Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N
° 2265

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2015 (n° 2234)

TOME VII

DÉFENSE

ÉQUIPEMENT DES FORCES – DISSUASION

PAR M. Jean-Jacques BRIDEY

Député

——

Voir le numéro : 2260 (annexe 12)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : PRÉSENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 146 POUR 2015 7

I. DES CRÉDITS 2015 CONFORMES À LA PROGRAMMATION 2014-2019 7

A. UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2014 RÉUSSIE GRÂCE À LA CLAUSE DE SAUVEGARDE 7

1. Un report de charges maîtrisé 7

2. Les ressources exceptionnelles au rendez-vous 9

B. LES RESSOURCES FINANCIÈRES 2015 AU NIVEAU ATTENDU 10

1. Des ressources exceptionnelles en hausse 10

2. L’évolution générale des crédits du programme 11

II. UNE ANNÉE CLÉ POUR LA MODERNISATION DES ARMÉES 12

A. UN RYTHME DE COMMANDES ET DE LIVRAISONS SOUTENU 12

1. Les livraisons attendues 12

2. Onze programmes au stade de réalisation 13

B. DEUX PROGRAMMES PHARES : MRTT ET SCORPION 14

C. LES CRÉDITS DE LA DISSUASION 15

DEUXIÈME PARTIE : RELEVER LE DÉFI DES RECETTES EXCEPTIONNELLES POUR RÉUSSIR L’ANNÉE 2015 17

I. UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2015 SUSPENDUE À LA PERCEPTION DE RECETTES EXCEPTIONNELLES 17

A. UN NIVEAU ÉLEVÉ DE RESSOURCES EXCEPTIONNELLES 18

1. Les ressources prévues par la loi de programmation militaire et la clause de sauvegarde 18

2. Un calendrier de cession des fréquences très ambitieux pour 2015 20

B. LES SCÉNARIOS ALTERNATIFS ENVISAGÉS PAR LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 22

1. L’impossible redéploiement des crédits du PIA 23

2. Le nécessaire respect de la norme de dépense publique 24

II. UNE SOCIÉTÉ DE PROJET POUR GARANTIR LA TRAJECTOIRE DE RESSOURCES DE LA LPM 25

A. PLUSIEURS HYPOTHÈSES DE TRAVAIL 25

1. Une société publique 25

2. Une ouverture à des investisseurs privés ? 26

B. DES CONTRAINTES FORTES À RESPECTER 27

1. Assurer la disponibilité des équipements au plus tôt 27

2. Quel impact sur la norme de dépense publique ? 29

CONCLUSION : IMAGINER UNE SOLUTION PÉRENNE POUR SÉCURISER LES RESSOURCES EXCEPTIONNELLES 30

TRAVAUX DE LA COMMISSION 33

I. AUDITION DE M. LAURENT COLLET-BILLON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT 33

II. EXAMEN DES CRÉDITS 51

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis 55

INTRODUCTION

Deuxième annuité de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2014 à 2019, l’année 2015 est déjà une année décisive pour la réussite de cette dernière.

Alors qu’elles font face à une activité opérationnelle toujours plus intense, nos armées doivent accomplir dans le même temps des transformations profondes, pour être au rendez-vous de leur nécessaire modernisation.

Le projet de loi de finances pour 2015 traduit cette volonté, décidée par la LPM l’année dernière, d’accomplir cette modernisation sans délai. Plusieurs nouveaux programmes, au premier rang desquels se situent le renouvellement de la flotte d’avions ravitailleurs et le programme SCORPION, doivent ainsi entrer dans une phase de réalisation dès l’année prochaine.

Ainsi que le rappelle régulièrement le ministre de la Défense, aucune brique de la programmation militaire ne peut être retirée sans risque de fragiliser l’ensemble de la construction, tandis que le chef d’état-major des armées a souligné, lors de son audition par la commission de la Défense, que le costume était « taillé au plus juste ».

Les ressources financières prévues pour 2015 sont au rendez-vous de la programmation : les 31,4 milliards d’euros votés lors de la LPM sont bien inscrits dans le projet de loi de finances. Mais ces ressources comprennent 2,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles, en augmentation de 500 millions d’euros par rapport à la LPM, pour tenir compte des 500 millions d’euros de baisse des crédits budgétaires décidée dans le cadre de la programmation triennale des finances publiques.

Or on sait que par nature, ces ressources exceptionnelles peuvent être incertaines, tant par leur montant que leur calendrier de réalisation. Cette incertitude exigera tout au long de l’année 2015 une mobilisation sans faille de la part du Gouvernement ainsi qu’une grande vigilance de la part des parlementaires.

Les solutions envisagées par le ministre de la Défense pour pallier un éventuel décalage calendaire sont soumises à des contraintes très fortes, qui représentent autant de défis à relever au cours de l’année qui vient.

Comme il est désormais d’usage à la commission de la Défense, la première partie de ce rapport présentera les crédits du programme 146 « Équipements des forces », pour l’année 2015 tandis que la deuxième, thématique, sera consacrée à la question, essentielle, des ressources exceptionnelles.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2014, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 58 réponses lui étaient parvenues, soit un taux de 87 %.

PREMIÈRE PARTIE : PRÉSENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 146 POUR 2015

L’année 2015 est une année décisive pour l’ensemble de la programmation 2014-2019. Sa réussite conditionne la bonne exécution de la suite de la LPM et la réalisation de notre modèle d’armée à l’horizon 2020.

Le projet de loi de finances pour 2015 traduit l’engagement du président de la République de préserver les ressources affectées au ministère de la Défense. Les 31,4 milliards d’euros prévus par la LPM sont bien au rendez-vous de cette année. Ils permettront d’entrer dans une étape-clé de la modernisation de nos armées, grâce à la réalisation de quelques programmes nouveaux.

I. DES CRÉDITS 2015 CONFORMES À LA PROGRAMMATION 2014-2019

A. UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2014 RÉUSSIE GRÂCE À LA CLAUSE DE SAUVEGARDE

1. Un report de charges maîtrisé

Alors que le report de charges du programme 146 s’élevait à 2,4 milliards d’euros – soit les deux tiers de celui de la mission « Défense » – à la fin de l’année 2013, il devrait se situer au même niveau à la fin de cette année 2014.

Les 650 millions d’euros d’annulations de crédits effectuées en fin d’année dernière par le décret d’avance de novembre 2013 et la loi de finances rectificatives pour 2013 (1) n’ont dégradé le report de charges que de 350 millions d’euros pour l’année 2014. Il a en effet été décidé de reporter un certain nombre de programmes sur les années ultérieures pour le montant restant, soit 300 millions d’euros.

La loi de finances rectificative pour 2014 (2) a ensuite annulé 350 millions d’euros de crédits sur le périmètre de la mission « Défense », dont 202 millions sur le programme 146.

Cette baisse a été compensée en partie par l’activation de la « clause de sauvegarde » prévue par l’article 3 de la LPM. 250 millions d’euros de ressources exceptionnelles ont été alors débloqués au profit de la mission « Défense » au titre du programme d’investissement d’avenir (PIA), dont 118 millions ont été affectés au programme 146.

En tout, ces mouvements sur l’exercice 2014 ont entraîné une baisse des ressources de 84 millions d’euros pour le programme 146. Une deuxième tranche de ressources exceptionnelles, de 250 millions d’euros, est néanmoins attendue pour la fin de l’année.

Compte tenu de l’incertitude qui pèse sur le calendrier des ressources exceptionnelles, la direction générale de l’armement (DGA) a adopté une attitude prudente s’agissant des engagements en les repoussant au plus tard des possibilités contractuelles tout en tenant compte des priorités opérationnelles.

Cette gestion prudente a légèrement réduit les besoins de paiements pour l’année 2014 et diminué, de fait, le report de charges prévu en fin d’année. Celui-ci devrait s’établir, à condition que la réserve de précaution de 498 millions d’euros soit levée en fin d’année, à 2,1 milliards d’euros pour le programme 146, soit en légère baisse par rapport à l’année dernière.

La définition du report de charges

Le report de charges est une notion budgétaire. Établi de manière prévisionnelle en construction et en cours de gestion, il correspond à l’estimation de l’insuffisance de ressources pour couvrir le montant de l’ensemble des services faits, envisagés d’être prononcés avant la fin de la gestion. Il prend également en compte les avances prévues sur les contrats qui seront signés au 31 décembre.

Une fois la gestion terminée, la notion budgétaire prévisionnelle de report de charges laisse place à la notion comptable des dépenses obligatoires, normée comme étant « les dépenses pour lesquelles le service fait a été certifié au cours de l’exercice précédent et dont le paiement n’est pas intervenu ».

Les dépenses obligatoires sont composées des éléments suivants :

– les « dettes fournisseurs », c’est-à-dire les demandes de paiements déjà visées par le comptable avant le 31 décembre, mais qui n’ont pas été payées ;

– les « charges à payer », c’est-à-dire les charges qui ont donné lieu à un service fait au titre d’un exercice, mais qui n’ont pas été comptabilisées avant la clôture de celui-ci, que les factures soient parvenues ou non ;

– les avances dues au titre des contrats signés dans l’année, mais non payées au 31 décembre.

Les intérêts moratoires afférents au report de charges s’élevaient à 3,4 millions d’euros fin août 2014, soit un niveau comparable à celui atteint en 2013 à la même période. Ils devraient atteindre 13 millions d’euros en fin d’année.

La majeure partie du report de charges est supportée par les grands industriels, qui représentent généralement autour de 45 % de son total. Interrogés par le rapporteur, la plupart d’entre eux ont dit ne pas pouvoir supporter trop longtemps cette situation qui met à mal leur trésorerie et celle de leurs sous-traitants. D’autres continuent de regretter une certaine politique de « stop and go » de la DGA, conséquence directe de cette situation.

Le solde est supporté principalement par les organismes publics, l’OCCAr (organisation conjointe de coopération en matière d’armement), le Centre national d’études spatiales (CNES), le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), pour 36 %, et les petites et moyennes entreprises pour 12 %.

Compte tenu du montant du report attendu, la DGA devrait atteindre sa date de rupture des paiements, comme les années précédentes, au début du mois de novembre. Il faut conserver à l’esprit que l’essentiel des paiements afférents à ces factures non honorées a lieu en tout début de l’année suivante, grâce à l’efficacité du système CHORUS.

Une augmentation du report de charges liée à des annulations de crédits en fin de gestion 2014 risquerait toutefois d’avoir des conséquences graves sur les fournisseurs du programme 146. En effet, ce sont les entreprises privées qui subiraient l’impact de cette dégradation, les marges de manœuvre des créanciers publics étant épuisées. Alors qu’elles ont déjà été sollicitées dans le cadre des renégociations prévues par la LPM, les grandes entreprises pourraient être tentées de répercuter sur leurs sous-traitants, qui représentent plus de la moitié des fournisseurs des grandes entreprises du secteur, la pression accrue pesant sur leur trésorerie. Une rupture des paiements du programme 146 qui se rapprocherait de la mi-année deviendrait rapidement inacceptable pour les entreprises privées.

2. Les ressources exceptionnelles au rendez-vous

La loi de finances initiale pour 2014 avait prévu 1,5 milliard d’euros de ressources exceptionnelles au titre du programme d’investissements d’avenir (PIA) au profit de la mission « Défense ».

Les seuls opérateurs éligibles, le CEA et le CNES, ont signé en début d’année des conventions avec l’État des montants respectifs de 1,33 milliard d’euros et 172 millions d’euros.

Pour ce qui concerne le CEA, la convention couvrait les besoins de paiement de 2014 et une partie des versements de 2013. Les travaux financés relevaient des technologies nucléaires.

La convention du CNES couvrait les besoins de paiement 2014 pour la maîtrise des technologies spatiales, et plus précisément le programme MUSIS.

La mise en œuvre de la « clause de sauvegarde » par la loi de finances rectificative d’août 2014 a permis de débloquer 250 millions d’euros de crédits sous la forme d’une tranche complémentaire de PIA.

132 millions d’euros supplémentaires ont été alors affectés au CNES et 118 millions d’euros au CEA pour le financement d’activités de recherche duale dans le spatial, les sciences du vivant et les matériaux nouveaux. Deux conventions spécifiques ont été signées.

Une deuxième tranche complémentaire de 250 millions d’euros est attendue pour la fin de l’année, afin d’atteindre les 500 millions d’euros prévus par la « clause de sauvegarde » de la LPM. Ces crédits bénéficieront également au CNES et au CEA.

Les activités au profit de la défense de ces deux organismes éligibles aux crédits du PIA étant néanmoins limitées, ce dispositif semble avoir désormais atteint ses limites. C’est pour cela qu’il a été décidé de ne pas le reconduire pour l’année 2015.

Principales livraisons de l’annÉe 2014

– quatre avions A400 M ;

– huit hélicoptères NH90 ;

– deux hélicoptères Tigre ;

– 11 Rafale et deux mises à hauteur de Rafale marine du standard F1 au standard F3 ;

– 77 VBCI ;

– une frégate FREMM ;

– 115 Porteurs Polyvalents Terrestres ;

– 4 036 équipements FELIN ;

– 200 armements air sol modulaires ;

– deux systèmes sol-air SAMP/T et 33 missiles ASTER ;

– deux radars haute et moyenne altitude SCCOA rénovés ;

– un segment spatial Franco-Italien ATHENA qui contribue à l’amélioration des communications haut débit par satellite ;

– un avion SDCA rénové.

B. LES RESSOURCES FINANCIÈRES 2015 AU NIVEAU ATTENDU

1. Des ressources exceptionnelles en hausse

En 2015, les crédits du programme 146 s’élèveront à 15,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 7,8 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Il convient d’ajouter à ces 7,8 milliards d’euros de CP 2,1 milliards d’euros de ressources exceptionnelles issues de la cession des fréquences hertziennes, soit une ressource financière totale de 9,9 milliards d’euros.

Alors que 1,6 milliard d’euros étaient initialement attendus en 2015 au titre de ces cessions, la nouvelle programmation triennale des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a réduit les crédits budgétaires de ce programme de 500 millions d’euros, afin de participer au redressement des finances publiques. En conséquence, 500 millions d’euros de recettes exceptionnelles ont été ajoutés afin de préserver la trajectoire de ressources prévue par la LPM.

Ces ressources exceptionnelles ont été inscrites au sein du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État » (CAS « Fréquences »). Afin de respecter les règles d’utilisation de ce CAS, seules des dépenses entrant dans son champ d’application, celles relatives au « Commandement et à la maîtrise de l’information », y ont été inscrites.

