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N
° 3113

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2016 (n° 3096),

TOME III

AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT

PAR M. Hervé GAYMARD

Député

——

Voir le numéro 3110.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » 9

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 110 11

1. Aperçu général 11

2. Évolution des crédits 11

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 209 14

1. Aperçu général 14

2. Évolution des crédits 14

II. UNE TENDANCE À LA BAISSE QUI SE CONFIRME 17

A. LE FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT (FSD) 18

B. LA DISTRIBUTION ENTRE PAYS LES MOINS AVANCÉS ET PAYS À REVENU INTERMÉDIAIRE 21

C. LA RÉPARTITION ENTRE PRÊTS ET DONS 23

D. LA FRANCE PARMI LES PRINCIPAUX PAYS DONATEURS 26

III. UN DÉBUT DE RATIONNALISATION DES MOYENS 29

A. LA CRÉATION D’EXPERTISE FRANCE 29

B. L’ADOSSEMENT DE L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT À LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS 31

CONCLUSION 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION – EXAMEN DES CRÉDITS 37

ANNEXE – LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 39

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L’année 2015 est une année charnière en matière d’aide publique au développement. C’est en effet cette année que trois processus distincts aboutissent sinon à des résultats concrets, du moins à une clarification et à une redéfinition des efforts engagés.

– Au mois de juillet 2015, la conférence d’Addis Abeba sur le financement du développement s’est inscrite dans la continuité des conférences de Monterrey, en 2002, et de Doha, en 2008 et a abouti à l’adoption du « programme d’action d’Addis Abeba » ;

– En septembre 2015, l’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies a adopté les « Objectifs de développement durable » qui, prenant le relais des « Objectifs du millénaire » adoptés lors du Sommet du millénaire de New York, en septembre 2000, définissent les objectifs de développement devant être atteints d’ici 2030 ;

– Enfin, en novembre et décembre 2015 aura lieu la Conférence de Paris sur le climat (« COP 21 ») à l’issue de laquelle est espérée l’adoption d’un accord ambitieux, juridiquement contraignant et applicable à tous les États, dont l’objectif sera de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2° Celsius, poursuivant ainsi le processus entamé lors de la conférence de Rio, en 1992.

Le hasard du calendrier a donc voulu que ces trois événements internationaux d’importance majeure aient lieu sur une période de six mois. C’est ainsi que l’année 2016 devrait marquer le début d’une stratégie d’aide au développement renouvelée, avec des objectifs mieux adaptés au XXIe siècle, des engagements financiers accrus et une plus grande prise en considération de l’impératif climatique.

Il s’agit en effet de mettre en œuvre une vision du développement plus ambitieuse, avec des mécanismes de financements plus variés, notamment les contributions des entreprises, visant des objectifs plus larges que le simple développement économique et incluant notamment la lutte contre le dérèglement climatique.

Notre pays doit à l’évidence se montrer à la hauteur de ces enjeux. C’est certainement ce qu’ont laissé espérer les différents engagements pris par le président de la République pendant l’été 2015.

Le Président a d’abord annoncé le 24 août une importante réforme du financement de l’aide au développement consistant à rapprocher l’Agence française de développement de la Caisse des Dépôts et Consignation, de manière à ce que l’AFD puisse bénéficier de la solidité financière de la CDC, l’ouverture internationale de cette dernière se trouvant du même coup renforcée.

Lors de son discours devant l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 27 septembre 2015, le Président a ensuite annoncé que la France avait décidé « d’augmenter le niveau d’aide publique au développement pour dégager quatre milliards d’euros à partir de 2020 », un flux annuel additionnel de prêts qui viendrait s’ajouter aux six milliards annuels actuellement décaissés par l’Agence française de développement.

Concernant les priorités françaises en matière de développement, le Président s’était engagé en décembre 2013 à porter à 20 milliards d’euros le montant des financements de l’Agence française de développement sur le continent africain pour la période 2014-2018.

La France s’est depuis longtemps distinguée par l’ambition qu’elle a affichée en matière d’aide au développement. Notre pays a ainsi été à l’origine des « financements innovants » qu’ont été d’abord la taxe de solidarité sur les billets d’avion, en 2006, puis la taxe sur les transactions financières en 2012, deux dispositifs destinés à créer un financement supplémentaire pour l’aide au développement. La France s’est associée dès le début des années soixante-dix à l’objectif de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l’aide au développement.

Il reste donc à savoir si la politique mise en œuvre par la France se situe au même niveau que les ambitions qu’elle affiche. L’examen du projet de loi de finances pour 2016 ne permet malheureusement pas de répondre à cette question par l’affirmative. Aussi bien la mission « Aide publique au développement » que l’ensemble formé par cette mission et le Fonds de solidarité pour le développement, qui regroupe les recettes des deux taxes innovantes mentionnées plus haut, sont en diminution entre 2015 et 2016.

De façon plus préoccupante, cette diminution suit une trajectoire entamée dès le début des années 2010, la proportion du revenu national brut consacré à l’aide au développement passant de 0,46 % à 0,36 % entre 2011 et 2014.

Votre rapporteur ne peut que déplorer cet état de choses et souhaiter que la trajectoire de l’aide publique au développement française soit rapidement rétablie, non seulement parce que les besoins des pays en développement tendent à s’accroître, que ce soit pour des raisons conjoncturelles dues à l’instabilité politique ou pour des raisons structurelles, comme le dynamisme démographique du continent africain qui rendra nécessaire à moyen terme un effort accru.

Si l’évolution des montants consacrés à l’aide au développement est préoccupante, votre rapporteur souhaite néanmoins saluer l’effort de réorganisation et de réorientation stratégique entrepris cette année sur deux sujets :

– la création d’Expertise France, organisme qui devrait permettre un meilleur déploiement de l’expertise technique française, dont la dispersion ne permet pas actuellement à notre pays de faire un usage optimal de son expérience dans les nombreux domaines concernés ;

– et surtout le projet annoncé par le président de la République de permettre à l’Agence française de Développement de s’appuyer sur la Caisse des Dépôts et Consignations pour accroître sa capacité d’intervention. L’AFD, principal opérateur français en matière d’aide au développement, doit pouvoir s’adapter aux nouveaux enjeux. Bien que la forme finale de cet « adossement », selon la formule employée par le président de la République lors de la conférence des Ambassadeurs du 25 août 2015, ne soit pas encore connue, votre rapporteur forme le vœu que ce projet puisse être mis en œuvre dans les meilleures conditions, en veillant toutefois à ce que soient préservées l’identité et la mission de l’AFD.

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »

La mission interministérielle « Aide publique au développement » regroupe les crédits des deux principaux programmes concourant à la politique française d’aide au développement. Il s’agit du programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en œuvre par le ministère des finances et des comptes publics, et du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », mis en œuvre par le ministère des affaires étrangères et du développement international.

Cette mission ne correspond qu’à environ 30 % du montant total de l’aide publique au développement, tel qu’il est déclaré au Comité d’aide au développement de l’OCDE et qui correspond à la politique transversale « Politique française en faveur du développement », composé de 24 programmes rattachés à 14 missions, parmi lesquelles les programmes 110 et 209 qui forment la mission « Aide publique au développement ».

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitule du programme et de l’action

Ouvertes en LFI pour 2015

Demandées pour 2016

Ouvertes en LFI pour 2015

Demandées pour 2016

110 – Aide économique et financière au développement

687 043 510

409 175 000

1 026 578 969

987 978 969

01 – Aide économique et financière multilatérale

286 704 541

76 240 000

635 398 901

597 868 439

02 – Aide économique et financière bilatérale

400 338 969

332 935 000

283 833 140

284 659 914

03 – Traitement de la dette des pays pauvres

0

0

107 346 928

105 450 616

209 – Solidarité à l'égard des pays en développement

1 793 446 625

1 657 365 941

1 771 773 172

1 632 692 488

02 – Coopération bilatérale

639 167 833

534 008 201

611 992 493

503 832 861

05 – Coopération multilatérale

248 516 060

227 036 041

254 017 947

232 537 928

07 – Coopération communautaire

703 800 000

700 800 000

703 800 000

700 800 000

08 – Dépenses de personnels concourant au programme "Solidarité à l'égard des pays en développement"

201 792 732

195 521 699

201 792 732

195 521 699

09 – Actions de co-développement

170 000

 

170 000

 

Total pour la mission

2 480 490 135

2 066 540 941

2 798 352 141

2 620 671 457

Dans le projet de loi de finance pour 2016, le budget de la mission interministérielle « Aide publique au développement » s’élève à 2 621 millions d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 177 millions d’euros, ou 6,4 % par rapport aux 2 798 millions d’euros demandés en LFI pour 2015.

