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N
° 1428

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2014 (n° 1395),

PAR M. Christian ECKERT,

Rapporteur Général

Député

——

ANNEXE N° 48

PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT

DE LA GRÈCE

AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

Rapporteur spécial : M. Guillaume BACHELAY

Député

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : DE NOUVELLES ORIENTATIONS POUR LA POLITIQUE DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE 7

I. LA NÉCESSITÉ D’UN PORTEFEUILLE PUBLIC DE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES 7

II. LA NOUVELLE DOCTRINE DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE : LA PRIORITÉ AU FINANCEMENT DE L’INVESTISSEMENT 8

1. Trois piliers du soutien à la production, la compétitivité et l’innovation 9

a. La Banque publique d’investissement - Bpifrance 9

b. Le nouveau programme d’investissements d’avenir 11

c. L’État actionnaire 13

2. Une gestion active des participations de l’État qui ne bouleverse pas la dimension du portefeuille et préserve son niveau de contrôle ou d’influence 14

a. La contribution de l’État actionnaire au financement de l’avenir 14

b. Des critères précis à faire prévaloir en cas de réduction envisagée des niveaux historiques de participation publique dans certaines entreprises 15

c. Les premières cessions fondées sur cette doctrine renouvelée 16

3. La politique sociale de l’État actionnaire doit être exemplaire 17

III. L’ADAPTATION DU CADRE D’ACTION DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE 18

A. ADAPTER LES RÈGLES JURIDIQUES POUR PERMETTRE À L’ÉTAT ACTIONNAIRE DE METTRE EN ŒUVRE SA NOUVELLE DOCTRINE 19

B. ASSURER LA COORDINATION DES SERVICES ET ORGANISMES EN CHARGE DE LA POLITIQUE DE COMPÉTITIVITÉ 20

PARTIE II : ANALYSE BUDGÉTAIRE DES COMPTES SPÉCIAUX 22

I. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT 23

II. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS 27

III. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE 31

EXAMEN EN COMMISSION 35

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 37

ANNEXE N° 2 : LISTE DES PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT 38

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 96 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

INTRODUCTION

Hérité des investissements réalisés dans un passé parfois lointain, le portefeuille des participations de l’État est un atout majeur pour la France. Il assure des revenus réguliers et substantiels au budget de l’État autant qu’il joue un rôle stratégique au service de l’intérêt du pays, de sa souveraineté et de son rayonnement.

Tout en réaffirmant l’exigence de bonne gestion de ces actifs qui sont ceux de la Nation et qui permettra leur legs aux générations futures, le Gouvernement a annoncé et initié une modernisation du déploiement de l’État actionnaire à travers un renouvellement et un approfondissement de sa doctrine. Cette nouvelle orientation vise à inscrire davantage l’État actionnaire, pilier et levier des politiques publiques, dans la stratégie industrielle du pays grâce à une gestion plus active de ses participations. Impératif patrimonial et approche stratégique doivent être conciliés, et non opposés.

Dans une communication présentée au Conseil des ministres, le 2 août dernier, les ministres de l’Économie et des Finances et du Redressement productif ont tracé les principaux axes de cette doctrine repensée de l’actionnariat public. Ils ont ainsi indiqué que la présence de l’État au capital d’entreprises doit permettre « la mise en œuvre d’une stratégie économique, industrielle et sociale exemplaire, garante de la préservation sur le territoire national des emplois et des compétences, et en accompagnant leur croissance et leur développement » et que cette nouvelle politique doit être mise « au service de nouveaux acteurs économiques porteurs de projets innovants et structurants pour le pays et, le cas échéant, au service d’interventions défensives ».

Le patrimoine financier de l’État, investisseur avisé et de long terme, sera désormais mobilisé pour soutenir l’investissement public, la production et l’innovation et ainsi favoriser la croissance durable, la création de valeur ajoutée et d’emploi.

De plus, cette nouvelle orientation de l’action de l’État actionnaire doit s’inscrire dans le respect des principes de responsabilité sociale et environnementale et de bonne gouvernance.

Cette doctrine de gestion active de l’État prolonge en les concrétisant les orientations proposées en 2012 par le Rapporteur spécial qui appelait, au-delà de l’approche strictement patrimoniale et financière, à une gestion active et productive des participations dans le cadre d’un véritable État stratège. Elle traduit également les orientations indiquées par le Premier ministre à l’Université Pierre et Marie Curie, le 9 juillet dernier, qui annonçait une « puissance publique qui impulse, qui anticipe, et qui elle aussi sait prendre les risques nécessaires ».

Le Gouvernement a également clarifié les modalités de financement de cette nouvelle doctrine et, plus largement, de sa politique industrielle, en indiquant que « l’État pourra envisager de réduire les niveaux historiques de participation publique dans certaines entreprises » (Conseil des Ministres, 2 août 2013). Le 4 novembre dernier, lors du débat organisé sur le programme d’investissements dans le cadre du projet de loi de finances 2014, le ministre de l’Économie et des Finances évoquait le financement du PIA-2 « en partie par des recettes issues de cession de participations de l’État grâce à une gestion active et responsable de son patrimoine ». Le Rapporteur spécial insiste sur la nécessité d’établir clairement les objectifs, conditions et critères régissant les possibles opérations afin que soient préservés l’influence ou le contrôle de l’État sur les entreprises concernées, confortés les intérêts financiers de l’État, maintenu le volume financier global du portefeuille des participations de l’État.

En pratique, des cessions de participations – EADS, Safran, Aéroports de Paris (ADP) – ont déjà été réalisées depuis le début de l’année. Elles ont permis de dégager les moyens financiers requis pour financer l’investissement de l’État, en particulier dans Bpifrance, outil fondamental du soutien aux entreprises dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi mis en œuvre depuis novembre 2012. Ainsi l’actif mérite-t-il son double sens de valeur et de levier.

Le changement de doctrine de l’action de l’État actionnaire est l’une des manifestations d’un mouvement bienvenu et attendu : la puissance publique s’engage pleinement pour le soutien à la production et à l’innovation et elle mobilise pour y parvenir l’ensemble des outils, y compris les participations financières détenues dans de grandes entreprises, pour renforcer la croissance, le développement des entreprises, PME et ETI incluses, promouvoir la compétitivité-qualité pour que notre appareil productif monte en gamme dans la compétition internationale, favoriser l’emploi et le développement des territoires.

PREMIÈRE PARTIE : DE NOUVELLES ORIENTATIONS POUR LA POLITIQUE DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE

Le Gouvernement a engagé un mouvement de réorientation de la doctrine de l’État actionnaire pour en faire un levier de la stratégie économique du pays. Jusqu’ici, prévalaient pour l’essentiel un objectif de maximalisation de la valeur financière de ses participations et, le cas échéant, la décision de cessions de fractions afin d’affecter le produit de ces opérations au désendettement public. Tout en conservant l’exigence de gestion rigoureuse et de préservation des intérêts financiers de l’État, impératifs plus que jamais nécessaires, le Gouvernement souhaite désormais que ce portefeuille d’actifs soit également mobilisé pour contribuer à la politique de soutien à la compétitivité. En d’autres termes, la gestion du portefeuille de participations publiques sera active et aura pour objet d’en affecter les ressources disponibles au réinvestissement le plus utile à l’économie française, la croissance durable et l’emploi.

Cette nouvelle orientation aurait vocation à compléter l’objectif actuel de préservation des intérêts patrimoniaux de l’État. En aucun cas, elle n’a à se substituer à cette exigence qui conditionne le maintien dans la durée de la valeur du patrimoine public.

Le Rapporteur spécial approuve les orientations ainsi assignées à l’État actionnaire, qui concrétisent une grande partie des recommandations émises dans son rapport spécial relatif au projet de loi de finances pour 2013, et il souligne l’importance de maintenir l’impératif d’exemplarité, notamment sociale, des entreprises dans lesquelles l’État détient des participations.

La réussite de la doctrine de gestion dynamique des participations nécessite une adaptation du cadre juridique et administratif qui s’impose au déploiement de l’État actionnaire. Elle passe notamment par des règles encadrant la composition des conseils d’administration des entreprises publiques, ainsi que par une réorganisation administrative destinée à améliorer la coordination entre les différents services chargés de mettre en œuvre cette nouvelle stratégie.

I. LA NÉCESSITÉ D’UN PORTEFEUILLE PUBLIC DE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES

Le portefeuille de participations financières de l’État est un patrimoine précieux qui doit être protégé, renforcé et légué dans les meilleures conditions aux générations futures. L’État dispose ainsi d’un portefeuille d’actifs financiers dont la valeur de marché est actuellement estimée à environ 100 milliards d’euros et qui a produit, au cours des dernières années, des dividendes d’un montant annuel de l’ordre de 4 milliards d’euros.

