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° 2260

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234),

PAR Mme Valérie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

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ANNEXE N° 32

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

GESTION ET VALORISATION DES RESSOURCES TIRÉES DE L’UTILISATION DU SPECTRE HERTZIEN, DES SYSTÈMES ET DES INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS DE L’ÉTAT

AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC

Rapporteur spécial : M. Jean-Marie BEFFARA

Député

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

CHAPITRE I : LA TRANSITION NUMÉRIQUE : UN DÉFI VITAL POUR L’ENSEMBLE DES ACTEURS DE LA MISSION 9

I. LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE EN MARCHE MALGRÉ UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DIFFICILE ET UNE CONCURRENCE ACCRUE 9

A. LE SERVICE PUBLIC TÉLÉVISUEL DOIT S’ADAPTER RAPIDEMENT DANS UN ENVIRONNEMENT MULTIMÉDIA ET « TRANSMEDIA » 9

1. France Télévisions à la conquête du « télénaute » : la quête de la performance dans un environnement concurrentiel et numérique 10

2. Arte à l’assaut du numérique avec des audiences consolidées 13

B. LE SERVICE PUBLIC RADIOPHONIQUE ÉGALEMENT CONFRONTÉ AUX ÉVOLUTIONS DES MODES DE CONSOMMATION 15

1. Le nécessaire développement de la stratégie numérique du groupe Radio France 16

2. Les enjeux de la radio numérique terrestre 19

II. LA PRESSE : LE PAPIER À L’ÉPREUVE DU « TOUT INTERNET » 20

A. UNE SITUATION DE CRISE QUI S’INTENSIFIE 20

1. Une diffusion structurellement en baisse 20

2. Le numérique capte une part croissante du marché publicitaire 21

3. Diversifier les recettes : redéfinir un modèle économique incluant des offres numériques 22

B. LA RÉFORME DES AIDES À LA PRESSE : L’ANNÉE 2014 CONFIRME LE TOURNANT DU NUMÉRIQUE ET DE LA MODERNISATION 23

1. La TVA réduite étendue à la presse en ligne par la loi du 27 février  2014 23

2. Le décret du 23 juin 2014 : la réforme du Fonds stratégique de développement de la presse (FSDP) 25

3. L’Agence France Presse à l’épreuve du changement 26

III. LA POLITIQUE EN FAVEUR DU LIVRE ET DES INDUSTRIES CULTURELLES : RÉPONDRE AUX ENJEUX NORMATIFS ET TECHNOLOGIQUES DU NUMÉRIQUE 27

A. L’ÉVOLUTION DU CADRE NORMATIF : LE PRIX DU LIVRE DANS UN ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE 27

1. Un constat : la montée en puissance de la vente en ligne 27

2. L’encadrement des conditions de vente à distance : une réforme symbolique ? 28

3. La sécurisation et l’amélioration des lois de prix fixe de 1981 et 2011 30

B. LE NUMÉRIQUE AU SERVICE DE LA CONSERVATION DU PATRIMOINE CULTUREL DE LA FRANCE 32

1. La bibliothèque numérique « Gallica » réalisée par la Bibliothèque nationale de France (BNF) 32

2. Le plan de sauvegarde et de numérisation du patrimoine piloté par l’Institut national de l’audiovisuel (INA) 32

3. Un enjeu saisi par l’Union européenne mais qui a donné lieu à des dérives 33

C. LA PROTECTION DES œUVRES SUR INTERNET : LE QUESTIONNEMENT AUTOUR DE L’AVENIR DE LA HADOPI 34

CHAPITRE II : LA MISSION MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES PARTICIPE À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES MAIS CONSERVE DES OBJECTIFS AMBITIEUX 37

I. UNE BAISSE GLOBALE DES CRÉDITS SUR L’ENSEMBLE DE LA MISSION POUR 2015, COMPENSÉE EN PARTIE PAR UNE HAUSSE DE LEUR PART DE CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC 37

II. PROGRAMME 180 : LES AIDES À LA PRESSE EN LÉGÈRE DIMINUTION 38

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 180 SONT EN BAISSE DE 0,34 % 38

B. LA RESTRUCTURATION DU FINANCEMENT DE L’AFP DANS LE CADRE DE SON NOUVEAU CONTRAT D’OBJECTIFS ET DE MOYENS POUR 2015-2018 39

1. Une dotation en hausse de 2 millions d’euros mais une situation financière qui demeure sous tension 39

2. Les objectifs du prochain contrat d’objectifs et de moyens 2014-2018 entrant en vigueur le 1er janvier 2015 39

III. LA RÉFORME DES AIDES À LA PRESSE : DES DISPOSITIFS MIEUX CIBLÉS MAIS PEU ÉQUITABLES POUR LA PRESSE QUI N’EST PAS D’INFORMATION GÉNÉRALE ET POLITIQUE 40

1. Perspectives budgétaires des aides directes à la presse pour 2015 : une baisse de 3 % 40

2. Les aides à la distribution hors programme 180 43

3. Les aides fiscales en hausse de 5 millions du fait de l’extension à la presse en ligne du taux « super-réduit » de TVA 45

4. Le ciblage des aides sur la presse d’information politique et générale : vers une distorsion de concurrence préjudiciable pour le développement numérique 45

IV. PROGRAMME 334 : LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES 46

A. DES CRÉDITS EN BAISSE EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET EN HAUSSE EN CRÉDITS DE PAIEMENT : DES MARGES DE MANœUVRE QUI DEMEURENT SATISFAISANTES 46

B. LE FINANCEMENT PUBLIC DE LA POLITIQUE DU LIVRE ET DE LA LECTURE 46

C. LE SOUTIEN PUBLIC AUX INDUSTRIES CULTURELLES 47

V. PROGRAMME 313 : CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC ET À LA DIVERSITÉ RADIOPHONIQUE 48

A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE FRANCE TÉLÉVISIONS EN HAUSSE DE 42,3 % MAIS UNE DOTATION GLOBALE EN BAISSE DE 0,5 % : UN AFFICHAGE POLITIQUE PEU LISIBLE 48

B. LA RÉFORME PRÉVUE EN 2015 DU FONDS DE SOUTIEN À L’EXPRESSION RADIOPHONIQUE PERMETTRA LA MAÎTRISE DES DÉPENSES ET LE CIBLAGE DES AIDES SÉLECTIVES 48

CHAPITRE III : LE FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC, UNE RÉFORME NÉCESSAIRE 49

I. LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC DOIT DEVENIR UNE RESSOURCE DURABLE ET FIABLE 49

A. L’AUGMENTATION DE 3 EUROS EN 2015 NE CONSTITUE PAS UNE SOLUTION DE LONG TERME 49

1. L’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public : une décision récurrente depuis 2009 qui ne peut perdurer 49

2. Vers un financement intégral des opérateurs de l’audiovisuel par la contribution à l’audiovisuel public : une raison supplémentaire pour fiabiliser le financement 50

3. Une réforme de l’assiette devient donc urgente afin de prendre en compte la convergence numérique et d’assurer une rentabilité de long terme 50

B. UN CHANGEMENT D’ÉQUILIBRE DANS LA RÉPARTITION PAR RAPPORT À 2014 51

1. La part de France Télévisions dans le produit de la contribution à l’audiovisuel public diminue au profit des autres entreprises de l’audiovisuel 51

2. Des dépenses fiscales sur la contribution à l’audiovisuel public en baisse pour 2015 53

C. UNE SITUATION DIVERSIFIÉE SELON LES BÉNÉFICIAIRES 53

1. France Télévisions sous tension 53

2. ARTE : Une dotation en hausse de 0,5 % après deux années de baisse 55

3. Radio France : une situation financière fragile qui accuse la baisse des dotations publiques 55

4. France Médias Monde et TV5 Monde : l’audiovisuel extérieur de la France se stabilise financièrement et gagne de l’ampleur en termes de visibilité 57

5. Le financement de l’Institut national de l’audiovisuel revient presque à son niveau de 2013 59

II. LES RECETTES PUBLICITAIRES : UNE SOURCE DE FINANCEMENT À DÉVELOPPER POUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC MALGRÉ LA CRISE DU MARCHÉ 59

A. LA TRANSITION NUMÉRIQUE SUR FOND DE CRISE ÉCONOMIQUE EXPLIQUE LA BAISSE DES RECETTES PUBLICITAIRES 59

B. LE RETOUR DE LA PUBLICITÉ SUR FRANCE TÉLÉVISIONS ENTRE 20H ET 21H : UNE MESURE BÉNÉFIQUE POUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC ET LE CONTRIBUABLE, SANS CONSÉQUENCE POUR LE MARCHÉ ET LE TÉLÉSPECTATEUR 62

1. Les conséquences négatives de la suppression de la publicité en soirée pour France Télévisions 62

2. La guerre des chaînes n’aura pas lieu 65

3. France Télévisions saisit l’opportunité de la publicité régionale 67

CHAPITRE IV : COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE GESTION ET VALORISATION DES RESSOURCES TIRÉES DE L’UTILISATION DU SPECTRE HERTZIEN, DES SYSTÈMES ET DES INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS DE L’ÉTAT 69

EXAMEN EN COMMISSION 73

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 75

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 50 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

INTRODUCTION

Le présent projet de loi de finances propose d’inscrire à la mission Médias, livre et industries culturelles 717,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 714, 2 millions d’euros en crédits de paiement, soit des baisses de respectivement 17,1 % en AE et 12 % en CP par rapport à 2014. La mission prend ainsi sa part à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques.

Cependant, il est à noter que le périmètre de la mission Médias, livre et industries culturelles se trouve modifié à l’occasion du PLF 2015 du fait de la suppression du programme 115 Action audiovisuelle extérieure. Ce programme retraçait, jusqu’en 2014, les crédits budgétaires alloués aux sociétés France Médias Monde (FMM) et TV5 Monde ainsi qu’à la radio franco marocaine Médi1 via la Compagnie internationale de radio et de télévisions (CIRT), les crédits en faveur de FMM et de TV5 Monde étant complétés par des crédits issus des recettes de la contribution à l’audiovisuel public (CAP). À compter de 2015, les sociétés FMM et TV5 Monde seront financées intégralement sur les crédits du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, au travers de deux programmes distincts : le programme 844 existant renommé France Médias Monde et le programme 847 TV5 Monde, nouvellement créé. Les crédits alloués à la CIRT seront rattachés au programme 334 Livre et industries culturelles à compter de 2016, aucun crédit n’étant budgété pour cette ligne de dépense en 2015.

De plus, les crédits à destination de France Télévisions ont diminué au titre de la contribution à l’audiovisuel public tandis que sa dotation budgétaire sur le programme 313 a été revalorisée par rapport à 2014. Le rééquilibrage récurrent entre ces deux sources de financement pour plusieurs acteurs de l’audiovisuel rend donc difficilement perceptible, jusqu’à sa stabilisation, l’évolution précise des crédits.

Il est par ailleurs proposé en première partie du projet de loi de finances une augmentation de la CAP de 3 euros en France métropolitaine et 1 euro en Outre-mer qui devrait rapporter 115 millions d’euros supplémentaires.

Dans ce contexte financier contraint, les réformes ambitieuses sont cependant nombreuses dans le secteur des médias, du livre et des industries culturelles. Confrontés aux nouvelles exigences technologiques et économiques ainsi qu’à un besoin accru d’efficience, les médias doivent s’adapter rapidement. Les aides aux différents secteurs sont réformées pour un meilleur ciblage et une meilleure efficacité. Les acteurs les plus vulnérables doivent être identifiés et soutenus. Les modèles économiques évoluent, la régulation étatique également. Enfin, concernant le financement de l’audiovisuel public, la réflexion doit se centrer désormais sur les sources durables de recettes afin de les rendre compatibles avec un effort fiscal acceptable pour le contribuable d’une part, et avec les règles économiques du marché d’autre part.

Le compte spécial Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État retrace depuis sa création uniquement des opérations effectuées par le ministère de la Défense. Pour 2015, ce ministère disposera de 2,067 milliards d’euros provenant de recettes issues de cessions de fréquence.

*

* *

CHAPITRE I : LA TRANSITION NUMÉRIQUE : UN DÉFI VITAL POUR L’ENSEMBLE DES ACTEURS DE LA MISSION

I. LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE EN MARCHE MALGRÉ UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DIFFICILE ET UNE CONCURRENCE ACCRUE

A. LE SERVICE PUBLIC TÉLÉVISUEL DOIT S’ADAPTER RAPIDEMENT DANS UN ENVIRONNEMENT MULTIMÉDIA ET « TRANSMEDIA »

Comme l’expose l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2013-2015, « le monde audiovisuel connaît aujourd’hui une profonde mutation. Les innovations technologiques, la multiplication des écrans, la couverture des réseaux filaires et sans fil, l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché ont totalement modifié le paysage audiovisuel ». Ces évolutions ont des conséquences profondes sur l’usage que font les téléspectateurs des médias audiovisuels et de là, sur la gestion et le modèle économique mis en œuvre par les acteurs du secteur.

La dernière enquête effectuée par Médiamétrie sur l’usage des médias (1) en septembre 2014 est révélatrice de ces changements de consommation :

– 30 % des foyers sont équipés désormais de l’ensemble des supports (télévision, ordinateur, mobile, tablette). La convergence numérique est en effet indissociable de la convergence des supports ;

– le nombre de personnes consommant la télévision de rattrapage a été multiplié par trois en un an. La part de rattrapage sur l’ordinateur ou la tablette et le mobile est croissante ;

– 80 % des Français sont aujourd’hui des internautes, la tendance à la hausse étant évaluée à 10 % supplémentaires tous les quatre ans : il est donc à prévoir que le taux d’internautes sera proche des 100 % dans moins de dix ans.

La mobilité devient un mode de consommation incontournable des données : près de 28 smartphones se sont vendus chaque seconde dans le monde en 2013, 98 % de la population française devrait être couverte par le réseau 4G à l’horizon de moins de dix ans et le trafic de l’internet mobile ne cesse de croître.

Ces évolutions posent par ailleurs la question de la mesure de l’audience. Les outils de mesure eux-mêmes deviennent plus complets et plus divers. En attendant l’audimétrie portée – un boîtier portable développé par Médiamétrie, qui devrait permettre de mesurer les audiences multi-écrans à l’horizon 2017 – la mesure d’audience distingue encore les résultats sur écrans TV et sur écrans internet fixe et mobile. Mais cette division traditionnelle devrait céder la place à moyen terme à une audience agrégée multi-écrans, plus en phase avec la réalité des pratiques.

1. France Télévisions à la conquête du « télénaute » : la quête de la performance dans un environnement concurrentiel et numérique

a. La difficulté à maintenir l’audience des chaînes télévisées

Les résultats d’audience sont révélateurs de la difficulté actuelle pour les chaînes de télévision à répondre aux attentes des téléspectateurs.

En 2009, l’avenant au COM 2009-2012 avait revu à la baisse l’objectif d’audience en le fixant à une part d’audience supérieure à 70 % au regard du contexte particulièrement difficile pour les chaînes de France Télévisions. Le COM 2011-2015 ainsi que l’avenant au COM 2013-2015 remontent quant à eux la cible à 75 %, qui a été atteinte en 2013 avec en moyenne 77 % des Français qui ont passé chaque semaine au moins quinze minutes devant les chaînes du groupe. En 2014 ce taux de couverture devrait décroître tout en restant conforme à la cible.

Pour France Télévisions, l’année 2013 a vu la concurrence s’intensifier avec la poursuite de la montée en puissance des chaînes de la TNT créées en 2005, mais surtout la prise de contrôle de D8 et D9 par Canal+ et l’arrivée de six nouvelles chaînes en haute définition (HD) sur la TNT gratuite. Entre 2012 et 2014, l’audience a donc décru d’environ 5 points, mais celle-ci semble désormais en phase de stabilisation.

Ce phénomène atteint l’ensemble des chaînes historiques, dont le taux de couverture devrait connaître une baisse en 2014. Deux facteurs peuvent expliquer cette tendance : un phénomène de société tout d’abord, puisque la durée d’écoute quotidienne de la télévision recule pour la seconde année consécutive, en lien avec les évolutions de la consommation média. Dans le même temps, la concurrence sur ce temps réduit fait rage puisque l’élargissement de l’offre gratuite se poursuit.

Le projet annuel de performances (PAP) pour 2015 précise qu’à l’été 2014, plus de 80 % des foyers français peuvent recevoir plus de 25 chaînes gratuites. Les mesures d’audience sont sans appel : toutes les nouvelles chaînes de la TNT HD progressent et cumulent 3,7 % de part d’audience de janvier à juin 2014, contre 1,9 % de janvier à juin 2013, soit un quasi doublement.

Le Rapporteur spécial souhaite insister sur le fait que l’objectif d’améliorer l’audience sur les chaînes publiques est fondamental mais ne peut s’exonérer de la recherche d’une programmation de qualité, axée notamment sur la création française et européenne. La performance ne doit pas se traduire uniquement, pour le média télévisuel public, par une chasse à l’audience.

L’évaluation de la qualité des programmes : le baromètre QUALI TV de France Télévisions

Le baromètre Quali TV de satisfaction des téléspectateurs porte sur 13 chaînes et est réalisé par l’institut Harris Interactive. Le deuxième baromètre Quali TV a été présenté en janvier 2014. Cet outil, pour l’instant uniquement utilisé par le service public, permet de mesurer la satisfaction des téléspectateurs vis-à-vis des programmes qu’ils regardent sur les chaînes historiques (hors Canal+) et de la TNT. Sur la méthode, un panel représentatif de près de 2 000 personnes est sondé quotidiennement sur internet. Il doit attribuer une note de satisfaction de 1 à 10 aux différents programmes qu’il a consommés. Pour les prime times, le dispositif est renforcé. Les sondés sont amenés à expliquer ce qui leur a plu ou déplu. M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions, cherche à faire adopter cet outil de mesure par ses principaux concurrents, notamment TF1 et M6 qui demeurent pour l’instant réticents. Les mesures d’audience Médiamétrie restent en effet pour eux la mesure de référence.

Dans cette même logique, l’ancienne ministre de la Culture et de la communication, Mme Aurélie Filippetti, a confié en janvier 2014 à l’Institut national de l’audiovisuel (INA) une mission visant à créer une mesure plus qualitative de l’audience au travers de nouveaux indicateurs.

b. La stratégie numérique à grande échelle : le pari réussi de France Télévisions

Désormais, la mesure de l’audience des chaînes doit également s’intéresser à l’attractivité des offres numériques, qui évalue le nombre de visite sur les sites internet correspondants. Les sites de France Télévisions réalisent 46 millions de visites mensuelles en 2013, supérieur à l’objectif de 43 millions inscrit dans le COM, en hausse de 12 % par rapport à 2012 et de 21 % par rapport à 2011.

Le Gouvernement et France Télévisions ont fait de la stratégie numérique un axe central du COM 2011-2015, confirmé et renforcé par l’avenant au COM 2013-2015. Elle constitue en effet le troisième volet du premier objectif : « Fédérer tous les publics autour d’une offre complète et diversifiée ». Il s’agit principalement d’étendre l’offre délinéarisée (gratuite et payante) et de faciliter son accès. La nomination du Président par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) au cours de l’année 2015 et la préparation du futur COM seront l’occasion de préciser la stratégie numérique de France Télévisions dans les prochaines années, son articulation avec les autres acteurs de l’audiovisuel public et avec la dimension de service public qui la sous-tend.