Si l’on prend en compte le Fonds de solidarité pour le développement, dont les recettes passent de 350 à 370 millions d’euros entre 2015 et 2016, l’ensemble formé par ce dernier et la mission « Aide publique au développement » passe de 3 148 à 2 991 millions d’euros, soit une diminution de 157 millions d’euros, ou 5,6 %.

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 110

1. Aperçu général

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » (987 978 969 € en crédits de paiement) vise deux objectifs : « Faire valoir les priorités stratégiques françaises au sein des banques et fonds multilatéraux » et « Assurer une gestion efficace et rigoureuse des crédits octroyés à l’aide au développement ».

Le premier de ces deux objectifs fait l’objet d’un indicateur unique qui mesure la « part des ressources subventionnées des banques multilatérales de développement et des fonds multilatéraux qui sont affectées aux zones géographiques prioritaires », c’est-à-dire l’Afrique subsaharienne et les pays les moins avancés (PMA).

Le second objectif, illustre l’importance nouvellement accordée aux résultats de l’aide et à leur évaluation. Deux indicateurs ont été retenus pour cet objectif. Le premier mesure le montant d’aide au développement apportée par l’Agence française de développement sous forme de prêt par euro de subvention de l’État, donnant une idée de l’effet de levier engendré par l’AFD. Le second s’appuie directement sur l’évaluation ex post des projets et mesure simplement la proportion des projets de l’AFD et de la Banque mondiale dont le résultat a été jugé satisfaisant dans la réalisation de leurs objectifs de développement.

2. Évolution des crédits

Pour l’ensemble du programme, les autorisations d’engagement sont en diminution de 40 % en autorisation d’engagements et de 0,04 % en crédits de paiement entre la LFI 2015 et le PLF 2016, la forte diminution des autorisations d’engagement correspondant à des engagements pluriannuels pris en 2014 et en 2015 (la différence entre 2014 et 2015 s’explique principalement par un engagement de 200 millions d’euros auprès du Fonds pour l’Environnement mondial pour la période 2015-2018).

Ligne par ligne, le programme 110 présente peu de variations entre la LFI 2015 et le PLF 2016.

L’action n° 1 « Aide économique et financière multilatérale » (597 868 439 € en crédits de paiement) est composée de contributions à des fonds internationaux qui correspondent à des engagements pluriannuels et dont les variations peuvent correspondre à des décisions prises plusieurs années auparavant.

Beaucoup de ces contributions demeurent au même niveau que l’année précédente. Il en va ainsi du Fonds fiduciaire de Lutte anti-blanchiment (LAB) / Lutte anti-terrorisme (LAT) pour 150 000 €, de la participation au « Facility for Investment Climate Advisory Services » (FIAS) pour 1 million d’euros, du Fonds de lutte contre les juridictions non coopératives pour 130 000 € ou du Fonds Doha pour 2 millions d’euros. La contribution française au Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) du FMI demeure de 15 millions d’euros. La contribution française au Fonds multilatéral pour le protocole de Montréal (FMPM) est comme en 2015 de 8,25 millions d’euros, conformément au calendrier de paiement prévu, pour une contribution qui doit s’élever à 24,74 millions d’euros pour la période 2015-2017.

Plus importante, la contribution au Fonds pour l’environnement mondial demeure du même ordre (50,64 millions d’euros en 2016 pour 50,82 millions d’euros en 2015) et correspond à l’engagement de 300 millions de dollars pris en 2014 par la France, cinquième contributeur de ce fonds.

D’autres versements varient légèrement en raison d’annuités différenciées mais correspondent néanmoins à des engagements antérieurs. L’augmentation de la contribution au Middle East Regional Technical Assistance Center (METAC), de (400 millions d’euros en 2016 pour 360 millions d’euros en 2015) correspond à la reconduction d’un engagement qui doit être reconduit par la loi de finance pour 2016, en remplacement de celui qui a pris fin en 2015, la contribution française annuelle demeurant de 400 millions d’euros. L’Africa Regional Technical Assistance Center (AFRITAC) fait l’objet d’un versement d’1,2 millions d’euros, un peu supérieur au versement de l’année précédente pour des raisons similaires. La contribution au Fonds du sarcophage de Tchernobyl et le Compte pour la sûreté nucléaire, qui passe de 8,65 à 6,24 millions d’euros, correspond à un nouvel engagement sur deux ans pour un montant total de 11,24 millions d’euros, et qui doit accompagner l’achèvement du projet correspondant.

Plus préoccupant est le cas de la contribution française à la Facilité financière pour la vaccination (IFFIm), qui sera versée en 2016 à partir du Fonds de solidarité pour le développement (FSD). Cela signifie en premier lieu que ce versement n’apparaît pas dans le PLF 2016, et en second lieu que le FSP (dont les recettes pour 2015 se montent à 350 millions d’euros) se trouve ponctionné, éventuellement au détriment d’autres actions.

Concernant la participation française au groupe de la Banque mondiale, l’augmentation qui a lieu en 2016, avec un versement de 345,9 millions d’euros contre 322,7 en 2015, correspond à la deuxième échéance de la dix-septième reconstitution de l’Association internationale de développement (AID), négociée en 2013, pour laquelle la France a obtenu que la majorité des ressources de l’AID soient affectées à l’Afrique subsaharienne et que le mécanisme d’affectation soit ajusté d’une manière plus favorable aux États fragiles.

La contribution au Fonds africain de Développement, (128,98 millions d’euros en 2016, 152,7 en 2015) correspond au deuxième versement de la treizième augmentation de capital de la banque (FAD-13). Les contributions au Fonds asiatique de développement (23,1 millions d’euros) et au Fonds international de développement agricole (11,7 millions d’euros) sont identiques ou quasiment identiques à celles de 2015.

Si l’action n° 1 vise à mieux faire valoir les priorités françaises en matière d’aide au développement auprès des organismes multilatéraux, l’action n° 2 « Aide économique et financière bilatérale » (284 659 914 € en crédits de paiement) permet de les traiter directement, d’où leur importance propre.

Parmi les dépenses d’interventions relevant de l’action n° 2, les bonifications de prêts en Outremer passent de 15 à 12 millions d’euros, correspondant à des engagements antérieurs à 2010. Ces bonifications de prêts ne font l’objet d’aucune autorisation d’engagement pour 2016. Parmi les transferts aux autres collectivités, les bonifications de prêts dans les États étrangers passent, en crédit de paiement, de 178 à 180 millions d’euros, essentiellement en raison de l’engagement présidentiel pris en décembre 2013 de porter à 20 milliards d’euros le montant des financements de l’AFD en Afrique sur la période 2014-2018.

Les crédits de paiement du Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP) augmentent légèrement (de 19,4 à 22,2 millions d’euros) tandis que la dotation « Expertise France » se voit allouer 4,85 millions d’euros, soit une dotation de 3,85 millions d’euros auxquels s’ajoute un million d’euros consacré au paiements sur les opérations engagées par ADETEF (Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières), organisme dont la fusion avec 5 autres opérateurs publics a donné naissance à l’agence Expertise France.

Le Fonds français pour l’environnement mondial, instrument majeur de la coopération bilatérale française en matière d’environnement, recevrait en 2016 comme en 2015 22 millions d’euros en crédits de paiement, principalement pour assurer le paiement de projets engagés antérieurement. Les aides budgétaires globales augmentent légèrement, de 32 millions d’euros en 2015 à 35 millions d’euros en 2016, tandis que le financement du Programme de renforcement des capacités commerciales passe de 3 millions d’euros à 1,5 million d’euros.

