.

11 () Décret n° 2005-539 du 26 mai 2005 pris pour l'application de l'article 12 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés  et décret n° 2005-540 du 26 mai 2005 pris pour l'application de l'article 13 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

12 () Loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.