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N
° 3116

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2016 (n° 3096)

TOME XI

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE DANS LES DOMAINES DE LA GESTION DES MILIEUX ET DES RESSOURCES

PAR M. Charles-Ange GINESY

Député

——

Voir le numéro : 3110 (Tome III, annexe 37).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LES PROGRAMMES 172 ET 193 S’INSCRIVENT AU CŒUR DE LA RECHERCHE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE 7

A. LE PROGRAMME 172 « RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES PLURIDISCIPLINAIRES » AU CENTRE DE LA RECHERCHE SUR LA GESTION DES MILIEUX ET DES RESSOURCES 7

1. Un programme ambitieux pour répondre au mieux aux enjeux sociétaux 7

2. Des opérateurs engagés et regroupés à travers des alliances de recherche 9

3. L’importante place du développement durable au sein de la recherche réalisée par ces organismes 11

4. Des rapports avec le monde économique différents selon les organismes qui mériteraient néanmoins d’être renforcés 14

B. LA PLACE ESSENTIELLE DU PROGRAMME 193 « RECHERCHE SPATIALE » DANS LA RECHERCHE EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DURABLE 16

1. Un domaine de recherche fondamental pour la France et l’Europe 16

2. Le Centre national d’études spatiales (CNES), opérateur principal du programme 18

3. L’important appui du Centre national d’études spatiales (CNES) à la recherche en matière de développement durable 19

4. Une politique partenariale riche et multiforme 20

5. Le renforcement de la compétitivité du secteur spatial par la cession d’Arianespace et le lancement d’Ariane 6 21

II. L’INSUFFISANCE DES MOYENS BUDGÉTAIRES ALLOUÉS AUX PROGRAMMES 172 ET 193 RISQUE DE PROVOQUER UN RECUL DES EFFORTS DE RECHERCHE 23

A. LE RECUL DES CRÉDITS POUR L’ANNÉE 2016 FRAGILISE LA RECHERCHE PLURIDISCIPLINAIRE 23

1. Une légère diminution globale des crédits alloués au programme 172 23

2. Une réduction générale des crédits affectés à la recherche en matière de développement durable qui fragilise certains organismes de recherche 25

3. Le crédit d’impôt recherche : une aide considérable pour la recherche et le développement mais dont les effets ne sont pas complètement évalués 26

B. LE PROGRAMME 193 « RECHERCHE SPATIALE » : UNE PROGRESSION DES CRÉDITS EN RAISON DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA FRANCE 28

1. Une augmentation globale des crédits alloués au programme 193 28

2. Un accroissement des crédits dû au poids des engagements européens de la France 29

3. La contribution française à l’ESA : l’évolution de sa dette 30

CONCLUSION 33

EXAMEN EN COMMISSION 35

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 37

INTRODUCTION

Permettre à la recherche française, dans toute sa diversité, de mieux répondre aux grands défis sociétaux, économiques, scientifiques et technologiques de demain est l’un des enjeux fondamentaux de l’agenda « France Europe 2020 » pour la recherche, le transfert et l’innovation. La mobilisation des acteurs scientifiques autour de la gestion sobre des ressources et l’adaptation au changement climatique, autour d’une énergie propre, sûre et efficace, mais aussi autour de la sécurité alimentaire et du défi démographique apparaît comme l’une des priorités actuelles.

La France est d’autant plus engagée dans le débat climatique qu’elle accueillera, du 30 novembre au 11 décembre 2015, la 21ème conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) à Paris. La COP21 devrait aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable par tous les pays, dans l’objectif de maintenir le réchauffement mondial en dessous du seuil des 2°C pour le siècle actuel.

Les activités de recherche relatives à la gestion des milieux et des ressources s’inscrivent pleinement dans ces thématiques. Les crédits attribués aux programmes 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193 « Recherche spatiale », examinés dans cet avis, revêtent donc d’une importance toute particulière.

Les deux programmes, placés sous l’autorité du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dépendent directement de la mission interministérielle « Recherche et Enseignement supérieur » (MIRES). Cette dernière représente, une année encore, une des missions les plus considérables du budget de l’État avec 25,735 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 25,631 milliards d’euros de crédits de paiement. Pour autant, il est nécessaire de noter une diminution de 0,4 % d’autorisations d’engagement et d’une contraction de 1,34 % des crédits de paiement par rapport au projet de loi de finances pour 2015.

Les crédits proposés pour les programmes 172 et 193 connaissent néanmoins deux orientations distinctes. Si les autorisations d’engagement et crédits de paiement du programme concernant les recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires restent relativement stables, malgré une légère baisse de, respectivement 0,01 % et 0,02 %, les crédits prévus pour le programme de recherche spatiale augmentent de 0,50 % (pour des montants d’autorisations d’engagement égaux aux crédits de paiement).

Il est à noter que les crédits des programmes 172 et 193 ne représentent toutefois pas l’intégralité des financements des opérateurs, qui bénéficient de subventions pour charges de service public au titre d’autres programmes.

Votre rapporteur pour avis a souhaité consacrer son avis budgétaire à une analyse de l’adéquation des moyens budgétaires aux enjeux de la recherche dans le domaine du développement durable.

Si l’importance des programmes 172 et 193 n’est pas remise en cause, elle reste contrariée par l’insuffisance des moyens qui leur sont affectés pour mener à bien leurs missions.

I. LES PROGRAMMES 172 ET 193 S’INSCRIVENT AU CŒUR DE LA RECHERCHE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

A. LE PROGRAMME 172 « RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES PLURIDISCIPLINAIRES » AU CENTRE DE LA RECHERCHE SUR LA GESTION DES MILIEUX ET DES RESSOURCES

1. Un programme ambitieux pour répondre au mieux aux enjeux sociétaux

Le programme 172 finance les activités de recherche couvrant la totalité des spécialités scientifiques en vue de la promotion d’une gestion durable de l’environnement et des ressources, minérales ou vivantes.

Premier programme entièrement consacré à la recherche au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) par son poids financier (plus de six milliards d’euros), son élaboration s’articule autour de nombreux domaines scientifiques : agronomie, connaissance et ingénierie des milieux et des écosystèmes, technologies environnementales, transformation, exploitation et gestion durable des ressources naturelles, minérales, et vivantes, de l’eau, des territoires et des espaces terrestres, littoraux et marins.

Ses objectifs, particulièrement ambitieux, ont été réaffirmés par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, mais également par la stratégie nationale de recherche France-Europe 2020. L’objectif premier reste l’excellence scientifique de la recherche française dans un contexte international de plus en plus compétitif. Si les objectifs et indicateurs restent inchangés par rapport au projet de loi de finances pour 2015, le périmètre des indicateurs bibliométriques (1.1, 3.3, 4.2) inclut dorénavant les lettres, sciences humaines et sociales (LSHS).