Enfin, l’action n° 3, « traitement de la dette des pays pauvres » est en légère diminution (105 450 616 millions d’euros en 2016 pour 107 346 928 millions d’euros en 2015). Au sein de cet ensemble, l’indemnisation de l’AFD au titre du traitement de la dette passe de 48,16 à 42,88 millions d’euros et la compensation des annulations de la dette multilatérale passe de 59,19 à 62,57 millions d’euros, ce qui correspond à des engagements de moyen terme (2025 dans le cas de la Banque mondiale, 2023 dans le cas du Fonds africain de développement).

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 209

1. Aperçu général

Le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » (1 632 692 488 € en crédits de paiement) vise trois objectifs : « Lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités », « préserver les biens publics mondiaux » et « renforcer les partenariats, mettre en œuvre les partenariats différenciés et promouvoir nos priorités géographiques ».

Le premier de ces trois objectifs fait l’objet d’un indicateur unique mais lui-même décomposé en six sous-indicateurs visant à mesurer l’impact de l’aide en matière de services sociaux et infrastructures, vis-à-vis des pays pauvres prioritaires, vis-à-vis des objectifs du millénaires pour le développement (OMD) en matière de lutte contre la pauvreté, en matière de genre et en matière de maladies infectieuses.

Le deuxième objectif fait l’objet d’un indicateur unique mesurant simplement la part des autorisations d’engagement de l’AFD dans les États étrangers ayant un co-bénéfice climat. Le troisième fait l’objet de deux indicateurs, l’un mesurant l’association d’ONG française à des partenaires étrangers non gouvernementaux, l’autre la part des subventions de l’AFD aux pays pauvres prioritaires.

2. Évolution des crédits

Le budget du programme 209 diminue en 2016 d’environ 8,5 %. Certaines lignes demeurent à un niveau équivalent, voire supérieur, à celui de 2015.

L’action n° 2 « Coopération bilatérale » accuse une diminution en crédits de paiements de plus de 50 millions d’euros, passant de 557 084 323 millions d’euros en 2015 à 503 832 861 en 2016. Cette diminution s’explique en partie par celle des contrats de désendettement et de développement, dont le montant passe en crédits de paiement de 85 840 millions d’euros pour 2015 à 51 820 millions d’euros pour 2016, cette variation tenant essentiellement à l’évolution des besoins.

La baisse des crédits est toutefois générale au sein de cette action. Les bourses, principalement des bourses de stages à des étudiants étrangers, passent de 6,6 à 5,8 millions d’euros, la subvention pour les échanges d’expertise passe de 2,9 à 2,4 millions d’euros, les dotations pour opérations aux EAF passent de 673 586 à 373 586 € et les « autres moyens bilatéraux d’influence », qui visent à mettre en œuvre directement des projets dans le domaine de la gouvernance passent de 7,7 à 7,3 millions d’euros.

La ligne des dons-projets, élément principal de la sous-action « Coopération hors gouvernance », diminue d’environ 3 millions d’euros en passant de 333 en 2015 à 330 en 2016, malgré l’augmentation de 8 millions d’euros des subventions aux ONG de développement, qui en fait partie. Cette augmentation est conforme au souhait exprimé par le président de la République de renouveler et renforcer le dialogue avec les ONG, la part d’aide transitant par ces dernières étant augmentée de 8 millions d’euros pour les ONG de développement et d’1 million d’euros pour les ONG humanitaires. Le fonds d’urgence humanitaire passe en conséquence de 10,9 à 11,9 millions d’euros.

Enfin, l’allocation à Canal France International (CFI) diminue également et passe de 11,2 à 9,5 millions d’euros.

L’action n° 5 « Coopération multilatérale » accuse également une forte diminution, de 293 923 447 € à 232 537 928 €. Cette diminution s’explique principalement par une diminution de 187 à 127 millions d’euros de la contribution française au titre du programme 209 au Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. La différence semble fournie par une plus grande part de la contribution passant par le Fonds de solidarité au développement (FSD) pour un total qui devrait demeurer de 360 millions d’euros. Il reste que, dans ce cas comme dans celui de l’IFFIm mentionné plus haut, la ponction faite sur le FSD signifie que ce dernier verra son utilité réduite d’autant.

Les contributions volontaires au budget d’organisations rattachées à l’ONU augmentent d’environ un million d’euros (soit une augmentation d’environ 2,3 %), de 48 millions d’euros en 2015 à 49 millions en 2016. Comme l’année dernière, ces contributions sont principalement dirigées vers quatre organismes : le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient). Les autres lignes budgétaires de l’action n° 5 demeurent au même niveau ou diminuent légèrement. Il en va ainsi de la contribution française à l’Organisation internationale de la Francophonie, qui passe de 49,3 à 47,4 millions d’euros et de la contribution au fonds fiduciaire « Jeunes Experts associés », qui passe de 4 à 3,5 millions d’euros.

L’action n° 7 « Coopération communautaire » passe de 703,8 à 700,8 millions d’euros, la contribution française demeurant au deuxième rang après celle de l’Allemagne, tandis que l’action n° 8 « Dépenses de personnels » passe de 201,8 à 195,5 millions d’euros.

II. UNE TENDANCE À LA BAISSE QUI SE CONFIRME

Les dépenses réalisées et prévues aux titres des programmes 110 et 209 correspondent dans leur grande majorité à des engagements antérieurs ou à des abondements de fonds programmés sur plusieurs années, avec des échéances qui peuvent varier d’une année sur l’autre pour des raisons strictement conjoncturelles.

Pour apprécier l’évolution globale de la politique française d’aide au développement, il faut en observer l’évolution sur plusieurs années. Or, depuis le début des années 2010, il est difficile d’échapper à la conclusion que la France non seulement se désengage de l’aide au développement d’une manière générale, mais qu’elle cesse peu à peu d’accorder à certains de ses objectifs prioritaires l’importance qu’ils méritent.

Quel que soit l’angle sous lequel on observe les budgets successifs de l’aide publique au développement depuis 2011, la tendance à la baisse est incontestable.

Ainsi, malgré l’objectif maintenu d’aboutir à un ratio APD/RNB de 0,7 %, le ratio français a diminué de façon continue depuis 2011, passant de 0,46 % à 0,36 % en 2014. Le renouvellement de cet engagement par la France à l’occasion de la conférence d’Addis Abeba de juillet 2015 laisse espérer un redressement de la trajectoire de l’aide publique au développement française dans les années à venir, mais de tels engagements ont déjà été pris et n’ont pas été respectés. La crédibilité de la France dans ce domaine ne sera pas restaurée par un simple engagement.

À ce titre, votre rapporteur ne peut que regretter le non-paiement par la France de la dernière tranche de sa contribution au financement de l’organisation « GAVI – L’alliance du vaccin ». Dernière tranche d’un engagement français de 370 millions d’euros pour la période 2011-2015, dont 270 ont par ailleurs été versés au titre de la Facilité financière pour la vaccination (IFFIm), 22 millions d’euros ne seront pas acquittés à la date d’échéance du 31 décembre 2015, faisant de la France le premier pays contributeur à faire défaut vis-à-vis de cette organisation dont les résultats ont été par ailleurs parmi les plus spectaculaires dans l’histoire de l’aide au développement.

Depuis sa création en 2 000, le GAVI est parvenu à faire vacciner plus de 500 millions d’enfants dans 73 pays, tout en œuvrant pour que les pays bénéficiaires se dotent à terme d’une capacité autonome dans ce domaine. Le GAVI se montre par principe rigoureux vis-à-vis des pays bénéficiaires, auxquels il est demandé contribuer pour une part symbolique au financement des opérations de vaccinations. À ce jour, très peu de pays bénéficiaires se sont trouvés en défaut de paiement et, parmi les pays donateurs, la France a le regrettable privilège d’être le premier à se trouver dans cette situation.

L’évolution en valeur absolue est encore plus inquiétante. La mission « Aide publique au développement » est en effet passée de 3,3 milliards d’euros en 2011 à 2,77 milliards d’euros en 2015, le montant proposé par le PLF 2016 s’élevant à 2,6 milliards d’euros. Si ce dernier montant était maintenu, l’APD aurait baissé de 20,6 % depuis 2011, soit une diminution de 679 millions d’euros.

