N° 2260
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234),
PAR Mme Valérie RABAULT,
Rapporteure Générale
Députée
——
ANNEXE N° 6
AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS
Rapporteur spécial : M. Jean-François MANCEL
Député
____
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. UN CRI D’ALARME SUR LA MISSION AIDE AU DÉVELOPPEMENT 9
A. LA PEAU DE CHAGRIN DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES ET DES FINANCEMENTS INNOVANTS QUI VIENNENT EN SUBSTITUTION 10
1. La chute des crédits budgétaires 11
2. Des financements innovants qui ne servent qu’à compenser la baisse des crédits 12
B. UN MANQUE À GAGNER DU CÔTÉ DES FINANCEMENTS DE L’ACTION SANTÉ 13
C. LA PROMESSE DE L’ENGAGEMENT DE 20 MILLIARDS EN FAVEUR DE L’AFRIQUE 16
II. LE DÉCLIN DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES : UNE PENTE DANGEREUSE 19
A. LE PROGRAMME 110 21
B. LE PROGRAMME 209 27
1. Du 10e au 11e FED : la contribution au Fonds européen de développement 28
2. Une action bilatérale qui se traduit par moins de dons et d’action humanitaire, trop peu d’attention aux questions de gouvernance, et qui méconnaît les priorités géographiques définies par le CICID 29
III. LE COMPTE SPÉCIAL PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS 31
A. LE PROGRAMME 851 : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS, DE LA RÉSERVE PAYS ÉMERGENTS, EN VUE DE FACILITER LA RÉALISATION DE PROJETS D’INFRASTRUCTURE 31
B. LE PROGRAMME 852 PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS POUR CONSOLIDATION DE DETTES ENVERS LA FRANCE 31
C. LE PROGRAMME 853 PRÊTS À L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT EN VUE DE FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DANS DES ÉTATS ÉTRANGERS 32
D. LE PROGRAMME 854 : PRÊTS AUX ÉTATS MEMBRES DE L’UNION EUROPÉENNE DONT LA MONNAIE EST L’EURO 32
L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 68 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.
Le Rapporteur spécial adopte depuis plusieurs années une position modérée sur la baisse des crédits budgétaires de la mission. Malheureusement la poursuite de la dégradation des crédits budgétaires suit une pente qui n’est plus acceptable. La Secrétaire d’État au développement, Mme Annick Girardin, a d’elle-même reconnu, en audition devant les Rapporteurs le 15 octobre 2014, que cette politique frôle la ligne rouge.
Après deux années de diminution des crédits de paiement de 6 % en 2013 et en 2014, le projet de loi de finances pour 2015 ampute encore les crédits de paiement de la mission Aide publique au développement de 2,8 %, sachant que le projet de loi de finances rectificative n° 2014-891 du 8 août 2014 a annulé 73 millions de crédits en juillet 2014. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 entérine une nouvelle chute des crédits, de 2,87 à 2,66 milliards d’euros entre 2014 et 2017 (– 7,3 %), ce qui entraînerait pratiquement une baisse de 20 % des crédits sur l’ensemble du quinquennat d’après certaines ONG.
Alors que les sondages confirment le soutien majoritaire des Français à la préservation de l’aide au développement, ainsi qu’un désir accru d’information et de transparence, et alors même que l’aide publique mondiale est repartie à la hausse en 2013, force est de constater que la France est à contre-courant des autres donateurs du Comité d’aide au développement. Notre pays est donc en train de perdre la force d’autorité et de proposition qu’il avait acquise de longue date sur le terrain de l’aide publique. Nous disposons pourtant dans le domaine de la santé notamment, d’atouts exceptionnels : un engagement ancien et très fort, avec 3,4 milliards d’euros de contributions versées au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme de 2001 à 2013. Ce financement a été rendu possible grâce à l’invention des financements innovants comme la taxe sur les billets d’avion (au profit également d’Unitaid et de la Fondation Gavi), la taxe sur les transactions financières, et grâce à de véritables compétences en matière d’aide au développement, portées par des acteurs de qualité extrêmement dévoués, impliqués et actifs, que ce soit au sein des administrations de la Direction générale de la mondialisation, de la Direction du Trésor, de l’Agence française de développement ou dans les ONG françaises présentes en Afrique et en Asie.
Or, l’agenda international 2015 comporte la 21e Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP 21) qui se tiendra au Bourget, et l’échéance des Objectifs du Millénaire pour le Développement.
À Copenhague en 2009, les pays industrialisés, dont la France, se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020, via le Fonds vert, pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique. En 2015, tous les regards se tourneront vers la France, pays d’accueil de la COP21. Or ces financements ne sont ni nouveaux, ni additionnels à l’APD. Si 1,24 milliard d’euros ont été engagés sur 2010-2012, le volume global de l’aide n’a pas augmenté, ce qui signifie que les investissements en faveur du climat se font au détriment d’autres secteurs.
En matière de développement, rien n’est jamais gagné : les crises sont toujours là. L’épidémie d’Ebola qui ravage l’Afrique de l’Ouest vient nous le rappeler, avec un virus qui a déjà fait plus de 4 400 morts et risque de renforcer la vulnérabilité locale aux autres pandémies en congestionnant des systèmes de santé inexistants ou débordés, pour des besoins évalués par l’ONU à 1 milliard de dollars (pour mémoire en 2012, la tuberculose a tué 1,3 million de personnes et le paludisme a fait 627 000 victimes). Les 3 000 réfugiés noyés en Méditerranée depuis janvier 2014, tentant de quitter l’Afrique, témoignent de l’urgence à rendre ce continent porteur d’espoir pour ses propres habitants, afin de diminuer l’accumulation de situations dramatiques aux portes de l’Europe à Lampedusa ou Calais. Enfin, si 700 millions de personnes sont sorties de la pauvreté depuis 25 ans, et c’est un acquis incontournable de la marche vers le développement, il reste encore 870 millions de personnes sous-alimentées dans le monde en 2014, et près de 2,5 milliards sont encore privées de services d’assainissement de base (rapport des Nations Unies de 2014 sur les objectifs du millénaire pour le développement).
D’autres pays, confrontés à la même crise des finances publiques au sein des pays du Comité d’aide au développement, ont pourtant su sanctuariser leur politique d’aide au développement. La France, avec 0,41 % du revenu national brut consacré à l’aide publique en 2013, est loin de l’objectif de 0,7 %, au contraire de la Grande-Bretagne qui a atteint le pourcentage de 0,72 % du revenu national au prix d’un gros effort de transfert. En réalité en 2013, plus de la moitié de l’augmentation de l’aide de l’ensemble des pays du CAD provient de la contribution du Royaume-Uni, qui a octroyé près de 1,5 milliard de dollars supplémentaires afin d’atteindre cet objectif des 0,7 %. Ne serait-ce qu’en affichage des résultats, l’association One fait état de comparaisons accablantes : l’aide de la France a permis en 2013 à 500 000 enfants d’aller à l’école. En 2012, 2013 (sur deux ans certes), l’aide du Royaume-Uni a aidé 5,9 millions d’enfants, dont 2,8 millions de filles, à aller à l’école primaire.
Pour 2014, la prévision des services du Trésor évalue même une nouvelle baisse de notre contribution à 0,37 %. Nous nous éloignons de plus en plus de l’objectif défini au Sommet de Monterrey en 2002, par manque de volonté politique, au risque de décevoir nos partenaires du développement au sein de l’OCDE et dans les pays récipiendaires. Pour atteindre l’engagement des 0,7 %, la France devrait accroître son budget APD de 7 milliards en 2015 ! Tous les responsables de la politique d’aide publique ont ouvertement reconnu, au cours des auditions menées par les Rapporteurs, que les financements innovants viennent désormais en appui pour colmater la fuite des crédits budgétaires, alors que dans l’esprit de leurs concepteurs, ces taxes ont été affectées et défendues devant le Parlement et dans les sommets internationaux comme des taxes destinées à venir en aide aux besoins de santé et du développement durable sous la forme de contributions additionnelles à l’effort budgétaire.
CHIFFRES CLÉS
La mission Aide publique au développement regroupe des crédits gérés conjointement par le ministère des Affaires étrangères (programme 209) et le ministère de l’Économie et des finances (programme 110). Les dépenses budgétaires de cette mission (2,8 milliards d’euros pour 2015) représentent 55 % des dépenses budgétaires totales consacrées à l’APD en 2015 (4,7 milliards d’euros), car la politique d’aide au développement est, en réalité, répartie sur une vingtaine de programmes qui sont recensés dans un document de politique transversale.
Le projet de loi de programmation des finances publiques anticipe une nouvelle décrue des crédits de paiement alloués à la mission de 2,87 milliards d’euros en 2014 à 2,66 milliards en 2017 (– 7 %).
L’aide au développement a augmenté de 29 % en Grande Bretagne de 2012 à 2013, elle a diminué de 5,4 % en France sur la même période. Dans le projet de loi de finances pour 2015, les autorisations d’engagement des programmes 110 et 209 diminuent de 4,16 milliards d’euros demandés pour 2014 à 2,49 milliards d’euros (– 40 %), et les crédits de paiement diminuent pour la troisième année consécutive (– 2,8 % en 2015), passant de 2,89 milliards d’euros demandés pour 2014 à 2,81 milliards d’euros pour 2015. Parmi les financements innovants, utilisés malheureusement en substituts à la baisse de crédits budgétaires, l’augmentation du taux de la taxe sur les billets d’avion en 2014 permettra d’atteindre des recettes évaluées à 210 millions d’euros pour 2015, et un plafond désormais fixé à 15 % de la taxe sur les transactions financières (130 millions) sera affecté au Fonds vert abrité par l’Agence française de développement en 2015, contre 10 % (100 millions) en 2014.