Récapitulation des objectifs et indicateurs de performance

Objectif 1. Produire des connaissances scientifiques au meilleur niveau international

Indicateur 1.1 Production scientifique des opérateurs du programme

Objectif 2. Promouvoir le transfert et l’innovation

Indicateur 2.1 Part des redevances sur titre de propriété intellectuelle dans les ressources des opérateurs

Indicateur 2.2 Part des contrats de recherche passés avec des entreprises dans les ressources des opérateurs

Indicateur 2.3 Mesures de l’impact du crédit d’impôt recherche (CIR)

Objectif 3. Participer activement à la construction de l’Europe de la recherche

Indicateur 3.1 Taux de présence des opérateurs du programme dans les projets financés par le PCRD de l’Union européenne

Indicateur 3.2 Part du PCRD attribuée à des équipes françaises

Indicateur 3.3 Part des articles co-publiés avec un pays membre de l’Union européenne (UE 28) dans les articles des opérateurs du programme

Objectif 4. Développer le rayonnement international de la recherche française

Indicateur 4.1 Chercheurs étrangers recrutés ou accueillis temporairement dans les laboratoires

Indicateur 4.2 Part des co-publications réalisées avec des partenaires de pays du Sud parmi les publications des opérateurs du programme

Le programme, composé de onze actions, fixe les grandes orientations et les domaines couverts par les établissements, qui assurent par la suite la programmation et la réalisation de la recherche de manière autonome. Les actions sont les suivantes :

– Action 1 : Pilotage et animation

– Action 2 : Agence nationale de la recherche

– Action 3 : Recherches interdisciplinaires et transversales

– Action 4 : Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies

– Action 5 : Grandes infrastructures de recherche

– Action 6 : Moyens généraux et d’appui à la recherche

– Action 7 : Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé

– Action 8 : Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information

– Action 9 : Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie

– Action 10 : Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement

– Action 11 : Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales

2. Des opérateurs engagés et regroupés à travers des alliances de recherche

Le programme 172 est mis en œuvre par tous les organismes de recherche français, excepté le Centre national d’études spatiales (CNES). Néanmoins, toutes les disciplines scientifiques n’intéressent pas directement la recherche en matière de gestion des milieux et des ressources, et plus généralement le développement durable.

On compte parmi les principaux opérateurs concernés par ce domaine de recherche :

– l’Agence nationale de la recherche (ANR)

– le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA),

– l’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV), spécialisé dans la mise en œuvre des activités de recherche en Antarctique et Arctique.

S’ajoutent également quatre établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) :

– le Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

– l’Institut national de la recherche agronomique (INRA)

– l’Institut de recherche pour le développement (IRD)

– l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea).

Cette liste est complétée par trois établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) :

– le Bureau des recherches géologiques et minérales (BRGM).

– le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad)

– l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer)

Dans certains domaines clés, renforcer la planification des travaux et rapprocher les différents acteurs de la recherche sont devenus des nécessités. Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de recherche, de transfert et d’innovation, les alliances, créées par les organismes de recherche avec le soutien du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, favorisent la mise en place d’une coordination entre les opérateurs :

– AllEnvi, l’Alliance dans le domaine de la recherche environnementale vise à coordonner les recherches françaises pour réussir sa transition écologique et relever les grands défis sociétaux à travers quatre enjeux : nourrir 9,5 milliards d’êtres humains à horizon 2050 en produisant plus et mieux ; garantir l’accès à l’eau et aux ressources naturelles, en quantité et en qualité, sur le plan mondial ; faire face aux changements climatiques et à l’érosion de la biodiversité et respecter l’impératif de qualité environnementale.

– Ancre, l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie

– Aviesan, l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé

– Allistene, l’Alliance des sciences et technologies du numérique

– Athena, l’Alliance nationale des humanités, sciences humaines et sciences sociales, à laquelle les opérateurs participent à travers l’alliance AllEnvi

Depuis 2008, plusieurs opérateurs de recherche – BRGM, Cirad, CNRS, Ifremer, INRA, IRD, Irstea – sont aussi membres fondateurs de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) représentant la France dans la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), officiellement créée en 2012 par 94 gouvernements.

Les alliances ont également vocation à participer aux dispositifs de coordination des efforts de recherche des États européens par des instruments tels que les programmations conjointes.

Votre rapporteur pour avis avait déjà souligné le grand intérêt de la création d’alliances de recherche rationalisant la dispersion des acteurs scientifiques et favorisant la coordination des grands thèmes de recherche.

En effet, il lui semblerait plus judicieux de remplacer la création de nouveaux dispositifs de recherche, déjà très nombreux, par la formation de collaborations, à l’instar de l’alliance AllEnvi qui ne dispose pas de personnalité morale, mais dont la gouvernance repose sur la collégialité des douze membres fondateurs (dont le BRGM, le CEA, le Cirad, le CNRS, l’Ifremer, l’INRA, l’IRD, l’Irstea).

Votre rapporteur pour avis regrette que les conclusions de son précédent avis concernant le manque de prise en considération des alliances de recherche dans le circuit de financement n’aient été prises en compte.

3. L’importante place du développement durable au sein de la recherche réalisée par ces organismes

Chaque opérateur fait preuve d’une réelle implication dans la recherche dans le domaine des milieux et des ressources et dans la préparation de la 21e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) ayant lieu à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015.

Plusieurs de ces organismes ont signé, suite à une démarche volontaire, la charte du développement durable des établissements publics et des entreprises publiques les incitant à mettre en œuvre les stratégies nationales et européennes de développement durable dans le cadre de l’article 6 de la charte de l’environnement, inscrite dans la Constitution le 28 février 2005.

L’Agence nationale de la recherche (ANR) préside et coordonne depuis novembre 2014 la JPI (1) Water « Défis liés à l’eau dans un monde en mutation » qui vise à renforcer le leadership et la compétitivité de l’Europe dans le domaine de la recherche et de l’innovation sur l’eau tout en permettant de préserver la ressource. L’ampleur des enjeux économiques, écologiques, environnementaux, démographiques et sociaux liés à l’eau rend indispensables les approches pluridisciplinaires et transnationales. La JPI Water, lancée en 2011, a pour vocation de contribuer à réduire la fragmentation des efforts des États membres dans ce domaine et de permettre une mobilisation des ressources, des compétences et des connaissances plus optimale. À l’horizon 2020, certains grands objectifs comme aboutir à une coordination durable et efficace de la recherche européenne dans le domaine de l’eau, impliquer les utilisateurs finaux de l’eau dans la prise en compte des résultats de recherche et harmoniser les agendas et activités de recherche sur l’eau des pays partenaires devraient être atteints.

À la veille de la COP21, l’ANR préside également la JPI Climate « Pour le développement coordonné des connaissances sur le climat », et complète son rôle d’opérateur clé dans la recherche pour le développement durable en revenant sur des projets phares en matière de changements climatiques qu’elle avait financé.

Partie intégrante du Centre national de recherche scientifique (CNRS), l’Institut national des sciences de l’Univers (INSU) participe activement à l’ensemble des simulations climatiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et notamment au développement d’un système reproduisant la Terre dans son ensemble afin de parvenir à une modélisation la plus précise possible du climat et de son évolution.

L’Institut national de la recherche agronomique (INRA) a, quant à lui, réalisé en 2013 une étude intitulée « Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? ». Si l’agriculture a une part de responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre, elle peut également être à l’origine de nombreuses solutions pour limiter les émissions à la fois de méthane (par la méthanisation ou une modification de la composition des rations par exemple) et de protoxyde d’azote (par une maîtrise de la fertilisation azotée, l’utilisation accrue de légumineuse…). Il serait également possible de stocker du carbone dans la matière organique des sols et dans la biomasse végétale (conservation et meilleure gestion des prairies, couverture végétale accrue du sol, agroforesterie…). En outre, du fait de l’excellence et de la position de la recherche française, en particulier dans le milieu de l’agriculture, il paraît peu concevable pour la direction de l’INRA que la France ne soit pas pleinement compétente dans le domaine des organismes génétiquement modifiés – alors que d’autres pays comme les États-Unis, le Brésil ou la Chine le sont –, même si leur utilisation n’est pas autorisée sur le territoire national.

Pour l’INRA, la question de préservation de l’environnement est essentielle dans un système sein et durable. Aussi, selon Laurent Philippot, directeur de recherche en agroécologie de l’INRA Dijon, « l’émission des gaz à effet de serre (GES) participe au réchauffement climatique et 24 % de ces émissions proviennent de l’agriculture. L’oxyde nitreux dont les émissions proviennent principalement des sols agricoles en est responsable à hauteur de 50 %, à côté du gaz carbonique (10 %) et du méthane (40 %). Il est donc essentiel de réduire ces émissions ou de trouver une possibilité d’éliminer ce gaz en le convertissant en azote gazeux qui est inoffensif. » (2)

L’Institut national de la recherche agronomique apporte également une grande importance aux sciences participatives. Ainsi, un consortium d’organismes de recherche français mené par l’INRA a fortement participé à la scénographie du pavillon français pour l’Exposition universelle de 2015 « Nourrir la planète, énergie pour la vie » à Milan. À cette occasion, une cinquantaine de conférences destinées au grand public ont été données. Ces deux initiatives permettent, entre autres, de mettre les sciences en scène afin de les rendre accessibles au plus grand nombre.