Cette diminution de l’aide française a tout d’abord des conséquences concrètes pour les économies et les populations bénéficiaires. D’après les calculs de l’Organisation non gouvernementale One France, la diminution du budget de la mission « Aide publique au développement » depuis 2011 aurait eu pour résultat dans le domaine de la santé l’absence de 23 millions de vaccins, ou l’absence de traitements antirétroviraux pour 3,5 millions de patients. La baisse du budget de la mission « Aide publique au développement » entre 2015 et 2016, telle qu’elle est proposée par le PLF 2016, aboutirait selon cette même organisation à l’absence de 2 millions de vaccins pour les enfants et à plus de 500 000 personnes séropositives privées d’un traitement antirétroviral.

S’il est en réalité difficile d’attribuer de façon aussi directe des effets sanitaires à une évolution budgétaire parfois difficile à évaluer de façon précise, il reste que la diminution de l’aide publique au développement française est inscrite dans les faits et offre un contraste frappant avec la volonté affichée par la France d’être un leader dans ce domaine.

A. LE FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT (FSD)

La baisse des crédits depuis le début des années 2010 est en partie compensée par la montée en charge progressive du Fonds de solidarité pour le Développement (FSD).

Le fonds de solidarité pour le Développement (FSD) a été créé en 2006 pour percevoir les recettes de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et les verser aux organismes bénéficiaires. L'Agence française de développement gère le FSD et effectue les versements pour le compte de l'État.

Les recettes de la TSBA, plafonnées à 210 millions d’euros depuis 2014, ont quant à elles varié de la manière suivante (en millions d’euros) :

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015
(prévision)

2016
(prévision)

162

163

175

185

185

204

210

210

Le FSD a rempli à partir de 2013 la même fonction vis-à-vis de la taxe sur les transactions financières (TTF) lorsque cette dernière a été mise en place en août 2012. À la différence de celles de la TSBA, les recettes de la TTF ne sont pas entièrement affectées au FSD, un plafond étant fixé par voie législative. Ce plafond a été relevé progressivement : de 60 millions d’euros pour 2013, il est passé à 100 millions d’euros pour 2014, puis à 140 millions d’euros pour 2015 et doit être relevé à 160 millions selon la proposition du PLF 2015.

Recettes du Fonds de solidarité pour le développement (en millions d’euros) :

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Recettes de la TSBA

162

163

175

185

185

204

210

210

Plafond de la TTF

       

60

100

140

160

Recettes du FSD

162

163

175

185

245

304

350

370

Au 31 août 2015, les montants cumulés du FSD depuis 2006 sont les suivants :

– Recettes encaissées : 1 877,7 millions d’euros, dont 1579,8 millions d’euros pour la taxe de solidarité sur les billets d’avion (depuis 2006) ; 297,9 millions d’euros pour la taxe française sur les transactions financières (depuis 2013) et 10,0 millions d’euros de versement du budget général ;

– Dépenses effectuées : 1 628,4 millions d’euros, dont 1020,9 millions d’euros à UNITAID, 197,5 millions d’euros au remboursement de l’IFFIm, 342,0 M€ au Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, 20,0 millions d’euros à GAVI, 40,0 millions d’euros à RWSSI, 6,0 millions d’euros à l’I3S, 1,0 millions d’euros pour les Fonds Vert, 0,9 millions d’euros à l’AFD (prestation de gestion).

Depuis le 23 décembre 2013, le FSD peut financer, en plus de la facilité internationale d’achats de médicaments Unitaid, de la facilité financière internationale pour l’immunisation (IFFIm) et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), les actions des bénéficiaires suivants : le Fonds vert pour le climat, l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI), le fonds fiduciaire de l’Initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural (RWSSI) de la Banque africaine de développement et l’Initiative solidarité santé Sahel (I3S) de l’AFD. Le paiement des contributions françaises à l’IFFIm est prioritaire sur les autres dépenses : compte-tenu du montage spécifique de cette modalité de financement innovant et de l’engagement associé, un retard de paiement d’un des contributeurs aurait des effets mettant en péril tout le mécanisme.

En 2016 et 2017, il est prévu que les dépenses du Fonds de solidarité pour le développement demeurent en priorité consacrées aux enjeux de santé et à la lutte contre le changement climatique. En revanche, le détail précis des affectations n’est pas connu à ce jour. À titre d’exemple toutefois, on peut indiquer qu’à partir de 2016, l’ensemble des contributions de la France au mécanisme de l’IFFIm sera versé via le FSD.

L’ensemble formé par la mission « Aide publique au développement » et le FSD, en prenant en compte les crédits de paiements de la mission et les recettes du FSD, évolue en effet de la façon suivante (en millions d’euros) :

 

2015

2016

Mission APD (CP)

2 798

2 621

Recettes du FSD

350

370

Total

3 148

2991

La montée en charge du Fonds de Solidarité pour le Développement (FSD) s’est donc accompagnée d’une baisse équivalente ou supérieure des crédits alloués aux programmes 110 et 209, notamment parce que des lignes budgétaires ont tout simplement été transférées des deux programmes vers le FSD. Dans le PLF 2016, deux dépenses sont ainsi transférées en partie ou totalement d’un des deux programmes composant la mission « Aide publique au développement » vers le FSD :

– la contribution française au titre du programme 110 à la Facilité financière pour la vaccination (IFFIm), désormais entièrement assurée à travers le FSD ;

– la contribution française au titre du programme 209 au Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, qui passe de 187 à 127 millions d’euros, la différence étant ponctionnée sur le FSD pour un total de 360 millions d’euros.

Ces transferts du budget de l’État vers le FSD sont problématiques pour deux raisons principales.

En premier lieu, les financements innovants que sont la taxe sur les billets d’avion et la taxe sur les transactions financières, qui constituent les ressources du FSD, avaient vocation, lorsqu’ils ont été mis en place, à s’additionner à l’effort français d’aide au développement, et non à s’y substituer. Or, c’est précisément ce à quoi nous assistons.

En deuxième lieu, le détail de l’affectation exacte des ressources du FSD ne fait pas l’objet d’une présentation régulière et détaillée du même ordre que le budget de l’État. Une partie de l’aide au développement se trouve donc transférée vers un mécanisme de financement moins transparent qui échappe pour partie au contrôle parlementaire.

B. LA DISTRIBUTION ENTRE PAYS LES MOINS AVANCÉS ET PAYS À REVENU INTERMÉDIAIRE

Les États destinataires de l’aide au développement se trouvent dans des situations extrêmement diverses en termes de développement économique, de stabilité politique ainsi que du point de vue des perspectives d’évolution de leurs économies. L’aide au développement doit s’adapter aux différents besoins et, à plus forte raison lorsque son budget est en diminution, trancher entre eux.

La question de la répartition de l’aide entre les différentes catégories de pays bénéficiaires demeure complexe. Les pays à revenu intermédiaire appartiennent souvent à cette catégorie parce que leur économie a effectivement progressé au cours des dernières décennies, ce qui semble indiquer que l’aide qui leur était destinée a eu un effet positif et inciterait à sa poursuite.

Les pays les moins avancés tendent à l’inverse à être ceux dont l’économie se trouve confrontée à des problèmes particuliers qui ralentissent leur développement, comme la rareté des infrastructures, une croissance démographique excessive ou une situation d’instabilité politique. Ce sont aussi les pays dont les problèmes peuvent rejaillir sur les pays de la région ou du reste du monde, par exemple sous la forme de flux migratoires irréguliers et difficiles à contrôler.

L’aide à destination de cette catégorie de pays répond donc à une nécessité particulière. C’est ce que les chefs d’État et de gouvernement réunis lors du sommet du G7 de juin 2015, en faisant figurer le passage suivant dans leur déclaration commune :

« Nous réaffirmons nos engagements respectifs en termes d’APD, notamment l’objectif de consacrer 0,7 % du RNB à l’APD, ainsi que notre engagement d’inverser la trajectoire à la baisse de l’APD consentie aux pays les moins avancés, et de mieux cibler l’APD sur les pays où les besoins sont les plus importants ».