Avec une ressource financière totale de 9,9 milliards d’euros pour 2015, le programme 146 affiche :

– un besoin de paiements sur engagements antérieurs, c’est-à-dire restant à payer, de 7,8 milliards d’euros ;

– un besoin de paiements sur de nouveaux engagements de 2,1 milliards d’euros.

La ressource budgétaire programmée pour 2015 ne permettant pas à elle seule de payer la totalité de ces dépenses obligatoires, la non-perception des ressources exceptionnelles reviendrait donc à remettre en cause tous les nouveaux engagements prévus en 2015.

2. L’évolution générale des crédits du programme

Le tableau ci-après décrit, par action, l’évolution des crédits du programme pour les années 2014 et 2015. Ressources exceptionnelles comprises et hors crédits de personnel, les crédits de paiement alloués en 2015 au programme 146 sont stables par rapport à l’année 2014.

ÉQUIPEMENT DES FORCES : PROGRAMME 146

           

(en millions d’euros)

 

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé de l’action

LFI 2014

PLF 2015

Évolution en %

LFI 2014

PLF 2015

Évolution en %

6

Dissuasion

2 415,5

2 962,8

+ 22,66 %

1 900,7

2 587,4

+ 36,13 %

7

Commandement et maîtrise de l’information

1 635,6

4 119,7

+ 151,88 %

1 314,3

587,4

- 55,31 %

8

Projection - mobilité - soutien

1 703,8

3 627,9

+ 112,93 %

926,1

989,6

+ 6,86 %

9

Engagement et combat

3 868,9

3 852,3

- 0,43 %

3 695,6

3 112,4

- 15,78 %

10

Protection et sauvegarde

459,8

477

+ 3,74 %

343

334,7

- 2,42 %

11

Préparation et conduite des opérations d’armement

2 189,9

229,5

- 89,52 %

2 189,9

258,3

- 88,20 %

 

Ressources exceptionnelles

     

1 511

2 067

 
 

Total

12 273,5

15 269,2

+ 24,41 %

11 880,6

9 936,9

- 16,36 %

Source : Projet annuel de performances pour 2015.

Il convient de souligner que l’importante baisse constatée sur l’action 11 « Préparation des opérations d’armement » trouve son origine principale dans le transfert de l’ensemble des crédits de personnel au sein du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». Ce transfert traduit la volonté du ministre de la Défense de réformer la gouvernance des effectifs du ministère et le pilotage de la masse salariale, en application des orientations fixées par la LPM.

Une forte proportion des crédits de l’action 7 « Commandement et maîtrise de l’information » proviendra en 2015 des ressources exceptionnelles du CAS « Fréquences ». Ressources exceptionnelles comprises, la dotation de cette action augmente de manière significative, ce qui traduit l’importance donnée à ce système de force avec en particulier la montée en puissance des programmes CERES, COMSAT NG, CONTACT (radio tactiques) et drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance).

La hausse de la dotation de l’action 8 « Projection, mobilité, soutien » par rapport à 2014 traduit la montée en puissance du programme MRTT, dont huit commandes doivent être passées en 2015.

L’évolution à la baisse des crédits alloués à l’action 9 « Engagement et combat » traduit la mise à jour des besoins de paiements des grands programmes entraînée par la mise en œuvre de la LPM (RAFALE, FREMM…), et la baisse des besoins de paiements des programmes de véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) et FELIN, dont les dernières livraisons ont eu lieu en 2014. Ces baisses sont en partie compensées par le lancement du programme SCORPION, la montée en puissance de la rénovation des avions de patrouille maritime Atlantique 2 et le maintien des capacités du porte-avions dans le cadre de l’arrêt technique majeur n° 2.

II. UNE ANNÉE CLÉ POUR LA MODERNISATION DES ARMÉES

L’année 2015 doit permettre de poursuivre la réalisation de la trajectoire physique de la LPM votée l’année dernière. Plusieurs nouveaux programmes doivent être lancés, parmi lesquels les programmes MRTT et SCORPION qui répondent à une réelle urgence opérationnelle pour les armées.

A. UN RYTHME DE COMMANDES ET DE LIVRAISONS SOUTENU

1. Les livraisons attendues

L’année 2015 sera marquée par un grand nombre de livraisons, issues des efforts réalisés au début de la LPM 2008-2014 et des priorités alors identifiées. Quelques faits saillants méritent d’être soulignés.

Pour ce qui concerne l’action « Projection-mobilité-soutien », quatre avions A400M, treize porteurs polyvalents terrestres et huit hélicoptères NH90 seront livrés en 2015.

En matière d’« Engagement et combat », onze avions Rafale doivent être livrés tandis que trois mises à hauteur du Rafale marine au standard F3 doivent être effectuées. Quatre hélicoptères Tigre et la troisième frégate multimission (FREMM) doivent être respectivement livrés à l’armée de terre et à la marine. Les 310 derniers équipements FELIN et 25 derniers VBCI seront également livrés à l’armée de terre.

Principales livraisons de l’annÉe 2015

– 11 Rafale et trois mises à hauteur du Rafale marine du standard F1 au standard F3 ;

– 220 armements air-sol modulaires (AASM) ;

– un lot de missiles de croisière navals MDCN ;

– deux avions SDCA rénovés ;

– une frégate FREMM ;

– 25 torpilles légères MU90 ;

– quatre hélicoptères Tigre ;

– les 25 derniers VBCI ;

– les 310 derniers équipements FELIN ;

– 23 missiles ASTER ;

– 200 missiles Mistral rénovés ;

– quatre A400M ;

– 13 Porteurs Polyvalents Terrestres ;

– huit hélicoptères NH90.

2. Onze programmes au stade de réalisation

2015 sera également une année clé en termes de modernisation des armées, avec le passage au stade de réalisation de 11 programmes, pour 2,75 milliards d’euros d’engagements.

La plupart de ces nouveaux programmes concernent l’action « Commandement et la maîtrise de l’information ».

Le système de drones tactiques (SDT) vise ainsi à répondre en priorité aux missions de renseignement au profit des unités tactiques. Il comprend notamment l’acquisition d’une capacité de drones tactiques pérenne. 339 millions d’euros d’AE et 7,3 millions d’euros de CP sont prévus pour 2015.

Par ailleurs, le programme DESCARTES doit fournir aux armées les services de télécommunications fixes nécessaires à l’accomplissement des missions opérationnelles et au fonctionnement courant du ministère de la Défense. Le lancement de la réalisation est prévu au second semestre de l’année 2015, conformément à la LPM. 121 millions d’euros d’AE sont inscrits à cet effet en 2015.

Le programme CERES (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) vient compléter les moyens nationaux de recherche et d’interception des émissions électromagnétiques. 175 millions d’euros d’AE sont inscrits pour 2015.

Enfin, l’opération COMSAT NG prendra progressivement la succession du système SYRACUSE III et fournira un système de communications militaires par satellite robuste vis-à-vis des menaces adverses. 800 millions d’euros d’AE sont prévus pour 2015.

Au sein des autres actions, on peut souligner le début de réalisation du programme de bâtiments de soutien et d’assistance hauturière (BSAH), la rénovation du missile de croisière SCALP EG, la rénovation de l’avion de transport C130 ou encore celui du nouveau véhicule dont doivent être dotées les forces spéciales (VFS).

Principales commandes de l’annÉe 2015

– les travaux d’adaptation au M51 du SNLE « Le Téméraire » ;

– la réalisation des satellites COMSAT NG pour le renouvellement des capacités de communications ;

– la réalisation du système satellitaire CERES visant à acquérir le renseignement d’origine électromagnétique depuis l’espace ;

– la modernisation de l’infrastructure des réseaux de communication du ministère dans le cadre du programme DESCARTES ;

– la rénovation de 11 avions de patrouille maritime Atlantique 2 ;

– l’acquisition d’un nouveau système de drone MALE ;

– l’acquisition de huit avions MRTT ;

– les travaux de modernisation du C-130 ;

– la réalisation des bâtiments de soutien et d’assistance hauturier (BSAH).

B. DEUX PROGRAMMES PHARES : MRTT ET SCORPION

Les programmes MRTT et SCORPION, attendus depuis longtemps par les armées, constituent deux des axes forts de la programmation pour les années 2014 à 2019. Ils doivent tous deux connaître un début de réalisation en 2015.

Le programme MRTT (pour Multi-Role Transport Tanker), tout d’abord, vise à remplacer les composantes actuelles de ravitaillement en vol et de transport stratégique de personnel et de fret, effectués par des C135 de plus de 50 ans d’âge, par un parc homogène d’avions gros porteurs polyvalents.

Ce programme répond à une réelle nécessité pour les forces aériennes, le risque de rupture temporaire de capacité étant déjà jugé critique compte tenu du vieillissement de la flotte. Il n’est donc pas envisageable de prolonger la flotte actuelle au-delà de 2018, même au prix d’une augmentation importante du coût de son soutien.

À la suite du marché de définition notifiée fin 2011 à Airbus DS, une première offre a été refusée en juillet 2013 avant qu’une deuxième, conforme aux conditions de la LPM, ne soit remise en décembre 2013. La cible est désormais de 12 MRTT dont deux livrables sur la durée de la LPM : un en 2018 et un en 2019. huit avions doivent être commandés en 2015. La notification du marché à l’industriel doit intervenir avant la fin de l’année 2014.

1,6 milliard d’euros d’autorisations d’engagement sont inscrits pour 2015 au sein de l’action 8 « Projection-mobilité-soutien » ainsi que 82 millions d’euros de crédits de paiement.

Le programme SCORPION est tout aussi important. Il s’agit de réaliser un système de combat terrestre global, fédérant combattants et systèmes d’armes par la transmission et le partage instantané d’informations.

Ce programme est fondamental pour les forces terrestres. La réalité opérationnelle rappelle que les véhicules de l’avant blindés (VAB), conçus en 1975, ne sont pas au niveau des exigences actuelles en termes de protection. La Sagaie n’est pas apte au tir de nuit et n’a aucune protection anti-mines. Il est en outre difficile de prolonger le parc actuel plus longtemps, même au prix d’une augmentation importante du coût du soutien. Le risque de rupture temporaire de capacité est donc très élevé et le lancement de ce programme répond à un besoin prioritaire.

La cible du programme votée en LPM est de 2 080 véhicules blindés multi-rôles (VBMR), 248 engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC), 200 chars LECLERC rénovés et 1 470 véhicules blindés d’aide à l’engagement (VBAE). Les premiers VBMR lourds doivent être commandés en 2017 et les premières livraisons sont attendues en 2018. Les négociations avec les différents industriels concernés sont achevées. La décision de lancement est donc imminente et doit intervenir dans les toutes prochaines semaines.

L’année 2015 doit permettre d’entrer dans la phase de réalisation. 417 millions d’euros d’AE et 78 millions de CP sont inscrits à ce titre en 2015 au sein de l’action 9 « Engagement et combat ».

C. LES CRÉDITS DE LA DISSUASION

Les crédits consacrés à la dissuasion demeurent naturellement importants dans le projet de loi de finances pour 2015 : ils s’élèvent à 2,9 milliards d’euros d’AE au sein du programme 146 et à 2,6 milliards d’euros de CP.

Cette remarquable stabilité des crédits prévus pour notre dissuasion nucléaire traduit l’engagement sans faille du président de la République, inscrit dans la LPM, de garantir nos capacités dans ce domaine, grâce à ses deux composantes, océanique et aéroportée, dont le maintien a été réaffirmé.

La commission de la Défense nationale et des forces armées a organisé, à l’initiative de sa présidente, Mme Patricia Adam, un cycle d’auditions consacré à la dissuasion au cours du premier semestre 2014. Un débat d’une telle ampleur - treize auditions ont été organisées - n’avait jamais eu lieu au sein du Parlement depuis la mise en œuvre de notre outil de dissuasion, il y a cinquante ans.

Ce débat a permis de souligner la cohérence de cet outil, à travers ses deux composantes, et de rappeler que loin de créer un effet d’éviction au détriment des forces conventionnelles, la dissuasion irriguait au contraire nos armées de progrès technologiques, d’exigences opérationnelles et de savoir-faire.

L’année 2015 sera marquée à la fois par la poursuite de la modernisation des composantes et la préparation de leur renouvellement, conformément à la LPM.

La composante aéroportée s’appuie sur des avions de chasse Mirage 2000 N et Rafale armés de missiles ASMP-A, soutenus par des avions ravitailleurs pour assurer la permanence de la posture.

L’ASMP-A (pour air-sol moyenne portée amélioré), doté de sa charge TNA, est entrée en service en 2009 sur Mirage 2000 N et en 2010 sur Rafale. Ce missile doit faire l’objet d’une rénovation à mi-vie dont la notification est prévue en 2014. 26,5 millions d’euros de crédits de paiement y sont affectés dans le PLF 2015.

La modernisation de la flotte de ravitailleurs, à travers le programme MRTT, est également engagée, nous l’avons vu, pour 2015.

La composante océanique repose sur quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engin (SNLE), dotés du missile balistique M51. Les travaux portant sur la troisième version de ce missile, appelée M51.3, ont été lancés en 2014 et se poursuivront en 2015. 260,4 millions d’euros en AE et 610,9 millions d’euros de CP sont inscrits à cet effet en 2015. Les travaux d’adaptation du troisième SNLE au missile M51 se poursuivront également en 2015, 80,5 millions d’euros de CP étant prévus à cet effet.

La simulation conduite par la direction des applications militaires du CEA se concrétisera en 2015 avec la mise en service attendue du laser mégajoule, d’ici la fin de l’année 2014, et la poursuite de la coopération franco-britannique dans le cadre du programme TEUTATES.

DEUXIÈME PARTIE : RELEVER LE DÉFI DES RECETTES EXCEPTIONNELLES POUR RÉUSSIR L’ANNÉE 2015

L’année 2015 est une année décisive pour l’ensemble de la programmation 2014-2019. Sa réussite conditionne la bonne exécution de la suite de la LPM et la réalisation de notre modèle d’armée à l’horizon 2020.

Le projet de loi de finances pour 2015 traduit l’engagement du président de la République de préserver les ressources affectées au ministère de la Défense. Il comprend ainsi 29,1 milliards d’euros de crédits budgétaires, que viennent compléter 2,3 milliards d’euros de recettes exceptionnelles pour atteindre les 31,4 milliards d’euros prévus par la LPM.

Un tel niveau de ressources exceptionnelles (REX) n’est pas sans risque, tant par leur montant que leur calendrier de réalisation.