L’Agence française de développement, et sa filiale privée Proparco, est l’opérateur essentiel de l’aide publique au développement française, agissant comme une banque de développement dotée d’un statut particulier, sous la tutelle des ministères compétents. Le CICID de juin 2013 a élargi son champ d’action et conforté une politique de prêts qui doit respecter les priorités définies par l’État et les accords de Bâle sur la réglementation bancaire avec une forte progression des encours (20,5 milliards d’euros d’encours net consolidé des prêts pour compte propre en 2013, un résultat net de 88 millions d’euros et 55 millions de dividendes distribués à l’État).
Le compte de concours financiers qui recense les prêts à des États étrangers est composé de quatre sections, le programme 851 Prêts à des États étrangers de la réserve pays émergents en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure, le programme 852 Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France, le programme 853 Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans les pays étrangers et le programme 854 Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro (qui concerne la Grèce). L’ensemble des crédits de paiement demandés pour 2015 s’élève à 1,4 milliard d’euros.
Si elle participe de l’effort de redressement des dépenses publiques, la poursuite de l’évolution baissière en cours est dangereuse pour la pérennité de la politique d’aide au développement menée par la France, danger qui n’échappe à aucun des nombreux acteurs auditionnés par le Rapporteur spécial.
De plus, l’opacité et la complexité d’une politique dispersée entre deux ministères de tutelle, le ministère des Affaires étrangères (programme 209), et le ministère de l’Économie et des finances (programme 110), l’opérateur principal, l’Agence française de développement, l’Union européenne au travers du Fonds européen de développement, et d’innombrables fonds multilatéraux et organisations internationales, sans compter les indispensables relais des ONG et des collectivités locales, mettent en question le leadership politique de l’action publique. Au demeurant, la mission Aide publique au développement ne recense que 55 % des crédits, éclatés dans plus d’une vingtaine de programmes recensés dans le document de politique transversale, ce qui ne peut que nuire à la cohérence globale des actions.
Si l’on s’en tient aux comptes effectués par le Comité d’aide au développement ci-dessous, le dérapage négatif enregistré en France depuis 2012 (– 9,8 % des crédits en dollars constants) est encore plus important que la diminution des crédits de l’aide au développement de la Grèce (– 7,7 %), mais moins substantiel il est vrai que le retrait canadien (– 11,4 %). Selon les priorités politiques des pays donateurs, l’aide publique au développement est une variable d’ajustement de la crise. Or c’était justement l’objectif des financements innovants de lisser les moyens d’une politique d’aide au développement soumise à l’aléa des restrictions budgétaires.
La conséquence de ces restrictions de crédits dans une période de conflits armés et de crises sanitaires en Afrique a un impact négatif sur le renforcement des systèmes de santé en Afrique, trop longtemps oubliés de la politique d’aide au développement et bien insuffisamment pris en compte par les gouvernements locaux.
DONNÉES PRÉLIMINAIRES DU COMITÉ D’AIDE AU DÉVELOPPEMENT
(en millions de dollars)
APD 2013 Dollars courants |
APD |
APD 2012 Dollars courants |
APD % RNB |
APD 2013 Dollars 2012 |
Évolution 2013/2012 | |
Pays CAD |
||||||
Australie |
4 851 |
0,34 |
5 403 |
0,36 |
5 158 |
– 4,5 |
Autriche |
1 172 |
0,28 |
1 106 |
0,28 |
1 113 |
0,7 |
Belgique |
2 281 |
0,45 |
2 315 |
0,47 |
2 174 |
– 6,1 |
Canada |
4 911 |
0,27 |
5 650 |
0,32 |
5 007 |
– 11,4 |
République Tchèque |
212 |
0,11 |
220 |
0,12 |
209 |
– 4,7 |
Danemark |
2 928 |
0,85 |
2 693 |
0,83 |
2 795 |
3,8 |
Finlande |
1 435 |
0,55 |
1 320 |
0,53 |
1 367 |
3,5 |
France |
11 376 |
0,41 |
12 028 |
0,45 |
10 854 |
– 9,8 |
Allemagne |
14 059 |
0,38 |
12 939 |
0,37 |
13 328 |
3,0 |
Grèce |
305 |
0,13 |
327 |
0,13 |
302 |
– 7,7 |
Islande |
35 |
0,26 |
26 |
0,22 |
33 |
27,4 |
Irlande |
822 |
0,45 |
808 |
0,47 |
793 |
– 1,9 |
Italie |
3 253 |
0,16 |
2 737 |
0,14 |
3 104 |
13,4 |
Japon |
11 786 |
0,23 |
10 605 |
0,17 |
14 486 |
36,6 |
Corée |
1 744 |
0,13 |
1 597 |
0,14 |
1 674 |
4,8 |
Luxembourg |
431 |
1,00 |
399 |
1,00 |
404 |
1,2 |
Pays Bas |
5 435 |
0,67 |
5 523 |
0,71 |
5 181 |
– 6,2 |
Nouvelle-Zélande |
461 |
0,26 |
449 |
0,28 |
445 |
– 1,0 |
Norvège |
5 581 |
1,07 |
4 753 |
0,93 |
5 534 |
16,4 |
Pologne |
474 |
0,10 |
421 |
0,09 |
457 |
8,6 |
Portugal |
484 |
0,23 |
581 |
0,28 |
462 |
– 20,4 |
Slovaquie |
85 |
0,09 |
80 |
0,09 |
82 |
2,4 |
Slovénie |
60 |
0,13 |
58 |
0,13 |
58 |
– 0,6 |
Espagne |
2 199 |
0,16 |
2 037 |
0,16 |
2 112 |
3,7 |
Suède |
5 831 |
1,02 |
5 240 |
0,97 |
5 568 |
6,3 |
Suisse |
3 198 |
0,47 |
3 056 |
0,47 |
3 161 |
3,4 |
Royaume-Uni |
17 881 |
0,72 |
13 891 |
0,56 |
17 755 |
27,8 |
États-Unis |
31 545 |
0,19 |
30 687 |
0,19 |
31 080 |
1,3 |
Total CAD |
134 838 |
0,30 |
126 949 |
0,29 |
134 698 |
6,1 |
Effort moyen |
0,40 |
0,39 |
Source : OCDE.
A. LA PEAU DE CHAGRIN DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES ET DES FINANCEMENTS INNOVANTS QUI VIENNENT EN SUBSTITUTION
Après deux années de diminution des crédits de paiement de 6 % en 2013 et 2014 de la mission Aide publique au développement ceux-ci baissent encore en 2015 de 2,8 % (– 82,4 millions d’euros).
L’ONG « Global health advocates » rappelle à juste titre que réduire de 82,4 millions d’euros la mission en 2015 ne va pas changer la donne en matière de réduction des déficits publics, mais pourrait permettre de vacciner 2,6 millions d’enfants de moins de 5 ans contre les maladies mortelles et évitables. Or la prévention en matière de santé et la vaccination sont toujours la garantie d’économies sur le futur en évitant les pandémies qui ravagent des populations fragiles.
Le projet de loi de programmation des finances publiques présente une chute supplémentaire des crédits de 2,87 à 2,66 milliards d’euros entre 2014 et 2017 (– 7,3 %). En 2015, la mission est amputée de 2,78 % (crédits budgétaires sans les financements innovants) soit environ 10 FOIS PLUS QUE LA MOYENNE DES AUTRES MISSIONS (0,36 %). En définitive, le seul engagement tenu depuis l’élection du Président de la République en matière d’aide au développement est le doublement des financements transitant par les ONG gérées depuis 2009 par l’Agence française de développement, ainsi que la présentation au Parlement du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique du développement et de solidarité internationale. Or ce texte se limite à un affichage de bon aloi sans dispositions financières.
Cette loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale a certes créé une Agence française d’expertise technique internationale – mais le nombre d’experts ne cesse de diminuer ainsi que le principe bienvenu d’un rapport de synthèse des évaluations transmis au Parlement. La loi a également créé un Observatoire chargé d’évaluer la politique d’aide, mais le Rapporteur spécial estime que les services d’évaluation devraient être totalement indépendants des ministères concernés, à l’instar des agences anglaises d’évaluation, ce qui ne sera pas le cas. Le projet de budget pour 2015 confirme la seule vertu de cette loi d’affichage, mais sans dispositions ni objectifs financiers, qui ne renforce guère la cohérence générale de la politique actuelle.
En définitive l’évolution des crédits budgétaires confirme le déclin d’une politique essentielle, depuis le début du quinquennat et pour laquelle la France a traditionnellement engagé des moyens importants. Pourtant ces objectifs du développement mobilisent encore de nombreux hommes et femmes, parmi lesquels beaucoup de jeunes Français qui se battent sur le terrain, au sein des ONG dans le monde entier. Par ailleurs, la France reste le premier investisseur européen en Afrique (31 milliards de dollars d’avoirs africains en 2012), à égalité devant les États-Unis et devant la Chine, ce qui devrait justifier une ambitieuse politique d’aide publique.
Le tableau ci-dessous illustre clairement la complexité budgétaire et, l’hétérogénéité d’une politique de développement qui tient de l’habit d’Arlequin sur le plan des financements (État, financements innovants, collectivités locales) ainsi que le déclin de l’effort de l’État qui se traduit par la diminution des crédits budgétaires. Comme la part croissante que prend l’aide privée dans l’effort global pour le développement, les taxes innovantes sont des prélèvements sur des activités privées (voyages ou transactions financières) qui compensent de plus en plus les crédits budgétaires.