De façon plus précise, le texte adopté lors de la 3e Conférence internationale sur le financement du développement qui s’est tenue à Addis-Abeba en juillet 2015 contient l’engagement d’allouer de 0,15 à 0,20 % du RNB des États donateurs aux pays les moins avancés (PMA), soit au moins environ 21 % de l’aide totale, tenant compte de la diminution de la part d’aide attribuée à ces derniers au cours de la décennie passée. Si le texte encourage les pays donateur à consacrer 50 % de leur aide aux PMA, il ne prévoit cependant pas de calendrier pour l’atteinte de ces objectifs.

D’après les données de l’OCDE, l’aide au développement française est répartie par catégorie de pays bénéficiaire de la façon suivante :

Aide Publique au Développement française au sens du CAD en fonction des pays receveurs (en millions d’euros)

Versements nets en millions d'euros courants

2009

2010

2011

2012

2013

Pays en développement, Total

9 070

100 %

9 810

100 %

9 356

100 %

9 200

100 %

8 540

100 %

dont APD bilatérale nette

5 161

57 %

6 082

62 %

6 106

65 %

6 169

67 %

5 121

61 %

dont APD multilatérale imputée

3 909

43 %

3 728

38 %

3 247

35 %

3 031

33 %

3 219

39 %

Pays les moins avancés, total

2 349

26 %

2 771

31 %

2 597

29 %

1 969

22 %

2 445

27 %

Autres pays à faible revenu, total

158

2 %

189

2 %

182

2 %

194

2 %

278

3 %

Pays à revenu intermédiaire tranche inférieure, total

2 704

30 %

2 815

31 %

2 241

25 %

2 632

29 %

1 966

22 %

Pays à revenu intermédiaire tranche supérieure, total

1 550

17 %

1 565

17 %

2 423

27 %

2 602

29 %

1 980

22 %

Pays en développement les plus avancés, total*

418

5 %

481

5 %

2

0 %

2

0 %

2

0 %

Pays en développement non spécifies par revenu

1 891

21 %

1 989

22 %

1 910

21 %

1 801

20 %

1 668

18 %

Pays en transitions éligibles à l’APD**

503

6 %

551

6 %

522

6 %

442

5 %

348

4 %

Source : OCDE, CAD 1 et CAD2a

Sur la période étudiée (les données de l’OCDE faisant défaut au-delà de 2013), la part de l’aide aux PMA est de 27 % en moyenne en comptant l’aide multilatérale imputée et l’ensemble des divers postes d’aide y compris les annulations de dette. Il en va de même pour les Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (PRITI), qui sont récipiendaires de 27 % de l’aide française sur les cinq dernières années. Cette priorité a été particulièrement marquée en 2010, où plus de 60 % de l’aide française était à destination de ces deux catégories de pays.

En volume, l’aide aux PMA a augmenté de 4 % entre 2009 et 2013. Si ce montant a connu une baisse importante en 2012, cette baisse a été compensée par une augmentation de près de 25 % entre 2012 et 2013. Il en va de même pour l’aide à destination des autres PFR qui a augmenté de 43 % entre 2012 et 2013.

La politique française en faveur des PMA est en partie déterminée par l’existence d’une liste de 16 pays pauvres prioritaires (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République Démocratique du Congo, République Centrafricaine, Sénégal, Tchad et Togo) qui a été validée par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 31 juillet 2013. Cette liste est mentionnée dans la loi d’orientation et de programmation sur la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI) adoptée le 7 juillet 2014, qui prévoit que son réexamen annuel par le secrétariat du CICID.

La composition de la liste repose sur un ensemble de critères économiques et sociaux mais aussi de l’intensité de leurs relations avec la France sur le plan culturel, linguistique ou migratoire. Compte tenu de la possibilité limitée qu’ont les pays pauvres prioritaires de recourir aux marchés financiers, la France concentre dans ces pays ses financements les plus concessionnels (subventions et prêts concessionnels de l’Agence française de développement). Le CICID du 31 juillet 2013 a ainsi décidé d’y concentrer au moins la moitié des subventions de l’État et les deux tiers de celles mises en œuvre par l’AFD au titre de l’aide au développement.

La priorité accordée par la France aux PPP lui permet par conséquent d’atteindre partiellement les objectifs énoncés lors de la conférence d’Addis Abeba concernant la part d’aide au développement à consacrer aux PMA, mais cet effort demeure concentré sur un nombre limité de pays.

C. LA RÉPARTITION ENTRE PRÊTS ET DONS

La part de l’aide publique au développement française versée sous forme de prêts a connu depuis 2008 une forte augmentation.

Le poids respectif des dons et des prêts varie selon l’orientation de la politique d’aide au développement suivie. Les prêts sont généralement utilisés pour l’appui à des projets de grande dimension ou pour des politiques visant à favoriser la croissance économique. Ils permettent de maximiser l’effet de levier sur la ressource budgétaire et favorisent l’appropriation nationale des projets financiers.

Les dons éligibles à l’APD au sens de l’OCDE correspondent pour leur part à des postes dont les plus importants sont l’aide sous forme de projets, l’aide budgétaire globale, les annulations de dettes, les frais d’écolage, le soutien aux ONG ou les coûts d’accueil des réfugiés.

Si l’on met de côté les opérations d’annulation de dettes (qui sont des dons) et de rééchelonnement de dettes (qui sont des prêts), le choix entre dons et prêts traduit par conséquent une politique plus ou moins favorable aux pays selon leur niveau de richesse. Les prêts sont en effet surtout utiles aux États à revenu intermédiaire, qui sont en mesure d’en prévoir et d’en assumer le remboursement. Ils peuvent également, dans certains cas, inciter un État à mettre en place les instruments étatiques de gestion des finances publiques qui faciliteront son développement ultérieur, mais il s’agit toujours rarement d’États faisant partie du groupe des pays les moins avancés.

L’aide aux pays à très faible revenu, qui vise souvent des secteurs fondamentaux comme la santé, l’éducation ou la sécurité alimentaire, prend quant à elle, le plus souvent, la forme de dons.

Or, la politique française d’aide publique au développement a, ces dernières années, accordé une place croissante aux prêts. En 2008, la part des dons dans l’ADP française était quasiment au même niveau que dans la moyenne des autres pays du CAD. Par la suite, cette part a diminué jusqu’à atteindre 69 %, contre 76 % pour la moyenne du CAD.

Quant aux prêts, leur part en 2007 était de 9 % pour la France comme pour la moyenne des pays du CAD. En 2014, elle est de 25 % pour la France contre 12 % pour les pays du CAD.

 

Part des Dons (hors annulations de dette) dans l'APD totale brute

Part des prêts bruts (hors rééchelonnement de dette) dans l'APD totale brute

Année

France

Donneurs du CAD

France

Donneurs du CAD

2002

60%

72%

11%

11%

2003

53%

72%

7%

10%

2004

63%

73%

8%

9%

2005

59%

65%

7%

7%

2006

62%

68%

7%

7%

2007

76%

77%

9%

9%

2008

74%

75%

16%

9%

2009

69%

80%

19%

11%

2010

66%

78%

22%

12%

2011

63%

77%

27%

11%

2012

61%

79%

27%

11%

2013

69%

76%

25%

12%

Source : OCDE, Dac2a

* Moyennes non pondérées des montants d’APD totale brute

Le tableau ci-dessous retrace l’évolution du montant des prêts bruts et nets comptabilisés dans l’aide publique au développement (APD) française ces cinq dernières années (en millions d'euros) :

Année

Prêts nets

Bruts

2010

1 454

2 381

2011

1 877

2 828

2012

1 755

2 870

2013

1 347

2 435

2014*

1 404

2791

Source : OCDE

Les dons, hors annulation de dette, comptabilisés dans l’APD française ces cinq dernières années ont évolué ainsi (en millions d’euros) :

Année

2010

2011

2012

2013

2014*

Dons (hors annulation de dette)

7 181

6 519

6 401

6 670

6 578

*Données définitives transmises au Secrétariat du CAD en juillet 2015, actuellement en cours de traitement et de vérification.