Il s’agit d’un sujet de préoccupation constant des députés appartenant à la commission de la Défense et qui a été évoqué de nombreuses fois avec le ministre depuis un an, tant à l’occasion des précédents débats budgétaires, de l’examen de la LPM ou du rapport sur l’entrée en programmation présenté le 25 juin dernier (3).

Faisant usage pour la première fois des pouvoirs de contrôle qui lui ont été octroyés par l’article 7 de la LPM, la commission de la Défense a également procédé, les 13 juin et 3 juillet derniers, à un contrôle sur pièce et sur place à la direction du Budget et à la DGA sur ce même sujet (4).

Aussi est-ce à la lumière des documents qui lui ont été remis à cette occasion et des entretiens qu’il a pu conduire depuis pour préparer cet avis que le rapporteur souhaite dresser un état des lieux des différents scénarios à l’étude pour sécuriser la trajectoire des ressources pour l’année 2015.

I. UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2015 SUSPENDUE À LA PERCEPTION DE RECETTES EXCEPTIONNELLES

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit un niveau sans précédent de recettes exceptionnelles, 2,3 milliards d’euros. Dans un contexte financier très contraint, le ministère de la Défense entend utiliser la palette des outils mis à sa disposition par la « clause de sauvegarde » prévue à l’article 3 de la LPM.

A. UN NIVEAU ÉLEVÉ DE RESSOURCES EXCEPTIONNELLES

1. Les ressources prévues par la loi de programmation militaire et la clause de sauvegarde

L’équilibre financier de la LPM repose en grande partie sur la réalisation et l’obtention de ressources exceptionnelles (REX).

Si le recours à ce mode de financement extrabudgétaire n’est pas inédit, la précédente LPM ayant également été en partie bâtie sur celles-ci, l’importance des REX dans l’équation budgétaire de la LPM actuelle y est proportionnellement plus élevée que lors de la précédente programmation : 6,13 milliards d’euros soit 3,2 % des ressources totales de la LPM 2014-2019, contre 3,47 milliards d’euros soit 1,87 % du financement global de la LPM 2009-2014.

De fait, tout accroc dans la réalisation de ces REX– retards d’encaissement, ou moindres encaissements, annulation… – est susceptible de fragiliser l’ensemble de l’édifice budgétaire de la programmation.

En outre, dans un souci de redressement des finances publiques, la programmation triennale des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a revu à la baisse les crédits budgétaires de la mission « Défense » à hauteur de 1,5 milliard d’euros pour les trois prochaines années. Cette baisse est compensée par une augmentation des ressources exceptionnelles pour un même montant, ce qui permet de rester dans le périmètre de ressources de la LPM. Le montant attendu des recettes exceptionnelles s’élève en conséquence désormais à 7,7 milliards d’euros.

Au total, les ressources disponibles sur le périmètre de la loi de programmation, modifiées par la programmation triennale, doivent s’établir de la façon suivante :

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

Crédits budgétaires

29,6

29,1

29,6

30,1

31,5

32,4

182,3

Ressources exceptionnelles

1,8

2,3

1,8

1,5

0,3

0,1

7,7

Ressources disponibles

31,4

31,4

31,4

31,6

31,8

32,5

190

Elles doivent être constituées par :

– l’intégralité du produit de cession d’emprises immobilières utilisées par le ministère de la Défense, pour au moins 600 millions d’euros sur la période 2014-2016 ;

– des redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation, pour environ 200 millions d’euros ;

– un nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA) au bénéfice de l’excellence technologique de l’industrie de défense, financé par le produit de cessions de participations d’entreprises publiques à hauteur de 1,5 milliard d’euros ;

– le produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences comprise entre les fréquences 694 MHz et 790 MHz ;

– le cas échéant, le produit de cessions additionnelles de participations d’entreprises publiques.

Leur encaissement est prévu selon le calendrier suivant – la rubrique Autres ressources comprenant notamment le produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences hertziennes :

RESSOURCES EXCEPTIONNELLES PAR PROVENANCE

(en milliards d’euros courants)

   

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

Cessions immobilières

0,21

0,20

0,20

0,05

0,00

0,00

0,66

Redevances fréquences 4G

0,01

0,02

0,03

0,04

0,05

0,06

0,21

Investissement d’avenir

1,55

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

1,55

Autres ressources

 

2,05

1,52

1,32

0,23

0,09

5,21

Total ressources exceptionnelles

1,77

2,27

1,75

1,41

0,28

0,15

7,63

Source : ministère de la Défense.

Conscients des éléments d’incertitude et de fragilité inhérents aux REX, les parlementaires ont adopté, dans le cadre de la LPM 2014-2019, des dispositions tendant à sécuriser les ressources allouées à la mission « Défense ».

À la suite d’un amendement adopté par le Sénat en première lecture, une « clause de sauvegarde » concernant les REX a été ainsi inscrite à l’article 3 de la loi. Détaillée plus précisément à l’article 5.1 du rapport annexé, elle comprend en réalité trois volets :

– elle prévoit, le cas échéant, une compensation intégrale des moindres encaissements de REX, que ceux-ci résultent de pertes nettes (dues à des produits inférieurs aux prévisions) ou d’un simple effet de calendrier (retards dans les encaissements). La compensation serait alors assurée soit par d’autres REX, soit par des crédits budgétaires obtenus sur la base d’un financement interministériel. Dans le contexte du plan d’économies de 50 milliards d’euros, le recours à la solidarité budgétaire interministérielle semble toutefois improbable ;

– le second volet de la clause de sauvegarde dispose que, dans l’hypothèse inverse de sur-encaissements de REX, le ministère de la Défense bénéficierait d’un taux de retour plafonné, les excédents ainsi dégagés lui étant affectés à hauteur de 900 millions d’euros ;

– en outre, un amendement présenté par le Gouvernement en séance publique à l’Assemblée nationale introduit la possibilité d’une majoration des REX à hauteur de 500 millions d’euros, une telle disposition pouvant être mise en œuvre jusqu’à la première actualisation de la LPM (soit avant fin 2015).

Extraits de l’article 5.1 du rapport annexé de la LPM 2014-2019

« Afin d’atteindre le montant prévu de ressources exceptionnelles affectées à la mission « Défense », seront notamment, et sans que cette liste soit exhaustive, mobilisés au bénéfice de celle-ci :

« ― l’intégralité du produit de cession d’emprises immobilières utilisées par le ministère de la défense. Les dispositions prévues à l’article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, pour les immeubles domaniaux occupés par le ministère de la défense, seront prorogées jusqu’au 31 décembre 2019 dans la loi de finances pour 2015 ;

« ― un nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA) au bénéfice de l’excellence technologique de l’industrie de défense, financé par le produit de cessions de participations d’entreprises publiques ;

« ― le produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences comprise entre les fréquences 694 MHz et 790 MHz ;

« ― des redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation ;

« ― le cas échéant, le produit de cessions additionnelles de participations d’entreprises publiques. »

2. Un calendrier de cession des fréquences très ambitieux pour 2015

L’exécution budgétaire de l’année 2014 a été, nous l’avons vu, conforme à la programmation : les crédits alloués par le PIA, 1,5 milliard d’euros, ont été consommés intégralement et ceux affectés par la majoration des REX - 500 millions d’euros, correspondants au troisième volet de la clause de sauvegarde - sont en passe de l’être.

Pour l’année 2015, 2,3 milliards d’euros sont inscrits au titre des ressources exceptionnelles : 200 millions, conformément à la programmation, au titre des cessions immobilières et 2,1 milliards d’euros au titre des recettes issues de la vente des fréquences.

La bande de fréquences des 700 MHz est aujourd’hui entièrement utilisée par les services de la télévision numérique terrestre (TNT). Elle a été identifiée comme un levier de développement important dans les télécommunications pour les années à venir, afin de répondre à l’explosion des besoins en bande passante utilisés pour la télévision par Internet et la vidéo sur mobile.

Les évolutions technologiques permettent en effet d’envisager de faire cesser la diffusion de l’offre télévisuelle sur cette bande – en normes MPEG-2 et MPEG-3 – au profit de la seule diffusion en haute définition (HD) – norme MPEG-4. La bande de fréquences ainsi libérée pourra être utilisée par les opérateurs de téléphonie mobile.

Dans le cas d’un transfert intégral de cette bande au secteur des télécoms, l’État pourrait escompter percevoir, selon les estimations faites l’année dernière, de 3,5 à 4 milliards d’euros de recettes : 3,7 milliards ont finalement été retenus dans la LPM. Pour mémoire, la bascule de la bande des 800 MHz de l’audiovisuel aux télécoms, après l’extinction de la télévision analogique, avait permis de percevoir 2,6 milliards d’euros de recettes au profit de la précédente LPM.

Dès 2012, la commission mondiale des radiocommunications avait identifié la bande des 700 MHz comme pouvant faire l’objet d’une harmonisation internationale afin d’y déployer les futures générations de services de téléphonie mobile.

C’est pour cela qu’au printemps 2013 le Gouvernement avait commencé à travailler sur le calendrier de la mise aux enchères de cette bande. Il a alors été décidé de programmer les enchères pour 2015 et de transférer les fréquences à partir de 2017. Il s’agit là d’un calendrier assez volontariste, le CSA, qui a affecté ces fréquences à la TNT, plaidant par exemple plutôt pour un transfert à l’horizon 2019, le temps que l’ensemble des foyers soit équipé en téléviseurs HD compatibles avec la nouvelle norme de diffusion.

Le respect de ce calendrier suppose que plusieurs contraintes, techniques, juridiques et internationales, soient levées dans les tous prochains mois.

Le Premier ministre a d’ores et déjà lancé le processus d’attribution, le mois dernier. La consultation de la commission parlementaire de modernisation de la diffusion audiovisuelle (CMDA) doit être effectuée par le Gouvernement très rapidement et la nomination d’un nouveau président de l’ARCEP – le mandat du président actuel arrivant à son terme le 31 décembre prochain – dans les meilleurs délais.

Une fois l’avis de la CMDA recueilli, l’ARCEP pourra lancer une consultation publique auprès des opérateurs de téléphonie pour préparer le cahier des charges. Les opérateurs intéressés remettraient leurs contributions en février.

En tenant compte du délai de rédaction du cahier des charges par l’ARCEP, qui devra notamment préciser les exigences des pouvoirs publics en matière de couverture du réseau, et du lancement de processus de libération des fréquences par le CSA, l’appel d’offres ne devrait être lancé qu’à l’été 2015.

L’attribution définitive des fréquences aux opérateurs devra enfin attendre les résultats de la conférence mondiale des radiocommunications qui doit se tenir en novembre 2015. Chaque pays doit en effet prendre en considération les positions de ses voisins géographiques car un usage harmonisé des fréquences entre pays riverains est plus efficace pour gérer les brouillages aux frontières.

Le calendrier, on le voit, est très ambitieux et il prévoit une attribution en toute fin d’année 2015. Il doit en outre tenir compte des recompositions en cours dans le secteur des télécoms, qui fait la course au low cost. Si cette bande de fréquences représente un intérêt stratégique incontestable pour eux, la volonté de l’État de la leur céder dans des délais très contraints n’incitera pas à une surenchère de leur part.

Quoi qu’il en soit, le projet de loi de finances pour 2015 est bâti sur l’hypothèse d’une perception de ces recettes dès 2015.

Les ressources attendues sont bien inscrites, au sein du compte d’affectation spéciale intitulé « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État » (CAS « Fréquences ») à hauteur de 2,1 milliards d’euros.

Le projet de loi de finances pour 2015 garantit également l’affectation de ces ressources au profit de la mission « Défense ». Son article 23 modifie ainsi les règles d’utilisation du CAS « Fréquences » pour affecter le produit de la vente de la bande des 700 MHz au ministère de la Défense et prolonge jusqu’au 31 décembre 2019 le régime du retour intégral du produit des redevances acquittées par les opérateurs à la mission « Défense ».

B. LES SCÉNARIOS ALTERNATIFS ENVISAGÉS PAR LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Les nombreuses contraintes qui pèsent sur le calendrier de cession des fréquences hertziennes ont conduit le ministère de la Défense à envisager, dès le printemps dernier, des scénarios alternatifs.

Le ministre de la Défense avait en effet évoqué un risque de décalage calendaire devant les parlementaires les 27 mai et 25 juin derniers (5), risque qu’il n’a pas complètement exclu le 1er octobre dernier lors de la présentation de son budget à la commission de la Défense.

Il travaille donc, depuis plusieurs mois, à des solutions alternatives en s’appuyant notamment sur la clause de sauvegarde de la LPM. En cas de difficulté sur l’encaissement des ressources exceptionnelles, l’article 5.1 du rapport annexé à la LPM prévoit en effet d’affecter à la mission « Défense », le produit de cessions additionnelles de participations d’entreprises publiques.

La difficulté rencontrée est de définir les modalités d’utilisation du produit de ces cessions au profit de la défense.

1. L’impossible redéploiement des crédits du PIA

En reproduisant le schéma déjà utilisé en 2014, il aurait pu être envisagé de solliciter à nouveau des crédits du programme d’investissements d’avenir (PIA), au profit de la mission « Défense ».

Cette utilisation du PIA comme source de REX n’a pas été jugée satisfaisante. Elle aurait été en effet dérogatoire à l’esprit du PIA, qui consiste à financer des investissements d’avenir qui n’auraient pas eu lieu sans ces crédits, et non des dépenses d’équipement. Elle aurait créé en outre une éviction sur d’autres programmes d’avenir et altéré la trajectoire globale de décaissement du PIA.

Pour éviter cet effet d’éviction au profit de la défense, il aurait fallu augmenter l’enveloppe globale du PIA, ce qui aurait eu pour effet de dégrader les déficits publics. Les crédits versés à la défense auraient en effet été considérés comme des subventions, par opposition à des prêts ou des dotations non consomptibles. Le PIA ayant pour vocation première de financer des activités de recherche et développement sous le pilotage d’un opérateur, cette hypothèse a été écartée.

Or s’il existe naturellement des activités de recherche et développement au sein de la mission « Défense », seuls deux opérateurs sont aujourd’hui éligibles aux dépenses du PIA : le CNES et le CEA. Les crédits ouverts à ce titre en 2014 concernaient la recherche et la technologie dans les domaines des applications défense de l’énergie nucléaire et de l’observation spatiale, abondés par une tranche complémentaire de PIA – 250 millions d’euros en août, 250 millions à la fin de l’année.

Les marges de redéploiement de crédits du PIA au bénéfice de ces deux opérateurs sont désormais restreintes, ces derniers ne pouvant absorber à eux seuls deux milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour leurs programmes de recherche respectifs en 2015.