Lors du forum Medcop 21 des 4 et 5 juin 2015, le président-directeur général de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), Jean-Paul Moatti, a demandé l’ouverture d’un dialogue permanent en Méditerranée entre scientifiques et politiques, notamment sur les changements climatiques, au travers d’un GIEC pour la Méditerranée. En effet, plus sujette que d’autres régions au réchauffement climatique (de 2 à 6,5°C supplémentaires attendus d’ici 2100), la Méditerranée est également fragilisée par son fort taux de biodiversité - bien que le bassin ne représente que 1,5 % de la surface terrestre, 10 % de la flore mondiale s’y trouve.

L’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) inaugure un site expérimental unique en France basé sur un réseau de trente placettes d’un demi-hectare réparties en forêt domaniale d’Orléans afin d’étudier le stress hydrique des arbres, facteur majeur de dépérissement, et améliorer la résistance des espèces face aux perturbations. Absorbant l’équivalent de 15 % des émissions annuelles de dioxyde de carbone en France, la forêt demeure un axe fort dans la lutte contre le changement climatique. En France, la moitié des forêts de production sont des forêts mélangées avec au moins deux essences d’arbres. Or, leur fonctionnement et les interactions des divers types de pression qu’elles subissent restent mal connus et des interrogations quant à leur vulnérabilité face aux changements climatiques surviennent fréquemment. Le projet de recherche, Oak Pine Tree Mixture (OPTMix), va ainsi permettre d’expérimenter les effets des stratégies sylvicoles (augmentation des mélanges d’essences et diminution de la densité du peuplement) envisagées dans le cadre du changement climatique, tout en prenant en compte l’accroissement des populations de faune sauvage et l’augmentation des prélèvements de bois qui conduisent à des difficultés de regénération.

L’organisme a également pour projet de mobiliser les scientifiques autour des rivières intermittentes du monde entier pour améliorer les connaissances sur les rivières asséchées une partie de l’année et ainsi pallier le manque de données. À cela s’ajoute une collaboration avec Météo France permettant d’étudier les effets climatiques sur le devenir des stations de ski.

Engagé au sein de plusieurs alliances ou réseaux de recherche scientifique autant à l’échelle nationale qu’européenne, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) s’implique fortement dans les actions contre les effets du changement climatique par, notamment, ses travaux sur la terre profonde, les eaux souterraines, les ressources minérales, les risques afférents et l’atténuation (3). Alors que la notion de changement climatique est trop souvent limitée à la biosphère, aux océans, atmosphères et aux sols, il existe des liaisons, directes et indirectes, avec les enveloppes solides de la Terre.

En effet, une des pistes étudiée pour l’atténuation est la présence de réservoirs en sous-sol pour stocker le dioxyde de carbone afin d’en réduire les émissions dans l’atmosphère et entreposer différents types de fluides, dont les hydrocarbures. Ces mêmes réservoirs géologiques offrent également d’autres opportunités comme la gestion par intermittence de sources d’énergie décarbonée tel que l’énergie solaire ou éolienne, au travers du stockage intersaisonnier de chaleur, d’hydrogène ou d’air comprimé.

En lien direct avec les problématiques environnementales, les ressources en minerais et en eaux sous-terraines constituent aussi des enjeux de recherche et développement pour le BRGM. Les premières dans l’optique de la durabilité et des économies d’énergie, les secondes en raison de l’impact direct du réchauffement climatique.

Afin de préparer au mieux la COP21, l’alliance AllEnvi a réalisé un ouvrage collectif reprenant soixante succès de la recherche pour une planète durable.

4. Des rapports avec le monde économique différents selon les organismes qui mériteraient néanmoins d’être renforcés

Favoriser l’innovation au sein des entreprises ou accroître la valorisation et le transfert des résultats des laboratoires publics vers les partenaires économiques sont également des objectifs fondamentaux du programme 172.

D’une manière générale, les opérateurs de recherche produisent des connaissances pouvant se transformer en innovations avec des effets positifs sur l’économie. La part des redevances sur titre de propriété intellectuelle dans les ressources des opérateurs permet d’évaluer qualitativement la pertinence des brevets déposés. Or, la baisse sensible de la valeur de cet indicateur s’aggrave depuis 2013.

PART DES REDEVANCES SUR TITRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DANS LES RESSOURCES DES OPÉRATEURS

 

2013 Réalisation

2014 Réalisation

2015 Prévision PAP 2015

2015 Prévision actualisée

2016 Prévision

Montant des redevances sur titre de propriété intellectuelle (M€)

59,78

44,25

40

41,88

40

Part des ressources apportées aux opérateurs par les redevances sur titre de propriété intellectuelle (%)

0,83

0,62

n.d.

0,60

0,60

Source : Projet annuel de performance 2016

La part des contrats passés avec des entreprises dans les ressources des opérateurs permet, quant à elle, de mesurer financièrement l’intensité du transfert de recherche vers les entreprises. Si les prévisions pour 2016 repartent à la hausse après un fléchissement dû à une baisse conjoncturelle de la demande, il faut néanmoins souligner que cette part représente moins de 5 % des ressources totales des opérateurs.

PART DES CONTRATS PASSÉS AVEC DES ENTREPRISES DANS LES RESSOURCES DES OPÉRATEURS

 

2013 Réalisation

2014 Réalisation

2015 Prévision PAP 2015

2015 Prévision actualisée

2016 Prévision

Montant des contrats de recherche passés avec des entreprises (M€)

259,43

327,46

300

301,42

309

Part des contrats de recherche passés avec des entreprises dans les ressources des opérateurs (%)

3,59

4,6

n.d.

4,3

4,5

Source : Projet annuel de performance 2016

Néanmoins, l’intensité des relations avec le monde socio-économique diffère considérablement en fonction des opérateurs.

Ainsi, l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) est en constante collaboration avec ses partenaires socio-économiques. Seul établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) labellisé Carnot dans sa globalité depuis 2006, il a pu développer un portefeuille industriel de 72 familles de brevet, 63 licences et assurer des partenariats avec de grands acteurs publics comme privés (EDF, Onema, ADEME, Météo France, IGN, Veolia Environnement, Suez, Lyonnaise des eaux, Airbus groupe…), mais aussi avec des PME, comme les entreprises Sulky ou Pellenc.

Alors que les recherches réalisées par l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) n’ont pas d’impacts instantanés sur le monde économique - le délai moyen s’étend de 15 à 20 ans - les partenariats entre l’institut et les entreprises sont très riches. En plus de contrats-cadres avec Total et Danone, l’INRA et l’Union des semenciers français (UFS), représentant les entreprises semencières dans la recherche privée, ont renforcé, le 2 octobre 2014, leur collaboration à la suite de la signature d’un accord-cadre dans lequel pourraient s’inscrire les futurs programmes de recherche destinés à l’amélioration génétique des espèces potagères. À titre d’exemple, il convient de rappeler que le budget alloué à la recherche et développement (R&D) du semencier Limagrain atteint 13 à 15 % du budget annuel de l’entreprise.

Les relations entre le Commissariat à l’énergie atomique et les énergies alternatives (CEA) et le monde économique sont majoritairement des transferts de savoir-faire et de technologies d’innovation de rupture. Aussi, par exemple, les études sur le comportement de l’hydrogène pour la production d’armes nucléaires ont permis au CEA de développer des systèmes de stockage compétents aujourd’hui repris par l’entreprise Symbio F-Cell pour équiper des voitures hybrides électriques.

