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N
° 3117

______

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3096)
de
finances pour 2016

TOME X

OUTRE-MER

DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

PAR M. Alfred MARIE-JEANNE

Député

——

Voir le numéro : 3110-III-33.

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2015, pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de la Justice et du ministère des Outre-mer de leur collaboration.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. L’ACCÈS AU DROIT DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER 5

A. DES MOYENS IMPORTANTS AU SERVICE DE L’ACCÈS AU DROIT DES CITOYENS 6

1. Une augmentation constante des crédits en faveur de l’accès au droit depuis 2012 6

2. La poursuite de l’effort de maillage territorial en matière d’accès au droit 7

3. La difficile structuration d’un réseau associatif local 11

B. L’ACCÈS AU DROIT DES DÉTENUS 12

1. Un accès au droit, comme information juridique, plus effectif 13

2. Un accès aux droits, comme garantie de la bonne exécution d’une peine, dont le développement doit être poursuivi 15

3. La mise en œuvre du droit à la santé en faveur des personnes incarcérées : la nécessité d’une amélioration des dispositifs 17

4. La problématique de la coopération régionale en matière pénitentiaire : vers un désengorgement régulé internationalement des prisons 18

II. L’ACCÈS À LA JUSTICE DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER 19

A. L’ACCÈS À LA JUSTICE DANS UN CONTEXTE INSULAIRE 19

1. Une organisation judiciaire dotée de moyens humains et financiers en constante augmentation 19

2. Un maillage juridictionnel encore inachevé en dépit de la réforme de la carte judiciaire 23

B. L’ACCÈS À LA JUSTICE DANS UN CONTEXTE DE SURPOPULATION CARCÉRALE 24

1. Une surpopulation carcérale persistante 25

2. Une résolution difficile des différents facteurs de la surpopulation carcérale 27

ANNEXE : SUIVI DES RECOMMANDATIONS FORMULÉES EN 2012 PAR VOTRE RAPPORTEUR POUR AVIS EN MATIÈRE D’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE DANS LE DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

Mesdames, Messieurs,

La particularité géographique des départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de la Réunion confère à un grand nombre de problématiques juridiques une dimension particulière.

L’accès au droit et à la justice se pose avec une acuité particulière. Dans le cadre de son avis sur les crédits pour 2016, votre rapporteur pour avis a souhaité prolonger des travaux initiés en 2012 et procéder à son évaluation.

L’enjeu est celui de la définition d’une politique pénale adaptée aux contextes spécifiques des outre-mer. En particulier, la surpopulation carcérale qui y prévaut est un obstacle à l’accès au droit. Or, on ne peut imaginer qu’il y ait deux qualités de normes selon qu’il est question d’un citoyen libre ou d’un détenu : la garantie des droits doit être la même, le détenu n’étant privé que de sa liberté d’aller et de venir.

Votre rapporteur pour avis n’ignore pas que les crédits destinés à permettre à toute personne condamnée à une peine d’exécuter cette dernière dans des conditions dignes et propices à sa réinsertion, ainsi que ceux permettant d’offrir à tout citoyen la possibilité de connaître ses droits afin de les faire valoir, ne relèvent pas directement de la mission « Outre-mer ». Bien que ces deux catégories de crédits relèvent respectivement des programmes « Administration pénitentiaire » et « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice », votre rapporteur pour avis a cependant tenu à faire le bilan de ses propositions formulées il y a trois ans.

Cette approche est justifiée car les travaux réalisés sur la question n’envisagent cette problématique que de manière très générale, sans accorder aux outre-mer une attention particulière, donc tenant compte de leur spécificité.

Votre rapporteur pour avis a souhaité, à l’occasion de l’examen du budget pour 2016 de la mission « Outre-mer », mettre en lumière les enjeux de l’accès au droit (I) et à la justice (II) pour les citoyens vivant dans les départements d’outre-mer.

