Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N
° 2260

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234),

PAR Mme ValÉrie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

——

ANNEXE N° 31

JUSTICE

Rapporteur spécial : M. Étienne BLANC

Député

____

SYNTHÈSE 7

I. LA JUSTICE EST-ELLE UNE PRIORITÉ GOUVERNEMENTALE ? 9

A. LES CRÉDITS DE PERSONNEL NE CORRESPONDENT PAS AUX CRÉATIONS D’EMPLOIS ANNONCÉES 10

B. LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT ET LES INVESTISSEMENTS : DES DOTATIONS INFÉRIEURES AUX BESOINS 12

II. LA JUSTICE JUDICIAIRE 14

A. LES DOTATIONS, EN BAISSE, SONT-ELLES RÉALISTES ? 14

1. Quelle adéquation des crédits de personnel prévus aux effectifs annoncés ? 14

a. La diminution des effectifs de magistrats 15

b. La diminution des effectifs des greffes 16

2. Frais de justice : la dotation 2015 est-elle réaliste ? 17

3. Les crédits de fonctionnement courant : la dotation 2015 est insuffisante 21

4. La diminution des crédits d’investissement 22

B. LES PERFORMANCES DES SERVICES JUDICIAIRES 22

1. Des délais de traitement des procédures civiles et pénales variables 23

2. Améliorer l’exécution des peines et diversifier la réponse pénale 25

a. Une mesure de la performance perfectible 25

b. L’essor de la composition pénale et des mesures alternatives aux poursuites 25

c. L’exécution des décisions en matière pénale 26

III. L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 29

A. UN BUDGET EN PROGRESSION 29

1. Des recrutements en hausse depuis 2014 et des mesures catégorielles 30

2. L’augmentation des moyens de fonctionnement et des investissements 31

a. Les moyens de fonctionnement : l’impact des renouvellements de marchés 31

b. L’augmentation annoncée des investissements : quelle crédibilité ? 32

B. LA MESURE DE LA PERFORMANCE DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 33

1. La surpopulation carcérale augmente 33

2. La sécurité des établissements pénitentiaires se dégrade 35

3. Les aménagements de peines 35

C. LA SANTÉ EN PRISON : UN EFFORT À POURSUIVRE 37

IV. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 39

A. UN BUDGET (ENCORE) EN BAISSE MALGRÉ (ENCORE) DES CRÉATIONS D’EMPLOIS ANNONCÉES 39

1. Des dépenses de rémunérations annoncées en hausse 40

2. La nette diminution des moyens de fonctionnement, d’investissement et d’intervention 41

B. LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS DÉLINQUANTS 41

1. Les délais de prise en charge 41

2. Un taux de mesures en attente d’exécution stable depuis quatre ans 42

3. La forte augmentation du nombre de sanctions éducatives 42

V. LE PROGRAMME ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE 43

A. LA BAISSE DES CRÉDITS D’AIDE JURIDICTIONNELLE EN 2015 44

1. La principale dépense, la rétribution des avocats, est-elle financée ? 44

a. Une adéquation incertaine des moyens aux besoins 45

b. La progression des demandes d’aide juridictionnelle 47

2. Les autres aides juridictionnelles 48

3. L’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue 48

4. L’aide à l’intervention de l’avocat au cours d’auditions libres et de défèrements devant le procureur de la République 48

5. Les dotations aux barreaux sur la base de conventions 49

B. LES QUATRE AUTRES ACTIONS 49

1. Le développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité 49

2. L’aide aux victimes 50

3. La médiation familiale et les espaces de rencontre 50

4. L’indemnisation des avoués 51

VI. LE PROGRAMME DE CONDUITE ET PILOTAGE 52

A. LES MOYENS PRÉVUS POUR 2015 52

B. LES PRIORITÉS DE 2015 53

EXAMEN EN COMMISSION 55

Article 56 Augmentation du droit de timbre en appel 56

ANNEXE : LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES SUR LES FRAIS DE JUSTICE 61

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 10 octobre 2014, 100 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

SYNTHÈSE

La Justice, dont les crédits de paiement augmentent de 1,7 % (même progression que l’an dernier), est présentée cette année encore comme une priorité gouvernementale. L’an prochain, les crédits de paiement sont prévus à 7,94 milliards d’euros.

Le taux d’augmentation des crédits est pratiquement équivalent pour les dotations de personnel et les autres dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention.

Les annonces gouvernementales portent sur trois points : des créations significatives d’emplois, des investissements immobiliers en particulier dans le domaine pénitentiaire, des grandes réformes et chantiers de réorganisation qui devront dégager des marges de manœuvre pour le développement du service aux usagers : gestion des frais de justice, modernisation des systèmes d’information, regroupement de l’administration centrale sur deux sites.

Dans les faits, les dotations de personnel ne sont pas en adéquation, depuis 2013, avec les créations d’emplois annoncées ; l’immobilier pénitentiaire est prioritaire pour les annulations de crédits en 2013 et 2014 ; les dotations budgétaires, en particulier celles aux frais de justice, aux moyens de fonctionnement des juridictions et à l’aide juridictionnelle ne couvrent pas les besoins.

Le Rapporteur spécial considère toujours que l’amélioration du service public de la justice suppose des réformes d’ampleur afin de :

– remédier à la lenteur de l’institution judiciaire en améliorant ses moyens, notamment informatiques, en développant des procédures non contentieuses de résolution des conflits et en veillant au bon emploi des effectifs ;

– améliorer l’exécution des peines, le stock des peines à exécuter augmente pour atteindre environ 100 000 peines fermes en attente d’exécution, prononcées par les tribunaux de grande instance et cours d’appel ;

– lutter contre la surpopulation carcérale en construisant certes de nouvelles places d’enfermement, mais aussi en mettant en œuvre des mesures alternatives à la détention ;

– lutter contre la hausse vertigineuse des frais de justice, mais prévoir cependant des financements en adéquation avec les besoins ;

– mieux prendre en charge les problèmes de santé, en particulier psychique, en détention.

I. LA JUSTICE EST-ELLE UNE PRIORITÉ GOUVERNEMENTALE ?

La mission Justice correspond au périmètre du ministère régalien de la Justice et comporte six programmes, dont trois programmes « métier » qui concourent respectivement à l’organisation et au fonctionnement des juridictions, des services pénitentiaires, ainsi que de ceux de la protection judiciaire de la jeunesse. Deux programmes transversaux retracent les moyens de la politique d’accès au droit et à la justice, ainsi que les fonctions d’état-major et législatives. Enfin, un programme est dédié au Conseil supérieur de la magistrature.

La dotation demandée pour la mission en 2015 s’élèvera à 9,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) (+ 21,9 %). Les crédits de paiement (CP) s’élèveront à 7,9 milliards d’euros, en hausse de 1,7 % qui fait suite à trois années de progression des dotations de 1,7 % également l’an dernier et de plus de 4 % en 2012 et 2013. Pour chacun des programmes, le projet de budget pour 2015 est présenté dans le tableau suivant.

LE PROJET DE BUDGET DE LA JUSTICE EN 2015

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Évolution des crédits de paiement (%)

Numéro et intitulé du programme
et de l’action

LFI 2014

PLF 2015

LFI 2014

PLF 2015

166 – Justice judiciaire

3 182,2

3 008,8

3 110,4

3 078,9

– 1 %

107 – Administration pénitentiaire

2 842,4

4 725,1

3 229,5

3 396,6

+ 5,2 %

182 – Protection judiciaire de la jeunesse

779,2

780,3

783,2

777,8

– 0,7 %

101 – Accès au droit et à la justice

368

364,5

368

363,1

– 1,3 %

310 – Conduite et pilotage de la politique de la justice

403,9

357,4

310,8

318,8

+ 2,6 %

335 – Conseil supérieur de la magistrature

3,8

3,6

4,2

4,4

+ 4,3 %

Total

7 579,4

9 239,8

7 806

7 939,4

+ 1,7 %

Source : projet annuel de performances.

La progression des dotations en loi de finances initiale constitue une originalité dans un contexte budgétaire extrêmement contraint. La Justice constitue une priorité de l’action gouvernementale, selon les annonces récurrentes du Gouvernement. Dans les faits, la part du budget de la Justice dans le budget de l’État en loi de finances initiale avait progressé de 2,34 % en 2007 à 2,57 % en 2013, elle régresse à 2,52 % en 2014.

Cette présentation des moyens peut être analysée de deux façons : d’abord au regard des priorités annoncées par le Gouvernement lui-même, ensuite lorsque ces annonces sont passées au prisme de l’exécution budgétaire, déjà pour la première année de pleine gestion de la majorité élue en 2012, c’est-à-dire 2013.

Les priorités du budget de la Justice sont, selon le Gouvernement et telles que présentées dans le dossier de presse du PLF 2015, les suivantes :

– le ministère de la Justice bénéficiera de 1 834 créations d’emplois sur le budget triennal pour assurer la mise en œuvre des priorités du Gouvernement, notamment pour l’application de la réforme pénale ;

– les investissements immobiliers seront poursuivis pour mener à son terme le programme de construction d’établissements pénitentiaires avec la livraison de plus de 6 250 places sur le quinquennat ;

– les grandes réformes et chantiers de réorganisation du ministère sont poursuivis et dégageront des marges de manœuvre pour le développement du service aux usagers : gestion des frais de justice, modernisation des systèmes d’information, regroupement de l’administration centrale sur deux sites. Ainsi, la justice prendra sa part dans l’effort collectif de redressement des finances publiques. La maîtrise des dépenses et de la gestion des frais de justice (médecine légale, interceptions judiciaires…) sera poursuivie et permettra de dégager des économies substantielles dès 2015. Les dépenses de fonctionnement de l’administration pénitentiaire, des services judiciaires et des services de la protection judiciaire de la jeunesse continueront d’être optimisées. Ces efforts passeront par exemple par une rationalisation des dépenses d’affranchissement de la justice judiciaire. La modernisation du ministère se poursuivra à travers la poursuite des grands projets informatiques qui permettront de dématérialiser certaines procédures et donc de redéployer des emplois. Enfin, certaines opérations immobilières, ou leur calendrier, ont été optimisées, en veillant à ne pas remettre en cause les projets prioritaires.

L’exécution 2013 et la situation budgétaire en 2014 mettent en évidence l’écart des annonces avec la réalité : les créations d’emplois ne sont pas au rendez-vous et les plafonds d’effectifs ne sont pas saturés, l’immobilier pénitentiaire est le premier sacrifié à la régulation budgétaire, les besoins ne sont pas satisfaits quant au fonctionnement de la Justice (frais de justice, moyens de fonctionnement) comme pour l’aide juridictionnelle, compte tenu du faible niveau des dotations.

C’est un modèle de gestion qu’il convient de réinventer.

A. LES CRÉDITS DE PERSONNEL NE CORRESPONDENT PAS AUX CRÉATIONS D’EMPLOIS ANNONCÉES

Les dépenses de personnel (titre 2) représentent 61 % de l’ensemble des crédits et augmentent de 1,7 % à comparer à 2 % en 2014, 4 % en 2013 et 2,9 % en 2012. Le premier paramètre incontournable du budget de la Justice est qu’il s’agit d’un budget d’effectifs et de rémunérations, et que ce poste de dépenses dynamique est globalement, en principe, difficile à maîtriser, surtout quand, d’une année sur l’autre, le Gouvernement annonce de nouvelles créations d’emplois.

Les crédits de rémunérations et charges sociales de la mission Justice s’élèveront, en 2015, à 4 848,6 millions d’euros, enregistrant par rapport à 2014 une hausse 1,7 %, la progression des rémunérations étant égale à celle des autres moyens du ministère.

Dans cet ensemble, l’on peut distinguer les rémunérations d’activité, les cotisations et contributions sociales autres que les pensions, les contributions au compte d’affectation spéciale des pensions (CAS Pensions), et les prestations sociales. La progression de ces différents éléments est du même ordre de grandeur. Les rémunérations d’activité progressent cependant de 1,5 %, à un rythme légèrement moins élevé.

Le Gouvernement annonce que la priorité du ministère se traduit par des créations d’emplois, depuis plusieurs années. Il fait état de 480 emplois créés en LFI 2013 au ministère de la Justice, de 555 emplois créés en LFI 2014, et de 635 emplois créés en PLF 2015.

L’exécution budgétaire 2013 a mis en évidence la réalisation d’économies sur les effectifs. Les dotations de rémunérations d’activité n’ont pas été consommées à hauteur de 7,4 millions (– 0,3 %). Cette situation a été rendue possible, alors que le budget de la Justice avait été présenté comme prioritaire en particulier en matière d’emploi, par la non réalisation des effectifs prévus. Alors que les plafonds d’emplois devaient être portés à 77 542 ETPT en 2013 à comparer à 75 508 ETPT réalisés en 2012, la réalisation 2013 est de 75 833 ETPT, à peine supérieure à celle de 2012, alors que les transferts nets sortants ont de surcroît été inférieurs de 101 ETPT aux prévisions de la loi de finances initiale. La non réalisation des ETPT au regard du plafond fixé en loi de finances initiale est de 1 709 (hors transferts). Alors que le PAP 2013 avait annoncé que la protection judiciaire de la jeunesse serait prioritaire pour les créations d’emplois en 2013, il est à noter que ses effectifs budgétaires ont été inférieurs en 2013 (8 183 ETPT) à ceux de 2012 (8 201 ETPT) et donc qu’ils ont en fait diminué, à cause du faible calibrage de la masse salariale.

Les dotations de masse salariale sont contenues en deçà des besoins qui seraient nécessaires pour satisfaire le plafond d’emplois. Ainsi, alors que l’augmentation de 20 ETPT est prévue au plafond d’emplois des services judiciaires, pour 49 entrées nettes en 2015, les crédits de personnel sont pourtant prévus en baisse de 1 %. L’écart entre les effectifs réels de magistrats et les plafonds d’emplois (en ETPT) n’a jamais été aussi élevé qu’en 2014 (1 244, soit près de 15 % du plafond d’emplois). Une partie des postes annoncés en créations en 2015 dans l’administration pénitentiaire est déjà pourvue depuis 2014, grâce aux vacances de postes.

Si le Gouvernement considère vraiment, au-delà de l’affichage, qu’il est nécessaire d’augmenter les effectifs du ministère de la Justice, il lui est loisible, plutôt que d’annoncer des créations d’emplois, d’augmenter les dotations de masse salariale et d’autoriser les recrutements.

B. LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT ET LES INVESTISSEMENTS : DES DOTATIONS INFÉRIEURES AUX BESOINS

Les crédits hors titre 2 de la mission Justice, qui correspondent aux moyens de fonctionnement, aux investissements et aux dépenses d’intervention sont globalement prévus à 3 090,8 millions d’euros de crédits de paiement (+ 1,7 %).

Les autorisations d’engagement (AE) progressent de 1 660 millions d’euros, soit de près de 22 %, à cause du renouvellement au 1er janvier 2016 de nombreux marchés de gestion déléguée d’établissements pénitentiaires, ce qui rend nécessaire l’inscription d’AE dès 2015 pour permettre les appels d’offres.

Les insuffisances de dotations sont manifestes pour les moyens de fonctionnement, en particulier dans les services judiciaires. Le poste des frais de justice n’est évidemment pas maîtrisé, les autres moyens de fonctionnement sont insuffisamment dotés, en particulier pour les dépenses immobilières de l’occupant dont les besoins sont aisément prévisibles. Les dotations de dépenses de santé des détenus hors cotisations sociales sont en baisse. Les mesures d’économie annoncées sont bien faibles au regard des enjeux. Il est indiqué, pour les moyens de fonctionnement des services judiciaires (page 59 du PAP), que « la dotation allouée au titre du fonctionnement courant (dépenses de l’occupant et hors immobilier), augmente de 1,5 % par rapport à 2014. Compte tenu de l’augmentation tendancielle des dépenses, notamment de loyers et de maintenance, cette dotation implique néanmoins que les services judiciaires réalisent d’importants efforts d’économies de fonctionnement », sans préciser quelle méthode il est possible de suivre. S’agissant des frais de justice, la très remarquable enquête réalisée par la Cour des comptes à la demande de la commission des Finances propose des pistes d’économie et de bonne gestion conséquentes.