L’évolution de la répartition entre dons et prêts au sein de l’aide au développement française laisse penser que, en dehors des pays pauvres prioritaires, cette dernière tend à s’orienter vers des opérations plus adaptées aux pays à revenus intermédiaires.

S’il serait exagéré de parler d’un abandon des priorités françaises en matière de développement, il reste que l’évolution de la répartition entre prêts et dons, combinée à l’érosion du volume global de l’aide au développement française, fait craindre que la présence française dans les pays à faible revenu ne soit à terme limitée au groupe des pays pauvres prioritaires, ce qui reviendrait à perdre de vue les finalités globales de l’aide au développement.

D. LA FRANCE PARMI LES PRINCIPAUX PAYS DONATEURS

La comparaison entre la France et les autres principaux pays donateurs ne fait que confirmer l’impression d’un désengagement progressif de notre pays. Bien que la France soit toujours le quatrième contributeur mondial, le niveau de son aide publique au développement soutient mal la comparaison avec d’un côté les trois contributeurs qui la dépassent (États-Unis, Royaume Uni et Allemagne) et, de l’autre, des contributeurs moins importants en volume mais dont l’effort, mesuré par le ratio APD/RNB, se situe très au-dessus de celui de la France.

Aide publique au développement en volume et en pourcentage du revenu national brut (en millions de dollars) :

   

France

Donateurs CAD

2010

APD nette en volume

12 915

129 066

 

En % du RNB

0,5

0,32

2011

APD nette en volume

12 997

134 670

 

En % du RNB

0,46

0,31

2012

APD nette en volume

12 028

126 946

 

En % du RNB

0,45

0,29

2013

APD nette en volume

11 582

135 072

 

En % du RNB

0,23

0,30

2014

APD nette en volume

10 371

135 164

 

En % du RNB

0,36

0,29

Source : OCDE (CAD 1)

En 2014, le volume d’aide publique au développement versé par les membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE s’est élevé à plus de 135 milliards de dollars, soit 0,29 % de leur revenu national brut (RNB) cumulé.

Parmi ces pays, ceux du Nord de l’Europe se sont fixé l’objectif d’atteindre un ratio d’APD/RNB de 1 % et s’en sont rapprochés en 2014, avec un ratio de 0,9 % pour la Suède et la Norvège. Les Pays-Bas, qui ont réduit leur aide au développement entre 2011 et 2013, affichaient encore un ratio de 0,64 % en 2014.

Si le ratio APD/RNB permet de mesurer l’effort consenti par un pays indépendamment de la taille de son économie, la contribution en volume à l’effort international d’aide au développement donne une idée de l’influence du pays concerné en matière d’aide au développement et de sa capacité à influer sur les orientations suivies dans ce domaine au niveau international.

Ainsi, les États-Unis, premier donateur en volume (32,7 milliards de dollars en 2014), affichent un ratio d’aide faible (0,19 % du RNB en 2014), qui ne devrait pas s’accroître au cours des prochaines années malgré les demandes d’augmentation du budget consacré à l’action extérieure pour 2013 (de 2,3 %), provenant du Département d’État et d’USAID en particulier. Les États-Unis n’ont pas adhéré à l’engagement international des 0,7 % et ne se considèrent donc pas comme liés par cet objectif. La faiblesse du ratio américain doit cependant être relativisée du fait de l’importance des contributions privées en provenance de ce pays.

L’Allemagne, troisième donateur du CAD en volume (plus de 16 milliards de dollars en 2014), dont le ratio d’aide se situait autour de 0,38 % jusque 2013, dépasse les 0,4 % pour la dernière année connue (0,41 % en 2014). L’Allemagne n’a pas tenu son engagement de consacrer 0,51 % de son RNB en APD en 2010, qui demeure toutefois plus élevé que le ratio de la France.

C’est toutefois la politique britannique d’aide au développement qui permet la comparaison la plus éclairante avec la France. Le Royaume-Uni, pays comparable à la France par la taille, la richesse et la présence dans le reste du monde, et par ailleurs engagé dans une politique de diminution de la dépense publique plus rigoureuse que celle de la France, a pourtant atteint un ratio APD/RNB de 0,7 % en 2013 et s’y est maintenu depuis lors. Le Royaume-Uni est ainsi le deuxième pays donateur en volume derrière les États-Unis, devançant l’Allemagne. Avec une contribution en volume évaluée par le CAD à 19 387 millions de dollars en 2013, pour une contribution américaine de 32 729 millions de dollars, l’ordre de grandeur de la contribution globale britannique est quasiment du même ordre de grandeur que la contribution américaine, ce qui signifie que l’influence britannique au sein des organisations multilatérales d’aide au développement est considérable. La France, avec une contribution de 10 371 millions de dollars cette même année, n’a pas la même capacité à faire entendre sa voix.

Quatrième contributeur mondial, la France a suivi une évolution plus proche de celle des pays du Sud de l’Europe, comme l’Espagne, dont le ratio avait atteint 0,43 % en 2010 mais s’est effondré par la suite, ou l’Italie dont le ratio est resté depuis cinq ans en dessous de 0,20 %.

Cette évolution semble pourtant avoir coïncidé avec l’affirmation d’objectifs de plus en plus ambitieux en matière d’aide au développement que la France a défendus dans les enceintes internationales. La France a ainsi joué un rôle central dans la promotion des mécanismes de financement innovants pour le développement et continue par exemple de plaider pour une taxe sur les transactions financières européenne, dont une partie serait également affectée au développement, à l’instar de la taxe française.

Votre rapporteur ne peut que constater que le contraste entre les annonces faites au plus haut niveau et la réalité budgétaire n’a rien de nouveau et n’a fait que s’accroître depuis le début des années 2010.

III. UN DÉBUT DE RATIONNALISATION DES MOYENS

Quelle que soit l’évolution du budget de l’aide publique au développement, il demeure important pour la France d’en faire le meilleur usage en préservant sa cohérence grâce à une amélioration de son dispositif de déploiement de l’aide publique au développement.

Deux réformes importantes sont actuellement en cours. La première concerne la création de l’agence Expertise France, qui doit mettre fin à la dispersion de l’expertise technique française et qui devrait à terme se trouver chargée de l’expertise en matière de gouvernance, mission qu’elle n’assume pas à ce jour.

La seconde, plus ambitieuse, en est encore au stade de la préfiguration. Il s’agit de l’« adossement » évoqué par le président de la République de l’Agence française de Développement à la Caisse des Dépôts et Consignation, dont votre rapporteur ne peut à ce stade qu’évoquer les finalités, puisque la forme que prendra cette opération n’est pas encore connue.

A. LA CRÉATION D’EXPERTISE FRANCE

Le 1er janvier 2015, conformément à la loi n°2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, et au décret d’application n°2014-1656 du 29 décembre 2014 relatif à l'Agence française d'expertise technique internationale, AFETI/Expertise France s’est substitué à l’EPIC FEI (France Expertise internationale), aux GIP ADETEF (Assistance au Développement des Échanges en Technologies économiques et financières), INTER (International), SPSI (Santé, Protection sociale international), ESTHER (Ensemble pour une Solidarité thérapeutique), et à l’association ADECRI (Agence pour le Développement et la Coordination des Relations internationales). L’agence Expertise France est placée sous la tutelle conjointe du Ministère des Affaires étrangères et du Développement international et du Ministère de l’Économie et des Finances.

À cette date, les biens, droits et obligations de ces établissement ont été transférés de plein droit et en pleine propriété à Expertise France. Un contrat de travail a été proposé par Expertise France aux personnels titulaires d'un contrat conclu avec l'un de ces organismes. La convention interprofessionnelle de branche Syntec s’applique à l’établissement. L’ensemble des contrats de travail y fait référence. Un accord collectif d’entreprise sera négocié avec les délégués syndicaux, une fois ces derniers élus lors d’élections professionnelles prévues fin septembre 2015.

Expertise France dispose de 224 salariés siège (juillet 2015). Le 10 août, l’ensemble des salariés a été regroupé sur un site unique, au 73 rue de Vaugirard, dans le 6ème arrondissement à Paris.

