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N
° 1428

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2014 (n° 1395),

PAR M. Christian ECKERT,

Rapporteur Général

Député

——

ANNEXE N° 34

OUTRE-MER

Rapporteur spécial : M. Patrick OLLIER

Député

____

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I. LÉGISLATION NATIONALE ET EUROPÉENNE : LIBÉRER LES ÉNERGIES 11

A. LES ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES ENVISAGÉES POUR L’OUTRE-MER : UNE POLITIQUE S’INSCRIVANT GLOBALEMENT DANS LA CONTINUITÉ 11

1. La poursuite du processus de transfert des compétences à la Nouvelle-Calédonie 11

2. Évolution institutionnelle de la Martinique et de la Guyane 12

B. ASSOUPLIR L’APPLICATION DES NORMES COMMUNAUTAIRES DANS LES RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES 13

II. CRÉDITS DE LA MISSION : DES MESURES ET DES FINANCEMENTS LARGEMENT RECONDUITS 15

A. LES CRÉDITS DE PAIEMENT DEMANDÉS POUR 2014 EN LÉGÈRE AUGMENTATION PAR RAPPORT À 2013 15

B. LE PROGRAMME EMPLOI OUTRE-MER : UNE BAISSE DE L’AIDE AUX ENTREPRISES DIFFICILEMENT EXPLICABLE 16

1. L’action Soutien aux entreprises 16

a. Les exonérations de charges sociales : un dispositif essentiel 16

b. Les crédits destinés à l’aide au fret et à l’aide à la rénovation hôtelière reconduits après la forte diminution de 2013 18

2. L’action Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle 20

a. Initialement prévu pour 2012, un doublement des volontaires du service militaire adapté (SMA) repoussé à 2016 20

b. Le passeport mobilité « formation professionnelle » mis en œuvre par la LADOM 22

3. L’action Pilotage des politiques de l’Outre-mer 23

C. LE PROGRAMME CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER 23

1. L’action Logement 23

a. Une bonne dynamique, enclenchée grâce aux outils de la loi de 2011, qui semble marquer le pas 24

b. Partiellement financée par la défiscalisation, la construction de logements sociaux est freinée par le manque de disponibilité foncière et par la fragilité financière des bailleurs sociaux 26

c. Le logement intermédiaire dit Duflot Outre-mer 26

2. L’action Aménagement du territoire 27

a. Les contrats de projet (DOM) 28

b. Les contrats de développement (COM) 29

3. L’action Continuité territoriale finance essentiellement le fonds de continuité territoriale 31

4. L’action Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport 31

5. Un soutien à la reconversion de l’économie polynésienne absorbant l’essentiel des crédits de l’action Collectivités territoriales 32

6. L’action Insertion économique et coopération régionales : une action à renforcer 33

7. L’action Fonds exceptionnel d’investissement 34

8. L’action Appui à l’accès aux financements bancaires 34

III. UN SOUTIEN DE L’ÉTAT À L’OUTRE-MER PASSANT ESSENTIELLEMENT PAR LA DÉPENSE FISCALE 35

A. DES DÉPENSES FISCALES, DONT LE MONTANT EST SUPÉRIEUR À CELUI DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES, MAINTENUES EN 2014 35

B. DÉFISCALISATION : NE PAS AFFAIBLIR LES DISPOSITIFS D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER 37

1. Article 13 du projet de loi de finances : Réforme du régime de défiscalisation des investissements productifs et des logements sociaux outre-mer 37

a. Résumé du dispositif et effets principaux 37

b. La création de deux crédits d’impôts 38

2. Une insuffisance de la collecte de données qui décourage toute tentative d’évaluation des effets socio-économiques des dispositifs de défiscalisation 40

3. Un régime d’agrément devant être amélioré 41

COMPTE RENDU DE LA COMMISSION ÉLARGIE DU 29 OCTOBRE 43

EXAMEN EN COMMISSION 75

Article 70 : Recentrage sur les bas salaires de l’exonération des cotisations employeurs outre-mer 77

ANNEXE : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 83

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 50 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

INTRODUCTION

Dans le cadre de la préparation de la discussion budgétaire, le Rapporteur spécial a effectué un déplacement aux Antilles françaises du 15 au 20 septembre dernier en vue d’évaluer les effets des dispositifs de défiscalisation des investissements productifs et en faveur du logement social sur la situation des économies ultramarines.

La permanence d’un climat social dégradé dû à des difficultés économiques persistantes n’a pas manqué de l’interpeller. À titre d’exemple, l’investissement en Martinique et en Guadeloupe est aujourd’hui particulièrement atone et le taux de chômage qui était passé de 31 % en 2003 à 23 % en 2009 – grâce notamment à des dispositifs fiscaux incitatifs – est reparti à la hausse de manière préoccupante. Quant au logement social, le régime actuel permet à peine de maintenir les réalisations alors que les demandes insatisfaites équivalent à dix ans d’attente et que toutes les zones d’habitats indignes, avec leur cortège de violences et de trafic de stupéfiant, n’ont pas été résorbées. Dans ce contexte, une nouvelle explosion de violence n’est malheureusement pas à exclure.

Au vu de la situation, il serait imprudent d’affaiblir les seuls outils utiles au développement et à la création de richesse et donc à la création d’emplois. La défiscalisation supplée l’insuffisance de capital, et elle est un outil d’aménagement du territoire. On peut regretter que le combat conduit contre les niches fiscales s’applique à la défiscalisation. En vérité la réponse à toutes ces interrogations consiste à renforcer les mesures de contrôles et d’encadrement de ces dispositifs qui drainent en effet vers les départements ultramarins une épargne privée que ne pourrait remplacer, pour l’heure une subvention budgétaire. Or le rapporteur spécial a constaté à l’occasion d’un déplacement qu’il a effectué en Martinique et en Guadeloupe du 16 au 19 septembre dernier, que l’administration sur place, par manque de moyens ou de directives, ne procède ni aux contrôles nécessaires ni aux vérifications qui permettraient de rendre le système totalement vertueux.

Le Rapporteur spécial appelle en conséquence à poursuivre cette politique permettant aux départements et collectivités d’Outre-mer de valoriser leurs avantages comparatifs et de s’insérer pleinement dans leurs aires géographiques. Le projet de loi de finances propose d’introduire dans le droit positif des mécanismes de crédits d’impôt qui financeraient directement les investisseurs Outre-mer. Le Rapporteur spécial appelle à limiter strictement ces nouveaux dispositifs aux grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros. Les autres entreprises doivent continuer à bénéficier exclusivement de la défiscalisation car leurs difficultés de trésorerie ne leur permettent pas de pré-financer ce crédit d’impôt comme en témoigne l’expérience du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).

Par ailleurs, dans ce contexte de fragilité économique et potentiellement de crise sociale, l’Outre-mer est en quête d’une stabilité, notamment en matière fiscale, qui seule offrirait aux acteurs économiques une visibilité à moyen terme. Pour cela, il conviendrait de ne pas changer « les règles du jeu » chaque année car l’instabilité législative et réglementaire demeure la meilleure ennemie de l’investissement. Le Rapporteur estime que l’article 70 du présent PLF prévoyant le recentrage sur les bas salaires de l’exonération des cotisations employeurs Outre-mer est dangereux. En effet, cette mesure va constituer une véritable trappe à bas salaires alors que les économies ultramarines ont un besoin vital de se spécialiser sur le moyen et haut de gamme et que le phénomène de la « vie chère » est loin d’être résolu.

*

La mission Outre-mer porte les crédits correspondant en principe à des mesures propres à l’Outre-mer, mises en œuvre par le ministère chargé de l’Outre-mer. Mais les collectivités ultramarines bénéficient par ailleurs, comme toutes les collectivités françaises, d’une fraction des crédits portés par de nombreuses autres missions, sans que ces crédits ne répondent aux spécificités ultramarines.

L’effort budgétaire global de l’État est retracé dans un document de politique transversale (DPT), qui détaille par missions et programmes les crédits destinés à l’Outre-mer, ainsi que les prélèvements sur recettes (comme par exemple la dotation globale de fonctionnement) dont bénéficient ces collectivités.

Le DPT 2014 faisait état d’un effort global de 14,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 14,2 milliards d’euros en crédits de paiement.

Il reste que l’effort financier de l’État à destination spécifique de l’Outre-mer demeure essentiellement fiscal. En effet, le montant des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission Outre-mer s’élèverait en 2014 à 3 931 millions d’euros.

Enfin, le Rapporteur spécial réaffirme que les normes européennes doivent être adaptées à la réalité de l’économie des collectivités ultramarines notamment dans le domaine de l’utilisation de moteurs automobiles utilisant du carburant lourd (hors normes UE), ce qui permettrait des achats directs à proximité et conduirait à une baisse sensible du prix du carburant.

SYNTHÈSE ET PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR

Les crédits prévus pour 2014 sont globalement en diminution par rapport à ceux votés en 2013. En effet, les autorisations d’engagement baissent de 1,8 % passant de 2 188,2 millions d’euros à 2 147,8 millions d’euros tandis que les crédits de paiement augmentent de 1 %, de 2 038,8 millions d’euros à 2 060,3 millions d’euros.

Ces crédits représentent seulement une petite fraction de l’effort global de l’État en faveur des collectivités ultramarines. Le document de politique transversale 2014 fait en effet état d’un effort global de la Nation de 14,2 milliards d’euros en AE comme en CP. De plus les dépenses budgétaires de la mission sont inférieures aux dépenses fiscales rattachées (un peu plus de 3,9 milliards d’euros en 2014).

Le programme Emploi Outre-mer finance essentiellement la compensation des exonérations de charges patronales. La dette de l’État auprès des organismes de sécurité sociale semble en voie de résorption, même si le Rapporteur spécial n’a pas encore reçu l’état de cette dette pour 2013.

Annoncé pour 2012, le doublement des effectifs du service militaire adapté ne sera effectif qu’en 2016.

Le programme Conditions de vie Outre-mer, assez composite, finance notamment :

– la politique du logement Outre-mer, notamment la réhabilitation de l’habitat insalubre, pour laquelle une loi de 2011 a créé de nouveaux outils ;

– la continuité territoriale, dont la réforme par la LODEOM commence à produire ses effets ;

– l’aide à la reconversion de l’économie polynésienne, profondément réformée en loi de finances pour 2011.

Le Rapporteur spécial rappelle la fragilité d’économies insulaires cumulant les handicaps structurels : insularité, marché domestique étroit, inégalité importante. Le besoin impérieux de financement en faveur des collectivités ultramarines justifie d’évaluer les conséquences d’un changement brutal de fiscalité avant tout changement des règles. En effet, ces collectivités ont besoin de stabilité dans la durée notamment dans le domaine fiscal. Par ailleurs, il convient de veiller à ne pas réduire le soutien de l’État à l’Outre-mer, a fortiori dans un contexte de crise économique et de tensions sociales.

Pour cela, le rapporteur spécial formule une série de propositions quant à l’introduction d’un crédit d’impôt destiné à remplacer partiellement la défiscalisation. En effet, il conviendrait de :

– ne pas abaisser le plafond de la réduction d’impôt pouvant procurer certains avantages fiscaux en dessous du plafond actuel de 18 000 euros. Tout abaissement supplémentaire réduirait mécaniquement l’attractivité des dispositifs et freinerait l’investissement. Il s’opposera à tout amendement qui irait dans ce sens ;

– limiter le remplacement de la défiscalisation par le bénéfice d’un crédit d’impôt à une première expérimentation ne concernant que les seules entreprises déclarant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 20 millions d’euros. En effet, les PME et TPE ultramarines n’ont ni les moyens comptables adaptés, ni les fonds propres nécessaires pour pré-financer ce crédit d’impôt, comme les difficultés d’accès au crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) pour les petites entreprises l’ont montré ;

– laisser le choix aux bailleurs sociaux entre la défiscalisation et le crédit d’impôt. Une évaluation de l’efficience des deux dispositifs pourrait ensuite intervenir au bout de trois ans ;

– porter le crédit d’impôt, s’agissant du logement social, à 50 % afin de restituer l’évaporation générée par la défiscalisation aux bailleurs sociaux et non à l’État ;

– prévoir un meilleur encadrement, plus proche du terrain, qui conjugué à des contrôles a posteriori serait jugé plus efficace. Ce changement de paradigme aurait, à n’en pas douter, un effet positif et important sur l’investissement.

I. LÉGISLATION NATIONALE ET EUROPÉENNE : LIBÉRER LES ÉNERGIES

A. LES ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES ENVISAGÉES POUR L’OUTRE-MER : UNE POLITIQUE S’INSCRIVANT GLOBALEMENT DANS LA CONTINUITÉ

1. La poursuite du processus de transfert des compétences à la Nouvelle-Calédonie

Conformément aux engagements pris par le Gouvernement précédent, le processus de l’accord de Nouméa, initié en 2008, s’est poursuivi.

Les transferts de compétences prévus par l’article 21-III de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie sont en cours d’achèvement.

Au 1er janvier 2012 a pris effet le transfert de la compétence en matière d’enseignement du second degré public et privé, d’enseignement primaire privé et de santé scolaire. Conformément à la loi du pays n° 2009-11 du 28 décembre 2009, le transfert de la compétence en matière de police et de sécurité de la circulation aérienne intérieure a pris effet le 1er janvier 2013.

La loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012 a fixé la date du transfert de la compétence en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial au 1er juillet 2013, sous réserve de la conclusion des conventions prévues aux articles 203 et 203-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et de l’adoption d’un arrêté du Gouvernement constatant la réalisation des extensions des textes législatifs et réglementaires demandées par la Nouvelle-Calédonie. Une annexe à la loi du pays a précisé les compétences transférées ainsi que les modalités de transfert.

La loi du pays n° 2012-1 du 20 janvier 2012 a fixé la date du transfert de la compétence en matière de sécurité civile au 1er janvier 2014. Une annexe à la loi du pays a précisé les compétences transférées ainsi que les modalités de transfert.

S’agissant des compétences intermédiaires, l’ensemble des six compétences à transférer sur la période 2009-2014, énumérées à l’article 21-III de la loi organique du 19 mars 1999 modifiée, est soit déjà transféré soit en cours de transfert jusqu’à la date butoir du 15 mai 2014. Deux des trois établissements publics ont également été transférés à la date du 1er janvier 2012.

Enfin, l’Assemblée nationale a adopté le 2 octobre dernier le projet de loi organique tendant à modifier de la loi organique du 19 mars 1999 sur deux points essentiels :

– la dévolution au président du gouvernement, aux côtés du pouvoir de police administrative générale du Haut-commissaire, d’un pouvoir de police administrative spéciale, destiné à permettre la mise en œuvre des compétences d’ores et déjà transférées – comme la circulation maritime et la circulation aérienne – ou qui le seront prochainement – à l’instar de la sécurité civile ;

– la création par le Nouvelle-Calédonie, notamment dans le domaine de la concurrence, d’autorités administratives indépendantes locales dotées de toutes les prérogatives afférentes.

2. Évolution institutionnelle de la Martinique et de la Guyane

Le Gouvernement poursuit la mise en œuvre des collectivités uniques de Martinique et de Guyane initiée par le précédent Gouvernement.

Après l’institution des commissions tripartites dans ces collectivités par le décret n° 2011-1905 du 19 décembre 2011, le Gouvernement a élaboré les ordonnances qui déterminent les règles budgétaires, financières et comptables applicables et assurent le transfert des personnels, des biens et des finances de la région et du département aux collectivités territoriales de Martinique et de Guyane.

Ces ordonnances – ordonnance n° 2012-1397 du 13 décembre 2012 et n° 2012-1398 du 13 décembre 2012 – ont été ratifiées par la loi portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer et actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

B. ASSOUPLIR L’APPLICATION DES NORMES COMMUNAUTAIRES DANS LES RÉGIONS ULTRAPÉRIPHÉRIQUES

LE TRAITÉ EUROPÉEN OPÈRE UNE DISTINCTION ENTRE LES STATUTS DE RÉGION ULTRAPÉRIPHÉRIQUE (RUP) ET PAYS ET TERRITOIRE D’OUTRE-MER (PTOM)

Pour la France, la catégorie des DOM correspond au statut de RUP tandis que les autres statuts correspondent à celui de PTOM. Cependant, le changement de statut d’une collectivité en droit interne n’a pas de conséquence automatique sur son statut au regard du droit communautaire. Avant le traité de Lisbonne, le changement de statut d’un PTOM était difficile car une révision du traité était nécessaire. L’article 355 du traité de Lisbonne ouvre la possibilité (pour les territoires français, danois ou néerlandais), sur initiative de l’État membre concerné, d’une décision à l’unanimité du Conseil européen modifiant le statut à l’égard de l’UE d’un PTOM ou d’une RUP.

Ainsi, Mayotte, à la suite de la départementalisation, est passée du statut de PTOM à celui de RUP. Cette évolution lui permet notamment de bénéficier des fonds structurels. Par ailleurs, l’adaptation du droit applicable rendue nécessaire par la départementalisation entraînera l’applicabilité de l’acquis communautaire.

Une déclaration annexée au traité de Lisbonne indique que : « Les Hautes Parties Contractantes conviennent que le Conseil européen, en application de l’article 355, paragraphe 6, prendra une décision aboutissant à la modification du statut de Mayotte à l’égard de l’Union, de manière à ce que ce territoire devienne une région ultrapériphérique au sens de l’article 355, paragraphe 1, et de l’article 349, lorsque les autorités françaises notifieront au Conseil européen et à la Commission que l’évolution en cours du statut interne de l’île le permet ».

À l’inverse, Saint-Barthélemy, qui était auparavant rattaché à la Guadeloupe et qui est devenu en 2007 une Collectivité d’Outre-mer (COM) au sens de l’article 74 de la Constitution, demande à quitter la catégorie des RUP pour devenir un PTOM. Cette demande s’appuie sur une analyse des conséquences du statut de PTOM : le PIB de Saint-Barthélemy est supérieur de 75 % au PIB moyen de l’Union européenne, ce qui l’exclut du bénéfice des fonds structurels et l’application intégrale des normes européennes génère des coûts élevés.

Source : rapport d’information n° 2301 sur l’avenir des relations entre l’Union européenne et les PTOM. Mme Annick Girardin et M. Hervé Gaymard. 10 février 2010.

Ces deux exemples, Mayotte et Saint Barthélémy, montrent le dilemme auquel sont confrontées les collectivités ultramarines entre un accès aux financements européens réservé aux RUP et une plus grande souplesse dans l’application de l’acquis communautaire apanage des PTOM.

À titre d’exemple, le Rapporteur spécial avait présidé sous la précédente législature une mission d’information relative au prix des carburants dans les DOM (1).

Cette mission avait relevé que la directive 2003/217/CE qui exige l’introduction sur le marché de carburants ayant une teneur en soufre égale ou inférieure à 10 ppm (10 parties par millions, soit l’équivalent de 10 grammes par tonne), à compter du 1er janvier 2005, sur une base géographique équilibrée ne s’est pas appliquée immédiatement aux DOM. Sur ce point, à la demande de la France, une dérogation avait été introduite pour les régions ultrapériphériques, valable jusqu’au 1er janvier 2009, date à partir de laquelle la réglementation européenne s’applique intégralement à l’ensemble du territoire européen. Ce n’est d’ailleurs par un hasard si les troubles en Guadeloupe ont débuté à ce moment-là et ont eu comme catalyseur le prix des carburants.

L’application de ces normes empêche les distributeurs ultramarins de s’approvisionner localement – Trinidad et Tobago ainsi que le Venezuela produisent des carburants lourds à meilleur marché – et renchérissent de facto le prix des carburants.

Proposition n° 10 du rapport d’information : préparer l’avenir de la SARA (2)

« L’implantation d’une activité de raffinage aux Antilles a été décidée il y a maintenant quarante années, dans un contexte géostratégique et géopolitique fondamentalement différent de celui que connaît le monde aujourd’hui.

C’est effectivement dans un contexte international de guerre froide, en 1969, que, sous l’impulsion du général de Gaulle, soucieux d’assurer les conditions d’une indépendance énergétique des Antilles françaises, la SARA a été créée. Le général de Gaulle souhaitait notamment renforcer la présence nationale par l’implantation sur le sol Antillais de compagnies pétrolières françaises (ELF et Total). L’approvisionnement des Antilles françaises et de la Guyane dépendait en effet de sociétés étrangères (Esso, Shell et Texaco).

À travers les activités de raffinage, la SARA et la Martinique ont su développer un véritable savoir-faire dans le domaine du traitement des hydrocarbures. Afin de procéder aux modifications de l’outil industriel pour parvenir à produire des carburants respectant les normes environnementales européennes, les ingénieurs et techniciens de la SARA ont acquis de véritables compétences dans les adaptations technologiques indispensables à la compatibilité des carburants et la réduction des gaz à effet de serre. »

Aujourd’hui, le contexte géopolitique n’est évidemment plus le même et il convient de profiter de la proximité géorgraphique de nos collectivités ultramarines avec un certain nombre de pays émergents – Brésil, Inde ou Chine – pour développer les échanges commerciaux dans un souci de croissance économique et de création d’emplois. L’importation de carburants de Trinidad et Tobago ou du Venezuela pour être un premier signe positif.

Le Gouvernement précédent avait saisi la Commission européenne d’une demande de dérogation à l’application à la Guyane des normes européennes en matière de composition des carburants. La Guyane constitue, certes, une enclave européenne sur un continent où les normes environnementales concernant les carburants sont nettement moins draconiennes. Le Rapporteur spécial déplore cependant que le dossier n’ait pas avancé depuis 2009. Il appelle le Gouvernement à continuer à porter ces demandes de prise en compte des spécificités ultramarines.

Plus généralement, le Rapporteur spécial appelle le Gouvernement à mener les négociations afin de desserrer l’étau qui enserre les économies ultramarines dans des normes édictées dans le cadre de standards purement continentaux.

Le développement des collectivités ultramarines passe par une intégration accrue dans leur aire géographique naturelle. Il est de ce fait essentiel d’introduire plus de souplesse en matière de coopération juridique entre l’Union européenne et les collectivités ultramarines.

II. CRÉDITS DE LA MISSION : DES MESURES ET DES FINANCEMENTS LARGEMENT RECONDUITS

A. LES CRÉDITS DE PAIEMENT DEMANDÉS POUR 2014 EN LÉGÈRE AUGMENTATION PAR RAPPORT À 2013

Avant d’entrer dans une présentation détaillée des deux programmes qui composent la mission, il faut remarquer que les crédits prévus pour 2014 sont globalement en diminution par rapport à ceux votés en 2013. En effet, les autorisations d’engagement baissent de 1,8 % passant de 2 188,2 millions d’euros à 2 147,8 millions d’euros.

Cependant, les crédits de paiement augmentent de 1 %, de 2 038,8 millions d’euros à 2 060,3 millions d’euros.

Il y a donc bien une exception faite en faveur de l’Outre-mer, eu égard à l’évolution de la norme de dépenses qui diminue de 0,35 % en valeur et de 1,7 % en volume. Le Rapporteur spécial se réjouit que le Gouvernement pérennise l’effort entrepris sous la précédente législature en faveur des collectivités ultramarines.

Cette quasi stabilité masque toutefois des redéploiements au sein de la mission notamment au détriment des actions Soutien aux entreprises et Aménagement du territoire.

B. LE PROGRAMME EMPLOI OUTRE-MER : UNE BAISSE DE L’AIDE AUX ENTREPRISES DIFFICILEMENT EXPLICABLE

Le programme le plus important de la mission en volume voit ses autorisations d’engagement se stabiliser pour s’établir à 1 403,9 millions d’euros et ses crédits de paiement reculer légèrement de 0,4 %, à 1 387,6 millions d’euros. Le tableau ci-dessous détaille, pour chacune des trois actions du programme, l’évolution des crédits entre la loi de finances initiale (LFI) pour 2013 et le projet de loi de finances pour 2014 (PLF 2014).

PROGRAMME 138 : ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR ACTION

(en millions d’euros)

Programme / Action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2013

Demandées pour 2014

Évolution (en %)

Ouverts en LFI pour 2013

Demandés pour 2014

Évolution (en %)

Emploi outre-mer

1 403,8

1 403,9

0 %

1 393,2

1 387,6

– 0,4 %

Soutien aux entreprises

1 164,5

1 156,2

– 0,7 %

1 164,5

1 147,7

– 1,4 %

Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle

236,3

244,7

+ 3,5 %

225,7

236,9

+ 4,9 %

Pilotage des politiques des Outre-mer (nouveau)

2,9

2,9

0 %

2,9

2,9

0 %

Source : projet annuel de performances.

1. L’action Soutien aux entreprises

a. Les exonérations de charges sociales : un dispositif essentiel

Depuis 1994, les départements d’Outre-mer (DOM) et Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient d’un dispositif d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale plus favorable que celui applicable en métropole, du fait de la situation dégradée de l’emploi.

Le dispositif a été modifié à plusieurs reprises, en dernier lieu par l’article 25 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des Outre-mer (LODEOM), qui est lui-même partiellement revenu sur le durcissement du régime introduit par l’article 159 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances initiale pour 2009.

En application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l’État est en principe tenu de compenser aux organismes de sécurité sociale les sommes dont ils n’ont pu être crédités du fait de la mise en œuvre d’une politique d’exonérations.