Le mode de financement du CEA est fondé, en grande partie, sur l’apport de propriété intellectuelle sans redevances : l’entreprise débourse la totalité du coût du programme contre une licence exclusive. Le commissariat conserve néanmoins le brevet et un droit d’utilisation dans un contexte de non-concurrence.

Il convient de rappeler que le CEA est impliqué dans près de la moitié des partenariats publics-privés en France et collabore avec environ 80 % des entreprises du CAC40 (dont Renault, Veolia, EDF, Thalès ou encore Safran) ainsi que de nombreuses entreprises de taille intermédiaire (ETI) et petites et moyennes entreprises (PME) pour qui il reste très difficile de posséder leur propre plateforme technologique.

B. LA PLACE ESSENTIELLE DU PROGRAMME 193 « RECHERCHE SPATIALE » DANS LA RECHERCHE EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

1. Un domaine de recherche fondamental pour la France et l’Europe

Le programme 193 a pour but d’assurer à la France et à l’Europe la maîtrise des technologies et systèmes spatiaux à des fins de recherche, de développement économique, d’observation et de protection de l’environnement et de sécurité. Il finance également la contribution française à l’Agence spatiale européenne (ESA) et à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologies (EUMETSAT)

La nécessité d’un maintien de l’effort étatique et de l’aide à l’industrie est nécessaire dans le domaine spatial du fait de l’émergence d’un secteur concurrentiel commercial aux Etats-Unis, fortement soutenu par la puissance publique, et la montée en puissance des concurrents commerciaux des puissances spatiales autrefois peu tournées vers l’exportation comme la Chine, le Japon ou l’Inde.

La politique spatiale d’envergure à laquelle participe la France ne peut être définie que par le développement d’outils spatiaux à l’échelle européenne. Historiquement, la maîtrise de l’ouvrage était assurée par l’ESA ou l’EUMETSAT. Cependant, en vertu du traité de Lisbonne, l’Union européenne joue un rôle de plus en plus primordial qui lui confère une compétence partagée dans le domaine spatial.

L’année 2016 verra la mise en œuvre des décisions prises sur Ariane 6, événement structurant pour l’industrie européenne des lanceurs dans un contexte de compétition internationale accrue. Cette même année verra également la montée en puissance des programmes de surveillance mondiale pour l’environnement et la sécurité Copernicus (ex GMES) et Galileo.

Le programme 193 comprend cinq objectifs mesurés à l’aide de sept indicateurs. L’objectif 3 a été recadré sur la maîtrise des technologies et des coûts dans le domaine spatial.

Récapitulation des objectifs et indicateurs de performance

Objectif 1. Intensifier le rayonnement international de la recherche et de la technologie spatiales françaises

Indicateur 1.1 Production scientifique des opérateurs du programme

Indicateur 1.2 Chiffre d’affaires à l’export de l’industrie spatiale française rapporté aux investissements des cinq dernières années

Objectif 2. Garantir à la France et à l’Europe un accès à l’espace libre, compétitif et fiable

Indicateur 2.1 Part du marché « ouvert » des lancements des satellites prise par Arianespace

Indicateur 2.2 Coût moyen du lancement de satellites par le lanceur Ariane 5

Objectif 3. Maîtriser les technologies et les coûts dans le domaine spatial

Indicateur 3.1 Tenue des coûts, des délais et des performances pour les dix projets phares du CNES

Objectif 4. Intensifier les efforts de valorisation de la recherche spatiale dans le but de répondre aux attentes de la société

Indicateur 4.1 Nombre d’instruments spatiaux développés ou co-développés par la France utilisés à des fins applicatives

Objectif 5. Parfaire l’intégration européenne de la recherche spatiale française

Indicateur 5.1 Taux de présence des projets européens dans les projets financés par le CNES

Le programme se décompose en sept actions, chacune représentative d’une priorité budgétaire :

– Action 1 : Développement de la technologie spatiale au service de la science

– Action 2 : Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la Terre

– Action 3 : Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication

– Action 4 : Maîtrise de l’accès à l’espace

– Action 5 : Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique

– Action 6 : Moyens généraux et d’appui à la recherche

– Action 7 : Développement des satellites de météorologie

2. Le Centre national d’études spatiales (CNES), opérateur principal du programme

Le Centre national d’études spatiales (CNES), établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) placé sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, du ministère de la Défense et du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, est le principal opérateur du programme. Il met en œuvre la politique spatiale en France dans cinq grands domaines stratégiques : l’accès à l’espace, les sciences de l’univers, l’observation de la Terre, les télécommunications et la défense.

Une des fonctions du CNES est de conseiller le Gouvernement français pour l’élaboration de la conduite de sa politique spatiale puis de la mettre en œuvre. Il possède ainsi la double compétence d’agence de programme et de centre technique. Apportant une expertise au gouvernement, il assure également la maîtrise d’ouvrage des programmes spatiaux français.

Le Centre national d’études spatiales conduit, de plus, un programme spatial multilatéral construit sur une logique de complémentarité qui se traduit notamment par la gestion de la participation française aux programmes de l’Agence spatiale européenne (ESA). Toutes les activités menées par le CNES se font en coopération avec des partenaires tels que les organismes nationaux de recherche, de défense ou encore les agences spatiales nationales européennes ou hors Europe.

Pour ce qui est de l’utilisation de l’espace, le CNES intervient globalement dans trois domaines :

– Le secteur régalien pour lequel il est maître d’ouvrage des projets spatiaux pour le compte du ministère de la Défense

– Les projets scientifiques avec le développement de nombreux instruments scientifiques en partenariat avec les laboratoires, notamment pour des programmes de l’ESA, et le déploiement de missions dans un cadre multilatéral sur des objectifs scientifiques et technologiques ciblés en complément des missions de l’Agence spatiale européenne. Des pôles thématiques consacrés au traitement et à l’archivage des données spatiales en collaboration avec des laboratoires sont également mis en place.

– Les projets appliqués visant à promouvoir de nouvelles utilisations du spatial au service du citoyen. Le CNES n’ayant pas vocation à réaliser des filières opérationnelles récurrentes, le relais devrait être pris par des opérateurs privés ou institutionnels au service des utilisateurs ou bien des entités les représentant. Finalement, l’organisme propose des réponses éventuellement concurrentes aux solutions non spatiales, comme les radiocommunications, ou complémentaires, à l’instar du désenclavement sanitaire, et démontre leur faisabilité.

3. L’important appui du Centre national d’études spatiales (CNES) à la recherche en matière de développement durable

L’outil spatial, en procurant une couverture continue et globale de la Terre, permet de nombreuses utilisations scientifiques et opérationnelles en lien direct avec le développement durable : cartographie, mesure de variables climatiques, océanographie, observation et prévention des risques naturels…

Le Centre national d’études spatiales a aujourd’hui un rôle central dans l’étude des phénomènes climatiques. En effet, plus de la moitié des cinquante variables climatiques essentielles (ECV) définies par les agences intergouvernementales et utilisées par le Giec dans ses rapports sont principalement calculées à partir de données satellitaires. Parmi ces vingt-six paramètres fondamentaux du climat étudiés depuis l’espace, se trouvent la température de surface, niveau, salinité et couleur des océans, couverture neigeuse, humidité des sols entre autres.

La multiplication des satellites d’observation de la Terre ou d’imagerie d’optique est aujourd’hui fondamentale. Ainsi, le 22 juin 2015, a été lancé, depuis la base de Kourou en Guyane, Sentinel-2A, deuxième satellite du programme d’observation terrestre européen Copernicus qui en comptera un total de sept.