I. L’ACCÈS AU DROIT DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

Pour les départements d’outre-mer comme pour le reste du territoire, la politique de l’accès au droit s’adresse à tout usager du service public de la justice, qu’il soit à la recherche d’une information, d’une expertise ou d’un accompagnement dans ses démarches, et ce, dans tous les domaines touchant à la vie quotidienne – droit du travail, droit du logement, de la consommation, de la famille, etc.

Dans cette perspective, l’accès au droit consiste à offrir aux usagers du service public de la justice, dans des lieux qui se doivent d’être accessibles à tous, différents services, pouvant aller de la simple information jusqu’à la consultation et à l’assistance juridique par des professionnels habilités (A). Parmi ces usagers du service public, sont trop souvent exclus ou traités de manière différente les usagers du service public pénitentiaire (B).

A. DES MOYENS IMPORTANTS AU SERVICE DE L’ACCÈS AU DROIT DES CITOYENS

Au-delà de la seule évolution des crédits affectés à l’accès au droit et à la justice dans les départements d’outre-mer (1), la véritable question qui se pose dans ces territoires est celle de la poursuite du maillage territorial par de nouvelles structures adaptées d’accès au droit (2), maillage qui se heurte notamment à la faiblesse du tissu associatif local dans ce domaine (3).

1. Une augmentation constante des crédits en faveur de l’accès au droit depuis 2012

Pour l’année 2013, la loi de finances initiale avait doté le programme « Accès au droit et à la justice », sur l’ensemble du territoire de la République, de 340,4 millions d’euros en crédits de paiement. Le projet de loi de finances initiale pour 2016 prévoit pour ce programme une dotation de 366,9 millions d’euros pour l’ensemble du territoire français, soit une augmentation de 7,8 % par rapport à 2013.

Cette hausse des crédits se traduit également dans les outre-mer, avec une augmentation de 3 % des crédits de paiement sur la période 2013-2017. Cette progression demeure toutefois moins forte que celle enregistrée sur la période 2007-2012, ce que votre rapporteur pour avis regrette.

Les crédits du programme « Accès au droit et à la justice » dans les départements d’outre-mer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, s’élèvent à 10,765 millions d’euros et sont constitués à 89,6 % (contre 93,7 % en 2013) de crédits pour l’aide juridictionnelle, à 2,1 % (contre 1,6 % en 2013) de crédits pour l’accès à la connaissance de ses droits, à 6,7 % (contre 3,8 % en 2013) de crédits destinés à l’aide aux victimes et à 1,6 % (contre 1 % en 2013) de crédits pour la médiation familiale.

L’augmentation générale des crédits en faveur de ces départements a permis une valorisation du financement de l’accès à la connaissance de ses droits, de l’aide aux victimes et de la médiation familiale au détriment d’une légère diminution de la part des crédits pour l’aide juridictionnelle.

S’agissant de la répartition territoriale des 10,765 millions d’euros de crédits alloués en 2016 à l’accès au droit et à la justice dans ces départements, il convient d’indiquer que La Réunion en reçoit la majeure partie (51,4 %), suivie de la Martinique (19,9 %), de la Guadeloupe (17,8 %), de la Guyane (7,8 %) et enfin de Mayotte (3,1 %). Par rapport à 2013, la part de La Réunion continue d’augmenter au détriment de l’ensemble des autres collectivités.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME
« ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE » DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

(en milliers d’euros)

Ressource totale

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2007-2012

2013-2017

Dépenses exécutées totales

LFI

PLF

Triennal

   

Guadeloupe

1 023

1 426

1 007

1392

1 495

1 571

2 037

1 756

1 879

1 920

2 037

54 %

0 %

Guyane

689

705

923

887

976

832

1 041

775

782

844

897

21 %

- 14 %

Martinique

1 532

1 560

1 885

2 196

2 352

1 838

2 027

1 949

1 991

2 130

2 255

20 %

11 %

La Réunion

4 727

4 437

4 452

5 111

4233

4 613

5 613

5 279

5 179

5 536

5 878

- 2 %

5 %

Mayotte

         

0

321

393

317

335

348

8 %

Total DOM

7 971

8 128

8 267

9 586

9 056

8 854

11 039

10 152

10 148

10 765

11 415

11 %

3 %

Source : ministère des Outre-mer.