Plusieurs offres innovantes sont développées par la société afin de tendre au plus près des évolutions de la demande :

i. Les produits « multi-écrans » : des innovations autour de cinq thématiques de service public

Les cinq thématiques recouvrent les contours des missions de service public de France Télévisions : l’information (Francetv info), l’offre sportive (Francetv sport), l’offre culturelle (Culture box), la mission éducative (Francetv éducation), l’offre jeunesse. France Télévisions a mis en œuvre dans le même temps une refonte de l’offre régionale et ultramarine.

L’ensemble de ces plateformes se sont mises en place entre 2012 et 2014, et demeurent dans une logique d’innovation continue : offre de télévision connectée en 2014 pour France tv info et France tv sport, introduction du « multicam » pour certains événements sportifs, projet pour 2015 d’une nouvelle chaîne thématique numérique multi-supports dédiée à l’éducation en sont des exemples.

La transition numérique apparaît donc comme un processus continu d’innovation qui implique une veille et une réactivité importante de la part des acteurs de l’audiovisuel. La prise en charge des possibilités ouvertes par la télévision connectée devrait être l’une des principales sources d’innovation dans les prochaines années.

ii. Les outils de « social TV » ou « télévision sociale »

La « télévision sociale » signifie l’intégration des réseaux sociaux dans les pratiques télévisuelles : elle permet d’ajouter une dimension communicationnelle et participative, des interactions étant possibles avec les téléspectateurs en direct.

Ce fut l’un des projets prioritaires de France Télévisions en 2013-2014.

iii. Une offre délinéarisée et multi-supports : la télévision à la carte

Ce projet a été réalisé en 2011 par le lancement de l’application « Francetv Pluzz », disponible sur la télévision connectée, mais également sur l’ensemble des écrans. Plus de 1 600 vidéos sont ainsi accessibles en télévision de rattrapage pendant une durée de sept jours. Depuis 2014, cette application est davantage utilisée en mobilité que sur le web et a connu une croissance de 24 % sur les huit premiers mois de l’année. Une étude du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) relative à « l’économie de la télévision de rattrapage » en 2013 soulignait également que 75 % de programmes de 17 heures à minuit des cinq chaînes nationales de France Télévisions étaient disponibles, contre 56 % en moyenne pour l’ensemble des chaînes de la TNT.

En lien avec cette application est également proposé un service payant de vidéos à la demande : « Pluzzvad », utilisable à l’issue de la période de gratuité de cinq jours.

iv. Le coût du développement numérique

Le développement du numérique a généré en 2011 46 millions d’euros de charges, puis 56,6 millions d’euros en 2012 et 66,5 millions d’euros en 2013, soit moins de 3 % des dépenses du groupe. En 2011, les recettes nettes se sont élevées quant à elles à 16,5 millions d’euros, puis à 21 millions d’euros en 2012 et 21,3 millions d’euros en 2013 (audiotel, SMS, recettes publicitaires Internet et télétexte, accords de distribution avec les fournisseurs d’accès internet).

Le PAP pour 2015 souligne que la montée en charge des dépenses liées au développement numérique de presque 6 millions d’euros a été financée en partie sur les ressources propres de l’entreprise qui ont de ce fait diminué.

Par ailleurs, le coût indirect de la transition numérique est lié à l’érosion continue des investissements publicitaires, qui fragilisent l’équilibre financier de France Télévisions. Ce point sera abordé précisément dans la troisième partie du rapport consacrée au financement de l’audiovisuel public.

Ainsi France Télévisions doit conforter sa place de grand groupe télévisuel public ancré dans le numérique et les nouvelles pratiques de consommation, tout en conservant son identité de service public d’une part, et l’identité éditoriale de ses différentes chaînes d’autre part.

2. Arte à l’assaut du numérique avec des audiences consolidées

a. Les audiences d’Arte ne connaissent pas la crise

Arte connaît une situation bien meilleure que celle des chaînes de France Télévisions dans la trajectoire de ses audiences, bien que les deux structures soient difficilement comparables en termes de taille et de modèle économique.

Les audiences ont progressé de manière très significative entre 2011 et 2012 de 38 % et se stabilisent en 2013. Elles confirment le succès de la relance des investissements dans les programmes et de la nouvelle dynamique éditoriale impulsée depuis trois ans. C’est la plus forte progression des chaînes historiques dans un contexte de concurrence accrue par la recomposition accélérée du secteur.

Au premier semestre 2014, ARTE continue à conforter son audience en France et en Allemagne. En France, ARTE a réalisé 2 % de part d’audience de janvier à juin 2014, contre 1,9 % de janvier à juin 2013 et 1,7 % de janvier à juin 2012, ce qui représente une hausse de 5 % en un an et de 18 % en deux ans. En Allemagne, ARTE a connu une hausse de 11 % en un an et 25 % en deux ans, mais avec des parts d’audience inférieure en volume.

Pour la première fois depuis que le baromètre d’image IFOP est réalisé, ARTE a obtenu la meilleure note globale de satisfaction de l’ensemble des chaînes historiques en 2014.

On peut également souligner que ces bons résultats d’audience ont été obtenus en mettant le cinéma français à l’honneur dès le début de l’année 2014
– avec par exemple Un c
œur en hiver de Claude Sautet et L’horloger de Saint-Paul de Bertrand Tavernier, qui ont réuni tous deux 5,9 % de part d’audience et plus d’1,5 million de téléspectateurs.

b. Des innovations numériques à l’appui du développement de la chaîne :

L’audience numérique d’Arte a continué sa nette progression en 2013 dans un contexte pourtant fortement concurrentiel. Avec 13,38 millions de visites mensuelles en moyenne au premier semestre 2014 (contre 8,6 millions en 2012 et 10,8 millions en 2013) l’offre numérique ARTE continue de se développer, malgré une baisse de la fréquentation du site Internet entre janvier et mai 2013 et 2014 (– 3 %), qui confirme la nécessité pour la chaîne d’accentuer son développement numérique en mobilité.

La stratégie numérique recouvre, comme pour France Télévisions, plusieurs volets complémentaires visant à répondre au mieux aux nouvelles attentes du téléspectateur-consommateur. ARTE a choisi, comme France Télévisions, de s’inscrire dans une logique de bouquet (« Galaxie ARTE ») en alliant offre de télévision traditionnelle et offres de services numériques. La chaîne de télévision et les programmes restent au cœur du dispositif, mais ils s’articulent avec les sites et plateformes web, la télévision à la demande, la télévision connectée et sociale, les applications mobiles spécifiques et les web-production :

i. Les plateformes thématiques

Prolongeant la plateforme musique et spectacles devenue ARTE Concert, et ARTE Creative autour de la création, la chaîne a lancé une nouvelle offre numérique en avril 2013 : ARTE Future, autour des thématiques scientifiques, technologiques et environnementales. Deux nouvelles offres sont venues en 2014 enrichir le dispositif : ARTE Info regroupant l’ensemble des offres autour de l’actualité, de l’investigation et de la géopolitique, et ARTE Cinéma pour accompagner et éditorialiser l’offre cinéma de l’antenne et du web.

ii. Une offre mobile d’ARTE, sur smartphone et tablette :

Elle ne cesse de progresser selon ARTE. Le nombre d’internautes consultant l’offre de la chaîne via les applications augmente de 40 %, dont une augmentation de 30 % sur les tablettes et de 67 % sur les smartphones au premier semestre 2014.

iii. La télévision de rattrapage ARTE +7 :

ARTE +7 connaît 12,1 % de croissance par rapport à 2013. À cela s’ajoute le streaming live (flux en direct) via la nouvelle page d’accueil du site d’ARTE.

iv. La Présence de la chaîne dans les réseaux sociaux (page Facebook) et les plateformes vidéo

Depuis plusieurs années, ARTE développe une stratégie originale de prolongement des programmes sur les réseaux sociaux – Facebook, Twitter, Google+, Instagram – avant, pendant et après leur diffusion antenne. Pensée comme une offre éditoriale en elle-même, elle propose des contenus spécifiques, propres à ces supports et permet d’accroître la recommandation, le partage et les discussions sur les programmes. ARTE a récemment passé la barre du million de fans sur sa page principale Facebook.

c. L’impact financier des innovations numériques

Les recettes directes générées par les nouveaux modes de diffusion et de consommation de contenus sont uniquement constituées des recettes tirées de l’exploitation de programmes en vidéo à la demande (VoD). Les recettes brutes, attendues par ARTE France au titre de la VoD en 2014 s’élèvent à 1,06 million d’euros.

La grande majorité des dépenses engendrées par ces nouveaux modes de diffusion et ces nouveaux contenus est désormais prise en charge par le Groupement européen d’intérêt économique (GEIE) d’ARTE, ARTE France y participant par le biais de la contribution annuelle qu’elle lui verse (61,4 millions d’euros en 2013). S’agissant de la VoD, les prévisions de dépenses techniques et d’hébergement, les reversements et dépenses diverses de communication sont estimées à 0,86 million d’euros pour 2014.

En outre, le développement numérique conduit la chaîne à investir dans la formation pour un montant de l’ordre de 100 000 euros sur la période 2012-2016, puisque l’ensemble du personnel doit bénéficier d’une initiation ou d’un perfectionnement dans ce domaine d’ici le terme du COM. En effet, pour développer sa stratégie de développement, ARTE a prévu un plan de formation au numérique qui est déployé sur la durée du COM afin de former 95 % des salariés d’ARTE France, en fonction des métiers de chacun. En 2014, 70 % des effectifs auront été formés. Le personnel travaillant sur les offres de programmes et de services numériques est désormais rattaché à la direction éditoriale afin d’intégrer la dimension bi-média dans l’ensemble des décisions d’investissement dans les programmes.

B. LE SERVICE PUBLIC RADIOPHONIQUE ÉGALEMENT CONFRONTÉ AUX ÉVOLUTIONS DES MODES DE CONSOMMATION

La numérisation de la radio est également en plein essor, et ce sous plusieurs modalités. Tout d’abord, la radio sur IP accessible par ordinateur ou sur un terminal ad hoc connecté en wi-fi aux modems ADSL des fournisseurs d’accès Internet se développe. La radio numérique en mobilité répond également à l’évolution générale des modes de consommation des médias et gagne une audience croissante. De manière générale, l’audience différée en streaming ou par téléchargement constitue un mode d’écoute de la radio de plus en plus répandu. Enfin, le déploiement de la radio numérique terrestre incarne l’ultime étape de la numérisation radiophonique, mais rencontre encore aujourd’hui des réticences et des difficultés de déploiement du fait de son coût.

1. Le nécessaire développement de la stratégie numérique du groupe Radio France

Premier groupe français radiophonique, Radio France produit et diffuse sept chaînes généralistes, thématiques et de proximité : France Inter, France Info, France Culture, France Musique, France Bleue, Le Mouv’ et FIP. La société voit sa stratégie redéfinie dans son nouveau COM 2015-2019. L’un des objectifs, comme pour les médias télévisuels, est de s’adapter à la demande des auditeurs dans un environnement numérique. En effet, le recul du média radio observé en 2012-2013 se poursuit avec une audience cumulée de 81,4 % en 2014, en recul de 0,5 point.

Au sein de ce média, Radio France confirme sa position de premier groupe radiophonique avec une part d’audience à 22,3 %. L’objectif de 26 % fixé dans le COM 2010-2014 ne sera donc pas atteint en 2014, comme ce fut le cas en 2013 de peu (25,8 %). Ce phénomène est principalement imputable à la baisse d’audience au 1er semestre 2014 de France Inter et de France Info.

Radio France s’est engagé tardivement mais avec conviction dans la transition numérique à partir de 2012. La stratégie numérique et ses applications au sein du groupe sont menées par la Direction des nouveaux médias qui est spécialement dédiée à cet objectif et à son déploiement.

a. L’innovation numérique doit être au cœur de la stratégie de développement de Radio France :

i. Le développement de la radio visuelle : un autre genre « audiovisuel »

La radio visuelle consiste à filmer les émissions de radio afin d’obtenir une émission de radio en image. Elle est actuellement développée sur France Inter et France Info et doit désormais s’étendre à l’ensemble des stations de Radio France dans les six prochains mois. L’ambition est de tendre vers une radio visuelle en direct, avec le projet d’une interaction renforcée entre les auditeurs-spectateurs et les animateurs radio.

ii. L’offre délinéarisée : une des priorités du nouveau COM

La part des offres des antennes de Radio France proposées en délinéarisé a progressé à partir de l’évolution du cadre juridique entre 2010 et 2012, en accord avec les sociétés d’auteurs, artistes et interprètes. Un accord unique dit « Media Global » a été signé le 25 février 2013, permettant de renforcer la présence de Radio France sur internet et dans l’univers numérique en général. La part du volume horaire de programmes hebdomadaires mis à disposition en podcast et en écoute à la demande est donc en constante évolution : de 60 à 70 % entre 2012 et 2015 (prévisions) pour l’écoute à la demande et de 66 à 68 % pour les podcasts.

Par ailleurs, le nombre de téléchargements de podcasts mis à disposition en moyenne par mois a augmenté de 18 % entre 2012 et 2013 sur l’ensemble des sites de Radio France. Cette dynamique se poursuit en 2014 et le nombre de téléchargements devrait atteindre 10 millions en prévision actualisée 2014 (contre 8,3 millions en 2012).

iii. Les sites web des radios gagnent de l’audience

Les sites de Radio France connaissent une hausse de leur fréquentation, de l’ordre de 16 % en un an, entre la saison 2013-2014 et la précédente. Les sites doivent désormais s’adapter aux nouveaux standards du web mobile, afin de permettre leur consultation sur tous les nouveaux supports, via le déploiement de lecteurs compatibles mobiles et tablettes.

Par ailleurs, le 4 juillet dernier, les principaux grands groupes privés radiophoniques (RTL, NRJ, NextRadioTV, Lagardère) ainsi que Radio France ont annoncé la mise en place en septembre 2014 d’un portail commun de services de radios sur internet, nommé « Direct Radio ». Cette offre viendra compléter celle disponible au travers du portail « Les Indés Radio » lancé il y a plusieurs mois par les radios indépendantes.

iv. Les applications Iphone-Ipad

Les nouvelles applications modernisées de Radio France, France Inter et France Info sont été lancées en 2014. En juillet 2014, l’application Radio France a reçu près de 800 000 visites (en hausse de 54 % par rapport à juillet 2013), celle de France Inter, 720 000 (+ 58 %) et celle de France Info, 1 300 000 (+ 86 %) (2).

Les résultats de Radio France démontrent que l’impulsion numérique a désormais été donnée, bien que le groupe accuse un retard sur le développement numérique comparé aux autres médias, comme l’expose le rapport spécial pour avis de Mme Martine Martinel consacré à Radio France (3). Selon cet avis, le retard est particulièrement accentué pour la station France Bleue.

b. Le média d’information à l’ère d’internet : une stratégie numérique classique ne suffit pas à remonter l’audience

Les audiences de France Info n’ont cessé de chuter : cette station a rassemblé moins d’auditeurs que la saison précédente. À 7,9 %, l’audience cumulée baisse de 0,4 point. La durée d’écoute reste stable à 60 minutes mais la part d’audience s’établit à 3,3 %, en recul de 0,2 point.

Il s’agit d’une conséquence directe du développement des chaînes d’information dans un premier temps, des usages d’internet dans un second temps et plus précisément de l’usage massif des réseaux sociaux dans la délivrance en temps réel des informations. Les audiences de la chaîne baissent depuis dix ans : elles ne sont donc pas directement liées au développement des usages numériques, mais celui-ci accentue la tendance. Le renouvellement des formats et la stratégie numérique de la station via son site internet et les applications mobiles n’ont pas permis de redresser cette audience, bien que le site internet ait connu une hausse de fréquentation de 35 % en un an entre 2012 et 2013.

Face à ce constat, Radio France doit ainsi définir une nouvelle stratégie ainsi décrite : « l’antenne, sous l’égide de son nouveau directeur Laurent Guimier, ambitionne de revenir à l’essence de la chaîne : une plate-forme publique d’information en continu, la plus rapide, la plus proche et la plus pédagogique pour les auditeurs. La chaîne doit revenir à ses fondamentaux de média « chaud » : le direct doit devenir la règle, le préenregistré l’exception. » (4). Paradoxalement, l’impact du numérique implique donc de développer à la fois un média délinéarisé à la demande et un média réactif dans l’instant.

Trois pistes d’innovation sont évoquées, qui devront faire leur preuve en 2015 et dans les années suivantes. La première répond à la demande de réactivité des consommateurs d’information dans un univers numérique : il s’agit de mettre en place des applications et des systèmes d’alertes de dernière génération pour les smartphones ou tablettes. Les deux autres sont de nature thématique et visent à compléter une offre actuellement peu investie : il s’agit de développer l’information sportive, et enfin investir le créneau du journalisme d’investigation.

c. La fin de la gratuité des podcast : une diversification des ressources non souhaitable

Les podcasts sont aujourd’hui disponibles gratuitement sur les différents sites des antennes de Radio France pendant une durée de trois ans. La nouvelle présidence de Radio France s’interroge sur la gratuité intégrale de l’accès à ses podcasts, leur archivage et leur stockage occasionnant des frais supplémentaires qui reposent sur le produit de la contribution à l’audiovisuel public.

Une solution envisagée par la société consisterait, comme évoqué lors de l’audition de M. Mathieu Gallet devant la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, à réduire cette durée de mise à disposition gratuite et de proposer au-delà un accès payant à ces contenus. La durée évoquée était de un an.

Le Rapporteur spécial n’est pas favorable au paiement des podcasts, puisque les auditeurs bénéficiant de ce service financent cet archivage en acquittant leur redevance audiovisuelle. Ce paiement par produit affecté justifie la gratuité de l’audiovisuel public, bien que son assiette ne soit pas assise sur la possession d’un poste radio.

2. Les enjeux de la radio numérique terrestre

Le déploiement de la radio numérique terrestre (RNT), c’est-à-dire la numérisation de la plate-forme terrestre de diffusion de la radio, permettrait avant tout une meilleure couverture du territoire. Elle allierait à cela un enrichissement de l’offre et une plus grande diversification des services : en bande FM, chacun peut accéder aujourd’hui en moyenne à une vingtaine de radios et 30 % de la population reçoit moins de 10 services. Le numérique permettrait également de moderniser le média radio par une meilleure qualité du son, des fonctions associées aux équipements mais aussi la diffusion de données associées ou non aux programmes (guide de programmes, informations sous forme d’images relatives aux œuvres diffusées, services de proximité, trafic routier, météo, etc.). La numérisation de la radio pourrait enfin constituer, plus généralement, un levier de développement et d’innovation pour l’industrie numérique du pays.

Des enjeux financiers s’ajoutent également pour les éditeurs : il s’agit pour eux d’inventer de nouvelles sources de revenus et de créer de nouveaux supports publicitaires pour les annonceurs.

Contrairement à la télévision (via la TNT), la radio n’a donc pas entièrement achevé sa transition vers le tout numérique. Si l’édition et la production des programmes sont désormais intégralement numérisées, le dernier maillon, celui de la distribution, manque encore.

Pour le moment, la décision du Gouvernement du 7 septembre 2012 est de ne pas demander l’attribution prioritaire de fréquences en radio numérique terrestre pour Radio France à Paris, Marseille et Nice, mais le service public radiophonique devra rapidement se saisir de cette innovation quand le déploiement se généralisera.

La matérialisation de ces progrès nécessite par ailleurs des investissements substantiels de la part des éditeurs de services de radios, que tous ne sont pas prêts à consentir à ce stade comme le démontre la réticence des grands groupes de radio sur ce point. En effet, les rapports de MM. Tessier (5) et Kessler (6) ont souligné tant la charge élevée que représenterait une double diffusion en analogique et en numérique de leurs services de radio pour les éditeurs – et donc pour Radio France – que la faible valeur ajoutée de ce nouveau mode de diffusion pour le consommateur, pour en déduire que les conditions ne sont pas réunies à l’heure actuelle pour permettre un déploiement à grande échelle de la radio numérique terrestre. Parallèlement, plusieurs acteurs militent activement pour son déploiement rapide en France, notamment les radios associatives et indépendantes qui y voient un important potentiel de développement des audiences et des recettes publicitaires.