LE PREMIER OBJECTIF ASSIGNÉ AUX EXONÉRATIONS DE CHARGES APPLICABLES OUTRE-MER EST DE FAVORISER LA CRÉATION D’EMPLOIS EN RÉDUISANT LE COÛT DU TRAVAIL

Le législateur a explicitement assigné au dispositif un objectif d’abaissement structurel du coût du travail, destiné à encourager les créations d’emplois dans le secteur marchand en modifiant de façon durable les comportements d’embauche des entreprises.

Le régime d’exonérations a pour vocation de permettre aux économies des DOM de faire face à plusieurs handicaps structurels : inadéquation entre le coût du travail et sa productivité apparente, le niveau de formation et de qualification des salariés très inférieur à celui de la métropole, la concurrence de la main-d’œuvre à bas coût des pays voisins, l’existence d’une économie parallèle.

La LODEOM a amorcé un recentrage du dispositif sur les moyens et bas salaires, en instaurant une dégressivité et une extinction à 3,8 SMIC (4,5 SMIC s’agissant des exonérations renforcées).

L’article 70 du présent projet de loi de finances propose de plafonner à nouveau ce dispositif en prévoyant une extinction à 2,8 SMIC. Le rapport reviendra sur cet article qui aura des conséquences dangereuses en terme d’emploi qualifié en Outre-mer et constituera une véritable trappe à bas salaires.

Source : Évaluation des dépenses sociales et fiscales spécifiques à l’Outre-mer. Inspection générale des finances. 2012

Depuis 2005, date à laquelle la charge de compenser les exonérations a été confiée au ministère de l’Outre-mer, le montant des crédits est tendanciellement insuffisant pour couvrir le montant total des exonérations.

Après avoir culminé à 486 millions d’euros fin 2008 selon la Cour des comptes (3), la dette de l’État qui s’était constituée auprès des organismes de sécurité sociale, a significativement diminué pour disparaître à la fin de la législature précédente.

Le Rapporteur spécial n’a pas à ce jour reçu de réponses de la Délégation générale à l’Outre-mer quant à l’état actuel de la dette à l’égard des organismes de sécurité sociale.

Au titre de l’exercice 2014, les besoins sont évalués à 1 131,2 millions d’euros.

Compte tenu de l’enjeu budgétaire attaché à la compensation des exonérations, il serait souhaitable que le Parlement soit mieux informé des modalités de chiffrage de cette dépense.

Du point de vue de la performance, les réalisations 2012 sont en deçà de celles de 2011. En effet, l’écart entre le taux de croissance de l’emploi salarié dans les entreprises exonérées de cotisations sociales et le taux de croissance de l’emploi salarié outre-mer en général qui était de – 1,3 % est passé à – 1,4 % alors que la cible était de + 0,6 %. De même, l’écart entre le taux de croissance de l’emploi salarié dans les entreprises exonérées de cotisations sociales et le taux de croissance de l’emploi en métropole passe de + 4 % à + 2,7 %.

Le Rapporteur spécial demande au Gouvernement de ne pas fragiliser davantage cette politique qui a démontré son efficacité pour soutenir l’emploi. Il reviendra plus en détail sur ce point lors de l’analyse de l’article 70 du présent projet de loi de finances à la fin de ce rapport.

b. Les crédits destinés à l’aide au fret et à l’aide à la rénovation hôtelière reconduits après la forte diminution de 2013

L’article 24 de la LODEOM a créé une aide aux entreprises des DOM, de Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna, destinée à abaisser le coût des intrants et des extrants, entendus respectivement comme :

– les produits importés dans les collectivités concernées pour y entrer dans un cycle de production ;

– les produits exportés, après un cycle de production dans ces mêmes collectivités, vers l’Union européenne.

Pour les DOM, l’aide au fret a vocation à être cofinancée par une aide communautaire, l’allocation additionnelle spécifique de compensation des surcoûts liés aux handicaps des régions ultrapériphériques.

Le régime de l’aide est présenté ci-dessous.

LE RÉGIME DE L’AIDE AU FRET

Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Saint-Martin, Saint-Barthélemy

Les dépenses de transport éligibles portent sur les liaisons maritimes ou aériennes directes ou avec escale d’un port ou aéroport situé sur le territoire européen de la Communauté, vers un port ou aéroport situé sur le territoire de la Guadeloupe, de la Martinique, de La Réunion, de la Guyane, de Saint Martin ou de Saint Barthélemy.

Le bénéficiaire de l’aide, lorsqu’elle porte sur des intrants, est en principe l’importateur, désigné en tant que tel sur les documents douaniers, dès lors qu’il supporte directement ou indirectement les coûts de transport.

Peuvent ouvrir droit au bénéfice de l’aide les transports maritimes de tous types de marchandises susceptibles d’entrer dans un processus de fabrication locale (intrants) ainsi que les produits fabriqués localement et destinés à la commercialisation sur le marché métropolitain (extrants). Par exception, les transports aériens des mêmes produits et marchandises sont également éligibles, lorsque la nature du fret le justifie.

Toutes les entreprises locales exerçant une activité de production peuvent bénéficier de l’aide au fret. Les activités d’achat revente, en revanche, sont exclues du dispositif.

Le coût du transport maritime ou aérien inclut les assurances, les frais de manutention et de stockage temporaire avant enlèvement au port ou à l’aéroport. Lorsque l’aide porte sur des intrants, elle ne prend pas en compte les frais d’acheminement, ni du producteur métropolitain au port ou à l’aéroport, ni du port ou de l’aéroport au producteur local. Elle n’intègre pas davantage le coût induit par la durée du transport ou celui lié au stockage autre que celui, temporaire, lié à l’enlèvement des marchandises au port ou à l’aéroport.

Les taxes et les droits de douane ne sont pas compris dans la base éligible.

Pour chaque demande d’aide, la base éligible est calculée sur la base des coûts réels justifiés par facture, ou des montants figurant sur les documents douaniers ; le coût de transport retenu dans la base éligible ne pouvant excéder le coût d’un transport équivalent entre le département d’Outre-mer, Saint-Barthélemy ou Saint-Martin et la France métropolitaine.

Le montant global maximum de l’aide nationale cumulée à l’aide communautaire ne peut excéder 75 % de la base éligible.

Wallis-et-Futuna, Saint Pierre et Miquelon, Mayotte

À Saint Pierre et Miquelon et à Wallis et Futuna, en l’absence de dispositif cadre communautaire, des modalités spécifiques sont prévues. Les mêmes modalités s’appliquent aux entreprises situées à Mayotte, tant que celle-ci demeure sous statut PTOM.

Dans les collectivités territoriales de Wallis-et-Futuna, de Saint Pierre et Miquelon et de Mayotte, l’aide au fret se définit, comme dans les DOM, comme une aide au fonctionnement. Elle a pour objet la compensation du handicap d’éloignement et, à ce titre, elle couvre partiellement les dépenses de transport supportées pour l’acheminement des intrants et des extrants, sans limitation sectorielle.

Les dépenses de transport éligibles s’entendent :

– des prestations de liaison maritime ou aérienne, directes ou indirectes, entre la métropole, d’une part, et les collectivités de Wallis-et-Futuna, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte d’autre part ;

– des prestations de liaison maritime ou aérienne entre les îles de Saint Pierre et Miquelon.

Les dépenses éligibles sont basées sur le coût réel du transport justifié par facture, ou sur les montants figurant sur les documents douaniers. Le coût de transport retenu dans la base éligible ne peut excéder le coût d’un transport équivalent entre les collectivités de Wallis-et-Futuna, de Saint Pierre et Miquelon et de Mayotte d’une part et la France métropolitaine d’autre part. Aussi, la base éligible est plafonnée à hauteur du coût moyen constaté des prestations de transport pour une liaison maritime ou aérienne standard.

Le montant global maximum de l’aide correspond à 25 % de la base éligible.

Source : ministère chargé de l’Outre-mer, réponses au questionnaire budgétaire. PTOM = pays et territoires d’Outre-mer.

Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit, comme en 2013, une dotation de 9 millions d’euros pour les aides aux entreprises au titre du programme 138 Emploi outre-mer qui comprend à la fois l’aide au fret et l’aide à la rénovation hôtelière après la forte baisse par rapport à l’année 2012 où les crédits se montaient à 17 millions d’euros.

Au-delà des difficultés de mise en route de cette aide, résultant de la publication tardive du décret d’application, le Rapporteur spécial continue de s’interroger sur sa pertinence même ; en effet, dès lors qu’elle est limitée aux échanges entre l’Outre-mer et l’Union européenne, l’aide au fret ne favorise pas l’intégration des collectivités ultramarines dans leur environnement économique régional.

Il recommande donc d’élargir l’aide au fret à l’ensemble des importations et exportations et non pas uniquement celles en provenance ou en direction de l’Union européenne.

Il faut préciser qu’une partie des crédits de l’aide au fret est redéployée vers le financement de l’aide à la rénovation hôtelière.

L’article 26 de la LODEOM a créé une aide à la rénovation des établissements hôteliers situés dans les DOM, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Martin.

Déterminé par décret en fonction du classement de l’hôtel, le montant de l’aide, qui ne peut être versée qu’une seule fois, ne peut excéder 7 500 euros par chambre à rénover, dans la limite de 100 chambres.

Les travaux ouvrant droit à l’aide doivent satisfaire deux conditions cumulatives :

– concerner des établissements de plus de 15 ans ;

– être réalisés directement par l’exploitant.

2. L’action Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle

a. Initialement prévu pour 2012, un doublement des volontaires du service militaire adapté (SMA) repoussé à 2016

Au cours de son déplacement aux Antilles, le Rapporteur spécial a pu rencontrer le chef du régiment du SMA de Martinique et visiter le RSMA de Guadeloupe.

Les actions conduites au sein de ces structures visent à favoriser l’inclusion dans l’emploi des jeunes ultramarins par différents dispositifs d’insertion sociale et de qualification professionnelle.

Par ailleurs, afin de maintenir le taux d’insertion dans le cadre d’un objectif d’accueil de 6 000 stagiaires par an, voulu par le Président de la République, le SMA étend et renforce ses partenariats avec :

– les organismes en charge de la détection et de l’orientation de la jeunesse en difficulté ;

– les fédérations professionnelles en vue de faciliter l’insertion dans l’emploi tant outre-mer qu’en métropole ;

– les organismes de formations professionnelles pour adultes ;

– le tissu économique local afin d’adapter la formation au besoin de celui-ci.

En 2014, 33,9 millions d’euros seront consacrés au SMA. De plus, le BOP SMA sera abondé en cours de gestion de fonds de concours et attributions de produits. Les rattachements sont évalués à 10,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Il s’agit essentiellement de Fonds social européen (FSE).

À titre d’exemple, le RSMA de Martinique recevait 500 stagiaires par an. Il en reçoit aujourd’hui 700 et l’objectif pour 2017 dans le cadre de l’objectif du doublement des volontaires est de 1 000 stagiaires/an.

La principale problématique pour atteindre l’objectif est celle de l’hébergement. Aujourd’hui, le RSMA reçoit les 700 stagiaires alors qu’il ne dispose que de 380 places. Pour cela, il a dû réduire la durée de certains stages proposés à 6 mois, 8 mois, 10 mois ou 1 an.

La population reçue est composée d’un minimum de 70 % de personnes non diplômées (75 % en 2012) et de 30 % d’illettrés (36 % en 2012). Le taux d’insertion est situé entre 80 et 84 % en Martinique et en Guadeloupe. Pour obtenir et maintenir ces résultats, les RSMA innovent constamment, créent de nouvelles formations et en abandonnent d’autres qui ont perdu de leur intérêt. Ainsi 6 nouvelles filières de formation ont été créées en 2013 dans les métiers en tension dans le tourisme, les énergies renouvelables, les questions de sûreté et 4 seront créées en 2014 dans les domaines de la climatisation, le nettoyage et l’élagage.

Le Rapporteur souligne les résultats particulièrement remarquables obtenus par le RSMA. Il propose d’expérimenter ces dispositifs dans certaines zones métropolitaines particulièrement difficiles dans le cadre d’une réforme de la formation professionnelle à coût constant qui flécherait certains financements vers un SMA métropolitain.

b. Le passeport mobilité « formation professionnelle » mis en œuvre par la LADOM

Au-delà des crédits du SMA, l’action Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle finance :

– d’une part la subvention pour charges de service public versée à l’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité (LADOM), seul opérateur du programme ;

– d’autre part les actions mises en œuvre par celle-ci au titre de la formation professionnelle, particulièrement en mobilité.

PASSEPORT – MOBILITÉ FORMATION PROFESSIONNELLE

Ce dispositif vise à pallier les limites de l’offre locale de formation, à améliorer l’employabilité des jeunes ultramarins en offrant un parcours de formation adapté et à assurer ultérieurement leur insertion professionnelle par une orientation vers les secteurs en tension dans leurs départements et collectivités d’origine ou en métropole. Ce dispositif est doté de 20,3 millions d’euros en 2014.

La subvention pour charges de service public s’élèverait à 8,1 millions d’euros en 2014 contre 8,5 millions d’euros en 2013, en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Il s’agit d’une nouvelle baisse significative intervenue après celle de près de 1 million d’euros de l’an dernier pour un organisme chargé d’accompagner les jeunes ultramarins vers l’insertion professionnelle.

La LADOM, qui s’est substituée en février 2010 à l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’Outre-mer (ANT), percevrait en outre en 2014 :

– 20,3 millions d’euros pour le financement du passeport-mobilité « formation professionnelle », depuis le programme Emploi outre-mer ;

– 39 millions d’euros pour le financement de la continuité territoriale, depuis le programme Conditions de vie outre-mer.

Le budget de l’opérateur est par ailleurs constitué de ressources dont le montant prévisionnel pour 2014 n’a pas été communiqué dans les réponses au questionnaire budgétaire :

– des subventions des régions et des collectivités d’Outre-mer pour le financement des actions de formation (32,53 millions d’euros attendus en 2013) ;

– un financement du Fonds social européen (6,25 millions d’euros prévus en 2013).

Enfin, le plafond d’emplois de LADOM est abaissé à 134 ETP après la forte augmentation de 2012 où il était passé de 122 ETP à 150 ETP due à l’intégration d’effectifs, jusqu’alors placés hors plafond, au titre de la gestion par l’Agence du dispositif de continuité territoriale.

3. L’action Pilotage des politiques de l’Outre-mer

La création du ministère de l’Outre-mer en tant que ministère de plein exercice a conduit à transférer en LFI 2013 sur des programmes de la mission une partie de ses crédits de fonctionnement portée jusqu’alors par le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur.

Ces crédits sont retracés dans l’action Pilotage des politiques de l’Outre-mer du programme 138. Ils représentent 2,9 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Le ministère de l’Intérieur continue tout de même à assurer les fonctions support dans un souci de mutualisation et d’économies d’échelle.

C. LE PROGRAMME CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER

Les autorisations d’engagement du programme 123 sont en baisse de 5,1 % tandis que les crédits de paiement augmentent de 4,1 %.

Le tableau ci-après montre que certaines actions connaissent d’importantes variations.

PROGRAMME 123 : ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR ACTION

(en millions d’euros)

Programme / Action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2013

Demandées pour 2014

Évolution (en %)

Ouverts en LFI pour 2013

Demandés pour 2014

Évolution (en %)

Conditions de vie outre-mer

784,4

743,9

– 5,1 %

645,6

672,7

+ 4,1 %

Logement

272,7

272,7

0 %

227

245

+ 7,9 %

Aménagement du territoire

184,8

146,8

– 20,5 %

164,9

164,3

– 0,3 %

Continuité territoriale

51,4

51,4

0 %

51,4

51,4

0 %

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

5,5

4,8

– 12,7 %

5,5

5,2

– 5,4 %

Collectivités territoriales

187,8

186,1

– 0,9 %

161,4

171,7

+ 6,3%

Insertion économique et coopération régionales

1,9

1,9

0 %

1,9

1,9

0 %

Fonds exceptionnel d’investissement

50

50

0 %

25,9

25,9

0 %

Appui à l’accès aux financements bancaires

30

30

0 %

7,4

7,2

– 2,7 %

Source : projet annuel de performances.

1. L’action Logement

Il faut tout d’abord signaler que la progression significative des crédits de paiement de l’action de 7,9 % après une augmentation de 6 % en 2013 s’explique par la couverture d’engagements antérieurs.

a. Une bonne dynamique, enclenchée grâce aux outils de la loi de 2011, qui semble marquer le pas

Globalement moins bon qu’en métropole, l’état de l’habitat Outre-mer fait l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics au travers :

– des aides à l’amélioration de l’habitat privé, octroyées sous conditions de ressources aux propriétaires occupants effectuant des travaux de remise aux normes de décence et de confort de leur logement (32,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 33,5 millions d’euros en crédits de paiement prévus pour 2014, contre respectivement 27 et 32,5 millions en 2013 pour un objectif de 1 700 logements) ;

– et plus encore à travers des actions de résorption de l’habitat insalubre (RHI). N’y seraient consacrés en 2014, que 35,7 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 30 millions d’euros de crédits de paiement. La stricte stabilité des crédits de paiement n’est pas à la hauteur des enjeux alors que, le Rapporteur spécial a pu le constater aussi bien en Martinique qu’en Guadeloupe, l’habitat insalubre est loin d’être résorbé et constitue de véritables zones de trafic en tous genres.

Il faut en effet rappeler qu’Outre-mer, environ 68 000 logements sont classés comme insalubres par l’État, la population occupant ces logements étant estimée à 150 000 personnes. La Guyane et Mayotte restent les collectivités les plus touchées par l’insalubrité.

Les travaux conduits par notre collègue M. Serge Letchimy ont permis d’importantes avancées en matière de RHI. Le rapport remis en septembre 2009 à madame la ministre chargée de l’Outre-mer (4) a tout d’abord abouti à la réorientation partielle des fonds régionaux d’aménagement fonciers urbains (FRAFU) vers la viabilisation des quartiers d’habitat spontané ou insalubre. En conséquence, les préfets ont été destinataires en 2010 d’une circulaire interministérielle sur la mise en place de pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne et sur la création de plans communaux de lutte contre l’habitat indigne.

Par ailleurs, à l’initiative du Rapporteur spécial, alors Président de la commission des Affaires économiques, qui a facilité le cheminement législatif de la proposition de loi de Monsieur Serge Letchimy,  le Parlement a adopté à l’unanimité la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’Outre-mer. Cette loi prévoit notamment :

– l’octroi d’une aide financière versée aux occupants sans droit ni titre (d’un terrain public ou privé) par un maître d’ouvrage ou par son concessionnaire, à l’occasion d’une opération d’aménagement ou d’équipements publics ;

– la prise en compte de la notion d’habitat informel dans la définition de l’habitat indigne figurant à l’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 modifiée visant à la mise en œuvre du droit au logement ;

– l’institution par arrêté du préfet d’un périmètre insalubre dont le contenu serait adapté à l’état des diverses constructions dans les secteurs d’habitat informel, périmètre moins rigide dans son contenu et ses effets de droit que le périmètre insalubre défini à l’article L. 1331-25 du code de la santé publique ;

– l’ouverture d’un droit à indemnisation des personnes à l’origine de l’édification de constructions exposées à un risque prévisible menaçant gravement des vies humaines, sous réserve qu’elles les occupent à titre de résidence principale ;

– la mise en place d’une procédure accélérée et simplifiée de déclaration des biens en état d’abandon manifeste, afin de permettre aux collectivités de récupérer le foncier disponible.

Depuis l’adoption de la loi, les pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne ont été créés dans chacun des départements concernés en 2011 et 2012.

Bien que relativement longue, la constitution de ces pôles marque le point de départ d’une démarche institutionnelle partagée en matière de lutte contre l’habitat indigne. Elle donne une impulsion pour :

– l’engagement du repérage des terrains supportant un habitat informel ;

– la mise en œuvre des plans d’action départementaux et l’élaboration des plans communaux ou intercommunaux de lutte contre l’habitat indigne dont les modalités d’appui financier seront précisées dans une prochaine circulaire réformant les procédures de lutte contre l’habitat insalubre.

De plus, une formation « départements d’Outre-mer » a été instituée au Pôle national de lutte contre l’habitat indigne/PNLHI. Les buts de cette formation sont principalement de renforcer le niveau de connaissance nécessaire pour intervenir efficacement dans ce domaine, de construire une culture commune entre les services intervenant au nom de l’État à l’échelon départemental, d’améliorer l’efficience des agents concernés, et de repérer des formateurs potentiels dans les services de l’État dans les DOM pour assurer ensuite des formations dans ces départements.

Des cycles de formation ont été conduits en Martinique en juin 2010, à La Réunion en octobre 2010, en Guyane en février 2011 et en Guadeloupe en avril 2011. En avril 2012 un nouveau cycle de formation s’est tenu en Martinique et en Guadeloupe rassemblant les services de l’État concernés des Antilles et de la Guyane.

b. Partiellement financée par la défiscalisation, la construction de logements sociaux est freinée par le manque de disponibilité foncière et par la fragilité financière des bailleurs sociaux

156 millions d’euros en autorisations d’engagement et 131 millions d’euros en crédits de paiement seraient consacrés en 2014 au financement du logement social, au titre de la ligne budgétaire unique (LBU).

NOMBRE DE LOGEMENTS SOCIAUX CONSTRUITS GRÂCE À LA DÉFISCALISATION

 

Logements financés

 

2011

2012

LLS (logements locatifs sociaux)

390

112

LLS mixte LBU/défisc

3 274

3 906

Sous total LLS (1)

3 664

4 018

LLTS (logements locatifs très sociaux)

179

49

LLTS mixte LBU/défisc

2 307

2 722

Sous total LLTS (2)

2 486

2 771

Total LLS et LLTS (1+2)

6 150

6 789

PLS (prêts locatifs sociaux)

60

33

PLS défiscalisés

1 207

564

Sous total PLS (3)

1 267

597

Total LLS, LLTS, PLS (1+2+3)

7 417

7 386

* LLS et LLTS financés uniquement par la LBU.

Il faut souligner que les opérations LLS et LLTS comportent toujours une proportion de financement LBU selon la nature et la taille de l’opération.

Les résultats de 2013 seront connus au début de l’année 2014.

Ce tableau montre bien la difficulté de maintenir les constructions de logements sociaux dans les collectivités ultramarines. Le Rapporteur spécial estime qu’il est nécessaire de consolider l’équilibre financier des bailleurs sociaux. Dans ce sens, il a proposé dans un amendement à l’article 13 du présent projet de loi de finances d’augmenter le crédit d’impôt relatif au logement social de 35 % à 50 %.

c. Le logement intermédiaire dit Duflot Outre-mer

L’article 199 novovicies (dit dispositif Duflot) a été introduit dans le code général des impôts par la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, sans que ses effets dans les collectivités d’outre-mer n’aient été anticipés. Les dispositifs Girardin intermédiaire et Scellier outre-mer ont été de ce fait supprimés au 31 décembre 2012.

Si aucun dispositif ne vient remplacer le Girardin intermédiaire, le nouveau dispositif Duflot avait quant à lui vocation à remplacer l’ancien dispositif Scellier, en affinant certaines conditions de mise en œuvre afin de favoriser plus directement le logement dit « intermédiaire ».

À titre d’exemple, le déficit de logement en Nouvelle Caledonie pour l’année 2013, s’est élevé de 800 à 900 logements, ce qui représente une perte de volume d’activité de l’ordre de 30 %. Ce déficit de construction correspond à 1 500 emplois supprimés, suppression qui touchera prioritairement des catégories de population à la situation financière et sociale fragile. De même, à la Réunion, 9 000 nouveaux logements par an sont nécessaires (chiffres INSEE / DEAL) de façon urgente en raison d’un taux de natalité élevé : 16,9/1000 (contre 12,5/1000 en France métropolitaine), d’un nombre de « ménages » augmentant plus vite en proportion que la population en raison du phénomène de décohabitation, et du « mal logement » important : 26 000 ménages sont en attente d’un logement social. Sur les 9 000 logements requis, environ 4 000 logements « libres » ou intermédiaires neufs par an sont particulièrement nécessaires du fait de la nécessité d’une plus forte mixité sociale dans les nouveaux quartiers, de la taille des ménages supérieure à celle de la métropole (2,47 personnes en moyenne selon l’INSEE), et de la situation de surpeuplement des logements de 25 % des ménages réunionnais (contre 10 % en métropole). Malheureusement, l’offre de logements intermédiaires neufs est passée de près de 5 000 logements en 2008 à 780 en 2012.

La parution tardive du décret d’application du Duflot Outre-mer, en date du 5 juin 2013, a contribué à faire de l’année 2013, une période difficile en matière de construction de logement intermédiaire.

Pour donner un nouvel élan à la construction dans les collectivités ultramarines, le Rapporteur spécial a proposé un amendement visant à replacer le dispositif Duflot de soutien fiscal en faveur de l’investissement locatif intermédiaire sous le plafonnement de 18 000 euros. L’existence d’un taux de défiscalisation plus important dans les DOM (29 %) qu’en métropole (18 %) est indispensable pour attirer vers les premiers l’épargne disponible dans celle-ci. C’est une mesure d’accompagnement favorable à l’aménagement de ces territoires mais elle a pour effet mécanique, si le plafond est identique (10 000 euros), d’attirer l’investissement dans les DOM vers les T1-T2 ce qui ne répond pas à la demande locale.

2. L’action Aménagement du territoire

Cette action vise à contribuer au développement économique et social des territoires ultramarins en aidant financièrement les projets d’investissements structurants portés par les collectivités territoriales d’outre-mer, au moyen, principalement, des contrats de projets et de contrats de développement.