La dotation prévue au titre de l’aide juridictionnelle n’est pas réaliste, au point qu’un récent rapport de la commission des Lois du Sénat (1) a pu parler d’un dispositif « en faillite ». Il convient probablement rapidement de relever les seuils d’admission qui sont bas et d’éviter de proposer une augmentation nouvelle de la dotation budgétaire, comme le fait un rapport récent (2).

Les constructions pénitentiaires constituent une autre priorité annoncée par le Gouvernement. Le Rapporteur spécial se contentera de faire deux observations. Premièrement, les dotations de crédits de paiement d’investissements pénitentiaires progressent peu de 2014 à 2015, de 20 millions d’euros pour atteindre 373,5 millions d’euros. La gestion 2013 a été caractérisée par un niveau inédit d’annulations sur l’immobilier pénitentiaire. La consommation des AE sur le titre 5 des dépenses d’investissement s’est élevée à 190,6 millions d’euros pour 306,4  ouverts en LFI (- 37,8 %) et celle des CP à 303,7 millions d’euros pour 368,9 ouverts en LFI (- 17,7 %). Dans la continuité de 2013, le budget immobilier pénitentiaire 2014 a subi une réduction de 51 millions d’euros de crédits de paiement au regard du triennal 2013-2015. En gestion 2014, deux annulations de crédits de 25 millions d’euros en AE et de 15 millions d’euros de CP et de 9,9 millions d’euros de seuls CP sur les partenariats public/privé sont intervenues.

En second lieu, aucun élément précis n’a été transmis sur le programme d’immobilier pénitentiaire du prochain budget triennal : « L’élaboration du futur programme immobilier dans le cadre du budget triennal 2015-2017 est en cours de finalisation. Un milliard d’euros d’autorisations d’engagement sont prévues sur la période. »

On ne peut donc qu’être circonspect à l’annonce de la poursuite des investissements immobiliers pénitentiaires comme priorité gouvernementale.

*

* *

II. LA JUSTICE JUDICIAIRE

Le programme Justice judiciaire est doté de moyens qui ne sont pas en adéquation avec les besoins, sur les principaux postes de dépenses : des effectifs annoncés en hausse alors que les crédits de personnel diminuent, des moyens de fonctionnement et de frais de justice manifestement sous dotés.

A. LES DOTATIONS, EN BAISSE, SONT-ELLES RÉALISTES ?

Les crédits de paiement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015 sont prévus à 3 078,9 millions d’euros, en diminution de 1 % par rapport aux crédits alloués par la loi de finances pour 2014. Les autorisations d’engagement s’élèveront à 3 008,8 millions d’euros (– 5,4 %).

Avec 2 136,9 millions d’euros (– 1,1 %), les crédits de personnel de titre 2 représenteront la majeure partie des dépenses, devant des moyens hors titre 2 s’élevant au total à 942 millions d’euros (– 0,8 %). Près de 70 % des dotations du programme sont affectées aux rémunérations.

L’évolution des crédits du programme est retracée dans le tableau suivant :

CRÉDITS DU PROGRAMME JUSTICE JUDICIAIRE

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé de l’action/sous action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

Évolution
2015/2014

(%)

LFI 2014

PLF 2015

Évolution
2015/2014

(%)

01 – Traitement et jugement des contentieux civils

950

928,1

– 2,3

950

928,1

– 2,3

02 – Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

1 002,6

961,6

– 4,1

1 002,6

961,6

– 4,1

03 – Cassation

58,5

58,5

– 0,1

58,5

58,5

+ 0,1

05 – Enregistrement des décisions judiciaires

12,2

12,2

– 0,5

12,2

12,2

– 0,5

06 – Soutien

1 017,3

908,3

– 10,7

945,6

978,4

+3,5

07 – Formation

111,5

111,6

+0

111,5

111,6

+ 0

08 – Support à l’accès au droit et à la justice

30

28,6

– 4,7

30

28,6

– 4,7

Total

3 182,2

3 008,8

– 5,4

3 110,4

3 078,9

– 1

Source : projet annuel de performances.

La diminution des dotations est générale, pour toutes les catégories de dépenses, en particulier pour les investissements.

1. Quelle adéquation des crédits de personnel prévus aux effectifs annoncés ?

Le plafond d’ETPT est porté de 2014 à 2015 de 31 640 à 31 641 compte tenu de l’impact du schéma d’emplois (+ 20 ETPT) et de 19 transferts sortants. Il est prévu 660 primo-recrutements et un solde d’effectifs positif de 49 personnes, avec des recrutements nets de 64 magistrats, de 30 greffiers et la suppression de 45 emplois administratifs et techniques de catégorie C.

Les éléments salariaux transmis d’un PAP à l’autre laissent perplexes. C’est ainsi que le « solde d’exécution retraitée » pour 2014 est de 1 469,9 millions d’euros de masse salariale, soit près de 30 millions de moins qu’en prévision de PLF 2014 (1 499,7 millions d’euros). Hors « débasage de dépenses au profil atypique » (garantie individuelle du pouvoir d’achat, rachat des jours épargnés sur les comptes épargne temps, recours à du personnel temporaire destiné à garantir l’efficacité de la justice judiciaire dans l’attente des recrutements de titulaires, transfert du paiement des indemnités de stage du titre 3 vers le titre 2), la sous-consommation de masse salariale en 2014 atteint 16,6 millions par rapport aux prévisions du PLF 2014.

Comment peut-on alors expliquer que le schéma d’emploi se traduise par une prévision d’économie de 3 millions d’euros sur la masse salariale ? Il est très plausible que la masse salariale annoncée pour 2015 intègre des prévisions de réalisation d’effectifs inférieures aux annonces du Gouvernement et que l’augmentation des effectifs annoncée en 2014 (+ 271 ETPT) n’a pas été réalisée.

C’est ainsi qu’en 2013 les réalisations d’ETPT ont été inférieures de 784 ETPT aux prévisions de la LFI.

Dans les faits, et depuis plusieurs années, les effectifs réels de magistrats et de greffiers diminuent.

Un plafond d’effectifs réels a été constaté le 1er septembre 2009, aussi bien pour les magistrats que pour les greffiers et les fonctionnaires. Les statistiques d’effectifs de magistrats et de greffiers, de 2009 à 2014, montrent que les effectifs réels de magistrats et de greffiers ont diminué. Cette tendance négative est directement en contradiction avec les augmentations des plafonds d’emplois.

a. La diminution des effectifs de magistrats

Le Parlement vote chaque année un plafond d’emplois des magistrats sur le programme Justice judiciaire en augmentation : de 7 896 en 2009 à 9 174 en 2014 et un plafond d’emplois de 9 125 demandé pour 2015 (première diminution du plafond depuis 2009).

Or, dans le même temps, le nombre de magistrats réellement en activité ne cesse de diminuer : 8 269 en 2009 et 8 023 en 2014 (correspondant à 7 930 ETPT). La tendance ne peut être considérée comme inversée en 2014 avec une augmentation de 15 emplois sur 2013. Les magistrats en activité représentent 7 930 ETPT pour un plafond de 9 174.

L’écart s’accroît entre les effectifs réels et les plafonds d’emplois, les effectifs réels excédant le plafond d’emplois en 2009 et un déficit de 1 244 magistrats étant constaté en 2014, malgré la présence de magistrats en surnombre dont l’effectif a été porté à une centaine depuis 2011. On peut donc considérer que la masse salariale est un indicateur beaucoup plus pertinent que le dénombrement des effectifs, en ETPT ou en entrées/sorties, pour apprécier la politique menée par le Gouvernement. Les annonces de recrutements par augmentation des plafonds d’ETPT n’ont pas grand sens.

ÉTAT DES EFFECTIFS DE MAGISTRATS

(au 1er septembre 2014)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

A.– Magistrats en détachement

217

215

247

253

252

240

213

B.– Magistrats en congé de longue durée

21

15

19

12

12

13

17

C.– Magistrats en congé parental

15

15

12

13

18

23

18

D.– Magistrats en disponibilité

90

83

83

74

70

73

85

E.– Magistrats en activité

8 113

8 208

8 187

8 080

7 959

7 916

7 921

F.– Magistrats maintenus en activité en surnombre

51

61

71

92

101

92

102

G.– Effectifs réels des magistrats en activité (E+F)

8 164

8 269

8 258

8 172

8 060

8 008

8 023

Plafond d’emplois autorisés par la loi de finances initiale

7 918

7 896

8 282

8 785

8 927

9 051

9 174

Source : ministère de la Justice.

b. La diminution des effectifs des greffes

Les effectifs réels des greffes judiciaires ont connu également un plafond en 2009 avec (au 1er juillet) 21 212 agents. Ils ont diminué jusqu’à 20 689 agents au 1er juillet 2011 pour remonter à 21 128 agents au 1er juillet 2013 et se stabiliser à 21 089 agents au 1er juillet 2014.

Entre 2009 et 2014, l’emploi a évolué de manière nettement différenciée selon les différentes catégories de fonctionnaires des services : le nombre d’emplois réellement occupés en catégorie A (greffiers en chef) est resté stable longtemps et n’a augmenté qu’en 2014 (1 781 en 2014 au lieu de 1 710 en 2013. Les emplois en catégorie B (greffiers et secrétaires administratifs) sont en augmentation continue, et sont passés de 8 709 à 9 782 entre 2009 et 2014. Les créations d’emplois de greffiers ont pour but à moyen terme de parvenir à une parité entre le nombre d’emplois de greffiers et celui de magistrats. Ce ratio s’améliore depuis 2009, il est passé de 0,86 en 2009 à 1,01 en 2014. Les créations d’emplois de secrétaires administratifs permettent aujourd’hui de comptabiliser 498 secrétaires administratifs (soit 336 de plus qu’en 2009). Les emplois de catégorie C (adjoints administratifs et techniques) continuent de diminuer et sont passés de 10 787 en 2009 à 9 516 en 2014.

Il est à noter, qu’aussi bien pour les magistrats que pour les greffiers, un écart significatif entre le recrutement et l’affectation en juridiction résulte de la période de scolarité, de 31 mois à l’École nationale de la magistrature et de 18 mois à l’école nationale des greffes pour les greffiers en chef et les greffiers.

Les recrutements d’auditeurs de justice avaient été réduits à 128 en 2010 et 138 en 2011, ils ont été portés à 206 en 2012, 252 en 2013, 270 en 2014 et sont prévus à 262 en 2015. On peut donc espérer une éventuelle augmentation des effectifs de magistrats pour les prochaines années.

2. Frais de justice : la dotation 2015 est-elle réaliste ?

La présentation budgétaire des crédits relatifs au fonctionnement courant des services judiciaires et aux frais de justice distingue deux agrégats : le fonctionnement courant et les frais de justice. Le PAP 2015 procède à une nouvelle précision dans la nomenclature en distinguant, au sein des moyens de fonctionnement courant, le fonctionnement courant hors immobilier et les dépenses immobilières de l’occupant.

Les dotations prévues en 2015 s’élèvent au total, hors fonds de concours et attribution de produits, à 802,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 779,5 millions en crédits de paiement, soit 352,7 en autorisations d’engagement et 329,2 en crédits de paiement au titre du fonctionnement courant, et 449,9 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement au titre des frais de justice.

Les frais de justice sont retracés sur quatre actions du programme Justice judiciaire en 2014 comme en 2015.

Leur consommation en 2012 s’est élevée à 454,5 millions d’euros dont 53,9 au titre de la médecine légale mais hors frais postaux. Les dotations, insuffisantes, ont dû être abondées en gestion par le décret d’avance du 30 novembre 2012, de 46,1 millions d’euros.

Les dotations prévues en LFI 2013 s’élevaient à 477 millions dont 57 millions au titre de la médecine légale. La consommation effective a été de 473,6 millions d’euros.

Les 457,7 millions prévus en LFI 2014 au titre des frais de justice représentaient des dotations en baisse de 4 % sur les crédits prévus en 2013.

Le PLF 2015 prévoit une nouvelle diminution des crédits à 449,85 millions d’euros (– 1,7 %) alors que les besoins budgétaires sont en forte augmentation.

Cette situation se traduit par une augmentation forte des restes à payer d’une année sur l’autre. (3)

Le PAP indique que le montant des restes à payer 2014 est évalué à 378 millions d’euros, ce montant est en nette augmentation par rapport aux restes à payer de 2013 (évalué à 312,7 millions d’euros) en répercussion de la hausse du nombre de prescriptions et de la moindre part des crédits de paiement consacrés à la couverture des engagements de l’année en cours. Les seules charges à payer qui seront constituées pour l’année 2014 en fin d’année 2014 sont estimées à 186 millions d’euros à défaut de levée de la réserve de précaution et à 154 en cas de levée de la totalité de la réserve, à comparer à 142 millions d’euros de charges à payer constituées en 2013.

Il est à noter que les engagements pris à divers titres par les prescripteurs de frais de justice (magistrats et officiers de police judiciaire) sont probablement très supérieurs à ces montants. En effet, faute d’opérer un réel suivi des engagements, le Gouvernement a décidé en fin d’exécution 2013 de renoncer à la prise en compte globale des engagements de frais de justice, pour ne traiter ces dépenses qu’au moment du paiement : Chorus ne matérialise que la demande de paiement, à l’exclusion de tout engagement ou attestation de service fait préalable. Comme l’explique la Cour des comptes, « le ministère de la justice s’est ainsi détourné du projet de suivre les engagements de frais de justice, au profit d’un suivi des mémoires – c’est-à-dire au stade ultime, celui de la demande de paiement. » (4)

Sur le plan budgétaire, cette décision a entraîné, au 1er janvier 2014, la clôture d’une fraction des engagements juridiques globaux de frais de justice ouverts en 2013 et les années antérieures et l’annulation des autorisations d’engagement (AE) correspondantes, pour 141,4 millions d’euros. Comme le précise la Cour des comptes, « cette nouvelle convention comptable devrait d’ailleurs faire disparaître les restes à payer budgétaires : dès lors qu’il n’y a plus de suivi des autorisations d’engagement, il n’est pas possible de comptabiliser des restes à payer budgétaires, entendus comme la différence entre les autorisations d’engagement consommées et les crédits de paiement. »

C’est ainsi que les 378 millions d’euros de restes à payer à fin 2014 correspondent à une fraction non exhaustive des engagements identifiés, alors que la réforme consistant à ne plus tenter de comptabiliser les engagements en matière de frais de justice peut s’analyser comme une manière de casser le thermomètre. Ce n’est pas l’avis du Gouvernement : les éléments de réponse transmis au Rapporteur spécial par le Gouvernement considèrent pour leur part qu’« il s’agit d’une opération « technique » prise en concertation avec les services du contrôleur budgétaire et comptable ministériel, afin d’apurer le stock d’AE anciennes, issues pour partie de la reprise de données ante-Chorus et qui étaient reconduites d’année en année, notamment en raison du recours à des engagements juridiques globaux de flux 3 ».

Ce flux était utilisé du fait de l’absence de possibilité de recourir au flux 1 sur les frais de Justice et dans le souci de limiter le recours au flux 4. Toutefois, cette pratique rendait difficile un suivi précis des dépenses.

Le recyclage perpétuel d’AE n’étant pas un mode satisfaisant de gestion des crédits, le responsable du programme 166 a donc procédé en 2013 à l’annulation des AE libérées à la suite de réduction de lignes de postes d’EJ ou d’EJ globaux de flux 3.

Concrètement, cette annulation technique est sans incidence sur le niveau des restes à payer au titre des frais de justice. »

La Cour des comptes a réalisé, à la demande de la commission des finances une enquête de très haute qualité sur les frais de justice depuis 2011. Au-delà des remarques qui précèdent sur le fait que les engagements réels ne sont pas pris en compte de façon exhaustive ni avec sincérité et que les dépenses de frais de justice connaissent une augmentation non contrôlée, la Cour a posé un diagnostic que chacun partage et proposé des solutions à mettre en œuvre d’urgence.