Le conseil d’administration d’Expertise France compte 19 membres, dont le délégué interministériel qui le préside, deux députés et deux sénateurs, sept représentants de l’État, un représentant des organismes de sécurité sociale, un représentant des collectivités territoriales, trois personnalités qualifiées dans le domaine d'activité de l'établissement, et deux représentants du personnel de l'établissement.

Le conseil d'administration se réunit au minimum trois fois par an. Il a tenu sa première session le 6 juillet, au cours de laquelle a été adopté son règlement intérieur ainsi que le budget prévisionnel 2015 de l’agence qui s’élève à 134,9 millions d’euros.

L’agence est organisée en trois directions : une direction des opérations, une direction de la stratégie et des partenariats, un secrétariat général. Au sein de la direction des opérations, les responsables des départements thématiques ont été nommés par le directeur général, conformément à la loi. La direction des opérations est ainsi composée de sept départements thématiques : gouvernance et droits humains, stabilité, sureté, et sécurité, finances publiques, développement économique, développement durable, santé, protection sociale et emploi.

Les conventions-cadres avec les ministères et les organismes concernés par la mise à disposition ou le détachement d'experts publics sont en cours de négociations.

La loi prévoit également de rassembler l'ensemble des opérateurs spécialisés de coopération technique selon des modalités adaptées à leurs missions et statuts. Cette mission relève du délégué interministériel à la coopération technique internationale, également chargé d’assurer la coordination stratégique et opérationnelle des actions publiques de coopération technique.

Ce rassemblement passe par des mutualisations logistiques et stratégiques entre les opérateurs concernés. Plusieurs d’entre eux ont ainsi d’ores et déjà signé, une « charte de bonne conduite et de compétitivité », visant à mieux se coordonner et travailler ensemble.

Les premiers comités d’orientation sectoriels du comité d’orientation relatif au développement de l’expertise technique publique et privée seront lancés d’ici la fin de l’année. Ils auront pour objectifs de proposer des orientations stratégiques pour le secteur, de faciliter la mobilisation des viviers d’expertise et de promouvoir le dialogue avec le secteur privé. Le comité d’orientation relatif au développement de l’expertise technique publique et privée se réunira une fois l’ensemble de ses membres nommés.

L'agence, qui peut agir dans le cadre de commandes financées par le budget de l'aide au développement, ou en réponse à des appels d'offres internationaux, a pour mission d’accompagner ses partenaires et clients dans la mise en place de politiques publiques dans les domaines les plus variés: développement durable, fiscalité, santé, entre autres. Elle fédère 450 projets dans 80 pays, soit un volume d'activité de 120 millions d'euros environ

Votre rapporteur estime que la mise en place de cette agence peut contribuer à mettre fin à la dispersion que l’on peut souvent observer en matière de coopération technique.

B. L’ADOSSEMENT DE L’AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT À LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS

Le projet d’adossement de l’Agence française de développement est lié à l’annonce faite par le Président de la République lors de la conférence des ambassadeurs le 25 août 2015.

Le projet vise deux objectifs principaux :

Il s’agit en premier lieu d’accroître la capacité d’intervention de l’AFD en lui donnant un accès aux fonds de la Caisse des Dépôts et Consignation.

L’Agence française de développement, du fait de son statut bancaire, se trouve en effet soumise à des contraintes qui limitent son champ d’action. Les règles de Bâle III, traduites dans la directive européenne CRD IV, se traduisent par une augmentation du niveau de fonds propres exigé, via l’introduction de matelas de sécurité additionnels, et par un renforcement de leur qualité du fait du durcissement des règles d’éligibilité des quasi fonds propres, ainsi que par la mise en place d’un calcul de fonds propres plus restrictif pour la détermination de la limite des grands risques.

Dans le cadre du Contrat d’Objectifs et de Moyens (COM) 2014-2016 entre l’État et l’AFD, les fonds propres de cette dernière ont été renforcés afin de permettre que son niveau d’activité soit porté de 5,5 à 8,5 milliards d’euros par an en 2016 tout en permettant à l’AFD de construire un modèle financier autonome, sans préjudice de la prise en charge par l’État de la bonification des prêts concourant à l’aide publique au développement, et soutenable à long terme.

Ce renforcement des fonds propres de l’AFD n’est cependant pas suffisant pour permettre à cette dernière de concrétiser l’annonce faite par le président de la République d’accroître le flux annuel de prêts au titre de l’aide au développement de 4 milliards d’euros d’ici 2020, dont 2 milliards seraient affectés à des projets comportant un co-bénéfice climat. La trajectoire prévue pour cette augmentation comporte en effet une première tranche de 200 millions d’euros, conformément au COM, pour 2016, portant le flux annuel de 5,8 à 6 milliards d’euros, les augmentations annuelles devant atteindre 4 milliards en 2020.

Concrètement, l’action de l’AFD se trouve encore bridée par les contraintes de fonds propres émanant du statut de Bâle III dans une dizaine de pays à revenus intermédiaires, tels que l’Indonésie ou la Colombie, où son action s’en trouve fortement diminuée.

En second lieu, à cet objectif technique et financier s’ajoute un objectif tout aussi important à long terme, cette fois d’ordre stratégique.

Il s’agit de faire de l’AFD une agence de développement aux compétences accrues et diversifiées, disposant de plus de relais et en mesure de déployer une plus grande gamme de compétences. Selon M. Rémy Rioux, en charge de la préfiguration de cette opération et rencontré par votre rapporteur, cet objectif doit être considéré comme prioritaire à long terme. Le rapprochement entre l’AFD et la CDC doit en effet profiter aux deux institutions, chacune tirant parti des compétences et du savoir-faire de l’autre.

L’AFD peut apporter à la CDC une plus grande ouverture à l’international et des opportunités dans un secteur, celui du développement, où la CDC n’a jusqu’à présent pas été active. La CDC apportera pour sa part à l’AFD une habitude du travail avec les acteurs locaux français, notamment les collectivités territoriales. En fin de compte, il s’agit pour la France de disposer d’une agence de développement d’une taille conforme aux ambitions du pays.

Le calendrier du rapprochement entre les deux institutions a évolué depuis l’annonce du Président, du fait notamment de la complexité de l’opération, mais également de la forte implication des parties concernées et de leur volonté d’examiner attentivement chaque hypothèse.

Selon les informations dont dispose votre rapporteur, la mission de préfiguration doit prendre fin à la fin de l’année 2015 et présenter les différentes options validées à ce stade. Le choix final devrait alors être arrêté le 28 avril, date symbolique marquant le bicentenaire de la création de la CDC. La mise en œuvre interviendrait dans les mois qui suivent.

Les questions qui se posent au stade actuel sont complexes.

En premier lieu, l’image et l’identité de l’AFD devraient probablement être préservées, de même que son positionnement sur les sujets nouveaux tels que le climat et, surtout, sa capacité à travailler aussi bien avec le secteur public que le secteur privé ou au niveau national aussi bien que local. Le savoir-faire de l’AFD ne doit pas se trouver érodé par le rapprochement envisagé.

Le rapprochement devra par ailleurs renforcer l’action de l’AFD dans le « concert des bailleurs de fonds » et préserver sa fonction d’outil de l’influence de la France dans ce domaine.

Quelles que soient les finalités du projet, la réflexion devra toutefois s’articuler en grande partie autour de l’objectif d’accroître la marge de manœuvre prudentielle de l’AFD, et par conséquent du régime prudentiel qui en découlera.

Une question fondamentale concerne par conséquent le choix entre le maintien et la perte du statut bancaire de l’AFD. Résultant en grande partie de l’histoire de l’agence, son statut bancaire est devenu ces dernières années plus contraignant et semble avoir eu pour principal effet de limiter la capacité de l’AFD à accomplir sa véritable mission, qui n’est pas celle d’une banque mais plutôt d’un outil de la politique française en matière de développement. Au-delà de l’accès aux fonds propres de la CDC, un changement de statut lui permettrait d’accroître sa marge de manœuvre.