Le montant total des contrats de projet des DOM et des contrats de projet de développement des COM 2007 – 2014 représente 1 926,6 millions d’euros dont 1 262 millions d’euros pour l’État avec 854,29 millions d’euros pris en charge par l’action Aménagement du territoire du programme 123.

Pour 2014, 130,4 millions d’euros sont retenus en autorisations d’engagement sur l’action 2 du programme 123 pour ces dispositifs au titre de la tranche contractuelle de l’État, dont 28,4 millions d’euros pour les 5 DOM et 102 millions d’euros pour les COM. 145,4 millions d’euros en crédits de paiement sont destinés au règlement des opérations contractualisées de l’État outre-mer financées par ce programme.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé que 2014 constituerait une année de transition, permettant d’achever la clôture des CPER 2007-2013 et de préparer la future contractualisation 2015-2020.

a. Les contrats de projet (DOM)

Le montant des participations du contrat de projet de la Guadeloupe s’élève à 332,7 millions d’euros dont 169,5 millions d’euros pour l’État dont 66,8 millions d’euros sur le programme 123 (dont 5,6 millions d’euros sont redéployés au 1er janvier 2011 vers le contrat de développement de Saint-Martin), 115,4 millions d’euros pour la région et 47,8 millions d’euros pour le département. Le montant cumulé des crédits engagés du BOP 123 « conditions de vie outre-mer » de 2007 à 2012 s’élève à 48,5 millions d’euros soit un taux d’engagement de plus de 73 %.

Le contrat de projet de la Guyane a un coût prévisionnel total de 169,2 millions d’euros, dont 134,9 millions d’euros de participation de l’État dont 61,8 millions d’euros sur le programme 123, 28,2 millions d’euros de la région et 6,1 millions d’euros du département. Le montant cumulé des crédits engagés du BOP 123 de 2007 à 2012 s’élève à 41,6 millions d’euros, soit un taux d’engagement de 67 %.

Initialement, le contrat de projet de la Martinique avait un coût prévisionnel total de 443,2 millions d’euros, dont 141,6 millions d’euros de participation de l’État dont 56,4 millions d’euros sur le programme 123, 167,5 millions d’euros de la région et 134 millions d’euros du département. Suite à la révision à mi-parcours, le coût prévisionnel total a été ramené à 401,2 millions d’euros dont 141,1 millions d’euros de participation de l’État dont 56,4 millions d’euros sur le programme 123, 193,32 millions d’euros de la Région et 66,8 millions d’euros du Département. Le montant cumulé des crédits du BOP 123 engagés de 2007 à 2012 s’élève à 27,7 millions d’euros soit un taux d’engagement de 49 %. Le CPER de la Martinique peine à rattraper son retard dû à la signature tardive du contrat (courant 2008) et aux mouvements sociaux de 2009 qui ont entraîné une mise en œuvre plus lente des opérations. Le montant cumulé des crédits engagés de la part État, tous BOP confondus, de 2007 à 2012 s’élève à 65,9 millions d’euros soit un taux d’engagement de 46,7 %.

Les crédits inscrits au CPER 2007-2013 de La Réunion s’élèvent à 531,9 millions d’euros, répartis entre 257,6 millions d’euros de participation de l’État dont 112,8 millions d’euros sur le programme 123, 162,1 millions d’euros de la région et 112,2 millions d’euros du département. Suite à la révision à mi-parcours, le coût prévisionnel total a été porté à 547,9 millions d’euros dont 257,6 millions d’euros de participation de l’État dont 112,8 millions d’euros sur le programme 123, 1 million d’euros de la Région et 115,9 millions d’euros du Département et autres collectivités. Le montant cumulé des crédits du BOP 123 engagés entre 2007 et 2012 s’élève à 64,5 millions d’euros soit un taux d’engagement de 57 %. Le montant cumulé des crédits engagés de la part État, tous BOP confondus, de 2007 à 2012 s’élève à 137,2 millions d’euros soit un taux d’engagement de 53,3 %.

Pour les quatre régions d’outre-mer, le taux d’engagement des CPER est passé de 49 % au 31 décembre 2011 à 54,5 % au 31 décembre 2012.

Ce taux d’engagement est inférieur au taux national qui s’élève à 63,5 % et à l’objectif théorique de 85,7 % correspondant à six annuités.

b. Les contrats de développement (COM)

Le contrat de projet État-Mayotte 2008 – 2014 s’élève à 550,70 millions d’euros sur l’ensemble de la période dont 336,86 millions d’euros de part État. À mi-parcours et dans le contexte de la départementalisation de Mayotte, le contrat de projets a été ramené à 444,43 millions d’euros dont 288,73 millions d’euros de part État dont 140 millions d’euros du programme 123 hors LBU et a fait l’objet d’une révision substantielle en deux volets :

– Une révision des opérations programmées dans le cadre du contrat de projets et dans le respect de l’enveloppe initiale.

– Un raccourcissement du contrat de projet d’un an pour l’aligner avec l’ensemble des contrats projet État-Région français. Mayotte entrera en 2014 dans le droit commun du CPER et pourra parallèlement accéder aux fonds européens. Mayotte vient en effet d’obtenir en juillet 2012 le statut de Région Ultra Périphérique (RUP) européenne à l’issue de la procédure engagée par le ministère des outre-mer auprès de la Commission Européenne.

Le contrat de développement État – Saint-Pierre-et-Miquelon 2007-2013 met en œuvre un ensemble de financements à hauteur de 43,12 millions d’euros sur la période 2007-2013, dont 19,29 millions d’euros issus de l’État, qui permettront la réalisation des opérations regroupées selon les axes suivants : consolidation des équipements, diversification économique, appui au développement de l'Archipel, amélioration des conditions de vie.

Le contrat de développement Wallis et Futuna 2012-2016 dont l’enveloppe globale s’élève à 49 035 millions d’euros dont 41,8 millions d’euros à la charge de l’État dont 34,02 millions d’euros du BOP 123 a été signé le 9 mars 2012. Les axes retenus sont Santé, éducation, emploi, sport et culture d’une part et d’autre part Aménagement durable de l’espace et de l’environnement.

Le contrat de projet État – Polynésie française 2008-2013, d’un montant total de 399 millions d’euros, auquel l’État contribue à hauteur de 177 millions d’euros, s’articule autour des priorités suivantes : le logement (79,14 millions d’euros), la santé (33,84 millions d’euros) afin d’améliorer la couverture sanitaire territoriale conformément aux recommandations du schéma d’organisation sanitaire, en développant l’offre de soins de proximité et en renforçant les moyens dans les domaines des urgences, de la santé mentale et de la sécurité sanitaire, les équipements structurants (61,98 millions d’euros) et l’éducation et la recherche (2,1 millions d’euros)

Dans le cadre du contrat de développement État – Nouvelle-Calédonie 2011-2015 et conformément aux arbitrages du VIIIème comité des signataires de l’Accord de Nouméa du 24 juin 2010, la participation de l’État a été reconduite à hauteur de ses engagements soit 407,40 millions d’euros dont 372,50 millions d’euros du BOP 123 pour la nouvelle génération de contrats de développement 2011-2015. La réunion interministérielle du 30 juin 2011 a, par ailleurs, permis de déterminer le montant que chaque opérateur apporterait : ADEME (10 millions d’euros), ONEMA (5 millions d’euros), CNDS (4 millions d’euros), ANR (3 millions d’euros) et AFIFT (7,5 millions d’euros), montant dans ce dernier cas conditionné à un échéancier précis de construction des infrastructures. Les nouveaux contrats s’articulent autour de deux grands axes stratégiques : d’une part Solidarité, cohésion sociale et jeunesse et d’autre part Aménagement durable de l’espace

Signé le 23 décembre 2010, le contrat de développement de Saint Martin est un nouveau contrat issu du changement de statut administratif de ce territoire. D’un montant total de 81,52 millions d’euros, auquel l’État contribue à hauteur de 30 millions d’euros au titre du contrat de développement et 5,63 millions d’euros au titre du volet territorial du CPER Guadeloupe, le contrat signé le 23 décembre 2010 s’articule autour des priorités suivantes : Réalisation des infrastructures de développement de qualité (4 millions d’euros) pour financer le terminal Moyenne croisière et Inter-îles., Améliorer le cadre de vie (20 millions d’euros) et Assurer la cohésion sociale (10 millions d’euros) par la création de la Nouvelle Cité Scolaire sur le site de la Savane et l’installation du RSMA

3. L’action Continuité territoriale finance essentiellement le fonds de continuité territoriale

La loi du 27 mai 2009 (LODEOM) a créé un fonds de continuité territoriale pour le financement des aides au déplacement des résidents d’Outre-mer. Le fonds serait doté de 45,2 millions d’euros en 2014 contre 47,2 millions d’euros en 2013. Il est réorganisé, tout en conservant une structure par public cible :

– l’aide à la continuité territoriale pour tout public, en prolongement de la dotation de continuité territoriale (ACT) pour 26,3 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement ;

– le passeport-mobilité études pour les étudiants et les lycéens (PME) pour 12 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement ;

– le passeport-mobilité formation professionnelle (PMFP) pour les personnes ayant un projet d’insertion professionnelle pour 7 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

Le bénéfice de ces aides est désormais soumis à des conditions dont trois sont communes :

– la condition de résidence : le demandeur de l’aide justifie que sa résidence habituelle est sise dans l’une des collectivités suivantes : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, La Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna ;

– la condition de ressources : le demandeur doit justifier de ressources inférieures à un montant maximum fixé par arrêté, qui peut varier suivant l’aide et la collectivité de résidence ;

– la condition de non-cumul : les aides du fonds de continuité territoriale ne sont pas versées plus d’une fois par année civile à la même personne.

L’aide ne peut pas dépasser les frais engagés par le bénéficiaire.

Les déplacements aidés sont effectués par le mode aérien en classe économique ou équivalente.

4. L’action Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport

Cette action vise à :

– améliorer l’état de santé des populations d’outre-mer, par le développement d’actions d’information et de prévention, la veille sanitaire et la lutte contre les pathologies spécifiques liées au climat tropical (paludisme, dengue, chikungunya) ou à l’environnement (mercure en Guyane, chlordécone aux Antilles, amiante en Nouvelle-Calédonie) ;

– améliorer les conditions de vie des populations d’outre-mer par la garantie d’une protection sociale adaptée, et par le développement des moyens de prévention et de lutte contre les exclusions, les discriminations et les addictions.

L’action est dotée de 4,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 5,2 millions d’euros en crédits de paiement.

5. Un soutien à la reconversion de l’économie polynésienne absorbant l’essentiel des crédits de l’action Collectivités territoriales

L’objectif de cette action est le suivant :

– maintenir la capacité financière des collectivités territoriales ultramarines et favoriser l’égal accès aux services publics locaux ;

– apporter une aide d’urgence financière et humaine aux populations et aux collectivités frappées par des cataclysmes naturels ;

– appuyer les actions en matière de sécurité et de défense civiles.

L’aide à la reconversion de l’économie polynésienne absorbe 148,1 millions d’euros d’autorisations d’engagement sur 186,1 millions d’euros et 135,2 millions d’euros de crédits de paiement sur un total de 171,6 millions d’euros.

Le reste est affecté à la dotation d’équipement scolaire en Guyane (10 millions d’euros en autorisations d’engagement et 7,9 millions d’euros en crédits de paiement), au Fonds intercommunal de péréquation en Polynésie française (9 millions d’euros autorisations d’engagement et crédits de paiement), à une dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires de Mayotte (10,2 millions d’euros autorisations d’engagement et crédits de paiement), à une subvention d’équilibre des budgets de Wallis-et-Futuna et des Terres australes (6,3 millions d’euros autorisations d’engagement et crédits de paiement) et à l’Agence de développement économique de Nouvelle-Calédonie (0,26 million d’euros autorisations d’engagement et crédits de paiement).

RÉGIME D’AIDE À LA RECONVERSION DE L’ÉCONOMIE POLYNÉSIENNE

Le régime de l’aide à la reconversion de l’économie polynésienne, mis en place au lendemain de la cessation des essais nucléaires afin de garantir à la Polynésie le maintien des ressources que lui procurait l’activité du Centre d’expérimentation du Pacifique, a été profondément réformé par l’article 168 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

Mise en place en 2002 afin de succéder au fonds pour la reconversion de l’économie de la Polynésie française (FREPF), la dotation globale de développement économique (DGDE) était servie annuellement à la Polynésie française, à hauteur de 150,92 millions d’euros. À l’origine, la DGDE a été conçue comme une dotation d’investissement, mais jusqu’à 50 % de son montant ont en pratique été affectés à des dépenses de fonctionnement. En outre, le suivi a posteriori des dépenses engagées au moyen de la DGDE – versée en une seule fois en début d’exercice – s’est révélé délicat.

La réforme de 2011, que le précédent Gouvernement a mis en œuvre, a substitué trois nouvelles dotations à la DGDE :

– une dotation globale d’autonomie pour la Polynésie française (5) (dotation de fonctionnement représentant 60 % du montant de la DGDE, soit 87,7 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2014) ;

– une dotation territoriale pour l’investissement des communes de la Polynésie française (6 % de la DGDE, soit 9 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2014) ;

– un concours de l’État aux investissements prioritaires de la Polynésie française (34 % de la DGDE, soit 51,3 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2014, et 38,3 millions d’euros de crédits de paiement pour couvrir les engagements 2014).

6. L’action Insertion économique et coopération régionales : une action à renforcer

Cette action vise à favoriser l’intégration et l’insertion économique des départements et collectivités d’Outre-mer dans leur environnement régional tout en affirmant la présence française dans ces zones. Il s’agit notamment d’inciter les collectivités à réduire leur isolement et à développer les échanges avec leurs voisins.

Si les objectifs sont louables, la faiblesse de la dotation budgétaire, soit 1,9 million d’euros pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, le Réunion et Mayotte, ne permettra sûrement pas de l’atteindre.

Le Rapporteur spécial rappelle l’importance pour les collectivités ultramarines de sortir d’une économie trop largement tournée vers l’Europe et de leur permettre enfin de profiter pleinement du dynamisme de leur zone où se situent nombre de pays émergents. La faiblesse de la dotation de l’action est de ce fait, à regretter.

7. L’action Fonds exceptionnel d’investissement

Le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) a pour objet d’apporter une aide financière de l’État à des investissements publics structurants réalisés dans les collectivités ultramarines, afin d’accélérer le rattrapage dans les outre-mer.

Les crédits du FEI ont été inscrits sur la mission Outre-mer dès la loi de finances pour 2009, avant même sa création officielle par l’article 31 de la LODEOM. Initialement doté de 39,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 15,8 millions d’euros en crédits de paiement, le FEI a été massivement abondé au titre du Plan de relance de l’économie. Ce sont, au final, 158 millions d’euros en autorisations d’engagement et 46 millions d’euros en crédits de paiement qui ont été consommés en 2009. La loi de finances pour 2010 a ramené le montant des crédits au niveau de la programmation initiale de 2009, soit 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et 17 millions d’euros en crédits de paiement. En loi de finances initiale 2011, le niveau des autorisations d’engagement a été divisé par quatre (10 millions d’euros), et celui des crédits de paiement porté à 21,5 millions d’euros. En 2012, les autorisations d’engagement ont significativement augmenté (17 millions d’euros), le ministère de l’Outre-mer ayant décidé le lancement de nouveaux programmes.

La loi de finances initiale pour 2013 poursuit la tendance observée en 2012 puisque le Fonds a été abondé à hauteur de 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 25,9 millions d’euros en crédits de paiement et le Rapporteur spécial avait salué le fait que l’actuel Gouvernement travaille dans la continuité de l’ancien. Le projet de loi de finances pour 2014 reconduit à l’euro près les dotations de 2013.

Le Fonds devrait être doté de 150 millions d’euros sur la période 2013-2015 afin de financer des opérations de désenclavement, d’adduction d’eau, de gestion des déchets ou de prévention des risques naturels.

8. L’action Appui à l’accès aux financements bancaires

Cette action finance depuis 2010 des mesures dont la création avait été annoncée par le CIOM :

– une bonification des prêts octroyés aux entreprises et aux collectivités territoriales d’Outre-mer par l’Agence française de développement (AFD) ;

– un fonds de garantie agriculture et pêche, afin de faciliter l’accès au crédit bancaire des exploitants agricoles.

La totalité des crédits de l’action servira en 2014 au financement des prêts AFD (30 millions d’euros en autorisations d’engagement et 7,2 millions d’euros en crédits de paiement).

III. UN SOUTIEN DE L’ÉTAT À L’OUTRE-MER PASSANT ESSENTIELLEMENT PAR LA DÉPENSE FISCALE

A. DES DÉPENSES FISCALES, DONT LE MONTANT EST SUPÉRIEUR À CELUI DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES, MAINTENUES EN 2014

Ce montant s’élèverait en 2014 à 3 931 millions d’euros, soit 1,9 fois le montant des crédits de paiement prévus pour la mission.

DÉTAIL DE LA DÉPENSE FISCALE EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER

(en millions d’euros)

Objet de la mesure

2012

2013

2014

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme Emploi outre-mer

Exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

190

190

195

Régime particulier de TVA des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. Déductibilité de la taxe afférente à certains produits exonérés

100

100

100

Abattement d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés applicable aux bénéfices des entreprises provenant d’exploitations situées dans les DOM

74

77

77

Exonération des taxes sur le chiffre d’affaires des opérateurs du secteur audiovisuel et de communications électroniques établis dans les DOM, pour les activités qu’ils y exercent, jusqu’à la disparition des messages publicitaires sur le service public audiovisuel.

5

5

5

Imputation de l’impôt sur le revenu global, sur agrément, des déficits industriels et commerciaux non professionnels provenant de la location d’un hôtel, d’une résidence de tourisme ou d’un village de vacances classé, situé dans les DOM, et ayant fait l’objet de travaux de rénovation ou de réhabilitation

0

0

0

Exonération d’impôt sur les sociétés, sur agrément, des bénéfices réinvestis dans l’entreprise pour les sociétés de recherche et d’exploitation minière dans les DOM

e

e

e

Exonération d’impôt sur les sociétés, sur agrément, des bénéfices en cas de création d’activité nouvelle dans les DOM

0

0

0

Total pour le programme

369

372

377

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme
Conditions de vie outre-mer

Régime de TVA des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. Fixation des taux à : 8,5 % pour le taux normal ; 2,1 % pour le taux réduit

1 160

1 160

1 260

Exclusion des DOM du champ d’application de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants

795

795

800

Réduction d’impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’Outre-mer, avant le 31 décembre 2017

Girardin productif : article 199 undecies B du CGI

470

380

380

Réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements situés dans les départements d’Outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises

Girardin locatif : articles 199 undecies A et 199 undecies D du CGI

330

280

235

Réduction de l’impôt sur le revenu, dans la limite d’un certain montant, pour les contribuables des DOM (30 % en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion ; 40 % en Guyane)

290

300

310

Réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements effectués dans le secteur du logement social, dans les départements et collectivités d’Outre-mer subordonnée à un agrément pour les projets dont le montant est supérieur à 2 millions d’euros.

Défiscalisation du logement social : article 199 undecies C du CGI

208

300

nc

Taux réduit de TVA (2,1 %) applicable aux ventes et apports de terrains à bâtir, aux constructions et ventes de logements neufs à usage locatif réalisés dans le cadre d’investissements locatifs donnant lieu à défiscalisation

25

40

nc

Réduction d’impôt sur le revenu en faveur des investissements locatifs réalisés outre-mer

Scellier outre-mer

16

22

22

Réduction d’impôt sur le revenu en faveur des investissements locatifs réalisés outre-mer dans le secteur intermédiaire

Scellier intermédiaire outre-mer

8

11

11

Réduction de 50 % des tarifs des droits d’enregistrement et de timbre en Guyane

4

4

4

Réduction du taux d’imposition des plus-values réalisées lors de la cession de participations substantielles par des contribuables domiciliés dans les DOM

2

2

nc

Réduction d’impôt en faveur des résidents des départements et collectivités d’Outre-mer au titre de la souscription de parts de fonds d’investissement de proximité (FIPOM) investis dans des sociétés qui exercent leurs activités dans ces départements et collectivités.

2

2

1

Exonération de TVA des transports maritimes de personnes et de marchandises dans la limite de chacun des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion

1

1

1

Déduction d’impôt sur les sociétés des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’Outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements

Défiscalisation à l’IS : articles 217 undecies et 217 duodecies du CGI

144

190

190

Total pour le programme

3 455

3 486

3 554

Dépenses fiscales sur impôts locaux, prises en charge par l’État, contribuant au programme Conditions de vie outre-mer

Exonération partielle des terres agricoles situées dans les DOM (taxe foncière sur les propriétés non bâties)

8

8

8

Abattement de la cotisation sur la valeur ajoutée en faveur des entreprises dont les établissements situés dans les DOM peuvent bénéficier d’un abattement sur leurs bases nettes imposables à la CFE en l’absence de délibération contraire d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale

20

20

nc

Abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties sur la base d’imposition des établissements situés dans les DOM

7

8

8

Abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties en faveur des immeubles anti-sismiques des DOM

0

0

0

Abattement sur la base nette imposable des établissements situés dans les départements d’Outre-mer

12

14

nc

Total pour le programme

47

50

50 (6)

Total pour la mission Outre-mer

3 871

3 908

3 981

Source : projet annuel de performances.

Le tableau précédent appelle une remarque : les dépenses fiscales non renseignées sont les plus dynamiques. En effet, le coût du taux réduit de TVA (2,1 %) applicable aux ventes et apports de terrains à bâtir, aux constructions et ventes de logements neufs à usage locatif réalisés dans le cadre d’investissements locatifs donnant lieu à défiscalisation est passé de 10 millions d’euros en 2011 à 25 millions d’euros en 2012 et à 40 millions d’euros en 2013. Aucun chiffre n’est communiqué pour 2014. De même, les dépenses fiscales liées à la défiscalisation au titre du logement social sont passées de 208 millions d’euros en 2012 à 300 millions d’euros en 2013 et ne sont pas renseignées pour l’année 2014.

B. DÉFISCALISATION : NE PAS AFFAIBLIR LES DISPOSITIFS D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER

1. Article 13 du projet de loi de finances : Réforme du régime de défiscalisation des investissements productifs et des logements sociaux outre-mer

L’article 13 du présent projet de loi de finances propose une modification du régime de défiscalisation des investissements productifs et des logements sociaux outre-mer en introduisant un dispositif de crédit d’impôt. Ces modifications vont avoir un impact sur les 2 500 entreprises et les 70 000 ménages (7) qui ont bénéficié d’une manière ou d’une autre des dispositifs de défiscalisation outre-mer.

Le Rapporteur spécial qui est un défenseur convaincu de la défiscalisation, se réjouit de constater que l’article 13 préserve l’essentiel du dispositif, répond aux propositions formulées par son rapport d’information n° 1024 établi avec Monsieur Jean-Claude Fruteau dans le cadre de la délégation aux Outre-mer sur cet outil d’avenir pour le développement et l’emploi, d’une part et d’autre part, est fidèle aux arbitrages issus des travaux du comité de pilotage chargé de conduire une évaluation des dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement Outre-mer dont il fut également membre.

Selon l’évaluation préalable, l’introduction de ce crédit d’impôt se traduirait par une neutralité budgétaire.

a. Résumé du dispositif et effets principaux

La défiscalisation des investissements réalisés outre-mer repose actuellement sur trois dispositifs principaux :

– l’article 199 undecies B du code général des impôts permet d’obtenir une réduction d’impôt sur le revenu (IR) égale dans la généralité des cas à 38,25 % des investissements productifs réalisés dans les secteurs éligibles (« Girardin industriel ») ;

– l’article 199 undecies C permet d’obtenir, sous conditions, une réduction d’IR égale à 50 % des investissements réalisés dans le secteur du logement social ;

– les articles 217 undecies et duodecies permettent aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés de déduire de leur assiette taxable (donc au taux de 33,3 %) les investissements productifs réalisés respectivement, dans les départements d’outre-mer et dans les collectivités d’outre-mer.

Les investissements peuvent être réalisés directement par les exploitants, mais ils sont le plus souvent « intermédiés ». Dans ce cas, la personne qui réalise l’investissement et bénéficie en retour de l’avantage en impôt doit en rétrocéder une fraction à l’exploitant, le plus souvent sous la forme d’une bonification du loyer du bien ou du logement.

Selon le ministère des Finances, ce montage type génère une forme d’évaporation fiscale, puisque seule la fraction rétrocédée revient à l’outre-mer, le solde servant à rémunérer le contribuable – investisseur. La défiscalisation est également critiquée pour son manque de transparence. C’est pour cette raison que le Rapporteur s’étonne, après constat fait sur le terrain, qu’aucun système d’encadrement de nature à empêcher les risques de détournement de ces dispositifs ne soit prévu. C’est aussi pour cette raison de le Rapporteur spécial, défenseur de la défiscalisation dans les DOM, a été satisfait de voir le projet de loi de finances pour 2014 proposer un crédit d’impôt dans le domaine du logement social.