Le régime comptable des frais de justice est inadapté : comme il s’agit de l’ensemble des dépenses prescrites, en principe par un magistrat ou sous son contrôle, dans le cadre d’une procédure judiciaire, il déroge au droit commun de la comptabilité publique en matière d’engagement et de liquidation de la dépense, comme par le caractère juridictionnel de la contestation de la validité de la dette.

La dépense est engagée par un ordonnateur de fait (et non par l’ordonnateur de droit) qui est dans 60 % des cas un officier de police judiciaire, il en va de même de la liquidation des mémoires de frais présentés par les prestataires qui ne requière pas l’intervention de l’ordonnateur ; les contestations portant sur la liquidation requièrent, de la part du comptable assignataire, la saisine du ministère public qui saisit le juge taxateur de ses réquisitions ; cependant si le ministère public refuse d’exercer ce recours, le comptable ne peut pas suspendre le paiement et en informer l’ordonnateur.

Sauf en matière de marchés publics, l’interprétation particulière des règles de la prescription quadriennale conduit à considérer que la date à laquelle les droits ont été acquis, déclenchant le délai de prescription, est celle de la taxation ou de la certification, et non celle de la remise de la prestation par le prestataire. Comme le précise la Cour, « faute de système d’information fiable permettant d’identifier les paiements des années passées, il ne peut être exclu qu’une partie des charges à payer corresponde en réalité à des doubles facturations, source potentielle de doubles paiements.

Cette difficulté est identifiée par la cour d’appel de Paris, qui qualifie le risque de double paiement de « non négligeable ». De même, à la cour d’appel de Bordeaux, près de 11 % du montant total des mémoires d’un laboratoire privé d’analyses génétiques, transmis pour paiement entre janvier 2013 et janvier 2014, se rapportaient à des prestations remises en 2002 et 2003 : rien ne permettait d’établir que ces prestations, quoique très anciennes, n’eussent pas déjà été payées. »

La Cour des comptes propose donc, notamment, de réexaminer la catégorie des frais de justice pour en exclure les dépenses qui se rapportent au fonctionnement courant des juridictions ou à l’exécution des jugements ; d’envisager l’application du droit commun de la comptabilité publique au paiement des dépenses tarifées et certifiées dans un délai raisonnable et de rétablir un délai de forclusion pour le dépôt des mémoires par les prestataires de services ; d’améliorer la connaissance des composantes de la dépense de frais de justice, la budgétisation des frais de justice dans le sens d’une plus grande sincérité, et de tendre vers une comptabilisation effective des engagements des dépenses de frais de justice, afin de garantir le respect de leur caractère limitatif, conformément aux dispositions des articles 8 et 30 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Face à un tel enjeu, le PAP 2015 se contente d’indiquer, pour justifier la baisse des dotations de frais de justice de 2014 sur 2015, que la programmation tient compte des efforts de rationalisation et de maîtrise de la dépense des frais de justice pénale à réaliser dès 2015, à savoir le développement, au sein de la direction des services judiciaires, d’une assistance aux prescripteurs dans les domaines à fort enjeu (traduction et interprétariat, analyses génétiques, expertises financières, informatiques etc..) afin de réaliser des gains achats, l’extension des domaines de mise en concurrence sur des secteurs à forts enjeux (notamment gestion des scellés) et la rationalisation des frais de fourrière.

Le PAP ajoute que la poursuite de ces axes de progrès doit se traduire par des économies dans la gestion des scellés, par la réduction des frais de traduction et d’interprétariat et par une meilleure maîtrise des frais d’analyses médicales et génétiques.

On ne peut qu’être perplexe devant le peu de justification de dotations en baisse pour des besoins de financement en fait toujours croissants.

La réponse reçue par le Rapporteur spécial ne cache pas le caractère critique de l’exécution 2014 s’agissant des frais de justice : « La prévision d’exécution au 31 décembre 2014 des crédits de frais de Justice du programme 166 s’établit à 570,1 millions d’euros, la dotation en LFI étant de 455,5 millions d’euros et la réserve de précaution étant fixée à 32 millions d’euros.

Cette prévision a été déterminée en ajoutant la totalité des charges à payer 2013 (mandatés à 70 % au 29 juillet) à la prévision de consommation du BOP central, en tenant compte du rythme de consommation des crédits constaté au cours du premier semestre.

Il en ressort un besoin complémentaire de crédits de 147 millions d’euros. »

Au titre du budget pluriannuel 2015-2017, le plafond de dépenses hors-titre 2 du programme 166 prévoit 449,8 millions d’euros en 2015, 437,1 en 2016 et 426,4 en 2017 au titre des frais de justice. Comment une baisse de la dotation budgétaire est-elle possible à moyen terme alors que les frais de justice sont déjà manifestement sous dotés ?

La trajectoire prévue tient compte de la systématisation du recours à la plateforme d’interception judiciaire, générant une économie, d’ores et déjà déduite des ressources du programme, à hauteur de 7,5 millions d’euros en 2015, 30 en 2016 et 40 en 2017. Elle intègre également l’effort d’économie attendu au titre de la réforme de la médecine légale, à raison de 17 millions par an dès 2015. Ce projet de réforme a été élaboré conjointement par la direction des affaires criminelles et des grâces et la direction des services judiciaires, à la suite d’un rapport inter inspections constatant le coût unitaire dans certains cas particulièrement élevé des prestations fournies par les instituts médicaux légaux et les unités mixtes judiciaires (UMJ). Il vise à modifier le mécanisme de tarification et les modalités d’organisation du service dans les territoires ne justifiant pas, eu égard à l’activité pénale, la présence d’UMJ.

La direction des services judiciaires s’engage dans la mise en œuvre d’un plan d’actions en faveur de la maîtrise des frais de Justice, articulé autour de plusieurs axes :

– un axe relatif à la mobilisation de l’ensemble des acteurs en matière des frais de justice (magistrats, OPJ prescripteurs et services gestionnaires) par le renforcement de la formation des acteurs, de l’animation du réseau, la diffusion des bonnes pratiques et la mise à disposition d’outils ;

– un axe relatif à l’achat public en matière de frais de justice sur les segments à enjeu ;

– un axe relatif au renforcement du pilotage et du suivi budgétaro-comptable des frais de justice (avec le déploiement du portail Chorus pro).

3. Les crédits de fonctionnement courant : la dotation 2015 est insuffisante

La dotation prévue en LFI 2014 pour les crédits relatifs au fonctionnement courant des services judiciaires (y compris École Nationale de la Magistrature) s’élevait à 360 millions d’euros d’autorisations d’engagement et à 327,2 millions de crédits de paiement.

La dotation prévue en PLF 2015 pour les mêmes crédits s’élève à 352,7 millions d’autorisations d’engagement et à 329,2 millions de crédits de paiement.

Cette prévision doit être mise en comparaison avec la consommation d’autorisations d’engagement (335,3 millions d’euros) et celle de crédits de paiement (340,7 millions d’euros) constatée en 2012 comme avec celle de 2013.

La dotation totale du programme Justice judiciaire en fonctionnement courant, par la loi de finances initiale pour 2013, s’élevait à 325 millions d’euros en autorisations d’engagement et 325,1 millions d’euros en crédits de paiement (y compris l’École nationale de la magistrature et les crédits de titre 6). L’exécution des dépenses de fonctionnement courant a atteint 343,2 millions d’euros, supérieure de plus de 18 millions d’euros aux dotations de la LFI.

Les dotations prévues sont chroniquement inférieures aux besoins, de surcroît les restes à payer de dépenses de fonctionnement courant augmentent. Les restes à payer à fin 2013 sont estimés par le RAP à 125,9 millions d’euros dont 24,7 au titre des charges à payer constatées en 2013, à comparer à 120,6 millions d’euros de restes à payer fin 2012 (dont 25,7 constitués dans l’année) et 104,9 millions d’euros fin 2011 (dont 16,5 constitués dans l’année). La situation des moyens de fonctionnement courant est donc dégradée et la dotation prévue en 2014 et en 2015 paraissent nettement inférieures aux besoins.

Le PAP indique au chapitre de la justification au premier euro : « La dotation allouée au titre du fonctionnement courant (dépenses de l’occupant et hors immobilier), augmente de 1,5 % par rapport à 2014. Compte tenu de l’augmentation tendancielle des dépenses, notamment de loyers et de maintenance, cette dotation implique néanmoins que les services judiciaires réalisent d’importants efforts d’économies de fonctionnement. »

Il est à noter que le fonctionnement courant hors immobilier représente moins de la moitié des besoins, 144,3 millions d’euros de crédits en 2015 et les dépenses immobilières de l’occupant la majeure part, 160,3 millions d’euros en 2015. La sous-budgétisation est d’autant moins admissible que ce dernier poste de dépenses (fluides, loyers, nettoyage, gardiennage, entretien courant…) retrace des coûts prévisibles et incompressibles.

Compte tenu des besoins exprimés par les responsables de BOP, la dépense de fonctionnement courant susceptible d’être effectuée en 2014 par le programme 166 (hors Immobilier - dépenses du propriétaire) s’élèverait à 371 millions d’euros à comparer à 281 de crédits disponibles. À défaut de levée de la réserve de précaution, le besoin complémentaire serait de 62 millions d’euros.

4. La diminution des crédits d’investissement

Les dotations d’investissement des services judiciaires sont en forte baisse de 2014 à 2015 aussi bien pour les AE qui passent de 203,8 millions d’euros en 2014 à 65 en 2015 que pour les CP qui diminuent de 164,9 millions en 2014 à 158,6 en 2015.

Le PAP précise que 94,9 millions d’euros de CP relèvent des opérations conduites par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ), que 65 millions d’euros d’AE et 63 millions d’euros de CP sont prévus pour le financement des opérations hors carte judiciaire conduites en mode déconcentré et que 0,6 million d’euros en CP uniquement sont affectés au paiement de la part « investissement » du contrat de partenariat public-privé pour le palais de justice de Caen.

B. LES PERFORMANCES DES SERVICES JUDICIAIRES

Le dispositif de mesure de la performance a été revu en PLF 2015 sur l’ensemble de la mission.

S’agissant des services judiciaires, le PAP annonce que la direction de la justice judiciaire a resserré son dispositif de mesure de la performance autour de trois grands objectifs : améliorer la qualité et l’efficacité de la justice ; rendre plus efficaces la réponse pénale, l’exécution et l’aménagement des peines ; moderniser la gestion de la justice.

Parallèlement plusieurs indicateurs ont été supprimés ou fusionnés. Le PAP indique que les données 2012, 2013 et 2014 ont été recalculées en conséquence de ces évolutions.

1. Des délais de traitement des procédures civiles et pénales variables

L’ancien indicateur 1.1 « Délai moyen de traitement des procédures [civiles] » évolue dans le PAP 2015. Le nouvel indicateur 1.1 ne prend plus en compte les procédures courtes, que sont les référés et les procédures d’urgence.

L’ancien indicateur 1.2 « Pourcentage des juridictions dépassant d’un mois et plus le délai moyen de traitement (cible) des procédures [civiles] » est également modifié. L’évolution apportée vise à mieux appréhender le retard dans le traitement des procédures, le délai d’un mois n’étant pas représentatif pour l’ensemble des juridictions. Ainsi, dans le PAP 2015, l’indicateur 1.2 devient « Pourcentage des juridictions dépassant de 15 % le délai moyen de traitement (cible) des procédures civiles ».

Il est à noter que l’indicateur de délai moyen de traitement des procédures pénales (1.3) est renseigné de façon tellement lacunaire qu’il est inexploitable.

Les délais de traitement des procédures civiles, hors procédures courtes, augmentent, à la Cour de cassation, et devraient atteindre 15,3 mois en 2014 au lieu de 15,1 mois en 2012.

Ces délais de traitement sont globalement stables pour les cours d’appel (12,6 mois en 2012 et 2013), pour les tribunaux de grande instance (TGI) (10,5 mois en 2012 et 2013). Toutefois, le PAP considère que le niveau de traitement dans les cours d’appel ne semble pas pouvoir être augmenté rapidement de manière significative et le niveau des affaires nouvelles reste élevé sous des effets « crise économique » encore réels. Pour les TGI, les commentaires du PAP ne sont pas non plus rassurants. Globalement le délai moyen de traitement, référés y compris, des TGI est stable sur les dix dernières années, autour de 7 mois. Il en va différemment si l’on regarde le délai hors procédures courtes qui augmente de façon constante et significative depuis 2008 (début de la crise économique), passant de 9 mois à 10,5 mois fin 2013. Les contentieux les plus lourds constituant le cœur d’activité de ces tribunaux, sont de plus en plus difficiles à traiter de façon satisfaisante. Les TGI n’arrivent plus à couvrir leurs affaires nouvelles, et chaque année ce sont entre 10 000 et 20 000 affaires qui viennent gonfler des stocks déjà importants. En 2013, le niveau de traitement a atteint son plus bas niveau des cinq dernières années avec 923 000 affaires terminées, soit une baisse d’environ 10 000 affaires, et l’âge moyen du stock même s’il se stabilise à 14,1 mois en 2013 reste trop élevé.

Les délais de traitement augmentent dans les conseils de prud’hommes (13,1 mois en 2012 et 13,7 mois en 2013).

Enfin ces délais diminuent dans les tribunaux d’instance (6,6 mois en 2012 et 6,4 mois en 2013, une prévision de 5,8 mois en 2014). Le PAP, pourtant considère qu’il semble prudent d’envisager une trajectoire qui traduise une amélioration progressive mais plutôt lente.

Comme l’indique le PAP, ces données sont à interpréter avec prudence. L’évolution de la durée moyenne des affaires terminées doit s’interpréter en parallèle avec l’évolution du stock (en âge et en volume). Une durée moyenne en baisse alors que le stock augmente pourrait signifier que la juridiction s’attache à évacuer les affaires simples au détriment des affaires complexes. Inversement, une hausse de la durée (pendant un an ou deux) alors que le stock diminue peut signifier que la juridiction assainit la situation en terminant des affaires anciennes.

Ces délais varient selon les juridictions et l’écart s’est réduit, sauf pour les cours d’appel. C’est ainsi que le pourcentage des juridictions dépassant de 15 % le délai moyen de traitement des juridictions civiles est passé de 15 % en 2012 à 18 % en 2013 (prévision de 18 % en 2014) pour les cours d’appel, de 20 % en 2012 à 18 % en 2013 (prévision de 18 % en 2014) pour les TGI, de 28 % en 2012 à 22 % en 2013 (prévision de 20 % en 2014) pour les tribunaux d’instance.

Les nouveaux indicateurs 1.4 et 1.5 « Nombre d’affaires civiles traitées par magistrat du siège », « Nombre d’affaires pénales traitées par magistrat du siège et du parquet », n’intègrent plus les affaires traitées par les conseillers rapporteurs. Les anciens indicateurs 2.3 « Nombre d’affaires pénales traitées par magistrat du siège ou par conseiller rapporteur » et 2.4 « Nombre d’affaires [pénales] poursuivables traitées par magistrat du parquet » sont fusionnés. Pour le PAP 2015, le périmètre de l’ancien indicateur 1.6 est élargi aux affaires pénales, « Nombre d’affaires civiles et pénales traitées par fonctionnaire ».

Le nombre d’affaires civiles moyennes traitées par magistrat du siège augmente, à la Cour de cassation, dans les cours d’appel et dans les TGI. Cet indicateur n’est pas disponible pour les tribunaux d’instance.

Le nombre d’affaires pénales moyennes traitées par magistrat du siège et du parquet augmente dans les cours d’appel (magistrats du siège) et les TGI.

L’indicateur 1.6 de nombre d’affaires traitées par fonctionnaire n’est renseigné que pour la Cour de cassation (civil), les cours d’appel (civil), et les TGI (civil), les données des tribunaux d’instance n’étant pas disponibles. Le nombre d’affaires traitées augmente.