Il aurait donc fallu modifier la liste des opérateurs du PIA fixés par le décret du 3 mai 2010 (6) pour y ajouter la DGA, dont de nombreux programmes auraient pu être éligibles. Le rapporteur regrette que cette hypothèse n’ait pas été retenue, bien qu’elle n’impliquât pas de changement de statut de la DGA, opération qui aurait été lourde et complexe. De nombreux engagements de la DGA auraient pu entrer dans une nouvelle enveloppe du PIA. Mais il semblerait que la volonté de ne pas créer de précédent au profit du ministère de la Défense l’ait emporté. Le PIA n’a donc pas été reconduit en 2015 au bénéfice de la mission « Défense ».

2. Le nécessaire respect de la norme de dépense publique

Un autre moyen d’utiliser le produit des cessions de participations aurait été de l’affecter directement à la mission « Défense », sans passer par l’intermédiaire du PIA.

Selon les dispositions de l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), toutes les opérations de cessions de participations d’entreprises publiques sont retracées sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » (CAS PFE).

Or les règles d’utilisation du CAS PFE interdisent tout versement au profit du budget général, sauf disposition contraire prévue en loi de finances. Seules sont autorisées sur ce compte des opérations de désendettement de l’État ou d’établissements publics et des opérations financières de nature patrimoniale (dotations en capital, prises de participation, etc.)

Une affectation directe à la mission « Défense » du produit de cession de participations aurait donc conduit de fait à un appauvrissement du patrimoine de l’État, schéma qui a été totalement exclu.

Une autre solution aurait été d’affecter ce produit au désendettement de l’État et d’ouvrir dans le même temps les crédits correspondants sur la mission « Défense ».

Toutefois, ainsi que l’ont souligné les représentants de la direction du Budget au rapporteur lors de leur entretien, ce schéma aurait dégradé le solde public. Cette opération ne serait en effet pas équilibrée en comptabilité nationale, la cession d’une participation de l’État ne constituant pas une recette mais une opération financière. L’ouverture de nouveaux crédits budgétaires aurait eu en revanche un impact sur la norme de dépense.

Ces deux schémas, qui présentaient l’avantage d’une grande lisibilité, n’ont pas été retenus par le Gouvernement car ils auraient eu pour conséquence de dégrader le solde public. C’est pourquoi le ministère de la Défense s’est engagé sur une troisième voie, la création d’une société de projet.

II. UNE SOCIÉTÉ DE PROJET POUR GARANTIR LA TRAJECTOIRE DE RESSOURCES DE LA LPM

Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2015 à la commission de Défense, le 1er octobre dernier, le ministre de la Défense a annoncé travailler, avec l’accord du président de la République, à la création d’une ou plusieurs sociétés de projet pour garantir la trajectoire de ressources de la LPM.

A. PLUSIEURS HYPOTHÈSES DE TRAVAIL

1. Une société publique

Le principe, tel qu’il a été défini par le ministre, est d’offrir, par l’utilisation du produit des cessions de participation, une facilité de trésorerie temporaire au ministère de la Défense pour couvrir ses besoins de financement en 2015, 2016 et 2017, estimés à 5,5 milliards d’euros.

Dans ce schéma, les ressources du CAS PFE ne viennent pas abonder directement les crédits de la mission « Défense » mais doter en capital une société de projet (SPV, pour Special Purpose Vehicle), détenue à 100 % par l’État.

Une ou plusieurs sociétés pourraient être créées par catégorie de matériels. La dotation pour 2015 devrait être à la hauteur des REX attendues, soit 2,1 milliards d’euros.

Avec ces deux milliards d’euros, la société rachèterait au ministère de la Défense un certain nombre d’équipements dont celui-ci vient de prendre possession. Ces ressources supplémentaires, en venant abonder le programme 146, permettraient au ministère d’engager deux milliards d’euros de dépenses d’équipement pour 2015.

Dans le même temps, la société mettrait immédiatement à la disposition du ministère les équipements qu’elle vient de lui acheter contre la perception d’un loyer – mécanisme de « sale and lease-back ».

Enfin, à la perception des recettes hertziennes, l’État rachèterait les équipements qu’il utilisait jusque-là en location et liquiderait la société, son capital étant reversé au CAS PFE.

En résumé, il s’agit d’un montage purement financier qui permet de maintenir le niveau de dépenses prévu par la LPM dans l’attente de la perception des recettes hertziennes.

D’un point de vue patrimonial, le schéma devrait être neutre pour l’État si celui-ci récupère, à la liquidation de la société, sa dotation initiale de deux milliards d’euros.

2. Une ouverture à des investisseurs privés ?

En parallèle de ce scénario de société publique, le ministère de la Défense a étudié les propositions faites par deux industriels, DCNS et Airbus. Les caractéristiques de ces schémas sont proches de celles envisagées par le ministère mais semblent avoir été écartées à ce stade.

Les sociétés auraient dans ce cas de figure un actionnariat majoritairement détenu par l’État avec des financements complémentaires publics ou privés, grâce à un endettement bancaire. Le recours à un financement bancaire permettrait de maximiser l’effet de levier mais ne serait possible qu’en l’absence de risque sur le chiffre d’affaires et les actifs détenus.

Ce dernier point, concernant du matériel militaire, limite considérablement le périmètre des équipements concernés. Aucun investisseur privé ne courrait en effet le risque d’assurer du matériel qui participe directement à des actions de combat, par définition extrêmement risquées. Les différents interlocuteurs du rapporteur s’entendent pour limiter la liste de ces équipements à du matériel essentiellement logistique, à savoir des A400M, des MRTT ou encore des hélicoptères de surveillance maritime, par exemple, qui, par nature, ont peu de chances d’être perdus en opérations.

Ces sociétés procéderaient à l’achat des matériels concernés soit dès leur création, afin de permettre au ministère d’encaisser un produit immédiat, soit au fur et à mesure de la livraison des matériels au ministère.

Puis, à la livraison des matériels, ceux-ci seraient loués au ministère sur la base d’un contrat de location de longue durée, sans que le ministère ne bénéfice nécessairement d’une option d’achat.

Ces schémas, en l’absence de possibilités de sortie bien définies à ce stade, pourraient s’avérer coûteux pour la Défense du fait des durées de location envisagées et de la présence éventuelle d’investisseurs privés. Ils ne répondent donc que partiellement à l’objectif principal du ministère, à savoir un débouclage rapide de l’opération, à l’horizon de deux à trois ans.

S’ils ne répondent pas à cet objectif à court terme, des schémas innovants de ce type ne doivent cependant pas être écartés a priori par le ministère de la Défense car ils peuvent lui offrir des possibilités nouvelles dans les années à venir, à condition d’exclure de leur périmètre les équipements qui participent directement à des opérations de combat.

C’est sur cette voie que se sont engagées, par exemple, les principales compagnies aériennes, à commencer par Air France. Elles ne sont ainsi généralement pas propriétaires de la totalité de leurs avions, mais les louent à des sociétés spécialisées, à travers différentes formules de leasing ou de crédit-bail. Cette formule est d’ailleurs déjà utilisée à petite échelle par les armées, dans le cadre du contrat de partenariat conclu par l’école de formation des pilotes d’hélicoptères de Dax avec Helidax, depuis 2008.

Il faut néanmoins conserver à l’esprit que les équipements militaires se caractérisent par des petites séries, une durée d’utilisation importante, des conditions d’emploi et de soutien spécifiques et un marché de l’occasion peu développé. Les modèles économiques civils ne sont donc sans doute pas totalement transposables au secteur de la défense.

Quoi qu’il en soit, et tous les interlocuteurs entendus par le rapporteur sur ce point en conviennent, il n’est pas envisageable de s’engager massivement sur cette voie dans l’immédiat.

L’objectif poursuivi est bien de « passer la bosse » de l’année 2015, par la création d’une société publique, que des investisseurs privés pourraient par la suite rejoindre.

B. DES CONTRAINTES FORTES À RESPECTER

Si le principe de la création d’une société de projet publique semble acté pour 2015, celle-ci n’en devra pas moins réunir un certain nombre de conditions pour garantir son succès.

1. Assurer la disponibilité des équipements au plus tôt

Il appartient d’abord au ministère de la Défense de définir la liste des équipements qui pourraient entrer dans le périmètre de la société de projet. Les études actuellement menées par la DGA pour identifier ces équipements s’orienteraient plutôt vers des A400M, des MRTT, des NH90 ou encore des capacités de télécommunications. La présence de FREMM sur cette liste n’est pas totalement exclue, tandis que les Rafale devraient demeurer à l’écart de ce projet. Compte tenu du montant de l’enveloppe envisagée, deux milliards d’euros, il ne peut s’agir, en tout état de cause, que d’équipements de premier rang.

L’état-major des armées a fait savoir au rapporteur qu’il était fondamental que les équipements mis à sa disposition par la société de projets ne soient pas soumis à des restrictions d’emploi pour que l’État conserve toute son autonomie stratégique. C’est la raison pour laquelle des matériels appelés à participer directement à des actions de combat devraient être exclus du dispositif. Demeure néanmoins la question de la gestion simultanée de deux parcs de matériels identiques, dont l’un serait la propriété de l’État, l’autre de la SPV.

Parce qu’ils relèvent du domaine privé de l’État (7), les équipements militaires pourraient être cédés rapidement à la société de projet, sans publicité ni mise en concurrence. Il ressort toutefois des dispositions de l’article L. 3211-35 du code général de la propriété des personnes publiques, que seuls les biens dont le ministère n’a plus l’utilité peuvent être cédés. S’agissant de biens dont il ne disposait pas mais dont il a besoin, une interprétation prudente conduirait à prévoir une modification législative autorisant le ministère de la Défense à céder à une SPV des biens toujours utiles aux forces armées.

Le calendrier à respecter est également très contraint. La mise à disposition des ressources financières doit être effective à l’été 2015, au mois de septembre au plus tard. Compte tenu des besoins de paiement de la mission « Défense », la DGA ne devrait en effet plus être en mesure d’assurer ses engagements à partir de cette date. Il est donc impératif qu’elle dispose de ces deux milliards d’euros à ce moment-là pour respecter la trajectoire de dépenses de l’année 2015.

Sans cette ressource, l’ensemble des engagements nouveaux de 2015 pourraient être remis en cause, suspendant le lancement de programmes clés de la LPM, dont CERES, DESCARTES, SDT ou COMSAT NG, ou des commandes sur programmes en cours, comme celui de l’acquisition des MRTT, de la rénovation des Atlantique 2, etc. Par ailleurs, la renégociation des programmes en cours, pour en étaler les paiements, a aujourd’hui atteint ses limites.

Ces exigences calendaires imposent également à l’agence des participations de l’État (APE) de procéder aux cessions de participations dans des délais très brefs, ce qui, compte tenu des volumes en question et du contexte économique, nécessitera de la part de l’État d’arbitrer entre ses intérêts stratégiques et ses intérêts patrimoniaux.

La réussite de ce schéma exige, enfin, un débouclage rapide de l’opération, par une liquidation à court terme de la société.

Le fonctionnement de la société engendrera en effet des surcoûts, liés aux conseils juridiques et financiers et à la mise en place d’éventuelles sûretés et garanties au moment du montage. Il impliquera également des frais de gestion, des frottements fiscaux (retraitement de la TVA) tandis que le versement des loyers sera supporté par le ministère de la Défense. L’APE, qui veille aux intérêts patrimoniaux de l’État, ne pourra en outre doter cette société qu’à condition d’agir en investisseur avisé, c’est-à-dire en percevant, en contrepartie, une rémunération du capital investi. Tous ces frais financiers, inhérents au fonctionnement d’une telle société, devront donc être limités à un minimum de temps, le plus court possible.

Ainsi, le rapporteur estime que les études sur la faisabilité technique, juridique et financière doivent être conclues avant la fin de l’année, que le processus de création doit être initié avant la fin du premier trimestre 2015, et que la SPV doit être opérationnelle au plus tard avant la fin du premier semestre 2015.

2. Quel impact sur la norme de dépense publique ?

Alors que les hypothèses reposant sur une ouverture de crédits budgétaires supplémentaires au profit de la Défense ont été écartées parce qu’elles auraient dégradé le déficit public à due concurrence, le cas de la SPV fait l’objet d’un débat entre le ministère de la Défense et le ministère du Budget.

Le ministère de la Défense avance que le dispositif proposé est neutre pour la trésorerie de l’État : les deux milliards d’euros qui seraient versés à la SPV seraient intégralement remboursés à la liquidation de celle-ci.

Le ministère du Budget fait savoir que le transfert de propriété entre l’État et la société de projet serait une opération neutre, car interne aux administrations publiques, et n’aurait donc aucun impact ni en recette, ni en dépense. La recette encaissée par le ministère de la Défense de la part de la SPV ne pourrait être considérée comme une recette budgétaire. À l’inverse, les dépenses effectuées par le ministère grâce au produit de ces cessions auraient un impact sur la dépense publique en 2015.

En outre, en comptabilité maastrichtienne, toute opération de leasing de matériel militaire s’assimile à une opération financière, et est consolidante dans les comptes publics dès la mise à disposition du matériel à l’État. La décision Eurostat du 9 mars 2006 conduit à comptabiliser les dépenses d’équipement militaire dès leur livraison, quel que soit leur mode de financement, y compris en cas de location.

Décision d’Eurostat n° 31/2006 du 9 mars 2006, Enregistrement des dépenses d’équipement militaire (extraits du communiqué de presse)

« Certains fabricants d’équipement militaire ont mis en place des contrats prévoyant la location des équipements fournis. Le classement de ces locations en location financière ou en location simple repose sur le critère du transfert de risque. Eurostat considère que, par leur nature, les risques liés aux équipements militaires doivent être assumés par les autorités militaires, qui sont seules compétentes pour décider si, et quand, utiliser ces équipements durant les conflits et partant, de les exposer en connaissance de cause à des dommages potentiels.

« Eurostat a décidé de considérer les locations d’équipement militaire mises en place par le secteur privé comme des locations financières et non des locations simples. Cela implique l’enregistrement d’une acquisition d’équipement par l’État et d’une dette de l’État à l’égard du bailleur. Il y a donc un impact sur le déficit public et la dette publique au moment où l’équipement est mis à la disposition des autorités militaires, et non pas au moment des paiements effectués au titre de la location. Ces paiements sont alors assimilés au service de la dette, une partie étant enregistrée comme des intérêts et l’autre comme une opération financière. »

Le ministère du Budget estime donc que les achats de matériels effectués grâce à ce dispositif dégraderaient la trajectoire de redressement des comptes publics. Le ministère de la Défense estime pour sa part que la trajectoire de la LPM repose sur un montant d’achat de matériels connu dès la construction de la LPM et que le schéma de la SPV ne modifie pas l’impact maastrichtien des livraisons de matériels par rapport à une solution d’acquisition patrimoniale. L’impact négatif qui résulterait de la non-comptabilisation de la recette serait neutralisé lors de l’encaissement du produit de la cession des fréquences.