Par ailleurs, le plafonnement global des réductions et crédits d’impôt à caractère incitatif ou liées à l’investissement, mis en place à compter de l’imposition des revenus de l’année 2009, est toujours fixé à une part forfaitaire de 18 000 euros. Il n’est pas proposé de modification dans l’actuel projet de loi de finances.

b. La création de deux crédits d’impôts

En revanche, le rapporteur spécial n’avait pas souhaité que le crédit d’impôt soit aussi accepté pour le plein droit – difficulté pour les PME et TPE à accéder aux crédits pour le préfinancement, intérêts qui rendrait in fine le crédit d’impôt moins intéressant que la défiscalisation. Il craint en effet que, malgré la faible attractivité du nouveau dispositif, le choix systématique proposé entre le crédit d’impôt et la défiscalisation ne prépare d’ores et déjà la disparition à terme de la défiscalisation, ce qui serait préjudiciable à l’outre-mer. Il faut donc rester vigilant.

● S’agissant des investissements productifs, le recours au crédit d’impôt n’est obligatoire que pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède un seuil fixé à 20 millions d’euros comme l’avait souhaité le Rapporteur spécial, c’est-à-dire une minorité d’entreprises (selon le ministre, 107 entreprises au total, représentant 40 % de l’investissement, se trouveraient dans le champ de cette expérimentation).

Les autres entreprises peuvent choisir de continuer à bénéficier du dispositif prévu par l’article 199 undecies B ou par l’article 217 undecies ou d’opter pour le crédit d’impôt, l’option s’exerçant investissement par investissement et non une fois pour toutes. Le taux du crédit d’impôt est de 38,25 % pour les entreprises soumises à l’IR et de 35 % pour les entreprises soumises à l’IS.

Le taux de la réduction d’IR est en l’état du droit le même, mais seulement 62,5 % – c’est-à-dire la fraction rétrocédée – bénéficient directement à l’exploitant ultramarin (soit 23,9 pour un investissement de 100) : les exploitants avec un chiffre d’affaires suffisant ont donc clairement intérêt à opter pour le crédit d’impôt car l’intégralité du montant de l’aide fiscale leur revient ; le coût pour l’État est en conséquence inchangé. En revanche, pour les petites entreprises, les intérêts dus au titre d’un prêt relais risquent de dépasser la fraction qui bénéficiait auparavant à l’investisseur.

Le Rapporteur spécial estime donc qu’il conviendrait de ne remplacer la défiscalisation par le bénéfice d’un crédit d’impôt que pour les seules entreprises déclarant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 20 millions d’euros ; les autres ne pourraient bénéficier que de la défiscalisation. En effet, les PME et TPE ultramarines n’ont pas les fonds propres nécessaires pour pré-financer ce crédit d’impôt. Les difficultés d’accès au crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) pour les petites entreprises peuvent à cet égard servir d’exemple. Malgré la faible attractivité manifeste du crédit d’impôt pour les PME et TPE ultramarines, il craint que le choix systématique proposé entre le crédit d’impôt et la défiscalisation ne prépare d’ores et déjà la disparition à terme de la défiscalisation, ce qui serait préjudiciable à l’Outre-mer. Il faut donc rester vigilant.

Le Rapporteur spécial a présenté en conséquence un amendement visant à réserver exclusivement le bénéfice du crédit d’impôt aux seules grandes entreprises de plus de 20 millions d’euros de chiffre d’affaire. L’amendement n’a malheureusement pas été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

● S’agissant du logement social, le recours au crédit d’impôt sera donc optionnel. Le taux du crédit d’impôt est de 35 %, ce qui permet aux organismes de logement social de bénéficier d’un niveau de soutien identique aux futurs schémas intermédiés (soit 70 % de rétrocession des 50 % de réduction d’IR). Au contraire de ce qui est prévu pour le secteur productif, l’évaporation fiscale est donc ici captée au profit du budget de l’État et non rétrocédée aux bailleurs outre-mer.

Le taux du crédit d’impôt fixé à 35 % contredit donc clairement l’argument de la neutralité fiscale du nouveau dispositif. Il constituera au contraire clairement une hausse déguisée des prélèvements obligatoires.

Pour reverser le gain fiscal aux organismes de logement social, le Rapporteur spécial a proposé un amendement pour porter le crédit d’impôt à 50 %. L’amendement a ouvert un débat qui a permis à l’Assemblée nationale d’adopter un amendement portant le crédit d’impôt à 40 %. Ces avancées restent à conforter lors de la navette parlementaire.

Ces crédits d’impôt sont immédiatement imputables, et le cas échéant remboursables. Sur le modèle du CICE, la créance « en germe » peut être cédée à un établissement bancaire qui préfinance le crédit d’impôt. Pour les organismes de logement social, le crédit d’impôt pourrait donc être moins avantageux que le régime actuel de défiscalisation, car il faudra assumer le coût du préfinancement (intérêts servis aux banques) sur un montant de soutien public inchangé sauf si ce crédit d’impôt voit son taux relevé.

Au contraire des actuelles réductions d’IR, ces crédits d’impôt sur les bénéfices ne sont pas plafonnés (ni plafonnement spécifique à l’outre-mer, ni plafonnement général). Une évaluation de ces deux crédits d’impôt devra intervenir chaque année à partir de 2016, sachant que l’ensemble des dispositifs (défiscalisation comme crédits d’impôt) arrive à échéance fin 2017.

Enfin, ces crédits d’impôt ne sont une alternative à la défiscalisation que si l’exploitant exerce son activité dans un DOM ; du fait de l’autonomie fiscale des COM, les entreprises qui y sont implantées ne sont pas des sujets fiscaux français et ne peuvent donc bénéficier d’un crédit d’impôt national. Toutes choses égales par ailleurs, les COM ne peuvent donc être « perdantes » du fait de cette réforme.

2. Une insuffisance de la collecte de données qui décourage toute tentative d’évaluation des effets socio-économiques des dispositifs de défiscalisation

Le Rapporteur spécial rappelle les difficultés structurelles – insularité, exiguïté du territoire, marché domestique réduit, aléas climatiques, éloignement – auxquelles sont confrontées les économies ultramarines. Elles font par ailleurs face à la concurrence d’économie de pays à très faibles coûts salariaux.

Les baisses ciblées de fiscalité ne représentent non pas un « cadeau », mais une tentative de maintenir la compétitivité de larges pans de l’économie ultramarine.

Le Rapporteur spécial déplore encore une fois que le dispositif de défiscalisation soit réformé sans qu’une collecte efficace des données relatives à la création d’emploi n’ait été effectuée. Les conclusions du rapport (8) de l’Inspection générale des finances sur les niches fiscales qui soulignait en conclusion que : « l’insuffisante collecte de données en gestion limite la capacité de pilotage de certains dispositifs et les possibilités d’évaluation fine, en particulier concernant la défiscalisation de plein droit », sont malheureusement toujours d’actualité. Cette absence d’évaluation – taux de croissance économique avant et après la mise en place de la défiscalisation, investissements réalisés grâce à ces dispositifs, nombre d’emplois créés, nombre d’emplois sauvegardés – entretient trop souvent le flou et permet toutes les spéculations.

Au cours de son déplacement en Martinique et en Guadeloupe, le Rapporteur a pu toutefois recueillir quelques informations partielles. Il apparaît que l’investissement dans ces deux départements est aujourd’hui particulièrement atone et le taux de chômage qui était passé de 31 % en 2003 – date de la mise en place des dispositifs de défiscalisation – à 23 % en 2009 est reparti à la hausse de manière préoccupante singulièrement depuis l’abaissement du plafond individuel global de défiscalisation.

À titre d’exemple, c’est le cas de la poterie des Trois Ilets en Martinique - plus ancienne poterie de France encore en activité – qui a réalisé depuis 2004 plus de 4,7 millions d’euros d’investissement grâce au dispositif de défiscalisation Outre-mer, ayant pu grâce à ces investissements changer ses équipements et de rénover son bâtiment industriel. Cette entreprise a ainsi préservé une centaine d’emplois industriels et ce qui est exceptionnel, mis en œuvre une nouvelle activité fondée sur le tourisme. D’autres domaines doivent pouvoir profiter de ces flux financiers notamment le nautisme qui se voit concurrencé dans le cadre notamment du tourisme de cabotage de croisière par la création de nouveaux ports d’accueil de plusieurs milliers d’anneaux et par la montée en puissance de pays comme Cuba, la République Dominicaine, Tobago ou Sainte-Lucie, pays qui se préparent à une explosion du transport maritime avec l’ouverture de la nouvelle voie de navigation du canal de Panama.

Quant au logement social, le régime actuel permet à peine de maintenir les réalisations alors que les demandes insatisfaites équivalent à dix ans d’attente et que toutes les zones d’habitats indignes, avec leur cortège de violences et de trafic de stupéfiants, n’ont pas été résorbées. Dans ce contexte, une nouvelle explosion de violence n’est malheureusement pas à exclure.

Seul le système de défiscalisation peut permettre de compenser l’impossibilité pour l’État à financer directement ces besoins.

3. Un régime d’agrément devant être amélioré

Le rapporteur spécial a constaté à l’occasion de son déplacement aux Antilles que l’efficacité du régime d’agrément est compromis par les délais beaucoup trop long découlant des modalités en cours. En effet, attendre plus de deux mois pour disposer d’un agrément est difficile pour les opérateurs. Mais attendre plus de deux ans est inacceptable. Or, le rapporteur spécial a constaté que les retours de l’administration fiscale sont supérieurs à deux ans. Un investissement peut être opportun à court terme, ce qui peut n’être plus le cas deux ans après.

N’allant pas jusqu’à imaginer que ces retards sont dus à un manque d’empressement de l’administration fiscale de voir la défiscalisation se développer, le rapporteur considère ce point à régler pour que le système fonctionne avec efficacité. Si des contrôles sont nécessaires du fait des mouvements de capitaux, il est néanmoins nécessaire, pour une administration fiscale distante de plus de 7 000 km, voir plus de 17 000 km du terrain opérationnel, de juger de l’opportunité de cet investissement lié à un agrément préalable. Là aussi, un meilleur encadrement plus proche du terrain, conjugué à des contrôles à postériori seraient jugés plus efficaces. Ce changement de paradigme aurait, à n’en pas douter, un effet positif et important sur l’investissement.

COMPTE RENDU
DE LA COMMISSION ÉLARGIE DU 29 OCTOBRE

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre des outre-mer, nous sommes heureux de vous accueillir pour l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2014.

La Conférence des présidents, en juillet dernier, a décidé que, cette année, l’ensemble des missions seraient examinées en commission élargie. Cette procédure permet en effet des échanges précis et interactifs entre le Gouvernement et les députés.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Comme tous les ans, la commission des lois apporte une attention soutenue aux Outre-mer ; jeudi, nous aurons d’ailleurs à nous prononcer sur deux textes de la commission mixte paritaire concernant les outre-mer : le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie et le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

Comme c’est désormais l’usage, nos deux rapporteurs pour avis ont ciblé chacun un thème précis, sans empiéter sur le domaine de compétence spécifique de la commission des finances et du rapporteur spécial. M. Marie-Jeanne s’est penché sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires ultramarins – je sais moi-même, pour avoir visité récemment le Camp-Est en Nouvelle-Calédonie et la prison de Mayotte, combien ces deux établissements nécessitent l’attention de l’État. M. Dosière, pour sa part, s’est intéressé aux enjeux économiques des outre-mer, la situation de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie appelant une vigilance toute particulière.

Je tiens également, monsieur le ministre, à vous faire part de notre surprise sur le taux de réponses anormalement faible – 44 % – aux questionnaires que la commission des lois a adressés à vos services. Je veux croire que cela restera exceptionnel, vous sachant attaché à la correction due au Parlement.

M. le président François Brottes. La commission des affaires économiques, pour sa part, est habituée à des échanges d’une grande fluidité avec le ministère des Outre-mer.

Ce n’est pas parce que la présente mission ne représente qu’une faible part des efforts de l’État en direction des outre-mer que le rapport pour avis de M. Letchimy s’est borné à l’analyse des questions énergétiques : il me semble de bonne méthode que les commissions pour avis se focalisent sur des thèmes précis, afin de ne pas réciter l’analyse du budget, qui incombe à la commission des finances.

Par ailleurs, j’organiserai au mois de novembre, selon un engagement pris en séance, une audition de l’Autorité de la concurrence sur la loi relative à la régulation économique outre-mer, qui commence à porter ses fruits. Une date sera donc bientôt communiquée aux membres de la commission.

M. Patrick Ollier, rapporteur spécial de la commission des finances. Les collectivités ultramarines cumulent les handicaps structurels : éloignement, insularité, climat difficile et étroitesse du marché domestique. Ces handicaps, pour l’essentiel géographiques, nécessitent la mise en place de dispositifs spécifiques. La politique d’aménagement du territoire justifie donc des traitements différents lorsque la situation objective le commande. Les zones de revitalisation rurale en métropole, à la création desquelles je fus à l’origine, participent de cet esprit, au nom duquel je défends aujourd’hui les systèmes dits de « défiscalisation ».

De fait, les incitations fiscales permettent l’investissement et créent de la richesse, donc de l’emploi ; aussi, je m’élève contre leur assimilation aux « niches fiscales ». Je puis comprendre que les « orthodoxes » de la loi fiscale combattent de tels dispositifs, qu’ils considèrent comme des outils d’évaporation : leur fonction est de faire rentrer l’impôt. Reste que l’incitation fiscale est nécessaire pour drainer l’épargne privée vers les Outre-mer et y créer de la richesse et de l’emploi, dans un contexte d’argent public rare, où l’État n’a plus les moyens d’abonder les budgets au niveau nécessaire.

Ces incitations fiscales se chiffrent globalement, pour 2014, à un peu plus de 3,9 milliards d’euros. Ce montant peut paraître important, mais il correspond, pour près d’un tiers – soit 1,2 milliard d’euros –, aux taux de TVA à 8,5 % – pour le taux normal – et à 2,1 % – pour le taux réduit.

Je me réjouis, en tout état de cause, que le Gouvernement ait accepté mes propositions, qui pour l’essentiel proviennent du rapport que j’ai cosigné avec M. Fruteau. Je voterai donc les crédits de cette mission, car ils s’inscrivent dans la continuité de la politique que nous avions menée, sous l’autorité du Président Sarkozy et du Premier ministre, François Fillon.

Ma première série de questions concerne précisément les dispositifs d’incitations fiscales et le fonctionnement des futurs crédits d’impôt : en ce domaine, je souhaite que le Gouvernement prenne des engagements. Je me suis rendu en septembre dernier en Martinique et en Guadeloupe, et y ai rencontré des acteurs de la vie économique locale. Il m’a été fait état – et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres – d’une entreprise qui attendait un agrément depuis plus de deux ans. Or il se trouve que l’administration centrale invoque souvent le système des agréments pour critiquer les défiscalisations. Comment peut-on confier à une administration distante de 7 000 kilomètres le soin de juger du bien-fondé d’un investissement, de le retarder pour un temps indéterminé alors que, pendant ce temps, les circonstances économiques ayant changé, l’investissement n’est plus forcément opportun ? Quelles pistes envisagez-vous, monsieur le ministre, pour mettre fin à cet exemple unique d’économie administrée ?

Si rien n’évolue, les PME et les TPE se décourageront d’utiliser les dispositifs de défiscalisation, d’autant qu’elles seront fortement incitées à opter pour le crédit d’impôt, pourtant moins favorable du fait des intérêts liés au préfinancement. Cette « amicale pression » prépare, j’en ai peur, la disparition pure et simple de la défiscalisation dans les années à venir. Aussi ai-je défendu un amendement à l’article 13 du PLF, tendant à réserver le crédit d’impôt aux seules entreprises déclarant un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros, c’est-à-dire aux entreprises dont le volume financier permet de faire face à cette mesure. Cet amendement a malheureusement été rejeté en première lecture. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que la disparition de la défiscalisation n’est pas un des buts du Gouvernement ? Certains signes ne laissent pas de m’inquiéter ; or la stabilité fiscale est une nécessité, notamment pour l’investissement, en outre-mer comme en métropole.

J’ai également constaté, au cours de mon déplacement, que l’administration sur place ne procédait, faute de moyens ou de directives, ni aux contrôles nécessaires, ni aux vérifications permettant de rendre le système totalement vertueux ; de fait, on ne peut nier certains excès ou contournements ; mais il est à craindre que ces critiques ne conduisent à « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Votre ministère, en lien avec le ministère de l’économie et des finances, envisage-t-il des évolutions réglementaires afin de renforcer l’encadrement et les contrôles a posteriori ? Sans ces contrôles, le cas échéant assortis de sanctions, certains seront tentés de supprimer le système, qui fait l’objet des recommandations 6 et 8 du rapport que j’ai cosigné avec M. Fruteau.

S’agissant du service militaire adapté (SMA) en Guadeloupe et en Martinique, dont j’ai pu visiter les établissements, le Président Sarkozy avait annoncé un doublement
– de 3 000 à 6 000 – du nombre de bénéficiaires en 2012. Cet objectif a été repoussé à 2014, puis à 2016. Le SMA et l’apprentissage au bénéfice des jeunes ultramarins sont-ils toujours une priorité pour le Gouvernement ?

Enfin, l’article 70 du PLF vise à plafonner les exonérations de cotisations sociales sur les plus bas salaires. Je défendrai un amendement de suppression de cet article : j’espère qu’il recueillera l’assentiment.

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Outre-mer ». Malgré des signes de reprise, et même si la loi Lurel relative à la régulation économique a permis de contenir l’augmentation des prix, la situation économique des Outre-mer reste morose. Les collectivités ultramarines, notamment dans les Caraïbes, sont dans une dynamique d’intégration régionale qui les conduit à siéger dans des organismes internationaux tels que l’OECS – Organisation des États de la Caraïbe de l’Est –, CARICOM – Caribbean Community and Common Market –, l’AEC – Association des États de la Caraïbe – ou la CEPALC – Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes. Nos atouts, considérables, doivent assurément être valorisés à travers des politiques de filières.

Le budget de la mission est en augmentation : il faut s’en féliciter, au vu du contexte budgétaire difficile, même si certains aspects méritent quelques observations. En tout état de cause, les outre-mer, loin de profiter des arbitrages budgétaires, participent eux aussi à l’effort de redressement des finances publiques. Enfin, la défiscalisation a été sauvegardée dans ses principes, et la ligne budgétaire unique (LBU) sanctuarisée, notamment sur le logement.

Notre monde connaît différentes mutations, écologiques, climatiques et énergétiques. Dans ce contexte, la transition énergétique nous donne l’opportunité de développer des filières économiques. Nous avons des atouts dans bien des domaines, qu’il s’agisse de l’énergie thermique en mer, de l’éolien ou de la géothermie, pour laquelle des projets sont en cours, en association avec d’autres régions, en Caraïbe et ailleurs. Une nouvelle vision du développement économique est donc possible, même si, j’en suis d’accord avec M. Ollier, la stabilité fiscale et financière est nécessaire à l’innovation. Le dépassement du seuil de 30 % de la puissance appelée par les énergies intermittentes sur le réseau classique peut engendrer des « bugs » ; mais le stockage peut précisément être à l’origine d’innovations, en particulier sur les smart grids, afin de permettre un accès différencié, démocratique et social. De ce point de vue, les outre-mer sont à même de participer à ce que Jeremy Rifkin appelle la « Troisième révolution industrielle », à laquelle il serait intéressant d’associer des politiques d’habilitation. L’habilitation obtenue par la Martinique et la Guadeloupe relativement à l’énergie permet ainsi de faire le lien entre la réglementation, la législation, le financement et les projets. Nous avons également obtenu, dans le même esprit, une habilitation relative aux transports.

La défiscalisation est un outil essentiel. La stigmatisation dont elle fait l’objet nous a conduits à mener une réflexion, mais, avec l’appui de M. Ollier et de présidents de commission, la majorité a obtenu le maintien de ce dispositif. Pour ce qui est du financement des logements sociaux, le seuil, fixé à 5 % sur proposition du rapporteur général Christian Eckert, me paraît néanmoins trop élevé ; aussi conviendrait-il de le ramener à 3 %. Quoi qu’il en soit, une analyse d’impact me semble à tout le moins nécessaire.

La loi dite « Grenelle I » a fixé, pour les outre-mer, un objectif de 50 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique. Certaines régions ont les moyens d’atteindre cet objectif très ambitieux, et les outre-mer peuvent, sur ce sujet, devenir des espaces de recherche. On comprend mal, néanmoins, le retrait d’EDF du projet de centrale géothermique à la Dominique. Au moment où les collectivités ultramarines prennent des initiatives fortes pour assurer leur insertion dans les espaces régionaux, comment éviter qu’une telle mésaventure, qui constitue un camouflet pour le Gouvernement et les collectivités, ne se reproduise ? La décision unilatérale d’EDF, après les engagements pris par le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de collectivité, pose un vrai problème de gouvernance.

Gardons-nous, enfin, de calquer les projets des outre-mer sur ceux de l’Hexagone. Comment, de ce point de vue, s’assurer de la pleine intégration des outre-mer dans les futures lois sur la transition énergétique ? Les dispositions relatives aux outre-mer méritent un chapitre entier, et non deux ou trois articles, voire un seul comme dans le projet de loi d’orientation agricole. Un tel chapitre pourrait notamment assurer le lien avec le projet de loi relatif à la compétitivité et à l’emploi, afin de faire émerger une filière, au bénéfice de l’activité et de l’emploi dans nos territoires.

M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements d’outre-mer. L’ampleur de la surpopulation carcérale dans les départements et collectivités d’outre-mer, plus que nulle part ailleurs sur le reste du territoire, est telle qu’elle nécessitait à mes yeux une analyse des causes, en vue de dégager quelques solutions durables. Mon rapport, je tiens à le préciser, n’est nullement un réquisitoire, mais un rappel et un appel : un rappel sincère et objectif des faits et des données sur la surpopulation carcérale outre-mer ; un appel au Gouvernement, donc à vous, monsieur le ministre, pour remédier durablement à cette situation déplorable, qui va jusqu’à menacer nos sociétés déjà fragiles.

Mettre durablement fin à la surpopulation carcérale dans les Outre-mer suppose non seulement une politique active de rénovation et d’extension des capacités pénitentiaires, mais aussi un développement significatif des aménagements de peines et des alternatives à la prison, et une lutte plus efficace contre l’inactivité en détention.

Des efforts importants ont été consentis, au cours des dernières années, pour remédier tant à la vétusté qu’au manque de place dans les établissements pénitentiaires outre-mer. Toutefois, selon les données qui m’ont été transmises, au 1er septembre 2013, aucun de ces établissements ne disposait d’unité de vie familiale ou de parloir familial, alors même que l’article 36 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a posé le droit, pour chaque personne détenue, de bénéficier d’une visite trimestrielle dans l’une ou l’autre de ces deux structures. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les initiatives envisagées en partenariat avec le ministère de la justice, afin de permettre le déploiement rapide, dans les établissements ultramarins, de ces structures indispensables au maintien des relations familiales et personnelles ?

Par ailleurs, dans le cadre de la future loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2015-2017, sont envisagées l’implantation d’un centre de semi-liberté en Martinique et la création d’un centre pour courtes peines aux alentours du pôle judiciaire de Koné, dans la province Nord de la Nouvelle-Calédonie. Des études de faisabilité et des recherches foncières seraient actuellement en cours de réalisation. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer précisément où en sont ces deux projets, d’autant plus attendus que les Outre-mer manquent cruellement de structures diversifiées pour répondre de manière satisfaisante et adaptée aux profils très différents des personnes détenues ? Où ces projets seront-ils effectivement réalisés ? Combien de places offriront-ils ? Quels seront leurs coûts respectifs ?

S’agissant de la diversification de la réponse pénale et du développement des alternatives à la détention, la future réforme pénale créera une nouvelle peine de contrainte pénale, et renforcera le suivi de chaque personne condamnée par les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Or, en dépit d’une augmentation des effectifs de l’administration pénitentiaire outre-mer depuis 2007, les services d’insertion et de probation de ces territoires souffrent d’une insuffisance criante de moyens budgétaires et humains, à telle enseigne que chaque agent y suit en moyenne près de 96 personnes, contre 90 sur l’ensemble du territoire national. De surcroît, l’éloignement, l’insularité, un relief et des climats parfois difficiles obligent les services pénitentiaires à organiser de nombreuses permanences délocalisées, occasionnant des déplacements longs et coûteux. Quelles sont les mesures envisagées, en lien avec le ministère de la justice, pour soutenir les services pénitentiaires d’insertion et de probation dans les Outre-mer, et prendre en compte la spécificité de ces territoires dans le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines ?

Je reste enfin convaincu, aux termes de mes travaux, que le temps passé en détention doit davantage être consacré à l’activité, à la formation et à la réinsertion des détenus. Or, à cause de la crise et du chômage de masse en Outre-mer, ce sont les publics les plus jeunes qui sont les premiers touchés. Faute d’entreprises candidates, les établissements pénitentiaires éprouvent d’importantes difficultés à développer, dans leurs murs, des activités de travail rémunérées, autres que celles liées au service général, en vue de la réinsertion. De même, les associations spécialisées dans la réinsertion disparaissent bien souvent aussi vite qu’elles sont nées, ce qui empêche la mise en place d’actions pérennes. L’instabilité de ce tissu associatif, notamment observée en Guadeloupe et en Martinique, s’explique, pour une large part, par le manque de trésorerie de ces structures. Quelles sont les mesures envisagées pour développer les actions de formation et l’implantation de nouvelles activités rémunérées en prison, dans un contexte socio-économique peu favorable outre-mer ? Comment remédier à la fragilité, notamment financière, du réseau associatif spécialisé dans la réinsertion ?