2. Améliorer l’exécution des peines et diversifier la réponse pénale

a. Une mesure de la performance perfectible

Le Rapporteur spécial considère qu’il est nécessaire d’améliorer l’exécution des peines et de diminuer le stock de peines non exécutées, dites « en cours d’exécution ». En même temps, il convient de diversifier la réponse pénale et de développer raisonnablement les alternatives aux poursuites.

Quatre indicateurs de performance ont été retenus pour apprécier le degré de réalisation de l’objectif tendant à rendre plus efficace la réponse pénale, l’exécution et l’aménagement des peines. Or, pour deux d’entre eux, et c’était déjà le cas dans le PAP 2014 et dans le RAP 2013, le taux de mise à exécution des peines et le délai moyen d’exécution des peines ne sont pas renseignés. Comme l’an dernier, le PAP indique qu’une réflexion va être menée pour proposer des indicateurs reposant sur des modes de calcul différents. La réflexion perdure, donc.

Le taux de réponse pénale, qui constitue l’un des indicateurs les plus représentatifs de la mission, disparaît, sans explication.

Le taux d’alternatives aux poursuites, permet de mesurer la part des affaires faisant l’objet d’une mesure alternative réussie ou d’une composition pénale dans l’ensemble des affaires poursuivables.

Le taux varie depuis quelques années entre 43 % et 45 %, et marque un léger tassement de la politique de diversification de la réponse : même si le taux est très légèrement supérieur, il progresse beaucoup moins vite. On peut y voir notamment le souci des parquets de ne plus prendre en considération le coût des procédures pour des affaires dont la gravité des faits est faible, et donc à classer sans suite certaines d’entre elles pour inopportunité des poursuites.

b. L’essor de la composition pénale et des mesures alternatives aux poursuites

En 2013, 4,9 millions de plaintes et procès-verbaux sont parvenus aux parquets. Le nombre d’affaires reçues diminue nettement depuis 2011, il est globalement à la baisse depuis le début des années 2000. Déduction faite des procédures qui constituent les affaires non poursuivables, 1 303 469 affaires ont été susceptibles de recevoir une réponse pénale, soit 30 % des affaires traitées par les parquets au cours de l’année. En 2013, une réponse pénale a été donnée à 89,6 % de ces affaires dites poursuivables. Cette réponse pénale a pris trois formes : la poursuite devant une juridiction de jugement ou d’instruction (46,1 %), la composition pénale (5,7 %) ou la mise en œuvre d’une procédure alternative aux poursuites (37,8 %).

Le nombre total d’affaires poursuivies par les parquets en 2013 s’établit à 600 652 ce qui constitue 46 % des affaires poursuivables et près de la moitié de la réponse pénale. Avec le développement des procédures rapides et sans audience, et notamment de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) les modes de poursuites devant le tribunal correctionnel ont beaucoup changé depuis le début des années 2000. La part des citations directes est passée de près de 30 % à moins de 10 % et les CRPC représentent en 2013 plus de 13 % des modes de poursuites.

600 652 affaires poursuivies ont donné lieu à une procédure alternative réussie. Cette forme de réponse judiciaire a concerné près de 37,8 % des affaires poursuivables. Le classement sans suite (CSS) pour inopportunité des poursuites a concerné 130 000 auteurs et après mesures alternatives 561 000 auteurs.

Les 75 732 compositions pénales réussies constituent le troisième volet de la réponse pénale. Cette procédure s’est appliquée à 5,5 % des affaires poursuivables en 2012 et représente 6 % de la réponse pénale.

c. L’exécution des décisions en matière pénale

Le stock total pour la France entière de peines fermes en attente d’exécution des tribunaux de grande instance et cours d’appels augmente : il s’élevait fin décembre 2010 à 92 800 peines, à 99 200 peines fin 2011 et 99 600 peines en fin d’année 2012. Il est regrettable que les données 2013 n’aient pas été transmises.

Certes, ce stock de peines fermes en attente d’exécution n’est pas un volume inerte de peines « jamais exécutées » mais résulte du solde des flux des décisions et des exécutions des peines. Ainsi, sur l’année 2012, l’ensemble des juridictions a prononcé 129 300 peines exécutoires d’emprisonnement ferme et en a exécuté 128 900. Il n’a pas été communiqué d’éléments sur la situation en 2013.

Le délai d’inscription d’une condamnation au casier judiciaire résulte de l’addition de deux délais distincts : le délai de transmission de la décision au casier judiciaire (qui dépend des juridictions) et le délai de saisie par le casier judiciaire national.

Le délai moyen de transmission au casier judiciaire a augmenté en 2013 (5 mois) par rapport à 2012 (4,6 mois) mais il varie significativement selon les catégories de juridictions et d’une juridiction à l’autre. Le délai moyen de saisie par le casier judiciaire national a augmenté en 2013 en passant de 0,7 à 1,5 mois.

Le délai moyen d’inscription des condamnations au casier judiciaire s’est dégradé en 2013 mais semble à nouveau se réduire depuis le début de l’année 2014.

Le recouvrement effectif des amendes pénales est en décalage avec les amendes prononcées pour plusieurs raisons. Le casier judiciaire national indique que, chaque année, les juridictions pénales prononcent au total environ 200 millions d’euros d’amendes pénales pour crimes, délits et contraventions de la cinquième classe. Le recouvrement de ces amendes incombe au Trésor public qui prend chaque année en charge près d’un million d’extraits pour un montant total d’environ 400 millions d’euros et provenant de ces juridictions.

Le montant des amendes prononcées par les tribunaux de police et les juridictions de proximité contre des contraventions des quatre premières classes, non inscrites au casier judiciaire national (jugements ou ordonnances pénales), peut être évalué à environ 60 millions d’euros.

Enfin, les révocations de sursis pour les personnes ayant été condamnées de nouveau, ainsi que certains montants de dommages et intérêts pris en charge pour l’État ou d’autres bénéficiaires (RATP, SNCF...) ne peuvent être évalués.

Le taux de recouvrement rapporte les montants recouvrés aux montants « recouvrables », c’est-à-dire devant juridiquement être recouvrés. Les montants recouvrables correspondent aux montants pris en charge diminués des montants annulés suite à une décision de justice (amnistie, grâce, décès, erreur matérielle…) ou à l’abattement de 20 % mis en œuvre par le décret du 2 septembre 2005.

Il n’a pas été transmis d’éléments sur les taux de recouvrement en 2013.

Les délais moyens de transmission des relevés de condamnation aux services du Trésor chargés du recouvrement ont diminué de 2005 à 2012 et sont stables en 2013 (3,3 mois).

*

* *

III. L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Les missions du service public pénitentiaire sont fixées à l’article 2 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : « Le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions pénales. Il contribue à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues ».

Les objectifs de l’action de l’administration pénitentiaire ont été fixés pour 2015, dans la perspective de la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’utilité des sanctions pénales. Ils portent sur les axes stratégiques suivants : favoriser la réinsertion, améliorer les conditions de détention et les conditions de travail des personnels pénitentiaires, renforcer la sécurité. Ces objectifs sont identiques à ceux de l’an dernier.

A. UN BUDGET EN PROGRESSION

Les crédits de paiement du programme 107 Administration pénitentiaire inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015 s’élèvent à 3 396,6 millions d’euros (+ 5,2 % par rapport à 2014), ce qui représente une augmentation sensible des moyens.

Les autorisations d’engagement, sont en forte hausse, à 4 725,1 millions d’euros contre 2 842,4 millions d’euros en 2014 (+ 66,2 %).

CRÉDITS DU PROGRAMME ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé de l’action/sous action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

Évolution
2015/2014

(%)

LFI 2014

PLF 2015

Évolution
2015/2014

(%)

01 – Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice

1 760,5

2 116,4

+ 20,2

1 951,2

2 060,9

+ 5,6

02 – Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice

819,7

2 335,6

+ 184,9

1 023,1

1 068,5

+ 4,4

04 – Soutien et formation

262,2

273,2

+ 4,2

255,2

267,2

+ 4,7

Total

2 842,4

4 725,1

+ 66,2

3 229,5

3 396,6

+ 5,2

Source : projet annuel de performances.

L’évolution globale des crédits retrace deux priorités annoncées par le Gouvernement : développer les aménagements de peine et l’insertion pour prévenir la récidive (recrutement de 300 agents pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) en 2015 en complément des 400 recrutés en 2014) ; maintenir un programme immobilier pénitentiaire ambitieux de construction et de réhabilitation qui réponde aux situations de vétusté, en donnant plus de moyens aux services d’insertion et de probation.

1. Des recrutements en hausse depuis 2014 et des mesures catégorielles

Les dépenses globales de personnel de titre 2 sont prévues à 2 117,4 millions d’euros (+ 5 %) et représenteront 62,3 % des crédits du programme.

Le plafond d’autorisation des emplois (PAE) 2015 du programme 107 est de 36 758 ETPT au lieu de 35 812 en LFI 2014, l’augmentation nette est de 734 ETPT compte tenu de 212 transferts entrants. Ce plafond d’ETPT intègre des recrutements exceptionnels de 200 surveillants et 100 agents au sein des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) en 2014 non prévus dans la loi de finances initiale, ainsi que le recrutement de 100 surveillants en 2015 au titre du comblement des vacances de postes. Il est déterminé à partir du PAE 2014 (35 812 ETPT) majoré de 601 ETPT au titre de l’extension en année pleine de 2014 sur 2015 des personnels recrutés l’an dernier, de 133 ETPT au titre des créations d’emplois en 2015 et de 212 ETPT au titre des mesures de transfert pour 2015.

Il est à noter que, pour l’administration pénitentiaire, l’écart entre le plafond d’emplois et les effectifs réels a pu être au moins partiellement résorbé, ce qui n’a pas été le cas dans les services judiciaires et la protection judiciaire de la jeunesse. La prévision de consommation d’emploi s’élève au 1er août 2014 à 35 323 ETPT pour un plafond fixé à 35 812 ETPT. La prévision de consommation des ETPT 2014 ne sature pas complètement le plafond d’emploi alloué. C’est la raison pour laquelle il a été procédé au recrutement exceptionnel d’agents déjà évoqué.

Les dotations de masse salariale hors compte d’affectation spéciale (CAS) des pensions de 2014 ont donc été rebasées, mais seulement de 3,9 millions d’euros. Les recrutements de 2014 sont estimés représenter un coût de 18 millions en extension en année pleine 2015, et ceux de 2015 2,8 millions d’euros. Il est à noter l’ouverture de crédits dédiés au financement de mesures catégorielles principalement pour les personnels de surveillance, pour 13,2 millions d’euros.

Sur les quelque 65 millions d’euros d’augmentation de la masse salariale hors contributions au CAS Pensions, 12 s’expliquent par les mesures générales et le GVT solde, 13,2 par les mesures catégorielles et 20,7 par le schéma d’emplois.

20,3 millions d’euros sont prévus au titre du « Rebasage de dépenses au profil atypique – hors GIPA », et relèvent d’autres mesures en faveur des personnels : l’indemnisation au cours de l’année 2015 des jours de congé non pris déposés sur les comptes épargne temps (CET) estimée à 1,3 million d’euros, les primes de restructuration (3,2 million d’euros), l’indemnisation des assesseurs siégeant en commission de discipline (1 million d’euros), l’indemnisation de la réserve pénitentiaire (0,9 million d’euros), les heures supplémentaires effectuées par les personnels de surveillance (pour un surcoût de 10,5 millions d’euros), l’augmentation des majorations de traitement et des indemnités versées aux personnes exerçant leurs fonctions en outre-mer (1,9 million d’euros) et les primes d’installation, primes spécifiques d’installation, indemnités des dimanches et des jours fériés et des astreintes (1,5 million d’euros).

2. L’augmentation des moyens de fonctionnement et des investissements

Les moyens hors titre 2 de l’administration pénitentiaire sont globalement prévus à 1 279,1 millions d’euros de crédits de paiement (+ 5,4 %). La progression est forte aussi bien pour les moyens de fonctionnement du titre 3 qui augmentent pour atteindre 794,7 millions d’euros(+ 4,4 %) que pour les dépenses d’investissement (373,5 millions d’euros, + 5,6 %) et les dépenses d’intervention (110,9 millions d’euros, + 11,5 %).

a. Les moyens de fonctionnement : l’impact des renouvellements de marchés

Les autorisations d’engagement sont également en très forte augmentation, de 66,2 % sur l’ensemble du programme, de 268 % sur les moyens de fonctionnement et de 160 % sur les dépenses d’intervention. L’augmentation atypique des AE sur les moyens de fonctionnement s’explique principalement par le fait que 10 lots de marchés de gestion déléguée d’établissements pénitentiaires sur 24 arrivent à échéance fin 2015 et début 2016, et que des AE doivent être ouvertes pour permettre leur renouvellement et le lancement des consultations : 472,3 millions d’euros d’AE pour les marchés à gestion déléguée MGD 01 et MGD 03 (Roanne, Mont de Marsan, Lyon – Corbas, Saint Denis de La Réunion, Nancy – Maxéville, Béziers, Le Mans les Croisettes, Bourg en Bresse, Poitiers – Vivonne, Le Havre, Rennes, Le Port) ; 931,6 millions d’euros d’AE pour le renouvellement des marchés de gestion déléguée « Chalandon 2 » et la troisième génération de marché de gestion déléguée MGD 04 ; 94,3 millions d’euros d’AE pour l’externalisation de la maintenance et de la restauration de Fleury-Mérogis MGD 05.

Les crédits de paiement des moyens de fonctionnement (794,7 millions d’euros) sont dédiés notamment à l’exécution des marchés de gestion déléguée (339,2 millions), à l’accueil et à l’entretien des détenus des établissements en gestion publique (142,1 millions), aux loyers des établissements construits et gérés en partenariat public privé (PPP) pour 105,3 millions d’euros, à la santé des détenus (33,5 millions d’euros), à la prévention de la récidive (38,4 millions d’euros) aux aménagements de peines (27,3 millions d’euros), à la sécurisation des sites (25,6 millions d’euros).

b. L’augmentation annoncée des investissements : quelle crédibilité ?

Les investissements sont prévus en hausse surtout pour les autorisations d’engagement (431,9 millions d’euros au lieu de 165,9) mais également pour les crédits de paiement (373,5 millions d’euros au lieu de 353,5).

Le budget immobilier pénitentiaire se décompose en 3 grandes parties : les opérations menées par les services déconcentrés (directions interrégionales des services pénitentiaires) ; Les opérations menées par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ), il s’agit des grands programmes de construction visant à réduire le taux de sur-occupation des établissements actuels et à fermer les plus vétustes ; les opérations pilotées par l’administration centrale.

L’augmentation des dotations est essentiellement due aux opérations menées par l’APIJ. Elles sont dotées en PLF 2015 de 272,6 millions d’euros d’AE et de 210,2 millions d’euros de CP (0,7 million d’AE et 208,6 de CP en LFI 2014).

Les CP sont prévus pour l’achèvement du programme de construction « 13 200 » et la poursuite du programme de construction du budget triennal 2013-2015 ainsi que des grandes réhabilitations en métropole et en outre-mer. Les AE sont programmées pour lancer de nouvelles opérations immobilières, la construction du centre pénitentiaire de Lutterbach, la construction du centre de semi-liberté de Martinique, la rénovation du centre pénitentiaire de Faa’a, la rénovation de la maison d’arrêt de Basse-Terre, la construction d’un établissement à Koné.

Le Rapporteur spécial ne méconnaît pas l’effort budgétaire qui est présenté, tout en observant que le bond des dotations concerne surtout les autorisations d’engagement ouvertes pour de nouvelles opérations (en fait des renouvellements de marchés), alors que l’immobilier pénitentiaire a servi chroniquement très récemment de variable d’ajustement budgétaire.