La question se posera de nouveau dans le cadre de la rédaction du prochain COM de Radio France 2015-2019, avec notamment en ligne de mire la diffusion en RNT dans les zones faiblement desservies en radio FM, considéré comme une mesure de service public.

Dans l’hypothèse d’un large déploiement de la RNT, la participation des radios associatives serait conditionnée quant à elle à une adaptation du dispositif réglementaire du Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER), ainsi qu’à un abondement financier de celui-ci en conséquence, afin de subventionner la diffusion numérique de l’ensemble des radios associatives autorisées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

II. LA PRESSE : LE PAPIER À L’ÉPREUVE DU « TOUT INTERNET »

A. UNE SITUATION DE CRISE QUI S’INTENSIFIE

1. Une diffusion structurellement en baisse

Le monde de la presse écrite est actuellement en crise. Le chiffre d’affaires global de l’ensemble de la presse écrite en 2013 – 8,255 milliards d’euros – est de nouveau en diminution par rapport à celui de 2012 (– 5,3 %). Ce sixième recul consécutif est le plus proche de celui observé en 2009 (– 7,8 %). Ces chiffres accréditent l’idée qu’il s’agit désormais d’une crise structurelle liée aux changements des modes de consommation de la presse.

Le graphique suivant expose la diminution du chiffre d’affaires des entreprises de presse par catégorie depuis 1990 :







Source : Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – Enquête presse.

La diffusion de l’ensemble des titres de presse, stabilisée autour de 7 milliards d’exemplaires depuis près de vingt ans, accuse depuis 2009 une forte érosion due essentiellement à la chute de la diffusion de la presse gratuite d’annonces, fortement impactée par les évolutions numériques du secteur. La diffusion s’est réduite à moins de 5 milliards d’exemplaires en 2012. Le graphique ci-dessous illustre cette chute de la diffusion par type de presse :






Source : Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – Enquête presse.

La presse quotidienne régionale a été touchée en 2013 également, avec une baisse de la diffusion payée de 4,3 % en volume et de 1,2 % en valeur – ce second volet étant par ailleurs plus limité du fait de la hausse du prix moyen des journaux. C’est le canal de la vente au numéro qui explique cette accélération avec une baisse de 8,3 % en moyenne et également pour la première année un fléchissement de la diffusion par portage.

Mais le développement numérique a surtout eu un effet dévastateur particulièrement marqué sur la presse gratuite d’annonces, et également sur la presse technique professionnelle. Cependant, la crise économique qui secoue la presse n’est pas la conséquence unique d’un changement des modes de consommation et d’une transition numérique peinant à se mettre en place.

2. Le numérique capte une part croissante du marché publicitaire

Cette crise est liée à la conjonction entre l’évolution des supports et la dégradation du marché publicitaire, entraînant une baisse de recettes touchant l’ensemble des médias traditionnels. Les deux phénomènes sont en réalité intriqués, puisque la baisse de la consommation de presse affaiblit mécaniquement l’attractivité de ce média pour les annonceurs, qui plus est dans un marché publicitaire sous tension.

Le tableau suivant montre ce phénomène de montée en puissance des nouveaux médias sur le marché publicitaire :

Source : Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

Le secteur de la presse est celui où la baisse est la plus marquée, la poursuite du déclin dans les prochaines années semblant difficilement évitable. Le marché a commencé à décrocher nettement en 2008, concomitamment au début de la crise économique mondiale qui a accentué des tendances déjà à l’œuvre depuis quelques années.

Le développement numérique joue donc un rôle majeur puisqu’une partie du marché publicitaire est captée par internet, qui maintient une croissance soutenue de ses recettes publicitaires, bien que celle-ci tende désormais à se ralentir (+ 6,2 % entre 2011 et 2012, puis + 3,1 % entre 2012 et 2013). Si les ressources publicitaires ont diminué de près de moitié en un peu plus de vingt ans, cette dégradation s’est accélérée ces cinq dernières années, avec une perte de 2 milliards d’euros de recettes sur la période en raison de l’installation de la presse numérique sur ce secteur, notamment s’agissant de la publicité d’annonces.

3. Diversifier les recettes : redéfinir un modèle économique incluant des offres numériques

La publicité numérique peut cependant constituer une source de recette pour les médias traditionnels à condition de diversifier leurs offres et leurs supports de diffusion : elle représente actuellement 8,7 % des recettes sur l’ensemble des médias en France, mais la concurrence est très importante et accentuée par la présence, certainement amenée à s’intensifier dans le domaine de la presse, des « pure players »- c’est-à-dire les entreprises qui exercent l’intégralité de leur activité en ligne.

Dans ce contexte, l’enjeu pour les entreprises de presse est de stabiliser de nouveaux modèles économiques viables, tournés vers le numérique et appuyés sur la diversification des recettes. De manière symptomatique, les principales entreprises de presse technique et professionnelle, très nettement en pointe sur cette question, réalisent depuis 2012 plus de 50 % de leur chiffre d’affaires dans l’activité « hors presse écrite » : diffusion internet principalement, mais pas seulement (édition, salons, travaux d’impression ou encore services aux entreprises et aux professions libérales). Pour l’ensemble des sociétés éditrices majeures du secteur, c’est désormais plus de 17 % du chiffre d’affaires qui se réalise hors « presse papier ».

Par ailleurs, la solution de la diffusion numérique de la presse papier n’est pas encore évidente car il y a en France peu de cadres juridiques : la mise à disposition des contenus sur internet pour chaque publication et les modalités de gratuité et de services payants sont à la discrétion des entreprises de presse qui applique chacune une politique différente.

La révolution numérique faisait partie des grands enjeux des États généraux de la presse écrite (EGPE) en 2008 et implique désormais une réflexion à deux niveaux :

– quels dispositifs mettre en place pour aider les entreprises de presse papier à évoluer et s’adapter au nouvel environnement numérique des médias, aussi bien économiquement que techniquement ?

– parallèlement, quelle place et quelles aides offrir aux services de presse en ligne, dont le développement va être croissant ?

B. LA RÉFORME DES AIDES À LA PRESSE : L’ANNÉE 2014 CONFIRME LE TOURNANT DU NUMÉRIQUE ET DE LA MODERNISATION

1. La TVA réduite étendue à la presse en ligne par la loi du 27 février  2014

a. Le dispositif fiscal du taux « super-réduit » de TVA

Le taux « super réduit » de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réservé depuis 1977 aux quotidiens et assimilés a été étendu à tous les périodiques à partir du 1er janvier 1989, par l’article 88 de la loi de finances pour 1988.

Ce taux est codifié à l’article 298 septies du code général des impôts. Les ventes, commissions et courtages portant sur les publications de presse qui remplissent les conditions prévues aux articles 72 et 73 de l’annexe III du code, sont soumis à la TVA au taux de 2,10 % dans les départements métropolitains, y compris la Corse, et de 1,05 % dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion.

1 800 entreprises ont bénéficié de ce dispositif en 2013, qui est également ouvert à la presse « non IPG ». Il s’agit de l’un des rares dispositifs ouverts de manière intégralement égalitaire à la presse d’information politique et générale (IPG).

Le coût de ce dispositif (imposition des publications de presse au taux de TVA de 2,10 % comparée à l’assujettissement au taux réduit) est évalué à 250 millions d’euros en 2012 (par rapport au taux réduit de 7 %) et de 175 millions d’euros en 2013 et 2014 (par rapport au taux réduit de 5,5 %). Cet avantage fiscal représente la principale masse financière des aides à la presse avec l’aide au transport postal de la presse.

Son montant est en augmentation puisque le chiffrage pour 2013 est de 165 millions d’euros en 2013, 165 millions en 2014 et 170 millions en prévision pour 2015. Les 5 millions d’euros supplémentaires correspondent au surcoût évalué de l’extension à la presse en ligne en février 2014. Ils devraient être compensés dans les trois ans par les rentrées fiscales supplémentaires liées à l’effet d’entraînement sur le secteur.

b. L’extension à la presse en ligne

Le taux de TVA « super-réduit » aux services de presse en ligne a, en effet, été mis en œuvre dès le 1er février 2014 en France au lieu du taux de 20 % auparavant, en accord avec la position du Rapporteur spécial qui estime qu’un taux de TVA supérieur pour la presse numérique est une distorsion de concurrence dans un marché encore peu mature.

Ce taux de TVA fait toujours l’objet d’un contentieux avec la Commission européenne qui a décidé de saisir la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) après l’échec de plusieurs mises en demeure.

Le Gouvernement s’engage à continuer de mener des démarches de conviction en direction de la Commission européenne et de ses partenaires européens, pour faire évoluer la directive TVA afin d’assurer généralement une stricte neutralité fiscale entre biens culturels physiques et biens culturels fournis en ligne.

Cette extension concrétisée par la loi du 27 février 2014 était une mesure essentielle afin de consolider la place du numérique dans les aides à la presse et de ne pas créer de distorsions de concurrence.

2. Le décret du 23 juin 2014 : la réforme du Fonds stratégique de développement de la presse (FSDP)

Le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et au Fonds stratégique pour le développement de la presse a créé le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP). Il s’est substitué au Fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale et au Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne.

Le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 portant réforme des aides à la presse précise les nouvelles modalités de fonctionnement du fonds stratégique et les principes d’attribution des aides.

Le rapport sur les aides à la presse d’avril 2013 (7) affirme qu’il est nécessaire de faire du Fonds stratégique l’instrument central de la politique de l’État en faveur des éditeurs, afin d’accompagner de manière efficace les projets innovants et la mutualisation dont le secteur a besoin. Pour cela, le choix a été fait d’élargir son périmètre et de rénover sa gestion. L’objectif est d’insister sur l’aide aux innovations des acteurs de la presse, en prenant en compte l’importance croissante du numérique dans ce secteur. Une réorientation autour des projets des services de presse en ligne est déjà tangible.

Plusieurs évolutions organisationnelles ont donc vu le jour dans ce sens. Dans la modification de la gestion du fonds tout d’abord, plusieurs réformes :

– l’importance accrue accordée à l’innovation a conduit à une extension des missions du comité d’orientation du Fonds stratégique en lui confiant une mission officielle de veille technologique, économique et réglementaire qui deviendra un « Club des innovateurs ». Cela suppose un élargissement de la composition du comité d’orientation qui va s’ouvrir à des personnalités qualifiées (experts, technologues, économistes...). Ce comité permet d’apporter une vision neuve sur les projets portés ;

– initialement, le Fonds stratégique était composé de trois sections : l’une dédiée au soutien des opérations de mutation et de modernisation industrielles ; l’autre au soutien des projets de développement et d’innovations technologiques des services de presse en ligne ; la dernière consacrée aux projets de conquête de nouveaux lectorats. Le décret du 23 juin 2014 a décloisonné ces trois sections afin de mettre fin à la distinction entre presse écrite et presse numérique, et conforter ainsi le principe de neutralité technologique.

Par ailleurs, la priorité est donnée au soutien à l’innovation et aux projets mutualisés. Les taux bonifiés de 50 % sont désormais réservés aux projets présentant une innovation pour le secteur et, comme auparavant, aux projets collectifs. Par ailleurs, à la demande des entreprises de presse, il y aura une prise en compte des dépenses internes pour les projets de développement informatique.

Il est cependant important de souligner que parallèlement, les aides du Fonds stratégique se recentrent : le décret de juin 2014 réserve désormais le soutien aux publications de presse et service de presse en ligne d’information politique et générale, et assimilés (IPG). L’article 40 du décret prévoit la prolongation de l’éligibilité en 2014 et 2015 uniquement des services en ligne de presse technique, spécialisée, scientifique ou culturelle.

Le Rapporteur spécial regrette que le recentrage des aides à la presse, notamment sur le volet du développement numérique, se fasse au détriment de la presse « non IPG », déjà exclue de nombre de dispositifs de soutien. Ce point sera développé à l’occasion de l’analyse des crédits du programme Presse.

3. L’Agence France Presse à l’épreuve du changement

Les nouveaux modes de diffusion de l’information ont des conséquences lourdes pour l’AFP en termes d’investissements et d’organisation, afin de s’adapter à l’économie numérique et à la concurrence particulièrement accrue du web dans le domaine de la diffusion d’information.

L’année 2014 a vu le lancement de la plateforme AFP Forum. Cette plateforme est une réponse aux évolutions d’un marché en pleine mutation technologique. Elle regroupe sur un site unique l’ensemble de la production (textes, photos, vidéos, vidéographies, infographies) de l’agence, et sera également amenée à remplacer les anciennes offres mobilité proposées par l’AFP
– anciennement AFP Direct Pocket. AFP Forum comprendra donc une version mobile. La solution AFP Forum sera déployée au cours du dernier trimestre de l’année 2014 sur l’ensemble des clients de l’agence qui disposaient d’accès à Image Forum, Vidéo Forum et AFP Direct. Cette migration qui s’achèvera à la fin de l’année 2014 impactera près de 4 000 comptes, sur un périmètre de chiffre d’affaires annuel de 26 millions d’euros
.

Les contenus sont aussi en cours d’adaptation avec l’arrivée du système IRIS qui sera entièrement déployé en 2015. Il permettra de proposer aux clients de l’AFP des contenus qui seront dès l’origine multimédias et plus enrichis.

Étant donné la mise en place très récente de ces évolutions multimédia, il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de ces mutations sur les recettes et sur les audiences. Cependant il est à prévoir que cette évolution de l’offre permettra de mieux négocier le virage de la mutation numérique, si elle correspond aux attentes et aux besoins des clients de l’AFP.

Presstalis et son application Zeens en « mobile to store » : un exemple d’innovation numérique en mobilité pour la distribution.

La principale messagerie de presse souhaite, par le lancement de cette application en juin 2014, mettre le numérique au service des lecteurs et des diffuseurs de presse. Zeens est une application « mobile to store » basée sur la géolocalisation, téléchargeable gratuitement sur l’App Store ou Google Play. Le système du « web to store » signifie que la recherche s’effectue sur internet et l’achat dans un point de vente. L’objectif de ce projet est selon M. Patrick Goff, directeur marketing et développement de Presstalis, d’« inscrire la vente au numéro dans les modes actuels de consommation pour faire entrer le mobinaute dans le magasin, créer du trafic et vendre plus ».

Elle permet aux utilisateurs d’accéder à plusieurs types d’informations : découvrir en temps réel l’offre magazine du jour, géolocaliser le point de vente où le titre est disponible, être alerté de la disponibilité d’un titre, faire une recherche par thématique, connaître les promotions en cours… Il est envisageable qu’à termes, l’application puisse permettre également des services de préréservation. L’application est opérationnelle pour les magazines depuis juin et sera étendue aux quotidiens à partir d’octobre. Elle s’ouvre également aux encyclopédies.

Elle englobe aujourd’hui 3 000 titres et 27 000 points de vente.

III. LA POLITIQUE EN FAVEUR DU LIVRE ET DES INDUSTRIES CULTURELLES : RÉPONDRE AUX ENJEUX NORMATIFS ET TECHNOLOGIQUES DU NUMÉRIQUE

Ce troisième volet de la mission Médias, livre et industries culturelles est également confronté aux évolutions économiques et technologiques impliquées par le développement du numérique. L’adaptation et l’innovation demeurent des objectifs incontournables pour protéger ce secteur fragilisé mais essentiel à la vie culturelle de la France.

A. L’ÉVOLUTION DU CADRE NORMATIF : LE PRIX DU LIVRE DANS UN ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE

1. Un constat : la montée en puissance de la vente en ligne

La vente par internet s’est considérablement développée au cours de la dernière décennie, avec des taux de croissance à deux chiffres contrastant avec la relative stabilité des autres canaux, représentait au total 18 % des achats en valeur en 2013 (chiffre incluant les ventes internet des clubs de livres), contre 0,9 % treize ans plus tôt.

Les six opérateurs principaux qui ont porté ce développement (Amazon, Fnac, BOL, Alapage, France Loisirs et, dans une moindre mesure, Chapitre) ne sont aujourd’hui plus que quatre avec la fermeture rapide de BOL en 2001 et début 2012 celle d’Alapage, qui avait été racheté en 2009 par Rueducommerce à France Telecom. Amazon, la FNAC et France Loisirs concentrent à eux trois 80 % des ventes à distance.

Certaines librairies traditionnelles importantes ont également complété leur offre en magasin par des sites de vente en ligne (Dialogues, Ombres blanches, Sauramps, Gibert Joseph), mais leur audience reste limitée, à la fois parce que ces librairies ne disposent pas de ressources comparables à leurs grands concurrents et parce qu’elles ne pouvaient pas pratiquer le cumul du rabais de 5 % et de la livraison gratuite à domicile sans minimum d’achat, comme l’a fait Amazon de 2006 à juillet 2014.

2. L’encadrement des conditions de vente à distance : une réforme symbolique ?

La loi du 10 août 1981 relative au prix du livre constitue le pilier sur lequel s’est élaborée depuis plus de trente ans l’action du ministère de la Culture dans le secteur de l’économie du livre. Cette loi s’inscrit dans l’objectif de protection du réseau des librairies indépendantes.

Cependant, le développement du numérique dans les modes de consommation a également bouleversé l’économie du livre par le développement de la vente en ligne. Ce mode de vente a donné lieu à des pratiques commerciales consistant à ne pas facturer le montant des frais de livraison à domicile, viciant ainsi les équilibres qui président à la loi de 1981. Conjuguée avec l’application systématique du rabais de 5 % autorisé par la loi, cette pratique tendait à fragiliser le modèle économique des librairies indépendantes, qui supportent de surcroît des charges fiscales et financières supérieures aux opérateurs de la vente en ligne.

La loi du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres prévoit la suppression du rabais de 5 % et l’interdiction de la gratuité des frais de port.

Les grands opérateurs de vente à distance respectent les nouvelles dispositions et ont ainsi modifié le prix de vente de l’ensemble des livres vendus sur leurs sites en France, en l’alignant sur le prix public fixé par l’éditeur sans aucun rabais.

Il en est tout autrement de la gratuité totale de la livraison interdite par la loi. Faille volontaire ou contournement mal anticipé par le législateur et le Gouvernement, la loi surnommée « anti-Amazon » a été détournée de l’un de ses objectifs principaux en permettant à ladite entreprise de fixer légalement un prix de livraison à 1 centime d’euro. Si symboliquement la loi est respectée, il est évident que son impact économique et son objectif de rééquilibrage concurrentiel au profit des librairies en sont fortement affaiblis.

Le Gouvernement ne semble pas vouloir prendre de mesures afin d’encadrer davantage le prix de la livraison. Plusieurs arguments sont avancés pour défendre cette position :

– imposer la facturation de frais de port aux coûts réels avantagerait les acteurs de la vente en ligne les plus puissants au détriment des plus petits, moins aptes à négocier des contrats de gros avec les transporteurs. La diversité des opérateurs dans ce secteur aurait pu en être limitée, avec les inconvénients que l’on suppose pour le consommateur. Rappelons cependant que deux des six grands opérateurs de la vente en ligne ont fermé récemment (BOL et Alapage) et que trois acteurs concentrent quoiqu’il arrive 80 % des ventes ;

– une facturation plus élevée pour les opérateurs aurait augmenté inévitablement le coût du livre pour le consommateur et donc limité l’accès à la culture, notamment dans les zones où peu de librairies sont implantées (8).