Alors que Sentinel-1A, lancé en avril 2014, était pourvu de radars capables de surveiller la banquise, les marées noires ou l’utilisation des terres même avec un ciel nuageux, Sentinel-2A sera capable de balayer un spectre de couleur plus large et infrarouge très utile pour contrôler la végétation, selon Volker Liebig directeur du programme d’observation terrestre de l’agence spatiale européenne ESA. En effet, Sentinel-2A est attendu notamment pour la surveillance de la déforestation, et l’évaluation des besoins en eau ou en engrais des récoltes. Les modèles 3 à 6, lancés à partir de 2018, s’intéresseront, quant à eux, à la typographie, la température et la couleur des surfaces maritimes et terrestres et aux données atmosphériques et météorologiques.

Aussi importante que les mesures extraites des satellites, la façon dont sont exploitées les masses de données est capitale. Pour la surveillance environnementale, le Centre national d’études spatiales, à l’aide du programme Copernicus, a développé des plateformes d’exploitation des données des satellites Sentinel assurant un libre accès au plus grand nombre de chercheurs du monde entier. Gigantesque programme européen de surveillance environnementale conduit par la Commission européenne, Copernicus permettra aussi de s’assurer des engagements climatiques pris à l’issue de la COP21.

En outre, d’autres satellites pilotés par le CNES revêtent une importance particulière pour le contrôle du réchauffement climatique. Ainsi les satellites Jason 1 et Jason 2 ont permis de mettre en évidence la montée du niveau moyen des océans avec une augmentation de 6,5 cm entre 1993 et 2003. Jason 3 permettra de poursuivre ces mesures. Développé par le Centre national d’études spatiales en coopération avec l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT), l’instrument IASI (Interféromètre Atmosphérique de Sondage Infrarouge), présent à bord des satellites météorologiques européens Metop A et Metop B, mesure plus de vingt-cinq composants atmosphériques dont l’ozone, le méthane et le monoxyde de carbone, avec une très grande précision. D’autres outils participent également à la surveillance du climat, comme Merlin (mesure du méthane et ses conséquences sur l’effet de serre) ou encore SWOT déterminant les niveaux d’eau douce sur les terres émergées.

Lors du dernier Salon international de l’aéronautique et de l’espace (SIAE) à Paris-Le Bourget, a été signé un accord entre un consortium de six organismes de recherche (Cirad, CNES, CNRS, IGN, IRD, Irstea) et Airbus Defence and Space sur l’achat d’images en très haute résolution des satellites Spot 6 et Spot 7 pour cinq ans. Cet accès aux données apparaît comme une avancée cruciale dans de nombreux domaines dont le suivi du trait de côte et des glaciers, l’évolution des vignobles et la lutte et la prévention contre les inondations et les incendies. Le caractère indispensable des données pour effectuer des diagnostics environnementaux est conforté par la gratuité des images pour les acteurs publics et l’accès facilité garantis par ce contrat.

4. Une politique partenariale riche et multiforme

Par la qualité de ses projets et de sa maîtrise d’ouvrage, le CNES a su développer une politique partenariale riche, essentielle et multiforme qui mêle relations interinstitutionnelles aux niveaux national, européen et mondial et dialogues entre acteurs scientifiques et industriels.

Au niveau national, une part importante de recherche et technologie (R&T) conduite par le CNES est ainsi menée par des laboratoires de recherche placés directement sous la responsabilité des organismes de recherche et des universités. L’apport du CNES à la communauté scientifique nationale lui a ainsi permis de renforcer son expertise instrumentale et de lui offrir un accès privilégié à de nombreuses missions scientifiques de grande ampleur autant avec l’ESA, que la NASA et l’agence spatiale russe.

Le rôle du CNES au sein de l’ESA est éminent et historique, la France se positionnant comme l’un des pays les plus impliqués depuis l’origine de l’aventure spatiale. L’action du CNES concernant les systèmes orbitaux s’inscrit dans une politique de collaboration forte avec les principaux pays intéressés par le domaine spatial en Europe. Cette politique vertueuse permet ainsi d’éviter un grand nombre de doublons et d’optimiser les compétences. Malgré un volume de financement dix fois inférieur, elle permet à l’Europe de maintenir sa place à côté des États-Unis, principal concurrent international.

Les partenariats internationaux relèvent, quant à eux, de logiques différentes selon l’engagement spatial du pays concerné. Ainsi, le CNES collabore avec les principales puissances spatiales majeures, à savoir les États-Unis, la Russie, le Japon, la Chine, Israël et l’Inde, qui peuvent également être des compétiteurs. Concernant la recherche en matière de développement durable, la mission VENµS dédiée au suivi de la végétation et première collaboration franco-israélienne lancée en 2004, s’inscrit pleinement dans le programme de surveillance globale pour l’environnement et la sécurité.

Les politiques partenariales du CNES avec le monde de l’industrie ont, elles aussi, fait leurs preuves. Avec une couverture variable suivant la taille de l’entreprise, les partenariats industriels concernent tous les secteurs d’activités spatiales du CNES.

Il convient de rappeler que le secteur industriel spatial français est aujourd’hui occupé par trois grandes entreprises Airbus Defense and Space (groupe Airbus), Thales Alenia Space (TAS) et SNECMA du groupe Safran. Ces géants spatiaux sont entourés d’une vingtaine d’entreprises de taille moyenne et d’un nombre important de petites sociétés de moins d’une dizaine de personnes souvent dans des situations délicates.

Le CNES a su cependant pérenniser une compétitivité durable entre ces firmes qui leur permet aujourd’hui de disposer d’une capacité d’intervention au niveau européen, voire international pour les plus grandes.

Votre rapporteur pour avis souligne l’importance des collaborations entre les organismes de recherche et le secteur industriel.

Il se réjouit, de ce fait, du récent accord conclu entre Thales Alenia Space (TAS) et le CNES pour la création d’un altimètre radar destiné à être embarqué sur le futur satellite SWOT. Ce récent contrat complète le précédent partenariat passé entre le CNES et Thales pour la réalisation dudit satellite dédié à l’étude des océans et à l’hydrologie des cours d’eau, lacs et zones inondées, et dont le lancement est prévu en 2020 dans le cadre d’une coopération entre l’agence spatiale française et la NASA.

5. Le renforcement de la compétitivité du secteur spatial par la cession d’Arianespace et le lancement d’Ariane 6

La décision de développer un nouveau lanceur, Ariane 6, plus compétitif qu’Ariane 5, a été prise lors de la réunion ministérielle de l’Agence spatiale européenne du 2 décembre 2014 à Luxembourg. Cette mesure vise à maintenir le rang de l’Europe dans la compétition internationale sur le marché de l’accès à l’espace et s’inscrit dans le cadre plus général d’un réaménagement de la filière européenne des lanceurs marqué par la création de l’entreprise commune Airbus Safran Launcher (ASL) et l’évolution du capital d’Arianespace qui en assure la commercialisation.

L’accord prévoit l’intervention d’Airbus Safran Launcher en qualité de maître d’œuvre du lanceur Ariane 6. Le CNES se voit, quant à lui, confier par l’ESA la responsabilité de la conception et de la réalisation d’un nouvel ensemble de lancement dédié à Ariane 6 au centre spatial guyanais. Déclinée dans deux versions, Ariane 62 et Ariane 64, Ariane 6 devrait être opérationnelle dès 2020 et répondra notamment aux attentes du marché pour le lancement des charges moyennes et lourdes.

Destiné à succéder à Ariane 5, le nouveau lanceur a aussi vocation à lutter contre la concurrence de l’entreprise américaine low cost SpaceX et de celle des pays émergents afin de permettre à l’Europe de maintenir sa place de leader dans l’accès à l’espace.