*

* *

CONCLUSION : IMAGINER UNE SOLUTION PÉRENNE POUR SÉCURISER LES RESSOURCES EXCEPTIONNELLES

Nous voyons bien que l’utilisation de ressources exceptionnelles dans le cadre de l’exécution budgétaire de la LPM pose problème quelle que soit la solution retenue : soit un problème de calendrier dans l’hypothèse du recours à la cession des fréquences, soit un problème de respect de la norme de dépense publique dans les autres hypothèses, PRIA et SPV, sans forcément garantir, dans ce dernier cas, un respect du calendrier.

Or il est nécessaire et urgent de sécuriser l’arrivée de ces ressources budgétaires au profit de la mission « Défense » au risque de contrarier la bonne exécution budgétaire et donc de ne pas respecter les engagements contenus dans la LPM, votée au Parlement à une large majorité. Au risque aussi de reporter sur les exercices suivants – principalement 2016 et 2017 où les niveaux de recettes exceptionnelles attendues sont aussi importants – les difficultés du budget 2015 avec comme effet supplémentaire de les aggraver.

En conséquence, en prenant en compte l’ensemble de ces contraintes calendaire et budgétaire et en rappelant l’urgence à sécuriser la bonne exécution de l’exercice 2015, le rapporteur propose :

– de faire appel, en 2015, au PIA à hauteur de deux milliards d’euros : dans cette hypothèse, la seule garantissant le calendrier, le PIA serait abondé par la cession par l’APE de participations de l’État dans le capital d’entreprises de défense. Il serait nécessaire alors de modifier la liste des opérateurs éligibles au PIA pour y intégrer la DGA ;

– de créer en 2016 une SPV dont le capital pourrait être apporté par le produit de cession des fréquences 700 MHz – 3,7 milliards d’euros de ressources inscrits dans la LPM – ou par de nouvelles cessions d’actifs, comme le prévoit la LPM. Cette SPV aurait à charge de racheter au ministère de la Défense pour 3,2 milliards d’euros de matériels en 2016 et 2017. Le report de la création de cette SPV à 2016 laisserait ainsi le temps de solutionner les différentes questions que sa création pose (liste des matériels, ouverture du capital, objet des missions, rémunération des actionnaires, fiscalité, durée de vie, etc.) sans pour autant subir la pression du calendrier.

Cette solution a le mérite de respecter les conditions d’une bonne exécution de la LPM en garantissant l’apport des ressources exceptionnelles dans un calendrier compatible avec cette bonne exécution : celui aussi de mettre en cohérence les exigences de la LPM et celles du nécessaire redressement des finances de notre pays. Le rapporteur est disponible avec ses collègues de la commission de la Défense et de la commission des Finances de l’Assemblée nationale comme du Sénat pour travailler à la mise en œuvre de cette solution.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. LAURENT COLLET-BILLON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2015 (n° 2234), au cours de sa réunion du mardi 14 octobre 2014.

M. Nicolas Bays, président. Je suis heureux d’accueillir M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, afin de l’entendre sur le projet de loi de finances pour 2015.

Je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser la présidente Patricia Adam, retenue dans sa circonscription.

Nous avons à discuter de nombreux sujets concernant les crédits d’équipement pour l’année 2015. Le chef d’état-major des armées, que nous avons entendu la semaine dernière, a parlé d’une « année de vérité » pour l’exécution de la loi de programmation militaire (LPM). Votre exposé, monsieur le délégué général, nous montrera si vous partagez cette analyse.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Je suis très heureux d’intervenir à nouveau devant vous, cette fois à propos du projet de loi de finances (PLF) pour 2015 – deuxième année d’exécution de la LPM.

Je commencerai comme d’habitude par faire le point sur l’exécution du précédent projet de loi de finances, avant d’en venir au PLF pour l’année à venir, s’agissant des programmes 146 « Équipement des forces » et 144, lequel inclut les études amont conduites par la direction générale de l’armement (DGA).

En ce qui concerne l’exécution budgétaire 2014, nous avons terminé l’année avec un report de charges de 2,4 milliards d’euros sur le seul programme 146, et de 115 millions d’euros sur le programme 144. De ces conditions d’entrée en gestion, on peut dire qu’elles ne sont pas souples. À ce jour, la gestion 2014 s’exécute conformément à la LPM, moyennant une tension sur les crédits de paiement qui nous a conduits à un pilotage des engagements que je qualifierai de prudent. Reste un aléa qui, de mon point de vue, n’est pas mineur : la levée de la réserve de précaution sur le programme 146 à la fin de l’année, pour 498 millions d’euros ; j’y reviendrai.

Sur le programme 146, les besoins de paiement, hors titre 2, s’élèvent à 11,7 milliards d’euros et les ressources en crédits de paiement, toujours hors titre 2, à 9,91 milliards, dont 1,63 milliard de ressources exceptionnelles. Celles-ci correspondent pour l’essentiel au programme d’investissements d’avenir (PIA), auquel s’ajoutent 11 millions d’euros de redevance sur le compte d’affectation spéciale (CAS) « Fréquences », qui correspondent au reliquat d’opérations antérieures sur la vente de fréquences.

Les ressources du PIA ont permis de financer les activités conduites par le ministère de la Défense dans les domaines nucléaire et spatial. Ces crédits n’étant utilisables que par des opérateurs tels que le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et le Centre national d’études spéciales (CNES), des conventions spécifiques ont été établies à cette fin. Les activités menées au profit de la Défense par ces organismes éligibles au PIA restant toutefois réduites, on a touché aux limites de l’exercice en 2014.

Compte tenu du contexte particulier d’incertitude sur la disponibilité des ressources exceptionnelles en 2014, mais aussi en 2015, j’ai opté pour une gestion prudente des engagements tout en prenant en considération les priorités opérationnelles, et parfois industrielles. Cette gestion a légèrement réduit les besoins de paiement sur l’année 2014, ce qui conduira en principe à diminuer le report de charges en fin d’année. Dans les conditions actuelles, et dans l’hypothèse d’une levée de la réserve de précaution de 498 millions d’euros, le report de charges s’établirait à 2,1 milliards d’euros, en légère baisse par rapport à 2013.

Le niveau d’engagement prévu à la fin d’année est de 12,9 milliards d’euros. Ce montant extrêmement élevé est lié à des opérations très importantes déjà lancées ou en cours de lancement, sur lesquelles je reviendrai.

Quant aux études amont du programme 144, le niveau d’engagement à la fin de l’année est estimé à un peu plus de 800 millions d’euros et le niveau de paiement à 743 millions, dont 45 millions au profit du dispositif Régime d’appui PME pour l’innovation duale (RAPID).

En ce qui concerne la maîtrise des performances, à ce jour les devis et délais des programmes sont globalement maîtrisés et, abstraction faite de l’effet de la LPM, les indicateurs sont conformes aux objectifs du projet annuel de performances (PAP).

S’agissant des commandes et livraisons, citons d’abord, pour cette année, la notification du contrat de réalisation du missile antinavire léger (ANL), première concrétisation du traité de Lancaster House dans le domaine des missiles ; en juillet, la commande du quatrième sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda ; en août, la commande des travaux du M51.3, dans le cadre du renouvellement de nos capacités de dissuasion. S’y ajouteront à la fin de l’année, dans le cadre du programme Scorpion, le développement et l’acquisition de véhicules blindés multirôles et d’engins blindés de reconnaissance et de combat, afin de renouveler les équipements au sol de l’armée de terre, en particulier les véhicules de l’avant blindés (VAB), très sollicités lors des opérations extérieures (OPEX) ; le développement et l’acquisition du premier MRTT pour renouveler les composantes actuelles de ravitaillement en vol et de transport stratégique ; enfin, la commande, dans le cadre du système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA), de radars qui contribueront à la surveillance aérienne du territoire.

Les livraisons, importantes, incluent quatre avions A400M, huit hélicoptères NH90 et onze Rafale. Peut-être avez-vous été informés par la presse de la mise à hauteur de dix Rafale marine du standard F1 au standard F3 ; le premier a été réceptionné début octobre. S’y ajoutent une frégate FREMM, 4 036 exemplaires du FÉLIN – fantassin à équipement et liaisons intégrées –, deux systèmes sol-air SAMP/T et trente-trois missiles ASTER, des radars du SCCOA et un satellite franco-italien ATHENA, dans une bande de fréquence Ka particulière qui assure une grande largeur de bande.

En ce qui concerne les études amont, parmi les commandes majeures en 2014, nous prévoyons la notification du contrat FCAS DP, qui encadre la préparation, en coopération franco-britannique, du système de combat aérien futur SCAF autour d’un drone armé non piloté.

Quant aux urgences opérations (UO), un thème qui nous a beaucoup occupés à propos de l’Afghanistan, le niveau d’engagement fin août 2014 – 3,5 millions d’euros – est très faible, ce qui confirme l’efficacité de la régulation sous la férule de l’état-major des armées et, plus généralement, l’adaptation de nos matériels aux opérations extérieures actuelles.

S’agissant de la base industrielle et technologique de défense (BITD), signalons principalement le projet de rapprochement entre Krauss-Maffei Wegmann et Nexter, qui s’est traduit par la signature, le 1er juillet 2014, d’un protocole d’accord qui devrait conduire à un rapprochement effectif des deux entreprises au sein d’un nouveau groupe en 2015.

Comme l’a récemment indiqué le ministre, les exportations ont représenté 6,9 milliards d’euros en 2013, en augmentation sensible par rapport à 2012. Pour 2014, des prospects se sont concrétisés en Arabie saoudite et en Égypte au premier semestre, et nous avons de bonnes raisons d’espérer une performance satisfaisante de nos entreprises de défense sur les marchés export en fin d’année. Je ne m’attarde pas sur les prospects auxquels nous travaillons encore en Asie ou au Moyen-Orient.

Les effectifs de la DGA sont passés cette année sous la barre des 10 000 et nous poursuivons la mise en œuvre des déflations prévues dans la LPM. Parallèlement, je dois faire face à un gel des recrutements que je ne serais pas loin de qualifier de catastrophique, car les recrutements sont indispensables pour préserver nos capacités techniques actuelles et continuer de développer la cyberdéfense. Les recrutements ayant déjà été insuffisants en 2013, la situation est extrêmement tendue. La masse salariale, qui doit atteindre 751 millions d’euros en fin d’exercice, est en baisse par rapport à 2013.

Venons-en au projet de loi de finances pour 2015. Pour le programme 146, les besoins de paiement, hors titre 2, s’établissent à 10,2 milliards d’euros hors report de charges de l’année 2014. Quant aux ressources en crédits de paiement, elles s’établissent à 9,9 milliards d’euros. Elles sont globalement stables et conformes à la LPM.

Ces ressources se répartissent en 7,8 milliards d’euros de crédits budgétaires, 2,067 milliards de ressources exceptionnelles qui doivent provenir de la vente des fréquences 700 mégahertz et 83 millions de prévisions de ressources extrabudgétaires provenant de fonds de concours et d’attributions de produits divers. On notera tout de même que les ressources exceptionnelles ont été aménagées en cours d’année pour compenser une baisse des crédits budgétaires à hauteur de 500 millions d’euros, ce qui les porte à un niveau assez élevé.

Il est prévu que les ressources exceptionnelles pour 2015 soient issues de la vente des fréquences 700 mégahertz et soient affectées au CAS « Fréquences ». Toutefois, pour que nous puissions utiliser les crédits issus de cette vente, il faut qu’ils soient disponibles dès septembre 2015. Or, le ministre lui-même l’a souligné, les nombreuses contraintes qui pèsent sur cette cession pourraient entraîner un glissement par rapport au calendrier initial. Voilà pourquoi, comme le ministre vous l’a expliqué en détail, nous instruisons en parallèle des solutions innovantes pour que les ressources exceptionnelles puissent provenir du produit des cessions de participations de l’État, lesquelles ne sont employables qu’à des opérations d’investissement capitalistique ou de désendettement de l’État. Parmi les solutions envisagées, auxquelles la DGA travaille très activement, l’une des plus intéressantes est la création de sociétés de projet. L’obtention de l’ensemble des crédits prévus en 2015 permettra de maintenir le report de charges fin 2015 au même niveau que fin 2014.

Les besoins d’engagement s’établissent quant à eux à 11 milliards d’euros.

En ce qui concerne les études amont du programme 144, les crédits de paiement s’établissent à 739 millions d’euros en 2015, en légère diminution par rapport aux 743 millions prévus en 2014. Les principales caractéristiques de l’année 2015 seront l’augmentation de 10 % des crédits consacrés au dispositif RAPID, ainsi portés à 50 millions d’euros, la montée en puissance des études sur la cybersécurité et la coopération franco-britannique dans le domaine des drones de combat, dans le cadre du programme FCAS DP, et des missiles

Le niveau prévisionnel des engagements est également de 743 millions d’euros, en retrait par rapport à 2014, mais à peu près au niveau des crédits prévus en LPM.

En ce qui concerne les commandes et livraisons en 2015, nous commanderons les travaux d’adaptation au M51 du sous-marin nucléaire lanceur d’engins « Le Téméraire ». Nous lancerons également la réalisation des satellites COMSAT NG pour renouveler nos capacités de communication spatiale ; la réalisation du système satellitaire CERES (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) ; la modernisation de l’infrastructure des réseaux de communication du ministère, dans le cadre du programme Descartes ; la rénovation de onze avions de patrouille maritime Atlantique 2 ; l’acquisition d’un nouveau système de drone MALE (moyenne altitude longue endurance) ; l’acquisition de huit MRTT supplémentaires, après la tête de série commandée en 2014 et avant la commande de trois nouveaux exemplaires prévue ultérieurement ; les travaux de modernisation du C-130 ; et la réalisation de bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH).

Au chapitre des livraisons, sont prévus onze Rafale et trois mises à niveau du Rafale marine du standard F1 au standard F3, 220 armements air-sol modulaires (AASM), un lot de missiles de croisière navals (MDCN), deux avions SDCA rénovés, une frégate FREMM, des torpilles MU90, quatre hélicoptères Tigre, les vingt-cinq derniers véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) et les 310 derniers équipements FÉLIN. Notre capacité de défense anti-aérienne sera améliorée par la livraison de vingt-trois missiles ASTER et de 200 missiles Mistral. Nous comptons également sur la réception de quatre A400M, huit hélicoptères NH90 et treize porteurs polyvalents terrestres – c’est-à-dire des camions, le cas échéant blindés.