La perte du statut bancaire va toutefois de pair avec une intégration plus poussée de l’AFD à la CDC, auquel cas il faudra envisager l’intégration d’une organisation à but non lucratif dont la mission est de soutenir le développement à une organisation ne partageant aucune de ces deux caractéristiques. Le maintien de l’identité et des missions de l’AFD obligerait alors à une révision des missions de la CDC et probablement à une modification importante de la gouvernance de cette dernière par voie législative.

Votre rapporteur estime ce projet prometteur mais non exempt de risques. Une réforme trop timide risquerait de ne pas aboutir à l’effet recherché, tandis qu’une absorption pure et simple de l’AFD par la CDC, si elle ne s’accompagnait pas des ajustements nécessaires dans l’un et l’autre organisme, risquerait de diminuer l’influence de l’exécutif auprès de l’AFD et de rendre l’action cette dernière moins pertinente. En bref, il faut veiller à ce que la réforme n’aboutisse pas à l’effet inverse de celui recherché.

Votre rapporteur estime donc que cette opération, si elle est bien menée, peut être très profitable à la politique française d’aide au développement, mais qu’il importe d’en surveiller attentivement le déroulement, notamment en y associant autant que possible le parlement.

Dans ce cas comme dans celui de la création d’Expertise France, l’aide au développement a tout à gagner d’une rationalisation des moyens et des compétences, trop souvent dispersés à l’heure actuelle.

CONCLUSION

Cette année comme lors des exercices précédents, le budget de l’aide au développement française offre un contraste frappant entre les ambitions affichées par la France sur la scène internationale et les moyens qu’elle consent à leur consacrer.

Les annonces faites devant l’Assemblée générale des Nations unies, les engagements pris à Addis Abeba et l’organisation par la France de la conférence de Paris sur le climat s’accordent mal avec un budget d’aide au développement marquant une diminution de 20 % entre 2011 et 2016.

Le maintien du rang international de la France ne peut en effet s’appuyer sur de simples effets d’annonce. Dans le domaine de l’aide au développement comme dans les autres domaines de la politique étrangère, l’influence ne peut faire l’économie des moyens. Si l’aide publique au développement française poursuit sur la trajectoire entamée depuis le début des années 2010, la voix de la France deviendra rapidement inaudible au sein des organismes multilatéraux, et la présence française dans les pays bénéficiaires de l’aide deviendra progressivement négligeable.

Mais la perte d’influence de la France n’est pas la conséquence la plus grave de ce déclin. Au moment même où il serait nécessaire de mobiliser des moyens pour faire face à des crises d’une gravité extrême, qu’il s’agisse du problème des réfugiés du Moyen Orient ou de la déstabilisation de plusieurs États du Sahel, la France se prive progressivement des moyens qui permettraient dans certains cas de prévenir ce type de problèmes.

Dans le monde du XXIe siècle, une situation d’instabilité politique dans une région peu développée du monde peut rapidement prendre des proportions catastrophiques, aussi bien du point de vue sanitaire que sécuritaire, et affecter non seulement la région environnante, mais le reste du monde. Dans un tel contexte, l’aide au développement n’est plus une simple affaire de générosité, même si elle demeure autant qu’avant un impératif moral.

Il s’agit en effet de reconnaître que les intérêts des États riches sont indissociables de ceux des États les moins développés. L’aide au développement est un investissement dans l’avenir.

Votre rapporteur forme le vœu que l’effort de rationalisation entrepris avec la création de l’agence Expertise France et, de façon plus importante, avec le projet d’adossement de l’Agence française de développement à la Caisse des Dépôts et Consignation soit poursuivi et donne lieu à une réflexion d’ordre stratégique plus globale.

Il ne peut toutefois approuver les crédits de la mission « Aide publique au développement » tels qu’ils sont proposés par le Projet de loi de finance pour 2016.

TRAVAUX DE LA COMMISSION – EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie (1), de Mme Annick Girardin, Secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie, le lundi 19 octobre 2015, la Commission des affaires étrangères examine, pour avis, les crédits pour 2016 des programmes 110 et 209 de la mission « Aide Publique au Développement », sur le rapport de M. Hervé Gaymard.

Mme Elisabeth Guigou, présidente. Chers collègues, nous allons examiner deux amendements.

D’abord l’amendement II-2 du gouvernement qui modifie les autorisations d’engagement en les augmentant de 50 millions.

M. Hervé Gaymard, rapporteur. Avis favorable

La commission accepte l’amendement II-2

Mme Elisabeth Guigou, présidente. Nous examinons également l’amendement AE 4 de Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau, député. C’est un amendement que nous avons déposé avec plusieurs de nos collègues SRC. Il vise à abonder l’action 2 du programme 209, c’est-à-dire celle des subventions et des dons-projets, au détriment du programme 110, c’est-à-dire la bonification des prêts. C’est toujours la même politique que nous préconisons : un peu moins de prêts, un peu plus de dons et subventions, à hauteur de 50 millions, pour rester raisonnables et marquer notre volonté qualitative.

Mme Elisabeth Guigou, présidente. Quel est l’avis du rapporteur ?

M. Hervé Gaymard, rapporteur. Je suis un peu embarrassé, car si l’amendement était adopté, je ne sais pas si l’on aurait suffisamment de crédits inscrits pour honorer les prêts échus. Sur la philosophie générale, je peux approuver cet amendement, mais si on regarde dans le détail, est-ce qu’on ne décharge pas trop le chapitre budgétaire qui est réservé aux prêts.

M. Jean-Pierre Dufau. L’adossement envisagé de l’Agence française de développement à la Caisse des Dépôts et Consignation devrait justement accroître substantiellement la capacité de la France à consentir des prêts.

M. Hervé Gaymard, rapporteur. Avis favorable

La commission adopte l’amendement II AE4

Mme Elisabeth Guigou, présidente. Je vais mettre aux voix les crédits de la mission. Quel est l’avis du rapporteur ?

M. Hervé Gaymard, rapporteur. Défavorable, pour les raisons que j’ai exposées auparavant.

Contrairement aux conclusions du rapporteur, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 32

ANNEXE – LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 

– M. Gautier Mignot, directeur général adjoint de la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, accompagnée de MM. René Troccaz, directeur des programmes et du réseau et M. Alain Verninas, chef de la mission des programmes, Ministère des affaires étrangères et du développement international ;

– Mme Anne Paugam, directrice générale de l'Agence Française de Développement, accompagnée de Philippe Orliange, directeur du département de la Stratégie, des Partenariats et Communication, Mme Colette Grosset, secrétaire générale, Philippe Bauduin, directeur SGN et Mme Zolika Bouabdallah, chargée des relations avec les parlementaires ;

– Mme Annick Girardin, Secrétaire d'État au Développement et à la Francophonie, auprès du ministre des Affaires étrangères et du Développement international, accompagnée de Mme Sandrine De Guio, Directrice de cabinet adjointe, Mme Soria Blatmann, conseillère parlementaire et M. Alain Verninas, chef de la mission des Programmes ;

– M. Rémy Rioux, Secrétaire général adjoint, Ministère des affaires étrangères et du développement international ;

– Mme Anne-Solenne Le Danvic, Mme Sandra Lhote-Fernandes, M. Bruno Rivalan, Mme Rachel Domenach, Mme Marguerite Bannwarth, Mme Hélène Roger et Mme Anne Sinic, représentants du collectif Santé 2015 ;

– Mme Hélène Ferrer, coordinatrice du Réseau français de la Campagne mondiale pour l’éducation, accompagnée de Mme Carole Coupez, déléguée à l’éducation à la citoyenneté et la solidarité de l’organisation Solidarité laïque ;

– M. Philippe Jahshan, président de Coordination Sud, accompagné de M. Christian Reboul, administrateur de Coordination Sud et responsable du plaidoyer « financement du développement » à Oxfam France et M. Gautier Centlivre, chargé de mission « financement du développement » à Coordination Sud ;

– Mme Friederike Röder, directrice France de One France, accompagnée de Mme Aude Goumbri, assistante plaidoyer de One France.

© Assemblée nationale

1 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2016/commissions_elargies/cr/c001.asp