Afin de mener à bien le projet de maître d’œuvre du lanceur Ariane 6 et contrer la concurrence internationale en la matière, Airbus Safran Laucher (ASL) a effectué une prise de contrôle du leader mondial des lanceurs de satellites, Arianespace, via le rachat des titres détenus par le CNES. Ce dernier, jusqu’alors premier actionnaire d’Arianespace, a dû céder ses parts (34,81 %) à la coentreprise qui possède alors 75 % du capital du lanceur de satellites.

Cette cession se concrétise afin de répondre le plus rapidement possible à l’offensive de SpaceX dont les tarifs de lancement sont réduits de 30 % face aux prix pratiqués par les concurrents, à l’aide d’une production unifiée sur un seul site et la confiance de la NASA. Pour les industriels européens, pouvoir proposer des tirs peu chers et compétitifs est aujourd’hui une réelle nécessité.

Alors que le contrôle de la filière et la prise de risque économique face à l’offensive de SpaceX ne reviennent qu’à Airbus Safran Launcher, le CNES se concentre sur une vision de la politique spatiale à long terme et pourra recentrer ses budgets sur l’innovation, comme le souligne son président M. Jean-Yves Le Gall. Toutefois, la prise de contrôle ne devrait pas se traduire par une intégration : la société restera autonome.

Votre rapporteur pour avis se réjouit du choix de développer le nouveau lanceur Ariane 6 qui renforcera la compétitivité de l’Europe sur le marché de l’espace spatial.

II. L’INSUFFISANCE DES MOYENS BUDGÉTAIRES ALLOUÉS AUX PROGRAMMES 172 ET 193 RISQUE DE PROVOQUER UN RECUL DES EFFORTS DE RECHERCHE

A. LE RECUL DES CRÉDITS POUR L’ANNÉE 2016 FRAGILISE LA RECHERCHE PLURIDISCIPLINAIRE

1. Une légère diminution globale des crédits alloués au programme 172

Le projet de loi de finances pour 2016 propose de réduire légèrement les crédits alloués au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ». Les autorisations de paiement accusent une baisse 0,01 % (passant de 6,265 milliards d’euros en 2015 à 6,264 milliards d’euros pour l’année 2016) alors que les crédits de paiement diminuent légèrement d’un peu plus d’un million d’euros (-0,02 %).

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT (AE) ET DES CRÉDITS DE PAIEMENT (CP) PAR ACTION DU PROGRAMME 172 ENTRE 2015 ET 2016

(en millions d’euros)

 

PLF 2015

PLF 2016

Taux d'évolution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 1

Pilotage et animation

142,262

142,262

152,041

151,805

+ 6,87%

+ 6,71%

Action 2

Agence nationale de la recherche

585,154

590,034

585,143

590,023

0,00 %

0,00 %

Action 3

Recherches interdisciplinaires et
transversales

62,943

62,943

62,724

62,724

- 0,35 %

- 0,35 %

Action 4

Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies

149,123

149,123

149,007

149,007

- 0,08 %

- 0,08 %

Action 5

Grandes infrastructures de recherche

290,433

290,433

234,451

234,451

- 19,28 %

- 19,28 %

Action 6

Moyens généraux et d'appui à la
recherche

781,031

781,031

780,092

780,092

- 0,12 %

- 0,12 %

Action 7

Recherches scientifiques et
technologiques en sciences de la vie et de la santé

1 217,134

1 217,134

1 214,456

1 214,456

- 0,22 %

- 0,22 %

Action 8

Recherches scientifiques et
technologiques en sciences et
techniques de l'information

985,469

985,469

983,255

983,255

- 0,22 %

- 0,22 %

Action 9

Recherches scientifiques et
technologiques dans le domaine de l'énergie

547,915

547,915

601,501

601,501

+ 9,78%

+ 9,78%

Action 10

Recherches scientifiques et
technologiques dans le domaine de l'environnement

1 097,883

1 097,883

1 096,522

1 096,522

- 0,12 %

- 0,12 %

Action 11

Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales

405,778

405,778

405,095

405,095

- 0,17 %

- 0,17 %

Total du programme

Recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources

6 265,125

6 270,005

6 264,287

6 268,931

- 0,01 %

- 0,02 %


Source : Projet annuel de performance 2016

Cependant, force est de constater que si les actions « Pilotage et animation » et « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l'énergie » ont des taux d’évolution respectifs de près de 7 et 10 %, l’action « Grandes infrastructures de recherche » perd, autant en autorisation d’engagement qu’en crédits de paiement, près de 56 millions d’euros (-19,28 %).

Votre rapporteur pour avis s’inquiète de cette importante baisse des crédits alloués à cette action.

Il rappelle que les infrastructures de recherche sont des outils dont l’objectif premier est de mener une recherche d’excellence et d’assurer une mission de service pour une ou plusieurs communautés scientifiques, dont les processus de financement sont concertés au niveau national et potentiellement européen ou international.

La Cour des comptes, dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire au titre de l’année 2014 (4), souligne que les insuffisances de financement observées pour les contributions appelées par des organismes internationaux ont été comblées en mobilisant la réserve de précaution.

La Cour des comptes recommande « d’adopter une budgétisation réaliste des contributions aux organisations scientifiques internationales pour le programme 172 » (recommandation n° 5).

Votre rapporteur pour avis ne pourrait que réitérer cette recommandation. La France se voulant un moteur de la recherche scientifique au niveau européen et mondial, l’insuffisance de financement fragilise son poids dans les organismes internationaux.

2. Une réduction générale des crédits affectés à la recherche en matière de développement durable qui fragilise certains organismes de recherche

La ventilation des crédits par organismes montre une diminution générale des montants de subvention pour charges de service public pour tous les opérateurs, à l’exception de l’INRA.

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT (AE) ET DES CRÉDITS DE PAIEMENT (CP) PAR ACTION DU PROGRAMME 172 ENTRE 2015 ET 2016

(en millions d’euros)

 

LFI 2015

PLF 2016

Taux d'évolution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

ANR

585,154

590,034

585,143

590,023

- 0,002 %

- 0,002 %

BRGM

49,529

49,529

49,452

49,452

- 0,16 %

- 0,16 %

CEA

596,598

596,598

596,197

596,167

- 0,07 %

- 0,07 %

Cirad

130,601

130,601

130,364

130,364

- 0,18 %

- 0,18 %

CNRS

2 596,243

2 596,243

2 561,766

2 561,766

- 1,33 %

- 1,33 %

Ifremer

150,636

150,636

150,407

150,407

- 0,15 %

- 0,15 %

INRA

668,510

665,510

675,231

675,231

+ 1,01%

+ 1,46%

IPEV

22,643

22,643

22,125

22,125

- 2,29 %

- 2,29 %

IRD

204,681

204,681

204,491

204,491

- 0,09 %

- 0,09 %

Irstea

59,057

59,057

58,981

58,981

- 0,13 %

- 0,13 %

Source : Projet annuel de performance 2016

La relative stabilité des crédits alloués à l’ANR pour l’année 2016 par rapport à l’année 2015 entérine les réductions de subventions pour charges de service public ayant eu lieu au cours des années précédentes.

Il est utile de rappeler que l’ANR a pour mission la mise en œuvre du financement de la recherche sur les projets en France afin de favoriser l’impact économique de la recherche et sa compétitivité, stimuler la recherche sur les grands défis sociaux actuels et contribuer à l’espace européen de la recherche. Les précédentes diminutions de crédits avaient entraîné une diminution significative du taux de sélection des projets.

Alors que les mouvements de colère et les démissions des chercheurs au sein de l’ANR sont de plus en plus nombreux, le Gouvernement ne semble pas avoir conscience de la gravité de la situation. Pour la deuxième année consécutive, moins de 10 % des projets déposés par les laboratoires français sont financés ; le nombre de projets financés étant en baisse par rapport à 2014 (667 contre 711). La reconduction des crédits affectés en 2015 pour l’année 2016 ne permettra pas, a priori, d’améliorer ce taux de sélection.