Le Rapporteur spécial juge que ces raisons sont en contradiction avec les motifs initiaux de la loi. Il est en effet peu cohérent d’adopter une loi ayant comme objectif affiché la protection des librairies indépendantes et leur valorisation comme lieu d’accès à la culture, tout en refusant de modifier celle-ci en découvrant que les effets attendus ont été neutralisés. Ceci afin de défendre les intérêts du secteur de la vente en ligne – en contradiction d’avec l’objet même de la loi – et les intérêts du lecteur – si tant est que la facturation des frais de port soit un frein réel à l’accès de la culture. Cet accès serait en revanche incontestablement favorisé par l’implantation de nouvelles librairies dans les zones géographiques qui en sont privées grâce à une régulation efficace du marché.

Rappelons également que la loi doit avoir un caractère normatif avéré, et non « un objectif symbolique et pédagogique assumé » comme s’en réclame le ministère à propos de cette disposition (9).

Enfin, le Rapporteur spécial souhaite que ces mesures soient complétées par des dispositifs visant à rétablir la concurrence fiscale entre les entreprises étrangères de la vente à distance et les librairies indépendantes.

LaLibrairie.com : quand les librairies font le lien avec le web

Créé en 2000 par le grossiste Générale du livre, alors filiale de France Télécom, LaLibrairie.com est le plus ancien site de vente en ligne ayant associé des librairies physiques à son activité.

L’exploitation du site a été poursuivie et développé par Librest, le groupement de neuf librairies indépendantes de l’est parisien qui l’a racheté à la Générale du livre en 2009. LaLibrairie.com est un portail de vente en ligne, soutenu par le Centre national du livre et la région Île-de-France, offrant aujourd’hui l’accès à un catalogue de 800 000 titres. Les utilisateurs commandent et payent en ligne directement sur le site du portail à la suite de quoi l’ouvrage leur est livré gratuitement chez le libraire de leur choix parmi les 1 600 Points libraires français et belges du réseau.

Grâce à un accord signé en mars 2014 avec l’Union nationale des diffuseurs de presse, qui fédère 27 000 points de vente, le nombre de libraires partenaires devrait doubler voire tripler d’ici à la fin de l’année 2014. LaLibrairie.com dispose en outre d’une plateforme logistique avec un stock de près de 300 000 références. Depuis mai 2014, le distributeur de livres numériques Numilog met à la disposition de LaLibrairie.com une solution globale en marque blanche pour la commercialisation de livres numériques (l’offre actuelle, constituée essentiellement du catalogue Numilog, doit être élargie à d’autres distributeurs). La liseuse Cybook Odyssey Frontlight du fabricant Booken est en parallèle proposée à la vente sur le site de LaLibrairie.com.

En 2013, le chiffre d’affaires de Lalibrairie.com s’élevait à 200 000 euros.

3. La sécurisation et l’amélioration des lois de prix fixe de 1981 et 2011

La loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, qui a étendu au marché du livre numérique les principes inscrits dans la loi de 1981 en prohibant les pratiques de « rabais systématique », poursuit le même objectif : permettre à tous les détaillants d’accéder dans les mêmes conditions au marché de la distribution des livres numériques.

Dans un contexte de fort développement de la vente en ligne qui tend à fragiliser le secteur de la librairie indépendante, le ministère a souhaité renforcer le contrôle de l’application des lois de 1981 et de 2011 en proposant la création d’une instance de médiation, chargée de gérer les litiges pouvant survenir entre les acteurs de la chaîne du livre, et la nomination d’agents publics habilités à constater d’éventuelles infractions.

Ces deux dispositions ont été adoptées dans le cadre de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. Le décret n° 2014-936 du 19 août 2014 précise les conditions de nomination du Médiateur du livre et la procédure de médiation.

a. Les agents désignés par le ministère de la Culture pour veiller à l’application des lois de 1981 et 2011(articles 142 et 143 de la loi du 17 mars 2014)

Il existait en effet un vide juridique en matière de capacité pour l’administration à veiller à l’application de ces lois, alors même que les enjeux nationaux et internationaux liés à l’essor du commerce en ligne d’ouvrages imprimés ou du livre numérique rendent nécessaires ce contrôle renforcé. Cette mesure accroît donc les moyens de l’action publique au regard des sanctions pénales prévues pour les infractions aux lois en cause. Le décret d’application de ces nouvelles dispositions, qui viendra préciser les conditions d’habilitation des agents en cause, sera soumis au Conseil d’État à l’automne, après consultation du comité paritaire compétent pour le ministère de la Culture et de la communication.

b. L’instauration du Médiateur du livre (articles 144 de cette même loi)

Compte tenu à la fois de la lourdeur que peut représenter une action judiciaire pour un certain nombre d’acteurs et des liens souvent étroits qui unissent les différents maillons de la « chaîne du livre », un certain nombre de litiges ne trouvaient jusqu’à présent aucune solution. Cette situation permettait la perpétuation de pratiques douteuses au regard des dispositions des lois en cause, sans qu’un juge n’ait été amené à trancher.

En particulier, si peu d’ambiguïtés demeuraient sur la manière dont la loi de 1981 devait être appliquée dans l’activité traditionnelle de vente en boutique, le développement du commerce en ligne a fait émerger un certain nombre de questions qui restent pendantes. Le Médiateur du livre est ainsi une instance de conciliation pré-juridictionnelle obligatoire en matière civile dont la vocation est à la fois de résoudre des litiges et de proposer une amélioration des pratiques des différents opérateurs au regard de l’esprit des lois sur lesquelles est fondée sa compétence. Le décret n° 2014-936 du 19 août 2014 relatif au Médiateur du livre est venu préciser les dispositions de la loi quant aux conditions de sa nomination et au déroulement de la procédure de conciliation. Le 5 septembre 2014, Mme Laurence Engel, conseillère maître à la Cour des comptes, a été nommée par décret récent Médiatrice du livre.

Le Rapporteur spécial se félicite de ces mesures concrètes en faveur du dialogue et d’une régulation améliorée du secteur. L’efficacité de ces nouvelles procédures et instances devra être évaluée à moyen terme afin d’en mesurer les effets concrets pour les acteurs concernés.

B. LE NUMÉRIQUE AU SERVICE DE LA CONSERVATION DU PATRIMOINE CULTUREL DE LA FRANCE

1. La bibliothèque numérique « Gallica » réalisée par la Bibliothèque nationale de France (BNF)

La BNF a engagé des programmes de numérisation importants, soit dans ses trois ateliers internes (Tolbiac, Richelieu, Sablé-sur-Sarthe) depuis 2005, soit en externe, par le biais de marchés, depuis une douzaine d’années. L’une des grandes priorités stratégique de son contrat de performance signé en 2014 est en effet de « garantir l’accès aux collections nationales, aujourd’hui et demain »

Ces programmes alimentent la bibliothèque numérique Gallica qui a atteint en juin 2014 plus de 3 millions de documents (livres, manuscrits, cartes, images, presse et revues, documents sonores...), soit 800 000 de plus qu’il y a un an, ainsi que Gallica intramuros, version disponible seulement dans les salles de lecture de recherche de la BNF, qui compte 3,3 millions de documents, soit un million de plus qu’il y a un an.

Le financement de Gallica est issu de diverses sources : le Centre national du livre (CNL) à hauteur de 74 % et la BNF à hauteur de 26 % constitue les principaux financeurs. À cela s’ajoutent les programmes européens à hauteur 1,4 % pour un total de 7,3 millions d’euros en 2013.

Des partenariats ont également été passés avec des acteurs privés étrangers. Les deux premiers ont été signés fin 2012 par la société BNF-Partenariats, filiale créée en 2012 en vue de la valorisation du patrimoine numérique de la BNF dans le cadre des investissements d’avenir : l’un, concernant le livre ancien, avec l’éditeur américain ProQuest, et l’autre, portant sur les collections sonores, avec les sociétés Memnon Archiving Services et Believe Digital.

Enfin, 2014 sera la première année de numérisation de livres indisponibles du XXe siècle. Ce programme, rendu possible par la loi du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle, est mené dans le cadre d’un partenariat entre la BNF et la société FeniXX, une société créée à cet effet par les éditeurs et filiale du Cercle de la librairie). La BNF bénéficie d’une subvention du Centre national du livre d’un montant de 9 millions d’euros sur cinq ans pour assurer la numérisation en mode image de 200 000 livres de ce corpus.

2. Le plan de sauvegarde et de numérisation du patrimoine piloté par l’Institut national de l’audiovisuel (INA)

Le plan « initial » de sauvegarde et de numérisation des fonds menacés de dégradation physicochimique (PSN), lancé en 1999, était basé sur les données de l’audit VERITAS de fin 2002 visant à établir les volumes menacés sur les supports anciens et à en estimer les coûts. Des travaux d’inventaire massif et le développement d’outils informatiques améliorant fortement la connaissance des fonds et de leur état ont permis de réévaluer le volume des fonds restant à sauvegarder et d’identifier des risques de dégradation apparus après l’expertise VERITAS. Ce périmètre initial se composait de 335 700 heures de télévision et de 442 608 heures de radio.

Le budget initial d’investissement relatif aux prestations externes d’un montant de 5,1 millions d’euros a été consommé à hauteur de 5,4 millions d’euros soit une réalisation à 99 % : le budget du PSN « périmètre initial » et Fonds photographique d’un montant de 4,8 millions d’euros a été légèrement dépassé. Le budget de 0,3 million d’euros sur les opérations hors périmètre initial est réalisé à hauteur de 69 %.

3. Un enjeu saisi par l’Union européenne mais qui a donné lieu à des dérives

Le 2 octobre 2014, la Commission européenne a présenté deux rapports sur « la mise en ligne des trésors culturels de l’Europe » : l’un sur les moyens de numériser et de préserver la culture en ligne, l’autre sur la seconde vie du patrimoine cinématographique. Ce sujet est un projet européen de grande ampleur, quand on sait que seule une fraction des collections européennes a fait l’objet d’une numérisation à ce jour (12 % en moyenne pour les bibliothèques nationales et 3 % pour les films).

La bibliothèque numérique européenne Europeana a été inaugurée en novembre 2008 et son développement a été confié à une fondation néerlandaise. Europeana propose à la consultation environ 30 millions de documents à ce jour (livres, journaux, peintures, documents audiovisuels).

Les contenus proposés par la France, principalement à travers la bibliothèque numérique Gallica, le portail Collections du ministère de la Culture et de la communication et le site de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), représentent actuellement 10,8 % des documents accessibles via Europeana, ce qui en fait avec l’Allemagne (15 %) l’un des premiers contributeurs du portail. M. Bruno Racine, président de la BNF, est également président de la Fondation Europeana depuis 2011. Désormais 2 300 institutions culturelles européennes participent à Europeana, mais avec des degrés d’implication et des offres de contenus extrêmement inégaux.

La mise en place de ce portail s’affirme comme une réponse européenne au projet Google Books lancé aux États-Unis fin 2004. Cependant, les partenariats conclus entre Google et les bibliothèques nationales européennes ont créé de nombreuses polémiques et contentieux qui ne sont pas encore éteints. Le rapport de M. Marc Teissier (10) rendu public en janvier 2010, avait tenté d’apporter des solutions pour sécuriser ces accords et mettre fin à des pratiques contractuelles douteuses (clause de confidentialité, clause d’exclusivité, récupération à titre gratuit par Google de métadonnées ayant une valeur réelle, partenariat public-privé à durée illimitée, etc.). Les restrictions pointées par la commission présidée par M. Marc Teissier semblent en grande partie ne pas avoir été remises en cause depuis.

Ces dérives soulignent l’insuffisance de la réponse que constitue Europeana et les difficultés de la Commission européenne à convaincre la plupart des États-membres à s’engager dans le financement de la numérisation que Bruxelles ne peut suffisamment assumer financièrement au nom du principe de subsidiarité.

C. LA PROTECTION DES œUVRES SUR INTERNET : LE QUESTIONNEMENT AUTOUR DE L’AVENIR DE LA HADOPI

La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) s’inscrit parmi les opérateurs indissociables de la prise de conscience des possibles dérives du « tout internet ». Cependant, elle se trouve aujourd’hui dans une situation financière critique qui pose la question de son avenir, et de l’avenir de ses missions.

En 2015, 6 millions d’euros de crédits sont ouverts au bénéfice de la HADOPI comme en LFI 2014. Sur le plafond d’emplois de 71 ETPT, 61 seulement sont occupés faute de moyens.

Le budget de la HADOPI n’a cessé de diminuer avant de stabiliser à 6 millions d’euros : 11 millions d’euros lui étaient dévolus en 2012 contre 8 millions d’euros en 2013, avant de tomber à 6 millions d’euros en 2014 et pour 2015. L’année 2015 représente cependant un tournant, car le fonds de roulement de la HADOPI est désormais insuffisant pour assurer l’ensemble de ses missions.

Avec un fonds de roulement en chute libre maintenu à 3,1 millions d’euros en fin d’exercice 2014 et un seuil de prudence à environ 2,2 millions d’euros, l’institution ne pourra procéder qu’à un nouveau prélèvement très insuffisant d’environ 1 million d’euros pour 2015. Une diminution de 20 % des effectifs (12 agents) est prévue dans le cas d’un maintien de la subvention à 6 millions d’euros, concomitamment à une diminution de 50 % des crédits destinés à la mission d’encouragement au développement de l’offre légale et de 25 % de ceux destinés à la réponse graduée et observations d’usage.

Selon la direction de la HADOPI, pour maintenir la conduite des missions, même réduites, la dotation devrait être augmentée de 1,5 million d’euros, ajouté au prélèvement sur le fonds de roulement. Le budget 2015 confirme donc la volonté explicite du Gouvernement de recentrer les missions légales de la HADOPI sur la gestion unique du dispositif de réponse graduée.

Concernant ses autres missions (travaux de recherche, ateliers jeunes publics, prestations de mesures directes…), et notamment celles en faveur de la promotion des offres légales qui constitue le complément incontournable de la réponse graduée, une décision doit être clairement prise par le Gouvernement : si ces missions demeurent dans le giron de la HADOPI, elles doivent faire l’objet d’un financement adéquat permettant leur réalisation. Dans le cas contraire, celles-ci doivent être transférées au plus vite au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), décision également cohérente au regard du champ de compétences de ce dernier.

Le Rapporteur spécial ne se prononce pas sur la préférence de l’une ou de l’autre des solutions, mais en faveur du maintien des politiques de promotion financière de l’offre légale qui ont fait la preuve de leur efficacité. L’asphyxie financière progressive de l’HADOPI afin de recentrer son action sur la réponse graduée n’est pas une solution tenable et porte préjudice à l’ensemble des missions.

*

* *

CHAPITRE II : LA MISSION MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES PARTICIPE À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES MAIS CONSERVE DES OBJECTIFS AMBITIEUX

I. UNE BAISSE GLOBALE DES CRÉDITS SUR L’ENSEMBLE DE LA MISSION POUR 2015, COMPENSÉE EN PARTIE PAR UNE HAUSSE DE LEUR PART DE CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC

Les crédits budgétaires de la mission présentent une baisse globale de 17,1 % en autorisations d’engagement (AE) et de 12 % en crédits de paiement (CP). Le tableau ci-après présente les évolutions sur les trois programmes de la mission :

(en millions d’euros)

 

LFI 2014

PAP 2015

Écart LFI 2014/PAP 2015

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 180 Presse

257,1

257,1

256,3

256,3

– 0,3 %

– 0,3 %

Programme 334 Livre et industrie culturelle

315,6

261,8

271,5

268,5

– 14,0 %

2,6 %

Programme 313 Contribution à l’audiovisuel public et à la diversité radiophonique

141,7

141,7

189,4

189,4

33,7 %

33,7 %

Programme 115 Action audiovisuelle extérieure

150,6

150,6

       

TOTAL Mission

865

811,2

717,2

714,2

– 17,1 %

– 12,0 %

Source : PAP 2015.

Cependant, cette baisse est à nuancer au regard des changements de périmètres induits par un rééquilibrage des financements entre dotations budgétaires et subventions au titre de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) réparties dans le compte de concours financiers correspondant.

Comme évoqué dans l’introduction, le programme 115 qui regroupait en 2014 les crédits destinés aux deux opérateurs de l’audiovisuel extérieur a disparu. Ce programme retraçait, jusqu’en 2014, les crédits budgétaires alloués aux sociétés France Médias Monde (FMM) et TV5 Monde, ainsi qu’à la radio franco marocaine Médi1 via la Compagnie internationale de radio et de télévisions (CIRT), les crédits en faveur de FMM et de TV5 Monde étant complétés par des crédits issus des recettes de la contribution à l’audiovisuel public. À compter de 2015, les sociétés FMM et TV5 Monde seront financées intégralement sur les crédits du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, au travers de deux programmes distincts, le programme 844 existant renommé France Médias Monde et le programme 847 TV5 Monde, nouvellement créé. Les crédits alloués à la CIRT seront rattachés au programme 334 Livre et industries culturelles à compter de 2016, aucun crédit n’étant budgété pour cette ligne de dépense en 2015.

Ainsi, hors programme 115, les crédits budgétaires de la mission ont en réalité augmenté de 0,4 % en AE et de 8,1 % en CP. Cette hausse doit être nuancée à son tour puisqu’elle est induite par une augmentation de 42,5 % des crédits budgétaires en faveur de France Télévision, elle-même équilibrée par une baisse du montant de CAP qui est attribué au groupe.

En neutralisant ces différents changements de périmètre et à dotations budgétaires égales entre 2014 et 2015 pour France Télévisions, les crédits de la mission baissent de 6,9 % en AE mais augmentent de 0,9 % en CP. Ceci correspond plus justement à la volonté de stabiliser le budget du ministère de la Culture et de la communication après deux années de baisse consécutive.

Le rapporteur spécial se félicite que la mission Médias, livre et industries culturelles participe de manière active à l’effort de maîtrise des dépenses publiques tout en conservant un budget jugé suffisant pour mener à bien ses objectifs.

II. PROGRAMME 180 : LES AIDES À LA PRESSE EN LÉGÈRE DIMINUTION

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 180 SONT EN BAISSE DE 0,34 %

Le tableau ci-après présente la répartition des crédits du programme Presse comme demandés dans le projet de loi de finances pour 2015 :

(en millions d’euros)

Actions

LFI 2014

PLF 2015

Écart 2014/2015

AE

CP

AE

CP

AE

CP

1 : Relations financières avec l’AFP

123

123

126,1

126,1

2,5 %

2,5 %

2 : Aides à la presse

134,1

134,1

130,1

130,1

– 3,0 %

– 3,0 %

TOTAL 2015

257,1

257,1

256,2

256,2

– 0,4 %

– 0,4 %

Source : PAP 2015.

Cette répartition révèle la volonté du Gouvernement de consentir à un effort particulier en faveur de l’Agence France Presse (AFP), cette agence connaissant dans le même temps de nombreuses évolutions dans son mode de gestion et son financement.

La baisse des dotations budgétaires en faveur de la presse s’accompagne quant à elle d’une rénovation importante du système des aides en 2014, censée favoriser un meilleur ciblage et une plus grande efficacité des dispositifs dans un environnement numérique et concurrentiel.

B. LA RESTRUCTURATION DU FINANCEMENT DE L’AFP DANS LE CADRE DE SON NOUVEAU CONTRAT D’OBJECTIFS ET DE MOYENS POUR 2015-2018

1. Une dotation en hausse de 2 millions d’euros mais une situation financière qui demeure sous tension

Le projet de loi de finances prévoit pour 2015 une hausse de 2 millions d’euros de la dotation pour atteindre 125 millions d’euros, auxquels s’ajoute le transfert des abonnements de l’État pour un montant de 1,39 million d’euros. L’effort en faveur de l’AFP sera poursuivi, selon le Gouvernement, à hauteur de 0,8 million d’euros en 2016 et de 0,4 million en 2017.