En ce qui concerne les effectifs et la masse salariale, nous poursuivrons en 2015 les déflations prévues par la LPM. Je répète qu’il est nécessaire de préserver nos compétences pour satisfaire les demandes qui nous sont adressées, ce qui suppose parfois un apprentissage technique long. Le niveau de recrutement doit compenser les insuffisances de 2013 et 2014.

En conclusion, la première annuité de la LPM est globalement conforme aux prévisions : la renégociation des grands contrats dans les conditions prévues, la disponibilité des recettes exceptionnelles en provenance du PIA, le lancement des grands programmes M51, Scorpion et MRTT, la commande du quatrième sous-marin Barracuda sont au rendez-vous ou le seront très bientôt.

Le PLF pour 2015 permettra de poursuivre l’effort ainsi entrepris, étant entendu que les conditions de fin de gestion 2014 seront décisives pour la bonne exécution de l’exercice 2015 : les ressources exceptionnelles devront, je l’ai dit, être disponibles et il faudra également que l’exportation du Rafale prenne le relais de la commande nationale. La LPM prévoit la livraison de vingt-six Rafale sur la période concernée ; au rythme de onze par an auquel nous nous sommes engagés, cela suppose d’en exporter au moins quarante. Ces conditions sont connues depuis longtemps et font l’objet d’un dispositif de suivi qui permet de mesurer les écarts éventuels entre prévision et réalisation.

M. Jean-Jacques Candelier. Où en est la réflexion sur l’éventuel changement de statut de la DGA ? La DGA peut-elle ou doit-elle bénéficier des crédits du PIA ?

Pourriez-vous nous donner quelques détails sur les « solutions innovantes » envisagées pour acquérir du matériel militaire ? Je pense pour ma part que le recours à des sociétés à capitaux privés engendrera des surcoûts, puisque tout travail a un coût et que le privé recherche la rentabilité.

M. Marc Laffineur. Quels espoirs peut-on encore fonder sur les exportations de Rafale, dont vous avez dit qu’elles conditionnaient la bonne exécution du PLF, mais dont on n’entend plus guère parler ?

Vous semblez par ailleurs un peu inquiet au sujet des ressources exceptionnelles. Quels sont les scénarios envisagés au cas où celles-ci n’atteindraient pas le niveau escompté ?

Les montages évoqués, fondés notamment sur la location d’armements, me paraissent, comme à mon collègue Candelier, complexes et potentiellement coûteux. Ils sont censés pallier une difficulté temporaire, mais risquent d’en créer de bien plus grandes à long terme.

M. Gilbert Le Bris. À propos de ces fameuses sociétés de projet, nous préciseriez-vous quels matériels, services et capacités seraient exclus du dispositif, à défaut de pouvoir nous dire ceux qui seraient concernés ?

Pourriez-vous également nous préciser le calendrier de réalisation des BSAH, à propos duquel j’ai entendu toutes sortes de rumeurs qui annoncent la signature des contrats tantôt pour la fin de l’année, tantôt pour beaucoup plus tard ?

Enfin, au titre de l’action 8 du programme 144, le soutien aux exportations demeure dans le giron de la DGA. Quelle forme prend-il aujourd’hui ?

M. Laurent Collet-Billon. Monsieur Candelier, le changement de statut de la DGA – pour en faire un établissement public à caractère industriel et commercial, si j’ai bien entendu les échos dans la presse de vos questions au ministère – n’est pas à l’ordre du jour.

Quant au PIA, nous n’y avons plus du tout accès : le programme 402 « Excellence technologique des industries de la défense » est fermé en 2015. À titre personnel, je regrette que le ministère de la Défense soit exclu de cette aventure, pour des raisons qui m’échappent. Mais rassurez-vous : nous saurons employer les 250 millions d’euros complémentaires qui doivent nous être versés d’ici à la fin de l’année au titre du PIA pour 2014.

En ce qui concerne les solutions innovantes, il s’agit principalement, comme vous l’a expliqué le ministre, de créer une société de projet, laquelle est propriétaire du matériel, qu’elle loue à l’État. L’État revend à la société des matériels qu’il peut avoir déjà payés ; la société les lui reloue instantanément ; l’État perçoit alors le prix de l’acquisition globale et paie ensuite un loyer. Ce mécanisme n’est peut-être pas des plus simples, mais il existe ailleurs qu’en France et est utilisé notamment par les compagnies aériennes et la SNCF – j’en ai notamment parlé dans le cadre des Rencontres parlementaires sur la défense. Il a l’avantage d’alléger le bilan des sociétés privées. Ici, la situation est un peu différente, car, contrairement à l’État, la DGA n’a pas de bilan en propre.

M. Nicolas Bays, président. Quel est l’intérêt principal de l’opération ?

M. Laurent Collet-Billon. De toucher un capital, puis de payer dans la durée. Prenons l’exemple d’un A400M livré en 2014 : nous le revendons à la société de projet, pour un montant dont l’ordre de grandeur est d’environ 150 millions d’euros TTC ; la société nous verse immédiatement ce montant, après quoi nous payons, pendant une durée convenue d’avance, une somme égale au loyer annuel que multiplient le nombre d’années de la période et un coefficient incluant le taux de rémunération de l’argent ainsi que l’amortissement du matériel. Cela permet de passer un cap que tous s’accordent à juger un peu difficile.

Les matériels éligibles sont aujourd’hui à l’étude. Ils doivent être nécessaires à nos forces armées, sans impliquer systématiquement une action militaire létale. En d’autres termes, je ne sache pas que l’on envisage d’inclure dans ce dispositif des missiles, des munitions, ni certains matériels terrestres utilisés en OPEX. D’autant qu’en OPEX les taux d’attrition varient considérablement avec l’intensité des engagements, ce que n’apprécient guère ceux qui louent du matériel et qui veulent que les taux d’assurance soient faciles à calculer.

Au sein des forces armées françaises, en particulier dans l’aéronautique, le taux d’accidents est extrêmement faible, certainement inférieur à celui des compagnies aériennes en moyenne mondiale. L’armée française est donc un très bon client pour les assureurs. Par conséquent, ce sont d’abord les matériels aériens à vocation logistique que l’on songe à intégrer au dispositif : A400M, peut-être MRTT, CASA CN-235. On pourrait également envisager des hélicoptères de surveillance maritime, donc sans vocation militaire de premier rang.

En tout état de cause, nous allons formuler très rapidement des propositions à ce sujet. L’objectif, je le rappelle, est de trouver 2,1 milliards d’euros en 2015.

En ce qui concerne les exportations – nous parlons essentiellement du Rafale –, nous avons des prospects majeurs, principalement en Inde et au Qatar. Le travail est en cours, l’affaire est sérieuse et menée dans la discrétion, ce qui est plutôt bon signe. Chacun a sa notion du temps, liée à sa culture, mais la négociation se déroule en bon ordre, le meilleur que l’on puisse raisonnablement espérer. Il peut exister un petit décalage par rapport à la date prévue dans la LPM pour la réalisation de ces exportations, mais nous discutons actuellement avec les industriels de la manière de l’amortir le cas échéant. En Inde, le calendrier budgétaire diffère du nôtre, puisque l’année budgétaire débute en avril : la date à laquelle nos partenaires indiens souhaitent conclure le contrat pourrait en dépendre ; la décision leur appartient. Dans cette affaire, l’« équipe de France » est efficace et très soudée : il n’y a aucune dissension ni entre les différentes composantes du ministère de la défense ni entre ce dernier et le Quai d’Orsay.

Vous m’avez interrogé plus précisément sur le soutien aux exportations. Le ministre a pris plusieurs dispositions pour réorganiser le ministère. Il s’agit notamment de la création de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), qui succédera à la Direction des affaires stratégiques (DAS). Or il a été décidé à un stade très précoce de la discussion que tout ce qui concerne les programmes d’armement, que ce soit en coopération ou en exportation, restera placé sous la responsabilité de la DGA. Celle-ci va modifier son organisation interne : seule la direction internationale s’occupera des affaires internationales, qu’il s’agisse d’exportation ou de coopération.

La politique de soutien vise les États qui sont nos clients potentiels, leurs équipes gouvernementales et administratives, ainsi que les industriels lorsque le client nous demande d’apprécier certaines prestations du point de vue technique ou de surveiller, au titre d’accords que nous passons avec lui, le développement et la production du matériel que nous devons lui livrer. Autrefois, c’est le SIAr, le service de la surveillance industrielle de l’armement, qui aurait assuré une mission de surveillance au profit d’un client étranger ; aujourd’hui, on parle du service de la qualité, mais cela revient au même. Nous intervenons aussi auprès des PME et notamment des clusters, en particulier en province, pour leur expliquer le fonctionnement et l’organisation générale du système d’exportation – demandes d’autorisation, passage devant la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre, la CIEEMG – et pour les orienter vers ceux qui, à la DGA, peuvent leur mettre le pied à l’étrier en les aidant à trouver les bons points d’entrée. Nous poussons également nos grands maîtres d’œuvre à associer leurs partenaires, PME ou ETI sous-traitantes, à leurs actions d’exportation et à s’implanter à l’étranger, avec un succès qui varie suivant nos interlocuteurs et les pays considérés. Enfin, nous avons entrepris de moderniser tout le système d’information propre aux exportations d’armement au niveau de la CIEEMG : le dispositif, entièrement renouvelé et sécurisé, permet le traitement électronique de tous les dossiers.

Ce soutien aux exportations n’est pas remis en cause, il est au contraire renforcé. Dans le contexte actuel, il est impératif de continuer d’exporter et d’améliorer nos performances de l’année. Pour moi, c’est une priorité.

S’agissant du programme BSAH, nous avions engagé une procédure de partenariat public-privé pour huit navires, dont quatre avec équipage militaire et quatre avec équipage civil. Comme beaucoup d’autres, ce PPP a été arrêté, car, de l’avis de tous, de notre direction des affaires financières aux équipes de Bercy, il n’avait plus d’intérêt économique. Le besoin a été optimisé et une nouvelle procédure a été lancée le 15 avril 2014, fondée sur l’acquisition patrimoniale de deux navires en tranche ferme et de deux autres en tranche conditionnelle – puis nous verrons. Le dossier de consultation a été envoyé aux candidats à la fin du mois de juillet et nous visons le début de l’année 2015 pour la notification du contrat. Le complément de flotte sera en principe traité par affrètement. Tout cela doit encore être précisé avec l’état-major des armées et celui de la marine.

M. Yves Foulon. J’en reviens aux sociétés de projet. Selon quelle procédure allez-vous faire appel à ces investisseurs privés et les sélectionner ? Les équipements ne seront-ils pas plus onéreux au total ? Enfin, qui paiera la maintenance des matériels ?

M. Daniel Boisserie. Vous avez souligné la hausse de nos exportations. Quels sont les matériels les plus recherchés ? Quelles entreprises ont le plus travaillé à l’export, et pour quel montant ?

À l’heure où les avoirs des Irakiens sont dégelés, avez-vous des contacts avec le gouvernement irakien à propos d’une éventuelle fourniture d’armement ?

Les entreprises d’armement et les sous-traitants vous ont-elles fait part de leur sentiment sur le PLF pour 2015 ?

M. Philippe Meunier. Vous nous avez annoncé une baisse du report de charges à condition de recourir à cette fameuse société de projet. Mais ne s’agit-il pas d’un simple transfert ? Car cette société aura un coût ; vous connaissez le capital qui y sera investi. Quel sera le coût total ?

Depuis un an, le ministre nous annonce la signature du contrat Scorpion. Vous nous dites qu’elle est proche ; tant mieux. Mais pouvons-nous encore attendre sans conséquence sur la livraison des premiers matériels, prévue par la LPM ?

M. Laurent Collet-Billon. La nature des capitaux des futures sociétés de projet, ou SPV (Special Purpose Vehicle), n’est pas encore arrêtée. Il est certain qu’une partie du capital viendra de la cession de participations de l’État sur le marché ; le ministre l’a dit. Il est parfaitement légal d’utiliser ces crédits pour monter une société qui fera du leasing. Quant aux investisseurs privés, soit ils produisent eux-mêmes du matériel, soit ils ne sont que des opérateurs sur le marché – sachant qu’il y a aujourd’hui sur la place de Paris beaucoup de fonds disponibles, à des taux d’intérêt très faibles. Les grands industriels de défense ont-ils intérêt à participer à ce type de montage ? À eux d’en décider. Cette activité peut en tout cas leur permettre de maintenir leur flux de commandes et de livraisons, ce qui est sécurisant. À mon sens, ces entreprises devraient donc accompagner le mouvement et faire en sorte de pouvoir utiliser les SPV si les ventes de fréquences ne sont pas au rendez-vous. Les investisseurs privés peuvent quant à eux être sensibles à la signature de l’État, qui s’engage à louer les matériels et à payer les loyers.

Comment articuler ces différents types de capitaux ? Comment la société sera-t-elle organisée ? Son capital sera-t-il majoritairement public ou l’État préférera-t-il laisser la main au privé ? Ces questions restent à trancher, à la lumière de différents critères liés à la dette publique, à la consolidation, au déficit global.

Le coût, vous le connaissez : c’est le loyer de l’argent. Le loyer qui sera acquitté rémunère le fait de payer sur la durée et non instantanément, ainsi que l’amortissement d’une partie du matériel. Pourra-t-on envisager de mettre fin au versement du loyer de manière anticipée en cas de rentrées supplémentaires ? D’offrir des options d’achat, comme dans le secteur automobile ? Il reste à le déterminer, ce qui nous mobilisera à coup sûr jusque début décembre.

La charge de la maintenance est elle aussi à l’étude. Je ne vois pas comment une société qui ne serait pas impliquée d’une manière ou d’une autre dans la fabrication des équipements pourrait en assurer la maintenance. Nous devrons trouver un dispositif permettant d’articuler les différentes composantes de l’armée – par exemple, pour les matériels aériens, celles de l’armée de l’air : équipes sur le terrain, service industriel de l’aéronautique (SIAé) – et les compétences de ces divers opérateurs. Nous verrons cela au cas par cas.