Votre rapporteur pour avis estime que le financement sur projet est un facteur de dynamisme pour les activités de recherche, utilisé par ailleurs dans la majorité des pays ayant des systèmes de recherche performants tel que les États-Unis, l’Allemagne ou encore la Grande Bretagne. Il souhaite vivement que le Gouvernement ajuste les crédits de paiement aux besoins réels de l’ANR afin de lui permettre de mener à bien les missions qui lui sont confiées.

Alors que la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie, Annick Girardin a regretté, lors de sa visite à l’Ifremer le 11 septembre 2015, que les financements pour les pôles et centres de recherches maritimes ne cessent de diminuer, votre rapporteur pour avis remarque que le Gouvernement, bien qu’ayant conscience des difficultés liées au manque de crédits des établissements de recherche, a, cette année encore, réduit les dotations affectées (-0,15 %).

Le statut d’Établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) de l’Irstea implique, en matière de contractualisation, le respect des règles financières qui présupposent le financement des frais de personnel permanent et de l’essentiel des frais de structure par la subvention d’État. Or, en 2014, seulement 7 % de la dotation d’État était mobilisable pour des dépenses hors masse salariale limitative. Le développement des contrats de recherche à coût marginal ne permet pas de compenser le défaut de financement des charges structurelles. Pour faire face à cette situation difficile, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi que le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt avait octroyé un financement exceptionnel de 1,55 million d’euros ramenant le taux à 10 % pour 2015.

Votre rapporteur pour avis s’inquiète de la situation financière de l’Irstea dont les crédits affectés ont encore diminué pour 2016 (-0,13 %). Le taux de sélection des projets scientifiques en forte baisse, autant pour l’Agence nationale de la recherche que pour le programme Horizon 2020 auxquels participe l’institut, affecte directement les contrats passés par l’organisme et in fine son budget annuel. À l’heure actuelle, l’Irstea fait face à de grandes difficultés financières. Compte tenu de la petite taille de la structure (environ 1000 permanents pour un total de 1600 employés) le renouvellement des effectifs est nécessaire pour la bonne évolution de l’institut, mais ne peut être assumé par l’Irstea par manque de financement.

Votre rapporteur pour avis suggère un ajustement des crédits pour permettre à l’Irstea de pérenniser ses activités.

3. Le crédit d’impôt recherche : une aide considérable pour la recherche et le développement mais dont les effets ne sont pas complètement évalués

Les instruments incitatifs mis à la disposition des organismes scientifiques et des entreprises par les pouvoirs publics participent grandement au dynamisme de la recherche. Rattachés au programme 172, le crédit d’impôt recherche (CIR) et l’exonération d’impôt sur les sociétés des organismes de recherche pour leurs seuls revenus tirés des activités conduites dans le cadre des missions du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche en sont deux exemples.

Créé par la loi des finances de 1983, le CIR permet aux entreprises privées de déduire de leurs impôts les sommes affectées aux efforts de recherche et de développement à hauteur de 30 % dans la limite de 100 millions d’euros d’investissement et 5 % au-delà. La réforme de 2008 a permis une forte augmentation de ce soutien public poursuivi par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche de 2013. En 2015, environ 20 000 entreprises de toute taille ont pu bénéficier de cet instrument fiscal pour un coût pour l’État est évalué à 5,3 milliards d’euros.

Si les volumes versés aux grands groupes sont plus importants – ils totalisent plus 60 % des dépenses de recherche et développement –, les petites et moyennes entreprises (PME), notamment dans les secteurs des services, sont plus nombreuses à bénéficier du CIR. Il apparaît de plus, qu’en proportion des dépenses de recherche et développement, les PME sont financées à hauteur de 30 %, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) à 21 % contre 13 % en moyenne pour les grandes entreprises. Si le nombre d’entreprises déclarantes au CIR se stabilise, ce dernier conserve une très forte attractivité notamment pour les PME, très petites entreprises (TPE) et startups (71 % des startups françaises bénéficient du CIR) qui représentent l’essentiel des nouveaux entrants.

Votre rapporteur pour avis, conscient du rôle déterminant des PME et startups dans l’investissement en faveur du développement durable, souligne qu’un des principaux intérêts de l’outil fiscal est d’aider les petites entreprises innovantes qui n’ont pas accès au soutien des banques privées.

Votre rapporteur pour avis insiste à nouveau sur la nécessité de favoriser la recherche au sein de ces entreprises.

Depuis la réforme de 2008, l’effet de levier dû au CIR serait en moyenne supérieur à 1. Le crédit d’impôt recherche a ainsi su jouer un véritable rôle « anti-crise » en évitant un désinvestissement en recherche et développement. La France est aujourd’hui le deuxième pays européen en termes d’augmentation des dépenses intérieures de recherche, derrière la Belgique, mais devant l’Allemagne.

Le crédit d’impôt recherche participe, en outre, activement à l’attractivité française en influençant positivement sur le choix d’implantation des entreprises étrangères et incitant les grands groupes industriels à installer ou maintenir leurs centres de recherche en France. Elle est également évaluée dans le rapport Gallois comme l’une des cinq mesures à préserver dans la durée (1re proposition) (5).

Cependant, certaines critiques viennent ternir le dispositif. En effet, dans son rapport d’enquête sur l’évolution et les conditions de maîtrise du crédit d’impôt en faveur de la recherche (6) de juillet 2013, la Cour des Comptes s’inquiétait déjà du coût exponentiel possible du crédit d’impôt recherche, pouvant atteindre près de neuf milliards d’euros dans les années à venir. Alors que les dépenses de recherche et développement (R&D) des entreprises bénéficiaires devaient être trois à quatre fois plus importantes, elles n’ont augmenté que deux fois. Le nombre de création d’emplois de chercheurs, et notamment de jeunes docteurs, n’est pas, non plus, celui escompté.

Bien que le crédit d’impôt recherche participe à la compétitivité et l’attractivité de la France, votre rapporteur pour avis rappelle qu’il apparaît toutefois nécessaire de simplifier le dispositif encore perçu comme complexe et risqué.

Votre rapporteur pour avis note cependant que l’administration fiscale a étendu le champ d’application du rescrit prévu en matière de CIR à compter du 1er septembre 2015. Il réitère cette année encore, qu’il serait souhaitable que le Gouvernement tienne compte de certaines remarques de la Cour des comptes pour mieux contrôler le CIR et clarifier sa gestion eu égard à certains soupçons de détournement de l’outil fiscal par la déposition de brevet dans des paradis fiscaux, ou encore pour accélérer la production des données d’exécution et affiner leur analyse (7).

B. LE PROGRAMME 193 « RECHERCHE SPATIALE » : UNE PROGRESSION DES CRÉDITS EN RAISON DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA FRANCE

1. Une augmentation globale des crédits alloués au programme 193

Le projet de loi de finances de 2016 propose une augmentation de 0,50 % des crédits budgétaires du programme 193 « Recherche spatiale », se traduisant par une augmentation d’un peu plus de 7,218 millions d’euros.

L’action « développement des satellites de météorologie », correspondant à la part de la contribution française à EUMETSAT financée par ce programme, reste inchangée pour l’année à venir.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR ACTION DU PROGRAMME 193 ENTRE 2015 ET 2016

(en millions d’euros, autorisations d’engagement = crédits de paiement)

 

PLF 2015

PLF 2016

Taux d'évolution

Action 1

Développement de la technologie
spatiale au service de la science

182,160

183,135

+ 0,54%

Action 2

Développement de la technologie
spatiale au service de l'observation de la terre

277,869

278,836

+ 0,35%

Action 3

Développement de la technologie
spatiale au service de la recherche en sciences de l'information et de la
communication

117,548

118,333

+ 0,67%

Action 4

Maîtrise de l'accès à l'espace

509,498

512,833

+ 0,65%

Action 5

Maîtrise des technologies orbitales et de l'innovation technologique

221,208

222,140

+ 0,42%

Action 6

Moyens généraux et d'appui à la
recherche

83,649

83,873

+ 0,27%

Action 7

Développement des satellites de
météorologie

42,569

42,569

+ 0,00%

Total du programme

Recherche spatiale

1 434,501

1 441,720

+ 0,50%

Source : Projet annuel de performance 2016

2. Un accroissement des crédits dû au poids des engagements européens de la France

Si le programme 193 ne finance qu’un unique organisme, il n’en demeure pas moins qu’une majorité des crédits affectés au CNES au titre de ce programme est ensuite reversée à des organismes européens afin de financer la participation de la France à l’Agence spatiale européenne (ESA) et à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT).