Pour l’année 2013 le chiffre d’affaires de l’agence s’est établi à 282,9 millions d’euros, en très légère progression par rapport à 2012.

Le contexte de crise a détérioré la situation financière de l’AFP. Le plan d’affaires 2009-2013 prévoyait une croissance moyenne annuelle du chiffre d’affaires de 4,7 %. Cette perspective a été invalidée par la crise avec finalement une baisse de 0,1 %. Dès lors, les charges ont dû être maîtrisées plus que prévu. Pour les années 2014 à 2018, l’ambition de l’AFP est d’atteindre une croissance du chiffre d’affaires commercial de l’ordre de 2 % à 2,5 % en moyenne annuelle.

Par ailleurs, depuis 2009, les produits de l’agence ont progressé de 0,6 % en moyenne annuelle à taux de changes constant, moins vite que les charges (hausse de 1,6 %). Cet effet ciseau a détérioré la marge d’exploitation qui est maintenant inférieure à 5 % du chiffre d’affaires. Or, l’AFP doit disposer d’une marge d’exploitation comprise entre 7 et 10 % pour financer les investissements indispensables à son développement (en moyenne 13,5 millions d’euros par an sur cinq ans) et réduire sa dette. Il est donc impératif que les charges de l’AFP ne dépassent pas une progression de 1 % par an, tout en réalisant les objectifs ambitieux de son futur contrat d’objectifs et de moyens (COM) dont le contenu est en cours de négociation.

2. Les objectifs du prochain contrat d’objectifs et de moyens 2014-2018 entrant en vigueur le 1er janvier 2015

Dès 2015, le versement sera distingué entre d’une part le paiement des abonnements commerciaux de la dotation de l’État et d’autre part, la compensation des missions d’intérêt général de l’agence énumérées dans la loi du 13 janvier 1957 portant statut de l’AFP, afin de se mettre en conformité avec le droit européen relatif aux aides d’État.

Le COM étant en cours de finalisation, les crédits présentés en projet de loi de finances pour 2015 constituent le montant maximal susceptible d’être versé à l’AFP, à partir de la compensation estimée des missions d’intérêt général et sur le paiement estimés des abonnements. Les abonnements ont représenté un versement de 115,4 millions d’euros en 2011, 117,9 millions d’euros en 2012 et 119,6 millions d’euros en 2013.

Par ailleurs, la création d’une filiale technique afin de créer une autre source de financement à partir du 1er janvier 2015, permettrait de réaliser environ 34 millions d’euros d’investissements. L’AFP apporterait à cette filiale technique son seul actif, le nouveau système d’exploitation "Iris". Cette filiale contracterait des prêts auprès de la Caisses des dépôts et consignation et de la Banque publique d’investissements (BPI), l’hypothèse d’un apport en capital par la Caisse des dépôts comme proposé dans le rapport de M. Françaix sur l’Avenir de l’AFP semblant avoir été écartée.

Enfin, la proposition de loi déposée par MM. Bruno Leroux et Michel Françaix (11), auteur du rapport sur l’AFP remis au Premier Ministre en avril 2014, propose une nouvelle réforme de la gouvernance de l’agence en faisant notamment entrer au conseil d’administration des personnes qualifiées, en réduisant la représentation des éditeurs de presse et en allongeant le mandat de son président.

III. LA RÉFORME DES AIDES À LA PRESSE : DES DISPOSITIFS MIEUX CIBLÉS MAIS PEU ÉQUITABLES POUR LA PRESSE QUI N’EST PAS D’INFORMATION GÉNÉRALE ET POLITIQUE

1. Perspectives budgétaires des aides directes à la presse pour 2015 : une baisse de 3 %

a. La réforme du Fonds stratégique de développement de la presse (FSDP)

Le Fonds stratégique est doté de 30,45 millions d’euros en projet de loi de finances pour 2015, contre 30,95 millions en loi de finances initiale pour 2014. La légère économie se fera par le biais de la rationalisation des aides.

Comme évoqué plus tôt dans le rapport, le décret du 23 juin 2014 portant réforme des aides à la presse précise les nouvelles modalités de fonctionnement du Fonds stratégique et les principes d’attribution des aides. Au-delà d’une politique en faveur de l’innovation, d’autres dispositifs sont également modifiés. Un autre axe important de la réforme est également l’incitation à la mutualisation, les projets présentés par un éditeur isolé étant destinés à être moins soutenus par les aides publiques. Ainsi, pour chaque projet individuel, la subvention est plafonnée à 30 % des dépenses éligibles, et l’avance remboursable à 40 %. Pour les projets collectifs ou représentant une innovation, les plafonnements sont portés respectivement à 50 % et 60 %.

Le recentrage sur la presse d’information politique et générale (IPG) s’accentuera avec la suppression en 2016 de l’éligibilité des seuls services de presse « non IPG » qui en bénéficie actuellement, à savoir les services de presse en ligne. Le Fonds stratégique a par ailleurs étendu le bénéfice de la section dédiée aux investissements industriels aux entreprises de presse éditrices d’au moins une publication quotidienne apportant régulièrement des informations et commentaires sur l’actualité de l’ensemble des disciplines sportives, ainsi qu’à la presse quotidienne gratuite d’information politique et générale pour la part des tirages concernés confiée à une imprimerie de presse.

b. La baisse des aides directes concerne en premier lieu les aides à la modernisation mais sans incidence pour les dispositifs en place

Les aides directes à la presse se divisent en trois catégories distinctes :

Les aides à la diffusion : en raison du transfert de l’aide au transport postal de la presse vers le programme 134, les aides à la diffusion recouvrent désormais l’aide au portage de la presse, réformée par le décret du 24 septembre 2014, afin d’éviter l’effet d’aubaine qu’il a pu représenter pour certains éditeurs les aides au flux et aides aux stocks qui existaient jusqu’en 2014. Les deux sections du dispositif sont désormais fonction d’une part du taux de progression du nombre d’abonnés portés entre les années n-1 et n, et d’autre en fonction de la progression du taux de portage multi-titres entre n-2 et n.

Le rapporteur spécial se félicite de cette incitation à la mutualisation qu’il appelait de ses vœux dans son précédent rapport. Cette aide n’a cessé de monter en puissance : elle représentait 8,25 millions d’euros en 2009 pour atteindre 36 millions d’euros en 2015. Une réflexion est aujourd’hui ouverte sur la complémentarité des différents modes de diffusion, et doit être menée avec l’ensemble des acteurs.

Les aides à la diffusion comprennent également les exonérations des charges patronales pour les vendeurs-colporteurs de presse.

Les aides au pluralisme : il s’agit de l’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires, de l’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces et de l’aide à la presse hebdomadaire régionale et locale. Le tableau suivant indique la répartition entre les titres du fonds d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires en 2012 (12) :

Les aides à la modernisation : elles comprennent d’abord l’aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale mise en place en 2004. Il s’agit principalement de dispositifs de cessation d’activité pour les salariés sous condition d’âge. Il s’agit ensuite de l’aide à la distribution de la presse qui est assurée par une seule société de messagerie, Presstalis. La troisième aide vise la modernisation des diffuseurs de presse. Enfin les aides à la modernisation financent le Fonds stratégique pour le développement de la presse.

Le Rapporteur spécial tient également à saluer la décision du Conseil supérieur des messageries de presse du 1er juillet 2014 instituant une hausse des rémunérations des diffuseurs de presse pour un montant de 2,1 millions d’euros. Jusqu’ici parmi les plus faibles d’Europe à environ 17,7 %, celles-ci seront désormais majorées de 2,5 points sur trois ans, pour atteindre jusqu’à 20,2 % du prix des ventes. Cette mesure permettra de maintenir ces services commerciaux de proximité, vecteur de vitalité des territoires, et de faciliter à termes leur modernisation et leur adaptation dans ce contexte difficile pour la presse écrite.

Le tableau suivant récapitule le montant des crédits en faveur des aides à la presse demandés pour 2015 :

(en millions d’euros)

Aides à la presse

crédits 2015

Part de l’aide/total des crédits

Sous-action 1 : "Aide à la diffusion"

58,5

45 %

Aide au portage de la presse

36

28 %

Exonération de charges pour les vendeurs-colporteurs

22,5

17 %

Sous action 2 : "Aide au pluralisme "

11,5

9 %

Aide aux quotidiens nationaux d’IPG à faibles ressources publicitaires

8,7

7 %

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’IPG à faibles ressources de petites annonces

1,4

1 %

Aide à la presse hebdomadaire régionale

1,4

1 %

Sous-action 3 : "Aide à la modernisation"

60,1

46 %

Aide à la modernisation sociale de presse IPG

7

5 %

Aide à la modernisation de la distribution de la presse

18,9

15 %

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

3,8

3 %

Fonds stratégique pour le développement de la presse

30,4

23 %

TOTAL 

130,1

 

Source : PAP 2015.

Les aides à la diffusion augmentent de 1,03 million d’euros par rapport à 2014, les aides au pluralisme demeurent stables par rapport à l’année précédente et les aides à la modernisation diminuent de 6,2 millions d’euros. Cette baisse s’explique en réalité par la forte décroissance de l’aide à la modernisation sociale de la presse induite par la chute du nombre de bénéficiaires, compte tenu des départs à la retraite. Cette baisse est donc sans incidence pour le volume, le montant et la qualité des aides.

Concernant les messageries de presse, la proposition de loi déposée par MM. Bruno Leroux et Michel Françaix (13) relative à la modernisation de la presse prévoit par ailleurs de faire évoluer le système des messageries en étendant les compétences du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) : la proposition prévoit que celui-ci détermine les conditions dans lesquelles les éditeurs de presse peuvent assurer, en dehors du système des messageries, le transport des publications sur des zones géographiques déterminées, correspondant au « dernier kilomètre », et clarifie la faculté du Conseil supérieur de faire obstacle aux décisions des messageries qui fragilisent le caractère coopératif ou l’équilibre financier du système de distribution de la presse dans son ensemble. Compétence est donnée au Conseil supérieur pour définir les bonnes pratiques concernant les conditions d’exercice de la profession des agents de la vente de presse et en particulier les vendeurs colporteurs de presse. En outre, il ouvre la faculté de créer une société commune de moyens entre messageries de presse.

Le Rapporteur spécial soutient cette initiative parlementaire visant à rationaliser le système de distribution de la presse, qui demeure un enjeu majeur pour le secteur, et à réguler l’activité des messageries de presse.

2. Les aides à la distribution hors programme 180

a. La fin de l’aide au transport ferroviaire en 2014

L’aide à la SNCF relative à la compensation de la réduction du tarif pour le transport de presse a été supprimée par la loi de finances pour 2014.

Pour la SNCF, la suppression de l’aide a eu des conséquences certaines, quoiqu’encore difficilement évaluable par l’entreprise à cette époque de l’année, notamment par une hausse sensible de la tarification auprès des clients de la SNCF que l’entreprise va devoir étaler dans le temps, également sur la baisse des volumes remis par les clients de la SNCF et sur la réduction de son offre. Une fois l’exercice 2014 clos, la SNCF réalisera une analyse plus complète de l’impact de cette mesure pour elle-même et pour les entreprises de presse, avec une évaluation plus fine des conséquences à plus long terme sur ses activités.

Pour les entreprises de presse, l’évaluation de la suppression de cette aide n’a pas été réalisée, mais aucune situation difficile n’a été signalée jusqu’à aujourd’hui.

b. L’aide au transport postal

L’aide au transport postal est désormais entièrement intégrée au programme 134 Développement des entreprises de la mission Économie et n’est plus pris en compte dans la présentation des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles. Au terme des accords Schwartz 2009-2015, la contribution de l’État pour la dernière année de ces accords devait être de 180 millions d’euros. Cependant, comme cela avait été le cas en 2014, le montant de la contribution de l’État est diminué de 50 millions d’euros par rapport au niveau fixé dans les accords de 2008 : elle est ramenée à 130 millions d’euros pour 2015 au lieu de 150 millions d’euros en 2014 et 200 millions d’euros en 2013. La baisse de la subvention publique a vocation à être compensée plus que proportionnellement par le montant du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) qui s’élève pour la Poste à 300 millions d’euros.

À cela s’ajoute le surcoût lié à l’atténuation, pour la presse d’information générale et politique, de l’impact de la sortie du moratoire sur l’augmentation des tarifs postaux mis en place en 2009. Pour rappel, dans le cadre de l’aide au transport postal, la presse d’information politique et générale bénéficie d’un tarif préférentiel par rapport à celui appliqué à la presse non IPG. Le prix payé par la presse d’information politique et générale à faible ressource représente en effet la proportion du coût réel du transport la plus faible, suivi ensuite par le prix appliqué à l’ensemble de la presse IPG et enfin par celui de la presse non IPG qui représente deux tiers du coût réel.

Le Rapporteur spécial attend avec intérêt le rapport de M. Alexandre Jevakhoff relatif à la complémentarité des modes de distribution (portage, postage, vente au numéro, auxquels il faudrait ajouter la diffusion numérique), dont la date de publication ne cesse d’être différée. Cette question se pose en effet avec une particulière acuité, afin d’optimiser les circuits et d’alléger les coûts supportés par la Poste. Celle-ci devra à termes recentrer sa mission de service public en concentrant le postage de la presse sur les zones urbaines peu denses.

3. Les aides fiscales en hausse de 5 millions du fait de l’extension à la presse en ligne du taux « super-réduit » de TVA

Objet de la mesure

2013

2014

2015

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme de manière principale

Taux de 2,1 % applicable aux publications de presse

165

165

170

Réduction d’impôt pour souscription au capital des sociétés de presse

1

-

-

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse

2

2

2

Total pour le programme

168

167

172

Dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme de manière subsidiaire

Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif

1

1

1

Source : PAP 2015.

Le Rapporteur spécial se félicite de l’application du taux de TVA à 2,1 % pour la presse en ligne, comme évoqué dans la première partie du rapport. Cette aide s’applique de manière égale à la presse d’information politique et générale et aux autres types de presse.

4. Le ciblage des aides sur la presse d’information politique et générale : vers une distorsion de concurrence préjudiciable pour le développement numérique

Le Rapporteur spécial regrette que le dispositif global des aides à la presse tende de manière croissante vers un ciblage, pourtant déjà très marqué, du soutien en faveur de la presse d’information politique et générale papier ou en ligne. C’est en effet le cas de la majorité des aides directes (aides au pluralisme, aide à la modernisation sociale, Fonds stratégique de développement de la presse), mais également des aides fiscales, hormis le taux réduit de TVA qui constitue une aide générale à la presse. Ce type de presse bénéficie de surcroît de dispositifs issus de l’initiative privée, comme par exemple le Fonds Google
– AIPG pour l’Innovation Numérique de la presse créé en 2013. Cette asymétrie risque donc d’être accentuée dans un environnement toujours plus numérisé.

Cela est d’autant plus problématique que l’insuffisant cadrage de la notion d’information politique et générale peut être source de distorsions de concurrences appliquées à des produits pourtant identiques. Cette question se pose particulièrement pour les suppléments, hors-séries ou numéros exceptionnels assimilés à la presse politique dont ils dépendent, mais qui s’apparentent dans leur contenu à de la presse spécialisée. Le Rapporteur spécial appelle donc à une clarification de cette notion et à une vigilance renforcée sur les contenus diffusés par la presse dite d’information politique et générale. Cette attention devra être renforcée à partir de 2016 pour les sites en ligne, quand les sites de presse spécialisée ne seront plus éligibles au Fonds stratégique.

Les raisons de ce ciblage sont d’autant moins justifiées que dans le cadre de son enquête Presse, la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) souligne que la presse d’information politique et générale, nationale comme locale, accuse une baisse moins sensible de sa diffusion que l’ensemble de la presse : l’indice passe d’une base 100 en 2000 à 81,5 en 2012 pour la presse nationale et 83,1 pour la presse locale, alors que l’indice d’ensemble tombe quant à lui à 69,3 la même année. La presse spécialisée grand public tombe quant à elle à 69,2 en 2012, et la presse technique à 55,1 sous l’effet croissant de la concurrence des services de presse en ligne sur les volumes imprimés.

Le Rapporteur spécial se félicite donc qu’un groupe de travail piloté par Jean-François Mary, président de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), soit créé afin de réfléchir sur la redéfinition de la notion d’information politique et générale.

IV. PROGRAMME 334 : LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

A. DES CRÉDITS EN BAISSE EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET EN HAUSSE EN CRÉDITS DE PAIEMENT : DES MARGES DE MANœUVRE QUI DEMEURENT SATISFAISANTES

Le tableau suivant récapitule les crédits demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 pour le programme 334 :

Actions

LFI 2014

PLF 2015

Écart

AE

CP

AE

CP

AE

CP

1 : Livre et lecture

305,1

251,3

261,2

258,2

– 14,4 %

2,7 %

2 : Industries culturelles

10,5

10,5

10,3

10,3

– 1,9 %

– 1,9 %

TOTAL 2015

315,6

261,8

271,5

268,5

– 14,0 %

2,6 %

Source : PAP 2015.

B. LE FINANCEMENT PUBLIC DE LA POLITIQUE DU LIVRE ET DE LA LECTURE

Dans le projet de loi de finances pour 2015, près de 261,2 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 258,2 millions d’euros en crédits de paiement (CP) sont alloués au soutien au livre et à la lecture. Les autorisations d’engagement sont en baisse de 14,4 % suite à la forte augmentation de celles-ci entre 2013 et 2014 (hausse de 23,3 %), tandis que les crédits de paiement augmentent de 2,7 %. Une grande part des augmentations d’autorisations d’engagement en 2014 était dédiée aux dépenses d’investissement pour la mise en sécurité du quadrilatère Richelieu de la BNF. Les autorisations d’engagement représentent seulement 6,2 millions pour 2015, et seront inférieures à 1 million d’euros l’année suivante.

La politique du livre et de la lecture est largement prise en charge par les trois opérateurs du programme que sont la Bibliothèque nationale de France (BNF), la Bibliothèque publique d’information (BPI) et le Centre national du livre (CNL). Aussi, les crédits inscrits à ce titre ont-ils d’abord vocation à financer les subventions pour charges de service public attribuées à ces institutions. Ces charges sont stables entre la LFI 2014 et le PLF 2015. Il s’agit donc essentiellement de dépenses de fonctionnement de ces établissements publics.

L’année 2014 a marqué une nouvelle étape dans le renforcement des aides en faveur des librairies, avec un renforcement de 11 millions d’euros en faveur du secteur, dont 2 millions pour le Centre national du livre (CNL). Deux fonds sont désormais dédiés au soutien économique des librairies :

– un Fonds d’intervention en trésorerie réservé aux librairies indépendantes a été créé, à compter du 1er janvier 2014, à l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). Doté de 5 millions d’euros et destiné à consentir des avances de trésorerie de court terme, il devrait ainsi permettre de pallier le désengagement du secteur bancaire en matière de financement de ces commerces.

– Le Fonds de soutien à la transmission des librairies créé par le ministère de la Culture et de la communication en 2008 et géré par l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC), a également été renforcé de 4 millions d’euros supplémentaires. Cette nouvelle dotation doit permettre à l’ADELC de répondre à l’augmentation attendue du nombre de transmissions de librairies dans les années qui viennent, en raison du renouvellement générationnel des responsables de plusieurs grandes librairies indépendantes.