L’EFFORT D’AIDE AU DÉVELOPPEMENT EN % DU RNB
(en millions d’euros)
2012 |
2013 |
2014 |
2015 | |
Aide publique au développement résultant des crédits budgétaires |
6 979 |
6 475 |
6 717 |
6 688 |
dont mission APD (hors aide à effet de levier) |
2 756 |
2 908 |
2 850 |
2 804 |
dont prêts AFD (hors impact des refinancements) |
2 076 |
1 451 |
1 700 |
1 840 |
dont autres |
2 146 |
2 116 |
2 100 |
2 040 |
y.c. écolage et réfugiés |
1 111 |
1 065 |
1 000 |
1 030 |
Opérations de prêts (prêts RPE et FMI) |
– 254 |
35 |
– 210 |
745 |
dont prêts RPE |
– 322 |
– 90 |
||
dont prêts AID et Fonds Vert |
- |
- |
- |
690 |
Prélèvements sur recettes CE (quote-part de l’APD financée sur le budget communautaire) |
1 050 |
1 072 |
1 090 |
1 157 |
Annulations de dettes et refinancements nets |
1 080 |
385 |
– 280 |
97 |
Total État |
8 855 |
7 967 |
7 318 |
8 687 |
Taxe de solidarité sur les billets d’avion |
185 |
185 |
208 |
210 |
Taxe sur les transactions financières (TTF) |
0 |
60 |
100 |
130 |
Collectivités territoriales |
63 |
60 |
60 |
60 |
Autres (agences eau, ressources propres AFD) |
256 |
269 |
258 |
262 |
Total APD |
9 358 |
8 540 |
7 940 |
9 350 |
Total APD (en % du RNB, ancienne série SEC 95) |
0,45 % |
0,41 % |
0,37 % |
0,42 % |
Source : Trésor.
À l’origine, les financements innovants avaient pour objet de compléter, en addition, les crédits publics d’aide au développement par des sources de financements plus stables que ces derniers (principe d’additionnalité proclamé par l’Assemblée générale de l’ONU dans sa résolution du 20 décembre 2010)
La taxe sur les billets d’avion, dite « taxe Chirac », a été votée en 2006 en vue de financer des programmes internationaux de santé publique et d’accès aux médicaments pour certaines maladies dans les pays en voie de développement, dans la perspective des objectifs Santé du Millénaire pour le Développement. Fort décriées avant leur mise en œuvre pour un impact négatif allégué sur le trafic aérien, les recettes de cette contribution ont augmenté de 162 millions d’euros en 2009 à 208 millions d’euros (prévisions) pour 2014 et à 222 millions d’euros (prévisions) pour 2015, suite à une revalorisation de 12,7 % à compter du 1er avril 2014. La taxe sur le billet à destination de l’espace économique européen reste de 1 euro, celle qui est appliquée en classes supérieures hors Europe est de 47,15 euros. Cette taxe de solidarité a été mise en place dans d’autres pays émergents : Cameroun, Chili, République du Congo, Madagascar, Mali, Maurice, Niger et République de Corée. Elle est plafonnée à 210 millions d’euros pour 2015.
La contribution obligatoire de solidarité sur les billets d’avion est complétée depuis juillet 2012 par la taxe sur les transactions financières (TTF). Toutefois, et contrairement aux promesses faites, 85 % de la TTF est reversée au budget de l’État en vertu du mécanisme de plafonnement. Le rendement de cette taxe (766 millions d’euros en 2013) est estimé à 780 millions d’euros pour 2014. La part affectée au développement, plafonnée, est passée de 10 % dans la loi de finances pour 2013 à 15 % dans le projet de loi de finances pour 2014, avec un plafond évoluant de 60 millions d’euros en 2013, à 100 millions d’euros en 2014 et à 25% ( 130 millions d’euros pour 2015, plafond porté par amendement parlementaire a 140 millions d’euros au cours du vote de la première partie de la loi de finances pour 2015.
Dans la limite des plafonds en vigueur, les ressources de la taxe de solidarité sur les billets d’avion et, depuis 2013, une partie de la taxe sur les transactions financières françaises sont affectées au Fonds de Solidarité pour le Développement (FSD). En application du décret n° 2013-1214 du 23 décembre 2013, l’AFD gère le FSD et effectue les versements pour le compte de l’État, sous la supervision et les instructions d’un comité de pilotage interministériel. Ce décret a également élargi les bénéficiaires du FSD (outre la facilité internationale d’achats de médicaments Unitaid, la facilité financière internationale pour l’immunisation (IFFIm) et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme), aux bénéficiaires suivants : le Fonds vert pour le climat, l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI), le fonds fiduciaire de l’Initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural (RWSSI) de la Banque africaine de développement et l’Initiative solidarité santé Sahel (I3S) de l’AFD. Le remboursement de la première tranche des engagements français à l’IFFIm, qui représente une obligation légale et court jusqu’au 31 mars 2021, est prioritaire sur les autres dépenses en cas de difficulté de trésorerie.
Or, l’analyse des bénéficiaires du FSD et des montants dont ils vont bénéficier pour compenser les coupes budgétaires, montre que le FSD ne sera pas suffisant compte tenu des plafonds actuellement établis. En effet, Unitaid doit bénéficier de 100 millions d’euros du FSD, le Fonds mondial de 173 millions, de la deuxième tranche de l’IFFIm de 35,25 millions, et à cela doit s’ajouter l’abondement du Fonds vert et la finalisation des projets I3S (24 millions).
Comment seront donc financés ces organismes si aux coupes budgétaires s’ajoutent des financements innovants insuffisamment dédiés au développement ? Le Rapporteur spécial souligne par ailleurs que le nombre des assistants techniques transférés du ministère des Affaires étrangères vers l’AFD et qui seront gérés par une nouvelle Agence, n’est plus que de 103, et que les assistants Santé ne représentent plus que 7 % de ceux-ci.
Financements contre l’épidémie de virus Ebola
Lors de l’Assemblée Générale de l’ONU d’octobre 2014, la France a pourtant annoncé contribuer à hauteur de 70 millions d’euros, dont 35 millions pour l’aide bilatérale, pour lutter contre l’épidémie Ebola. Cette contribution ne risque-t-elle pas d’affecter encore davantage les budgets dédiés à la santé ? Dans quelle mesure la France, qui réduit de 82 millions la mission Aide publique au développement, peut-elle débloquer 70 millions pour Ebola sans réduire d’autres budgets ? Ainsi sur quels budgets ces financements Ebola vont-ils peser ?
Engagement de la France pour la vaccination
En juin 2011, la France s’est engagée à verser une contribution directe de 100 millions d’euros sur cinq ans à l’Alliance GAVI afin d’accroître l’accès à la vaccination dans les pays du Sud, en addition à sa participation au mécanisme de Facilité internationale pour le financement de la vaccination (IFFIm). À quelques mois de l’échéance des versements français de 27,5 millions d’euros vont manquer à GAVI pour 2015 (audition de Mme Annick Girardin du 15 octobre 2014). En mai dernier, l’Alliance GAVI a lancé son cycle de reconstitution des ressources pour la période 2016-2020 dont une grande partie se concentrerait sur les pays prioritaires de l’aide française. Actuellement, la France est le cinquième contributeur de l’Alliance GAVI. Alors que l’expertise et le savoir-faire français en matière de santé globale sont des vecteurs d’influence, tant au sein des institutions internationales que dans le dialogue politique avec les pays bénéficiaires, le retrait financier progressif aurait pour conséquence une perte d’influence de la France hors de ses frontières.
Quel va donc être le calendrier de décaissement des 27,5 millions restants d’ici à 2015 et comment la France compte-t-elle maintenir son soutien à cette initiative à travers des nouveaux engagements financiers lors de la reconstitution des ressources pour le prochain cycle 2016-2020 ? Quel type de mécanisme, entre la contribution directe et le renforcement de sa participation de Facilité internationale pour le financement de la vaccination (IFFIm) sera privilégié ?
Financement du Fonds Mondial
Le projet de loi de finances prévoit une baisse de la contribution budgétaire française au Fonds Mondial. Elle passerait en effet de 217 millions en 2014 à 187 millions en 2015 (1) ; les financements innovants devant se charger de compenser cette baisse pour faire en sorte que le Fonds Mondial bénéficie de 360 millions d’euros de la France en 2015.
La France risque une fois de plus de perdre son crédit international, au moment précis où l’Afrique, alors qu’elle atteint un taux de croissance de 5 %, va être affectée par les conséquences économiques du virus Ebola. Ce taux de croissance concerne les pays d’Afrique subsaharienne non producteurs de pétrole comme la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, le Liberia, la Sierra Leone, et même le Soudan du Sud. Selon la Banque africaine de développement, l’Afrique de l’Ouest a connu une croissance de 7 % en 2013, et l’Afrique subsaharienne une croissance de 6 % (sans l’Afrique du Sud). Le FMI remarque que si cette vigoureuse croissance se maintient en 2014, avec des taux de 5 à 8 % en Afrique subsaharienne, celle-ci n’empêche pas la pauvreté de reculer plus lentement dans les états fragiles et les pays exportateurs de pétrole. Elle s’accompagne en outre d’un accroissement des inégalités qui éloigne la perspective de réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Alors que l’objectif de réduction de moitié de l’extrême pauvreté fait des progrès rapides dans les pays d’Asie du Sud-Est et du Pacifique, en Amérique latine et aux Caraïbes, ainsi qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, l’Afrique subsaharienne a encore beaucoup de retard sur les terrains de la santé et de l’éducation.