La constitution de ce portefeuille d’actifs financiers a été progressive. Elle est notamment le résultat du développement d’activités d’abord exercées dans un cadre régalien, en particulier dans le secteur de la défense.

Elle est également liée à des opérations de nationalisations, en particulier après la Libération, justifiées par la Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Elle s’explique enfin par la volonté de la puissance publique d’assurer l’émergence de « champions » économiques dans des secteurs considérés, à juste titre, comme fondamentaux – dans le domaine notamment de l’énergie et de l’aéronautique.

Cette multiplicité des facteurs qui ont permis de constituer du patrimoine financier public explique que les entreprises dont l’État est actionnaire couvrent un champ diversifié de secteurs d’activité :

– le secteur de la défense, avec notamment EADS, Safran, Thales et DCNS ;

– les grandes entreprises de réseau en charge de services publics, comme EDF, GDF-Suez, Orange ou la SNCF ;

– les grandes infrastructures comme les grands ports maritimes, les aéroports et Réseau ferré de France (RFF) ;

– enfin, le secteur de l’audiovisuel, avec notamment France Télévisions et Radio France.

Cette pluralité des secteurs concernés est une opportunité : en diversifiant le risque, elle tend à stabiliser les revenus perçus par l’État au titre de ses participations et renforce ainsi sa capacité d’action dans la sphère productive.

Pour toutes ces raisons, le portefeuille de participations financières de l’État est un atout pour la France dont la bonne gestion doit être assurée. Le Rapporteur Spécial souligne que tel est l’objectif du gouvernement et de la majorité. La nouvelle doctrine de gestion des participations, pour se déployer, fait nécessairement de la préservation des intérêts patrimoniaux de la Nation une priorité.

II. LA NOUVELLE DOCTRINE DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE : LA PRIORITÉ AU FINANCEMENT DE L’INVESTISSEMENT

Le 2 août dernier, en Conseil des ministres, le ministre de l’Économie et des Finances et le ministre du Redressement productif ont présenté une communication sur la modernisation de l’État actionnaire.

Cette communication préfigure une doctrine de gestion active des participations de l’État. L’État actionnaire sera désormais mis au service de l’investissement public en faveur de la production et du soutien à l’innovation. Pour financer les interventions dans ces domaines, il pourra, sous certaines conditions précises, réduire le niveau historique de sa participation dans le capital de certaines entreprises.

1. Trois piliers du soutien à la production, la compétitivité et l’innovation

La politique budgétaire du Gouvernement poursuit un objectif de soutien à la production, d’encouragement à l’innovation, de renforcement de la compétitivité dans ses dimensions coûts et qualité, et au financement des entreprises à travers trois principaux leviers : la Banque publique d’investissement (BPI), le nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA) et, désormais, l’État actionnaire qui a vocation à jouer un rôle actif au sein des entreprises dans lesquelles il détient une participation pour faire valoir les enjeux liés à la montée en gamme de notre économie, donc au soutien des entreprises dans la concurrence internationale et à la création d’emploi. Il pourra également mobiliser ses ressources, dans le respect de conditions précises, transparentes et exigeantes, pour financer la BPI et le PIA.

a. La Banque publique d’investissement - Bpifrance

La loi du 31 décembre 2012 (1) a autorisé la création de la Banque publique d’investissement. Une fois achevé le bon déroulement de l’ensemble des procédures permettant le rapprochement d’OSEO, du Fonds stratégique d’investissement et de CDC Entreprises, la BPI, devenue Bpifrance, a été installée à la fin du premier semestre de l’année 2013.

Bpifrance dispose déjà d’une enveloppe de prêts de 10 milliards d’euros, financée sur le fonds d’épargne, qui lui avait été ouverte lors de sa création.

Par ailleurs, l’État, actionnaire de Bpifrance à hauteur de 50 % via l’établissement public industriel et commercial BPI-Groupe, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations, également actionnaire à hauteur de 50 %, ont procédé à une augmentation de capital de Bpifrance de 3 066 millions d’euros – la part de l’État s’élevant à 1 533 millions d’euros – dont un quart a été libéré en 2013, soit 380 millions d’euros pour l’État. Le Gouvernement s’est engagé à libérer les trois quarts du capital – soit une dépense de 1,1 milliard d’euros pour l’État – entre 2013 et 2015.

Il semble qu’en 2013, la plus grande partie de cette augmentation de capital soit destinée à renforcer les fonds propres de Bpifrance Participations, anciennement Fonds stratégique d’investissement, pour laquelle une augmentation de capital de 2,4 milliards d’euros a été décidée au moment de la création de Bpifrance, libérée en 2013 à hauteur d’un quart, correspondant au minimum légal, soit 300 millions d’euros pour l’État (2). Le reste du capital non libéré doit l’être dans un délai de cinq ans, comme le prévoit l’article L. 225-144 du code de commerce.

À compter de 2014, il est prévu que la totalité de l’augmentation de capital de Bpifrance soit destinée à Bpifrance Participations. Le renforcement des moyens financiers de la BPI sera donc concentré sur son activité d’apport en fonds propres afin de renforcer ses capacités d’intervention.

S’il approuve le renforcement des moyens financiers de Bpifrance Participations, le Rapporteur spécial appelle à s’appuyer sur l’expérience acquise à travers l’activité du Fonds stratégique d’investissement. Un effort particulier de cohérence dans la doctrine d’intervention et dans les prises de participations réalisées est d’autant plus nécessaire que ces activités sont financées sur fonds publics. Sur le premier point, la présentation, le 15 mai dernier, de la doctrine d’intervention de la BPI par son directeur général devant les commissions des Finances, des Affaires économiques et du Développement durable constitue une évolution positive, dans le respect du II de l’article 12 de la loi du 31 décembre 2012 mentionnée plus haut.

La réussite de Bpifrance ne nécessite pas uniquement un effort financier de la puissance publique. Elle requiert aussi une coordination optimale entre cet organisme et les services de l’État en charge de missions similaires.

La nouvelle doctrine de l’État actionnaire tendrait à préciser la répartition des tâches entre l’État et Bpifrance, permettant ainsi d’éviter les doublons, de simplifier et de faciliter la coordination entre État et BPI. L’évolution de la doctrine d’actionnariat public est le moment privilégié pour clarifier les rôles des acteurs en présence et doter le pilotage de l’Etat actionnaire d’une lisibilité accrue. Celui-ci aurait vocation à s’engager sur des horizons de très long terme, dans des entreprises en charge de services publics ou relevant de secteurs stratégiques pour la défense nationale. Bpifrance, en revanche, concentrerait son action sur les petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) sur un horizon de court et moyen terme, afin d’accompagner une entreprise dans un projet donné – s’internationaliser, développer une innovation, s’engager dans une démarche collaborative notamment – ou de stabiliser son actionnariat.

Il importe de souligner qu’à ce jour la répartition des participations publiques entre État et BPI ne reflète pas exactement la logique ainsi décrite. À terme, il est néanmoins probable que l’évolution des portefeuilles de participations de l’État et de la BPI tendra à converger vers la répartition définie par le Gouvernement.

La coordination entre Bpifrance et l’administration centrale de l’État – APE mais également commissariat général à l’investissement (CGI) ou direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) – apparaît d’autant plus centrale que Bpifrance dispose d’une connaissance fine des besoins des entreprises et de l’évolution du tissu productif. Sa présence au sein d’un futur comité stratégique réunissant les différents services en charge de la politique de compétitivité paraît être, dans ces conditions, un ressort supplémentaire pour la réussite de la politique industrielle du pays puisqu’elle permettrait de relayer davantage encore les besoins de financement exprimés par les entreprises, les collectivités territoriales et les différents acteurs de la vie économique, comme les chambres consulaires par exemple.

b. Le nouveau programme d’investissements d’avenir

Le 9 juillet dernier, le Premier ministre a annoncé un nouveau programme d’investissements d’avenir d’un montant de 12 milliards d’euros destinés à soutenir la production, l’innovation et la transition énergétique.

Alors que l’intégralité du premier programme d’investissements d’avenir avait été financée par la dette, le Gouvernement a annoncé que le deuxième programme serait en partie financé par des ressources propres, en particulier par le produit de cessions d’actifs financiers détenus par l’État actionnaire, réalisées selon les modalités détaillées plus bas : « Afin de respecter la stratégie de financement de l’État, a déclaré le Premier ministre, les dépenses liées au nouveau PIA monteront en puissance progressivement. Elles prendront le relais du programme d’investissements d’avenir actuel, les recettes issues des cessions de participations de l’État contribueront à son financement grâce à une gestion active et responsable du patrimoine de l’État. »

Le schéma suivant illustre l’affectation des fonds destinés au nouveau programme d’investissements d’avenir selon les priorités définies par le Gouvernement.