Dans le projet de loi de finances pour 2015, 18,7 millions d’euros sont destinés aux dépenses en faveur de la sous-action Edition, librairie et professions du livre.

C. LE SOUTIEN PUBLIC AUX INDUSTRIES CULTURELLES

Dans le projet de loi de finances pour 2015, 10,3 millions d’euros sont destinés au soutien aux industries culturelles contre 10,4 millions d’euros en 2014, soit une quasi stabilisation des crédits.

Ces crédits financent le soutien dans le domaine de la musique enregistrée (1,7 million d’euros), le soutien dans le domaine du cinéma (2,6 millions d’euros) et le budget de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) qui passe de 11 millions d’euros en 2012 à 8 millions d’euros en 2013 et à 6 millions d’euros en 2014 et 2015, comme évoqué dans la première partie du rapport.

V. PROGRAMME 313 : CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC ET À LA DIVERSITÉ RADIOPHONIQUE

A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE FRANCE TÉLÉVISIONS EN HAUSSE DE 42,3 % MAIS UNE DOTATION GLOBALE EN BAISSE DE 0,5 % : UN AFFICHAGE POLITIQUE PEU LISIBLE

Les crédits du programme 313 proposés dans le projet de loi de finances pour 2015 se divisent comme suit, en comparaison avec les crédits votés en loi de finance initiale pour 2014 :

Actions

LFI 2014

PLF 2015

Écart

AE

CP

AE

CP

AE

CP

1 : France Télévisions

112,7

112,7

160,4

160,4

42,3 %

42,3 %

2 : soutien à l’expression radiophonique

28,95

28,95

29

29

0,2 %

0,2 %

TOTAL 2013

141,65

141,65

189,4

189,4

33,7 %

33,7 %


Source : PAP 2015.

Cette hausse de 42,3 % des crédits de France Télévisions est plus que compensée par une baisse de 2,5 % des ressources issues de la contribution audiovisuelle publique (CAP), et se justifie par la volonté légitime de financer intégralement l’audiovisuel extérieur de la France par le produit de cette contribution dès 2015.

La concentration des crédits budgétaires en faveur de France Télévisions sécurise les moyens alloués aux autres opérateurs de l’audiovisuel public et permet de donner une visibilité à l’extinction des crédits budgétaires à l’horizon 2017, qui ne concernera donc plus que France Télévisions.

B. LA RÉFORME PRÉVUE EN 2015 DU FONDS DE SOUTIEN À L’EXPRESSION RADIOPHONIQUE PERMETTRA LA MAÎTRISE DES DÉPENSES ET LE CIBLAGE DES AIDES SÉLECTIVES

Les crédits en faveur du Fonds de soutien à l’expression radiophonique demeurent stables dans le projet de loi de finances pour 2015 : de 28,95 millions d’euros en 2014, ils s’élèvent désormais à 29 millions d’euros.

La réforme du FSER actuellement en cours de finalisation vise à renforcer, dans un contexte budgétaire contraint, le caractère incitatif et la sélectivité du dispositif, avec une part plus large consacrée à la subvention sélective, laquelle sera attribuée sur la base de critères plus exigeants. L’objectif est donc d’éviter un « saupoudrage » de la subvention sélective en augmentant le montant moyen de cette subvention et en la réservant aux radios les plus engagées dans la communication sociale de proximité. Les cibles respectives des deux sous-indicateurs de l’indicateur 1.1 ont été revues en conséquence, la prévision étant celle d’un resserrement de la part des radios bénéficiaires (avec une cible amenée de 90 % à 60 %) et d’une augmentation de la part du budget consacrée à la subvention sélective (portée de 6,3 % à 20 %) à l’horizon 2017.

CHAPITRE III : LE FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC, UNE RÉFORME NÉCESSAIRE

I. LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC DOIT DEVENIR UNE RESSOURCE DURABLE ET FIABLE

A. L’AUGMENTATION DE 3 EUROS EN 2015 NE CONSTITUE PAS UNE SOLUTION DE LONG TERME

1. L’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public : une décision récurrente depuis 2009 qui ne peut perdurer

L’article 97 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 a prévu qu’à compter du 1er janvier 2009, le montant de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) est indexé chaque année sur l’indice des prix à la consommation hors tabac. Ce montant est arrondi à l’euro le plus proche, la fraction d’euro égale à 0,50 comptant pour 1.

Par la suite, l’article 31 de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, tout en maintenant le principe de l’indexation, a porté, à partir de 2010, le montant de la contribution à 120 euros pour la France métropolitaine et à 77 euros pour les départements d’outre-mer.

Dans le projet de loi de finances pour 2015, le montant unitaire de la CAP a augmenté de 3 euros (dont 1 euro lié à l’inflation) en France métropolitaine et 1 euro outre-mer. La redevance proposée dans le projet de loi de finances pour 2015 s’élève donc pour le contribuable à 136 euros dans l’Hexagone et 86 euros en outre-mer.

Le tableau suivant récapitule la tendance à la hausse du montant unitaire de la redevance depuis 2009, en indiquant également pour la métropole la hausse qui aurait été constatée si seule l’indexation sur l’inflation avait été appliquée. Le Gouvernement a en effet procédé à trois augmentations supplémentaires en 2010 (2 euros), 2013 (4 euros) et 2015 (2 euros) sur la CAP en métropole. Le prix unitaire de la redevance a donc augmenté à hauteur de 15 % pour les contribuables métropolitains depuis 2009, alors que la hausse aurait été de 8 % en application de la seule indexation, soit presque le double d’augmentation sur la période.

Le Rapporteur spécial estime que la hausse de la redevance ne peut constituer une solution durable au financement de l’audiovisuel, de surcroît dans un contexte où l’effort fiscal demandé aux contribuables est déjà substantiel. Il est cependant admis que les recettes de l’audiovisuel public doivent être suffisantes pour que ses opérateurs puissent assurer leurs missions et poursuivre leurs innovations.

2. Vers un financement intégral des opérateurs de l’audiovisuel par la contribution à l’audiovisuel public : une raison supplémentaire pour fiabiliser le financement

Désormais, cinq des six bénéficiaires de l’audiovisuel public sont intégralement financés par le produit de la CAP, moyen permettant une plus grande indépendance vis-à-vis des arbitrages budgétaires et une relative sécurisation des financements. Le ministère affiche comme priorité que France Télévisions soit également dans cette situation en 2017.

Le rapporteur spécial insiste sur le fait qu’il est d’autant plus urgent de sécuriser et fiabiliser les recettes de la contribution à l’audiovisuel public si celle-ci est amenée à devenir d’ici deux ans l’unique manne financière publique des six entreprises concernées.

3. Une réforme de l’assiette devient donc urgente afin de prendre en compte la convergence numérique et d’assurer une rentabilité de long terme

L’objectif gouvernemental est de tendre vers un financement public de l’audiovisuel public par le seul produit de la contribution à l’échéance 2017. Il est donc primordial que la réflexion autour de la réforme de son assiette devienne une priorité en 2015, afin que ce financement ne soit pas dépendant d’une nouvelle augmentation de son prix difficilement acceptable pour les contribuables dans le contexte actuel.

Le Président de la République a évoqué la nécessité de cette réforme le 2 octobre 2014 lors d’une intervention devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en précisant que « l’objectif est qu’à rendement constant, sans que ça ne coûte rien de plus à personne, il puisse y avoir une assiette plus large et plus juste » pour la contribution.

La réforme de l’assiette apparaît en effet comme une mesure économiquement satisfaisante mais également plus juste fiscalement. Elle doit permettre de remédier au décalage croissant entre les usages et les bases de l’assiette, au regard de l’évolution des pratiques de consommation audiovisuelle à l’ère du numérique. Le développement numérique étant par ailleurs amené à s’intensifier, il doit constituer une source durable de progression naturelle des recettes, à coût constant pour le contribuable. Cette progression sera également conditionnée par les modalités de l’indexation et des exonérations, et de là par le contexte économique général du pays.

Le Rapporteur spécial appelle cependant à la prudence afin que cette réforme ne provoque pas un effet pervers de report de la charge fiscale sur des populations fragilisées économiquement, notamment les jeunes.

B. UN CHANGEMENT D’ÉQUILIBRE DANS LA RÉPARTITION PAR RAPPORT À 2014

1. La part de France Télévisions dans le produit de la contribution à l’audiovisuel public diminue au profit des autres entreprises de l’audiovisuel

La répartition proposée dans le projet de loi de finances pour 2015 a évoluée par rapport à celle votée pour 2014.

Le tableau ci-après présente les modifications du projet de loi de finances pour 2015 :

(en millions d’euros)

 

LFI 2014

PAP 2015

Part du programme/total CAP LFI 2014

Part du programme/total CAP PAP 2015

Évolution crédits LFI 2014/PAP2015

France Télévisions

2 429,8

2 369,3

68 %

66 %

– 2,49 %

Arte France

265,9

267,2

7 %

7 %

0,49 %

Radio France

614,5

614,4

17 %

17 %

– 0,02 %

France Media Monde

169,8

+ 74,4 M
dans le programme 115

247,1

5 %

7 %

45,52 %

Évolution réelle de 1,2 %

Institut national de l’audiovisuel

71

90,9

2 %

3 %

28,21 %

TV5 Monde

76,2 dans le programme 115

77,8

 

2 %

Évolution de 2 %

TOTAL

3 550,9

3 666,7

100 %

100 %

3,26 %


Source : PAP Compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public 2015.

La contribution à l’audiovisuel public a augmenté de 115,8 millions d’euros, soit une recette supplémentaire d’environ 35 millions d’euros par euro supplémentaire de contribution, ce qui constitue un bon rendement. La hausse totale des recettes est de 3,3 % entre 2014 et 2015.

Deux hausses significatives sont à souligner : d’une part la hausse conséquente de la part de CAP attribuée à France Médias Monde (FMM) (77,3 millions d’euros supplémentaires), et l’augmentation de presque 20 millions d’euros dévolus à l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Un nouveau programme est créé pour TV5 Monde doté de 70,9 millions d’euros.

Ces redéploiements ont été rendus possibles par la combinaison de deux facteurs :

– d’une part, la hausse du produit de la CAP, plus que compensée par la non-reconduction des crédits budgétaires de l’audiovisuel extérieur de la France (ex-programme 115 : 150,6 millions d’euros). Cette opération financière de transfert entre crédits budgétaires et produit de la contribution à l’audiovisuel est donc favorable à l’État, mais supportée par le contribuable qui voit le montant de celle-ci augmenter ;

– d’autre part, un prélèvement de 60 millions d’euros sur la dotation de France Télévisions.

Le rapporteur spécial se félicite de cette répartition qui favorise le financement des entreprises de l’audiovisuel qui ont fait leurs preuves en matière de bonne gestion, d’innovations et de qualité des programmes. Cependant, la réforme de la CAP évoquée plus haut doit permettre de ne pas faire porter davantage aux contribuables les évolutions futures du financement de l’audiovisuel.

2. Des dépenses fiscales sur la contribution à l’audiovisuel public en baisse pour 2015

Les exonérations (déductions et dégrèvement) étaient en hausse de 41 millions d’euros entre 2013 et 2014, mais connaissent une prévision à la baisse pour 2015 de 11 millions d’euros pour atteindre 717 millions d’euros. On peut distinguer trois types de dispositifs :

– le dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste : cette dépense fiscale concerne 3,6 millions de ménages en 2013 et représente 499 millions d’euros en 2014, légèrement en baisse à 487 millions d’euros en 2015 ;

– la déduction intégrale de la TVA par les organismes du service public audiovisuel contre paiement de la redevance au taux de TVA de 2,1 % qui représente 200 millions d’euros dans les prévisions 2015 ;

– le dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste au titre des « droits acquis » (14) : cette dépense fiscale concerne 300 000 ménages et représente un coût de 30 millions d’euros, qui décroît de manière significative depuis trois ans (il était de 39 millions d’euros en 2013).

C. UNE SITUATION DIVERSIFIÉE SELON LES BÉNÉFICIAIRES

1. France Télévisions sous tension

a. France Télévisions est la seule entreprise qui voit baisser sa dotation globale

France Télévisions est, contrairement à l’année passée, l’entreprise qui bénéfice le moins de la hausse de la CAP. En effet, si les recettes de celle-ci ont augmenté de 3,3 %, sa dotation a quant à elle été réduite de 2,5 %. La part de France Télévisions sur l’ensemble du produit de la contribution passe ainsi de 68 % en 2014 à 66 % en 2015.

Parallèlement, au titre du programme 313, la dotation budgétaire de France Télévisions est passée de 112,7 millions d’euros à 160,4 millions d’euros, soit une hausse de 42,3 %. Au regard de l’ensemble des financements publics, France Télévisions voit donc ses crédits diminuer de 0,5 %, contrairement à l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public. Ils s’élèvent à 2 529,7 millions d’euros selon le PAP 2015, contre 2 542,5 en LFI 2014, soit une baisse de 12,8 millions d’euros (soit 0,5 %).

b. Des efforts de gestion très importants poursuivis dans un contexte de réduction constante des ressources publiques et publicitaires

La situation financière de France Télévisions n’est pas stabilisée, l’entreprise devant poursuivre des efforts importants en gestion avec des ressources de plus en plus contraintes. Conformément à l’équilibre économique déterminé par l’avenant au COM 2013-2015, elle doit poursuivre la réduction des charges opérationnelles de 1 % par an à périmètre de mission constant. Mais dans un contexte de forte diminution des ressources prévisionnelles de l’ordre de 300 millions d’euros par rapport au COM initial, le retour à l’équilibre en 2015 – sans révision du périmètre des missions et dans un contexte où l’investissement en faveur de l’innovation est incontournable – semble un objectif difficilement tenable.

L’effort d’économie et de restructuration a débuté en 2012. La perte nette en 2013 était de 84,6 millions, inférieure au résultat déficitaire prévu à 131,7 millions d’euros dans l’avenant au COM, du fait notamment d’une forte maîtrise des dépenses.

Le budget 2014 prévoyait une perte de 40,5 millions d’euros en ligne avec le résultat prévu par le plan d’affaires de l’avenant au COM (- 38,3 millions d’euros), l’écart résultant d’une mesure transversale intervenue en LFI pour 2014 (abattement de 2,5 millions d’euros de la dotation budgétaire). Ce budget demeurait cohérent avec l’objectif de retour à l’équilibre financier à l’horizon 2015, mais voit s’ajouter une diminution de la dotation publique de 6,9 millions d’euros dans le cadre de la loi de finance rectificative pour 2014. La dotation proposée pour 2015 est quant à elle en baisse de 0,5 %, inférieure de 4,6 millions d’euros à la prévision de l’avenant au COM. Plus problématiques encore, les prévisions de recettes publicitaires pour 2015, 355 millions d’euros, sont irréalistes au vu des tendances actuelles du marché. Il est donc à prévoir que la situation financière de France Télévisions va continuer à se dégrader.

Par ailleurs, France Télévisions met en œuvre son plan très ambitieux de réduction de la masse salariale. L’avenant au COM 2013-2015 repose sur une hypothèse de réduction du volume de l’emploi total (permanent et non permanent) de 650 équivalents temps plein (ETP) nets à l’horizon de la fin 2015, par rapport au niveau d’emploi prévu au budget 2012, soit un passage de plus de 10 400 à 9 750 ETP. La prévision actualisée pour 2014, en retrait par rapport à la prévision initiale, porte la marque des efforts de maîtrise déjà entrepris par l’entreprise, avec un effectif qui s’établit à 10 120 ETP à la mi-2014, soit 370 ETP de moins par rapport à l’exécution 2012, avant mise en œuvre du plan de départs volontaires.

La part de l’emploi non permanent dans l’emploi total est également en diminution, passant de 18,2 % en 2012 à 15,4 % en 2013.

2. ARTE : Une dotation en hausse de 0,5 % après deux années de baisse

ARTE confirme ses bons résultats en gestion et la réussite de sa politique de relance des investissements dans les programmes. Après des résultats d’audience ayant progressé de 5 points entre 2011 et 2012, ils se stabilisent désormais.

La chaîne a continué également de maîtriser ses charges de personnel. La stratégie ambitieuse de renforcement et de renouvellement de la grille et celle dans le domaine des nouveaux médias n’entraîne pas de hausse de la part des charges de personnel dans les charges d’exploitation grâce à un effort constant de formation et de redéploiement interne du personnel. Le nombre de permanents (235 ETP) est stable en 2013. L’augmentation des non-permanents s’explique par la contribution de l’entreprise à la politique de l’emploi, comme les recrutements de contrats en alternance. La maîtrise des charges de structure au sein des charges d’exploitation confirme la gestion rigoureuse menée par ARTE.

Le niveau de contribution à l’audiovisuel public allouée en 2015 (261,75 millions d’euros) est en très légère hausse de 1,3 million d’euros, ce qui correspond à une quasi-stabilisation de la ressource publique après une réduction exceptionnelle d’un million d’euros en loi de finances pour 2014 au titre de la participation d’ARTE au redressement des finances publiques. Pour rappel, le différentiel par rapport au montant des ressources publiques prévu dans le COM en 2015 est de 30,7 millions d’euros.

ARTE prévoit par ailleurs une mobilisation maximale de son fonds de roulement net disponible en 2015 à hauteur de 7,35 millions d’euros, montant qui demeure compatible avec l’équilibre financier de l’entreprise.

3. Radio France : une situation financière fragile qui accuse la baisse des dotations publiques

a. L’évolution de la situation financière de Radio France

Sur la période 2008-2014, le chiffre d’affaires de Radio France augmente en moyenne de 1,6 % par an mais avec une différence marquée entre le début de période (3 % d’augmentation entre 2008 et 2012) et la fin de période (1,1 % de baisse entre 2012 et 2014).

Cette variation s’explique principalement par l’évolution de la contribution à l’audiovisuel public dédiée au fonctionnement, qui après une hausse de 3,2 % pour la période 2008-2012, a diminué de 0,4 % entre 2012 et 2014. Les ressources publiques représentent en effet 91 % du chiffre d’affaires de Radio France.

En 2014, la contribution à l’audiovisuel public est inférieure de 6,5 millions d’euros au montant prévu pour 2014 dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2013-2015, car elle tient compte de la neutralisation du bénéfice du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) pour 4,5 millions d’euros et d’un prélèvement exceptionnel en 2014 de 2 millions d’euros au titre de la participation de Radio France au redressement des finances publiques. Ce montant est par ailleurs inférieur de 43,7 millions d’euros à celui prévu au COM. À cela s’est ajoutée une mesure de régulation budgétaire en cours d’année annulant 1,5 million d’euros de crédits (15).

Les recettes publicitaires, qui représentent sur la période 2008-2014 en moyenne 6,7 % du chiffre d’affaires de Radio France, ont par ailleurs connu une baisse significative en 2009 de 11 % due essentiellement à la crise qu’a connue l’ensemble du marché publicitaire et qui n’a pas épargné Radio France. Les recettes sont en revanche restées stables en 2013 et 2014, et même en légère hausse.

Enfin, après plusieurs années de quasi-stabilité, les recettes immobilières, recouvrant notamment les loyers et les re-facturations des charges locatives des locataires de la Maison de la radio, ont diminué entre 2012 et 2014, avec le départ de la quasi-totalité des locataires en raison des travaux de réhabilitation

b. La situation en 2015

Pour 2015, il est proposé d’allouer à la société Radio France une dotation totale de ressources publiques de 614,4 millions d’euros, stable par rapport à 2014 après neutralisation du bénéfice du Pacte de solidarité pour 130 000 euros.