S’agissant des exportations, l’augmentation est effectivement très marquée. Plusieurs contrats importants sont entrés ou vont entrer en vigueur en 2014 : après le contrat LEX d’entretien de frégates avec l’Arabie saoudite et la vente de corvettes à l’Égypte, ce sera le cas, d’ici à la fin de l’année, de la vente de satellites d’observation au Pérou et aux Émirats arabes unis – le ministre a confirmé la signature de ce dernier contrat et nous attendons l’acompte qui permet son entrée en vigueur effective. Il s’agit enfin d’équiper l’armée libanaise, avec le concours d’un sponsor que je ne nommerai pas, mais que le ministre a lui-même mentionné.

Parallèlement, certaines entreprises réalisent dans ce domaine des chiffres d’affaires absolument colossaux, à l’insu de tous. Ainsi, la société alsacienne Lohr, peu connue sinon pour ses fardiers qui transportent les automobiles sorties d’usine, fournit en véhicules blindés la garde nationale d’un pays dont je vous laisse deviner le nom, en quantité astronomique : les contrats dépassent de beaucoup le milliard d’euros et près de deux tranches ont déjà été prises. Il existe donc des niches, qu’il ne faut pas hésiter à explorer.

Du côté des prospects, d’importants contrats sont envisagés avec des pays du Moyen-Orient, en particulier le Qatar : outre les Rafale, il est question de NH90 – il n’est pas exclu que le contrat soit signé avant la fin de l’année –, de VBCI, en cours d’évaluation comparative, et de frégates de défense aérienne pour protéger les plates-formes gazières, voire les installations sensibles comme celles qui accueilleront la Coupe du monde de football en 2022.

M. Nicolas Bays, président. Vous ne dites rien de la vente d’hélicoptères à la Pologne, dont il a été question pour la fin de l’année.

M. Laurent Collet-Billon. Sur ce dossier, nous avons de bonnes chances, peut-être même nos meilleures chances dans ce pays. Mais il y a eu plusieurs changements au sein des administrations polonaises et ce sont des affaires importantes au regard du budget du pays.

Outre les hélicoptères, il est question, avec la Pologne, de sous-marins, d’une part, et de défense aérienne, avec MBDA, d’autre part.

Sur l’Irak, monsieur Boisserie, je ne dispose pas d’informations précises. Nous allons solliciter notre attaché de défense adjoint-armement sur place. La libération des ressources et le contexte militaire actuel ne peuvent qu’ouvrir des pistes.

En ce qui concerne la réaction des entreprises au PLF pour 2015, l’année 2015 s’inscrit dans le cadre de la LPM, établie début 2013. À l’époque, nous avions discuté avec les industriels de plusieurs aspects, en particulier des montants à consacrer à différents agrégats technologiques ou industriels. Par exemple, que faut-il prévoir pour les sous-marins, en développement et en production, pour que les bureaux d’études soient préservés et pour que Cherbourg et les sous-traitants continuent de fonctionner ? Nous avons ainsi analysé neuf secteurs : sous-marins, aéronautique de combat, combat naval et lutte sous la mer, aéronautique de transport, hélicoptères, communications et réseaux, renseignement et surveillance, missiles et armement terrestre. L’année budgétaire 2015 reste conforme à ce qui a été alors discuté, même si les industriels peuvent toujours se plaindre et regretter de ne pas en avoir plus – nous aussi, d’ailleurs ! En outre, les exportations escomptées viendront conforter leur plan de charge.

Cela dit, les gros industriels et les PME ne sont pas dans la même situation. Les premiers disposent d’une trésorerie globalement très satisfaisante ; de ce point de vue, DCNS se classe parmi les gros, sans parler d’Airbus Group et Nexter. Aux secondes, nous accordons une attention toute particulière, car il n’est pas question de les « envoyer au tapis » à cause de difficultés de paiement, surtout en fin d’année. Cette année comme les précédentes, nous allons donc faire quelque chose qui ne figure pas dans le répertoire des bonnes habitudes réglementaires : mettre de l’argent de côté pour les PME.

Si nous parvenons à réaliser les exportations de Rafale, qui seraient une source d’oxygène, et si nous bénéficions pleinement des ressources exceptionnelles prévues, la situation sera à peu près stabilisée. Mais, comme l’a dit le ministre, nous sommes pratiquement dans une LPM de survie.

S’agissant du programme Scorpion, le contrat est signé par les industriels. Le ministre doit approuver dans les jours qui viennent le dossier de lancement, ce qui permettra d’ouvrir les crédits et débouchera sur la notification du contrat, début décembre.

M. Philippe Meunier. N’y aura-t-il pas de retard dans les livraisons ?

M. Laurent Collet-Billon. Non : le calendrier est conforme à la LPM. Certes, la négociation a été un peu serrée. Mais il s’agit d’une très belle affaire : plusieurs milliards d’euros sont en jeu, sur une douzaine d’années. Nous donnons ainsi de la visibilité à notre industrie terrestre.

Le report de charges n’emporte pas de coût en tant que tel, sinon celui des intérêts moratoires, aujourd’hui difficile à apprécier. Le coût actuel est extrêmement faible – quelques millions d’euros à peine. Nous verrons ce qu’il en est au début de 2015, compte tenu de la levée éventuelle de la réserve de précaution et de l’entrée en vigueur d’un forfait de 40 euros par dossier.

M. Philippe Meunier. Mais n’est-ce pas pour éviter que le report de charges ne s’alourdisse que l’on recourt à une société de financement ?

M. Laurent Collet-Billon. Si elle a cet avantage, tant mieux. Toutefois, le dispositif a au moins deux autres objectifs : nous permettre de disposer d’une somme équivalente à celle qu’apporteraient les recettes exceptionnelles et, s’il donne vraiment satisfaction, on pourrait même aller jusqu’à envisager d’accélérer le rythme de production ou d’arrivée dans les armées de plusieurs matériels en déficit capacitaire. Il s’agirait nécessairement de matériels en production – et non en développement, ce qui compliquerait l’accélération.

Je n’exclus pas non plus que les sociétés de projet puissent intéresser des partenaires étrangers, à différents égards.

M. Jean-Yves Le Déaut. Vous avez regretté le gel des recrutements à l’heure où se développe la cyberdéfense. Pourtant, on nous a dit lors d’une autre audition que 183 postes seraient consacrés à la cyberdéfense. Cette montée en puissance s’opère-t-elle à partir des effectifs de la DGA, ou disposez-vous de postes supplémentaires ?

Sur le PIA, vous avez notre soutien. Mais la recherche amont civile est trop coupée de la recherche militaire, comme je le soulignais l’an dernier dans mon rapport pour avis sur les crédits du programme 144. Pour bénéficier du PIA, ne devriez-vous pas améliorer votre coopération avec l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) ? Alors que les laboratoires de l’Est de la France se consacrent à la recherche civile, ceux de l’Ouest, dont Bruz, se spécialisent en recherche militaire.

J’en viens aux drones. Où en est le marché d’acquisition des drones tactiques de l’armée de terre ? Est-il officiellement lancé ? Quel est l’échéancier ? Et qu’en est-il de la francisation sans cesse évoquée des Reaper, qui, aujourd’hui, ne peuvent pas voler dans le ciel européen ? Enfin, question rituelle, que pensez-vous des drones MALE européens ?

M. Christophe Guilloteau. Il serait souhaitable que ces auditions budgétaires soient plus longues, afin que nous puissions consacrer le temps nécessaire à poser nos questions.

Monsieur le délégué général, vous tenez sur les exportations les mêmes propos que l’année dernière. Mais peut-être connaîtront-elles cette fois un nouveau destin…

Sur les sociétés de projet, je n’ai pas tout compris, mais le dispositif me rappelle l’achat de ma première 4L : j’ai voulu la payer à crédit et, quand je suis arrivé à la dernière échéance, elle n’existait plus depuis longtemps ! J’espère qu’il n’en ira pas de même du matériel militaire.

Plus sérieusement, alors que le ministre nous a parlé de l’acquisition de deux MRTT cette année, vous n’en mentionnez qu’un, pour arriver ensuite à huit, sur les douze appareils prévus. Quel chiffre faut-il retenir : un ou deux ?

M. Damien Meslot. Où en est-on de la livraison des lance-roquettes unitaires (LRU), qui paraissait bien engagée ?

En matière d’exportations, où nous situons-nous cette année par rapport à nos principaux concurrents ?

M. Yves Fromion. N’y a-t-il pas un important décalage entre les annonces et la réalité ? Ainsi, pour l’armée de terre, on constate que les équipements inscrits dans le Livre blanc – matériels roulant, hélicoptères, drones et équipements nécessaires pour le soutien logistique en Afrique, CASA, Transall, Hercules et MRTT – tardent à apparaître sur le terrain.

M. Laurent Collet-Billon. Monsieur Le Déaut, 150 ingénieurs civils et militaires ont été recrutés cette année, la ressource autorisée étant sensiblement inférieure aux besoins exprimés. Ces embauches correspondaient à des renouvellements ou à des augmentations de compétences dans un certain nombre de domaines pour l’ensemble des établissements de la DGA. En ce qui concerne la cyberdéfense, il est envisagé de recruter quarante personnes supplémentaires par an.

Lorsque vous avez rencontré les personnels, notamment ceux du centre d’études du Bouchet, vous avez pu noter un effort significatif de renouvellement et d’accroissement des compétences. Tout en réduisant les effectifs de la DGA, nous transformons sa structure en recrutant des gens très qualifiés – ingénieurs, titulaires d’un master 2, docteurs. Le niveau des recrutements est extrêmement élevé. Ainsi, en matière de cyberdéfense, après avoir écarté environ la moitié des dossiers, nous n’en retenons que deux sur les dix préalablement sélectionnés : les personnels recrutés peuvent être aussi bien des étudiants que des personnes expérimentées, issues du monde de l’industrie.

Le drone Watchkeeper a été évalué, avec des essais à Istres, dans le cadre du traité de Lancaster House, afin d’étudier les opportunités de coopération avec le Royaume-Uni sur ce thème. Toutefois, considérant l’existence de plusieurs solutions industrielles, et en application des réglementations nationales et européennes concernant les achats publics, le ministre a décidé de lancer une compétition pour le programme de système de drones tactiques (SDT). Thales et Safran devraient être sur les rangs. La procédure est lancée et nous comptons notifier le contrat à la fin de l’année 2015.

S’agissant du drone Reaper, un troisième vecteur du même type que ceux déployés actuellement devrait en principe parvenir en Afrique au tout début de l’année 2015. La même année verrait également la commande d’un deuxième système avec trois véhicules aériens. Nous espérons que l’armée de l’air américaine acceptera de nous céder du matériel d’occasion ou de modifier la programmation de la production en cours. Les discussions prennent bonne tournure, avec un soutien politique extrêmement fort du ministre. Comme les Américains ont eux-mêmes des matériels en Afrique, à Niamey, ils comprennent parfaitement l’utilité d’une collaboration. Nous sommes certains qu’ils feront les efforts nécessaires.

Le ministre souhaite que l’on prenne une initiative s’agissant du drone MALE européen. Je dois rencontrer très prochainement Katrin Suder, secrétaire d’État allemande à la Défense, à l’occasion du salon Euronaval. Trois industriels, Finmeccanica, Dassault Aviation et Airbus group, ont pris l’initiative de lancer un drone MALE européen. Il appartiendra à l’Agence européenne de défense de recueillir les besoins opérationnels.

La francisation des drones aura lieu. Mais, compte tenu de l’emploi opérationnel constaté en Afrique, une dotation supplémentaire est plus urgente. Nous nous interrogeons sur la réalisation d’une charge utile permettant les écoutes électroniques depuis les drones. Nous ne sommes pas certains que les Américains accepteraient de nous livrer leurs propres technologies en la matière.

C’est un MRTT qui sera livré en 2018, pas deux. Le rythme sera de un – le prototype –, plus huit, plus trois.

Monsieur Fromion, je ne peux pas répondre complètement aujourd’hui à votre question.

M. Yves Fromion. Vous m’avez déjà dit cela l’année dernière…

M. Laurent Collet-Billon. Nous avons un peu tardé à apporter le VBCI en Afrique, alors qu’il en existe aujourd’hui plus de 500.

Les opérations aériennes sont conduites avec dextérité et savoir-faire. Des matériels comme le Tigre donnent toute satisfaction sur le terrain. Nous avons réalisé, depuis plusieurs années, un effort important de production qui commence à porter ses fruits.

Un autre effort porte sur la rénovation de matériels antiques, tels les ravitailleurs et les Transall. Ce qui a été fait pour l’armée de terre est significatif. Reste la question des VAB que nous allons tenter de résoudre le plus rapidement possible dans le cadre du programme Scorpion. Cela dit, il ne faut pas oublier que nous disposons d’une force de VBCI très pertinente.

M. Yves Fromion. Mais, en matière d’hélicoptères par exemple, on voit bien qu’il y a un écart assez considérable entre les moyens nominaux et ce qui se passe vraiment sur le terrain.

M. Laurent Collet-Billon. Certes.

Monsieur Meslot, à la fin du mois d’août, sept des treize LRU étaient déjà livrés. Tous les lanceurs devraient l’être d’ici à la fin de l’année.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Il est prévu que les programmes Syracuse III et Melchior soient financés en 2015 en grande partie par les cessions de fréquences. Si ces cessions ne sont pas réalisées, la commande sera-t-elle repoussée ou ces équipements pourront-ils être basculés sur la société de projet ?

Où en est le programme de recherche de neutralisation des gaz de combat au sein de la DGA ? En Irak, récemment, c’est la technologie américaine qui a été utilisée. Cela signifie-t-il que ce programme est définitivement abandonné en France ?

M. Jacques Lamblin. Vous avouez rencontrer des difficultés pour maintenir les compétences de la DGA, mais, dans le même temps, vous affirmez que les efforts réalisés en matière de recrutements pourraient vous permettre de tenir le rang de la DGA. En l’état actuel des choses, y aura-t-il maintien des compétences ou, au contraire, faudra-t-il se résigner à les perdre ?

La question des sociétés de projet passionne l’opposition. L’État peut vendre à la société de projet un bien qu’il détient déjà, et nous espérons que le capital alors récupéré servira à l’achat de nouveaux équipements et ne se perdra pas dans les sables de la gestion du ministère de la Défense. Mais la société peut également se constituer pour acheter un bien que l’État ne détient pas encore. Celui-ci ne risque-t-il pas alors de privilégier cette procédure pour diminuer les crédits initialement prévus en paiement comptant ? On peut imaginer que cette méthode permette d’améliorer les dotations d’équipement, mais on peut craindre qu’elle ne se substitue aux moyens classiques de financer les équipements : dans ce cas, il n’y aurait pas plus d’équipements et ils seraient moins bien financés à court terme.