LE NOUVEAU PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR

(en milliards d’euros)

NB : les investissements entourés d’un bandeau participent à la transition énergétique.

Comme l’illustre le graphique suivant, la montée en charge du nouveau programme d’investissements d’avenir commencerait dès l’année 2014.

Source : tome I du rapport général n° 1428 de M. Christian Eckert sur le projet de loi de finances pour 2014.

Ce deuxième programme d’investissements d’avenir appelle les remarques suivantes :

● Ce « PIA 2 » inscrit l’action publique dans une vision de long terme, indispensable au renforcement et à la prospérité de l’économie. Il aurait vocation à poursuivre l’effort de soutien à l’innovation sur l’ensemble de la décennie. Le choix d’investir dans tous les secteurs économiques, de la transition énergétique à la santé, de l’agroalimentaire à l’espace, est bienvenu car c’est l’ensemble de notre base productive qui doit être soutenue et renforcée. De même, le principe de l’éco-conditionnalité envisagé pour une majorité de projets constitue une avancée décisive.

● La méthode retenue pour la mise en œuvre de ce plan d’investissement s’inspire de celle retenue dans le cadre de précédentes politiques industrielles, tout en cherchant à en tirer les enseignements. À cet égard, le choix d’une méthodologie rigoureuse – les appels à projets, suivis d’une expertise indépendante des propositions soumises – doit être souligné.

● Les investissements d’avenir n’ont pas nécessairement vocation à faire de l’État le prescripteur solitaire des investissements à réaliser, mais plutôt leur initiateur solidaire. Le choix des orientations serait, au contraire, établi en lien avec les acteurs de la production, dans une double logique de partenariat entre État et entreprises, et de coopération au sein des filières industrielles. L’approche « en réseau » serait ainsi préférée à la logique « du silo ». À titre d’exemple, les 34 plans industriels, mis en place à l’initiative du ministère du Redressement productif et dont le financement serait assuré sur les fonds du PIA 2, seront pilotés par les dirigeants des principales entreprises de chacune des filières industrielles concernées.

● Les interventions menées dans le cadre du nouveau plan d’investissements d’avenir devront s’articuler pleinement avec les autres outils d’intervention de l’État au service des mêmes objectifs, en particulier Bpifrance, la Caisse des dépôts et consignations, les entreprises publiques et la mobilisation de l’épargne règlementée. À cet égard, la création d’un comité stratégique réunissant notamment des représentants de l’Agence des participations de l’État (APE), du commissariat général à l’investissement (CGI) et de Bpifrance pourrait renforcer la cohérence de l’action publique et la cohésion de ses acteurs au bénéfice du soutien à l’innovation et à l’investissement.

c. L’État actionnaire

La mobilisation de l’État actionnaire dans le cadre de la politique de soutien à la compétitivité constitue une novation majeure de la présente législature.

Comme l’ont indiqué les ministres de l’Économie et des Finances et du Redressement productif lors de leur présentation devant le Conseil des ministres le 2 août dernier, « il convient de réaffirmer que la présence de l’État au capital des entreprises jouant un rôle stratégique pour l’intérêt national, en tant qu’investisseur avisé de long terme, contribue à protéger les intérêts économiques et patrimoniaux du pays en veillant à la mise en œuvre d’une stratégie économique, industrielle et sociale exemplaire, garante de la préservation sur le territoire national des emplois et des compétences, et en accompagnant leur croissance et leur développement ».

En pratique, l’État actionnaire pourrait être sollicité pour prendre des participations dans des grandes entreprises considérées comme stratégiques pour la compétitivité de l’économie, pour la réussite de la transition écologique et/ou qui feraient face à une situation financière temporairement dégradée. Une telle approche le conduirait, par exemple, à entrer dans le capital d’entreprises confrontées à des difficultés conjoncturelles et dont le développement est stratégique pour la pérennisation de l’industrie en France. Cette prise de participation serait essentielle même si elle pourrait n’être que ponctuelle.

Une telle stratégie ne saurait être mise en œuvre qu’à la condition de préserver les intérêts financiers de l’État, qui devrait se comporter comme un investisseur avisé, attentif au légitime retour financier de l’opération qu’il mène. Cette exigence se justifie par la double nécessité de préserver le patrimoine public et de respecter les règles édictées par l’Union européenne. Les interventions pour sauvegarde d’entreprises en difficultés structurelles relèveraient davantage de fonds de retournements spécifiquement dédiés à cette mission.

L’intervention de l’État pourrait être menée de concert avec un investisseur privé, ce qui permettrait à la fois de réduire la mobilisation de moyens financiers publics tout en décuplant leur pesée via l’effet de levier et ainsi de renforcer le caractère avisé de l’investissement.

2. Une gestion active des participations de l’État qui ne bouleverse pas la dimension du portefeuille et préserve son niveau de contrôle ou d’influence

La politique industrielle poursuivie par le Gouvernement nécessite des moyens financiers adéquats.

Alors que des interventions de même nature ont été, au cours des dernières années, financées exclusivement par accroissement de l’endettement, les ministres de l’Économie et des Finances et du Redressement productif ont indiqué, dans leur communication au Conseil des ministres du 2 août dernier, que « les ressources publiques en capital pour financer l’investissement doivent pouvoir être mobilisées sans recourir à l’endettement, au service de nouveaux acteurs économiques porteurs de projets innovants et structurants pour le pays et, le cas échéant, au service d’interventions défensives. À cette fin, l’État pourra envisager de réduire les niveaux historiques de participation publique dans certaines entreprises, dès lors que le niveau de contrôle ou d’influence de l’État actionnaire n’en serait pas significativement affecté ou que d’autres instruments (réglementation, régulation…) permettraient d’atteindre les objectifs recherchés et que de telles opérations seraient patrimonialement avisées ».

La réduction ainsi explicitée des niveaux historiques de certaines participations devrait, pour être envisagée, préserver les intérêts financiers de l’État et assurer un niveau similaire d’influence ou du contrôle de la puissance publique sur les entreprises concernées.

Le Rapporteur spécial insiste également sur le fait que le volume financier global du portefeuille des participations de l’État devra être maintenu, quels que soient la nature et le niveau des opérations de cessions retenus.

a. La contribution de l’État actionnaire au financement de l’avenir

Le nouveau programme d’investissements d’avenir devrait appeler des financements dont le montant annuel pourrait s’établir entre 2 milliards d’euros et 3 milliards d’euros dans les années à venir. L’État s’est, par ailleurs, engagé à participer à une augmentation de capital de Bpifrance pour un montant de 1,5 milliard d’euros. Enfin, dans le cadre d’éventuelles prises de participations dans des entreprises stratégiques, il serait nécessaire que des liquidités soient disponibles sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État afin de permettre leur financement.

Dès lors que ces investissements doivent générer in fine un surplus de croissance qui entraînera un surcroît de recettes fiscales, il est légitime et économiquement rationnel d’en financer une partie par la dette. Ce serait, par exemple, le cas d’une fraction des investissements d’avenir dont une partie du coût et la totalité du bénéfice reviendraient aux générations futures.

Toutefois, compte tenu de la situation budgétaire, du redressement engagé des finances publiques et du nécessaire financement des priorités des Français, la totalité de ces investissements ne sauraient être financée par ce seul biais. C’est en ce sens que le Gouvernement envisage la possibilité de réduire les niveaux historiques de participation publique dans certaines entreprises.

D’un point de vue budgétaire, cette approche s’analyse non comme une perte de recettes « sèche », mais bien comme un investissement : il s’agit de renoncer aujourd’hui à des dividendes pour percevoir demain les recettes fiscales générées par les nouvelles activités créées par les investissements réalisés par l’État.

D’un point de vue comptable, la valeur totale du patrimoine de l’État ne serait pas modifiée à court terme puisque les opérations de cessions devant être compensées par la constitution de nouveaux actifs, seules les catégories d’actifs à son bilan s’en trouveraient modifiées. À long terme, elle aurait vocation à s’accroître du fait des rendements attendus de ces investissements.

D’un point de vue économique, l’État jouerait son rôle d’investisseur de long terme en renforçant le potentiel français de Recherche et de Développement et en renforçant l’accès à la formation, facteur essentiel pour la productivité, l'innovation, le savoir-faire des métiers et les chances de chacun devant l'emploi.