En effet, outre les crédits alloués au CNES sous forme de subvention pour charges de service public, d’un montant de 575,008 millions d’euros, le coût total du programme inclut le financement de la contribution française à deux autres organismes spatiaux internationaux :

– La contribution annuelle de la France à l’ESA d’un montant de 824,143 millions d’euros pour 2016, alors qu’il n’était que de 816,828 millions d’euros en 2015. Soit une augmentation de 7,315 millions d’euros.

– Les crédits versés par le programme « Recherche spatiale » au titre de la participation française à EUMETSAT : 42,569 millions d’euros constants sur l’année 2015 et 2016.

Votre rapporteur pour avis souligne que l’augmentation générale des crédits pour le programme 193 d’un montant légèrement supérieur à 7,2 millions d’euros, ne couvre pas la hausse de la contribution française à l’ESA (7,315 millions d’euros). La subvention pour charges de service public attribuée au CNES pour 2016 diminue de 97 000 euros par rapport à l’année 2015 (soit une contraction de 0,02 % des crédits).

L’augmentation des crédits du programme 193 réside, une année encore, uniquement dans le poids des engagements européens de la France.

3. La contribution française à l’ESA : l’évolution de sa dette

La contribution du CNES vis-à-vis de l’ESA est aujourd’hui la plus importante des huit organisations internationales dans le secteur de la recherche dont la France fait partie.

Dans ces précédents avis budgétaires, votre rapporteur pour avis s’inquiétait déjà de la dette française auprès de l’Agence spatiale européenne.

La nouvelle programmation des prévisions de souscriptions françaises décidées lors du dernier Conseil ministériel de l’ESA prévoit désormais un apurement de la dette repoussé de trois ans, à l’horizon 2024. Cette extension se traduira par une croissance régulière d’encours d’arriérés de 2015 jusqu’en 2021, suivi d’un reflux rapide au cours des exercices 2022-2024 (8), présentés dans le tableau suivant.

La Cour des comptes émet quelques interrogations concernant la sincérité du schéma au vu des précédentes révisions successives et de la stratégie d’apurement de la dette qui continue des cumuls d’arriérés avant de garantir une résorption de 660,66 M€ d’impayés en uniquement trois ans.

Votre rapporteur pour avis, qui s’était déjà saisi de la question de l’endettement de la France face à l’ESA dans ses précédents avis budgétaires, rejoint la conclusion de la Cour des comptes face à ce modèle irréaliste.

Selon la Cour des comptes, la réduction du montant de la dette fin 2014 s’explique par le dégel d’une partie de la réserve de précaution et une contribution du programme d’investissement avenir (PIA) au financement d’Ariane. Entre 2016 et 2017 un complément de 10,01 M€ issu de l’action « Espace » gérée par le CNES devrait venir aider à l’apurement de la dette. Si cette mobilisation de crédit permet de limiter la dette et est donc cohérente avec les objectifs de l’action, l’accord conclu entre le CNES et l’État au titre de cette action prévoyait d’utiliser ce volet pour explorer des voies technologiques supplémentaires pour la nouvelle génération de lanceurs.

Votre rapporteur pour avis regrette que cette action ne puisse être réalisée. Il insiste à nouveau sur le décalage entre les déclarations de l’exécutif annonçant un assainissement de la situation financière publique et son choix délibéré de s’endetter jusqu’en 2021. Il restera très vigilant à l’évolution de la dette de la France face à l’Agence spatiale européenne.

CONCLUSION

Votre rapporteur pour avis a pleinement conscience des enjeux budgétaires auxquels fait face la France. Cependant, l’assainissement des finances publiques n’ira de pair avec la croissance économique que si les meilleurs choix sont réalisés dès à présent. Votre rapporteur pour avis propose, par exemple, d’étendre la recherche d’économie à l’aide de synergies entre les institutions déjà installées plutôt que de la réduction quasi automatique des crédits affectés aux organismes.

À bien des égards le développement durable constitue un des piliers fondamentaux du monde socio-économique. La France devra saisir, en 2016, les nouvelles opportunités qui s’offriront à elle.

La France dispose d’une recherche d’excellence reconnue internationalement, autant dans la recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire que dans le cadre spatial. Il convient alors de lui proposer des moyens financiers à la hauteur de ses ambitions.

De ce fait, votre rapporteur pour avis émet un avis défavorable sur la diminution des crédits du programme 172, dont les organismes de recherche les plus modestes subissent de grandes difficultés financières, et l’augmentation illusoire des crédits du programme 193, dont la hausse des subventions est uniquement destinée à couvrir la contribution française aux organismes de recherche européens.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis, sur les rapports pour avis de MM. Philippe Plisson et Charles-Ange Ginesy, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (voir compte rendu officiel de la commission élargie du mercredi 21 octobre 2015, sur le site Internet de l’Assemblée nationale) (9).

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À l’issue de la commission élargie, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a délibéré sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Christophe Bouillon, vice-président. Nous en venons à l’examen par notre commission des crédits demandés au titre de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Je rappelle que M. Philippe Plisson, rapporteur pour avis pour la Recherche dans les domaines du développement durable émet un avis favorable et que M. Charles-Ange Ginesy, rapporteur pour avis pour la Recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources émet quant à lui un avis défavorable à l’adoption des crédits.

M. Philippe Plisson. Je le confirme.

M. Charles-Ange Ginesy. Malgré les explications fournies par M. le Ministre, je maintiens mon avis défavorable.

*

La commission a alors donné un avis favorable à l’adoption des crédits relatifs à la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Centre national de la recherche scientifique (CNRS) - Institut écologie et environnement (INEE)

– Mme Stéphanie Thiébault, directrice

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)*

– M. Christophe Gégout, administrateur général adjoint et directeur financier

– M. Jean-Pierre Vigouroux, chef du service des affaires publiques – chargé des relations avec le Parlement

Institut national de la recherche agronomique (INRA)*

– M. François Houllier, président-directeur général

– M. Philippe Jarraud, directeur du financement et de l’administration générale

– M. Antoine Momot, chef du cabinet du président

Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea)

– M. Jean-Marc Bournigal, président

– Mme Aliette Maillard, directrice de la communication et des relations publiques

– M. Pierre-Yves Saint, conseiller du président

Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () Créées en 2008 par la Commission européenne, les initiatives de programmation conjointe (JPI) sont des actions intergouvernementales au service de l’Espace européen de recherche. Elles permettent de faciliter la mise en synergie des programmations scientifiques nationales sur des besoins de recherche à fort impact sociétal.

2 () Institut national de la recherche agronomique, Les faits marquants scientifiques, rapport annuel 2014, page 30.

3 () Regroupement de l’ensemble des moyens et actions pour contribuer à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

4 () Cour des comptes, Mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2014.

5 () Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, novembre 2012, page 61.

6 () Cour des comptes, Rapport d’enquête sur l’évolution et les conditions de maîtrise du crédit d’impôt en faveur de la recherche, juillet 2013.

7 () Cour des comptes, Mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2014.

8 () Ibidem.

9 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2016/commissions_elargies/cr/c003.asp