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les terres australes et antarctiques françaises. Nous sommes satisfaits que les dotations globales pour l’ensemble des territoires d’outre-mer augmentent de 2 %, à hauteur de 2,67 milliards d’euros.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, je vous renvoie au rapport que le président Jean-Jacques Urvoas, Dominique Bussereau et moi-même avons présenté à la suite de la mission que nous avions effectuée en septembre dernier sur le territoire.

Je concentrerai mon propos sur la Polynésie où les élections territoriales de 2013 ont donné une majorité très forte, à l’assemblée, au parti de M. Gaston Flosse. Pour la première fois depuis 2004, le gouvernement local est assuré de cinq ans de stabilité ; occasion pour la Polynésie de mettre un terme à ses graves difficultés financières puisqu’elle est conduite chaque année à solliciter auprès de l’État des avances de trésorerie pour payer son personnel – démarche peu compatible avec son statut d’autonomie impliquant la souveraineté fiscale. Nous disposons à cet égard de tous les éléments nécessaires pour établir un diagnostic : une mission d’assistance réclamée par les gouvernements polynésiens sous la présidence d’Anne Bolliet a remis un rapport exhaustif proposant tout une série de pistes positives ; de même, tous les rapports de la chambre territoriale des comptes montrent la voie à suivre.

Pour échapper aux errements passés, je propose des objectifs clairs, notamment que la collectivité et l’ensemble des satellites créés au fil du temps réduisent de façon drastique leurs dépenses de fonctionnement, en particulier leur masse salariale, afin de dégager une capacité d’investissement qui favorisera la croissance économique et la création d’emplois dans le secteur privé. Il conviendra simultanément de transformer une économie administrée en une économie reposant sur un capitalisme entrepreneurial dynamique, concurrentiel et doté d’un système fiscal juste où les bénéficiaires de revenus élevés contribueront davantage que les personnes pauvres. Pour y parvenir, les comptes de la collectivité devront être sincères. La mission d’assistance et la chambre territoriale des comptes ont montré que ce n’était pas le cas depuis au moins 2006 à hauteur d’au moins 20 % des recettes de fonctionnement. Or l’État n’a rien fait pour y remédier. Les comptes devront donc être certifiés par la chambre territoriale des comptes, assistée par la Cour des comptes ou un cabinet métropolitain d’expertise comptable.

Il convient également de faire bouger les choses concernant le système fiscal : la Nouvelle-Calédonie est le territoire le plus peuplé où il n’existe pas d’impôt sur les revenus. La fiscalité y est uniquement indirecte. Ce qui reste étonnant.

Il faudrait constituer un comité de pilotage réunissant des élus, des représentants du gouvernement local, chargé de vérifier chaque année que les objectifs fixés ont bien été atteints. Ainsi pourrait-on mieux préparer les dotations de l’État. Que pensez-vous d’une telle démarche, monsieur le ministre ?

Pour le reste, notre collègue Annick Girardin a souligné à quel point il importait que la France suive le dossier de la délimitation du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, dossier qui conditionne l’avenir économique de l’archipel. Il convient de vérifier que les autorités françaises le défendent bien auprès des instances de l’ONU.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. L’examen du budget en commission élargi, plus resserré, permet peut-être davantage d’échanges. Cela dit, je n’ai pas d’appréciation à porter sur les décisions de la conférence des présidents et sur la manière dont le Parlement travaille.

Le présent budget s’inscrit dans la continuité du précédent – défini comme un budget de combat. Il marque le retour de l’État dans les outre-mer qui restent une priorité au même titre que la sécurité, la justice ou l’éducation. Les autorisations d’engagement baissent de 1,8 % du fait d’un changement de périmètre tandis que les crédits de paiement augmentent de 1 %.

Le budget pour 2014 permet de consolider les priorités définies au moment de l’alternance.

C’est le cas du logement grâce à la hausse des crédits de paiement de la LBU à hauteur de 244 millions d’euros, soit une augmentation de plus de 25 % depuis 2011, de 15 % depuis 2012 et de 8 % par rapport à 2013.

C’est ensuite le cas de la jeunesse et de l’emploi, notamment avec la poursuite de la montée en puissance du SMA. Un premier report de l’opération SMA 6 000 avait été décidé par le précédent gouvernement et, dans l’impossibilité, faute d’infrastructures, d’accueillir 6 000 stagiaires en 2013 ou 2014, cette opération est repoussée à 2016. Le SMA, en termes de rémunérations, de fonctionnement et d’investissement, représente 159 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit 6 % d’augmentation, et 151 millions d’euros en crédits de paiement, soit 8 % de hausse.

La troisième priorité est l’investissement public avec une nouvelle enveloppe de 50 millions d’euros au titre du fonds exceptionnel d’investissement, une augmentation des autorisations d’engagement des crédits pour les contrats de plans État-région de 10 millions d’euros, une augmentation de 10 millions d’euros en crédits de paiement du troisième instrument financier pour la Polynésie française, enfin le maintien d’une capacité d’engagement de 20 millions d’euros pour les constructions scolaires en Guyane et à Mayotte.

Quatrième priorité, le Gouvernement renouvelle son effort envers les entreprises avec la stabilisation des compensations d’exonérations pour 1,131 milliard d’euros, soit une diminution de 24 millions d’euros par rapport à 2013 et non 90 millions, chiffre qui concerne la prévision triennale, avec un redéploiement d’un tiers de la somme – entre 26 et 30 millions d’euros – en faveur des outre-mer. Il s’agit donc d’un effort supportable. Est en outre prévu un quasi-triplement des autres aides aux entreprises dont les crédits supplémentaires feront l’objet d’un fléchage dans le futur projet de loi relatif au développement et à la modernisation de l’économie des outre-mer. Il s’agit de 25 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une augmentation de 178 %, et de 16,5 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 80 %.

La réforme des barèmes d’exonérations – recentrage assumé – porte sur les plus hauts salaires. Toutes les études menées sur le coût du travail montrent que les réformes les moins défavorables à l’emploi sont celles qui préservent les plus bas salaires, ici inférieurs à 1,6 SMIC pour les secteurs prioritaires, à savoir 73 % des salariés de l’outre-mer. La situation de près de 93 % des établissements et de 90 % des salariés s’améliore ou reste inchangée car le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) représente 320 millions d’euros d’allégements supplémentaires pour 2014. Les hauts revenus sont certes pénalisés : pour un salarié qui gagne 2,5 fois le SMIC, la hausse du coût du travail liée à la refonte des exonérations couplée au CICE représentera 43 euros, soit 0,9 %. Le dispositif ne créera donc pas de trappe à bas salaires. J’y insiste : nous soutenons les entreprises.

Le budget pour 2014 est également celui de la cohérence. Alors que, d’ordinaire, la définition du budget était réservée aux services du ministère sans que le Parlement soit consulté en amont, nous avons su mener une concertation très approfondie et avons tenu compte scrupuleusement des propositions des députés, notamment en matière d’aide fiscale à l’investissement – relisez l’article 13 du projet de loi de finances. Le dispositif concerne 2 milliards d’euros d’investissements dont un milliard de dépenses fiscales. Trois principes ont été respectés : pas de désengagement, pas un euro d’économie réalisé sur le dos des entreprises ultramarines ; recherche d’une plus grande efficience dans l’allocation de la dépense publique ; réforme menée en concertation.

Cette réforme prévoit le maintien de droit d’une défiscalisation mieux encadrée : pour les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 20 millions d’euros ; dans le secteur du logement social ; dans les collectivités qui jouissent d’une autonomie fiscale.

Le texte prévoit par ailleurs l’expérimentation d’un crédit d’impôt attractif au taux de 38 % pour les sociétés soumises à l’impôt sur le revenu, de 35 % pour celle soumises à l’impôt sur les sociétés et de 40 % dans le logement social, soit un avantage à l’exploitant supérieur à la défiscalisation. Cela suscite quelques frayeurs : y a-t-il une arrière-pensée ? Le renforcement de l’attractivité du crédit d’impôt cache-t-il l’intention de supprimer, à terme, la défiscalisation ? Nous avons prévu une évaluation en 2016 afin de garantir la stabilité fiscale jusqu’en 2017. En attendant, sur des dépenses fiscales de plus de un milliard d’euros, entre 250 et 300 millions d’euros sont perdus. Or si nous pouvons garantir la même attractivité sans ces pertes, tout le monde en bénéficierait.

En matière de politique transversale, l’effort budgétaire et financier de l’État en outre-mer est intégralement maintenu autour de 14,3 milliards d’euros dont 3,98 milliards d’euros de dépenses fiscales.

M. le président Urvoas a indiqué que 44 % des réponses aux questionnaires budgétaires lui étaient parvenues avant le 10 octobre. Nous avons en effet une semaine de retard.

Monsieur Brottes, je me réjouis de savoir que l’Autorité de la concurrence (ADLC) sera auditionnée et qu’un suivi sera assuré pour l’application des lois en matière de concurrence et en matière de lutte contre la vie chère dont je rappelle qu’elle ne se résume pas au bouclier qualité-prix. Nombreux sont ceux qui réduisent en effet une loi structurelle à son dispositif le plus visible et le plus médiatisé qui, au demeurant, respecte les principes fondamentaux d’une économie de marché en évitant d’imposer administrativement des prix. Il sera appliqué aux carburants. Nous pouvons désormais réglementer certains secteurs en amont – les marchés de gros, les marchés d’acheminement – avec l’accord et la coopération de l’ADLC. Ainsi a-t-on enregistré une diminution de plus de 10 % du fret.

Quand l’ADLC donne des injonctions, la baisse est-elle répercutée en aval ? C’est en réalité la marge des importateurs qui augmente, comme dans le domaine des télécommunications.

M. le président François Brottes. Je signale que c’est le 4 décembre à 9 h 30 que Bruno Lasserre, président de l’ADLC, sera auditionné par la commission des affaires économiques.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer.  Le décret concernant les carburants devrait paraître avant le 1er janvier 2014. Un rapport indiquait que des marges de 12 à 15 % étaient excessives. Il faut par ailleurs respecter les normes européennes.

Vous avez raison, monsieur Brottes, de trouver le délai des agréments trop long. Deux instructions sont en effet prévues – l’une par la direction régionale des finances publiques (DRFIP), l’autre par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL). Un guichet unique est en cours d’élaboration mais j’ignore si nous pourrons aller plus loin. Si les agréments donnés par la DEAL prennent deux mois et ceux délivrés par le DRIFP trois mois, c’est beaucoup plus long pour les opérateurs sociaux dans la pratique.

M. le président François Brottes. Cela prend parfois deux ans.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer.  Ce serait exceptionnel. Reste que les délais doivent être améliorés et que nous demeurons très vigilants.

Il a ensuite été avancé que l’administration ne disposait pas de moyens de contrôle en matière de défiscalisation de plein droit. Il faudra très rapidement faire appliquer les mesures qui viennent d’être prises. Il s’agit de ne pas donner l’impression, à travers le contrôle, de revenir sur le principe du plein droit. Il convient donc de préserver un équilibre entre le dynamisme économique et le nécessaire contrôle de l’argent public.

L’opposition soupçonne le Gouvernement de vouloir supprimer, à terme, la défiscalisation. Vous voulez réserver le crédit d’impôt aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires de plus de 20 millions d’euros. Compte tenu de l’attractivité de ce crédit d’impôt, nous pensons laisser les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur en profiter. Après évaluation en 2016, nous aviserons.

Monsieur Ollier, vous voterez contre l’article 70 du projet de loi de finances mais vous vous trompez sur son impact. Comment peut-on, contrairement à tous les secteurs du territoire national, ne demander aucun effort aux outre-mer pour le redressement des finances publiques du pays au prétexte qu’elles viennent de plus loin – en termes non géographiques mais économiques ? L’équité commande le partage de l’effort. Ce que nous demandons aux outre-mer l’est en stricte conformité avec l’article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel chacun doit donner en fonction de ses facultés contributives.

En outre, comment peut-on soutenir que ce sont les exonérations qui déclenchent le recrutement d’un cadre pour un salaire allant de 4 200 à 6 400 euros ? Ce qui doit déterminer le recrutement est la capacité à remplir la fonction confiée. Quant aux entreprises qui ne bénéficient pas du CICE, très rares, ce sont celles auxquelles ne s’applique pas le régime réel normal ou simplifié – les agriculteurs, les artisans, les associations…, qui ne sont pas concernées par le recentrage.

Monsieur Letchimy, la loi relative à la régulation économique outre-mer a en effet permis de ralentir la hausse des prix, voir de faire baisser ceux des produits alimentaires et de première nécessité, mais ce n’est pas suffisant. Je tiens à ce que l’on s’empare de la loi : ce n’est pas depuis Paris que l’on fera baisser les prix ; on doit pouvoir compter sur une implication de tous et en particulier de la société civile. Que les entreprises s’en emparent, les élus également – un président de région a le même pouvoir que le ministre de l’économie et des finances à Paris. Le président du département pouvait auparavant confier un EPAD à un monopole ; aujourd’hui, le président de région peut demander à l’ADLC une analyse et des recommandations. Il faut également que les organisations de consommateurs se développent dans les outre-mer car elles n’y forment pas un contre-pouvoir – or le pouvoir du consommateur est un vrai pouvoir démocratique. Je n’oublie pas les collectivités. À la Réunion, on a commencé de travailler sur les exclusivités d’importation, sur la manière de fluidifier l’économie, la rendre plus concurrentielle.

Pour ce qui est de la proportion minimale que doit représenter la subvention publique dans le financement des logements sociaux, le seuil de 5 % résulte d’un bon arbitrage – certains ministères demandaient 10 voire 20 %. Et les simulations prévoyant une baisse consécutive des investissements de moitié ne sont pas fondées. Il ne faut pas se montrer trop rigide et le seuil de 5 % me paraît parfaitement compatible avec le nécessaire dynamisme de la construction du logement social.

Il faut tout faire pour respecter l’objectif de 50 % d’énergies renouvelables produites dans les régions ultramarines. Comme ministre, je n’ai pas compris le retournement soudain d’EDF, malgré le poids de l’État dans son capital, et après cinq ou six années d’études cofinancées par les régions de Guadeloupe et de Martinique, l’État et l’Europe, au motif qu’un seuil de rentabilité de plus de 13 % n’était pas atteint – un taux qui, je l’ai dit à M. Proglio, évoque le rendement de fonds de pension et ne paraît pas recevable dans la filière industrielle. Le Gouvernement a pris d’autres engagements, avec d’autres groupes, et étudie la manière dont ce projet, que nous n’entendons pas abandonner, pourrait être repris.

S’agissant de la stabilité fiscale, j’ai répondu qu’elle état assurée jusqu’en 2017.

En ce qui concerne le stockage, je reviens de Mayotte où une expérience mondiale est conduite en vue de résoudre le problème du stockage de l’énergie intermittente. Pour la mener à son terme, il manque toutefois le décret consécutif à l’amendement de Marc Goua visant à rendre les opérateurs gestionnaires de réseau éligibles au financement par la CSPE. Ce type d’action pourrait donner de très beaux résultats dans tous les outre-mer, du moins dans le domaine de l’énergie solaire photovoltaïque.

J’ai personnellement pris part aux ateliers organisés dans le cadre de la conférence sur la transition énergétique ainsi qu’aux débats régionaux, conclus en mon ministère, avec Philippe Martin et en association avec les élus de Corse. Le projet de loi en préparation, qui sera discuté à la fin du second semestre 2014, tiendra compte des propositions formulées, non dans un seul article, mais dans un volet entier consacré à l’outre-mer. Celui-ci fera également l’objet d’un volet – qui pourra prendre la forme d’un chapitre – de la loi agricole ; je suis un peu surpris d’entendre parler d’un seul article. Il est vrai que toutes les dispositions n’y figureront pas, celles relatives aux retraites étant renvoyées à la loi portée par Marisol Touraine. Mais toutes les idées qui ont été proposées et étudiées se retrouveront soit dans la loi agricole, soit dans la loi sur les retraites.

Monsieur Marie-Jeanne, la garde des sceaux a annoncé la création d’un groupe de travail sur les problématiques carcérales outre-mer auquel participent onze parlementaires ultramarins et dans lequel les services de mon ministère sont très impliqués. Les moyens de la justice seront accrus afin de rénover des établissements pénitentiaires. En Nouvelle-Calédonie, la rénovation a déjà commencé au Camp-Est ; en ce qui concerne l’antenne de Koné, une mission de préfiguration doit partir le 6 décembre. J’en ai discuté sur place avec les autorités. Il est également prévu de construire à Koné un centre de courtes peines. À Mayotte, la maison d’arrêt de Majicavo, en reconstruction, doit être livrée fin 2015. En Polynésie française, un nouvel établissement doit être construit fin 2016. En Martinique, l’extension de 160 places du centre de détention est prévue pour fin 2014 et la construction du centre de semi-liberté pour 2015.

Je partage votre constat s’agissant de l’insalubrité et de l’offre de soins aux détenus. Attendons les conclusions de la Cour des comptes, qui prépare un rapport sur le sujet. Quant à l’accès au droit, dont votre rapport ne parle pas mais que vous évoquiez l’année dernière, j’ai accordé à l’Observatoire international des prisons une subvention pour lui permettre de diffuser largement dans les prisons ultramarines son Guide du prisonnier, riche en conseils pratiques très utiles.

En ce qui concerne les mesures alternatives à l’incarcération, nous développons aussi outre-mer le placement sous surveillance électronique. En 2013, 9,6 % des condamnés, soit 545 détenus, ont bénéficié d’un régime de semi-liberté en milieu ouvert. La Guadeloupe ne dispose d’aucun quartier pour les mineurs, ce qui pose un véritable problème. Une proposition a été formulée, que le Gouvernement examine, en vue de créer un centre éducatif fermé et de transformer le CEF de Port-Louis en quartier pour mineurs, ce qui nécessite quelques moyens supplémentaires.

Afin de remédier au peu d’intimité dont souffrent les détenus lorsqu’ils rencontrent leur famille, les établissements en construction – en Polynésie comme dans l’établissement de Majicavo, à Mayotte – seront dotés d’unités de vie familiale et/ou de parloirs pour les familles, selon tous les plans qui ont été présentés jusqu’ici. Par ailleurs, dans le cadre du triennal 2014-2016, des crédits seront prévus pour les établissements suivants : Baie-Mahault, Le Port, Rémire-Montjoly, Nouméa, Ducos, Faa’a et Saint-Denis.

Monsieur Dosière, les crédits augmentent en effet de 2 % pour la Nouvelle-Calédonie. Nous avons étudié vos rapports de près et nous en tenons compte.

Vous estimez qu’en Polynésie les comptes ne seraient pas sincères…

M. René Dosière, rapporteur pour avis. C’est la chambre territoriale des comptes qui le dit depuis 2006, monsieur le ministre !

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Nous y sommes très attentifs. Vous proposez une certification des comptes par un organisme extérieur, de préférence parisien. Permettez-moi de prendre le temps de la réflexion avant de vous répondre. Car, au-delà du problème de la sincérité des comptes, le Gouvernement ne veut pas donner l’impression de remettre en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales ni l’autonomie du pays. Nous restons prudents, même si nous sommes vigilants s’agissant des comptes – cela relève d’ailleurs de l’exigence que l’État a imposée aux autorités du pays dans le cadre du plan de redressement, en contrepartie de l’avance de trésorerie de 41,9 millions d’euros, remboursable sur deux ans, décidée par le Premier ministre et dont je confirme devant vous l’octroi à la Polynésie française. Quant au comité de pilotage chargé de vérifier l’exécution du plan de redressement, c’est une bonne idée, mais nous ne devons pas donner l’impression, là non plus, de vouloir reprendre d’une main ce que nous avons donné – ou que l’on nous a arraché – de l’autre main. Il n’est pas question de porter atteinte aux libertés territoriales.

S’agissant enfin de Saint-Pierre-et-Miquelon, le Président de la République s’est personnellement engagé à faire de la lettre un dossier et à étudier le moyen de traiter le problème lors de son prochain voyage au Canada.

Je reçois à l’instant un message de l’Élysée : on vient d’annoncer la libération des quatre otages détenus au Mali, dont le Martiniquais Thierry Dol. (Applaudissements.)

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Voilà une nouvelle qui ravit naturellement la commission élargie.

Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes, auxquels je demande de respecter scrupuleusement leur temps de parole.

M. Bernard Lesterlin. Le groupe SRC note avec satisfaction que la mission budgétaire « Outre-mer » est l’une des rares à connaître une augmentation en 2014, comme en 2013. Le budget de l’outre-mer représente un peu plus de 2 milliards d’euros, en hausse de 20 millions d’euros. Cet effort est d’autant plus significatif que cette année, pour la première fois, les dépenses de l’État sont en baisse.

Rappelons qu’en dehors des deux programmes qui structurent ce budget, nous avons voté en première lecture un article 13 qui réforme le régime de défiscalisation des investissements productifs et des logements sociaux outre-mer, comme annoncé lors du débat budgétaire de l’année dernière. Une large concertation entre le Gouvernement et les différents acteurs ultramarins a en effet débouché sur une réforme consensuelle de la dépense fiscale outre-mer. Les dispositifs existants sont conservés et encadrés pour plus d’efficience. En outre, deux dispositifs nouveaux sont créés à titre expérimental, dont l’objet principal est d’attribuer directement l’avantage fiscal à l’exploitant ou aux organismes de logements sociaux ultramarins en vue de limiter les frais d’intermédiation et de supprimer la part de la dépense fiscale qui ne bénéficie qu’aux contribuables apporteurs de capitaux.

Nous avons entendu M. le rapporteur spécial, mais nous n’en approuvons pas moins l’article 70 de la seconde partie du PLF, qui recentre sur les bas salaires l’exonération de cotisations employeur outre-mer afin de la rendre plus efficiente. Cette réforme réserve le dispositif aux rémunérations inférieures à 1,4 Smic, ce qui concerne deux tiers des salariés outre-mer. Ses effets, couplés à ceux de l’entrée en vigueur du CICE, contribueront à réduire significativement les charges pour près de 90 % des salariés et 93 % des entreprises.

Les deux programmes « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer » connaissent une augmentation substantielle dans un contexte de restriction budgétaire. Nous nous félicitons de ce signal fort adressé aux outre-mer. Le programme 138 a pour objectifs l’amélioration de la compétitivité, du fonctionnement des marchés locaux, auquel nous avons travaillé en début de législature, de l’insertion des économies dans leur environnement régional, de l’insertion professionnelle, notamment celle des jeunes, et des équipements structurels par la relance de l’investissement public. Les objectifs du programme 123 sont l’amélioration des conditions de logement par le développement du logement social neuf et la lutte contre l’habitat insalubre – à propos de laquelle nous saluons la contribution de notre collègue Letchimy –, la continuité territoriale au nom de la justice sociale et l’accompagnement des collectivités territoriales dans l’aménagement et le développement de leurs territoires.

Trois priorités se dégagent de ce budget. La première est le logement, dont relèvent les dispositifs de défiscalisation que j’ai rappelés et, surtout, une ligne budgétaire unique qui augmente très sensiblement, de 8 % cette année et de 15 % depuis 2012. S’y ajoutent le maintien des dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement dans le secteur du logement locatif social et un dispositif optionnel de crédit d’impôt instauré à titre expérimental. La deuxième priorité est l’investissement public ; à cet égard, nous notons avec satisfaction le maintien d’une enveloppe de 50 millions d’euros, mais je m’interroge, monsieur le ministre, sur l’engagement présidentiel de 500 millions. La troisième priorité est le service militaire adapté – SMA –, dont les crédits augmentent de 8 %.

Voilà qui justifie pleinement que le groupe SRC vote ce budget.

M. Daniel Gibbes. Comme tous les parlementaires présents, sans doute, les membres du groupe UMP accueillent avec un certain soulagement le budget de l’outre-mer pour 2014. En légère augmentation, il montre en effet que le Gouvernement a conscience des urgences auxquels sont confrontés nos douze territoires ultramarins. Les outre-mer ont d’ailleurs été au cœur de la vie parlementaire cette année : je songe, monsieur le ministre, à votre projet de loi contre la vie chère, ainsi qu’à la proposition de loi de Mme Vainqueur visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer. Cette prise de conscience a été en grande partie amorcée sous la précédente majorité.

Si le budget passe la barre symbolique des 2 milliards d’euros pour les deux programmes de la mission, ce n’est pas pour autant un budget de combat, monsieur le ministre. Comment le Gouvernement aurait-il pu se passer de maintenir un niveau déjà très insuffisant pour nos territoires, presque tous enlisés dans une situation économique, sociale, écologique, démographique et sécuritaire dramatique ? Il s’agit bien plutôt d’un budget de continuité, sa légère augmentation n’ayant pas fourni l’occasion de réviser certaines priorités.

Pour m’en tenir à quelques remarques seulement : dans le programme 138, oui au SMA – vous savez, monsieur le ministre, combien la question est sensible et le projet attendu sur le territoire de la collectivité de Saint-Martin. Mais l’encadrement militaire, si efficace soit-il, de quelques poignées de jeunes est-il la principale solution au problème de la formation professionnelle de la jeunesse ultramarine ? Si l’on peut se réjouir que l’action n° 01, « Soutien aux entreprises », représente près de 83 % des crédits du programme – en légère baisse –, l’on regrette que l’aide au fret et l’aide à la rénovation hôtelière conservent la même enveloppe que l’année dernière. De 17 millions d’euros en 2012, l’aide au fret passe à 6 millions cette année : la réduire ainsi à peau de chagrin, n’est-ce pas contraire à l’objectif d’intégration des collectivités d’outre-mer dans leur environnement économique régional, pourtant essentiel à leur développement ?