Le Rapporteur spécial souligne le fait que c’est le besoin d’investissement de réinvestissement productif qui doit déterminer d’éventuelles cessions d’actifs. En pratique, elles ne sauraient être considérées autrement que pour financer des projets d’investissements clairement définis. Il paraît donc nécessaire, pour la bonne compréhension de la démarche de l’État actionnaire par les citoyens, que les produits des cessions d’actifs puissent être mis en lien avec les investissements qu’ils ont financés. De cette manière, chacun pourra constater quel meilleur usage d’intérêt général il a été fait du patrimoine public dans le présent et pour l’avenir.

b. Des critères précis à faire prévaloir en cas de réduction envisagée des niveaux historiques de participation publique dans certaines entreprises

Dès lors qu’elle prévoit la possibilité de céder des actifs, la nouvelle doctrine de l’État actionnaire doit s’accompagner de conditions strictement définies destinées à préserver les intérêts stratégiques et financiers de l’État.

En premier lieu, les cessions d’actifs ne doivent pas avoir pour conséquence de remettre en cause le contrôle ou l’influence exercés par l’État sur les entreprises dont il est actionnaire.

Un actionnaire détenant plus de la moitié du capital social et du droit de vote maîtrise l’essentiel des orientations stratégiques d’une entreprise. Dans ces conditions, la réduction de la participation de l’État dans les entreprises dans lesquelles il demeurerait majoritaire ne modifierait pas le degré d’influence sur ces sociétés. Néanmoins, le Rapporteur spécial estime que la remise en cause des seuils législatifs de détention minimale du capital de certaines sociétés par l’État doit être autant que possible évitée.

En deuxième lieu, la protection des intérêts financiers de l’État requiert d’attendre le moment opportun pour céder une part de la participation à des conditions satisfaisantes. C’est l’intérêt financier de la puissance publique autant que l’intérêt économique des futurs investissements à soutenir.

Enfin, le volume financier global des actifs financiers de l’État ne doit pas diminuer du fait des opérations ainsi menées : le portefeuille des participations de l’État constitue le patrimoine de la communauté nationale et doit, à ce titre, être consolidé.

En d’autres termes, dès lors que la réduction d’une participation ne modifie pas le contrôle ou l’influence de l’État sur l’entreprise et que cette cession est conforme aux intérêts financiers de l’État dont le portefeuille global des actifs est maintenu, alors celle-ci peut être envisagée afin de contribuer au financement des investissements d’avenir et de la stratégie de compétitivité industrielle de l’économie.

c. Les premières cessions fondées sur cette doctrine renouvelée

Pour la première fois depuis 2008, l’État actionnaire a procédé, en 2013, à des cessions de participations financières. S’inscrivant dans le cadre de la doctrine ainsi définie, elles ont vocation à dégager les ressources nécessaires au financement de l’investissement public.

Le tableau suivant récapitule les principales caractéristiques de ces opérations :

LES CESSIONS RÉALISÉES SUR LE FONDEMENT DE LA NOUVELLE DOCTRINE D’INTERVENTION DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE

en millions d’euros

Entreprise

Fraction cédée

Part de l’État après opération

Montant du produit de cession

EADS

3,7 %

12 %

1 190 *

Safran

3,12 %

27 %

448,5

ADP

9,5 % **

50,6 %

738 **

* 871 millions d’euros effectivement perçus par l’État actionnaire, après paiement de l’impôt par la SOGEPA qui détient la participation.

** Cession de 9,5 % du capital, par l’État (3,9 %) et par le Fonds stratégique d’investissement (5,6 %) : produit de cession de 303 millions d’euros pour l’État et de 435 millions d’euros pour le FSI.

Ces opérations respectent les critères de cession des participations publiques évoqués plus haut.

D’une part, le contrôle ou l’influence de la puissance publique sur ces entreprises ne sont pas remises en cause. L’État conserve ainsi plus de la moitié du capital d’ADP. S’agissant de Safran, il continue à bénéficier des droits de vote doubles liés à la durée de détention et il conserve une action spécifique lui conférant des droits particuliers sur certaines activités stratégiques de l’entreprise. Enfin, la réduction de la part de l’État dans EADS s’inscrit dans la réforme de la gouvernance décidée avec l’État fédéral allemand, compte tenu de la volonté de Lagardère et de Daimler de se retirer du capital du groupe aéronautique. Dans les trois cas, selon les informations transmises au Rapporteur spécial, la représentation de l’État au conseil d’administration de ces sociétés ne serait pas affectée.

D’autre part, ces opérations ont été réalisées dans le respect des intérêts financiers de l’État. Ainsi, de 10 euros en 2009, les cours des actions d’EADS et de Safran ont atteint environ 40 euros en 2013 ; dans le même temps, celui de l’action d’ADP a progressé de 40 euros à 70 euros. Les cessions ont donc été réalisées à un cours élevé, permettant de maximiser le produit de cession.

Au final, le montant des produits des cessions de participations ainsi réalisées s’élève à plus de 1,6 milliard d’euros. Ces moyens financiers seraient affectés aux investissements d’avenir, à l’augmentation de capital de Bpifrance et, le cas échéant, à de futures prises de participations réalisées par l’État.

3. La politique sociale de l’État actionnaire doit être exemplaire

Au-delà de la nouvelle doctrine de gestion ainsi proposée par le Gouvernement, la politique sociale de l’État actionnaire doit demeurer exemplaire.

En premier lieu, le décret du 26 juillet 2012 (3) prévoit le plafonnement à 450 000 euros bruts de la rémunération annuelle d’activité des dirigeants d’entreprises publiques, soit 20 fois la moyenne des plus bas salaires de ces entreprises. Comme l’a affirmé justement le ministre de l’Économie et des Finances dans sa communication au Conseil des ministres du 13 juin 2012, « les excès en matière de rémunérations, qui sont dommageables pour les entreprises comme pour la cohésion sociale, imposent de prendre des mesures pour moraliser et encadrer les rémunérations des dirigeants d’entreprises. »

En deuxième lieu, les entreprises dont l’État est actionnaire doivent se caractériser par un complet respect des principes de responsabilité sociale et environnementale.

À titre d’exemple, le législateur a imposé à la Banque publique d’investissement des exigences fortes en la matière. L’article 4 de la loi du 31 décembre 2012 dispose ainsi que « la Banque publique d’investissement prend en compte les enjeux environnementaux, sociaux, d'égalité professionnelle, d'équilibre dans l'aménagement économique des territoires, notamment des zones urbaines défavorisées, des zones rurales et des outre-mer, et de gouvernance dans ses pratiques ainsi que dans la constitution et la gestion de son portefeuille d'engagements. Elle intègre les risques sociaux et environnementaux dans sa gestion des risques. Elle tient compte des intérêts des parties prenantes, entendues comme l'ensemble de ceux qui participent à sa vie économique et des acteurs de la société civile influencés, directement ou indirectement, par les activités de la banque. »

Enfin, les entreprises dont l’État est actionnaire doivent rigoureusement respecter les principes de civisme fiscal.

Le rapport d’information sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international présenté par nos collègues MM. Pierre-Alain Muet et Eric Woerth, devant la Commission des Finances, de l’économie générale et de l’économie budgétaire le 10 juillet 2013, rappelle cette exigence en indiquant que, « si les pouvoirs publics sont fondés à exiger des entreprises davantage d’exemplarité dans la conduite de leurs affaires fiscales, il ne faut toutefois pas oublier que l’État lui-même détient des participations – parfois en tant qu’actionnaire majoritaire – dans de nombreuses sociétés. L’exemple doit venir d’en haut car un « État schizophrène » perdrait toute crédibilité dans la lutte contre l’optimisation fiscale agressive s’il ne soumettait pas à la même discipline les entreprises dont il est actionnaire. Il conviendrait donc de veiller à ce que l’État fasse du civisme fiscal l’un des critères guidant sa politique de participation. »

Dans cette perspective, le Rapporteur spécial considère qu’une mention dans le rapport relatif à l’État actionnaire déposé, chaque année, par le Gouvernement en annexe au projet de loi de finances consacrée au respect effectif des principes de civisme fiscal par les entreprises dans lesquelles l’État détient des participations peut constituer une première réponse.

III. L’ADAPTATION DU CADRE D’ACTION DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE

Le Rapporteur spécial insiste sur l’importance du cadre juridique et du bon fonctionnement de l’administration pour la réussite de la stratégie décidée par le Gouvernement. Ces évolutions sont bien davantage qu’un enjeu d’optimisation, elles constituent une condition de possibilité du bon déploiement de l’intervention publique en faveur de l’investissement.

A. ADAPTER LES RÈGLES JURIDIQUES POUR PERMETTRE À L’ÉTAT ACTIONNAIRE DE METTRE EN ŒUVRE SA NOUVELLE DOCTRINE

Le conseil d’administration d’une société est l’organe de gouvernance qui décide de la stratégie d’une entreprise, fixe ses principaux projets d’investissement et contrôle l’action de la direction. Dès lors que l’État souhaite intégrer les entreprises publiques à sa stratégie industrielle, il doit être en mesure d’orienter, voire de déterminer, les décisions du conseil d’administration.