C’est ainsi qu’en 2013 la consommation des AE sur le titre 5 des dépenses d’investissement de l’administration pénitentiaire s’est élevée à 190,6 millions d’euros pour 306,4 ouvertes en LFI (– 37,8 %) et celle des CP à 303,7 millions d’euros pour 368,9 millions en LFI (– 17,7 %). La Cour des comptes a pu considérer que « les annulations et les redéploiements de crédits du titre 5 au profit des dépenses de fonctionnement manifestent un renoncement aux projets à moyen et long terme, au profit de préoccupations de gestion plus immédiates. La Cour estime que le ministère de la justice ne peut durablement sacrifier les crédits d’investissement sans compromettre à terme la mise en œuvre de ses missions. »

Comme précédemment indiqué, le budget de l’immobilier pénitentiaire a subi en LFI 2014 une réduction de 51 millions d’euros de crédits de paiement au regard du budget triennal 2013-2015. En gestion 2014, deux annulations de crédits de 25 millions d’eurosen AE et CP sont intervenues de surcroît.

B. LA MESURE DE LA PERFORMANCE DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Comme l’indique la directrice de l’administration pénitentiaire dans sa présentation stratégique, l’administration pénitentiaire est chargée de la mise en œuvre du mandat judiciaire en matière d’exécution des peines. Son efficacité dépend en partie des décisions et des contributions d’autres intervenants. Les politiques en matière d’insertion de l’administration pénitentiaire sont étroitement liées à celles des ministères ou des partenaires extérieurs, en amont ou en aval de son intervention ; l’enseignement en prison est dispensé par des enseignants de l’éducation nationale ; l’organisation et la mise en œuvre de la prise en charge sanitaire des personnes détenues relèvent du service public hospitalier.

Comme pour les services judiciaires, différentes modifications ont été apportées à la maquette du dispositif de performance dans le PAP 2015. Ainsi, un objectif stratégique plus large sur la réinsertion a été défini, ce qui a entraîné la fusion de trois objectifs du PAP 2014. Le nombre d’objectifs est ramené à trois dans le PAP 2015 au lieu de cinq pour le PAP 2014. Le nombre d’indicateurs est passé de 14 à 12 entre ces deux exercices. Les indicateurs suivants ont été supprimés : le taux de formation à la prévention suicide, le taux d’occupation des unités hospitalières, le pourcentage de propositions d’aménagements de peine avec avis favorable du service pénitentiaire d’insertion et de probation, intégré comme sous-indicateur. L’indicateur 1.2 « Mesure de l’activité des services pénitentiaires d’insertion et de probation » a été créé.

Les objectifs de performance retenus sont les suivants : favoriser la réinsertion ; améliorer les conditions de détention des personnes sous main de justice et les conditions de travail des personnels pénitentiaires ; renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires.

1. La surpopulation carcérale augmente

Entre 2004 et 2014, le nombre de places réelles dans les établissements pénitentiaires français a été porté de 48 605 à 57 516, ce qui correspond à une hausse de 8 911 places (+ 18,3 %). Le tableau ci-après fournit le détail de l’évolution capacitaire carcérale française, année par année.

Au 1er janvier 2014, le nombre de personnes détenues était de 67 075, pour une capacité opérationnelle du parc de 57 516 places. Au 1er juillet 2014, le nombre de personnes détenues était de 68 295 pour une capacité opérationnelle du parc de 57 712 places, une densité de 118,3 %.

Un objectif de 63 500 places sous-tend le budget triennal 2013-2015 et il ne sera donc pas atteint. L’objectif est maintenant que la France soit dotée de 63 500 places de prison fin 2019.

Il a été répondu au Rapporteur spécial que « l’élaboration du futur programme immobilier dans le cadre du budget triennal 2015-2017 est en cours de finalisation. Un milliard d’euros d’autorisations d’engagement sont prévues sur la période. »

Face à une augmentation constante du nombre de détenus écroués, les créations de places ont permis de maintenir la surpopulation carcérale dans un ratio qui varie entre 110 % et 120 % selon les années. En 2014, le taux d’occupation s’est élevé à 116,6 % à comparer à 107,4 % en 2011. Sur la période récente, on constate une dégradation des différents ratios. La capacité opérationnelle du parc varie peu depuis 2011.

L’objectif d’amélioration des conditions de détention est directement en rapport avec l’état de la surpopulation carcérale.

L’indicateur de taux d’occupation des places en maison d’arrêt se dégrade. Il était de 124 % en 2011, de 134 % en 2013 et il est prévu à 134 % en 2014 et 135 % en 2015.

L’indicateur de nombre de détenus par cellule, en moyenne générale, s’est dégradé : de 1,3 en 2011 à 1,36 en 2013 en moyenne. Cet indicateur n’est plus renseigné par catégorie d’établissement. Il est à noter que la cible est de 1,3 en 2017 alors que l’administration pénitentiaire doit, en principe, se mettre en situation de répondre à la prévision d’un encellulement individuel réalisé en 2017.

NOMBRE, EFFECTIFS, CAPACITÉS ET TAUX D’OCCUPATION DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES DEPUIS 2003

Au 1er janvier

Écroués non détenus

Écroués détenus

Capacité théorique

Capacité opérationnelle

Taux d’occupation

Nombre d’établissements pénitentiaires

MA

CD

CP

CSL

EPM

MC

Total

2003

 

55 407

48 476

47 987

115,5 %

 

 

 

 

 

 

 

2004

 

59 246

49 256

48 605

121,9 %

 

 

 

 

 

 

 

2005

966

58 231

50 717

50 094

116,2 %

117

24

29

13

0

5

188

2006

1 178

58 344

51 854

51 252

113,8 %

117

24

30

13

0

5

189

2007

2 001

58 402

51 076

50 588

115,4 %

116

24

31

13

0

4

189

2008

2 927

61 076

51 489

50 693

120,5 %

116

24

31

13

4

4

193

2009

3 926

62 252

52 843

51 997

119,7 %

111

23

35

13

6

4

193

2010

5 111

60 978

55 760

54 988

110,9 %

106

24

38

12

6

5

191

2011

6 431

60 544

57 383

56 358

107,4 %

101

25

40

11

6

6

189

2012

8 993

64 787

58 353

57 236

113,2 %

99

25

43

11

6

6

190

2013

10 226

66 572

58 225

56 992

116,8 %

98

25

44

11

6

8

190

2014

10 808

67 075

58 583

57 516

116,6 %

98

25

44

11

6

6

190

Source : statistique mensuelle (PMJ5).

Définitions :

La capacité d’hébergement théorique d’un établissement pénitentiaire a été définie par la somme des cellules et dortoirs utilisés pour héberger des détenus placés en détention normale, des cellules destinées à l’accueil des entrants, des cellules utilisées pour l’accueil des enfants laissés en détention auprès de leur mère incarcérée, des cellules normalement destinées à la semi-liberté, et des cellules des services médico-psychologiques régionaux.

La capacité opérationnelle correspond à la capacité dont dispose effectivement un établissement. Elle s’analyse comme la capacité d’hébergement dont on déduit les places des quartiers des entrants, les places réservées aux services médico-psychologiques régionaux et les places inutilisables en raison de travaux dans les cellules.

La densité carcérale (ou taux d’occupation) est calculée en rapportant le nombre de personnes écrouées hébergées à la capacité opérationnelle.

MA : maison d’arrêt

CD : centre de détention

CP : centre pénitentiaire

CSL : centre de semi-liberté

EPM : établissement pour mineur

MC : maison centrale

2. La sécurité des établissements pénitentiaires se dégrade

S’agissant de la sécurité, le taux d’évasion de détenus sous garde pénitentiaire directe ou en sortie sous escorte s’est dégradé de 2012 (3,8 pour 10 000) à 2013 (4,4 pour 10 000), l’objectif constant étant un taux inférieur à 3 pour 10 000.

Le taux d’agressions contre un personnel ayant entraîné une interruption temporaire de travail, de 20,4 pour 10 000 en 2011 a diminué à 16,7 pour 10 000 en 2012 et il est remonté à 21,5 en 2013. La prévision a été relevée à 17,5 en 2013 et 16,5 en LFI 2014, elle est maintenant de 18,8 pour 2014 et 18,5 pour 2015. L’indicateur est l’un des éléments permettant d’apprécier le climat de l’établissement pénitentiaire.

Il est à noter que les agressions de divers types envers les personnels pénitentiaires augmentent et sont passées de 15 028 en 2009 à 20 072 en 2013. Les agressions entre personnes détenues sont passées de 7 825 en 2010 à 8 861 en 2012 pour diminuer, à 8 560 en 2013 puis au premier semestre 2014.

Diverses mesures sont prises pour améliorer la sécurité des établissements pénitentiaires : filins anti-hélicoptères, brouillage des téléphones portables, vidéosurveillance, tunnels d’inspection à rayons X, mise aux normes des miradors, portiques de détection, détecteurs de présence humaine dans les véhicules…

Toutefois, le phénomène de saisies d’objets interdits en détention dans les établissements pénitentiaires, du moins depuis 2007, date à laquelle un mode de recensement a été instauré, s’est accru. En effet, le nombre de saisies en détention est passé de 13 852 à 49 280 entre 2007 et 2013. Les saisies concernent pour moitié les téléphones et accessoires, ensuite les stupéfiants puis l’argent et les armes. Une étude portant exclusivement sur les phénomènes des projections menée en mai 2012, sur la base des données de l’année précédente, a montré que sur l’ensemble des projections recensées, 40 % concernaient des téléphones portables, 37 % des produits stupéfiants, 20 % de la nourriture et de l’alcool, ainsi que des armes le plus souvent de fabrication artisanale pour le reste.

3. Les aménagements de peines

Le développement des aménagements de peine est une des actions majeures menées par l’administration pénitentiaire pour favoriser la réinsertion des personnes condamnées et prévenir la récidive.

Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ont pour mission principale la prévention de la récidive. Leurs missions s’orientent autour de trois axes : l’aide à la décision judiciaire dans un souci d’individualisation des mesures et des peines par la réalisation d’enquêtes sur les personnes placées sous main de justice (PPSMJ) et l’étude des modalités de déroulement des peines ; l’évaluation, le suivi et le contrôle des personnes ; l’insertion des personnes placées sous main de justice.

Le relèvement à deux ans d’emprisonnement du seuil d’exécution des peines dans le cadre d’un aménagement de peine, qui résulte de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, a eu pour effet d’accélérer le rythme de développement des aménagements de peine.

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, instaure une nouvelle peine, la contrainte pénale et consacre la mise en œuvre d’une procédure d’examen obligatoire de la situation de la personne détenue, en vue du prononcé éventuel par le juge de l’application des peines (JAP) d’une mesure de libération sous contrainte. La contrainte pénale constitue une nouvelle peine de milieu ouvert qui s’ajoute aux autres peines et mesures de milieu ouvert. Le SPIP assurera un rôle central dans l’exécution de cette nouvelle peine applicable au 1er octobre 2014.

La population sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire au titre d’une mesure ou d’une peine restrictive de liberté est passée de 123 492 personnes au 1er janvier 2004 à 174 108 au 1er janvier 2014, soit une augmentation importante de l’effectif (+ 41 %). Le nombre de personnes suivies en milieu ouvert augmente de manière significative jusqu’en 2011 (+ 40 %) pour ensuite stagner autour de 174 000 personnes en moyenne.

À partir du 1er janvier 2008, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs semble avoir produit des effets directement sur le sursis avec mise à l’épreuve, mesure la plus courante en milieu ouvert (72 % des personnes suivies en milieu ouvert au 1er janvier 2014). Dans le même sens, la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a élargi le domaine d’application du suivi socio-judiciaire, qui concerne les infractions violentes aggravées commises dans le contexte familial.

La surveillance électronique fixe permet de contrôler que la personne placée sous ce régime respecte les modalités d’une assignation dans un lieu déterminé (en général son domicile) lui ayant été imposée par l’autorité judiciaire selon des horaires définis. Elle ne permet pas la localisation de la personne en dehors de son lieu d’assignation, contrairement à la surveillance électronique mobile qui permet de localiser le porteur du bracelet 24h/24 et 7j/7 grâce à un dispositif GPS.

Les effectifs des personnes sous écrou placées sous surveillance électronique fixe progressent régulièrement. Le seuil des 5 000 placements simultanés a été atteint pour la première fois en mars 2010, celui des 10 000 en mars 2013. Au 1er juillet 2014, on comptait 11 991 placements sous surveillance électronique fixe, dont 11 210 en aménagement de peine et 553 dans le cadre d’une surveillance électronique de fin de peine (SEFIP). Au total, les personnes sous surveillance électronique fixe représentent 19 % de l’ensemble des condamnés sous écrou.

Le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) est une mesure de sûreté permettant la localisation permanente de la personne placée, et permet ainsi de s’assurer non seulement qu’elle respecte des horaires d’assignation à son domicile, mais également qu’elle ne se rend pas dans certains lieux qui lui sont interdits (zones d’exclusion définies par le magistrat comme par exemple le domicile d’une victime). Au 1er juillet 2014, et depuis le début de l’expérimentation, 211 personnes ont été placées sous surveillance électronique mobile, contre 181 au 1er juillet 2013.

L’indicateur de performance affiche un pourcentage de personnes placées sous écrou et condamnées bénéficiant d’un aménagement de peine (placements sous surveillance électronique, placements extérieurs, semi-liberté) de 20 % en 2012, de 22 % en 2013 avec une prévision de 23 % en 2014.

C. LA SANTÉ EN PRISON : UN EFFORT À POURSUIVRE

L’amélioration des conditions de détention des personnes incarcérées passe par la construction d’établissements pénitentiaires, par le maintien des liens familiaux des personnes détenues et également par l’accès aux soins en milieu hospitalier ou en milieu pénitentiaire via les unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) et les services médicopsychologiques régionaux (SMPR), ainsi qu’en milieu hospitalier.

La loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale vise à assurer aux personnes détenues une qualité et une continuité des soins équivalentes à celles offertes à l’ensemble de la population. Elle prévoit le transfert de l’organisation et la mise en œuvre de la prise en charge sanitaire des personnes détenues au service public hospitalier et l’affiliation des personnes détenues, dès leur incarcération, au régime général de la sécurité sociale.

Depuis 1994, les personnes détenues bénéficient de soins délivrés par des professionnels hospitaliers (médecins, dentistes, psychologues, infirmières, etc.), tant au sein des établissements pénitentiaires que dans les établissements publics de santé lors des consultations d’urgence, des consultations spécialisées ou des hospitalisations le cas échéant.

Des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) ont été créées dans chaque établissement pénitentiaire (hors centres de semi-liberté). La dénomination de ces unités ayant été revue par la circulaire du 30 octobre 2012, on parle désormais d’« unités sanitaires ». Ces unités permettent une prise en charge des personnes détenues par des professionnels de santé hospitaliers, personnels de l’hôpital signataire d’un protocole avec l’établissement pénitentiaire.

Les dépenses de santé des détenus ont fait l’objet d’un rebasage, justifié par la forte croissance de la population carcérale. L’enveloppe a ainsi été portée de 90,6 millions d’euros à 123,3 en LFI 2013, soit une augmentation de 36,1 %. Sur ce montant, les versements à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ont été portés de 80 millions d’euros en 2012 à 88,1 en LFI 2013, mais cette hausse ne permet pas, selon la Cour des comptes, d’apurer les dettes du passé. En effet, la cotisation due à l’ACOSS par l’administration pénitentiaire est évaluée à 91,3 millions d’euros au titre de 2013, ce qui fait passer les restes à payer de 5,5 millions d’euros en 2012 à 10,3 en 2013.

Les dépenses de santé des détenus inscrites au budget des services pénitentiaires sont prévues sous deux catégories : en premier lieu, celles qui sont supportées par les services déconcentrés, consacrées à la santé des personnes détenues en 2015 (hors cotisation ACOSS). Elles correspondent au financement du ticket modérateur et du forfait journalier pour l’ensemble des soins prodigués aux personnes détenues hébergées, même en cas d’hospitalisation selon l’article L.381-30-5 du code de la sécurité sociale. La dotation est de 33,5 millions d’euros en 2015.

Le deuxième agrégat est celui des cotisations sociales à l’ACOSS, pour chaque personne détenue. Toutefois, le versement de ces cotisations ne concerne pas les détenus non hébergés, qui bénéficient d’une mesure de semi-liberté, d’un placement extérieur sans surveillance ou d’un placement sous surveillance électronique, dès lors qu’ils exercent une activité professionnelle et qu’ils sont affiliés à ce titre aux régimes de sécurité sociale. La dotation prévue pour 2015 est de 97,2 millions d’euros.