En 2015, Radio France devra cependant faire face à des augmentations de charges incompressibles, qui portent sur la diffusion (5,4 millions d’euros d’économies conjoncturelles réalisées en 2014 mais non reconductibles sur 2015), sur la fiscalité locale (3,3 millions d’euros) et sur les amortissements autofinancés des travaux de réhabilitation (3,4 millions d’euros). L’entreprise travaillera par conséquent à l’identification de nouvelles pistes d’économies. Enfin, le chantier de la radio numérique terrestre (RNT) pouvant également faire l’objet d’une évolution au cours de l’année 2015, il peut représenter également une source de dépenses supplémentaires qui devront faire l’objet d’un abondement de dotations publiques.

Plusieurs défis attendent Radio France en 2015 dans le domaine de la programmation :

– la baisse de l’audience pour France Inter et France Info qui empêche le groupe d’atteindre l’objectif définit dans le COM de 26 % d’audience ;

– la réforme de la dernière chance pour le Mouv’, avec une refonte de la grille à la rentrée de septembre qui ne s’est pas traduite par un succès d’audience. La station n’a pas dépassé depuis 2012 les 0,4 % d’audience pour un objectif de 0,8 %. Le lancement d’une nouvelle grille en janvier 2015 avec une programmation « culture urbaines » destinée à conquérir le public jeune constitue sa dernière chance de réussite.

4. France Médias Monde et TV5 Monde : l’audiovisuel extérieur de la France se stabilise financièrement et gagne de l’ampleur en termes de visibilité

a. France Médias Monde

La société France Médias Monde (FMM) résulte de la fusion des sociétés composant l’Audiovisuel extérieur de la France en février 2012 : France 24 et Radio France internationale (RFI) ainsi que sa filiale Monte Carlo Daoualya (MCD). Toutefois, sur la base des conclusions du rapport de la mission d’évaluation de la fusion confiée à M. Jean-Paul Cluzel dès le 5 juin 2012 par le ministre des Affaires étrangères et la ministre de la Culture et la communication, le conseil d’administration de la société a décidé, après consultation des instances représentatives du personnel, d’abandonner le projet de fusion des rédactions afin de bénéficier de la richesse éditoriale spécifique de chaque antenne et de leur complémentarité. Seules les fonctions supports et transverses sont désormais mutualisées au sein de la société unique dans un souci de rationalisation des moyens.

Parallèlement, France Médias Monde négocie actuellement avec ses organisations syndicales un accord d’entreprise dont l’objectif est de fonder un statut social pour l’ensemble de ses collaborateurs, harmonisé dans ses fonctionnements et dans ses modes de traitement des différentes catégories de personnel. Cet exercice est complexe compte tenu de régimes très disparates entre les antennes et devrait s’achever en 2015.

En 2014, France Médias Monde a vu ses crédits s’élever à 74,4 millions d’euros sur le programme 115 qui a désormais disparu, auxquels s’ajoutaient 169,8 millions d’euros au titre de la CAP, soit un total de 244,2 millions d’euros. Pour 2015, les crédits proposés s’élèvent à 247,1 millions d’euros, soit une hausse de 2,9 millions d’euros (1,2 % d’augmentation). L’ajustement par rapport au COM est désormais de 0,1 million d’euros du fait de l’économie attendue sur les charges sociales dès 2015 dans le cadre du Pacte de responsabilité. Le budget proposé en 2015 est donc conforme aux attentes exprimées par la direction de France Médias Monde pour mener à bien ses projets prioritaires.

Le Rapporteur spécial approuve cette trajectoire financière qui permettra à FMM de réaliser notamment le lancement d’une nouvelle langue vernaculaire ouest africaine - le bambara - qui avait été identifié comme l’une des priorités lors de l’audition de la présidente de FMM. Une autre ambition voit également le jour, à savoir le lancement de France 24 sur la TNT en Île-de-France depuis le 23 septembre 2014 malgré les blocages opposés de longue date par Next Radio. La négociation du nouveau COM l’année prochaine sera enfin l’occasion d’étendre la diffusion en espagnol, afin de permettre le développement de l’audiovisuel extérieur de la France en Amérique latine.

Le Rapporteur spécial tient à saluer les performances d’audience de FMM, avec une consolidation de France 24 dans les zones d’influence traditionnelle (Afrique, Maghreb, Proche et Moyen-Orient) et le développement progressif de nouvelles zones d’influence (Lybie, Jordanie…) En radio, le développement en Asie et en Amérique du Sud se poursuit par une politique de partenariat ciblée et efficace.

Sur les performances numériques, la refonte des sites internet des trois marques de FMM début 2014 devrait permettre de consolider des résultats déjà en hausse entre 2012 et 2013, tandis que la consommation de l’offre délinéarisée se stabilise et se concentre désormais davantage sur la consommation de vidéos sur les plateformes externes.

b. TV5 Monde

Pour 2015, il est proposé d’allouer à TV5 Monde une dotation totale de ressources publiques de 77,8 millions d’euros, stable par rapport à 2014. Pour rappel, France Télévisions est redevenue depuis 2013 l’actionnaire de référence de TV5 Monde, détenant 49 % de ses titres, le président de France Télévisions présidant également le conseil d’administration de TV5 Monde.

TV5 Monde est une chaîne multilatérale francophone, associant les radiodiffuseurs publics de la France, de la Belgique, de la Suisse et du Québec. Parmi les chaînes internationales, TV5 Monde est la seule chaîne généraliste et culturelle. Les autres chaînes mondiales sont essentiellement thématiques. Ce format s’explique par le fait que la mission de TV5 Monde est d’être la vitrine des créateurs francophones, dans tous les domaines où ils s’illustrent. La chaîne soutient également la production de cinéma, fictions, documentaires et spectacle vivant. L’Afrique francophone constitue le plus gros bassin d’audience pour TV5 Monde avec en moyenne 21 millions de téléspectateurs en 2013. TV5 Monde est également la première chaîne francophone au Maghreb. Ces résultats sont encourageants compte tenu de la segmentation des audiences et de la concurrence accrue de l’offre TNT.

La priorité donnée à la stratégie « média global », internet et multimédia, va constituer un facteur de consolidation et de diversification des audiences : web, télévision de rattrapage, enrichissement de l’offre en mobilité, « social TV » etc.

5. Le financement de l’Institut national de l’audiovisuel revient presque à son niveau de 2013

Le programme 845 pilote l’action de l’État en matière de conservation, de valorisation et de constitution progressive du patrimoine audiovisuel français, composé des archives sonores et audiovisuelles diffusées en France par les radios et les télévisions. Cette fonction est assurée par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), établissement public de l’État à caractère industriel et commercial.

La loi de finance pour 2014 a alloué à l’INA une dotation budgétaire de 70,9 millions d’euros contre 92,4 millions d’euros en 2013. Cette diminution de 23,5 % par rapport à 2012 a été compensée par un prélèvement sur le fonds de roulement de 19,8 millions d’euros. La dotation inscrite pour 2015 est de 90,9 millions d’euros et revient donc presque au niveau de 2013. La gestion de l’INA est maîtrisée : les charges de personnel affichent une baisse sensible de 0,4 million d’euros au regard de l’inscription budgétaire 2014, malgré une légère augmentation par rapport au budget 2013. Les autres charges d’exploitation sont stables à 44,6 millions d’euros, soit 0,1 million d’euros supplémentaire par rapport au budget 2014.

Le plan de sauvegarde et de numérisation demeure une priorité depuis 1999, et le restera dans le nouveau COM pour la période 2015-2019 en cours d’élaboration. L’INA poursuit également sa stratégie d’accroissement et de diversification de ses publics au travers d’une démarche commerciale dynamique qui complète ses missions de service public : évolution de ses offres de formation, développement de ses activités d’expertise dans le domaine de l’archivage numérique, refonte de ses systèmes de ventes aux professionnels et accès renforcé à l’ensemble des collections de l’INA.

En 2015, l’INA devra assurer un niveau d’investissement important estimé à ce jour à 18 millions d’euros afin de maintenir ses performances et de développer ses projets, notamment dans le domaine informatique.

II. LES RECETTES PUBLICITAIRES : UNE SOURCE DE FINANCEMENT À DÉVELOPPER POUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC MALGRÉ LA CRISE DU MARCHÉ

A. LA TRANSITION NUMÉRIQUE SUR FOND DE CRISE ÉCONOMIQUE EXPLIQUE LA BAISSE DES RECETTES PUBLICITAIRES

a. Les médias historiques sont en difficulté sur le marché publicitaire

En 2013, les recettes publicitaires nettes pour l’ensemble des médias s’élevaient à 13,3 milliards d’euros, soit une baisse de 3,3 % par rapport à 2012. Les investissements publicitaires dans la télévision et dans la radio sont toujours en baisse respectivement 3,5 % et 0,4 % par rapport à 2012 selon les chiffres de l’Institut de recherche et d’études publicitaires (IREP).

La télévision représente en volume le premier marché publicitaire des médias à 3,2 milliards d’euros. Presque à égalité avec la presse en 2011 (1 million d’euros d’écart seulement), ce secteur, plus fortement touché que les autres médias historiques, voit son volume descendre en 2013 à 2,9 milliards d’euros. Le marché de la radio subit une baisse moins prononcée que la télévision ou la presse, pour un volume d’investissements de 736 millions en 2013, en recul de 0,4 % par rapport à 2012.

Le tableau suivant illustre la situation comparative du marché publicitaire en y incluant les résultats de la radio et de la télévision :

(en milliards d’euros)

 

2011

2012

2013

évolution 2013/2012

télévision

3,496

3,337

3,219

– 3,5 %

espaces classiques

3,314

3,155

3,043

– 3,5 %

espaces parrainage

0,182

0,182

0,176

– 3,3 %

cinéma

0,105

0,105

0,091

– 13,3 %

radio

0,748

0,739

0,736

– 0,4 %

publicité nationale

0,582

0,575

0,574

– 0,2 %

publicité locale et Île de France

0,166

0,164

0,162

– 1,2 %

Internet (display)

0,616

0,646

0,64

– 0,9 %

Internet (search)

1,520

1,596

1,671

4,7 %

mobile (internet mobile et sur application)

0,033

0,044

0,068

54,5 %

presse

3,495

3,209

2,939

-8,4 %

publicité extérieure

1,191

1,171

1,152

– 1,6 %

annuaires

0,995

0,946

0,891

– 5,8 %

courrier publicitaire (6)

1,426

1,354

1,252

– 7,5 %

TOTAL MÉDIAS HISTORIQUES

9,033

8,56

8,137

– 4,9 %

TOTAL MÉDIAS HISTORIQUES + INTERNET + MOBILE

11,202

10,846

10,516

– 3,0 %

TOTAL

14,252

13,781

13,282

– 3,6 %

Source : IREP, Le marché publicitaire français en 2013.

La crise du marché publicitaire affecte donc l’ensemble des médias, hormis le mobile qui enregistre une augmentation de ses investissements de 54,5 % et l’internet search qui capte des investissements en hausse de 4,7 %. Cette crise renforce le caractère concurrentiel du marché, entre chaque média d’une part, et plus globalement entre nouveaux médias et médias historiques d’autre part.

b. La télévision ne voit pas sa situation s’améliorer en 2014 dans un secteur de plus en plus concurrentiel et numérisé

Le marché publicitaire de la télévision se dégrade pour la troisième année consécutive en 2014. Ce constat induit que l’investissement publicitaire à la télévision est entré dans une phase de baisse structurelle. Malgré une reprise en 2010 après une année 2009 historiquement basse (– 10 points par rapport à 2008), le niveau de 2007 n’a jamais été égalé depuis.

Selon les chiffres de l’IREP, au premier semestre 2014, le marché s’est contracté de 0,1 % avec une prévision de baisse à 2 % à l’issue de l’année 2014. Cependant, les études de marché ne distinguent pas entre chaînes historiques et chaînes TNT alors que les disparités entre elles sont réelles, la baisse des investissements étant de bien plus grande ampleur pour les médias historiques. Entre 2013 et 2014, la contraction des investissements publicitaires de France Télévisions est par exemple évaluée à 3,9 %.

En effet, la télévision et plus particulièrement les chaînes historiques doivent affronter les conséquences de la transition numérique sur le marché publicitaire sous l’effet de deux dynamiques :

– la concurrence accrue des 25 chaînes gratuite de la TNT depuis 2012. En 2011, 99 % des foyers équipés de téléviseurs ont accès à la télévision numérique, parmi lesquels 50 % en TNT ;

– la baisse des investissements des annonceurs en « pure média » qui existaient auparavant, au profit d’un mode d’investissement multimédia et multi-écrans. Les annonceurs n’ont en effet pas diminué leurs dépenses globales de communication, mais ont réduit la part des médias traditionnels au profit d’un panachage avec le support digital. Cette tendance est amenée à s’accentuer dans les années à venir, la part du marché internet étant passé de 7 % en 2007 à 16 % en 2012.

Prenant acte de la révolution numérique en marche, la régie publicitaire de France Télévisions a augmenté ses investissements numériques : ils représentent 5 % des investissements globaux en valeur absolue et la cible est portée à 8 % à l’horizon de trois ans.

c. Radio France : un encadrement réglementaire qui doit être assoupli

Au premier semestre 2014, la part de la radio progresse légèrement dans le marché publicitaire de 0,8 %. Le groupe Radio France représente quant à lui 2 % de part du marché publicitaire radiophonique depuis 2010, contre 3 % entre 2005 et 2010.

La société Radio France et la société Radio France International (RFI) sont autorisées à programmer et à faire diffuser uniquement des messages de publicité collective et d’intérêt général dans un cadre réglementaire très contraint.

La publicité collective et d’intérêt général comprend la publicité effectuée en application de la loi du 24 mai 1951 pour certains produits ou services présentés sous leur appellation générique, la publicité en faveur de certaines causes d’intérêt général (lutte contre le tabagisme, action sanitaire...) dont les campagnes peuvent être diffusées en dehors des écrans publicitaires, la publicité effectuée par des organismes publics ou parapublics, ainsi que les campagnes d’information des administrations présentées sous forme de messages de type publicitaire, telles qu’elles sont définies par circulaires du Premier ministre (article 33 du cahier des missions et des charges de Radio France). Toute publicité collective qui présente directement ou indirectement le caractère de publicité de marques déguisée est interdite (article 34 du même cahier). La durée moyenne quotidienne de publicité autorisée par le cahier des missions et des charges sur ses antennes nationales est de 30 minutes. En 2008, France Inter a diffusé 12 minutes de publicité par jour et France Info, 15 minutes.

La définition des produits publicitaires autorisés sur les antennes de Radio France ne permet pas de circonscrire précisément le périmètre autorisé dans le cadre du cahier des charges. Une clarification est donc nécessaire.

Aujourd’hui, une interprétation stricte des obligations de Radio France se traduirait par une baisse très préjudiciable de 50 % de ses recettes publicitaires actuelles, qui passeraient d’environ 40 millions d’euros à 20 millions d’euros. C’est pourquoi le Rapporteur spécial se prononce en faveur d’un assouplissement de la réglementation afin de les mettre en conformité avec les pratiques, de manière à permettre, comme pour France Télévisions, une consolidation des ressources propres. Les recettes publicitaires revêtent pour Radio France une importance particulière du fait de sa dépendance accrue au financement public.

B. LE RETOUR DE LA PUBLICITÉ SUR FRANCE TÉLÉVISIONS ENTRE 20H ET 21H : UNE MESURE BÉNÉFIQUE POUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC ET LE CONTRIBUABLE, SANS CONSÉQUENCE POUR LE MARCHÉ ET LE TÉLÉSPECTATEUR

1. Les conséquences négatives de la suppression de la publicité en soirée pour France Télévisions

a. Une dépendance importante au financement public, facteur d’instabilité

L’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de l’audiovisuel modifiée prévoit, depuis la réforme de 2009, que la mise en œuvre de la suppression de la publicité donne lieu à une compensation financière de l’État, le montant de cette compensation étant chaque année défini par la loi de finances.

Le tableau ci-dessous retrace le niveau de cette subvention depuis 2008. En 2009, ce montant s’établissait à un niveau de 415 millions d’euros. Comme il apparaît clairement, elle s’est établie par la suite à des niveaux fluctuants, mais in fine en forte baisse si l’on considère la période dans son ensemble et malgré la hausse de plus de 40 % des crédits budgétaires dans le projet de loi de finances pour 2015.

   

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

(reprévision)

PLF 2015

Ressources publiques

CAP

1 945,3

1 997,4

2 049,5

2 102,6

2 091,9

2 256,3

2 382

2 320,6

Subvention budget général

-

415

423,2

361,9

435,9

248,8

103,6

160,4

TOTAL

1 945,3

2 412,4

2 472,7

2 464,5

2 527,8

2 02,1

2 485,6

2 481,0

                   

Total recettes publicitaires

 

591,3

404,9

441,3

423,7

372,2

333,1

320,1

Budget en cours de construction

Source : Réponse au questionnaire budgétaire du Rapporteur spécial- France Télévisions.

Dans un contexte de crise des finances publiques, et en particulier depuis 2012, la dépendance de France Télévisions au budget général de l’État est ainsi apparue comme un facteur d’instabilité et de fragilité. Une part du financement public, supposée à l’origine couvrir de façon pérenne les conséquences de la suppression de la publicité commerciale en soirée sur ses chaînes, s’est en effet trouvée chaque année soumise aux nécessités de la régulation budgétaire.

Par ailleurs, un mécanisme de compensation s’est installé entre les deux sources de financement, l’annulation des crédits budgétaires étant alors partiellement équilibrée pour France Télévisions par une révision à la hausse de la répartition de la CAP comme ce fut le cas en loi de finance rectificative de juin 2014, ou selon le mécanisme inverse dans le projet de loi de finances pour 2015. Cette situation brouille la lisibilité, par le citoyen, de la portée de sa contribution au financement de l’audiovisuel public. Il apparaît donc que le modèle de financement de France Télévisions depuis 2009 est un facteur d’instabilité, non seulement pour l’entreprise elle-même, mais également pour les autres organismes de l’audiovisuel public financés par la contribution.

À ce titre, le financement intégral par la CAP à l’horizon 2017 et la réforme de son assiette constituent des réformes incontournables visant à renforcer l’indépendance et à fiabiliser les recettes. Cependant, le risque d’une répartition mouvante entre les entreprises ne sera pas pour autant écarté en cours d’année ou d’une année sur l’autre. Ceci demeure un facteur d’instabilité, impliquant en premier lieu France Télévisions qui représente plus de 60 % des ressources de la CAP.

b. La situation de France Télévisions sur le marché publicitaire

France Télévisions évolue dans un contexte concurrentiel, dégradé et fortement contraint d’un point de réglementaire depuis la loi de 2009.

Au-delà de la perte de recettes publicitaires directement induite (271,2 millions d’euros depuis 2008), la suppression de la publicité commerciale après 20 heures sur les chaînes nationales de France Télévisions, conjuguée à la crise du marché publicitaire de la télévision, a pour effet indirect une perte d’attractivité et une marginalisation progressive de France Télévisions auprès des annonceurs et s’est traduite par une perte de chiffre d’affaires très nettement supérieure à celle du marché.

Cette tendance résulte de la conjugaison de deux phénomènes :

– avec des budgets d’investissement plus contraints du fait de la crise, les annonceurs en quête de puissance et de retour sur investissement portent de plus en plus leurs choix vers les tranches de soirée définis comme des carrefours d’audience. Les écrans diffusés avant 20 heures ne représentent plus que 45 % des investissements (en retrait de 5 points en trois ans) toutes chaînes confondues. France Télévisions doit par ailleurs affronter une nouvelle concurrence puissante sur les cibles commerciales, portée par une programmation (télé réalité « trash », magazines documentaires à bas coût, séries étrangères), avec laquelle l’exercice de missions de service public n’offre objectivement qu’une capacité limitée à rivaliser. L’exercice 2012 en témoigne : malgré une part d’audience globale en hausse à 30,3 %, les recettes publicitaires de France Télévisions ont accusé un recul de 12 %.