Le Rapporteur spécial estime que dans cette perspective, l’État doit poursuivre un double objectif de professionnalisation et la diversification de ses représentants au sein des conseils d’administration.

D’une part, en l’état du droit, les représentants de l’État disposent au maximum d’un tiers seulement des sièges au conseil d’administration des entreprises publiques, c’est-à-dire des entreprises dans lesquelles l’État est majoritaire. En conséquence, alors qu’il est majoritaire au capital, l’État ne contrôle pas le conseil d’administration des entreprises publiques, ce qui limite sa capacité d’action.

Sans modifier la part d’un tiers de représentants des salariés, il pourrait être envisagé de supprimer la distinction entre représentants de l’État et personnalités qualifiées. Une telle évolution aurait donc pour effet d’aligner les règles applicables aux entreprises publiques sur celles applicables à la généralité des entreprises, pour lesquelles un actionnaire majoritaire dispose nécessairement du contrôle du conseil d’administration.

D’autre part, en l’état du droit, les administrateurs représentants de l’État doivent être nécessairement des agents publics. Il pourrait être envisagé de dépasser cette condition afin de diversifier le profil, l’expérience et l’expertise des administrateurs de l’État. L’évolution de l’économie, sa globalisation et sa complexité, l’interdépendance des secteurs d’activité aussi, imposent la pluralité des approches et des parcours.

L’exigence de compétence technique et de connaissance d’un secteur concerne, à plus forte raison, les dirigeants des entreprises publiques. Pour cette raison, il serait mis en place, par voie règlementaire, un « comité des nominations » chargé de proposer au Président de la République une liste de personnalités pouvant être nommées à la tête de ces entreprises.

Certaines des évolutions mentionnées ci-dessus sont susceptibles d’être adoptées par ordonnances sur le fondement de l’article 10 du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 1er octobre dernier.

B. ASSURER LA COORDINATION DES SERVICES ET ORGANISMES EN CHARGE DE LA POLITIQUE DE COMPÉTITIVITÉ

La mise en œuvre de la politique de soutien à la compétitivité mobilise plusieurs services et organismes publics :

– Bpifrance ;

– le commissariat général à l’investissement (CGI), en charge du programme d’investissements d’avenir ;

– l’agence des participations de l’État (APE), en charge des entreprises publiques et des entreprises dont l’État est actionnaire ;

– les commissaires au redressement productif, mobilisés dans les territoires pour le soutien aux entreprises en difficulté ; 

– la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) ainsi que, le cas échéant, les ministères sectoriels.

À cette multiplicité de services et d’organismes, s’ajoutent de nouveaux programmes d’action en faveur de la production et de l’innovation. Ainsi, après la création de Bpifrance et l’annonce d’un nouveau programme d’investissements d’avenir, ont été présentés les 34 « plans de reconquête » mis en place par le ministère du Redressement productif, ainsi que les priorités définies par la commission « Innovation 2030 » présidée par Mme Anne Lauvergeon.

Dans ces conditions, l’efficacité de l’action publique exige une coordination optimale entre les services chargés de la mise en œuvre de ces décisions.

Pour cette raison, le Gouvernement devrait mettre en place un comité stratégique, qui pourrait réunir des représentants de l’APE, du CGI, de Bpifrance, de la DGCIS ainsi que des personnalités qualifiées. Une telle instance pourrait se révéler particulièrement utile pour assurer la cohérence de l’action publique en matière de soutien à la production et à l’innovation.

Lors de la création de l’APE en 2003, avait été prévue l’instauration d’une structure de coordination de l’action de l’État actionnaire. Cet organe n’a jamais été mis en place. Ainsi, la proposition n°3 du rapport de M. René Barbier de la Serre, sur le fondement duquel l’APE a été instaurée, concernait la création d’un « comité d’orientation et de suivi » présidé par le ministre chargé de l’économie et regroupant des représentants des ministères sectoriels afin de faciliter le travail interministériel nécessaire à la détermination de la position de l’État actionnaire dans les différents conseils d’administration. De même, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, présidée par M. Philippe Douste-Blazy et dont le rapporteur était M. Michel Diefenbacher, préconisait également la mise en place d’un « comité interministériel » doté d’attributions similaires.

La nécessité d’une formalisation du travail de coordination interministérielle est donc reconnue de longue date mais en dix ans, elle n’a pas encore trouvé de traduction concrète. La mise en place dans les meilleurs délais du comité stratégique par le Gouvernement pourrait permettre une évolution positive en faveur d’un pilotage adapté de la politique de l’État actionnaire, donc de la meilleure valorisation possible de ses participations et de la meilleure orientation possible d’une stratégie industrielle pour la Nation.

PARTIE II : ANALYSE BUDGÉTAIRE DES COMPTES SPÉCIAUX

Le présent développement offre une analyse budgétaire des comptes spéciaux Participations financières de l’État, Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics et Participation de la France au désendettement de la Grèce.

Les principaux éléments à retenir de cette analyse sont les suivants.

Les nouvelles orientations assignées à l’État actionnaire ont une incidence directe sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État qui, pour la première fois depuis 2008, perçoit, en 2013, des produits de cessions de participations.

La stratégie de la mission ne prend toutefois pas en compte les nouvelles orientations assignées à l’État actionnaire sur le fondement de la communication faite en Conseil des ministres, le 2 août dernier, par les ministres de l’Économie et du Redressement productif. La stratégie décrite par le projet annuel de performances devra donc intégrer cette nouvelle doctrine dès le projet de loi de finances pour 2015 et, le cas échéant, de nouveaux indicateurs de performance pourraient être instaurés pour évaluer l’incidence en matière industrielle et sociale de l’action de l’État actionnaire.

Sur le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics, apparaît la croissance continue, depuis 2007, de l’endettement du budget annexe du contrôle et de l’exploitation aériens (BACEA), qui emprunte plus qu’il ne rembourse à l’État. Ce compte devrait néanmoins être légèrement excédentaire en 2014 en raison du remboursement du reliquat de l’avance octroyée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Le dispositif d’évaluation de la performance de ce compte semble inadapté dès lors qu’il ne met pas en lumière l’absence de remboursement d’avances octroyées à la Cité de la musique et à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).

Enfin, en application d’une décision de l’Eurogroupe, le compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce voit le champ de ses dépenses élargi pour permettre le reversement à l’État grec des revenus tirés par la Banque de France sur les obligations souveraines grecques qu’elle a acquises dans le cadre du Securities market program. Le Rapporteur spécial a suivi les préconisations de la Cour des comptes et demandé des informations détaillées sur les modalités de calcul de ces reversements ainsi que sur leur impact sur le dividende versé par la Banque de France à l’État, sans obtenir de l’administration des réponses d’une grande précision.

I. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

● Le tableau suivant récapitule les principales opérations menées sur le compte entre le 1er janvier et le 31 août 2013, déduction faite des dotations au Mécanisme européen de stabilité (MES) et à la Banque européenne d’investissement, financées sur le budget général, dont le montant respectif atteint 3,3 milliards d’euros et 1,6 milliard d’euros et dont l’impact sur le solde du compte est nul.

OPÉRATIONS MENÉES AU 31 AOÛT 2013, HORS DOTATIONS AU MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ ET À LA BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT

(en millions d’euros)

Solde

+ 81,3

Recettes

+ 964,6

Dont cession Safran

+ 448,5

Dont cession ADP

+ 303,3

Dépenses

– 883,3

Dont dotation BPI-Groupe

– 383,2

Dont dotation La Poste

– 266,7

Dont dotation AFPA

– 110

Source : d’après ministère de l’Économie et des finances.

La principale dépense réalisée au 31 août est le versement à BPI-Groupe d’une dotation de 383,2 millions d’euros, destinée principalement à renforcer les capacités d’action de sa filiale en charge des apports en fonds propres aux entreprises. La libération de la dernière tranche de l’augmentation de capital de La Poste a entraîné, quant à elle, une dépense de 383,2 millions d’euros. Enfin, le rachat de titres associatifs de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) requiert la mobilisation de 110 millions d’euros sur ce compte et devrait être financé par un versement, avant la fin de l’année, du budget général.

La principale dépense à engager d’ici fin 2013 serait le rachat de titres d’Areva détenus par le commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEAEA) pour 357 millions d’euros, afin d’assurer le financement du démantèlement de ses installations nucléaires.

Ces dépenses seraient principalement financées par les cessions de participations dans Safran et ADP, évoquées plus haut, ainsi que par la cession de titres d’EADS dont une partie du produit de cession (4) – estimée à 853 millions d’euros – serait remontée, avant la fin de l’année, vers le budget de l’État via une réduction de capital de la société de gestion des participations aéronautiques (SOGEPA).