Au cours d’une mission d’une semaine effectuée au cours de l’hiver 2014 dans trois pays d’Afrique subsaharienne, non francophones et à fort potentiel de développement, le Kenya, l’Éthiopie et le Mozambique, le Rapporteur spécial a pu à la fois constater les besoins encore criants des populations rurales et péri-urbaines, et la très forte implication des services diplomatiques français comme de l’Agence française de développement, appréciée des gouvernements locaux. Tout en mesurant pleinement la puissance de l’effort français en faveur des fonds verticaux pour la santé Fonds mondial sida, Unitaid et Gavi, il a été frappé par l’insuffisance des moyens humains affectés à l’aide médicale : un seul correspondant santé du ministère des Affaires étrangères coordonne l’action des fonds verticaux pour la zone Afrique du Sud, Mozambique, Zimbabwe, Botswana, Namibie, Zambie, Malawi, Swaziland et Lesotho… Le correspondant santé pour la zone Mali, Niger, Burkina Faso, Guinée Conakry et Sierra Leone étant décédé en septembre 2014, son remplaçant sera, en pleine épidémie Ebola, le correspondant qui couvre déjà le Sénégal, la Mauritanie, la Guinée Bissau, le Cap-Vert et la Gambie. Au total, seulement huit correspondants santé sont déployés pour toute l’Afrique, correspondants à ne pas confondre avec les anciens assistants techniques, désormais ETI, mis à disposition d’une ONG ou d’un ministère étranger.
Au cours du sommet pour la paix et la sécurité en Afrique de décembre 2013, la promesse du Président de la République, M. François Hollande, mesurant : « l’attente africaine à l’égard de la France et de l’Europe : consacrer 20 milliards d’euros, au cours des cinq prochaines années en dons et en prêts, au développement de l’Afrique. Parce que je considère que l’Afrique est la nouvelle frontière du monde. », a bien sûr attiré toute l’attention de nos interlocuteurs africains, et le Secrétaire d’État aux finances d’Éthiopie est venu interroger le Rapporteur spécial à l’Assemblée nationale en juin 2014 sur le montant de la traduction des promesses françaises à l’égard de son pays.
La réponse aux questions du Rapporteur spécial sur les moyens utilisés pour remplir les engagements du sommet de l’Élysée – moyens qui ont suscité de légitimes espoirs chez nos amis africains – ne mentionne que l’activité de prêts de l’Agence française de développement. Mais ces engagements ne seront tenables qu’à condition de sanctuariser le montant des subventions allouées par l’Agence ainsi que les contrats de développement et de désendettement (C2D). Le Rapporteur spécial, rejoignant les remarques de la revue des pairs du Comité d’aide au développement de l’OCDE, souligne que la part des dons (hors annulation de dette) a baissé de 6,9 millions d’euros à 6,6 millions d’euros de 2009 à 2013 (– 4 %), alors que nombre de pays pauvres d’Afrique ont plus besoin de dons et de subventions que de capacités à souscrire des prêts.
L’AFD doit engager sur la période 2014-2016, 9,3 milliards d’euros d’autorisations de financement en Afrique subsaharienne et environ 2,1 milliards d’euros en Afrique du Nord, soit une augmentation de 20 % par rapport au cumul de l’activité réalisée au cours des années 2011, 2012 et 2013. Le Rapporteur spécial observe ici qu’il a pu observer sur le terrain, tant au Kenya qu’au Mozambique ou en Éthiopie l’efficacité et le dévouement des équipes de l’AFD pour proposer le meilleur service aux pays partenaires. L’utilité de l’élargissement du périmètre d’intervention de l’Agence au dernier Cicid, devrait permettre à l’activité bancaire bénéficiaire dans certains pays d’Amérique du Sud par exemple de subventionner des opérations en Afrique (l’Agence bénéficie de la garantie de l’état français et opère dans une période de taux très bas par ailleurs).
L’ambition du cadre d’intervention régional (CIR) Afrique est d’augmenter les engagements de l’AFD par paliers de 3 milliards d’euros en 2014 et 2015, puis 3,3 milliards d’euros en 2016. La répartition prévisionnelle de ce total de 9,3 milliards d’euros serait la suivante : 2 milliards d’euros de dons et assimilés, 4,1 milliards d’euros de prêts souverains, et 3,2 milliards d’euros de produits financiers non souverains (dont 1,6 milliard d’euros de prêts Proparco).
Les interventions les plus concessionnelles seront concentrées sur les 16 pays pauvres prioritaires auxquels seront consacrés en trois ans 700 millions d’euros de dons et subventions assimilées dont 400 millions d’euros de subventions, c’est-à-dire 89 % des subventions susceptibles d’être attribuées en Afrique subsaharienne sur la période 2014–2016. Ces pays bénéficieront d’autres engagements du Groupe AFD à hauteur de 1,3 milliard d’euros sur la période.
Les hypothèses qui sous-tendent ce scénario sont les suivantes :
Une enveloppe annuelle moyenne de « coût État » de 309 millions d’euros permettant un volume d’activité de prêts souverains et non souverains de l’AFD (hors Proparco) de 1,8 milliard d’euros par an, soit un effet de levier de 6 pour l’activité de prêt ; un niveau élevé de dons et subventions assimilées, notamment pour les contrats de développement et de désendettement (C2D) en cours ; la capacité retrouvée par certains États à financer progressivement par un ré-endettement mesuré et concessionnel des politiques publiques d’envergure ;
L’engagement de Proparco (y compris FISEA) de 500 millions d’euros par an ; des garanties dites ARIZ en appui au secteur bancaire local d’environ 100 millions d’euros par an.
La majorité des concours repose, pour moitié, sur le seul instrument des prêts concessionnels souverains et non souverains.
Cinq pays méditerranéens sont membres de l’Union africaine (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Libye) et doivent donc être pris en compte.
Au total, la contribution de ces pays à l’engagement présidentiel souscrit lors du sommet de l’Élysée en décembre 2013, s’établirait à environ 2,1 milliards d’euros sur la période 2014-2016, sauf dégradation politique ou économique. Les prévisions d’engagements sur la période se répartissent pour 2014 à environ 600 millions d’euros, puis sur la période 2015-2016, de l’ordre de 680 à 740 millions d’euros par an.
Les objectifs seraient essentiellement concentrés sur l’activité au Maroc, en Tunisie et en Égypte. En effet le mandat de l’AFD est limité au renforcement des capacités locales en Libye. Aucun engagement n’est prévu en Algérie, puisque la décision du Conseil des ministres algérien du 29 décembre 2004 de procéder au remboursement anticipé de la dette extérieure et de ne plus recourir à l’endettement extérieur a stoppé toute activité de prêt de l’AFD dans ce pays.
Le tableau ci-après détaille le volume des prêts (3 688 millions d’euros en 2013).
POLITIQUE DES PRÊTS DE L’AFD : VOLUME ET EFFET DE LEVIER PAR SECTEUR
(en millions d’euros)
SECTEURS CICID |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 | |
Agriculture et |
Volume octroyé |
142,0 |
182,8 |
102,0 |
136,0 |
195,8 |
sécurité alimentaire |
Coût État |
52,3 |
33,3 |
14,1 |
34,7 |
21,6 |
Effet de levier |
2,7 |
5,5 |
7,2 |
3,9 |
9,1 | |
Eau et assainissement |
Volume octroyé |
388,5 |
463,4 |
462,5 |
377,3 |
597,9 |
Coût État |
135,7 |
74,7 |
72,8 |
64,3 |
58,1 | |
Effet de levier |
2,9 |
6,2 |
6,4 |
5,9 |
10,3 | |
Éducation |
Volume octroyé |
45,0 |
41,0 |
50,4 |
66,7 |
25,0 |
Coût État |
10,6 |
5,3 |
10,6 |
5,6 |
2,8 | |
Effet de levier |
4,2 |
7,7 |
4,7 |
11,8 |
8,9 | |
Environnement et |
Volume octroyé |
1 074,4 |
931,3 |
556,3 |
270,6 |
301,9 |
ressources naturelles |
Coût État |
114,0 |
56,5 |
26,6 |
5,2 |
11,9 |
Effet de levier |
9,4 |
16,5 |
20,9 |
52,2 |
25,4 | |
Infrastructures et |
Volume octroyé |
716,0 |
1 326,6 |
1 437,5 |
2 624,5 |
2 052,3 |
développement urbain |
Coût État |
137,3 |
168,8 |
161,1 |
154,1 |
155,3 |
Effet de levier |
5,2 |
7,9 |
8,9 |
17,0 |
13,2 | |
Santé/Sida |
Volume octroyé |
76,8 |
7,0 |
5,5 |
359,1 | |
Coût État |
20,3 |
0,9 |
1,7 |
18,0 | ||
Effet de levier |
3,8 |
8,2 |
3,1 |
20,0 | ||
Secteur productif |
Volume octroyé |
40,0 |
180,0 |
258,8 |
8,0 |
76,7 |
Coût État |
5,9 |
15,3 |
36,3 |
1,3 |
6,2 | |
Effet de levier |
6,8 |
11,8 |
7,1 |
6,0 |
12,3 | |
Hors CICID |
Volume octroyé |
100,0 |
385,0 |
170,0 |
80,0 | |
Coût État |
33,0 |
11,2 | ||||
Effet de levier |
5,2 |
7,1 | ||||
TOTAL |
Volume octroyé |
2 482,7 |
3 232,0 |
3 252,5 |
3 658,7 |
3 688,1 |
Coût État |
476,1 |
354,6 |
321,6 |
300,0 |
285,1 | |
Effet de levier |
5,2 |
9,1 |
10,1 |
12,2 |
12,9 |
Source : AFD.
Ce tableau met en valeur la prépondérance des actions vers les équipements d’infrastructure et de développement urbain, des équipements de distribution d’eau et d’assainissement, en troisième position les équipements Santé et sida, et enfin les prêts consacrés au secteur agricole et à la securité alimentaire. Le Rapporteur spécial regrette que les secteurs du développement des petites exploitations agricoles et de l’éducation concentrent le plus faible volume des prêts car ils sont à la base d’une politique de développement pour l’Afrique. Il observe que les prêts environnementaux sont douze fois plus importants que les prêts à l’éducation, ce qui lui semble disproportionné.