– concomitamment, l’optimisation des budgets conduit les annonceurs à concentrer leurs investissements sur un minimum de régies : le nombre de groupe annonceurs n’investissant que sur une unique régie est désormais de près de 44 %, contre 32 % il y a encore trois ans. Ce processus se fait le plus souvent au détriment de France Télévisions qui est dans l’incapacité de commercialiser des écrans après 20 heures Il y a donc un risque réel de déclassement de la régie de France Télévisions.

c. Les conséquences éditoriales sont inexistantes

La réforme de 2009 avait pour objectif revendiqué, à juste titre, de favoriser l’audace éditoriale et d’encourager la créativité en libérant l’offre de soirée de France Télévisions du diktat de l’audimat.

À ce jour, s’il n’a pas été possible d’établir un lien direct et objectif entre absence de publicité et qualité de l’offre, trois constats peuvent être dressés. Tout d’abord, l’absence de publicité en soirée ne dispense en aucun cas France Télévisions, groupe public financé par la collectivité, de la mission de rassembler un maximum d’audience sur ses programmes. Par ailleurs, les téléspectateurs ne font pas leur choix en fonction de l’absence ou de la présence de publicité, mais de l’attractivité de l’offre. Enfin, l’effet théorique du retour de la publicité sera d’autant plus limité que la différence entre le sponsoring, l’autopromotion et la publicité proprement dite échappe à une grande partie des téléspectateurs.

2. La guerre des chaînes n’aura pas lieu

a. Le retour de la publicité : des conséquences financières positives pour France Télévisions, et par ricochet pour l’ensemble de l’audiovisuel public

L’objectif n’est pas de permettre à France Télévisions de conquérir des parts de marché publicitaires supplémentaires, mais de mettre un frein aux mécanismes d’éviction liés à la faiblesse structurelle d’une offre publicitaire absente des tranches horaires les plus puissantes. Dès lors que le caractère mixte du financement de France Télévisions a de surcroît été confirmé par le Législateur lors de l’examen de la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public, il importe que ses recettes publicitaires conservent une taille critique, et s’inscrivent dans une dynamique conforme à celle du marché. La consolidation de ses ressources propres sera par ailleurs une garantie supplémentaire pour la solidité du financement de l’audiovisuel public, au regard de la part prépondérante de France Télévisions dans la répartition de la CAP.

Les estimations de gain de chiffres d’affaires réalisées sont les suivantes :

– Pour une ouverture d’écrans sur les chaînes nationales entre 20 heures et 21 heures :

• 8 minutes (soit 2 écrans de 4 minutes), du lundi au dimanche : 100 millions d’euros (dont 50 millions d’euros sur France 2 et 40 millions d’euros sur France 3)

• 8 minutes (soit 2 écrans de 4 minutes), du lundi au vendredi : 70 millions d’euros

– Pour une ouverture d’écrans dans les événements sportifs en soirée : sur une base 2014 de 15 événements par an, avec écrans avant, pendant (mi-temps ou intervalle naturel) et après l’événement, le bénéfice attendu est d’environ 6 millions d’euros

Le Rapporteur spécial suggère également de conjuguer le retour de la publicité après 20 heures sur France 2 avec l’arrêt complet de la publicité en journée sur France 4 désormais dédiée aux enfants en journée (5 millions d’euros de pertes selon le chiffrage 2014). L’objectif serait de tenir compte de la spécificité du public de cette chaîne et de renforcer ainsi l’esprit de service public et la visée déontologique qui avaient animé la loi de 2009.

b. Une réforme qui ne dégrade pas davantage la situation du marché publicitaire télévisuel en nuisant à la concurrence.

Trois éléments confortent l’hypothèse selon laquelle la réintégration de la publicité commerciale après 20 heures ne nuira pas à la concurrence sur le marché publicitaire de la télévision :

i. Le poids de France Télévisions dans ce marché

Le marché publicitaire de la télévision représente 3,2 milliards d’euros en 2013, sur un marché global des investissements publicitaires – médias et hors médias – de 30,1 milliards d’euros en 2013. La régie de France télévision se place 4ème en part d’offre dans ce marché et ne représente que 320 millions d’euros, soit 10 % du marché. À titre de comparaison, la régie de TF1 pèse 32 % et celle de M6 26,8 %.

Par ailleurs, France Télévisions et ses cinq chaînes nationales représentent, en nombre de chaînes, 20 % de l’offre gratuite de la TNT.

ii. Le retour partiel de la publicité après 20 heures ne va pas donner lieu à un déversement des investissements existants au profit de France Télévisions

En effet, selon l’Union des annonceurs, certaines cibles publicitaires spécifiques et stratégiques pour les annonceurs, et certaines catégories d’annonceurs, sont aujourd’hui peu ou mal couvertes par l’offre des autres chaînes. La spécificité de la programmation et du public de France Télévisions représenterait ainsi une offre alternative essentielle. Cela signifie qu’un inventaire publicitaire étendu après 20 heures répondrait à un besoin non couvert aujourd’hui, et ne se déploierait pas au détriment des chaînes existantes, et en particulier des petites chaînes de la TNT dont la structure d’auditoire est extrêmement différente de celle de France Télévisions.

Par ailleurs, dans un contexte très différent, la loi de 2009 avait laissé présager un report de 400 millions d’euros environ au profit des grandes chaînes privées qui ne s’est pourtant pas produit. Ce dernier point accrédite l’idée selon laquelle l’élargissement de l’offre n’implique pas inexorablement un détournement de la demande existante.

iii. Les effets attendus ne peuvent être assimilés à l’arrivée d’un nouvel acteur sur le marché

En effet, dans l’équilibre qui est celui du paysage de la TNT actuelle, une évolution réglementaire circonscrite au bénéfice d’acteurs déjà existants n’est pas comparable, dans sa nature ni dans son ampleur, avec l’arrivée de nouveaux acteurs et le lancement de nouvelles chaînes. L’impact direct sur l’audience et les effets de levier induits seraient inexistants ou minimes dans l’hypothèse d’une réintégration limitée d’écrans commerciaux en soirée sur France Télévisions.

Au regard de ces trois éléments, le Rapporteur spécial donne un avis favorable à la réintégration d’un espace publicitaire entre 20 heures et 21 heures sur les antennes de France Télévisions.

Cette réforme permettra de consolider le financement de l’audiovisuel public sans préjudice pour les acteurs privés du secteur, dans un esprit de complémentarité entre ressources propres et deniers publics particulièrement opportun dans un cadre de finances publiques très contraintes. Ce retour de la publicité ne doit pas être considéré comme une remise en cause de la loi de 2009, mais comme une prise en compte des évolutions majeures à l’œuvre depuis : évolution des stratégies des annonceurs, dégradation des finances publiques, mais surtout dégradation du marché publicitaire bien supérieure aux prévisions qui sous-tendaient les objectifs.

3. France Télévisions saisit l’opportunité de la publicité régionale

France Télévisions, dans sa décision d’ouvrir un écran publicitaire régional après 20 heures, utilise la possibilité qui lui a été explicitement laissée ouverte lors de l’adoption de la loi du 5 mars 2009, aux dispositions de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (16). On peut regretter cependant le caractère inopiné de cette démarche qui n’a pas donné lieu à une information préalable des acteurs concernés.

À compter du 20 octobre 2014 prochain, France Télévisions ouvre donc un écran publicitaire court à la suite d’un décrochage régional effectué juste après 20h10. La durée de cet écran sera portée à 2 minutes à compter du mois de mars 2015 si la demande est suffisante.

Par ailleurs, France Télévisions limite l’accès à ces écrans à des campagnes commandées par des annonceurs ne communiquant pas sur des chaînes nationales (annonceurs « en réseau », annonceurs confrontés à des disparités géographique de consommation, campagnes collectives et d’intérêt général). Le « comblement », c’est-à-dire la différence de durée entre l’écran régional le plus court et l’écran régional le plus long sera quant à lui offert à des associations caritatives

Le chiffre d’affaires maximal annoncé par la Régie de France Télévisions en année pleine, dans l’hypothèse d’un écran de 2 minutes à 20h10 rempli à 100 %, s’établit entre 5 et 6 millions d’euros, avec des montants plus limités la première année.

Cette mesure provoque des inquiétudes à juste titre chez de nombreux opérateurs privés du secteur de la presse, de la télévision et de la radio au niveau local, du fait de l’état dégradé du marché publicitaire régional. La Régie de France Télévisions met cependant en évidence les profondes différences existant entre la typologie et le mode de communication des annonceurs concernés par les différents supports et de ce fait l’impact très limité de cette mesure sur le marché publicitaire local. Un bilan devra cependant être réalisé à la fin du premier semestre 2015 afin de confirmer – ou d’infirmer – cette hypothèse.

Le Rapporteur spécial n’est pas favorable à cette initiative sur le marché publicitaire local, potentiellement déstabilisante, et génératrice de gains financiers réduits. Le retour de la publicité au niveau national sur la tranche 20 heures -21 heures doit demeurer la priorité.

CHAPITRE IV : COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE GESTION ET VALORISATION DES RESSOURCES TIRÉES DE L’UTILISATION DU SPECTRE HERTZIEN, DES SYSTÈMES ET DES INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS DE L’ÉTAT

Le compte spécial ne porte cette année des opérations qu’au titre du seul ministère de la Défense.

Créé par la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, le compte retrace :

en recettes :

– le produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences libérées par les ministères affectataires, à compter du 1er janvier 2009 ;

– le produit de la cession de l’usufruit de tout ou partie des systèmes de communication militaires par satellites de l’État ;

– les versements du budget général ;

– les fonds de concours.

en dépenses :

– Les dépenses d’investissement et de fonctionnement liées aux services de télécommunications utilisant le spectre hertzien ou visant à en améliorer l’utilisation, y compris le transfert de services vers des supports non hertziens ;

– les dépenses d’investissement et de fonctionnement liées à l’interception ou au traitement des émissions électromagnétiques, à des fins de surveillance et de renseignement ;

– les versements au profit du budget général ou du désendettement de l’État pour un montant qui ne peut être inférieur à 15 % du produit des redevances acquittées par les opérateurs privés. La contribution au désendettement ne s’applique pas au produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences libérées par le ministère de la Défense jusqu’au 31 décembre 2014.

Par ailleurs, l’article 23 du projet de loi de finances pour 2015 procède à des modifications de l’article 54 de la loi de finances pour 2009.

Ces modifications visent, d’une part, à affecter au présent compte d’affectation spéciale le produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz, le Gouvernement ayant décidé d’attribuer, en métropole, la bande 700 MHz aux services de communications électroniques. La procédure d’attribution devrait avoir lieu fin 2015.

D’autre part, l’article 23 vise à proroger le régime du retour intégral du produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences libérées par le ministère de la Défense jusqu’au 31 décembre 2019.

Le compte d’affectation spéciale est composé de trois programmes :

– le programme 761 Désendettement de l’État ;

– le programme 762 Optimisation de l’usage du spectre hertzien et interception et traitement des émissions électromagnétiques (ministère de la Défense) ;

– le programme 763 Optimisation de l’usage du spectre hertzien et des infrastructures du réseau physique de télécommunications du ministère de l’Intérieur.

Le compte d’affectation spéciale n’a pas fonctionné entre 2009 et 2011.

En 2011, il a retracé uniquement les opérations au titre du ministère de la Défense. De plus, celui-ci ayant obtenu que les sommes tirées de la valorisation du spectre hertzien lui soient intégralement reversées afin de financer des opérations d’investissement et ne contribuent au désendettement de l’État qu’à compter du 1er janvier 2015, aucune recette n’a été affectée au désendettement de l’État.

Le ministère de la Défense a disposé pour 2013 de 1 067 millions d’euros provenant des crédits non consommés en 2011 et 2012.

Le tableau suivant récapitule les crédits prévus pour 2015 :

Programme/ action

AE/CP

LFI 2014

AE/CP

PLF 2015

761 : Désendettement de l'État

0

0

762 : Optimisation de l'usage du spectre hertzien et interception et traitement des émissions électromagnétiques

11

2067

01 Amélioration de l'usage du spectre hertzien

11

1 346,1

02 Interception et traitement des émissions électromagnétiques

 

720,9

763 : Optimisation de l'usage du spectre hertzien et des infrastructures du réseau physique de télécommunications du ministère de l'Intérieur

0

0

Au titre du programme 762 Optimisation de l’usage du spectre hertzien et interception et traitement des émissions électromagnétiques, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit donc un montant prévisionnel de recettes de 2 067 millions d’euros qui se répartissent comme suit :

– 23 millions d’euros attendus au titre de la part variable des redevances acquittées en 2015 par les opérateurs de téléphonie mobile pour l’utilisation des bandes de fréquences libérées par le ministère de la Défense (bandes de fréquences dites « des 800 MHz » et « des 2,6 GHz », attribuées en 2011 et actuellement employées pour des services de téléphonie mobile « 4G »), conformément au 1°a de l’article 54 de la loi de finances pour 2010.

– 2 044 millions d’euros attendus au titre du produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz (nouvelles recettes permises par les modifications contenues dans l’article 23 du projet de loi de finances pour 2015)

Ces montants sont par ailleurs cohérents avec les hypothèses retenues en construction de la loi de programmation militaire 2014 – 2019. Il n’est pas prévu en 2015 de versement en provenance du budget général.

La loi de finances pour 2014 a, par ailleurs, facilité l’utilisation du compte d’affectation spéciale par d’autres ministères, notamment le ministère de l’Intérieur actuellement le plus concerné. Toutefois, pour 2015, aucune opération n’est prévue et par conséquent, le programme 763 n’est pas doté de crédits.

Le programme 761 affecté au désendettement de l’État ne l’est pas non plus. On peut souligner le fait que ce programme n’a jamais fait l’objet d’un abondement de crédits.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la communication (voir le compte rendu de la commission élargie du 23 octobre 2014 à 21 heures (17)), la commission des Finances examine les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles et des comptes spéciaux Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État et Avances à l’audiovisuel public.

Suivant l’avis favorable de M. Jean-Marie Beffara, rapporteur spécial, la Commission adopte les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles et des comptes spéciaux Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État et Avances à l’audiovisuel public.

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ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

– M. Mathieu Gallet, président-directeur-général de Radio France ; Mme Catherine Sueur, directrice générale déléguée ; Mme Bérénice Ravache, secrétaire générale de Radio France.

– M. Rémy Pfimlin, président de France Télévisions ; M. Fabrice Lacroix, directeur général délégué aux ressources

– Mme Françoise Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier de France Télévisions, et M. Jean-Charles Aubernon, contrôleur général

– Mme Anne Marie Couderc, présidente de la Société Presstalis et M. Stéphane Bribard, directeur des relations institutionnelles.

– M. Guillaume Leblanc, directeur général du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP).

– Mme Malika Séguineau, déléguée générale du Prodiss, Mme Aline Renet, responsable de la communication et des relations institutionnelles, M. Jean-Philippe Daniel, directeur associé de Lysios Public Affairs

– M. Nicolas Feau, conseiller parlementaire au cabinet du ministre de la Culture et M. Kim Pham, conseiller au cabinet de la ministre de la Culture en charge de l’audiovisuel et du cinéma (cabinet de Mme Aurélie Filippetti)

– Mme Aude Accary-Bonnery, conseillère au cabinet de la ministre de la Culture en charge de l’audiovisuel et du cinéma (cabinet de Mme Fleur Pellerin)

– M. Daniel Saada, directeur de la Régie publicitaire de France Télévision ; Mme Priscille Ducomet, directrice adjointe de la régie publicitaire et Mme Juliette Rosset-Cailler, responsable suivi des relations avec le Parlement.

– M. Olivier Schrameck, président du conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et M. Jean-Pierre Camby, conseiller auprès du président.

– M. Nicolas Routier, directeur général de la branche Services-courrier-colis de la Poste et M. Arnaud Tomasi, directeur des activités Presse de la branche services-courrier-colis de la Poste.

– Mme Laurence Franceschini, directrice générale et responsable des programmes de la mission (DGMIC) ; M. Romain Laleix, adjoint au chef de bureau pour le secteur audiovisuel public ; M. Patrick Comoy, adjoint au chef de bureau régime économique de la presse, M. Patrick Locmant, chef de bureau création et diffusion du département du livre

– M. Georges Sanerot, président de l’Association de la Presse d’Information Politique et Générale (AIPG) ; M. Denis Bouchez, directeur de l’AIPG et M. Benjamin Faure, consultant de Boury, Tallon & Associés

– M. Pierre-Jean Bozzo, président de l’Union des annonceurs (UDA), M. Didier Beauclair, directeur Médias

– M. Daniel Panetto, président de l’Union national des Diffuseurs de presse (UNDP), et M. DI Marzio, directeur général

– Mme Peggy Le Gouvello, directrice des relations extérieures du Groupe Canal + et M. Mathieu Debusschère, chargé de mission

– M. Pierre Montel, délégué général du Syndicat national des radios libres

– Mme Véronique Cayla, présidente d’ARTE et Mme Clémence Weber, responsable affaire publique

– Mme Marie-Christine Saragosse, présidente directrice générale de France Médias Monde (FMM) ; M. Victor Rocaries, directeur général délégué ; M. Thierry Delphin, directeur financier ; Mme Geneviève Goëtzinger, directrice des relations institutionnelles

– Mme Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) ; M. Éric Walter, secrétaire général et Mme Pauline Blassel, secrétaire général adjointe

– M. Philippe Gault, président du Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti) ; M. Tarek Mami, secrétaire national et M. Kevin Moignoux, chargé de missions pour les relations institutionnelles

– M. Christian Bruneau, président de la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS) et Mme Catherine Chagniot, directrice déléguée

© Assemblée nationale

1 () « Usages des medias : quelles évolutions ? », 4ème rencontre de l’Union des entreprises de conseil et achat média (UDECAM), Médiamétrie septembre 2014.

2 () Relevés OJD Mobile Juillet 2014.

3 () Rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation- projet de loi de finances pour 2015- Audiovisuel ; Avances à l’audiovisuel.

4 () Réponse au questionnaire budgétaire.

5 () Les perspectives de financement de la radio numérique terrestre – novembre 2009.

6 () La radio numérique terrestre – mars 2011.

7 () Rapport à Mme Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la communication, sur les aides à la presse, présenté en avril 2013 à la suite de la lettre de mission à M. Roch-Olivier Maistre en date du 25 janvier 2013 pour la mise en place d’un groupe de travail et de réflexion sur la réforme des aides à la presse.

8 () Réponse au questionnaire budgétaire du Rapporteur spécial (question XII-3)-ministère de la Culture et de la communication.

9 () Ibid.

10 () «  La Numérisation du patrimoine écrit »-janvier 2010.

11 () N°2224- Proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse- 17 septembre 2014.

12 () Source : site internet du ministère de la Culture et de la communication.

13 () Op.cit.

14 () L'article 56 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 a prolongé définitivement ce régime dit des « droits acquis » qui concerne des personnes âgées de plus de 65 ans non imposables et des foyers dont l'un des membres est handicapé, sous certaines conditions.

15 () Loi n°2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

16 () « VI. - Les programmes diffusés entre vingt heures et six heures des services nationaux de télévision mentionnés au I de l'article 44, à l'exception de leurs programmes régionaux et locaux, ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique. »

17 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2015/commissions_elargies/