On peut cependant constater et déplorer que les dépenses de santé des détenus fassent les frais de la régulation budgétaire : 118,6 millions d’euros ont été consommés en 2013 pour 123,2 prévus.

*

* *

IV. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Le programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse retrace les crédits de l’ensemble des questions intéressant la justice des mineurs, tant en ce qui concerne les mineurs délinquants que les mineurs en danger dans le cadre spécifique des dispositions des ordonnances de 1945 et de 1958.

La Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) disposait en mars 2014 de deux réseaux : le secteur public (SP) constitué de 220 établissements et services relevant directement du ministère de la Justice ; le secteur associatif habilité (SAH) constitué de 1 095 établissements et services (dont 255 financés exclusivement par l’État) habilités et contrôlés par le ministère de la Justice.

En 2015, la DPJJ poursuivra son objectif de conforter la concertation entre les institutions intervenant dans le cadre de la justice des mineurs, que ce soit en matière civile ou pénale. À l’issue d’un diagnostic réalisé en 2014, elle a fixé de nouvelles orientations dont les axes clés sont l’individualisation de la prise en charge et sa cohérence avec le parcours de vie de l’adolescent. L’individualisation de la prise en charge suppose d’améliorer la capacité d’adapter la réponse éducative aux évolutions de la situation du jeune et de sa famille. Il s’agit de privilégier la cohérence du parcours éducatif du jeune. Afin d’en garantir l’individualisation et la continuité, le milieu ouvert se voit donc confier un rôle de suivi du jeune. Les services accompagnent le placement ou la détention. Ils assurent le pilotage du parcours d’insertion scolaire, sociale et professionnelle. L’objectif est la prévention de la récidive ou de la réitération et plus largement la réinsertion.

Les crédits du programme 182 sont de nouveau en baisse pour 2015 et l’exécution 2013 s’est traduite pour la PJJ par le plus faible taux de consommation (moins de 97 %) de toute la mission.

A. UN BUDGET (ENCORE) EN BAISSE MALGRÉ (ENCORE) DES CRÉATIONS D’EMPLOIS ANNONCÉES

Les crédits de paiement du programme 182 Protection judiciaire de la jeunesse inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015 s’élèvent à 777,8 millions d’euros (– 0,7 %), ce qui est la somme de l’évolution contrastée des dépenses de personnel de titre 2 en hausse de 1,1 % et des autres dépenses (fonctionnement, investissement et interventions), en baisse de 3,2 %.

Les autorisations d’engagements connaissent quant à elles une légère augmentation (+ 0,1 %), passant de 779,2 millions d’euros en 2014 à 780,3 en 2015.

CRÉDITS DU PROGRAMME PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé de l’action/sous action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

Évolution
2014/2015

(%)

LFI 2014

PLF 2015

Évolution
2014/2015

(%)

01 – Mise en œuvre des décisions judiciaires

650,8

652,3

+ 0,2

655,4

652,8

– 0,4

03 – Soutien

99,4

98,0

– 1,4

98,7

97,6

– 1,2

04 – Formation

29,0

30,0

+ 3,2

29,0

27,4

– 5,7

Total

779,2

780,3

+ 0,1

783,2

777,8

– 0,7

Source : projet annuel de performances.

1. Des dépenses de rémunérations annoncées en hausse

Le plafond d’autorisation d’emplois du programme pour 2015 augmente une nouvelle fois, de 60 ETPT (hors transferts et corrections techniques), le solde des entrées et sorties attendu est de 56 agents. L’augmentation du plafond d’ETPT résulte de l’extension année pleine de 2014 sur 2015 de 32 ETPT et de la création de 28 ETPT (pour 56 emplois) destinés au renforcement des centres éducatifs fermés (CEF) et du milieu ouvert.

La masse salariale hors contributions au compte d’affectation spéciale Pensions n’augmentera que d’un peu plus de 2,7 millions d’euros alors que le socle de masse salariale de 2014 est révisé à la baisse. Le schéma d’emploi explique l’essentiel de la hausse (3,5 millions d’euros). Les mesures catégorielles en représentent une part faible estimée à 500 000 euros pour 2014.

On peut s’interroger sur le caractère réaliste des annonces en matière d’effectifs et de rémunérations. On se souvient que le PAP 2013 avait annoncé qu’« au sein de l’enveloppe de 5 000 emplois prévus d’ici 2017 pour la justice et la sécurité, les emplois du ministère de la justice augmenteront de 480 agents dès 2013. Dans la répartition de ces moyens, un rééquilibrage au profit de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse sera engagé en 2013 », il est à noter que les effectifs budgétaires de la PJJ ont été inférieurs en 2013 (8 183 ETPT) à ceux de 2012 (8 201 ETPT) et donc qu’ils ont en fait diminué.

Le plafond d’emplois passe de 8 183 ETPT réalisés en exécution 2013 à 8 567 ETPT en PLF 2015. Peut-on imaginer que les effectifs de la PJJ augmentent de 4,7 % en deux ans ?

La réponse au questionnaire budgétaire indique avec franchise que « le taux de non consommation de 2013 pour le programme 182, différence entre le plafond annuel d’emplois en équivalents temps pleins travaillés (ETPT) et la consommation annuelle des emplois en ETPT, s’explique essentiellement par une masse salariale sous-dimensionnée par rapport au plafond d’emplois. »

Ainsi, l’augmentation annoncée des effectifs et des dépenses de titre 2 semble largement optique, elle s’inscrit dans le cadre d’un budget contraint.

2. La nette diminution des moyens de fonctionnement, d’investissement et d’intervention

Les crédits hors titre 2 (fonctionnement, investissement et interventions), sont prévus à 317,5 millions d’euros à comparer à 327,8 ouverts en LFI pour 2014 (– 3,2 %).

La présentation des crédits dans le projet annuel de performances, au-delà de la répartition par titres et par actions, retient cinq blocs de dépenses, correspondant aux « briques de budgétisation » du programme. (5)

Les dotations du secteur associatif habilité (SAH) représentent 225,4 millions d’euros en AE et CP sur les 320 d’AE et les 317,5 de CP du programme. Les dotations prévues en LFI 2014 s’élevaient à 234,3 millions d’euros. Cela étant, la charge réelle de l’exercice 2014 pour le SAH est annoncée à 221 millions d’euros.

Ces crédits correspondent aux prestations réalisées par les établissements et services du secteur habilité à la demande des juges des enfants, des juges d’instruction et des magistrats du parquet. Le prix de ces prestations intègre toutes les charges pour chaque type de prise en charge : dépenses de fonctionnement, des frais de siège, de personnel, d’investissement, de provisions et de charges financières.

Les dotations au secteur public en 2015 sont de 94,6 millions d’euros d’AE et de 92,1 millions d’euros de CP.

B. LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS DÉLINQUANTS

Le volume de prise en charge des mineurs par la protection judiciaire de la jeunesse est en diminution depuis dix ans : 159 000 mineurs avaient été pris en charge (à titre civil ou pénal) en 2002 et 137 000 en 2013.

Les effectifs pris en charge par le secteur public sont restés stables (95 000 en 2003 et 2013), quand ceux confiés au secteur associatif ont diminué : ils représentaient 63 000 mineurs en 2003 et 48 000 en 2013.

1. Les délais de prise en charge

Les délais de prise en charge pour des mesures de milieu ouvert en matière pénale diminuent et restent supérieurs à l’objectif de 10 jours retenus pour 2014. Les délais moyens ont été de 13 jours en 2011 et de 11 jours en 2012 et 2013. Il est à noter que l’ordonnance du 2 février 1945 relative aux mineurs délinquants prescrit de ramener à 5 jours la prise en charge de certaines mesures pénales à compter du 1er janvier 2014.

2. Un taux de mesures en attente d’exécution stable depuis quatre ans

Le taux de mesures en attente d’exécution, qui se situe autour de 4 %, est resté stable depuis l’année dernière et, plus largement, sur la période 2008–2013.

Le délai moyen annuel de prise en charge de l’ensemble des mesures pénales atteignait 28 jours en 2002 et 21 jours en 2012. Cette moyenne de 21 jours recouvre des délais très variables, selon la catégorie de mesures : le délai moyen pour un placement, qui doit souvent être réalisé dans des délais particulièrement brefs, était de 5 jours en 2002 et de 2,5 jours en 2012. Par opposition, une peine à exécuter en milieu ouvert, comme un travail d’intérêt général (TIG) ou une réparation, demande au service éducatif une préparation (définition du TIG ou de la réparation à faire réaliser par un mineur particulier, identification de la personne publique ou association où sera exécutée la mesure). Le délai de 55 jours en 2002 a été ramené à 36 jours en 2012.

3. La forte augmentation du nombre de sanctions éducatives

En France, les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables, leur responsabilité pénale étant atténuée en fonction de leur âge. Les sanctions éducatives qui peuvent leur être imposées sont décidées suivant les cas par le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs. Elles doivent rechercher le relèvement éducatif et moral du mineur.

Les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse interviennent dans la mise en œuvre de certaines sanctions éducatives.

3 537 sanctions éducatives ont été suivies par les services du secteur public de la PJJ en 2013 contre 930 en 2007. Elles sont donc en forte progression constante sur l’ensemble de la période. Les stages de formation civique sont les sanctions les plus fréquentes (63 % du total) suivies par les réparations, dont la part s’accroît fortement depuis 2010 (27 % du total des sanctions éducatives contre 15 % en 2007).

La durée des aides et réparations a été ramenée de 6 mois en 2007 à 5 mois en 2013.

Les mineurs sujets de ces sanctions éducatives sont âgés pour près de moitié de 16 à 17 ans, 28 % ont entre 13 et 15 ans, 20 % étant âgés en fin d’année de 18 ans et plus.

*

* *

V. LE PROGRAMME ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE

La politique publique en matière d’accès au droit et à la justice doit permettre à toute personne qui le souhaite d’avoir connaissance de ses droits et de les faire valoir, quelle que soit sa situation sociale et où qu’elle se situe sur le territoire. La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l’aide juridique, modifiée et complétée par la loi du 18 décembre 1998 relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits, constitue le socle de cette politique dont le programme 101 met en œuvre les différentes composantes.

L’aide juridictionnelle totale ou partielle consiste en la prise en charge par l’État de tout ou partie des frais relatifs à un procès (rétribution d’avocat, rétribution d’huissier de justice, frais d’expertise, etc.) ou à une transaction (rétribution de l’avocat). L’exercice 2014 a été marqué par une évolution importante du financement de l’aide juridictionnelle avec la suppression de la contribution pour l’aide juridique (CPAJ) de 35 euros qui pesait sur les justiciables. La loi de finances initiale pour 2014 prévoyait également de supprimer, à compter du 1er janvier 2015, la modulation de la rétribution des avocats et d’aligner l’unité de valeur servant au calcul de la rétribution de l’avocat sur le montant le plus bas de l’échelle de modulation. Le PLF 2015 prévoit de maintenir le régime antérieur de rétribution (suppression de la démodulation). L’exercice 2015 sera marqué par une triple évolution de l’aide juridictionnelle, de son champ, de son coût et de son financement. Deux nouveaux droits à l’assistance par un avocat, d’une part, lors des auditions libres des personnes suspectées d’avoir commis une infraction, et, d’autre part, lors des défèrements devant le procureur de la République des personnes que celui-ci envisage de poursuivre, font l’objet d’ouvertures de crédits. L’article 19 du PLF 2015 prévoit des recettes nouvelles affectées directement au financement de l’aide juridictionnelle pour un montant de 43 millions d’euros.

Les crédits alloués en 2015 à l’aide aux victimes d’infractions pénales continuent de croître de 3 millions d’euros, pour atteindre 16,8 millions d’euros. Cette augmentation traduit un effort particulier sur les bureaux d’aide aux victimes et doit permettre de renforcer la prise en charge des victimes dans trois domaines : l’évaluation individualisée des besoins des victimes en matière de protection, la téléprotection des personnes en grave danger, la justice dite « restaurative ».

En 2015, pour la première année, le programme 101 contribue au financement du fonds d’indemnisation des avoués.

Les crédits de paiement, de montant quasi-équivalent aux autorisations d’engagement, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015 s’élèvent à 363,1 millions d’euros, en baisse de 1,3 % par rapport à 2014.

Le programme retrace presque exclusivement des crédits d’intervention et quelques moyens de fonctionnement.

CRÉDITS DU PROGRAMME ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE (CP)

(en millions d’euros)

 

LFI 2013

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Évolution
2014/2015
(%)

01. Aide juridictionnelle

318,2

317,3

345,4

336,3

– 2,65

02 Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité

5,4

4,9

5,5

5

– 9,07

03. Aide aux victimes

12,9

12,2

13,8

16,8

+ 21,70

04. Médiation familiale et espaces de rencontre

3,3

3,5

3,3

3,3

+ 0,03

05 Indemnisation des avoués

     

1,7

 

Total

339,7

337,9

368,0

363,1

– 1,34

Source : documents budgétaires.

De la LFI pour 2014 au PLF pour 2015, les crédits du programme 101 Accès au droit et à la justice, qui diminuent de 4,9 millions d’euros (– 1,3 %), sont complétés en 2014 par un reliquat de produit de la contribution pour l’aide juridique (CPAJ) estimé à environ 27,7 millions d’euros, et en 2015 par de nouvelles recettes affectées pour un montant de 43 millions d’euros. Ainsi, la ressource totale est de 395,7 millions d’euros (368 + 27,7) en 2014 et de 406 (= 363 + 43) pour 2015. Les crédits budgétaires de l’action 1 Aide juridictionnelle représentent 90,7 % des crédits du programme.

A. LA BAISSE DES CRÉDITS D’AIDE JURIDICTIONNELLE EN 2015

Les dépenses de l’action 1 Aide juridictionnelle retracent quatre catégories distinctes de dépenses : en premier lieu l’aide juridictionnelle stricto sensu, qui sert à rétribuer des avocats (229,3 millions d’euros en 2015) via les caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), et d’autres auxiliaires de justice (25 millions en 2015) ; ensuite les aides servant à rétribuer les avocats intervenant au cours de gardes à vue ou des retenues (50 millions d’euros en 2015), au cours d’auditions libres (16,5 millions d’euros), de défèrement devant le procureur de la République (2,5 millions d’euros ) les aides en matière de médiation et de composition pénales (0,26 million d’euros), les aides en matière d’assistance aux détenus (4,9 millions d’euros) ; en troisième lieu les dotations versées à des barreaux ayant conclu des protocoles d’amélioration de la défense (4,8 millions d’euros) ; et en dernier lieu les subventions versées aux barreaux ayant conclu des conventions relatives à l’organisation matérielle des gardes à vue (3 millions d’euros).

1. La principale dépense, la rétribution des avocats, est-elle financée ?

La principale dépense est constituée par la rétribution des avocats pour leurs missions d’aide juridictionnelle, via les CARPA, avec une ressource totale en 2015 de 272,3 millions d’euros (229,3 de dotation budgétaire et 43 de ressources affectées). L’adéquation de ces moyens aux besoins est plus qu’incertaine.

a. Une adéquation incertaine des moyens aux besoins

En 2013, les versements effectifs aux avocats ont atteint 284,1 millions d’euros dont 230,9 de dépense budgétaire, compte tenu de la ressource du produit de la contribution pour l’aide juridique (CPAJ) affectée aux CARPA qui a atteint 51,1 millions d’euros.

En 2014, l’équilibre de financement prévisionnel de l’aide juridictionnelle a été modifié dans le cours de la discussion budgétaire.

La dotation prévue en PLF 2014 pour la seule rétribution des avocats était de 261,1 millions d’euros : dans l’hypothèse d’une constance des délais de paiement et du volant de trésorerie, le montant des crédits alloués en 2014 était annoncé comme devant permettre la rétribution de 768 000 missions pour un coût prévisionnel moyen de 340 euros TTC à comparer à 788 383 missions pour un coût moyen de 358 euros TTC en 2013.