Pour 2014, comme il est d’usage, la prévision de produits de cessions d’actifs est fixée de manière conventionnelle pour éviter de révéler les intentions de l’État actionnaire, ce qui pourrait avoir une incidence sur la valorisation de ses participations. Sont également prévues la libération de la dernière tranche de l’augmentation de capital du Mécanisme européen de solidarité (MES), pour 3,3 milliards d’euros, ainsi qu’une dépense de 1,75 milliard d’euros au titre du nouveau programme d’investissements d’avenir – ces deux opérations devant être financées sur le budget général.

En dépenses, outre les opérations financées sur le budget général – versement de la dernière tranche de l’augmentation de capital du MES et investissements d’avenir –, les besoins identifiés à ce stade sont :

– la libération de la deuxième tranche de l’augmentation de capital de Bpifrance pour 383 millions d’euros ;

– la poursuite de l’achat de titres d’Areva auprès du CEAEA pour 378 millions d’euros ;

– la poursuite de la recapitalisation des banques multilatérales de développement pour 56 millions d’euros, soit un montant identique à celui anticipé pour 2013.

Outre ces opérations dont l’engagement a été décidé préalablement à l’exercice 2014, d’autres dépenses pourraient être constatées, en lien notamment avec la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de l’État actionnaire.

● Au 1er janvier 2013, le solde reporté du compte s’élève à 1 576 millions d’euros. Ce niveau élevé s’explique par des crédits reportés de 1 780 millions d’euros destinés au financement de la libération du capital non libéré du Fonds stratégique d’investissement (FSI) et de 60 millions d’euros destinés à l’augmentation de capital de la société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM). On remarque qu’une partie de ces crédits reportés – soit 264 millions d’euros – ont été consommés, dès 2012, pour des usages distincts des augmentations de capital qui avaient justifié leur ouverture.

L’affectation ainsi prévue des crédits reportés sur le compte a été, en 2013, partiellement modifiée du fait des opérations constitutives de la BPI. En effet, la totalité du capital non libéré du FSI a été annulée, soit 3,6 milliards d’euros, dont 1 780 millions d’euros correspondant à la part de l’État. En contrepartie, l’État et la Caisse des dépôts ont procédé à une augmentation de capital de Bpigroupe d’un montant de 3,1 milliards d’euros, la part de l’État s’élevant à 1,53 milliard d’euros (dont 383 millions d’euros ont été libérés en 2013).

En conséquence, alors que les crédits destinés au financement du FSI s’élevaient, au 1er janvier 2013, à 1,78 milliard d’euros, la dépense que le compte financera pour le compte de Bpigroupe serait limitée à 1,53 milliard d’euros - dont 383 millions d’euros ont déjà été engagés en 2013. S’en déduit un solde de 250 millions d’euros qui correspondent à des crédits ouverts par le législateur dans la première loi de finances rectificative pour 2009 afin de financer le FSI et qui seront finalement affectés à un autre usage.

La LOLF prévoyant la fongibilité des crédits au sein de chacun des programmes du budget de l’État, cette nouvelle affectation ne serait pas contraire à la lettre de la loi organique. Toutefois, le respect de l’esprit de la LOLF et la bonne information du Parlement imposent au Gouvernement de fournir une information claire et détaillée sur les raisons justifiant cette nouvelle affectation des crédits et sur les usages qui pourraient être faits de ce surplus de 250 millions d’euros.

● La performance dans la gestion de l’État actionnaire est d’abord appréciée au regard de la performance financière des entreprises du périmètre de l’APE. Les indicateurs fournis par le projet annuel de performances doivent toutefois être considérés avec prudence car ils dépendent pour une très large part de la situation financière des entreprises dans lesquelles l’État est majoritaire et qui sont donc consolidées par intégration globale – EDF, Areva, la SNCF et Réseau ferré de France principalement.

PERFORMANCE DES ENTREPRISES DU PÉRIMÈTRE (INDICATEURS ASSOCIÉS
À L’OBJECTIF N° 1 DU PROGRAMME 731)

   

2011

2012

LFI 2013

Révisé 2013

PLF 2014

1.1

Rentabilité financière des capitaux propres

5,7

5,9

ND

>5,9

ND

1.2

Marge opérationnelle

8,5

9,4

ND

>9,4

ND

1.3

Rentabilité opérationnelle des capitaux employés

7,3

8,4

ND

>8,4

ND

1.4

Soutenabilité de l'endettement

3,8

4,3

ND

<4,3

ND

1.5

Distribution de dividendes

77,6

79,09

ND

ND

ND

Source : projet annuel de performances.

Aucun objectif n’est assigné pour l’année à venir. Seul l’objectif de l’année en cours est fixé, qui consiste à faire mieux qu’en 2012, sans que l’on ne sache dans quelles proportions. Dans ces conditions, on peut s’interroger sur l’utilité de ce dispositif d’évaluation de la performance.

Compte tenu du fait que, pour la première fois depuis 2008, l’État a procédé à des cessions d’actifs, les indicateurs de l’objectif n° 2, relatif aux conditions de cessions de participations, retrouvent une utilité.

On constate que les prix de cession des actions Safran et ADP semblent être en ligne avec les cours de Bourse constatés dans les 30 jours précédant et suivant ces opérations. Il semble donc que ces cessions aient été réalisées à un « juste prix » et que les intérêts financiers de l’État aient été préservés.

En revanche, les conditions de cession de la fraction de participation dans EADS n’apparaissent pas dans les indicateurs de performance car cette cession a été réalisée par la SOGEPA. Une telle interprétation restrictive du champ de l’évaluation de la performance paraît contestable dès lors que l’État contrôle la SOGEPA.

Le tableau suivant récapitule les caractéristiques des cessions réalisées sur les premiers mois de l’année 2013.

CESSIONS RÉALISÉES DEPUIS LE DÉBUT DE L’ANNÉE 2013

 

ABB Safran

26 mars 2013

Cession EADS à EADS
14 avril 2013

ABB EADS
25 avril 2013

Cession ADP
29 juin 2013

Total

Nombre de titres cédés

13 000 000

12 977 088

17 632 283

3 864 271

 

Prix de cession

34,500

37,195

40,100

78,500

 

Recette de cession

448 500 000

482 682 788

707 054 548

303 345 274

1 941 582 610

Prix CPT

33,00

nd

nd

68,00

 

Recette minimal CPT

429 000 000

nd

nd

262 770 428

 

Cours moyen 30 jours précédents

35,180

40,147

35,341

71,040

 

Cours moyen 30 jours suivants

36,143

41,018

39,529

76,631

 

Cours moyen 30 jours précédents et suivants

35,661

40,583

37,435

75,835

 

Écart entre les recettes de cessions et leur valeur fixée par la CPT

19 500 000

nd

nd

40 574 846

60 074 846

Ratio Écart / Recettes de cessions

4,35 %

nd

nd

13,38 %

7,99 %

Écart entre les recettes de cessions et la valeur boursière moyenne sur les 30 jours de bourse précédents chaque opération

– 8 837 833

– 38 311 496

83 914 974

28 828 750

65 594 394

Ratio Écart / Recettes de cessions

– 1,19 %

– 7,94 %

11,87 %

9,50 %

3,38 %

Écart entre les recettes de cessions et la valeur boursière moyenne sur les 30 jours de bourse suivants chaque opération

– 21 356 833

– 49 615 733

10 065 095

7 222 322

– 53 685 149

Ratio Écart / Recettes de cessions

– 4,76 %

– 10,28 %

1,42 %

2,38 %

– 2,77 %

Écart entre les recettes de cessions et la valeur boursière moyenne sur les 30 jours de bourse précédents et suivants chaque opération

– 15 097 333

– 43 963 615

46 990 034

18 025 536

5 954 622

Ratio Écart / Recettes de cessions

– 3,37 %

– 9,11

6,65 %

5,94 %

0,31 ù

NB : la fraction de la participation de l’État dans EADS a été cédée, pour partie, à l’entreprise elle-même (« cession EADS à EADS ») et, pour partie, à des investisseurs (« ABB EADS »). Par ailleurs, le sigle « ABB » signifie « Accelerated book build » et renvoie à une technique de placement de titres auprès d’investisseurs.

Source : ministère de l’Économie et des finances.

Le Rapporteur spécial estime que les nouvelles orientations de l’État actionnaire devraient se traduire par une modification de la stratégie et des objectifs du programme 731, qui ne devraient plus être seulement concentrés sur une optique de rentabilité financière mais qui devraient prendre également en compte les objectifs de soutien à l’innovation et à la production.