Si l’évolution des crédits alloués à ces territoires afin d’y financer la politique d’accès au droit et à la justice mérite d’être saluée, il convient de revenir sur les structures qui y sont implantées en vue de permettre à tout usager et à tout justiciable de connaître ses droits, quelle que soit sa situation sociale et où qu’il se trouve sur le territoire.

2. La poursuite de l’effort de maillage territorial en matière d’accès au droit

Le développement de l’accès au droit repose, de façon générale, sur les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD). Ces groupements d’intérêt public sont chargés de recenser les besoins, de définir une politique sur chaque territoire, de faire l’inventaire des dispositifs en place et d’engager des actions nouvelles en animant un réseau de différents intervenants comprenant notamment les travailleurs sociaux, les associations d’aide aux victimes et d’accès au droit ainsi que des professionnels du droit (avocats, huissiers, notaires, etc.). Leurs interventions sont complétées par le réseau judiciaire de proximité, constitué notamment des maisons de la justice et du droit (MJD) ainsi que de points d’accès au droit (PAD).

Leur institution à l’échelon départemental leur permet, en outre, d’améliorer la couverture du territoire et de soutenir des projets correspondant à des besoins spécifiques ou non satisfaits dans divers domaines du droit – famille, logement, consommation, nationalité – ou pour des publics ciblés – jeunes, personnes isolées, personnes âgées, détenus, personnes de nationalité étrangère.

Depuis 2012, la mise en œuvre d’un CDAD à Mayotte est venue parachever le maillage institutionnel dans ces territoires, après la Guadeloupe en 2007, la Martinique et La Réunion en 2001, et la Guyane en 1996. Votre rapporteur se félicite de constater qu’il existe désormais un CDAD dans chaque département d’outre-Mer.

En raison de leur statut de groupements d’intérêt public, les CDAD bénéficient des contributions de leurs membres. Il peut s’agir de contributions financières ou en nature (mise à disposition de personnels, de locaux ou d’équipements, délivrance d’informations juridiques ou de consultations gratuites). Les modalités du cofinancement des membres sont prévues par la convention constitutive du CDAD.

Ainsi, le ministère de la Justice accorde aux CDAD des subventions dans le cadre de l’action 02 « Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité » du programme 101 « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice ». Les autres financeurs sont essentiellement les préfectures, les conseils départementaux, les professionnels du droit, les conseils départementaux et les communes.

L’ensemble de ces crédits sont consacrés au soutien des actions menées par les CDAD en matière de financement des consultations juridiques, des permanences d’information juridique, des actions de communication ainsi que des actions innovantes en faveur de publics ciblés ou démunis.

Ainsi, le montant des subventions versées en 2014 au CDAD de la Martinique était de 75 000 euros. Le personnel y était constitué de deux contractuels ainsi que d’un agent mis à disposition. Ces chiffres sont à comparer aux 29 000 euros dont dispose le CDAD de La Réunion, doté d’un agent de justice et d’un contractuel. Celui de Mayotte est doté de deux contractuels. Pour sa part, le CDAD de Guyane bénéficie de 48 000 euros de subventions et d’un contractuel.

En raison d’un fonds de roulement jugé satisfaisant, le CDAD de Guadeloupe n’a pas reçu de subvention du ministère de la Justice en 2014, ce qui témoigne d’une notable amélioration de sa situation financière. En revanche, selon les données transmises par la Chancellerie, les effectifs du CDAD de Guadeloupe se résumeraient actuellement à un seul agent judiciaire – un secrétaire administratif en l’espèce.

Les CDAD ont également pour objectif d’assurer un service de proximité et une couverture adaptée du territoire national au bénéfice de l’ensemble des usagers du service public en matière d’accès au droit. Ce service de proximité est assuré par les points d’accès au droit (PAD), qui sont des lieux d’accueil gratuits, permanents ou non.