En ce qui concerne l’éducation, le Rapporteur spécial a pu apprécier les fruits de l’énorme effort engagé par le Kenya et l’Éthiopie : près de 25 % des dépenses publiques sont destinées à cette action prioritaire, entre 5 à 7 % du PIB de chacun des deux pays, avec un objectif fixé à 9 % du PIB au sommet de Dakar en 2000, alors que le Nigeria, le pays le plus riche de l’Afrique subsaharienne, n’a pu communiquer aucune donnée à l’Unesco sur sa politique d’éducation.
En dépit des promesses du sommet de l’Élysée, les pages précédentes ont montré que notre effort national en faveur de l’aide publique au développement est sur une pente déclinante depuis 2012 et a atteint son creux en 2014.
Le tableau ci-après fait apparaître une baisse de 2,8 % des crédits de paiement de la mission en 2015, après deux années de diminution de 6 %. Les autorisations de programme pour 2015 baissent de 40 %.
RÉCAPITULATION DES CRÉDITS DE LA MISSION AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT PAR PROGRAMME ET PAR TITRE
(en euros)
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | |||||
Numéro et intitulé du programme et du titre |
Ouvertes en LFI pour 2014 |
Demandées pour 2015 |
Évolution 2015/2014 |
Ouverts en LFI pour 2014 |
Demandées pour 2015 |
Évolution 2015/2014 |
110 Aide économique et financière au développement |
2 360 120 755 |
719 464 541 |
– 69 % |
1 109 890 190 |
1 059 000 000 |
– 4 % |
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
6 906 400 |
7 160 000 |
7 306 400 |
7 160 000 |
||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
463 868 337 |
677 304 541 |
505 292 323 |
481 035 068 |
||
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
1 889 346 018 |
35 000 000 |
597 291 467 |
570 804 932 |
||
209 Solidarité à l’égard des pays en développement |
1 803 343 299 |
1 778 273 955 |
– 1,3 % |
1 789 031 842 |
1 756 600 502 |
– 1 % |
Titre 2. Dépenses de personnel |
206 163 873 |
201 792 732 |
206 163 873 |
201 792 732 |
||
Autres dépenses |
1 597 179 426 |
1 576 481 223 |
1 582 867 969 |
1 554 807 770 |
||
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
30 963 169 |
30 890 249 |
36 465 056 |
36 392 136 |
||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
1 566 216 257 |
1 545 590 974 |
1 546 402 913 |
1 518 415 634 |
||
Total pour la mission |
4 163 464 054 |
2 497 738 496 |
– 40 % |
2 898 922 032 |
2 815 600 502 |
– 2,8 % |
Dont |
||||||
Titre 2. Dépenses de personnel |
206 163 873 |
201 792 732 |
206 163 873 |
201 792 732 |
||
Autres dépenses |
3 957 300 181 |
2 295 945 764 |
2 692 758 159 |
2 613 807 770 |
||
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
37 869 569 |
38 050 249 |
43 771 456 |
43 552 136 |
||
Titre 6. Dépenses d’intervention |
2 030 084 594 |
2 222 895 515 |
2 051 695 236 |
1 999 450 702 |
||
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
1 889 346 018 |
35 000 000 |
597 291 467 |
570 804 932 |
Source : PAP 2015.
Sur le programme 110 sont imputés les engagements internationaux de la France, qui se traduisent par des fluctuations brutales des autorisations d’engagement : + 478 % en LFI 2014, puis – 69,5 % dans le projet de loi de finances pour 2015, reflétant les années postérieures aux reconstitutions des fonds multilatéraux de la Banque mondiale et du Fonds africain de développement.
AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT 2015/2014
(en euros)
Numéro et intitulé de l’action / sous-action |
Titre 3 Dépenses de fonctionnement |
Titre 6 Dépenses d’intervention |
Titre 7 Dépenses d’opérations financières |
Total pour 2015 |
2014 |
2015/ 2014 | |
01 |
Aide économique et financière multilatérale |
251 704 541 |
35 000 000 |
286 704 541 |
1 581 174 272 |
– 82% | |
02 |
Aide économique et financière bilatérale |
7 160 000 |
425 600 000 |
432 760 000 |
395 606 400 |
+ 8 % | |
03 |
Traitement de la dette des pays pauvres |
0 |
0 |
0 |
383 340 083 |
– 100 % | |
Total |
7 160 000 |
677 304 541 |
35 000 000 |
719 464 541 |
2 360 120 755 |
– 69,5 % |
Source : PAP 2015.
CRÉDITS DE PAIEMENT 2015/2014
(en euros)
Numéro et intitulé de l’action / sous-action |
Titre 3 Dépenses de fonctionnement |
Titre 6 Dépenses d’intervention |
Titre 7 Dépenses d’opérations financières |
Total pour 2015 |
2014 |
2015/ 2014 | |
01 |
Aide économique et financière multilatérale |
123 779 757 |
511 619 144 |
635 398 901 |
635 866 049 |
-0,07 % | |
02 |
Aide économique et financière bilatérale |
7 160 000 |
309 094 171 |
316 254 171 |
312 749 289 |
+ 1,1 % | |
03 |
Traitement de la dette des pays pauvres |
48 161 140 |
59 185 788 |
107 346 928 |
161 274 852 |
– 33,4 % | |
Total |
7 160 000 |
481 035 068 |
570 804 932 |
1 059 000 000 |
1 109 890 190 |
– 4,5 % |
Source : PAP 2015.
Les crédits de paiement diminuent de 50 000 euros pour 2015.
Une des finalités principales du programme 110 consiste à « faire valoir les priorités stratégiques françaises au sein des banques et fonds multilatéraux, notamment les priorités géographiques et sectorielles ».
La politique d’aide publique s’inscrit dans la logique de partenariats différenciés : solidarité avec les pays les plus pauvres ; priorité à l’Afrique et à la Méditerranée ; attention particulière pour les pays en crise et en sortie de crise, et pour les pays à revenus intermédiaires à croissance rapide ou émergents, recherche de solutions partagées à des défis communs, comme la promotion d’une croissance verte et solidaire. L’amélioration de la coordination, notamment avec les autres donateurs, de l’efficacité, de la redevabilité et de la transparence de l’APD devrait être également recherchée.
Le programme traduit ces objectifs généraux de l’APD, tout en intégrant les spécificités de l’action du ministère des Finances et des comptes publics. Il concentre une part importante de crédits destinés à des institutions multilatérales de développement ainsi qu’au financement des annulations de dette bilatérales et multilatérales, décidées parfois il y a plusieurs années. Il comprend également les crédits de bonifications des prêts de l’Agence française de développement, axe important de notre aide bilatérale.
ÉVOLUTION 2014-2015 DES ACTIONS DU PROGRAMME 110
(en euros)
LFI 2014 |
PLF 2015 | |||
AE |
CP |
AE |
CP | |
AIDE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE AU DÉVELOPPEMENT (110) |
2 360 120 755 |
1 109 890 190 |
719 464 541 |
1 059 000 000 |
Action 1 Aide économique et financière multilatérale |
1 581 174 272 |
635 866 049 |
286 704 541 |
635 398 901 |
Groupe Banque mondiale |
1 194 257 576 |
419 151 515 |
15 000 000 |
337 851 515 |
Association internationale de développement (don) |
1 174 500 000 |
400 000 000 |
0 |
322 700 000 |
Association internationale de développement (bonification prêt) |
0 |
0 |
0 |
0 |
Fonds fiduciaire pays en crise |
4 000 000 |
4 000 000 |
0 |
0 |
Fonds fiduciaire LAB/LAT |
757 576 |
151 515 |
0 |
151 515 |
FMI- Bonification FEC |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
15 000 000 |
Groupe Banques régionales |
380 916 696 |
126 317 755 |
0 |
177 319 144 |
Fonds africain de développement |
380 916 696 |
101 469 332 |
0 |
152 469 332 |
Fonds asiatique de développement |
0 |
23 125 000 |
0 |
23 125 000 |
BID - FOS |
0 |
1 723 423 |
0 |
1 724 812 |
Fonds sectoriels |
6 000 000 |
90 396 779 |
271 704 541 |
120 228 242 |
FIDA |
0 |
11 700 000 |
35 000 000 |
11 600 000 |
METAC |
0 |
360 000 |
0 |
360 000 |
AFRITAC |
4 000 000 |
1 040 000 |
2 000 000 |
1 120 000 |
Santé : IFFIm |
0 |
32 510 000 |
0 |
35 250 000 |
FIAS |
2 000 000 |
1 000 000 |
0 |
1 000 000 |
Nucléaire : CSF |
0 |
0 |
0 |
8 653 000 |
FEM |
0 |
33 985 000 |
200 704 541 |
50 820 242 |
Fonds de lutte contre les juridictions non coop. |
0 |
300 000 |
0 |
125 000 |
Fonds d’aide au commerce (Doha, fonds PMA) |
0 |
2 000 000 |
6 000 000 |
2 000 000 |
Fonds multilatéral pour le protocole de Montréal |
0 |
7 501 779 |
28 000 000 |
9 300 000 |
Action 2 : Aide économique et financière bilatérale |
395 606 400 |
312 749 289 |
432 760 000 |
316 254 171 |
Intervention d’aide bilatérale relevant de l’AFD |
245 280 000 |
222 304 941 |
373 480 000 |
234 580 000 |
Rémunération de l’AFD |
2 800 000 |
3 200 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
Bonifications États étrangers |
242 000 000 |
168 466 711 |
250 000 000 |
178 000 000 |
Bonifications Outre-mer |
0 |
17 000 000 |
0 |
15 000 000 |
Bonifications initiative lutte contre le changement climatique - CTF |
0 |
5 158 230 |
30 000 000 |
11 100 000 |
Évaluation des opérations relevant de l’AD |
480 000 |
480 000 |
480 000 |
480 000 |
Environnement : FFEM |
0 |
28 000 000 |
90 000 000 |
27 000 000 |
ABG |
123 500 000 |
60 000 000 |
33 000 000 |
50 000 000 |
ABG régionales |
105 000 000 |
35 000 000 |
0 |
30 000 000 |
ABG bilatérales |
18 500 000 |
25 000 000 |
33 000 000 |
20 000 000 |
Gestion des opérations de prêts |
3 626 400 |
3 626 400 |
3 680 000 |
3 680 000 |
Rémunération à Natixis |
3 306 400 |
3 306 400 |
3 360 000 |
3 360 000 |
Évaluations préalables et appui au montage de projets |
320 000 |
320 000 |
320 000 |
320 000 |
Coopération technique |
23 200 000 |
26 817 948 |
22 600 000 |
27 994 171 |
FASEP-études |
19 000 000 |
19 320 000 |
18 600 000 |
20 994 171 |
Dotation GIP ADETEF/ AFETI |
4 200 000 |
4 200 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
Fonds aide au commerce PRCC |
0 |
3 297 948 |
0 |
3 000 000 |
Action 3 : Traitement de la dette des pays pauvres |
383 340 083 |
161 274 852 |
0 |
107 346 928 |
Indemnisation au titre des annulations de dettes (Dakar I et II) |
0 |
51 726 337 |
0 |
47 373 418 |
Indemnisation Club de Paris |
49 410 761 |
50 274 803 |
0 |
787 722 |
Compensation annulation de dette envers l’AID |
241 986 711 |
40 340 000 |
0 |
41 660 000 |
Compensation annulation de dettes envers le FAD |
91 942 611 |
18 933 712 |
0 |
17 525 788 |
Source : Direction du Trésor.