M. Olivier Audibert Troin. Face à l’impossibilité de dégager les recettes exceptionnelles nécessaires à l’équilibre du PLF, le ministre et ses services ont proposé la mise en place de sociétés de projet, ce qui ne manque pas d’inquiéter. Or, pour l’instant, rien n’est réglé. Nous ignorons à combien se montera le capital initial d’une société de projet et comment en sera abondée la part publique. S’agira-t-il de budgets gouvernementaux ? Cela sera-t-il pris sur le budget de la Défense ? Une partie du produit de la vente des matériels sera-t-elle réservée à cet effet ? Nous avons besoin, dès à présent, de connaître le détail du montage, car nous devons voter le budget la semaine prochaine.

Vous avez apporté une précision très importante en disant que les matériels loués aux sociétés de projet seront des matériels non létaux. Cela réduit à sa plus stricte expression la liste des matériels concernés. Même les VBCI sont des matériels létaux.

M. Philippe Folliot. Le 5 mai 2013, lors d’un tir d’essai, un missile M51, dans sa deuxième version, explosait en vol. À l’époque, vous aviez dit avoir noté des dysfonctionnements lourds chez les industriels. Les raisons de cet échec ont-elles été analysées ? Les études sur la troisième version du M51 sont-elles lancées ? Quand devrait-il être opérationnel ?

Pour assurer la souveraineté de notre domaine maritime et sécuriser la zone économique exclusive (ZEE) française, c’est le bâtiment de surveillance et d’intervention maritime (BATISMAR) qui devrait remplacer nos vieux P400. Où en est ce programme ?

M. Alain Moyne-Bressand. Le premier bâtiment de projection et de commandement (BPC) n’ayant pas été livré à la Russie, le contrat n’est pas honoré. La Russie a-t-elle engagé un recours ? A-t-elle déjà payé une partie de la livraison ? Quels sont les engagements qui ne sont pas respectés ?

M. Laurent Collet-Billon. Le programme Syracuse III n’est pas financé sur les recettes extrabudgétaires en tant que telles. Si les recettes exceptionnelles proviennent de la vente de fréquences, le successeur de Syracuse pourra en bénéficier. Si elles sont fondées sur autre chose, la situation devra être reconsidérée. Il est certain que l’on ne peut pas différer le lancement de ce programme, la durée de vie des satellites de télécommunication en orbite géostationnaire étant prévisible à quelques semaines près. Pour l’heure, les discussions avec les industriels sont un peu compliquées.

Madame Gosselin-Fleury, le programme SECOIA se poursuit. Le problème, en Irak, c’est que nous manquions de dispositifs mobiles de neutralisation des gaz de combat, ce qui n’est pas aisé à obtenir, même si les technologies déployées dans ce programme nous paraissent totalement fiables.

Monsieur Lamblin, le niveau des compétences est relativement stable. Pour reprendre les termes d’un rapport interne du ministère de la Défense, je dirai que les centres techniques de la DGA sont dans une situation extrêmement tendue. La question de la transmission des savoir-faire commence à se poser. Cela dit, nous parvenons à conserver la qualité de nos recrutements, en particulier dans les écoles sous tutelle du ministère de la Défense, comme l’École polytechnique ou l’ENSTA Brest.

Les sociétés de projet ne doivent pas désorganiser le ministère de la Défense, dont tous les services – état-major des armées comme DGA – doivent continuer de travailler normalement. La société de projet ne doit être que l’ultime recours. Il n’est pas question de s’affranchir des processus de qualification et de réception des matériels, qui sont indispensables et correspondent à des obligations légales. L’expérience nous enseigne que l’on ne peut pas avoir une confiance infinie dans les fournisseurs : à l’origine, le programme A400M était un contrat à caractère entièrement commercial et il a pris plusieurs années de retard. Les matériels nouveaux seront développés et produits comme prévu sous l’autorité de la DGA. C’est au moment de leur livraison aux armées que de l’argent sera échangé contre de la location. L’État doit donc conserver un fonds de roulement.

Le capital initial de la société de projet dépendra de ce qu’il faudra payer en 2015. A priori, il doit être de 2,1 milliards d’euros au moins, auquel il faut soustraire les rentrées de location de 2015, ce qui ne représente pas grand-chose. On a une idée assez précise de la manière dont il faudra fonctionner sur la base de ce capital.

M. Olivier Audibert Troin. C’est votre hypothèse de travail.

M. Laurent Collet-Billon. Oui. Le capital va être appelé, et il faudra le rendre à l’État afin qu’il dispose de ses ressources propres.

M. Olivier Audibert Troin. Quelle est la ligne budgétaire qui permettra de constituer le capital de la société de projet ?

M. Laurent Collet-Billon. Si les crédits proviennent de l’Agence des participations de l’État (APE), les cessions sont directement réinvesties dans une société constituée à cet effet.

M. Olivier Audibert Troin. Il faut d’abord procéder à la cession.

M. Laurent Collet-Billon. Oui. Il s’agit d’une cession sur le marché, et on ne peut pas faire n’importe quoi, par exemple vendre 50 milliards d’un seul coup.

S’il s’agit d’opérateurs privés, ils lèvent eux-mêmes les fonds auprès du public ou d’autres opérateurs pour entrer dans le capital. Il n’y a donc pas de ligne budgétaire en tant que telle. Cette opération concerne des sociétés de droit entièrement privé.

Monsieur Folliot, trois bâtiments multimissions (B2M) ont été commandés en 2013 et deux patrouilleurs légers de Guyane (PLG) sont commandés en principe en 2014. Nous verrons ensuite s’il faut commander une flotte homogène ou un peu moins homogène.

S’agissant du M51, nous avons été assez durs avec l’industrie. Aujourd’hui, la reprise en main est bonne. Nous avons vu revenir dans le dispositif industriel des personnes en lesquelles nous avons confiance, car ils ont fait leurs preuves dans le passé. Les choses se remettent progressivement en place. Avant de faire un nouvel essai, dont la date sera fixée par les autorités, nous procédons à une revue d’aptitude au vol extrêmement détaillée, puisque nous examinons l’intégralité des composants du missile d’essai.

En ce qui concerne le BPC, le contrat est en cours d’exécution et n’est pas interrompu. Les marins suivent une formation, voguent, qualifient leurs matériels sur leurs bateaux.

M. Alain Moyne-Bressand. Y a-t-il une date de livraison ?

M. Laurent Collet-Billon. Dans le courant du mois d’octobre. Nous verrons, à la fin, comment traiter la question. M. Poutine a annoncé qu’il avait retiré une partie de ses forces de la frontière ukrainienne. Il faut agir avec doigté pour que cette affaire ne porte pas tort à nos intérêts à l’exportation : on ne doit pas pouvoir nous reprocher un manque de fiabilité.

Chacun a compris qu’il nous faut régler rapidement le problème ardu des SPV pour que la partie du projet de loi de finances consacrée à l’équipement des forces armées puisse être envisagée dans son intégralité. Nous y travaillons d’arrache-pied et le ministre souhaitera sans doute s’exprimer à nouveau sur le sujet.

Nous consacrons d’importants efforts à l’exportation et au maintien de la qualité de la production au profit des forces armées.

Je compte sur la représentation nationale, dans le cadre de la loi de finances rectificative qui viendra en fin d’année, pour nous aider.

*

* *

II. EXAMEN DES CRÉDITS

Après l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 23 octobre 2014 à 9 heures) (8), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2015.

Article 32 : État B – Mission « Défense »

La commission examine l’amendement DN21 de M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Le présent amendement a pour but, d’une part, de transférer la majeure partie des dépenses consacrées à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, à hauteur de 230 millions d’euros, au profit de la dotation annuelle destinée au financement des OPEX.

Les dépenses effectives au titre de ces dernières sont en effet significativement supérieures à la dotation initiale, et même si j’ai bien entendu l’argumentation du ministre sur l’intérêt d’une mutualisation des surcoûts entre ministères, force est de constater que l’exercice n’est pas aisé en période de forte contrainte budgétaire.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Cet amendement, récurrent, propose de supprimer la majeure partie des dépenses consacrées à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, alors même que les forces aériennes stratégiques (FAS) fêtent leur cinquantième anniversaire. Le cycle d’auditions sur la dissuasion nucléaire nous a permis d’entendre beaucoup d’interlocuteurs mais je n’en ai pas tiré les mêmes conclusions que vous, et il me semble qu’un large consensus existe en faveur du maintien des deux composantes.

Je retiens notamment les propos du général Mercier, qui nous a rappelé que la dissuasion, au lieu d’avoir un effet d’éviction sur les capacités conventionnelles, les alimente et les tire vers le haut grâce au niveau d’exigence qu’elle impose à ses hommes. Les FAS contribuent en outre aux missions conventionnelles. Ravitaillement en vol, planification des missions, niveau d’entraînement de très haute intensité, réactivité : toutes ces qualités et atouts de la composante aéroportée méritent d’être conservées.

C’est pour ces raisons que j’émets un avis défavorable.

M. Christophe Guilloteau. Cet amendement menace la philosophie même de notre défense, ce que les gaullistes au sein de mon groupe ne peuvent admettre. En outre, il est presque impossible d’estimer la réalité de l’économie ; n’oublions pas non plus que la composante aéroportée repose en partie sur la marine nationale et que sa remise en question conduirait à menacer également notre porte-avions.

M. François de Rugy. Il n’y a aucun lien entre la suppression progressive de la composante aéroportée et celle du porte-avions. Celui-ci a potentiellement d’autres utilités, même s’il peut être en soi un autre sujet de débat. Lors des auditions précitées de notre commission, l’ambassadeur du Royaume-Uni a bien indiqué que la suppression de la composante aéroportée britannique avait permis d’importantes économies.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN21. Elle examine ensuite l’amendement DN22 de M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Nous proposons d’identifier les pistes d’économies possibles sans pour autant supprimer la dissuasion nucléaire. Le présent amendement prévoit donc de diviser par deux la dotation allouée aux études amont « nucléaires » afin d’abonder très concrètement les crédits d’équipement pour le combat en milieu hostile. En effet, ces crédits de recherche associés à la dissuasion connaissent une forte argumentation en 2015 par comparaison à celle des crédits d’équipement.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Je vous ferai la même réponse que pour la composante aéroportée. Ces crédits d’études amont se situent au niveau juste suffisant et toute diminution entraînerait une perte de compétence technologique, et par voie de conséquence de crédibilité de la dissuasion.

Avis défavorable, donc.

M. Christophe Guilloteau. Il s’agit d’un amendement de repli, auquel je suis défavorable.

M. Philippe Nauche. Nous nous situons dans le cadre de l’exécution d’une loi de programmation militaire, qui fait elle-même suite à un Livre blanc ayant effectué des choix en matière de dissuasion. Il importe donc de demeurer cohérent avec ceux-ci. J’ajoute par ailleurs que ces crédits d’études amont présentent une forte nature duale, contribuant ainsi au niveau technologique d’ensemble de l’industrie nationale. Le groupe SRC ne peut donc approuver cet amendement.

M. François de Rugy. Il ne s’agit pas pour nous de tactiques parlementaires, mais de faire apparaître à nos concitoyens que des choix sont possibles dans le cadre de ce budget – dont je reconnais qu’ils s’opposent à ceux effectués dans le cadre de la LPM. Nous pouvons dépenser moins pour la dissuasion et davantage pour les équipements conventionnels ou les OPEX.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN22.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons maintenant passer aux votes sur les crédits de la mission « Défense ».

*

* *

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits « Équipement des forces -  Dissuasion » de la mission « Défense ».

ANNEXE

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

Ø Direction générale de l’armement – MM. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, Christophe Fournier, directeur des plans, des programmes et du budget, et Guillaume Vega, cabinet du délégué général ;

Ø Nexter – M. Philippe Burtin, président-directeur général ;

Ø Dassault Aviation – MM. Éric Trappier, président directeur général, et Bruno Giorgianni, directeur des affaires publiques ;

Ø DCNS – MM. Hervé Guillou, président-directeur général, et Fabien Menant, directeur des affaires publiques ;

Ø AIRBUS Group – MM. Philippe Coq, secrétaire général Affaires publiques, Philippe Bottrie, directeur des affaires publiques France, et Mme Annick Perrimond-du Breuil (9), directeur relations avec le Parlement ;

Ø Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – MM. Daniel Verwaerde, directeur des applications militaires, et Jean-Pierre Vigouroux (1), chef du service des affaires publiques ;

Ø Ministère des Finances et des comptes publics, direction du Budget – MM. Vincent Moreau, sous-directeur, et Dominique Blaes, chef du bureau de la défense et de la mémoire ;

Ø État-major des armées – Général André Lanata, chef de la division « Plans, programmes, évaluation », accompagné du capitaine de vaisseau Thierry Durteste et du lieutenant-colonel Frédéric Vola ;

ØMBDA – MM. Antoine Bouvier, président-directeur général, Olivier Martin, secrétaire général, Pierre Muller, directeur commerce France et business développement, et Mme Patricia Chollet (1) ; chargée des relations avec le Parlement ;

Ø Agence des participations de l’État – Mme Astrid Milsan, directrice générale adjointe, et M. Aymeric Ducrocq, directeur de participations Industries ;

Ø Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – MM. Benoît Loutrel, directeur général, et Rémi Stefanini, directeur de l’accès mobile ;

Ø THALES – M. Patrice Caine, directeur général Opérations et Performance, et Mme Isabelle Caputo (10), directeur des relations parlementaires et politiques.

© Assemblée nationale

1 () Décret n° 2013-1072 du 28 novembre 2013 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance et loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

2 () Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

3 () Compte-rendu n° 60 de la commission de la Défense nationale et des forces armées.

4 () Compte rendu n° 62 de la commission de la Défense nationale et des forces armées.

5 () Comptes rendus n° 54 et 60 de la commission de la Défense nationale et des forces armées : «  Il apparaît peu probable que nous puissions compter pour 2015 sur le produit de la mise aux enchères de la bande des 700 MHz. Cette recette sera sans doute acquise, au mieux - mais il est possible de s’interroger là aussi - en 2016, pour des raisons liées à l’actualité et aux procédures nécessaires » (CR n° 54).

6 () Décret n° 2010-442 du 3 mai 2010 fixant la liste des établissements et sociétés mentionnés à l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

7 () L’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que font partie du domaine public mobilier de l’État « les biens présentant un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique », catégorie dans laquelle il semble difficile de faire entrer les équipements militaires.

8 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2015/commissions_elargies/

9 () Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

10 () Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.