Quant au programme 123, l’économie ultramarine étant très dépendante du tourisme, secteur crucial, l’on ne peut que saluer l’idée d’un plan de relance ambitieux à visée internationale, destiné à promouvoir nos tourismes ultramarins. Mais il n’est doté que de 800 000 euros dans l’action n° 02, « Aménagement du territoire », soit la moitié du budget annuel d’un petit office de tourisme ! S’agit-il de posture ou d’imposture ?

Les crédits du logement, qui relèvent de l’action n° 01 du même programme, sont révisés à la hausse, ce qui est très satisfaisant, car la tâche à accomplir dans ce domaine est immense. Je déplore en revanche que les dotations destinées à la résorption de l’habitat insalubre – qui concerne des milliers de logements outre-mer et maintient des dizaines de milliers de familles dans une précarité qui les met en grand péril – stagnent à un niveau qui ne représente qu’une infirme partie de cette action. Monsieur le ministre, quelles sont vos prévisions quant à la RHI pour les années à venir ?

L’action n° 07, « Insertion économique et coopération régionale », reste dotée comme en 2013 de 0,3 % des crédits du programme. Destinée à inciter les collectivités à sortir de leur isolement et à développer les échanges avec leurs voisins, elle équivaut pourtant à l’un des grands défis que les territoires ultramarins doivent relever pour mettre fin à leur situation de dépendance budgétaire. Ce n’est pas un chemin parmi d’autres, mais l’autoroute à emprunter pour sortir de la crise ; l’État serait un bien piètre conducteur s’il restait bloqué au stop ! Notre rapporteur spécial Patrick Ollier a ainsi rappelé combien il est essentiel de permettre aux collectivités ultramarines « de sortir d’une économie trop largement tournée vers l’Europe et […] de profiter [enfin] pleinement du dynamisme de leur zone, où se situent nombre de pays émergents », et a regretté lui aussi la faible dotation de l’action.

Mme Annick Girardin. Le Président de la République a souhaité conserver la défiscalisation outre-mer tout en introduisant un système de crédit d’impôt complémentaire. Le chef de l’État et le chef du Gouvernement ont ainsi montré leur ferme volonté de soutenir les Français des outre-mer, volonté que le groupe RRDP salue. Toutefois, le dispositif proposé peut être amélioré ; tel est le sens des amendements que j’ai défendus lors de nos travaux en séance sur la première partie du PLF, au côté du président Jean-Claude Fruteau et du rapporteur spécial, Patrick Ollier.

Ces travaux ont permis de progresser sur certains points ; sur d’autres, encore en suspens, nous devrons fournir des explications supplémentaires. L’articulation des nouveaux dispositifs, dont le crédit d’impôt, avec le statut spécifique des collectivités d’outre-mer, dotées d’une compétence fiscale propre, devrait ainsi être précisée publiquement, monsieur le ministre, afin de ne laisser subsister aucune marge d’interprétation.

Quant à la mission « Outre-mer » proprement dite, la légère hausse de son budget, qui honore le Gouvernement et votre ministère, était indispensable étant donné la situation économique des territoires ultramarins. Elle ne doit pas nous faire oublier que les outre-mer prennent la part qui leur revient à l’effort national, et notamment des efforts accomplis dans toutes les missions budgétaires et les budgets ministériels. Enfin, le budget ultramarin, certes important, fait partie d’un tout : une vision plus large s’impose pour saisir les enjeux de dynamique économique et sociale des outre-mer.

S’agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, nous attendons des réponses précises à propos des principaux problèmes sociaux : les ordonnances d’extension des aides au logement et de réforme du système de revalorisation des pensions de la caisse locale en fonction de l’inflation locale, ainsi que l’arrêté de revalorisation spécifique, rétroactive au 1er janvier 2013, que vous aviez promise au plus tard pour le 1er avril 2013 lors de votre venue dans l’archipel au cœur de l’hiver. Monsieur le ministre, l’hiver est passé, l’hiver suivant approche, et les pensions n’ont toujours pas bénéficié de la moindre revalorisation spécifique. Comme mes concitoyens, je me demande pourquoi la parole de l’État n’a pas été tenue, ou plutôt – puisque je sais pourquoi –, comment nous pouvons, vous et moi, accepter qu’elle ne l’ait pas été.

En ce qui concerne la mission d’inventaire de nos ressources maritimes, préalable indispensable à la diversification des filières maritimes à Saint-Pierre-et-Miquelon, nous souhaitons qu’une table ronde réunissant les ministères concernés, le SHOM et l’IFREMER soit organisée à Paris avant la mi-décembre, afin de concrétiser l’excellente analyse des besoins effectuée par les services de l’État de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Qu’en est-il du soutien aux dernières entreprises de pêche et de traitement du poisson que sont la SNPM et Propêche ? Saint-Pierre-et-Miquelon ne doit pas renoncer à ce secteur d’activité malgré les difficultés rencontrées ces dernières années. Je m’interroge également sur la décision de l’ODEADOM de ne pas reconduire à partir de 2014 son soutien à la société EDC, qui conduit pourtant un projet pilote en matière d’aquaculture. « Compte tenu des fortes contraintes budgétaires pesant sur les crédits d’intervention, et des besoins exprimés par d’autres filières et d’autres territoires » – difficilement audibles à mon sens –, l’ODEADOM devrait, semble-t-il, se désengager de ce projet de production aquacole de coquilles Saint-Jacques, unique en France, qui devait pourtant faire partie d’un programme sectoriel initialement conçu pour se poursuivre jusqu’en 2017 et soutenu par le conseil territorial. Il serait aberrant de ruiner les efforts de tous au terme d’un processus entamé il y a plus de quinze ans. Je vous demande avec insistance, monsieur le ministre, d’intervenir auprès de l’ODEADOM pour que celui-ci fasse de nouveau de ce projet l’une de ses priorités.

Par ailleurs, j’ai appelé Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, à la plus grande vigilance à propos des négociations en cours sur l’accord de partenariat transatlantique entre l’Europe et les États-Unis, afin d’éviter que ne se reproduisent les dysfonctionnements constatés lors des discussions initiales de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada, qui avaient complètement négligé l’existence de Saint-Pierre-et-Miquelon. Car l’avenir de chaque outre-mer dépend de l’intégration de nos territoires dans leur contexte économique régional. Saint-Pierre-et-Miquelon n’est pas seul concerné : Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Polynésie, d’autres encore travaillent avec l’Europe. Les Pays et territoires d’outre-mer ne doivent pas être les oubliés du développement économique, sans quoi l’intégration régionale restera lettre morte.

Des rencontres sont en cours entre l’État et le conseil territorial afin de sélectionner les projets qui seront retenus dans le cadre du futur contrat de développement, outil indispensable au développement des outre-mer, notamment de l’archipel. Il nous faudra veiller à l’effort financier de l’État et à ce que les mairies, la chambre d’agriculture, de commerce, d’industrie, de métiers et de l’artisanat et les acteurs privés soient associés aux discussions, contrairement à ce qui s’est passé lors de la préparation des précédents contrats.

S’agissant enfin du dossier du plateau continental, nous nous réjouissons de la position du Président de la République. Les parlementaires de Saint-Pierre-et-Miquelon et, plus largement, les membres du groupe d’études sur les îles d’Amérique du Nord devront impérativement être associés à chaque étape du processus.

Mme Sonia Lagarde. Je suis d’accord avec Mme Girardin : les parlementaires devraient être plus nombreux à se rendre outre-mer pour juger sur place de la situation de nos territoires.

Cette année encore, les crédits de la mission « Outre-mer » progressent. Avec mes collègues polynésiens, je tiens à saluer cette hausse d’un peu plus de 2 milliards d’euros, qui témoigne d’un engagement de l’État au côté des élus ultramarins, quand tant d’autres budgets connaissent une régression. Cette politique est essentielle pour des territoires qui, rappelons-le, constituent avant tout une richesse pour la France.

Certaines dépenses liées à des politiques centrales pour le développement de nos départements et collectivités doivent être particulièrement préservées. C’est tout d’abord le cas s’agissant du logement. En outre-mer, où les besoins en logements sociaux sont considérables, il y a véritablement urgence à soutenir une politique ambitieuse en faveur de l’augmentation de l’offre de logement. La hausse pour 2014 de la ligne budgétaire unique, le maintien des dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement dans le secteur du logement locatif social devraient permettre à l’État de poursuivre ses actions en faveur du logement social neuf et de la résorption de l’habitat insalubre. Je regrette cependant la politique suivie en Nouvelle-Calédonie, en particulier dans la Province Sud. Le choix, aberrant, de légaliser les squats – autrement dit les logements insalubres – prévaut toujours sur celui de construire de logements neufs, alors que, par définition, cela ne permet pas de répondre à une demande en augmentation constante.

L’autre grande priorité de la mission est bien évidemment l’emploi. Dans ce domaine, d’importants écarts subsistent entre l’Hexagone et l’outre-mer, qui connaît un taux de chômage global de 25,4 % – et bien plus encore chez les jeunes. En Polynésie, notamment, la situation sociale est préoccupante : près d’un quart de sa population vit au-dessous du seuil de pauvreté, et le taux de chômage y dépasse les 20 %.

À cet égard, on peut regretter la baisse significative des crédits affectés au programme « Emploi outre-mer ». Selon vous, cette réduction de 82 millions d’euros se justifie par le recentrage sur les bas salaires des exonérations de cotisations patronales dans les départements d’outre-mer et par la création du crédit d’impôts compétitivité emploi qui est supposé en compenser les effets. Mais on peut observer qu’en métropole, le niveau des exonérations est maintenu à l’identique.

À cette réduction des crédits vient en outre s’ajouter l’extinction au 31 décembre 2013 du dispositif ouvrant la possibilité du versement d’un bonus exceptionnel aux salariés d’une entreprise implantée dans une région ou un département d’outre-mer.

En matière d’emploi, s’il est des dispositifs que nous devons absolument préserver, voire renforcer, ce sont ceux destinés à la jeunesse. Il en est ainsi du service militaire adapté, qui joue un rôle clé pour l’insertion dans la vie active des jeunes adultes ultramarins en situation d’échec. Un objectif de 6 000 stagiaires en 2016 a été fixé dans le cadre du programme « SMA 6 000 » : nous ne pouvons que nous en féliciter.

Mais je pense également aux « chantiers de développement local », dispositif de soutien applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et à Wallis-et-Futuna, ainsi qu’aux « jeunes stagiaires du développement », programme spécifique destiné à favoriser l’insertion des jeunes en difficulté. Il convient d’encourager ces éléments de la lutte contre le chômage des jeunes.

Même si, avec mes collègues polynésiens, nous saluons la hausse des crédits de la mission, je voudrais attirer votre attention sur le budget consacré plus précisément à la Polynésie française. La dotation globale d’autonomie – DGA –, la principale ligne budgétaire dont le versement est une certitude et dont le territoire maîtrise complètement l’utilisation, diminue de 3 millions d’euros, et cette baisse sensible pourrait se poursuivre en 2015.

Par ailleurs, en ce qui concerne le contrat de projet 2008-2013 entre l’État et la collectivité, l’augmentation de l’enveloppe en 2014 ne correspond en réalité qu’aux crédits non consommés les années précédentes. Les autorisations d’engagement – 28,3 millions d’euros en 2014 – sont insuffisantes pour permettre l’engagement des projets programmés dont les dossiers de financement sont finalisés.

Enfin, le rôle important que joue le SMA dans nos territoires en termes de réinsertion d’une partie de notre jeunesse ne doit pas occulter la montée de la délinquance et de la violence à laquelle les ultramarins doivent faire face. L’État doit nous accompagner, en particulier en Nouvelle-Calédonie. Il est ainsi urgent de prendre l’ordonnance destinée à ouvrir aux policiers municipaux le droit de verbaliser l’ivresse publique.

La mission chargée d’examiner la faisabilité d’un nouveau centre pénitentiaire dans le Nord doit venir en Nouvelle-Calédonie le 6 décembre. On ne peut que souhaiter qu’elle validera le projet, afin que les crédits puissent être débloqués en temps et en heure.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Merci, monsieur Lesterlin, pour vos propos ainsi que pour votre vote.

Je confirme les priorités faisant l’objet de crédits en hausse : le logement, l’investissement public et la jeunesse – en particulier le service militaire adapté.

En ce qui concerne le fonds exceptionnel d’investissement, nous n’avons pas oublié l’engagement de le doter de 500 millions d’euros sur l’ensemble de la mandature. L’effort effectué depuis quelques années – 50 millions par an – devra donc être amplifié.

Merci aussi, monsieur Gibbes, d’avoir souligné que nous avions franchi une barre symbolique avec ce budget – que je persiste à qualifier de budget de combat. Alors que nous traversons une crise économique et des difficultés financières considérables, non seulement les crédits alloués à mon ministère augmentent, mais la totalité des crédits des autres missions dont bénéficie l’outre-mer – c’est-à-dire ceux de la politique transversale – sont préservés. De même, nous maintenons environ 4 milliards d’euros de dépense fiscale pour les outre-mer qui, au total, reçoivent plus de 18 milliards d’euros. Ce n’est pas rien ! Une telle politique relevait de la gageure.

En ce qui concerne le service militaire adapté, nous faisons tout pour que les infrastructures nécessaires soient disponibles en 2016. Il est vrai qu’au moment de la réforme de la carte militaire, le gouvernement Fillon avait pris l’engagement de réaliser à Saint-Martin un groupement SMA de 70 places. Faut-il continuer à privilégier cette solution ou réserver, en Guadeloupe, un contingent pour les jeunes Saint-Martinois désireux de suivre la formation ? J’avoue que la question n’est pas tranchée.

C’est parce que le dispositif initial était trop lourdement bureaucratique que nous n’avons pas engagé les 17 millions d’euros prévus pour l’aide au fret. Ce serait déjà une bonne chose que les 6 millions que nous proposons aujourd’hui soient consommés, d’autant qu’ils représentent un complément par rapport à l’argent apporté par l’Europe, dans le cadre du FEDER-RUP, pour compenser les handicaps et surcoûts dont souffrent les régions ultrapériphériques.

De même, l’expérience en termes de consommation montre que les crédits prévus pour la rénovation hôtelière seront d’un montant suffisant.

S’agissant du tourisme, c’est le groupement d’intérêt économique Atout France qui sera chargé de réaliser le plan de relance du tourisme en faveur de l’outre-mer, doté de 800 000 euros. Là encore, cette action viendra en complément de celle de l’Europe. En tant qu’ancien président de conseil régional, je mesure la difficulté d’élaborer une bonne campagne de promotion destinée à encourager la fréquentation touristique. J’espère donc que la collaboration avec Atout France se poursuivra.

Vous dites que les crédits consacrés à la résorption de l’habitat insalubre sont en baisse, mais ils sont maintenus. En outre, quelque 30 millions d’euros sont prévus pour l’amélioration de l’habitat privé. Pour autant, je suis conscient que les besoins restent énormes et qu’une programmation est nécessaire. Je rappelle l’annonce que j’ai faite devant le congrès de l’Union sociale pour l’habitat : il y aura une programmation territorialisée en matière de logement, et de logement social en particulier. Il faut construire 100 000 logements en dix ans à partir de 2015 ; en plus de l’objectif de 8 000 logements par an – 7 980 logements en 2014 –, il faut donc trouver comment financer dans la LBU la construction de 2000 logements par an entre 2015 et 2024.

J’en viens au programme 123. Grâce au travail du Gouvernement, la coopération régionale est dotée par l’Europe d’énormes crédits. L’aide au fret ne concernant que le transport entre l’Europe et les outre-mer, il reste à relever le challenge de l’insertion et de la coopération régionales. Nous avons pu obtenir la suppression de la limite de 150 kilomètres appliquée à la politique de grand voisinage, et nous allons réaliser la soudure avec les crédits européens.

Madame Girardin, je n’ai pas oublié l’annonce que j’ai faite à Saint-Pierre-et-Miquelon concernant la revalorisation des retraites. Il est vrai que je n’ai pas obtenu la mise en œuvre de cette mesure, mais je n’ai pas renoncé à relayer votre préoccupation. Le Premier ministre m’a toutefois demandé d’attendre l’examen de la réforme nationale des retraites pour obtenir une nouvelle habilitation à légiférer par ordonnance.

En ce qui concerne les aides au logement, j’ai été déçu par la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État, qui nous a empêchés de mener nos projets à bien. Cette question est désormais de la compétence du conseil territorial.

L’ordonnance sur le FNAS – Fonds national d’action sociale – est en cours de signature. Chaque année, c’est ainsi un million d’euros qui bénéficieront aux familles via l’action sociale : il me semble que c’est un bon résultat.

Au sujet de l’extension du plateau continental, le processus est également en cours. Vous connaissez les réticences du ministère des affaires étrangères, qui craint que la France ne soit déboutée devant la Commission des limites du plateau continental de l’ONU si ses demandes sont jugées excessives. Notre pays défendra cependant sa souveraineté dans la zone tout en veillant à ne pas tendre encore plus ses rapports avec le Canada.

J’ai appris comme vous la décision de l’ODEADOM de cesser son soutien à EDC. Cela étant, même si on doit s’attendre à une tension sur les crédits, rien n’est encore décidé pour 2014.

S’agissant du nouveau contrat de développement, je suis d’accord avec vous : il est nécessaire d’associer tous les acteurs aux discussions, et en particulier les parlementaires.

Madame Lagarde, je vous laisse la responsabilité des propos que vous avez tenus sur la politique du logement dans la Province Sud.

Sur le SMA, on tiendra, de même que sur la mission du 6 décembre.

En ce qui concerne la Polynésie française, l’avance sera effectuée, je l’ai confirmé. La mission de l’inspection générale des affaires sociales chargée d’apporter son expertise sur le fonctionnement du régime de solidarité devrait partir très bientôt. Et si la DGA est réduite de 3 millions, c’est simplement parce qu’elle est indexée sur la dotation globale de fonctionnement. Les collectivités de métropole font le même effort.

Cela étant, nous accueillerons avec bienveillance les dossiers de financement déposés dans le cadre du FEI. Nous avons en effet conscience de l’ampleur du redressement à opérer et de la nécessité de soutenir l’investissement afin de relancer l’activité en Polynésie.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Une fois de plus, monsieur le ministre, votre budget vous vaut de recevoir de nombreuses félicitations.

Pourriez-vous nous préciser le montant global de l’effort de solidarité consenti au profit de l’outre-mer, toutes missions budgétaires confondues ?

Les 90 millions d’euros d’économies dégagées par le recentrage des exonérations patronales sur les bas salaires dans les départements d’outre-mer seront-elles réinjectées dans l’économie ultramarine ?

Quelle est la répartition géographique des crédits de la ligne budgétaire unique ?

Enfin, outre le service militaire adapté, quelles sont les mesures prévues en matière d’éducation, de formation et de qualification pour favoriser l’emploi des jeunes en outre-mer ? Qu’en est-il de l’utilisation du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse ?

M. Didier Quentin. À partir du 1er janvier 2014, Mayotte aura accès aux fonds structurels européens, puisqu’elle obtiendra, à l’instar de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion, le statut de région ultrapériphérique. Les élus mahorais se verront ainsi allouer une enveloppe de 224 millions d’euros qu’ils souhaitent consacrer pour l’essentiel à l’assainissement et à l’accès à l’eau potable, afin de satisfaire les 21 % de la population qui en sont privés.

D’autres projets sont prévus, comme l’installation d’un hôpital en Petite-Terre, ou encore l’allongement de la piste de l’aéroport de Pamandzi. Mais bien peu en matière d’emploi et de formation, alors que 2 000 jeunes Mahorais arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Pouvez-vous nous indiquer comment l’État entend accompagner les élus et la population afin de réussir la transition de l’île et d’assurer son décollage économique ?

Restons dans l’Océan indien. Des négociations ont lieu depuis plus de vingt ans avec les autorités mauriciennes sur le sort de Tromelin, un îlot inhabité, ou du moins occupé très épisodiquement. La zone économique exclusive qui pourrait être placée sous cogestion franco-mauricienne représente 280 000 kilomètres carrés, soit presque l’équivalent en superficie de la ZEE métropolitaine. Par ailleurs, en raison des risques géopolitiques actuels, en particulier le long du Canal du Mozambique, le quart du trafic mondial de transport maritime croise désormais dans la ZEE de l’île Tromelin, contournant Madagascar par l’est. Enfin, l’île recèle d’innombrables richesses minérales et d’éventuels gisements de pétrole offshore, ainsi que 26 espèces de coraux et des eaux très poissonneuses. Pouvez-vous préciser la position qu’entend défendre le Gouvernement sur ce sujet majeur pour notre souveraineté en mer, et dont l’intérêt stratégique est indiscutable, tant d’un point de vue énergétique qu’en termes de biodiversité ?

M. Jean-Paul Tuaiva. Je remercie le Gouvernement pour l’avance de trésorerie consentie à la Polynésie. Je rassure M. Dosière : la moitié de ces crédits sera allouée aux communes, le reste servant à rembourser la dette contractée à l’égard des fournisseurs.

M. Dosière a eu raison de souligner que nous avions connu des budgets insincères depuis 2006. Mais un président indépendantiste, Oscar Temaru, était alors aux commandes en Polynésie, dont il a voulu paupériser l’économie en menant sa politique idéologique.

Je m’inquiète de l’amendement que notre collègue compte déposer afin de réduire d’un million d’euros les crédits pour la Polynésie. Je rappelle que depuis 2008, de nombreux coups de rabot ont été donnés aux partenariats financiers entre notre collectivité et l’État, qu’il s’agisse de la participation au régime de solidarité de la Polynésie française, des opérations de construction et de rénovation scolaires ou de la réforme de la dotation globale de développement économique. Pourquoi, monsieur le rapporteur pour avis, adopter cette attitude à l’égard de la Polynésie ?

Mme Huguette Bello. Ce débat intervient alors que se tient à la Réunion, en présence de François Chérèque, la journée de travail sur le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Évidemment fortuite, cette coïncidence invite à mettre en parallèle deux réalités : celle que nous examinons aujourd’hui ici, celle que vivent les Réunionnais tous les jours là-bas.

Personne ne peut contester que le budget des outre-mer augmente une nouvelle fois – de plus de 20 millions d’euros –, que les outils d’incitation fiscale à l’investissement ont été réformés et préservés, que la LBU progresse, que le fonds exceptionnel d’investissement qui finance les équipements structurants a été reconduit, que la TVA n’augmentera pas dans les outre-mer… Nous n’ignorons rien, monsieur le ministre, de toute l’énergie que vous avez mobilisée pour parvenir à ces résultats.

Mais dans le même temps, personne non plus ne peut occulter la situation préoccupante de nos territoires. Plusieurs études viennent d’ailleurs la confirmer. L’une d’entre elles a qualifié la Réunion de « département hors normes » : 343 000 Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté, et 42 % de la population survit avec moins de 935 euros mensuels. Ces chiffres résument, à eux seuls, la dégradation de tous les indicateurs qui mesurent la précarité !

C’est en ayant constamment à l’esprit ces deux dimensions que je souhaite poser mes questions.

La première concerne le pouvoir d’achat. Le revenu supplémentaire temporaire d’activité avait été mis en place pour une période déterminée afin de faire face à la crise. Or le contexte économique ne s’est pas, loin s’en faut, amélioré depuis 2009. Et les bénéficiaires réagissent d’autant plus mal à sa suppression que le RSA-activité ne remplit pas ses objectifs : au niveau national, le taux de non-recours est de 68 %. Une réforme est d’ailleurs d’ores et déjà programmée. Quelles seront les propositions du ministère des outre-mer ?

S’agissant du logement social, nous notons avec satisfaction que la LBU est non seulement préservée mais augmentée de 18 millions. L’ampleur des besoins est connue, tout comme sont identifiés les facteurs qui bloquent les constructions. À cet égard, je souhaite revenir sur le seuil minimal obligatoire d’utilisation de la LBU adopté il y a quinze jours à l’article 13. Initialement prévu à 10 %, il a été ensuite réduit de moitié. Nous aimerions être éclairés sur les critères qui ont conduit à ce choix, car de leur côté, les opérateurs plaidaient pour un taux de 3 %. Des projections réalisées à partir des opérations réalisées durant ces dernières années montrent que la fixation du seuil à 5 % va entraîner une diminution importante de la production de logements.

Au passage, je remarque que le recours à la défiscalisation pour financer le logement social en outre-mer résulte d’une recommandation de l’Inspection générale des finances qui, en 2006, faisait « l’hypothèse d’une ressource budgétaire durablement contrainte » et jugeait que « la remise à flot de la LBU serait irréaliste ». La transformation du logement social en niche fiscale nous a donc été imposée au moment même où des programmes pour le logement social étaient adoptés au niveau national et assortis de moyens budgétaires importants. Nous avons dû nous adapter et, en liaison avec les opérateurs et au prix d’un gigantesque travail, nous en avons fait un outil efficient. C’est pourquoi nous déplorons infiniment le climat de suspicion qui apparaît dès lors qu’il est question de logement social en outre-mer, et qui nous conduit à nous justifier sans cesse.

J’en viens aux actions en faveur de la jeunesse. Les crédits affectés au service militaire adapté augmentent, il faut le souligner, de 8 %. Ceux de la continuité territoriale sont reconduits à l’identique.