Le Rapporteur spécial ne reprendra pas, comme chaque année, la liste de la vingtaine de fonds multilatéraux bénéficiaires du programme 110. Les indicateurs tenant aux priorités stratégiques françaises dans les banques et les fonds multilatéraux sont peu exigeants : 55 % pour l’Afrique subsaharienne et 55 % pour les pays les moins avancés. Le programme 110 ne fournit par ailleurs aucune donnée sur les résultats des dépenses engagées par les banques et fonds multilatéraux en matière de développement. La revue des pairs du Comité d’aide au développement de juillet 2013 observe, comme la Cour des comptes, que malgré le fort engagement de la France au niveau multilatéral, celle-ci ne dispose pas de stratégie d’ensemble qui inclurait nos engagements auprès des fonds verticaux ou thématiques et faciliterait les arbitrages.
Le Rapporteur spécial observe ainsi que notre engagement dans la politique multilatérale d’aide au développement privilégie de multiples fonds environnementaux comme le Fonds du sarcophage de Tchernobyl (8,65 millions de CP), le Fonds pour l’environnement mondial (50 millions de CP), le Fonds français pour l’environnement mondial (27 millions de CP), le Fonds multilatéral pour le protocole de Montréal (9,3 millions d’euros de CP), la Bonification pour l’initiative de lutte contre le changement climatique (11 millions de CP), le Fonds technologies propres de la Banque mondiale et le Fonds stratégique climat alimenté par des prêts de l’AFD octroyés au Maroc et à l’Afrique du Sud, sans compter le nouveau Fonds vert abrité par l’AFD et doté d’une fraction de la taxe sur les transactions financières alors que le Fonds international du développement agricole est bien peu doté (11 millions de CP) ! Si la France est fortement engagée pour promouvoir le développement durable, c’est l’agriculture qui nourrit les familles (l’agriculture familiale produirait plus de 80 % de l’alimentation mondiale d’après la FAO). Ce secteur des exploitations agricoles familiales, qui est la base même d’une politique de développement, est pourtant loin d’être un objectif prioritaire des Agences, Fonds et Banques de développement qui ont privilégié une politique de filière, coton, hévéa ou café. Le Rapporteur spécial relie cette constatation à l’aveu décapant entendu au cours de sa mission de février 2014 au Kenya de Mme Diaretou Gaye, directrice des opérations de la Banque mondiale pour Kenya, le Rwanda et l’Érythrée, concernant l’échec de la politique multilatérale en faveur des exploitations agricoles familiales. Dans les pays les moins avancés, plus de 95 % des exploitations font moins de 5 hectares. Celles-ci sont pourtant un des leviers stratégiques du développement économique et de l’autonomisation des femmes, qui représentent 70 % de la main-d’œuvre agricole de l’Afrique, mais seulement 15 % des propriétaires et ne possèdent que 2 % des terres. Le Rapporteur spécial rappelle que l’objectif « Genre » fait partie des priorités adoptées par le Cicid de juillet 2013.
L’étude du FMI sur les perspectives régionales de l’Afrique subsaharienne : maintenir le rythme (octobre 2013) insiste sur les mauvais résultats des pays producteurs de pétrole comme la République du Congo en matière de pauvreté, d’inégalités et de répartition des fruits de la croissance, alors que dans un pays à faible revenu comme le Mali, les populations les plus pauvres ont mieux profité de la croissance entre 2001 et 2010 grâce à la vigueur du secteur agricole qui a créé des emplois. Ainsi que l’atteste le graphique ci-dessous établi par l’OCDE, l’Afrique subsaharienne est désormais une zone de croissance dynamique.
VOLUME ET INTENSITÉ DE LA CROISSANCE DES PAYS AFRICAINS
Source : Perspectives économiques de l’Afrique, OCDE.
Le décollage de six pays subsahariens à faible revenu (Burkina Faso, Éthiopie, Mozambique, Ouganda, Rwanda et Tanzanie) a été plus rapide dans les années quatre-vingt-dix que la croissance des pays exportateurs de pétrole, et a anticipé la découverte ou l’exploitation véritable de leurs richesses naturelles. D’après le FMI, ce décollage a procédé d’un cercle vertueux : flux d’aide, allégement de la dette, essor de dépenses sociales et des dépenses d’équipement par les gouvernements locaux, apport de l’agriculture (cultures vivrières en Éthiopie et au Rwanda) et des services à la croissance. Toutefois, compte tenu des crédits investis au Mali (1 milliard d’euros par an depuis 10 ans tous donateurs confondus), le Rapporteur spécial ne peut manquer de s’interroger sur les modalités d’une aide au développement qui n’a pas empêché le Mali de s’effondrer.
Une des clés du développement serait l’investissement des pouvoirs publics locaux dans la santé et l’éducation en favorisant l’accès de tous au secteur financier. Ce devrait être l’objectif principal de la Banque africaine de développement par exemple. Par la déclaration d’Ajuba en 2001, les États du continent africain affirmaient déjà vouloir allouer 15 % des dépenses publiques aux dépenses de santé : treize ans plus tard, à l’exception du Rwanda qui consacre 19 % en moyenne de son budget aux dépenses médicales, les États africains atteignent à peine la moitié de cet objectif, et l’épidémie d’Ebola ravage des pays aux systèmes de santé fragiles en ruinant les acquis de la croissance.
Un engagement similaire de consacrer 10 % des dépenses publiques à l’agriculture a été pris aux sommets de l’Union africaine de Maputo (Mozambique) en 2003, puis de Malabo en Guinée équatoriale ; il n’a été respecté que par huit pays, le Malawi, l’Éthiopie, le Niger, le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, la Zambie et la République du Congo.
Pour l’action de l’AFD dans ces domaines, le Rapporteur spécial note que, si les engagements financiers sont un peu en dessous des objectifs du Contrat d’objectifs et de moyens pour les dons au secteur éducation en Afrique subsaharienne, de gros progrès ont été réalisés par rapport à 2008-2010, et que les objectifs sont atteints pour la santé maternelle et infantile, ainsi que pour les autorisations d’engagement en soutien à l’agriculteur en Afrique subsaharienne, avec la création d’un fonds spécifique FIDA avec la BAFD.
Le rapport Faber Naidoo, « 10 propositions pour une approche nouvelle du développement » (2014), aborde les urgences réelles de l’Afrique : il avance des suggestions sur la mise en symbiose des acteurs de l’aide et des modalités du partenariat public – privé qui ont attiré l’attention du Rapporteur spécial.
D’abord, la rapidité de la croissance en Afrique a attiré un afflux de capitaux privés (308 milliards de dollars en 2012), qui atteint désormais plus du double des transferts publics (126 milliards de dollars pour le total de l’aide publique mondiale en 2012), mais sans poursuivre les objectifs prioritaires du développement. En outre, les transferts des migrants sont encore largement supérieurs à ces montants, puisqu’ils représentaient 357 milliards de dollars en 2012, et 404 milliards de dollars en 2013. La mutation des politiques d’aide au développement, contraintes par l’état de nos finances publiques, n’échappera donc pas dans l’avenir à une meilleure combinaison entre aide publique, aide privée, et engagement des états récipiendaires aux côtés des ONG.
Le rapport Faber Naidoo soulève des thématiques prioritaires et concrètes : les femmes, le sous-emploi de la jeunesse africaine, l’agriculture familiale délaissée des politiques publiques, les conditions de vie en ville et l’accès à l’énergie. Il propose des coalitions d’acteurs dans un modèle d’économie inclusive qui associe ONG, grandes entreprises, petites associations locales, fondations, collectivités locales et pouvoirs publics face à la complexité des enjeux du développement. Il suggère la création d’une facilité de l’économie inclusive pour le développement garantie par les financements publics.
Le Rapporteur spécial n’a pas ressenti un enthousiasme flagrant de la part des acteurs traditionnels du développement au cours de ses auditions, sur les propositions de réforme du rapport et notamment sur des pistes d’évolution de l’Agence française de développement mais les remarques du Rapport Faber sont intéressantes et tracent des pistes pour l’avenir qu’il sera difficile d’éluder.