Il conviendrait qu’à compter du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015, la stratégie du programme prenne en compte la mobilisation de l’État actionnaire au service de la politique de soutien à la stratégie de croissance et de compétitivité. Cela suppose que de nouveaux indicateurs de performance soient mis en place pour évaluer les résultats de l’administration en la matière.

II. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

Le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics retrace, en dépenses, l’octroi d’avances à ces services ou organismes et, en recettes, leur remboursement. Les intérêts perçus sur ces avances sont affectés au budget général.

Le compte serait légèrement excédentaire en 2014, à hauteur de 6,3 millions d’euros, en raison principalement du remboursement, à hauteur de 91,4 millions d’euros, du reliquat de l’avance octroyée à l’AFITF, qui compenserait notamment l’accroissement de 64,9 millions d’euros de la dette du budget annexe du contrôle et de l’exploitation aériens (BACEA) envers l’État.

Le tableau suivant détaille les grands équilibres du compte prévus en 2014.

PRÉVISION DE RECETTES ET DE DÉPENSES DU COMPTE POUR 2013

(en millions d’euros)

 

Dépenses

Recettes

Solde

Compte

7 542,2

7 548,4

+ 6,2

P 821

7 200

7 200

0

P 823

59,5

145,6

+ 86,1

P 824

267,7

202,8

– 64,9

P 825

15

0

– 15

Source : d’après projet annuel de performances.

● En premier lieu, les avances retracées sur le programme 821 sont destinées au préfinancement des aides de la politique agricole commune par l’agence de services et de paiement (ASP).

Une telle affectation n’appelle pas de commentaires particuliers dans la mesure où ces avances sont systématiquement remboursées avant la fin de l’année afin d’assurer l’équilibre du compte. Entre le remboursement de ces avances à l’État et le versement effectif des aides agricoles, l’ASP contracte un crédit-relais pour assurer la pérennité du préfinancement.

● En deuxième lieu, le programme 823 retrace des octrois d’avances à divers organismes en charge de missions de service public.

Le tableau suivant récapitule le stock des avances accordées à cette fin.

PRÉVISION DU STOCK, AU 31 DÉCEMBRE 2013, D’AVANCES OCTROYÉES SUR LE PROGRAMME 823

(en millions d’euros)

Organisme

Montant prévisionnel à rembourser au 31/12/2013

Date prévisionnelle de remboursement

FSN - CDC

1 050

2 septembre 2020

AFITF

91,4

Décision initiale :

15 décembre 2011

Décision de rééchelonnement du 18 avril 2012 :

15 M€ en 2012

83 M€ en 2013

27,9 M€ en 2014

Rééchelonnement du 5 décembre 2012 (décision interministérielle)

17,1 M€ en 2013

91,4 M€ en 2014

Cité de la Musique

51,1

31 décembre 2009

INRAP

15,5

Deux avances :

1er mars 2008 (8 M€)

20 décembre 2009 (7,5 M€)

AEFE

17,8

Nc

L’agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) a été affectataire, en 2009, d’une avance d’un montant initial de 143 millions d’euros.

Cette avance devait d’abord être remboursée par le produit de cession de la concession de l’autoroute A63. Ce produit ayant été affecté au financement du « Grenelle de l’environnement », l’avance n’a pas été remboursée selon le calendrier prévu, ce qui a justifié l’adoption de deux décisions successives de rééchelonnement.

Il a ainsi été prévu, à fin 2012, que le reliquat de cette avance soit remboursé à hauteur de 17,1 millions d’euros en 2013 et de 91,4 millions d’euros en 2014. Le remboursement prévu pour 2013 aurait été effectué selon le montant prévu. Celui prévu pour 2014 permettrait de solder la dette de l’AFITF envers l’État.

Si l’avance accordée à l’AFITF devrait être entièrement remboursée en 2014, tel n’est pas le cas des avances accordées à la Cité de la Musique et à l’INRAP.

L’avance, d’un montant initial de 60,5 millions d’euros, accordée en 2009 à la Cité de la Musique devait être remboursée par le produit de cession de la salle Gaveau, qui n’a finalement pas été réalisée. « Dans l’attente d’une décision sur les modalités de remboursement de l’avance », selon les termes de l’administration, la Cité de la Musique verse chaque année à l’État une somme représentant le bénéfice tiré de cette salle et évaluée à 2,3 millions d’euros en 2013.

Le remboursement des avances accordées à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) apparaît hautement improbable en raison de la situation financière dégradée de cet organisme. L’absence de constat de perte ou de décision de rééchelonnement semble critiquable dès lors que cet organisme n’est manifestement pas en mesure d’honorer sa dette selon le calendrier prévu.

À compter de 2012, un nouveau type d’avances apparaît avec les prêts accordés aux établissements de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Il s’agit d’assurer le financement de leurs projets immobiliers. Ces prêts sont justifiés par l’interdiction d’endettement à plus d’un an que la loi de programmation pour les années 2011 à 2014 impose à la plupart des organismes divers d’administration centrale (ODAC).

S’agissant de l’exécution de l’année 2013, seraient constatés, en recettes, le remboursement partiel de 17,1 millions d’euros, opéré par l’AFITF, ainsi que le versement de 2,3 millions d’euros de la Cité de la Musique et un remboursement de 1 million d’euros par l’AEFE. En dépense, une avance de 8,8 millions d’euros serait accordée à l’AEFE avant la fin de l’année, ce qui serait l’unique opération de l’année.

En 2014, comme il est d’usage, il est prévu l’octroi et le remboursement d’avances pour un montant de 50 millions d’euros, afin de faire face aux besoins de financement imprévus. S’y ajouteraient, en dépense, des crédits d’un montant de 9,5 millions d’euros à destination de l’AEFE. En recettes, seraient constatés les remboursements du reliquat de la dette de l’AFITF pour 91,4 millions d’euros ainsi que des remboursements de 2,3 millions d’euros par la Cité de la Musique et de 1,9 million d’euros par l’AEFE.

● S’agissant des avances octroyées sur le programme 824 au budget annexe du contrôle et de l’exploitation aériens (BACEA), le graphique ci-dessous illustre l’accroissement de leur stock, lié au fait que, depuis 2007, le montant des octrois d’avances est supérieur à celui des remboursements. Ce graphique illustre l’accroissement constant de l’endettement du BACEA, que la présentation budgétaire du budget annexe, nécessairement équilibrée, ne permet pas de montrer.

STOCK D’AVANCES ACCORDÉES AU BACEA

(en milliards d’euros)

Source : d’après ministère de l’Économie et des finances.

Cette évolution se poursuivrait en 2014, avec des octrois d’avances estimés à 268 millions d’euros et des remboursements de seulement 203 millions d’euros, conduisant à accroître de 65 millions d’euros la dette du BACEA envers l’État.

Enfin, comme en 2013, il est prévu qu’en 2014 serait octroyé, sur le programme 825, un montant de 15 millions d’euros d’avances à l’office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) pour l’indemnisation des victimes du Benfluorex.

Le dispositif d’évaluation de la performance du compte porte sur le respect des règles organiques applicables aux avances octroyées par l’État. Comme le Rapporteur spécial l’a déjà remarqué dans le passé, le renseignement par l’administration des indicateurs associés à ce dispositif tend à omettre l’impasse dans laquelle se trouvent les avances octroyées à la Cité de la Musique et à l’INRAP, ainsi que le caractère permanent des prêts accordés au BACEA.

Dès lors que ces indicateurs ne mettent pas en lumière les dysfonctionnements du compte ainsi identifiés, leur utilité ne paraît pas certaine.

III. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

Le compte d’affectation spéciale (5) Participations de la France au désendettement de la Grèce est le véhicule budgétaire permettant de transférer à l’État grec les revenus perçus par la Banque de France sur les obligations souveraines grecques qu’elle détient.

À sa création, ce transfert de ressources portait sur les revenus perçus par la Banque de France sur les seules obligations souveraines grecques qu’elle détient pour compte propre, notamment dans le cadre de sa stratégie de placement. Le montant de ce transfert est évalué à 754,3 millions d’euros entre 2012 et 2020. La dépense retracée sur le compte au titre de cette opération relève de l’action 1 du programme 795.

Lors de la réunion de l’Eurogroupe du 26 novembre 2012, le transfert de ressources ainsi opéré au profit de la Grèce a été étendu aux revenus perçus par les banques centrales nationales sur les obligations souveraines grecques acquises dans le cadre du Securities market program – le programme d’achat d’obligations souveraines mis en œuvre par l’Eurosystème à compter de 2010 –, soit un montant total de 2,06 milliards d’euros entre 2013 et 2025 en ce qui concerne la Banque de France. Une convention en date du 26 juin 2013 a été adoptée entre la Banque de France et l’État pour organiser ce transfert de ressources.