Dans le même temps, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité – LADOM – doit accompagner la montée en puissance du SMA en offrant aux stagiaires qui le souhaitent des stages qualifiants dans l’Hexagone. Faut-il en déduire une diminution des autres mesures de formation en mobilité ? La réussite de ce programme étant fortement liée aux tarifs aériens, qui dans nos régions sont prohibitifs, nous aimerions savoir si les conclusions du rapport de la Direction générale de l’aviation civile sont désormais disponibles.

Le chômage des jeunes a atteint un tel niveau qu’un changement d’échelle s’impose. Les fonds européens exceptionnels que l’Union européenne vient d’adopter pour lutter contre le chômage des jeunes peuvent y contribuer. Quelles initiatives votre ministère compte-t-il prendre en ce sens ?

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Je salue le travail constructif accompli par le Gouvernement, qui a permis de présenter un bon budget pour les outre-mer. Fidèle aux engagements pris par le Président de la République, ce résultat est d’autant plus satisfaisant que l’équation budgétaire n’était pas évidente à résoudre. Les crédits de la mission sont en augmentation pour la deuxième année consécutive, preuve que l’État est enfin de retour dans les outre-mer.

Je tiens à exprimer ma satisfaction de voir l’État investir intelligemment pour relancer la production et l’emploi, mais aussi à saluer la rationalisation des différents dispositifs de défiscalisation actée dans le projet de loi de finances, d’autant qu’elle est le fruit d’une méthode fondée sur le dialogue.

Le ministère des outre-mer est de plein exercice, mais certaines de ses actions relèvent de la politique transversale du Gouvernement. Grâce aux projets structurants qu’il s’est engagé à financer, l’État va redonner l’espoir à nos territoires ainsi qu’à nos collectivités locales, qui toutes ont d’ores et déjà fait preuve de leur engagement dans le cadre de la mutualisation.

Monsieur le ministre, vous avez déjà confirmé que les projets d’extension de la maison d’arrêt de Baie-Mahault et de reconstruction de celle de Basse-Terre pourraient être inclus dans le prochain triennal. Qu’en est-il de la reconstruction du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Abymes ? Ce projet, capital pour la Guadeloupe en termes de création d’emplois et de restructuration de l’offre de soins, n’est à ce jour toujours pas budgétisé.

Par ailleurs, l’Agence de mobilité pour l’outre-mer de Guadeloupe fait face à une forte réduction d’effectifs alors qu’elle doit répondre à des demandes provenant de trois territoires différents, avec les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Je ne remets pas en cause le principe des réductions d’effectifs, mais il me semble que la situation archipélagique de la Guadeloupe peut justifier une exception. Des moyens humains particuliers seront-ils accordés à LADOM Guadeloupe ?

M. Jean-Claude Fruteau. Le budget de la mission « Outre-mer » est un des rares, cette année, à connaître une évolution positive. C’est le résultat d’un engagement du Président de la République, qui marque le retour de l’État dans les outre-mer après dix ans d’absence – pour ne pas dire de mépris.

Un budget est la traduction d’une volonté politique. Et en réponse, par exemple, à la situation des plus de 55 000 ménages de Françaises et de Français vivant dans un bidonville, la ligne budgétaire unique progresse de 8 % cette année, après avoir déjà augmenté de 6 % l’an passé. Il s’agit d’un effort considérable, qui en outre s’inscrit dans la durée.

Certains regrettent la baisse des exonérations de charges. Mais comme vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, 26 à 30 % des économies réalisées pourraient faire l’objet de redéploiement dans le cadre d’un projet de loi à venir. D’ailleurs, si le Gouvernement avait suivi les avis exprimés dans différents rapports, cette réduction ne représenterait pas 90 millions d’euros, mais 250 millions !

En outre, aucun salarié dont la rémunération est inférieure à 1,6 SMIC dans les secteurs prioritaires et à 1,4 SMIC dans les autres secteurs ne sera concerné par cette mesure. De surcroît, pour plus de 90 % des salariés, le coût du travail sera inchangé, voire en baisse, grâce notamment au CICE, dont nous bénéficions sans participer à son financement.

Je salue le travail effectué en étroite concertation avec la représentation nationale sur le dossier de la défiscalisation, qui préserve un outil dynamique essentiel pour l’investissement dans nos territoires. En un mot – puisque je n’ai pas droit à beaucoup d’autres –, les outre-mer sont bel et bien redevenus une priorité pour le Gouvernement, n’en déplaise à certains, y compris dans nos rangs, qui hurlent avec les loups et pratiquent la surenchère politique.

En ces temps de contrainte financière, le budget de l’outre-mer est volontariste. Il cible ses moyens vers ce qui est indispensable : le logement, l’emploi, les investissements d’avenir. C’est donc avec conviction que je voterai en sa faveur.

M. Jonas Tahuaitu. Au nom des élus de la majorité soutenant le Gouvernement de la Polynésie française, dirigé par M. Gaston Flosse, et des députés issus de ce territoire, je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, pour le budget que vous présentez pour la Polynésie. Je remercie également M. René Dosière pour la qualité de son analyse sur la situation politique, économique et financière de notre collectivité. Nous héritons d’une situation catastrophique, produit de la gestion des gouvernements en place depuis 2004 ; le président de la Polynésie a pris des mesures draconiennes pour redresser les finances du pays suivant les recommandations de Mme Anne Bolliet, membre de la mission d’assistance à la Polynésie française.

Je demande, comme M. Édouard Fritch, qu’une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) se penche sur la gouvernance de notre système de santé et sur le fonctionnement de la solidarité.

Nous remercions le Gouvernement d’avoir accordé une avance remboursable de 42 millions d’euros à la Polynésie française.

M. Gabriel Serville. Dans un contexte de restriction budgétaire, l’augmentation sensible des crédits dévolus à l’outre-mer pour la deuxième année consécutive constitue un signal fort pour les populations de ces territoires qui font face à des situations sociales et économiques dégradées.

La Guyane compte plus de 20 000 logements construits sans titre, bien souvent insalubres ; leur nombre doit être pris en compte par rapport à l’insuffisance de la construction de logements. Je m’inquiète donc des dispositions concernant la LBU : les modalités de partage de cette ligne créent des difficultés en Guyane, car si la répartition présente l’avantage d’être égalitaire, elle s’avère inadaptée aux besoins spécifiques de certains territoires et perpétue donc une forme d’iniquité. La Guyane connaît en effet une croissance démographique annuelle de 3,8 % qui nécessite la construction de 3 000 nouveaux logements chaque année, alors que seuls 1 200 logements reçoivent une autorisation de construction. Ce PLF pour 2014 fixe le taux de LBU à 5 % pour chaque projet de logement social, ce qui limitera la production de nouveaux logements. Enfin, je m’inquiète de la baisse de 21 % des AE en matière d’aménagement du territoire. Monsieur le ministre, pourriez-vous m’assurer que le partage de la LBU sera bien différencié ?

M. Patrick Lebreton. Alors que l’État est engagé dans un processus de redressement décisif des finances publiques, il convient de souligner l’esprit de justice du Gouvernement à l’égard des outre-mer, les programmes les plus essentiels pour ces territoires étant préservés.

Un effort particulier est demandé aux entreprises qui bénéficiaient jusqu’à présent d’exonérations de cotisations sociales : il s’agit d’un choix courageux et responsable, car les aides publiques seront concentrées sur les salariés qui en ont le plus besoin. Il importe néanmoins d’entendre les inquiétudes de certains acteurs économiques sur le déploiement du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), en accompagnant notamment les PME et les TPE.

Depuis 2002, l’ambition de la mobilité a été mise de côté, si bien que le fonctionnement de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) s’avérait menacé et que les politiques régionales manquaient de cohérence ; or cette question est essentielle pour le développement des territoires d’outre-mer. Comme les crédits de la continuité territoriale connaissent une stabilisation, pourriez-vous, monsieur le ministre, présenter les objectifs du nouveau contrat de performance entre l’État et LADOM pour les années 2013 à 2015 ? Quelle orientation entendez-vous donner à la mobilité des ultra-marins à moyen terme ?

M. Jean-Philippe Nilor. Ce budget présente une nouvelle augmentation, le système de défiscalisation semble avoir été sauvé – même de justesse – et les crédits de la LBU sont accrus : voilà qui ne fait naître aucune insatisfaction.

Le budget de cette mission ne représente qu’une faible partie des sommes allouées aux territoires d’outre-mer et nous regrettons l’absence d’un document transversal permettant d’évaluer le poids de l’État dans nos pays.

Afin d’économiser 90 millions d’euros, la mission a recentré le dispositif d’exonération des cotisations patronales sur les plus bas salaires. C’est une bonne mesure pour la compétitivité, mais qu’en est-il des emplois d’encadrement ? Nos jeunes, parfois surdiplômés, n’ont pas vocation à être rémunérés au SMIC toute leur vie professionnelle. Quelles dispositions entendez-vous prendre pour garantir le maintien d’emplois d’encadrement dans nos territoires ?

Il aurait fallu accroître les moyens d’intervention de LADOM, et l’augmentation de 8 % des crédits du service militaire adapté (SMA) ne compensera pas les effets négatifs de cette décision. Un conseiller de Pôle emploi en France métropolitaine gère 60 dossiers par an, alors que le même conseiller en Martinique traite 250 dossiers et qu’un agent de LADOM dans ce même territoire en suit 600, dont 400 concernent un départ en formation pour la mobilité. Subissant une baisse régulière de ses effectifs, LADOM a de plus en plus recours à des emplois précaires, mais un agent se trouvant dans une telle situation peut-il aider à insérer les personnes qu’il suit ? Monsieur le ministre, pourriez-vous nous garantir le maintien des conditions d’exercice des missions dévolues à LADOM ?

Mme Chantal Berthelot. Je salue vos efforts personnels, monsieur le ministre, pour obtenir l’augmentation des crédits dédiés à la mission « Outre-mer », ainsi que le vote de notre majorité sur le régime de défiscalisation qui conforte ce dispositif pour les investissements productifs et dans les logements sociaux.

Nous saluons l’augmentation de 8 % des crédits de la LBU, mais sera-ce suffisant pour répondre aux besoins de la Guyane, où 80 % de la population est éligible au logement social ? Comment comptez-vous accompagner les bailleurs sociaux guyanais pour atteindre l’objectif de 1 500 nouveaux logements en 2014 ?

La superficie de la Guyane s’élève à 84 000 km², soit un sixième du territoire national ; en outre, la démographie de ce territoire est très dynamique puisque la population croîtra de 200 000 habitants d’ici à 2030 pour atteindre 450 000 personnes, dont plus de la moitié dans l’ouest du territoire. Il s’agit d’une opportunité qui nécessite néanmoins la mise en œuvre par l’État d’une politique adaptée à ces caractéristiques. La Guyane souffre aujourd’hui de problèmes profonds en matière de justice, de santé, d’éducation, de sécurité, d’infrastructures et de transport ; ils ne feront que s’accentuer si l’on ne tient pas compte des spécificités géographiques et démographiques. Les ressources humaines et naturelles existent : imaginons ensemble un pacte pour la Guyane !

M. Bruno Nestor Azerot. Dans un contexte de forte contrainte budgétaire et de menace de récession économique, le budget de l’outre-mer semble privilégié, puisque la mission « Outre-mer » voit ses crédits croître de 1 % en 2014, la défiscalisation est sanctuarisée – mais uniquement jusqu’en 2017, ce qui supprime la lisibilité à long terme des investissements –, les crédits du SMA sont augmentés et la LBU connaît une hausse de 8 % après celle de 6 % en 2013.

Nous aurions dû davantage écouter les entreprises sur la réduction des exonérations de charges sociales. Pourquoi être passé en force, alors que ces exonérations contribuent fortement à la compétitivité ? Où réside la cohérence stratégique lorsque l’on diminue le dispositif d’État qui possède l’impact le plus positif ? Pourquoi avoir pénalisé les emplois d’encadrement intermédiaire – ceux dont la rémunération se situe entre deux et trois SMIC –, qui manquent déjà dans nos territoires alors qu’ils favorisent la compétitivité et l’innovation ? Ainsi, parmi les 4 350 emplois industriels situés en Martinique en 2012, 1 900 sont concernés par cette mesure, soit près de la moitié.

L’emploi des jeunes constitue une priorité du Gouvernement : pourquoi les crédits du programme pour l’emploi dans l’outre-mer diminuent-ils en Martinique ? Dans ce territoire, les crédits de la mission « Outre-mer » passent de 384 millions d’euros en 2013 à 372 millions en 2014 en AE et de 372 millions à 365 millions en CP. Enfin, tout le monde s’accorde à considérer comme essentielle et emblématique la mission « Sport, jeunesse et vie associative », mais ses CP s’écroulent de 2,2 millions d’euros en 2013 à 365 350 euros en 2014 : où se situe, là encore, la cohérence ?

M. Ibrahim Aboubacar. Monsieur le ministre, vous vous êtes rendu à Mayotte la semaine dernière, ce département paradoxal qui a d’immenses besoins, mais qui éprouve des difficultés à consommer les crédits qui lui sont alloués. Il est nécessaire de développer des outils d’anticipation, notamment dans le domaine foncier. Un décret de 2009 a étendu le déploiement opérationnel du fonds régional d’aménagement foncier et urbain (FRAFU) à Mayotte, mais il n’a jamais reçu d’application. Où en est-on de l’installation de l’établissement public foncier qui permettrait de mettre en œuvre les opérations financées par le FRAFU ? Comment seront appliquées les récentes dispositions relatives à la zone des 50 pas géométriques sur la titrisation, qui constitue une question essentielle pour notre territoire ?

Après la parution des décrets sur la rémunération dans la fonction publique, les syndicats manifestent aujourd’hui pour connaître les modalités transitoires de mise en œuvre des dispositifs concernant l’évolution de la fonction publique d’État à Mayotte.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Je voudrais saluer la hausse des crédits dévolus aux territoires d’outre-mer.

La France possède le territoire maritime le plus vaste au monde après celui des États-Unis, grâce à l’étendue de ses zones économiques exclusives (ZEE) ; ce sont les territoires d’outre-mer qui nous apportent en grande partie cet atout considérable. Le Gouvernement peut-il présenter sa vision du développement des territoires peu ou pas habités – Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et île de Clipperton, notamment ?

Le PLF pour 2014 prévoit de doter le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) de 50 millions d’euros afin de rattraper les retards dans les investissements structurants. Cette mesure s’avère particulièrement bienvenue en outre-mer où les contraintes géographiques et les singularités locales génèrent des besoins élevés d’investissement. L’Inspection générale de l’administration (IGA) a publié un rapport d’audit sur le FEI en septembre 2012 qui pointait les retards dans la réalisation des projets financés par cet outil budgétaire et qui s’interrogeait sur « le réalisme du montage initial des opérations, le rôle des services de l’État dans le conseil aux collectivités territoriales, l’appréciation portée par ces mêmes services lors de l’instruction sur le calendrier prévisionnel des projets et les capacités des maîtres d’ouvrage – notamment les communes – à suivre l’exécution de ces projets ». Quelle mesure le Gouvernement a-t-il mis en place depuis la remise de ce rapport pour remédier à ces lacunes ? Quels projets, monsieur le ministre, bénéficieront de l’appui de l’État dans le cadre du budget pour 2014 ?

Mme Ericka Bareigts. Je tiens à saluer votre efficacité, monsieur le ministre, car vous avez obtenu, dans un contexte budgétaire contraint, l’augmentation des crédits alloués aux territoires d’outre-mer. Il est vrai que ceux-ci souffrent de grandes difficultés, puisque le chômage y est trois fois supérieur à la moyenne nationale et que la transition démographique y reste inachevée.

L’économie de l’intelligence constitue une piste pour relever ces défis ; cela nécessite de développer des outils comme ceux de l’incubateur et de la technopole – celle de la Réunion créant du lien entre la recherche et les projets d’entreprise depuis dix ans. Beaucoup d’hommes et de femmes – souvent jeunes et hautement diplômés – placent leur confiance dans les secteurs d’avenir comme celui des énergies renouvelables. Ces secteurs – dits renforcés – devraient bénéficier d’une exonération de charges plus importante.

À l’issue d’une rencontre entre l’AFD et la future BPI régionale, il semble que notre tissu économique – essentiellement composé de TPE et de PME – ne saurait utiliser pleinement les fonds destinés au CICE pour les DOM.

J’ai donc déposé un amendement au PLF afin que le régime actuel des exonérations soit maintenu, mais uniquement pour les secteurs renforcés. Vos services, monsieur le ministre, ont évalué le coût de cette mesure à 7,5 millions d’euros pour cette année fiscale – à comparer aux 90 millions d’euros que doit rapporter le recentrage des exonérations de la loi pour le développement économique de l’outre-mer (LODEOM) en trois ans. J’aurais souhaité que nous puissions compenser ce manque de 7,5 millions d’euros, car nous disposons de jeunes créatifs et dynamiques qui ont besoin d’un dispositif particulier, contractualisé et évalué pour créer de nouvelles filières, et donc de nouveaux emplois dans nos territoires sinistrés ; c’est ainsi que nous consoliderons cette économie de l’intelligence que l’Union européenne et notre majorité appelons de nos vœux. Quelles sont les perspectives dans ce domaine, monsieur le ministre ?

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Madame Louis-Carabin, l’effort budgétaire global de l’État en faveur des outre-mer s’élève très exactement à 18 185 900 000 euros, répartis en 14 204 900 000 euros de dépense budgétaires – dont la mission « Outre-mer », qui représente 2 060 400 000 euros – et 3 981 000 000 euros de dépenses fiscales.

Sur les 82 millions d’euros prélevés sur les plus hauts salaires, 25 millions seront déployés en faveur des entreprises selon des modalités définies avec vous, mesdames et messieurs les députés, et avec les acteurs économiques ; cela donnera lieu au dépôt d’un projet de loi réclamé par le Premier ministre et portant sur la compétitivité et l’emploi dans les territoires d’outre-mer.

La répartition territoriale de la LBU pour 2014 est la suivante : 58,8 millions d’euros en AE et 46 millions en CP en Guadeloupe ; 41 millions d’euros en AE et 37 millions en CP en Martinique ; 31,7 millions d’euros en AE et 32 millions en CP en Guyane ; 90,7 millions d’euros en AE et 87,6 millions en CP à la Réunion ; 18,9 millions d’euros en AE et 11,5 millions en CP à Mayotte ; et 685 000 euros en AE et 875 000 euros en CP à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces montants ne comprennent pas certains crédits octroyés en faveur de l’énergie ou de l’amélioration de l’habitat.

La politique de la jeunesse ne se réduit pas à l’action conduite en faveur du SMA. Le Premier ministre a annoncé d’autres mesures comme l’expérimentation conduite à la Réunion en matière de garantie pour les jeunes ou la priorité donnée aux outre-mer pour les contrats aidés, les emplois d’avenir et les contrats de génération. Des crédits sont inscrits pour l’outre-mer dans le fonds d’expérimentation pour la jeunesse et nous comptons sur un nouveau dispositif européen – l’initiative pour l’emploi des jeunes  – qui bénéficiera à tous les territoires d’outre-mer compte tenu de leur taux de chômage.

Monsieur Quentin, dans le cadre de son nouvel accès aux fonds structurels européens, Mayotte obtiendra une enveloppe de 224 millions d’euros ; il est vrai que nous espérions davantage et nous n’avons pas renoncé à obtenir un montant de 400 millions, car il existe une clause de revoyure – d’ici à 2016 – qui tient quelque peu compte de la consommation des crédits. L’État sera en charge de la gestion de ces fonds et un Secrétariat général aux affaires régionales (SGAR) a été créé à la préfecture de Mayotte pour organiser l’allocation de ces crédits.

La départementalisation et l’accès au statut de région ultrapériphérique permettront de financer le décollage économique de Mayotte. Des efforts ont été engagés pour le redressement de la situation financière du conseil général de Mayotte : ils doivent être poursuivis. Le décret portant indexation dans la fonction publique a été publié aujourd’hui, et la grève déclenchée à Mayotte au sujet de l’indemnité d’éloignement m’a contraint à réaffirmer un principe républicain, celui du consentement à l’impôt et de son acquittement. Dans tous les territoires d’outre-mer, les indemnités d’éloignement sont fiscalisées ; certaines personnes – qui ont souscrit un contrat et qui se sont rendues à Mayotte – peuvent espérer un gel des revenus de 2013 et ainsi ne pas payer d’impôt sur ces indemnités en 2014, mais cette faculté n’existera plus l’année suivante, conformément au souhait du Premier ministre.

L’accord de cogestion de la zone économique exclusive de Tromelin a été signé avec l’île Maurice par un gouvernement précédent dans les conditions que l’on sait. Cet accord innovant, outil inédit dans le droit international public, n’a pas encore été ratifié pour des raisons liées au calendrier parlementaire. Nous avons toutefois déjà pris des mesures visant à surveiller cette zone immense qui fait de la France la deuxième puissance maritime mondiale. Tant le Livre blanc que la loi de programmation militaire prévoient d’allouer des moyens au sud de l’Océan indien, dont nous n’ignorons pas l’importance stratégique, afin d’éviter toute rupture capacitaire. Au-delà de ce point, et de la richesse de leurs sous-sols, nous sommes aussi conscients de l’apport dont nous bénéficions grâce à ces territoires en termes de biodiversité, de culture et de population. Pour marquer notre souveraineté, je me suis déjà rendu à Tromelin et aux îles Glorieuses et, si j’en ai la possibilité, j’irai dans l’archipel des Kerguelen. En tout état de cause, en la matière, nous restons vigilants et nous défendrons les intérêts de la France.

Monsieur Tuaiva, le fonds intercommunal de péréquation (FIP) sera abondé et l’avance sera consacrée aux communes et au paiement des fournisseurs. Le Gouvernement s’exprimera en séance sur l’amendement de M. René Dosière qui vous inquiète. Depuis 2008, les crédits consacrés à la Polynésie ont été sérieusement entamés, mais notre Gouvernement a inversé le mouvement.

Madame Bello, les outre-mer ne seront pas oubliées dans le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale auquel travaille M. François Chérèque – contrairement à ce qui s’était passé avec le RSA. Sur ce dernier sujet, en nous inspirant du rapport Sirugue remis en juillet dernier au Premier ministre, nous ferons tout pour que les outre-mer ne soient pas exclus du droit commun, et pour que le dispositif réformé s’applique à l’ensemble des travailleurs sans condition d’âge.

Vous l’évoquiez, dans le secteur du logement social, le plancher de LBU a été fixé à 5 % : cet arbitrage me semble bon. Les simulations évoquées par les organismes socioprofessionnels me paraissent peu sérieuses. L’investissement ne va pas chuter de moitié !

La réforme des exonérations des charges patronales de sécurité sociale n’est pas de nature à créer une trappe à bas salaires. L’État fait des efforts ; les entreprises peuvent en faire aussi. Toutes les études économétriques montrent qu’au niveau de salaire concerné, l’élasticité de l’embauche reste faible par rapport au coût du travail.

Nous attendons un deuxième rapport sur les tarifs aériens outre-mer portant spécifiquement sur la structuration des prix de vente avant de tirer des conclusions significatives.

Madame Vainqueur-Christophe, la revendication relative à la prison de Basse-Terre est très ancienne – il y a dix ans, M. Pierre Bédier, secrétaire d’État chargé des programmes immobiliers de la justice avait, sur place, proposé la rénovation du bâtiment datant de 1672. En 2000, le rapport de la commission d’enquête présidé par M. Pierre Mermaz évoquait, à juste titre, « la honte de la République ». Le projet de reconstruction doit avancer, mais nous devons rester réalistes, et financer en premier lieu ce qui est prêt à l’être – je rappelle que le précédent gouvernement n’avait pas donné suite à la proposition immobilière de la région Guadeloupe que je présidais.

Selon une lettre de M. Xavier Bertrand, l’État devait financer l’intégralité de la reconstruction du CHU dans la zone de Perrin aux Abymes. Cela n’a pas été confirmé à ce jour, mais nous aurons une réponse sur le sujet avant la fin de cette année. Je n’ignore pas que les élus de la Guadeloupe sont mobilisés et que le conseil général vient de voter une résolution sur le sujet.

Les crédits de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) augmentent : le budget de l’agence est porté de 65,8 millions à 67,4 millions d’euros. Un effort de productivité lui est toutefois demandé à hauteur de 400 000 euros, soit trois emplois équivalents temps plein – ses effectifs passent de cent trente-quatre à cent trente et un ETP. Trois personnes seront par ailleurs recrutées en Guadeloupe pour compenser les effectifs perdus, et répondre au caractère « archipellique » de ce territoire – en la matière, une convention est en passe d’être signée avec l’État concernant la gestion des crédits de la continuité territoriale au niveau « infra-archipellique ». Je note que le modèle Guyanais n’est pas reproductible – plusieurs communes guyanaises n’ont pas de route, en effet, et sont desservies uniquement par avion. Si nous ne pouvons pas, en conséquence, donner une suite positive à la demande formulée par la Nouvelle-Calédonie, nous continuons d’étudier le dispositif qui pourrait être mis en place en sa faveur.

Le travail de la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée et de son président, M. Jean-Claude Fruteau a été particulièrement précieux. Je me réjouis de la « coproduction » législative qui a résulté de notre collaboration. Nous avons montré que même en matière de fiscalité, il était possible de pratiquer la concertation. Le reprofilage des seuils d’exonérations de charges était prévu. Je reconnais cependant volontiers une petite erreur de communication : les documents ont été trop rapidement envoyés en consultation dans les territoires.

Je remercie M. Jonas Tahuaitu pour ses propos.