Ce programme met en œuvre la politique de développement du ministère des Affaires étrangères, par l’intermédiaire de la Direction générale de la mondialisation, dans le respect des orientations du CICID et de la loi d’orientation et de programmation sur la politique de développement et de solidarité internationale de juillet 2014.
Les principales dépenses du programme sont rassemblées dans les tableaux ci-dessous.
PROGRAMME 209 : PRÉSENTATION ET TITRE DES CRÉDITS DEMANDÉS
Autorisations d’engagement
(en millions d’euros)
Titre 2 |
Titre 3 |
Titre 6 |
Total |
2015/2014 | |
02 Coopération bilatérale |
30 890 249 |
553 369 414 |
587 259 663 |
– 1,3 % | |
05 Coopération multilatérale |
288 421 560 |
288 421 560 |
– 10,8 % | ||
07 Coopération communautaire |
703 800 000 |
703 800 000 |
+ 3,3 % | ||
08 Dépenses de personnels concourant au programme « Solidarité à l’égard des pays en développement » |
201 792 732 |
201 792 732 |
– 2,1 % | ||
Total |
201 792 732 |
30 890 249 |
1 545 590 974 |
1 778 273 955 |
– 1,3 % |
Source : PAP 2015.
Crédits de paiement
(en millions d’euros)
Titre 2 |
Titre 3 |
Titre 6 |
Total |
2015/2014 | |
02 Coopération bilatérale |
30 890 249 |
526 194 074 |
557 084 323 |
– 0,1 % | |
05 Coopération multilatérale |
5 501 887 |
288 421 560 |
293 923 447 |
– 10 % | |
07 Coopération communautaire |
703 800 000 |
703 800 000 |
+ 3 % | ||
08 Dépenses de personnels concourant au programme « Solidarité à l’égard des pays en développement » |
201 792 732 |
201 792 732 |
– 2 % | ||
Total |
201 792 732 |
36 392 136 |
1 545 590 974 |
1 778 273 955 |
– 1,8 % |
Source : PAP 2015.
Les crédits de paiement demandés pour 2015 s’élèvent à 1,778 milliard d’euros (en baisse de 1,8 %), tandis que les autorisations de paiement se montent à 1,778 milliard d’euros (– 1,3 %). L’action la plus impactée par la baisse des crédits est la coopération multilatérale qui diminue de 10 %. La coopération bilatérale baisse de 0,1 % en crédits de paiement. La coopération communautaire est la seule action transversale dont les crédits augmentent (3 %), tandis que les dépenses de personnel diminuent de 2 %. Le poste principal du programme 209 consiste dans la coopération de la France au Fonds européen de développement (39,5 % des crédits).
Le 10e FED a couvert la période 2008-2013 avec une enveloppe budgétaire de 22,6 milliards d’euros, dont 21,9 milliards d'euros alloués aux 78 pays ACP (97 % du total). Avec un apport de 4,434 milliards d’euros représentant 19,55 % du total, la France est le deuxième contributeur derrière l’Allemagne.
Une évaluation stratégique de la contribution française au 10e FED est en cours. Les résultats initiaux indiquent des résultats positifs du FED, instrument essentiel de l’aide extérieure européenne et dont l’efficacité s’est améliorée pour mettre en œuvre l’aide au développement dans les pays ACP. Le FED est notamment reconnu pour ses résultats dans le secteur des infrastructures (24,9 % des ressources du 10e FED), les appuis budgétaires (29,3 % des ressources) et de la gouvernance démocratique (13,4 %). L’évaluation a mis en avant que les visions de la France et de l’Union européenne sur les principaux enjeux de la coopération au développement sont partagées, comme l’illustre le choix des trois grands objectifs du « programme pour le changement » : la lutte contre la pauvreté, la croissance inclusive et la gouvernance démocratique et l’introduction de la notion de différentiation qui correspond à l’approche adoptée par la France depuis 2009.
Sur un plan géographique, le FED offre un effet de levier financier qui fait écho aux priorités françaises, dans la mesure où ses financements sont concentrés sur les pays d’Afrique sub-saharienne : 90 % des crédits alloués par le 10e FED sont à destination de l’Afrique subsaharienne, suivie par les Caraïbes (7 %) et le Pacifique (3 %). Les 16 pays pauvres prioritaires (PPP) de la France sont largement bénéficiaires du FED et reçoivent 41 % de l’aide du 10e FED à destination de l’Afrique. Cette tendance est confirmée dans le 11e FED, parmi les 10 pays les plus aidés par le FED, 5 sont des pays pauvres prioritaires (Burkina Faso, République démocratique du Congo, Mali, Niger, Madagascar).
Enfin, l’évaluation a révélé que le FED bénéficie aux opérateurs français qui se positionnent bien sur ses offres de marchés, notamment les marchés de travaux. La France est en effet le premier bénéficiaire parmi les États membres de l’Union européenne sur la période 2010-2011 (19 % en 2010 ; 25 % en 2011). Le classement des autres États membres évolue d’une année à l’autre.
Le Conseil européen du 8 février 2013 a fixé le montant global du 11e FED pour la période 2014-2020 à 30,5 milliards d’euros de crédits d’engagement (en prix courants soit 26,9 millions d’euros en prix constants de 2011). Ce maintien de l’effort à destination de la zone ACP est satisfaisant pour la France puisqu’il couvre l’ensemble des pays pauvres prioritaires de notre aide bilatérale. Dans la perspective d’une possible budgétisation, les clefs de contribution ont été revues et tendent à s’aligner sur celles du budget de l’Union européenne. La France voit ainsi sa clef baisser de presque deux points (9 %), passant de 19,55 % pour le 10e FED à 17,81 %, se rapprochant ainsi de la contribution moyenne autour de 16 %. Le FED reste donc pour les sept années à venir hors budget et financé par les contributions volontaires des États membres ainsi que prévu par l’accord du FED signé par les États membres le 24 juin 2013.
La contribution française totale pour les sept années concernées s’élèvera à 5,4 milliards d’euros à prix courants (6,2 milliards d’euros pour l’Allemagne et 4,4 milliards d’euros pour le Royaume-Uni), ce qui représente une moyenne annuelle théorique de 776 millions d’euros (prix courants) par rapport à 739 millions d’euros pour le 10e FED, soit une hausse de 37 millions d’euros. Cependant en termes réels, la contribution française moyenne au 11e FED baisse par rapport à celle du 10e FED puisque la clé de contribution diminue de presque 9 %.
2. Une action bilatérale qui se traduit par moins de dons et d’action humanitaire, trop peu d’attention aux questions de gouvernance, et qui méconnaît les priorités géographiques définies par le CICID
Avec la diminution des Fonds solidaires de priorité et de l’aide projets, dont les crédits ont diminué de 60 % depuis 2011, la diminution des crédits de personnel fait partie des risques qui inquiètent le Rapporteur spécial, notamment pour les emplois des Services de coopération et d’action culturelle des ambassades (SCAC). Les SCAC gèrent les crédits « gouvernance » visant les objectifs de renforcement des institutions publiques, de lutte contre la corruption et de transparence des politiques économiques, qui sont évidemment très insuffisants : 12,8 millions d’euros en 2014. Ceux-ci doivent également définir la stratégie en matière d’aide alimentaire (34,5 millions d’euros en 2014), d’aide budgétaire et de sortie de crise (21,6 millions d’euros en 2014) et d’utilisation du Fonds d’urgence humanitaire, tous secteurs sur lesquels l’implication budgétaire de l’action française laisse à désirer d’après la plus récente revue des pairs du Comité d’aide au développement (2).
À titre d’ordre de grandeur, le rapport Data 2014 de l’ONG One insiste sur les effets négatifs de l’insuffisance des dépenses publiques des États d’Afrique subsaharienne, en raison d’une base imposable limitée et de l’importance des recettes publiques détournées par la corruption. L’illustration type en est le Nigeria, première économie d’Afrique subsaharienne, dont la ministre des Finances Mme Okonjo-Iweala réclame une aide au renforcement des services fiscaux. Le Nigeria a récemment adhéré aux normes de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives mais l’État nigérian évalue les pertes dues aux flux financiers illicites à une dizaine de milliards de dollars par an !
Dans ce domaine essentiel de la gouvernance financière, l’Agence française de développement peut intervenir en appui à la demande des ministères de tutelle au travers de la mise en œuvre d’aides budgétaires globales, ou de contrats de désendettement développement (C2D) ce qui a été le cas en Côte d’Ivoire, au Cameroun ou en République démocratique du Congo, ou bien par des prêts d’appui budgétaire aux États : Sénégal, Niger, Mali, Madagascar.
Une diminution des dons décelable en 2012
La répartition sectorielle suivante trace l’évolution du montant brut des dons au sens de l’OCDE consacrés aux OMD dans les seize pays pauvres prioritaires : Bénin, Burkina Faso, Burundi, République Centrafricaine, Comores, République démocratique du Congo, Djibouti, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo.
DONS DE LA FRANCE CONSACRÉS AUX OMD DANS LES 16 PPP
(HORS OPÉRATIONS DE DETTE)*
Versements en millions d’euros |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
Éducation |
193 |
202 |
204 |
209 |
196 |
Santé |
27 |
33 |
29 |
29 |
31 |
Développement durable |
35 |
53 |
47 |
47 |
40 |
Agriculture et sécurité alimentaire |
63 |
42 |
49 |
45 |
50 |
Soutien à la croissance |
23 |
17 |
22 |
17 |
18 |
Gouvernance |
39 |
33 |
31 |
35 |
31 |
Total |
380 |
381 |
382 |
383 |
366 |
Source : OCDE.
* Ces données comprennent uniquement des flux bilatéraux. La France intervient dans les PPP dans ces secteurs via les interventions des institutions multilatérales auxquelles elle contribue.