L’équilibre de financement reposait sur la perspective de réalisation de plus de 30 millions d’euros d’économies sur le fonctionnement de l’aide juridictionnelle.

Ce dispositif d’économies comportait trois volets :

– en premier lieu, la suppression de la contribution pour l’aide juridique (CPAJ), affectée au Conseil national des barreaux, pour le financement partiel de l’aide juridictionnelle, d’un effet neutre au plan budgétaire, la perte de recettes de 60 millions d’euros étant compensée par une majoration équivalente de la dotation budgétaire en 2014 ;

– ensuite la suppression de la modulation de l’unité de valeur de référence du barème de l’aide juridictionnelle qui devrait induire une économie de 11,2 millions d’euros en 2014 et de 15 millions d’euros en année pleine, à partir de 2015 ;

– enfin un volant de mesures tendant à maîtriser le nombre d’admissions à l’aide juridique et à rationaliser les dépenses, pour une vingtaine de millions d’euros. Le Gouvernement avait décidé de prendre plusieurs mesures en ce sens : le renforcement du contrôle sur le traitement des commissions d’office ; l’accroissement de la mise en œuvre du principe de subsidiarité de l’aide juridictionnelle quand les frais de justice peuvent être pris en charge par une assurance de protection juridique ; l’amélioration du filtrage des demandes au regard de leur bien-fondé et de leur recevabilité.

Le report d’un an (préalable à sa suppression cette année) de la démodulation de l’unité de valeur de référence du barème de l’aide juridictionnelle représente un coût budgétaire supplémentaire de 11,2 millions d’euros sur 2014, qui n’a pas été compensé par une ouverture de crédits correspondante à l’automne dernier.

Cela étant, le Gouvernement allègue d’une recette, sinon inopinée, du moins dont il n’avait pas avisé précédemment le Parlement : environ 27,7 millions d’euros de reliquat du produit de la contribution pour l’aide juridique (CPAJ). En effet, les CARPA continuent en 2014 de percevoir des reliquats du produit de la CPAJ. Ce flux a deux origines : les contributions acquittées par les justiciables avant le 1er janvier 2014 et non encore versées aux CARPA ; les contributions acquittées par des justiciables après le 1er janvier 2014 pour que l’audience de leur instance introduite avant le 1er janvier 2014 puisse se tenir en 2014. Ainsi, entre le 1er janvier et le 31 juillet 2014, les CARPA ont reçu 27,3 millions d’euros de produits de la CPAJ. Le produit résiduel pourrait atteindre environ 27,7 millions d’euros sur l’ensemble de l’année.

Les moyens de financement de l’aide juridictionnelle seraient donc de 16,5 millions d’euros supérieurs aux prévisions de la LFI (27,7-11,2). Pour autant, la réalisation effective des 20 millions d’euros d’économies annoncées en 2014 semble peu vraisemblable et le Gouvernement considère qu’elles ne donneront leur pleine mesure qu’en 2015. D’autre part, les prévisions d’effectifs de bénéficiaires de l’aide juridictionnelle en 2014 sont revues à la hausse. Elles s’élevaient à 889 000 dans le PAP 2014 et sont maintenant de 903 000 dans le PAP 2015.

Le Gouvernement indique que la dépense constatée s’élevait, sur l’ensemble de l’action 01, à 207,3 millions d’euros le 31 juillet 2014. Au vu des dépenses constatées depuis le début de l’année, la dépense effective en fin d’année est estimée à environ 373 millions d’euros pour 345,4 de crédits ouverts.

En 2015, la ressource dédiée au seul financement de l’aide juridictionnelle par la rétribution des avocats s’élève à 272,3 millions d’euros (229,3 de dotation budgétaire et 43 de ressources affectées au Conseil national des barreaux). Cette dotation est exactement identique au calibrage de la LFI 2014, compte tenu de 11,2 millions d’euros d’économies non constatées sur la démodulation (272,3 = 261,1+11,2).

En effet, l’article 19 du projet de loi de finances prévoit trois mesures de rendement. La première mesure porte sur la revalorisation de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance de protection juridique, faisant ainsi entrer les assureurs dans la contribution au financement de l’aide juridictionnelle à hauteur de 25 millions d’euros. La deuxième mesure porte sur une revalorisation des droits fixes de procédure auxquels sont soumises les décisions des juridictions répressives. Ceux-ci étaient en effet restés inchangés depuis le 1er janvier 1993. Cette disposition permettra de faire contribuer les justiciables au financement de l’aide juridictionnelle à hauteur de 7 millions d’euros. La dernière mesure consiste en une revalorisation de la taxe forfaitaire prévue sur les actes effectués par les huissiers de justice. Le montant est actuellement fixé à 9,15 euros et n’a pas été actualisé depuis 1998, il sera donc porté 11,16 euros, cette disposition faisant contribuer les justiciables à hauteur de 11 millions d’euros. Cette taxe ne concerne pas tous les actes et elle n’est pas due par les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle.

Un commentaire de ce dispositif est paru dans le tome II du rapport général sur le PLF 2015 (6).

Le calibrage de la ressource correspond au financement de 756 600 missions au coût unitaire de 360 euros TTC, dans l’hypothèse d’une stabilité des délais de paiement et du volant de trésorerie des CARPA en fin d’année. On peut s’interroger sur le caractère réaliste de ce calibrage, qui repose sur un coût unitaire équivalent à celui constaté en 2013, pour un nombre de missions nettement inférieur, alors que les demandes d’admission et d’acceptation augmentent.

b. La progression des demandes d’aide juridictionnelle

Globalement, les demandes d’aide juridictionnelle, qui étaient stables depuis 2007, autour de 1 060 000 par an avec un léger fléchissement en 2011, tendent à augmenter. Le taux d’acceptation est en progression, il représentait 84,6 % des demandes en 2007 et 85,1 % en 2013.

DEMANDES D’AIDE À L’AIDE JURIDICTIONNELLE

(en nombre de dossiers)

 

2007

2009

2010

2011

2012

2013

Demande

1 052 171

1 057 777

1 068 927

1 032 577

1 065 721

1 080 203

Évolution

- 1,6 %

+ 1,8 %

+ 1,1 %

- 3,4 %

+ 3,2 %

+ 1,4 %

Acceptation

890 138

901 630

912 191

882 607

915 563

919 625

Évolution

- 1,2 %

+ 1,3 %

+ 1,2 %

- 3,2 %

+ 3,7 %

+ 0,4 %

Taux d’acceptation

84,6

85,2

85,3

85,5

85,9

85,1

Source : ministère de la Justice.

Les demandes non satisfaites sont ou bien rejetées ou bien classées comme caduques en cas de défaut de production des pièces justificatives. En 2013, 85 679 décisions de rejet et 31 051 décisions de caducité ont été opérées.

Depuis 2010, le plafond des ressources mensuelles pour bénéficier de l’aide juridictionnelle était de 929 euros pour l’aide totale et 1 393 euros pour l’aide juridictionnelle partielle. Les plafonds de ressources progressant chaque année en fonction de l’évolution de la tranche la plus basse du barème de l’impôt sur le revenu, ils n’avaient pas varié depuis 2010.

En 2014, le plafond des ressources mensuelles pour bénéficier de l’aide juridictionnelle est de 936 euros pour l’aide totale et 1 404 euros pour l’aide juridictionnelle partielle. Ces plafonds sont majorés d’une somme équivalente à 18 % du plafond d’aide totale, soit 168 euros en 2014 pour chacune des deux premières personnes à charge, et d’une somme équivalente à 11,37 % du plafond de l’aide totale, soit 106 euros en 2014 pour la troisième personne et les suivantes.

2. Les autres aides juridictionnelles

La dotation destinée à la rétribution des autres auxiliaires de justice et des avocats en Conseil d’État et des traducteurs s’élèvera à 25 millions d’euros en 2015. La disparition presque totale des rémunérations d’avoués (seules les missions effectuées avant le 1er janvier 2012 par cette profession disparue étant prises en charge) a entraîné une baisse de cette dotation.

3. L’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue

Les aides à l’intervention de l’avocat au cours d’une garde à vue, d’une retenue douanière ou d’une retenue d’une personne étrangère pour vérification de son droit de séjour ou de circulation, en matière de médiation et de composition pénales, au cours d’une procédure disciplinaire ou d’une mesure d’isolement concernant un détenu représentent au total 50 millions d’euros en 2015 à comparer à 46,65 en LFI 2014.

Le montant global de ce type de dépenses repose sur l’hypothèse d’une augmentation du nombre d’interventions d’avocats. Le montant des crédits alloués en 2015 doit permettre de rétribuer environ 178 000 interventions au coût prévisionnel moyen de 280 euros TTC à comparer à une prévision de 171 000 interventions au coût moyen de 273 euros en projet de loi de finances pour 2014.

En 2013, les avocats ont reçu 46,9 millions d’euros d’aide au titre de leurs interventions lors d’une garde à vue, soit une progression de 4 % par rapport à 2012. Dans la LFI 2014, 46,65 millions d’euros ont été ouverts à ce titre. Selon les données communiquées par l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA ont versé aux avocats 28,9 millions d’euros entre le 1er janvier et le 31 juillet 2014, soit une progression de 3,7 % par rapport aux sept premiers mois de 2013. La prévision de versements sur l’ensemble de 2014 se situe entre 49 et 50 millions d’euros.

4. L’aide à l’intervention de l’avocat au cours d’auditions libres et de défèrements devant le procureur de la République

Deux nouveaux droits à l’assistance par un avocat, d’une part, lors des auditions libres des personnes suspectées d’avoir commis une infraction, et, d’autre part, lors des défèrements devant le procureur de la République des personnes que celui-ci envisage de poursuivre, font l’objet d’ouvertures de crédits.

La loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, dispose qu’une personne entendue librement bénéficie du droit d’être assistée par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d’office par le bâtonnier de l’ordre des avocats. La loi précise que les frais d’assistance ne sont pas à la charge de la personne entendue si elle remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle. Le montant des crédits alloués en 2015 (16,5 millions d’euros) est réputé permettre de rétribuer environ 157 000 interventions au coût moyen prévisionnel de 105 euros TTC.

Cette même loi dispose que lorsque le procureur de la République a ordonné qu’une personne soit déférée devant lui parce qu’il envisage de la poursuivre, la personne déférée a le droit à l’assistance d’un avocat de son choix ou commis d’office. Le montant des crédits alloués en 2015 (2,5 millions d’euros) est réputé permettre de rétribuer environ 45 000 interventions au coût moyen prévisionnel de 55 euros TTC.

5. Les dotations aux barreaux sur la base de conventions

Deux lignes de crédits sont prévues pour, d’une part les barreaux ayant conclu un protocole d’amélioration de la défense des justiciables (4,8 millions d’euros en 2015) et d’autre part les barreaux ayant conclu une convention pour l’organisation matérielle de la garde à vue ou de la retenue douanière ou de la retenue d’une personne étrangère (3 millions d’euros en 2015).

Les protocoles relatifs à l’organisation de la défense consistent en des conventions passées entre les barreaux et les tribunaux de grande instance (TGI). En 2015, il est prévu de financer 41 protocoles, en nombre stable.

Le second dispositif permet le financement d’un système de subventions dont le versement annuel est conditionné par la conclusion d’une convention bisannuelle entre le barreau et le TGI concernant la mise en place de permanences qui garantissent l’assistance effective par un avocat d’une personne placée en garde à vue ou en retenue douanière, ou d’un étranger retenu pour vérification de son droit de circulation ou de séjour. En 2015, il est prévu de financer 62 conventions.

B. LES QUATRE AUTRES ACTIONS

1. Le développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité

Cette action vise à mettre en œuvre une politique d’accès au droit tournée vers l’ensemble des citoyens, à partir de structures et de dispositifs mis en place dans un cadre partenarial.

Elle s’appuie sur 101 conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) constitués en groupements d’intérêt public (GIP). Ils proposent un accès au droit généraliste assuré par les professionnels du droit (avocats, notaires, huissiers, etc.) qui assurent des consultations juridiques gratuites.

Un réseau judiciaire de proximité constitué de 137 maisons de justice et du droit (MJD) existait en juillet 2014, complété par environ 1 200 lieux d’accès au droit, dont 154 en établissements pénitentiaires. Les MJD assurent une présence judiciaire de proximité et concourent à la prévention de la délinquance, à l’aide aux victimes et à l’accès au droit.

Cette action sera dotée de 5 millions d’euros en 2015.

2. L’aide aux victimes

La politique d’aide aux victimes vise à apporter un soutien matériel et psychologique aux victimes, le plus rapidement possible après les faits, à les accompagner jusqu’au terme du parcours judiciaire en les aidant à organiser plus facilement la défense de leurs intérêts et à accomplir les démarches pour leur indemnisation.

La politique d’aide aux victimes s’appuie sur :

– le réseau des 167 associations locales d’aide aux victimes, réparties sur tout le territoire national, conventionnées et subventionnées. Ces associations permettent par leur proximité une prise en charge pluridisciplinaire rapide des victimes, parfois dans des situations d’urgence. En 2013, elles ont aidé 246 316 victimes d’infractions pénales ;

– des associations et fédérations d’associations d’aide aux victimes ;

– des dispositifs plus spécifiques tels qu’une assistance téléphonique sociale qui offre 7 jours sur 7 un accueil, une écoute, un soutien et une orientation personnalisée.

L’action sera dotée, en 2015, de crédits d’intervention d’un montant de 16,8 millions d’euros, en augmentation de 21,7 %, à comparer à 13,8 millions d’euros en LFI 2014 et 12,9 en LFI 2013.

Le budget total consacré à l’aide aux victimes par le ministère de la Justice a connu une croissance de 235 % en quatorze ans (de 4,1 millions d’euros en 2000 à 13,8 en 2014).

3. La médiation familiale et les espaces de rencontre

Cette action repose sur la volonté de développer une résolution amiable des conflits dans le domaine familial et vise à assurer le maintien des liens entre parents et enfants grâce à l’intervention d’un réseau de 104 associations de médiation familiale, de 73 espaces de rencontre et de 86 structures regroupant la médiation familiale et les espaces de rencontre. Les crédits d’intervention pour 2015, d’un montant de 3,2 millions d’euros comme en projet de loi de finances pour 2014, ont principalement pour vocation d’aider les associations locales sur lesquelles reposent ces dispositifs.

4. L’indemnisation des avoués

L’indemnisation des avoués fait l’objet d’une dotation budgétaire limitée à 1,7 million d’euros, en complément d’une ressource affectée prévue à l’article 56 du projet de loi de finances, l’augmentation du droit de timbre en appel, dont l’examen est rattaché au budget de la Justice, et dont le commentaire figure à la fin du présent rapport.

L’ouverture de crédits prévue par le PLF s’élevant seulement à 1,7 million, elle est très subsidiaire au regard du produit du droit de timbre en appel.

*

* *

VI. LE PROGRAMME DE CONDUITE ET PILOTAGE

Le programme 310 Conduite et pilotage de la politique de la justice regroupe les moyens de l’état-major, des directions législatives, et ceux des services dont les compétences d’intérêt commun pour le ministère doivent être mutualisées. Ses crédits sont retracés en six actions : État-major, Activité normative, Évaluation, contrôle, études et recherche, Gestion de l’administration centrale, Action informatique ministérielle, et Action sociale ministérielle.

Les objectifs et les priorités sont inchangés. Le programme poursuit un double objectif : améliorer la qualité des prestations de soutien, notamment dans les domaines de la gestion des ressources humaines et des projets informatiques, et prendre une part active à la modernisation de l’organisation et du fonctionnement du ministère.

Les deux priorités inchangées reposent sur l’action du secrétariat général qui contribue à mettre en œuvre la politique de remise à niveau du parc immobilier pénitentiaire et judiciaire.

La seconde priorité s’inscrit dans le cadre de la politique de modernisation de l’action publique menée par le Gouvernement : le ministère s’est engagé dans un ambitieux programme de modernisation informatique.