Monsieur Dosière, même si nous reconnaissons que le pacte de croissance et le plan de redressement présentés par les autorités de la Polynésie française à l’État vont dans le bon sens, nous ne méconnaissons pas les difficultés – vous avez parlé de problèmes liés à la sincérité des comptes. Les engagements pris doivent être respectés. L’avance remboursable fera l’objet d’une convention. La question sera réglée rapidement dans un collectif budgétaire. Je confirme qu’une mission de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le régime de solidarité de la Polynésie se rendra sur place après que 25 millions d’euros ont été supprimés par le gouvernement précédent.

Monsieur Serville, vous craignez une inéquité dans la répartition de la LBU liée au dynamisme démographique de la Guyane. Je comprends que la question se pose, et des ajustements peuvent être nécessaires. Le sujet est pourtant difficile. En tout cas, les données ont été établies territoire par territoire.

À mon arrivée, la dotation de LBU de la Guyane était de 16 millions d’euros en crédits de paiement. Je l’ai portée à 20 millions. De son côté, le préfet a redéployé près de 6 millions depuis d’autres lignes moins tendues. En 2012, la dotation est donc passée de 16 à 26 millions d’euros soit une augmentation de quasiment 60 %. Des tensions devaient se produire cette année en matière de logement. Pour y faire face, j’ai d’emblée décidé de porter la dotation de LBU pour la Guyane à 24 millions d’euros. Cela n’a pas suffi et de nouveaux abondements ont été demandés – dont 5,2 millions supplémentaires en septembre dernier. Au final, dans le PLF pour 2014, les dotations de LBU de la Guyane seront de 31,7 millions en autorisations de paiement et 32 millions en crédits de paiement – soit un doublement par rapport aux montants que j’ai trouvé lorsque j’ai pris mon poste.

Monsieur Patrick Lebreton, vous avez parlé « d’esprit de justice » ; je vous en sais gré. Le contrat de performance pour 2013-2015, signé le 15 avril 2013, fixe les principales orientations stratégiques de LADOM : améliorer l’inclusion dans l’emploi des jeunes ultramarins ; assurer aux jeunes ultramarins la possibilité de poursuivre une formation initiale si elle est impossible dans leur collectivité de résidence ; favoriser l’exercice de la continuité territoriale par une application homogène sur l’ensemble des DOM, et améliorer l’efficience des dispositifs gérés. Des conventions sont signées avec des régions comme c’est le cas avec la région Île-de-France. LADOM a les moyens de sa politique, budgétairement, mais aussi en termes de territorialisation. Son siège se trouve en Seine-Saint-Denis, elle dispose de onze délégations régionales en métropoles et de cinq autres dans les outre-mer, dont une à Mayotte.

Monsieur Nilor, les documents décrivant notre politique de façon transversale existent. L’effort budgétaire de l’État en faveur de l’outre-mer s’élève à 18 milliards d’euros si l’on additionne les dépenses fiscales à la mission « Outre-mer ». Concernant la dotation de la Martinique, il existe des crédits non répartis dont les ministères n’ont pas encore pu nous donner le détail. Nous connaîtrons ces éléments très prochainement. En matière d’emploi, nous restons très attentifs à la situation et au nombre de dossiers traités par Pôle emploi.

Madame Berthelot, je souscris à votre idée de « pacte pour la Guyane ». Dans le cadre du plan pour la compétitivité et l’emploi, nous devons tous réfléchir au foncier guyanais. L’État possède 95 % du territoire sur lequel il ne perçoit pas d’impôt. Or un pays qui se développe sait faire circuler son foncier, l’hypothéquer, lui donner les moyens de s’épanouir. En Guadeloupe, dans les années 80, l’État avait ainsi remis des terres en propriété collective à quarante groupements fonciers agricoles qui exploitent aujourd’hui plus de huit mille hectares. L’idée d’une mobilisation du foncier pour le logement, pour l’activité économique, industrielle et artisanale mérite sans doute d’être creusée. Nous attendons le rapport que vous devez remettre prochainement.

Monsieur Azerot, Mme Brigitte Girardin avait proposé une stabilité fiscale mais, entre 2007 et 2012, les règles en la matière ont été modifiées six fois. Nous avions voulu une stabilisation que l’opposition a fait annuler par le Conseil constitutionnel…

M. le président Gilles Carrez. Sur ce sujet, le Conseil s’est saisi tout seul ! (Sourires.)

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Aujourd’hui, nous moralisons et nous encadrons le système. Deux dispositifs expérimentaux de crédits d’impôt sont également mis en place en faveur des entreprises.

En matière fiscale, une concertation approfondie et inédite a bien eu lieu. La mesure relative aux seuils d’exonérations de charges est bonne ; le reste, c’est une tempête dans un verre d’eau.

Monsieur Aboubacar, vous dites que Mayotte est un département « paradoxal » : c’est une expression séduisante, même si je ne la reprends pas à mon compte…

Quelques doutes planent effectivement sur la capacité de Mayotte à consommer les crédits. Mais nous voulons qu’ils soient utilisés. Nous souhaitons que la clause de revoyure évoquée par Didier Quentin soit l’occasion pour l’Europe de revaloriser les crédits, et de se rapprocher, sur la base de critères objectifs, des 400 millions, voire 450 millions, que nous attendions. Mais n’oublions pas qu’aux 224 millions que vous évoquez, 117 autres millions de diverses origines viennent s’ajouter. Il n’y a donc aucune inquiétude à avoir.

S’agissant du foncier, le dispositif FRAFU, vous avez raison, est applicable en théorie à Mayotte depuis 2009 : nous avons bon espoir de publier avant la fin de l’année le texte qui le mettra réellement en place. Le texte consacré à l’établissement public foncier d’État (EPFE) devrait lui aussi être publié avant la fin de l’année. Enfin, le Parlement vient d’adopter un texte qui modifie la procédure de titrement et instaure un groupement d’intérêt public (GIP) par territoire – la LODEOM avait prévu un seul GIP pour l’ensemble des outre-mer, mais cela ne fonctionnait pas. Je n’ai pas ici les détails concernant Mayotte : l’EPFE peut s’emparer de la question et demander à mener cette mission de titrement, pour faire cesser le fléau de l’indivision.

Enfin, s’agissant de la fonction publique, le décret sur l’indexation a bien été pris. Quant à l’indemnité d’éloignement, on peut comprendre les demandes sur les impôts payés en 2014 sur les revenus de 2013, mais à partir des revenus de 2014, il faudra payer… J’espère que ces précisions seront de nature à calmer les inquiétudes qui se manifestent dans votre département.

Madame Descamps-Crosnier, j’ai déjà répondu sur la ZEE : c’est effectivement un enjeu stratégique considérable, et nous nous donnerons les moyens de préserver notre souveraineté.

En matière de biodiversité, les ressources des outre-mer sont considérables
– 85 à 90 % de la biodiversité française. La chimie verte ne nous effraie pas, c’est même l’un des axes de développement privilégié par le Gouvernement.

S’agissant des limites territoriales, c’est un vrai sujet, sur lequel nous avons effectivement pris du retard. M. Gérard Grignon, aujourd’hui membre du Conseil économique, social et environnemental a rendu un très bon rapport sur ces questions. Il faut faire vite. Nous avons en particulier de petits différends avec l’Australie et le Vanuatu, dont j’espère qu’ils seront réglés.

Enfin, le FEI doit permettre de rattraper le retard ultramarin en matière d’équipements structurants – assainissement, eau potable, traitement des déchets… En 2013, nous avons financé 44 projets pour environ 48 millions d’euros. Le Président de la République s’est engagé sur 500 millions d’euros pour rattraper le retard pris aux cours de la dernière décennie ; l’effort pourra être amplifié si la croissance revient. Mais les sommes que nous avons obtenues sont déjà remarquables.

Madame Bareigts, j’entends vos propositions. Sur les exonérations de charges patronales pour les secteurs renforcés, il ne m’appartient pas de m’engager ; en revanche, les zones franches d’activités arrivent à échéance en 2017 : nous réfléchissons donc aux meilleurs moyens de continuer à aider ces territoires. C’est une partie difficile que nous jouons ; des réunions interministérielles sont en cours.

Enfin, je veux préciser que le CICE représente 320 millions donnés aux outre-mer. Ce n’est pas une faveur ! Et je tiens à dire que le CICE n’est pas financé par une augmentation de la TVA.

Monsieur Gibbes, merci de vos propos. J’ai reçu hier une mission, conduite par M. Marc-René Bayle, qui se rend chez vous et dans les îles du nord, pour travailler sur les problèmes de déséquilibres structurels créés par la convention fiscale en vigueur ; s’il le faut, nous modifierons la loi organique. Aujourd’hui, en effet, Saint-Martin a du mal à faire face à ses charges. Quant à Saint-Barthélemy, très riche pour certains, elle a l’impression d’acheter son autonomie en payant chaque année 6 millions d’euros à l’État. La parité économique avec la partie néerlandaise de l’île de Saint-Martin pose en particulier problème.

L’environnement économique des Caraïbes est en effet complexe ; la concurrence y est très forte. Dans la partie néerlandaise de Saint-Martin, il y a quinze casinos, mais aucun dans la partie française… Lorsque nous avons libéralisé les jeux en ligne, j’avais fait remarquer qu’Antigua comptait un millier de casinos en ligne ! Les États-Unis ont d’ailleurs porté plainte devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans une république à organisation décentralisée comme la nôtre, ne pourrait-on pas – je sais que cette proposition va choquer – faciliter l’implantation de casinos ? Bien sûr, il faut lutter contre l’argent sale, contre les trafics. Mais ces casinos si proches et si nombreux mettent en danger notre attractivité.

M. René Dosière. J’ai bien noté, monsieur le ministre, que le Gouvernement avait décidé de répondre favorablement à la demande d’avance de 42 millions d’euros formulée par le gouvernement de Polynésie. Cette somme s’ajoute aux 50 millions donnés l’an dernier, dont nous ne savons pas vraiment comment ils ont été utilisés : cette année comme l’an dernier, on nous parlait de régler des dettes à l’égard des collectivités. Les chiffres dont je dispose montrent d’ailleurs que 42 millions ne suffiront pas à réduire les impayés, qui s’élèveraient à 60 millions d’euros – avec toutes les réserves que l’on doit faire sur les chiffres qui proviennent de Polynésie. Bref, nous en arrivons à 100 millions d’euros, ce qui est à peu près le coût de l’élection présidentielle !

Toutefois, monsieur le ministre, vous n’avez pas précisé les conditions de remboursement de cette somme. Mme Girardin, qui est maintenant représentante spéciale de la Polynésie française à Paris, m’a en effet précisé qu’il s’agissait cette fois d’une avance remboursable en deux ans. Est-ce bien le cas ?

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Il s’agit bien d’une avance remboursable. Une convention sera signée et la mesure sera prise dans une loi de finances rectificative. Tous les détails ne sont pas encore arrêtés, mais conformément à la demande de la Polynésie, le montant sera de 41,9 millions, et c’est le programme 832 « Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie » qui sera concerné.

M. le président Gilles Carrez. Nous examinerons soigneusement cette disposition.

Merci, monsieur le ministre.

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EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de M. Victorien Lurel, ministre des Outre-mer, lors de la commission élargie du 29 octobre 2013 à 17 heures, la commission des Finances examine les crédits de la mission Outre-mer et l’article 70, rattaché

Suivant l’avis favorable du Rapporteur spécial, la Commission adopte les crédits de la mission Outre-mer.

La Commission examine ensuite l’article 70, rattaché.

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Article 70
Recentrage sur les bas salaires de l’exonération des cotisations employeurs outre-mer

Texte du projet de loi :

I.– L’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au 1 du II :

a) Les mots : « dix salariés au plus » sont remplacés par les mots : « moins de onze salariés » ;

b) Les mots : « dépasser le seuil de dix salariés » sont remplacés par les mots : « atteindre ou dépasser le seuil de onze salariés » ;

c) Les mots : « dans la limite des dix salariés » sont remplacés par les mots : « dans la limite des onze salariés ».

2° Au III :

a) Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« A.– Pour les entreprises mentionnées au I de l'article 244 quater C du code général des impôts et, au titre des rémunérations définies à la quatrième et à la cinquième phrase du même I, pour les organismes mentionnés à l’article 207 du même code, l’exonération est calculée selon les modalités suivantes : » ;

b) Au premier alinéa, les mots : « 3,8 fois le salaire minimum de croissance » sont remplacés par les mots : « 2,6 fois le salaire minimum de croissance » ;

c) Au second alinéa, les mots : « 2,2 fois le salaire minimum de croissance » sont remplacés, dans leurs deux occurrences, par les mots : « 1,8 fois le salaire minimum de croissance », et les mots : « 3,8 fois le salaire minimum de croissance » sont remplacés par les mots : « 2,8 fois le salaire minimum de croissance » ;

d) Après le dernier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« B.– Pour les entreprises, employeurs et organismes autres que ceux mentionnés au A :

« 1° La rémunération horaire mentionnée au deuxième et au troisième alinéa du A à partir de laquelle l’exonération devient nulle est égale à 3,8 fois le salaire minimum de croissance ;

« 2° Le seuil de la rémunération horaire mentionné au troisième alinéa du A en deçà duquel la rémunération est exonérée dans la limite de la part correspondant à une rémunération horaire égale au salaire minimum de croissance majoré de 40 % est égal à 2,2 fois le salaire minimum de croissance. » ;

3° Au IV :

a) Au premier alinéa, les mots : « au dernier alinéa du présent IV » sont remplacés par les mots : « aux deux derniers alinéas du présent IV » ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « 2,5 fois le salaire minimum de croissance » sont remplacés, dans leurs deux occurrences, par les mots : « 2 fois le salaire minimum de croissance » et les mots : « 4,5 fois le salaire minimum de croissance » sont remplacés par les mots : « 3 fois le salaire minimum de croissance » ;

c) Après le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au précédent alinéa, pour les employeurs mentionnés au B du III du présent article, le seuil de la rémunération horaire en deçà duquel la rémunération est exonérée dans la limite de la part correspondant à une rémunération égale au salaire minimum de croissance majoré de 60 % est égal à 2,5 fois le salaire minimum de croissance et la rémunération horaire à partir de laquelle l’exonération devient nulle est égale à 4,5 fois le salaire minimum de croissance. »

II. – Les dispositions des 2° et 3°du I du présent article s’appliquent aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2014.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article vise à modifier le dispositif actuel d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale spécifique à l’Outre-mer défini par l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale. Il propose de recentrer ces exonérations sur les bas salaires dans la logique qui a commandé à la création du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).

I. ÉTAT ACTUEL DU DROIT

A. OBJECTIFS ET DERNIÈRES MODIFICATIONS DU DISPOSITIF

L’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale dispose qu’« en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Marin, les employeurs, à l’exclusion des entreprises publiques et établissements publics mentionnés à l’article L. 2333-1 du code du travail, sont exonérés du paiement des cotisations à leur charge au titre de la législation de sécurité sociale à l’exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles ».

Sont concernés par le dispositif spécifique d’exonérations de cotisations sociales :

– les entreprises de moins de 11 salariés. Ces entreprises représentent 89 % des entreprises ultramarines et 54 % des salariés ;

– les entreprises, quel que soit leur effectif, si elles opèrent dans les secteurs d’activités suivants : bâtiment et travaux publics, transports aérien, maritime et fluvial pour les personnels assurant la desserte des DOM, de Saint Barthélemy et Saint Martin, industrie, restauration, presse, production audiovisuelle, énergies renouvelables, nouvelles technologies de l’information et de la communication ; pêche, culture marine, aquaculture, agriculture, centre d’appel, tourisme, hôtellerie et activités de loisirs.

L’article 159 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 et l’article 25 de la LODEOM a modifié le dispositif en :

– définissant des secteurs économiques prioritaires dont le développement est jugé particulièrement déterminant pour la croissance de l’ensemble des économies ultramarines et en renforçant l’aide de l’État pour ces entreprises ;

– introduisant une dégressivité dans le dispositif afin d’éviter les effets de seuil brutaux ;

– limitant les effets d’aubaine.

B. DISPOSITIF ACTUEL DE EXONÉRATIONS DE COTISATIONS PATRONALES

1. Un dispositif plus favorable aux entreprises de moins de 11 salariés et à celles appartenant aux secteurs « renforcés ».

Le seuil pour bénéficier de l’exonération supplémentaire spécifique à l’outre-mer a été fixé à 1,4 SMIC. En dessous de ce seuil, les salariés bénéficient déjà d’une exonération totale. Les salariés percevant un salaire supérieur à 1,4 SMIC représentent en 2013, 42,7 % des effectifs salariés en outre-mer. Ce sont ceux qui sont touchés par le dispositif spécifique à l’outre-mer

Les entreprises de moins de 11 salariés bénéficient d’un allégement supplémentaire lorsque la rémunération est comprise entre 1,4 et 2,2 SMIC. Au-delà du palier de 2,2 SMIC, le montant des exonérations décroît de manière linéaire pour s’éteindre lorsque la rémunération est égale au plafond de 3,8 SMIC.

Les entreprises qui emploient au moins 11 salariés bénéficient d’une exonération totale lorsque la rémunération est de 1,4 SMIC. Au-delà, le montant des exonérations décroît de manière linéaire pour s’éteindre lorsque la rémunération est égale au plafond de 3,8 SMIC.

Les entreprises relevant de secteurs d’activité ou de zones géographiques prioritaires bénéficient de mesures d’allégement plus incitatives. Les exonérations sont totales jusqu’à 1,6 SMIC. À partir de 1,6 SMIC, les allégements sont calculés sur la base de 1,6 SMIC jusqu’à des salaires de 2,5 SMIC. Au-delà du palier de 2,5 SMIC, le montant des exonérations décroît de manière linéaire pour s’éteindre lorsque la rémunération est égale au plafond de 4,5 SMIC.

2. Une compensation aux organismes de sécurité sociale retracée sur l’action 1 du programme 138 Emploi outre-mer

Le coût des exonérations de cotisations employeurs dont bénéficient les entreprises ultramarines est de 1,16 milliard d’euros en 2013.

En application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l’État est en principe tenu de compenser aux organismes de sécurité sociale les sommes dont ils n’ont pu être crédités du fait de la mise en œuvre d’une politique d’exonération.

Une dette de l’État à l’égard des organismes de sécurité sociale en raison d’une sous-dotation chronique de la compensation. La dette a culminé à 486 millions d’euros en 2008 avant d’être complètement apurée en 2012.

Les modifications proposées par le présent article ont donc pour objectif de diminuer les compensations de l’État aux organismes de sécurité sociale en tentant de maîtriser la dynamique de la dépense. Le Rapporteur spécial estime qu’il s’agit pourtant d’une dépense vertueuse puisqu’elle permet de diminuer le coût du travail des entreprises qui sont en concurrence dans leur environnement géographique avec des pays à très faibles coûts salariaux.

II. UN DISPOSITIF RECENTRÉ SUR LES BAS SALAIRES

A. UN ABAISSEMENT DU PLAFOND DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS PATRONALES TOUCHANT L’ENSEMBLE DES ENTREPRISES

Le présent article propose un abaissement général de tous les seuils et de tous les plafonds.

Dispositif

Droit en vigueur

Droit proposé

Moins de 11 salariés

Seuil

Palier

Plafond

1,4

2,2

3,8

1,4

2

2,8

Plus de 10 salariés

Seuil

Palier

Plafond

1,4

1,4

3,8

1,4

1,4

1,6

Secteur « renforcé »

Seuil

Palier

Plafond

1,6

2,5

4,5

1,6

2

3

Source : Évaluations des voies et moyens.

Le Gouvernement propose donc de concentrer fortement le dispositif sur les bas salaires, qui représentent le plus grand nombre de salariés – 76 % des salariés ont une rémunération inférieure ou égale à 1,6 SMIC.

Cette mesure va donc encore renforcer le biais en faveur des bas salaires introduits par le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).

B. UNE MESURE VISANT À « RÉCUPÉRER » UNE PARTIE DU CICE

La modification des conditions d’exonération de charge va permettre une économie estimée à 90 millions d’euros en 2014 puis à 108 millions d’euros à partir de 2015 au détriment des entreprises ultramarines.

Parallèlement, le CICE bénéficiera aux entreprises des DOM à hauteur de 320 millions d’euros en 2014. C’est donc près de 30 % de la dépense fiscale en faveur de la « compétitivité et de l’emploi » qui est ainsi récupéré.

Le Rapporteur spécial dénonce une telle politique qui manque totalement de lisibilité pour les agents économiques.

C. DES CONSÉQUENCES POTENTIELLEMENT IMPORTANTES

Le recentrage sur les bas salaires risque d’emporter plusieurs conséquences négatives :

– le recentrage des exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires va freiner la montée en gamme des entreprises et pèsera notamment sur la compétitivité du secteur industriel tout en constituant une trappe à bas salaires. En effet, en ciblant les exonérations sur les bas salaires – après avoir réservé le bénéficie du CICE sur cette même tranche salariale – le Gouvernement privilégie les mesures d’emploi plutôt que de compétitivité. Dans un environnement géographique composé souvent de pays à très bas salaires, la compétitivité des économies ultramarines ne peut passer que sur la compétitivité–qualité. À titre d’exemple, dans un hôtel de 100 chambres dans les Antilles françaises travaillent en moyenne 70 salariés dont la masse salariale représente 53 % du chiffre d’affaires alors que dans le même hôtel de 100 chambres dans les pays voisins, travaillent en moyenne 200 salariés dont la masse salariale représente 37 % du chiffre d’affaires. Cet exemple montre bien que l’État doit encourager le segment haut de gamme et ne pas chercher à faire concurrence sur des segments à faible valeur ajoutée ;

– la constitution d’une trappe à bas salaire risque de creuser encore le fossé entre la population des DOM travaillant dans le secteur privé et majoritairement rémunérée à hauteur du SMIC et des fonctionnaires de la fonction publique d’État bénéficiant de rémunérations majorées qui soutiennent une inflation importante. L’accentuation des inégalités est porteuse en tous les cas de dangers potentiels.

Malgré l’avis défavorable du Rapporteur spécial, la Commission adopte l’article 70.

ANNEXE :
LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

À Paris

Ministère de l’Outre-mer

● M. Victorin LUREL, ministre de l’Outre-mer

En Martinique

Préfecture

● M. Laurent PREVOST, Préfet

● M. Philippe MAFFRE, Secrétaire général

● M. André PIERRE-LOUIS, Secrétaire général adjoint

● M. Ronan LAUSTIC, DIECCTE

● M. Claude VAUCHOT, DRFIP

● Mme Sabine HOFFERER, DAAF

● Mme Sylvia URGEN, Chef du service régional de l’INSEE

RSMA

● Colonel Philippe HARISTOY, Chef du régiment Service Militaire Adapté de Martinique

Collectivités territoriales

● M. Rodolphe DESIRE, maire de la ville du Marin

● Mme Catherine CONCONNE, Vice-présidente du Conseil Régional de Martinique

● Mme Josette MANIN, Présidente du Conseil Général

Acteurs économiques et sociaux

● M. Philippe JOCK, Président du MEDEF

● M. Victor-Robert NUGENT, Directeur de l’IEDOM

● M. Pierre MARIE-JOSEPH, Président de l’AMPI

● M. Glenn JEAN-JOSEPH, Directeur du port du Marin

● Mme LADIEU, Groupe DESPOINTES

● M. Manuel BAUDOUIN, Président de la chambre de commerce et d’industrie de Martinique (CCI)

● M. Mahamadou DIALLO, Représentant du syndicat Force Ouvrière

● M. Pascal RAULT, Sodim Caraïbes

● M. Philippe De FRANCIOSI, directeur général de Star Invest

En Guadeloupe

Parlementaires

● M. Ary CHALUS, Député de Guadeloupe

● M. Hélène VAINQUEUR-CHRISTOPHE, Députée de Guadeloupe

● M. Eric JALTON, Député de Guadeloupe

Préfecture

● Mme Marcelle PIERROT, Préfète

● M. Bernard GUERIN, Sous-préfet de Pointe-à-Pitre

● M. Thierry PIERROT, DRFIP

● M. David BARES, DRFIP

● M. Daniel NICOLAS, DEAL

● M. Dominique JONCKHERE, DEAL

● M. Richard CUNIER, Directeur régional de la Caisse des Dépôts

RSMA

Colonel Thibault DUBERN, Chef du régiment Service militaire Adapté de Guadeloupe

Acteurs économiques et sociaux

● Mme KHOURY, présidente de la CCI

● M. Jean-Michel PENCHARD, Vice-président de la CCI

● M. Alain BIEVRE, Directeur général de la CCI

● Table ronde avec les bailleurs sociaux de Guadeloupe

● Table ronde avec les organisations patronales et syndicales

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information n° 1885 de MM. Jacques Le Guen et Jérôme Cahuzac en conclusion des travaux de la mission d’information commune de la commission des Finances et de la commission des Affaires économiques sur le prix des carburants dans les départements d’Outre-mer.

2 () Ibid.

3 () Note d’exécution du budget 2009.

4 () L’habitat insalubre et indigne dans les départements et régions d’Outre-mer : un défi à relever.

5 () Versée par douzième.

6 () Lorsque le chiffrage n’est pas renseigné, le Rapporteur spécial prend comme base le chiffre de l’année précédente.

7 () Chiffres de l’année 2011

8 () Évaluation des dépenses fiscales et sociales spécifiques à l’Outre-mer. Inspection générale des finances. Août 2011.