Les PAD permettent sur tout le territoire, y compris dans les établissements pénitentiaires, d’apporter une information de proximité destinée à aider les justiciables à exercer leurs droits et leurs devoirs, notamment grâce, d’une part, à un service d’information, d’orientation et de consultation juridique, gratuit et confidentiel et, d’autre part, à un accueil et un soutien particuliers réservés aux victimes. Selon les départements, les permanences juridiques y sont tenues soit par des avocats, soit par des associations spécialisées, soit encore par des conciliateurs.

Les PAD sont cofinancés par les membres du CDAD. La contribution de ces derniers peut prendre la forme de subventions ou d’une mise à disposition de personnels ou de locaux. Ainsi, au 30 juin 2015, les PAD de Guadeloupe fonctionnaient avec un secrétaire administratif tandis que ceux de Martinique disposaient de deux contractuels ainsi que d’un agent mis à disposition par le conseil départemental. Les PAD de Guyane disposent d’un contractuel, comme ceux de la Réunion, auquel il faut ajouter un assistant de justice. Enfin, les PAD de Mayotte disposent d’un agent mis à disposition par le département et d’un contractuel.

En définitive, ce sont 39 PAD qui sont répartis sur l’ensemble du territoire des départements d’outre-mer. Comme le montre le tableau figurant ci-dessous, La Réunion et la Martinique concentrent respectivement le tiers et le quart de ces PAD. Sur l’ensemble des PAD présents dans les départements d’outre-mer, près de 60 % d’entre eux sont des PAD généralistes situés dans les communes de ces territoires.

Votre rapporteur souligne l’augmentation des PAD situés dans des établissements pénitentiaires, qui représentent désormais 20 % du total, contre 10 % en 2012.

Enfin, dans ces territoires marqués par l’éloignement et des reliefs parfois difficiles, on dénombrait il y a trois ans deux PAD itinérants – un en Guyane et un en Martinique –, soulignant combien les contraintes particulières de ces territoires sont insuffisamment prises en compte en matière d’accès au droit. Votre rapporteur déplore la disparition du PAD itinérant en Guyane.

NOMBRE ET RÉPARTITION DES POINTS D’ACCÈS AU DROIT (PAD)
DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

Département

Nombre total
de PAD

Dont PAD situés dans les communes

Dont PAD situés en établissements pénitentiaires

Dont PAD itinérants

Autres

Guadeloupe

4

2

2

---

Guyane

7

4

1

(1)

Martinique

10

6

1

1

(2)

La Réunion

13 (3)

8

3

(4)

Mayotte

5

3

1

(5)

Total

39

23

8

1

7

Source : ministère des Outre-mer.

Les maisons de la justice et du droit (MJD) jouent également, aux côtés des CDAD et des PAD, un rôle important dans le maillage territorial garantissant aux citoyens un accès au droit.

La France compte actuellement 135 MJD, réparties au sein de vingt-neuf cours d’appel. Alors que soixante départements en sont dotés, les départements d’outre-mer ne comptent que deux MJD, la première à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane et la seconde à Fort-de-France à la Martinique. Une nouvelle MJD devrait ouvrir sur le territoire de la commune des Abymes en Guadeloupe avant la fin de l’année 2015. Si votre rapporteur pour avis salue cette initiative, il ne peut, en revanche, qu’exprimer ses regrets s’agissant de l’absence persistante de MJD à Mayotte et à La Réunion.

Cette absence est d’autant plus regrettable que, dans les communes ou les quartiers éloignés des tribunaux, les MJD, implantées prioritairement dans les zones urbaines sensibles, ont, de manière générale, pour triple mission l’information gratuite des citoyens, la médiation pénale et l’aide aux victimes.