A. LES MOYENS PRÉVUS POUR 2015

Les autorisations d’engagement, d’un montant de 357,4 millions d’euros en 2015, sont prévues en baisse de 11,5 %.

Les crédits de paiement sont proposés en 2015 à 318,7 millions d’euros (+ 2,6 % par rapport à 2014).

CRÉDITS DU PROGRAMME CONDUITE ET PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé de l’action/sous action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2014

PLF 2015

Évolution
2014/2015

(%)

LFI 2014

PLF 2015

Évolution
2014/2015

(%)

01 – État-major

9,7

9,8

+ 1,5

9,7

9,8

+ 1,5

02 – Activité normative

22,8

22,5

– 1,3

22,8

22,5

– 1,3

03 – Évaluation, contrôle, études et recherche

14,8

16

+ 8,2

14,8

16

+ 8,2

04 – Gestion de l’administration centrale

200,7

157,5

– 21,5

106,4

119,8

+ 12,6

09 – Action informatique ministérielle

120,6

115,8

– 4

121,8

114,9

–5,6

07 – Action sociale ministérielle

35,4

35,8

+ 1,2

35,4

35,8

+ 1,2

Total

403,9

357,4

– 11,5

300,8

318,8

+ 2,6

Source : projet annuel de performances.

Les dépenses de personnels de titre 2 représentent 41 % des crédits prévus en 2015, soit 131,4 millions d’euros, elles diminuent de 1,5 %. Dans le cadre de la modernisation et de l’optimisation de l’organisation du ministère de la justice, le schéma d’emploi prévu au PLF 2015 sur le programme Conduite et pilotage de la politique de la justice prévoit la suppression de 33 emplois, ce qui correspond à 20 ETPT.

B. LES PRIORITÉS DE 2015

Comme en 2014, pour 2015, une attention particulière est portée à l’enveloppe dédiée à l’action sociale, qui reste stable à 22,3 millions d’euros en AE et CP, notamment pour la réservation de logements sociaux pour les personnels et l’accompagnement du regroupement de l’administration centrale sur deux sites ministériels uniques (Millénaire et Vendôme).

La politique immobilière et logistique se traduit notamment par l’opération « Chancellerie 2015 » dont le but, à partir de 2015, est de regrouper l’ensemble des services d’administration centrale sur trois sites : Vendôme (Paris 1er arrondissement), le Millénaire (Paris 19ème arrondissement), villa Thoréton (Paris 15ème arrondissement). Le secrétariat général et les directions métiers rejoindront le « Millénaire 3 » (M3), immeuble de 32 000 m² situé 35 quai de la gare (Paris 19ème) à partir de septembre 2015. À terme, ce regroupement doit permettre au ministère de la Justice de réaliser des économies de gestion.

Pour 2015, l’impact de cette opération « Chancellerie 2015 » sera important sur le budget de fonctionnement. En effet, les principales dépenses concernent le déménagement, l’engagement des contrats de maintenance et d’entretien du M3, l’achat de mobilier et les travaux nécessaires de mises aux normes du 13 place Vendôme pour l’installation des directions relocalisées sur ce site. La libération des locaux actuellement occupés ne permet pas d’économies sur le budget 2015 car tous les loyers seront intégralement payés en 2015, ces sites étant libérés fin 2015 ou au cours du premier semestre 2016.

Dans la perspective des mutualisations et rationalisations induites par le regroupement sur ce site unique parisien, le ministère poursuivra en 2015 l’effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement.

Les systèmes d’information et de télécommunication constituent un levier pour améliorer l’efficacité de l’action de la justice, les conditions de travail des agents du ministère et la qualité du service rendu au justiciable.

Les orientations retenues ont vocation à développer la dématérialisation, à améliorer la transversalité entre les différentes directions du ministère, l’urbanisation des systèmes d’information, la méthodologie et le pilotage des projets.

La conduite de ces chantiers informatiques nécessite en particulier la réalisation d’importants investissements pour la sécurisation des infrastructures de réseau et des plateformes techniques de production utilisées par le ministère de la Justice, ainsi que la mise en place d’un outillage technique moderne adapté à une ouverture à l’extérieur et ne négligeant pas les enjeux de sécurité permettant de garantir la crédibilité de l’institution judiciaire (signature électronique, éditique, archivage, télé procédures, plate-forme d’échanges, etc.).

Huit grands projets informatiques structurants font notamment l’objet d’un effort particulier d’investissements :

– 11 millions d’euros pour la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) ;

– 4,3 millions d’euros pour Cassiopée (chaîne applicative supportant le système d’information opérationnel pour le pénal et les enfants), notamment en vue de l’accroissement du périmètre des échanges inter-applicatifs, et de l’extension aux cours d’appel ainsi qu’à Nouméa ;

– 2 millions d’euros pour Genesis (refonte de GIDE - Gestion Informatisée des Détenus en Établissement, avec intégration des règles pénitentiaires européennes) ;

– 3,2 millions d’euros pour la refonte du Casier Judiciaire National (projet Astrea) ;

– 4 millions d’euros pour Harmonie, système d’information en matière de gestion des ressources humaines, notamment en vue de la réalisation du module de préliquidation de la paie afin de permettre la fusion des métiers de gestion administrative et de la paie ainsi que son interconnexion avec le futur SI-PAYE du ministère des finances ;

– 2 millions d’euros pour le SID (système d’information décisionnel) ;

– 1,2 million d’euros pour l’initialisation du projet Portalis, visant à la refonte des chaînes civiles

– 0,8 million d’euros pour la réalisation de l’application Romeo, permettant l’informatisation de la logistique liée à l’extraction judiciaire des personnes placées sous main de justice en milieu fermé.

Par ailleurs, un montant de 6,4 millions d’euros en AE et CP est réservé aux projets de Qualité de Service techniques qui ont vocation à améliorer la fiabilité et la sécurité des infrastructures informatiques du ministère et notamment d’offrir une disponibilité des applications 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ce qui est indispensable notamment pour Genesis, Cassiopée et Astrea.

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice (voir le compte rendu de la commission élargie du 23 octobre 2014 à 15 heures (7)), la commission des Finances examine les crédits de la mission Justice et l’article 56, rattaché (M. Étienne Blanc, rapporteur spécial).

M. Étienne Blanc, rapporteur spécial. Je déplore le hiatus entre les intentions affichées par le Gouvernement en termes de créations de postes et les moyens effectivement mis en regard ; de ce point de vue, la réponse que vient de donner la ministre au cours de la commission élargie ne m’a pas parue satisfaisante. En outre, le plan triennal de créations de places dans les prisons manque de clarté et, en 2014, des opérations d’investissement ont été arrêtées pour abonder des dépenses de fonctionnement. Je propose donc le rejet des crédits de cette mission.

La Commission adopte les crédits de la mission Justice.

Ensuite, la Commission examine l’article 56 rattaché.

Article 56
Augmentation du droit de timbre en appel

Texte du projet de loi :

I. - L’article 1635 bis P du code général des impôts est ainsi modifié :

a) Le montant : « 150 € » est remplacé par le montant : « 225 € » ;

b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce droit est perçu jusqu’au 31 décembre 2026. »

II. - Le II de l’article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 est abrogé.

III. - Le I s’applique aux appels interjetés à compter du 1er janvier 2015.

Observations et décision de la Commission :

L’article 56 a pour objet, d’une part, d’augmenter le droit de timbre dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel, en le portant à 225 euros au lieu de 150 euros pour les appels interjetés à compter du 1er janvier 2015 et, d’autre part, d’en rallonger la durée de perception au 31 décembre 2026 au lieu du 31 décembre 2023, afin de remédier au déséquilibre structurel des recettes du Fonds d’indemnisation de la profession des avoués (FIDA) auquel le produit de ce droit est affecté.

Le Fonds d’indemnisation de la profession des avoués (FIDA) a été créé par la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel pour assurer le financement des indemnités dues aux avoués dont l’office a été supprimé.

Pour garantir le financement et l’équilibre financier de la réforme de la profession d’avoué, l’article 54 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2009 a institué un droit de timbre de 150 euros, dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel. Initialement prévu du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2020, ce droit a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2023 par l’article 91 de la loi de finances pour 2013. Il n’est pas dû par les personnes éligibles à l’aide juridictionnelle.

Le droit de timbre a été codifié à l’article 1635 bis P du code général des impôts.

Compte tenu du décalage entre le versement des indemnisations aux avoués et la perception de la recette liée au droit de timbre, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), chargée de la gestion du FIDA, a mis en place une avance de 142 millions d’euros en 2011, suivie d’une deuxième avance de 140 millions d’euros début 2012, puis d’une troisième de 115 millions d’euros à la fin de l’été 2012, soit un montant cumulé de prêts accordés à hauteur de 397 millions d’euros. Ces trois versements doivent être remboursés par le FIDA selon un échéancier aménagé jusqu’en 2023, pour un montant total de 471,8 millions d’euros, intérêts compris. Le FIDA a déjà procédé à des remboursements à hauteur d’un montant total de 50,8 millions d’euros dont 30,3 en 2013, soit un solde à payer de 421 millions d’euros sur les dix années suivantes.

Le rendement de l’augmentation du droit de timbre proposée est estimé à 10,6 millions d’euros en 2015 et 11,5 en 2016 et 2017.

L’estimation de la recette supplémentaire annuelle générée par un droit de timbre à 225 euros a été faite de la manière suivante à raison d’une prévision de rendement, pour 155 174 affaires, de 23,1 millions d’euros en cas de droit à 150 euros et de 34,6 millions d’euros en cas de droit à 225 euros. L’écart est donc estimé à 11,5 millions d’euros en régime de croisière, alors que, pour 2015, le rendement attendu est diminué d’un douzième, la recette supplémentaire est minorée de l’effet de retard sur les recettes du FIDA, un timbre à 225 euros au 1er janvier ne produisant des recettes supplémentaires pour le fonds qu’à compter de février 2015 compte tenu du délai de versement sur le compte qu’il détient à la Caisse des dépôts et consignations.

L’évaluation préalable de l’article 56 indique que « le PLF pour 2015 prévoit l’introduction d’un financement budgétaire du FIDA à hauteur de 18 millions d’euros en 2015 puis 15 millions d’euros en 2016-2017 complétée par la présente proposition de majoration du droit de timbre pour contribuer à sécuriser sa trajectoire financière. La marge supplémentaire de recettes doit être prise en compte dans l’objectif de 50 millions de recettes supplémentaires. » La dotation effective mentionnée dans le PAP 2015 est cependant de 1,7 million en AE et CP.

Le Rapporteur spécial a obtenu du cabinet de Mme la garde des Sceaux les explications suivantes, qui sont sensiblement différentes des éléments présents dans les documents budgétaires :

« Le financement budgétaire du FIDA mentionné dans l’évaluation préalable, à hauteur de 18 millions d’euros en 2015 puis 15 millions d’euros en 2016-2017, ne tient pas compte de l’augmentation du droit de timbre et de l’allongement de sa durée de perception.

En portant le droit de timbre de 150 euros à 225 euros, l’article 56 permet de générer une recette annuelle de 34,5 à 35 millions d’euros, sur la base d’un nombre d’affaires en appel stabilisé entre 155 000 et 156 000. L’allongement de trois ans de la durée de perception du droit de timbre autorise par ailleurs une renégociation des échéanciers de remboursement des avances consenties par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui a déjà été engagée.

En matière de dépenses, hormis le remboursement des échéances des avances de la CDC, le FIDA ne supportera plus de dépenses d’indemnisation des anciens avouées et de leurs salariés, ces indemnisations ayant été soldées sur l’exercice 2014. Les seules autres dépenses, non évaluables de manière certaine, seront celles résultant des condamnations liées aux contentieux déclenchés par d’anciens avoués, pour lesquels le juge de l’expropriation tranche généralement en défaveur de l’administration. Ces contentieux ont cependant tendance à se tarir. Pour les contentieux connus à ce jour, les condamnations seront payées sur la trésorerie 2014 du FIDA. Par ailleurs, l’administration a systématiquement fait appel de ces décisions (les premières décisions en appel étant attendues en 2015).

Sur la base de ces recettes et de ces dépenses, le retour à l’équilibre du FIDA est possible dès 2015 modulo le versement en 2015 d’une subvention d’équilibre de 1,7 million d’euros prévue pour faire face à un éventuel surcoût lié à des contentieux non connus à cette date. »

Dans les faits, un rapport d’information récent du Sénat met en évidence la faible part des contentieux dans le coût prévisible du dispositif d’indemnisation, dont le financement a été sous-calibré (8).

Ce rapport explique que la commission d’indemnisation des avoués a présenté une offre à chacun des 235 offices d’avoués. 220 de ces offres ont été acceptées, et 13 contestées devant le juge de l’expropriation, 2 sont restées sans réponses. 292 millions d’euros ont été versés aux avoués sur cette base, dont 108 au titre de l’acompte prévu par la loi, la quasi-totalité des avoués ayant demandé à en bénéficier.

Dans le même temps, la commission d’indemnisation a formulé 72 offres d’indemnisation relatives au préjudice subi par les avoués seulement titulaires de parts en industrie. 67 de ces offres ont été acceptées, une contestée, et 4 n’ont pas reçu de réponse. Le montant des indemnisations versées dans ce cadre s’élève à 12,2 millions d’euros. L’indemnisation des salariés n’a pas suscité de contentieux.

Au total, 25 recours auraient été déposés. Sur une quinzaine de recours déposés par des avoués contre l’offre d’indemnisation qui leur avait été présentée, le juge de l’expropriation a partiellement fait droit à leur demande. S’appuyant notamment sur l’article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, il a estimé que les intéressés subissaient bien un préjudice économique supplémentaire qu’il convenait de compenser par le versement d’une indemnité de remploi, d’un montant forfaitaire de 150 000 euros par office (calculé pour trois ans, sur une base annuelle de 50 000 euros par an).

Cette décision, rendue en première instance, si elle était confirmée en appel, serait susceptible d’alimenter d’autres recours et donc le renchérissement du coût de la réforme.

Le principal problème vient de l’insuffisance de rendement du droit de timbre en appel. Il en était attendu un rapport de 41 millions d’euros par an, mais celui-ci est moitié moindre (23 millions d’euros en 2013). Or, l’État a donné sa garantie sur les emprunts et avances consenties par la Caisse des dépôts et consignations. Celle-ci pourrait faire jouer cette garantie, ce qui obligerait à faire financer la réforme par subvention budgétaire.

La méthode suivie par le Gouvernement consiste donc à rallonger l’échéancier de remboursement de la dette de l’État auprès de la CDC.

*

* *

Suivant l’avis défavorable du rapporteur spécial, la Commission rejette l’article 56, rattaché.

ANNEXE :
LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES
SUR LES FRAIS DE JUSTICE

La suite de ce document peut être consultée au format PDF :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2015/b2260-tIII-a31.asp

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information n°680 (2013-2014) de Mme Sophie Joissains et M. Jacques Mézard sur l’aide juridictionnelle.

2 () Financement et gouvernance de l’aide juridictionnelle. À la croisée des fondamentaux. Analyse et propositions d’aboutissement ; Septembre 2014, Rapport au Premier ministre par Jean-Yves Le Bouillonnec, député, remis le 9 octobre 2014.

3 () Les restes à payer correspondent à la différence entre les autorisations d’engagement consommées et les crédits de paiement.

4 () « Les frais de justice depuis 2011 ». Communication à la commission des Finances de l’Assemblée nationale (septembre 2014).

5 () De nouvelles briques de budgétisation ont été introduites en 2015, en identifiant les dépenses immobilières de fonctionnement et celles d’investissement. Pour ce faire, deux briques de budgétisation dédiées «immobilier dépenses de l’occupant» et «immobilier dépenses du propriétaire» ont été créées.

6 () Rapport général Tome II n°2260, du 9 octobre 2014, pages 336 à 349.

7 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2015/commissions_elargies/

8 () Rapport n°580 (2013-2014) du 4 juin 2014, sur la mise en œuvre de la loi réformant la procédure d’appel, de M. Patrice Gélard, au nom de la commission des Lois du Sénat.