L’aide bilatérale méconnaît d’autre part la priorité africaine définie par le Cicid, car l’Afrique n’a bénéficié que de 46 % des crédits bilatéraux (33 % pour l’Afrique subsaharienne) en 2013. En 2012, d’après les derniers chiffres de la répartition fournis au Rapporteur spécial, seulement deux pays de l’Afrique subsaharienne, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, figurent parmi les dix premiers pays destinataires de l’aide publique bilatérale ! De même, le volume de l’aide aux PMA (pays les moins avancés) a diminué de 10 % au cours des cinq dernières années et transite désormais à parts égales par le canal bilatéral et par les fonds multilatéraux. La France n’a pas atteint l’objectif de 0 ,15 % du RNB fixé par l’Onu : elle leur consacre seulement 0 ,09 % du revenu national brut .
D’autre part, si la promesse présidentielle concernant le doublement des crédits alloués aux ONG au cours de la mandature a bien effectivement été respectée jusqu’ici, celles-ci insistent avec raison sur le fait que la portion de crédits délégués aux ONG est le plus faible des pays donateurs du Comité d’aide au développement, et que la traçabilité des crédits est faible.
Les prêts à des états Étrangers, outil essentiel désormais de l’aide publique au développement, composent un seul et même compte financier, doté de crédits évaluatifs.
A. LE PROGRAMME 851 : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS, DE LA RÉSERVE PAYS ÉMERGENTS, EN VUE DE FACILITER LA RÉALISATION DE PROJETS D’INFRASTRUCTURE
Le programme 851, doté de 440 millions d’euros de CP pour 2015, retrace les prêts de la Réserve pays émergents qui ont pour but de faciliter la réalisation des projets d’infrastructure. Cette aide économique participe au développement des pays émergents, tout en faisant appel à des biens et services français pour leur réalisation. Ce programme est doté de montants estimés à 440 millions d’euros en crédits de paiement pour 2015 et de 330 millions d’euros en autorisations d’engagement. L’utilisation des crédits doit respecter les règles de l’OCDE fixées pour les crédits d’aide liés ou déliés, avec une nette prédominance pour les transports et notamment le projet de LGV au Maroc.
Ce programme doté de 652 millions d’euros pour 2015, exécute les engagements de la France qui est l’un des cinq plus importants financiers concernant l’initiative PPTE (pays très pauvres très endettés), dans le cadre de l’approche définie au sommet d’Évian.
À la fin de 2013, 27 pays avaient franchi le point d’achèvement de l’initiative PPTE (sur 35 ayant franchi le point d’achèvement). Parmi ces pays, 22 ont réussi à ramener leur dette à un niveau soutenable, notamment grâce aux annulations des dettes des créanciers du Club de Paris. Ces 22 pays sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Liberia, Madagascar, le Malawi, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Niger, l’Ouganda, la République centrafricaine, le Rwanda, le Sénégal, la Sierra Leone, le Togo et la Zambie. Ainsi, seuls 5 pays sur les 27 étaient considérés à fin 2013 comme étant à fort risque de surendettement (le Burundi, les Comores, Haïti, la République démocratique du Congo et Sao Tomé-et-Principe). La perspective à moyen terme d’un plafonnement de l’indicateur traduit le fait que l’initiative PPTE arrivant à son terme, les derniers pays franchissant le point d’achèvement restent fragiles sur le plan économique.
C. LE PROGRAMME 853 PRÊTS À L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT EN VUE DE FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DANS DES ÉTATS ÉTRANGERS
Les dépenses du programme 853 (390 millions d’euros inscrits pour 2015) contribuent, à travers le financement de l’Agence française de développement (AFD), à la mise en œuvre de l’aide économique et financière allouée par la France à des pays en développement.
Conformément à la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, cette aide vise à promouvoir un développement durable dans les pays en développement, dans ses composantes économique, sociale, environnementale et culturelle. Elle participe activement à l’effort international de lutte contre la pauvreté, la faim et l’insécurité alimentaire et de réduction des inégalités sociales et territoriales, en favorisant un développement économique équitable et riche en emplois, en consolidant l’agriculture vivrière et familiale, en préservant les biens publics mondiaux, en luttant contre le changement climatique, ses effets et l’érosion de la biodiversité et en promouvant la paix durable, la stabilité, les droits de l’homme et la diversité culturelle.
Ce programme comporte une action unique par laquelle l’État octroie des prêts à l’AFD à des termes très préférentiels (durée de 30 ans dont 10 ans de différé de remboursement en capital ; taux de 0,25 %). Cette ressource à condition spéciale (RCS) permet à l’AFD d’octroyer des prêts concessionnels à des États ou à des entités non souveraines dans les États étrangers. Sa nature subordonnée lui confère le statut d’instrument de fonds propres (Tier2), consolidant ainsi la structure financière de l’AFD. Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’AFD va changer le statut juridique de la dette RCS dont une part sera comptabilisée dans les fonds propres. D’autre part, l’État va s’engager à ne plus demander la conversion de la totalité du résultat de l’AFD en dividendes. Le gel des crédits du programme 853 pourrait se traduire par une baisse de la dotation d’environ 50 millions d’euros, ce qui avec l’effet de levier, diminuerait le montant des prêts disponible d’une centaine de millions d’euros.
Le programme 854, créé par la loi n° 2010-463 du 7 mai 2010 de finances rectificative pour 2010, correspond à une quatrième section du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers. L’objectif de ce programme consiste à assurer la stabilité financière de la zone euro grâce à des prêts bilatéraux consentis par la France à un autre État membre de cette zone. Le Rapporteur spécial remarque qu’il ne s’agit en aucun cas d’aide publique au développement.
Ce programme a été mobilisé en mai 2010 pour financer des prêts bilatéraux à la Grèce (16,8 milliards d’euros d’autorisations d’engagement votés en loi n° 2010-463 du 7 mai 2010 de finances rectificative pour 2010, dont seuls 11,4 milliards d’euros ont été effectivement utilisés : les 5,4 milliards d’euros restants ont été annulés en loi de règlement 2013).
Il ne devrait plus être mobilisé à l’avenir, du fait de la mise en place du Fonds européen de stabilité financière (FESF) en mai 2010, puis du Mécanisme européen de stabilité (MES) en octobre 2012. Après une opération de régularisation de 17 millions d’euros en 2013, aucun autre mouvement ne devrait intervenir sur ce compte avant le premier remboursement en capital de la Grèce, attendu en 2020. Le compte est donc mis en sommeil.
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Après l’audition de Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du Développement et de la Francophonie (voir le compte rendu de la commission élargie du 22 octobre 2014 à 21 heures (3)), la commission des Finances examine les crédits de la mission Aide publique au développement.
M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Un chiffre m’inquiète beaucoup : dans les trois années à venir, la mission Aide publique au développement sera beaucoup plus touchée par les diminutions de crédits que les autres missions. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission.
M. Pascal Terrasse. Les députés du groupe SRC voteront ces crédits.
La Commission adopte les crédits de la mission Aide publique au développement.
La commission des Finances examine ensuite les crédits du compte spécial Prêts à des États étrangers.
M. le rapporteur spécial. Je m’abstiendrai sur le vote de ces crédits.
La Commission adopte les crédits du compte spécial Prêts à des États étrangers.
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ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
– Mme Annick Girardin, secrétaire d’État au Développement et à la Francophonie ;
– Mme Brigitte Collet, M. Rémy Maréchaux, M. Serge Segura, ambassadeurs de France en Éthiopie, au Kenya et au Mozambique ;
– Mme Diariétou Gaye, directrice des opérations de la Banque mondiale pour l’Érythrée, le Kenya et le Rwanda ;
– Dr Cleopa Mailu du comité de coordination du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Nairobi), Mme Carla Matos (Mozambique) ;
– Dr Philippe Tabard, en résidence à l’Ambassade de France à Prétoria, Conseiller régional santé ;
– Dr Eneas Comiche, président de la Commission du plan et du budget de l’Assemblée de la République du Mozambique, ancien ministre des Finances du Mozambique ;
– M. André Almeida Santos, Banque africaine de développement ;
– M. Roberto Vellano, président du groupe des bailleurs du G19 pour le Mozambique et ambassadeur d’Italie ;
– Entretiens avec les représentants des entreprises françaises au Mozambique (Total, Bolloré Africa Logistics) ;
– M. Yves Terracol, AFD Kenya, Mme Anne Chapalain, AFD Éthiopie, Mme Virginie Dago, AFD Mozambique ;
– Mme Anne-Marie Descôtes, directrice générale de la mondialisation (DGM) au ministère des Affaires étrangères, accompagnée de M. René Troccaz, directeur des programmes et du réseau, M. Vincent Dalmais, chef de mission des programmes, M. Frédéric Bontems, directeur du développement et des biens publics mondiaux et M. Olivier Brochenin, sous-directeur de la direction des politiques du développement ;
– Mme Anne Paugam, directrice générale, M. Jean-Jacques Moineville, directeur général adjoint, Mme Colette Grosset, secrétaire générale, M. Zolika Bouabdallah, chargé des relations avec les parlementaires, de l’Agence française de développement (AFD) ;
– M. Anthony Requin, chef du service des affaires multilatérales et du développement, au ministère des Finances et des comptes publics, Mme Shanti Bobin, chef de bureau Multifin 5, et M. Manuel Château ;
– Mme Élisa Narminio, responsable du plaidoyer de ONE France ;
– Coordination Sud.
1 () PAP pour 2015, p.84.
2 () Revue des pairs du Comité d’aide au développement. (http://www.oecd.org/fr/cad/examens-pairs/OECD%20France_FRENCH%20version%20onlineFINAL.pdf).
3 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2015/commissions_elargies/