L’élargissement du champ de la dépense du compte serait effectif dès l’année 2013, avec la création d’une action n° 2 dédiée au sein du programme 795. Cette évolution serait probablement prévue en loi de finances rectificative de fin d’année.

Le tableau ci-après récapitule les opérations prévues sur le compte en 2013 et en 2014.

OPÉRATIONS PRÉVUES SUR LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

(en milliards d’euros)

 

2012

LFI 2013

Révisé 2013

PLF 2014

Dépense

198,7

149

599

500,8

Dont action n° 1

198,7

149

149

101,8

Dont action n° 2

Ns

Ns

450

399

Recettes

198,7

555,6

1 005,6

399

Au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations détenues pour compte propre

198,7

555,6

555,6

0

Au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations acquises dans le cadre du Securities market program

Ns

Ns

450

399

Solde

0

+ 406,6

+ 406,6

– 101,8

Source : d’après projet annuel de performances.

Les recettes du compte correspondent aux versements effectués par la Banque de France au profit de l’État.

Au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations détenues pour compte propre, la Banque de France s’est engagée à verser à l’État, en 2012 et en 2013, la totalité de la somme due à la Grèce, soit 198,7 millions d’euros en 2012 puis 555,6 millions d’euros en 2013. Ce versement anticipé permet un gain en trésorerie pour l’État. En comptabilité nationale, ce surplus de recettes est toutefois sans impact sur le solde public car, du fait de l’application de la règle des droits constatés, la recette serait prise en compte au fur et à mesure de l’engagement de la dépense.

Au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations acquises dans le cadre du Securities market program, le versement de la Banque de France couvrirait exactement, chaque année, la dépense du compte. Cette dépense est prévue à hauteur de 450 millions d’euros en 2013 et de 399 millions d’euros en 2014.

Dans la mesure où les opérations menées au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations acquises dans le cadre du Securities market program sont équilibrées, le solde du compte dépend des opérations menées au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations détenues pour compte propre.

Comme prévu initialement, un solde excédentaire se dégagerait en 2013, à hauteur de 406,6 millions d’euros du fait du versement anticipé effectué par la Banque de France et décrit plus haut.

En 2014, le solde du compte s’établirait à –101,8 millions d’euros.

À compter de 2014, ce solde serait structurellement négatif car les dépenses au titre du reversement des revenus tirés des obligations détenues pour compte propre ne seraient pas couvertes par des recettes – puisque celles-ci auront été versées par anticipation en 2012 et en 2013. Comme indiqué plus haut, les dépenses au titre du reversement des revenus tirés des obligations acquises dans le cadre du Securities market program, en revanche, seraient équilibrées chaque année par des recettes de même montant du fait de l’absence de versement anticipé par la Banque de France de ces recettes.

La chronique de ces versements et le montant prévisionnel du solde du compte sont détaillés dans le tableau suivant.

CHRONIQUE DES DÉCAISSEMENTS PRÉVISIONNELS

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

Compte propre

198,7

149

101,8

123,5

92,6

56

19,3

7,7

5,8

0

0

0

0

0

754,3

SMP

0

450

399

309

233

183

148

118

86

35

27

26

22

24

2 060

Solde

0

+406,6

–101,8

–123,5

–92,6

–56

–19,3

–7,7

–5,8

0

0

0

0

0

0

Source : projet annuel de performances.

SOLDE DU COMPTE

(en millions d’euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

0

+406,6

–101,8

–123,5

–92,6

–56

–19,3

–7,7

–5,8

0

0

0

0

0

0

À noter qu’en raison de la nature particulière du compte, qui tient lieu de simple « canal budgétaire » entre la Banque de France et l’État grec, aucun dispositif de mesure de la performance ne lui est associé.

Faisant suite aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans le cadre de son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire pour l’année 2012, le Rapporteur spécial a interrogé l’administration sur les modalités de calcul des montants reversés par la Banque de France et sur l’impact de ces reversements sur le dividende versé par la Banque de France à l’État.

Sur le premier point, l’administration n’a pas détaillé les modalités de calcul des revenus perçus sur les obligations détenues pour compte propre et reversés à la Grèce. Elle s’est contentée d’indiquer que la Banque de France estime que les revenus qu’elle percevra sur les obligations souveraines grecques détenues pour compte propre atteindraient 616 millions d’euros mais que, compte tenu de retraitements comptables effectués par la Banque centrale européenne (6), ce montant aurait été revu à 754,3 millions d’euros.

S’agissant des revenus perçus sur les obligations souscrites dans le cadre du Securities market program, leur montant serait calculé au prorata de la quote-part de chaque banque centrale dans le capital de la Banque centrale européenne.

Sur le second point, l’administration estime que l’impact de ces opérations sur le dividende versé par la Banque de France à l’État est « difficilement mesurable bien que réel » et souligne le fait que la hausse du résultat financier de la Banque de France a permis une hausse sensible du dividende, de 877 millions d’euros en 2012 à 1 381 millions d’euros en 2013.

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du Budget, lors de la commission élargie du 5 novembre à 11 heures (7) la commission des Finances examine les crédits des missions Engagements financiers de l’État et Remboursements et dégrèvements et des comptes spéciaux Participations financières de l’État, Participation de la France au désendettement de la Grèce et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.

Suivant l’avis favorable de M. Guillaume Bachelay, rapporteur spécial, la Commission adopte les crédits des comptes spéciaux Participations financières de l’État, Participation de la France au désendettement de la Grèce et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.

*

* *

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

M. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif

M. Alexis Kohler, directeur adjoint du cabinet du ministre de l’Économie et des finances, Mme Anne-Michelle Basteri, conseillère en charge des participations de l’État, Mme Maeva Level, conseillère parlementaire

M. David Azéma, directeur général de l’Agence des participations de l’État

M. Philippe Bouyoux, commissaire général adjoint à l’investissement

M. Arnaud Caudoux, directeur administratif et financier de Bpifrance

ANNEXE N° 2 : LISTE DES PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

Entreprise

Capital détenu par l'État

Capital détenu par le secteur public hors État

Total du capital détenu par le public

RATP

100

-

100

SNCF

100

-

100

RFF

100

-

100

Ports *

100

-

100

GIAT - Nexter

100

-

100

Imprimerie nationale

100

-

100

LFB

100

-

100

La Monnaie de Paris

100

-

100

Audiovisuel extérieur de la France

100

-

100

France Télévisions

100

-

100

Radio France

100

-

100

La Poste

77,1

22,9

100

Aéroports en région **

60

40

100

Bpifrance

50

50

100

Arte France

25

75

100

SFTRF

99,9

-

99,9

ATMB

67,3

24

91,3

Areva

14,3

72,1

86,4

EDF

84,4

-

84,4

La Française des Jeux

75

-

75

DCNS

63,6

-

63,6

Semmaris

33,3

23,4

56,7

Aéroport de Paris

50,6

-

50,6

Seuil de 50 % du capital

     

DCI

49,9

-

49,9

GDF-Suez

36,7

3,1

39,1

Thales

-

27,1

27,1

Safran

27,1

0

27

Orange

13,5

13,5

27

Dexia

5,7

17,6

23,3

Air France-KLM

15,9

-

15,9

Renault

15

-

15

EADS

-

12

12

* Dunkerque, Le Havre, Nantes-Saint-Nazaire, Marseille, Paris, Rouen.

** Bordeaux-Mérignac, Côte d’Azur, Lyon, Montpellier-Méditerranée, Toulouse-Blagnac, La Réunion.

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement.

2 () Comme indiqué dans le développement relatif au compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État, cette augmentation de capital de 2,4 milliards d’euros de Bpifrance Participations s’accompagne d’une réduction de capital de 3,6 milliards d’euros, correspondant à la part de capital qui n’avait pas été libérée en 2009, lors de la création du Fonds stratégique d’investissement. Au final, en 2013, le capital libéré de Bpifrance augmente donc de 600 millions d’euros et son capital non libéré se réduit de 1,2 milliard d’euros.

3 () Décret n° 2012-915 du 26 juillet 2012 relatif au contrôle de l'État sur les rémunérations des dirigeants d'entreprises publiques.

4 () Le solde du produit de cession, soit 319 millions d’euros, aurait été affecté au paiement de l’impôt auquel la SOGEPA est soumise.

5 () Ce compte a été créé par l’article 21 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

6 () Ces retraitements tiendraient notamment au fait que les titres grecs détenus au bilan des banques centrales pourraient être évalués selon des méthodes différentes (coût historique ou valeur de marché), ce qui aurait une incidence sur leur valeur.

7 () Le compte rendu de la commission élargie peut être consulté sur le site internet de l’Assemblée nationale à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2014/commissions_elargies/cr.