Les MJD réunissent différents acteurs, tels que des magistrats, des avocats, des policiers, des éducateurs, des travailleurs sociaux, des associations, qui s’y retrouvent pour informer et apporter des solutions alternatives à l’action judiciaire. Ils luttent contre la petite et moyenne délinquance et résolvent les petits litiges civils – notamment en matière de logement, de consommation et de surendettement – par des actions de prévention, d’insertion et de réinsertion, et par le recours à la conciliation et à la médiation judiciaire.

Un accueil spécifique y est également réservé aux victimes d’infractions pénales qui y trouvent une écoute, un soutien moral et un accompagnement tout au long de leurs démarches judiciaires.

Hormis le coût lié ab initio à leur création et aux travaux d’aménagement les MJD ne disposent pas de budget dédié. Le ministère de la Justice prend, en effet, en charge les traitements des magistrats, du greffier, des adjoints administratifs, des agents de la protection judiciaire de la jeunesse et du service pénitentiaire d’insertion et de probation qui y interviennent, ainsi qu’une partie des frais de renouvellement du matériel informatique ou du mobilier, les frais de justice et, le cas échéant, les frais de téléphone. Les collectivités locales prennent, pour leur part, en charge la mise à disposition des locaux – avec les charges afférentes – et leur équipement, ainsi que la mise à disposition du personnel d’accueil – traitements compris.

De manière ponctuelle, le programme 101 « Accès au droit et à la justice » peut être mis à contribution, afin de verser à une cour d’appel des crédits pour le maintien à niveau d’une MJD. Ainsi, en 2014, 4 354 euros ont été versés pour la MJD de Saint-Laurent-du-Maroni à partir du programme 101.

3. La difficile structuration d’un réseau associatif local

Cependant, la poursuite du développement territorial des CDAD, des MJD et principalement des PAD est conditionnée, dans les départements d’outre-mer, par la structuration d’un réseau associatif dense en matière d’accès au droit et à la justice et d’aide aux victimes.

Or, il ressort des travaux de votre rapporteur pour avis que le renforcement de l’accès au droit dans ces territoires se heurte actuellement à la faiblesse du tissu associatif. Dans la mesure où les associations d’accès au droit ou d’aide aux victimes sont les principaux acteurs de cette politique, notamment au sein des MJD et des PAD, la prise en charge réelle des usagers dépend très largement du degré de structuration du réseau.

Le constat en la matière – identique en tout point à celui formulé par votre rapporteur pour avis en 2012 – ne souffre aucune contestation. De manière générale, le tissu associatif pour l’accès au droit et à la justice ainsi que l’aide aux victimes est aujourd’hui insuffisant pour répondre de manière satisfaisante à l’ensemble des besoins des justiciables des départements d’outre-mer, notamment en Guyane, en Martinique et à Mayotte

Certains progrès ont toutefois été enregistrés sur le terrain, en particulier en matière d’aide aux victimes, avec la présence de 15 associations d’aide aux victimes en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et en Guyane. En revanche, depuis 2012, Saint-Pierre-et-Miquelon ne dispose plus de structures d’aide aux victimes en raison des difficultés structurelles et financières rencontrées par l’association existante, qui a été dissoute.

Le ministère de la Justice veille, en outre, à consolider la situation des associations d’aide aux victimes les plus récentes – comme en Guyane, à la Martinique et en Guadeloupe – ou fragilisées par le retrait de certains financeurs. Les associations en outre-mer se caractérisent, en effet, par une certaine fragilité, compensée par le renouvellement permanent du tissu associatif, les structures apparaissant et disparaissant à un rythme soutenu. La disparition de ces structures s’explique pour une large part par des difficultés de trésorerie ainsi que par une forte dépendance aux crédits du Fonds social Européen (FSE), dont les délais de versement sont parfois très longs.

Il convient donc, en partenariat avec les collectivités territoriales et l’institut national d’aide aux victimes et de médiation (INAVEM), de renforcer le réseau associatif des départements d’outre-mer en matière d’accès au droit et à la justice et d’aide aux victimes. Dans cette perspective, trois actions prioritaires peuvent être envisagées.

Il s’agit, en premier lieu, de consolider les associations les plus fragiles, qui se caractérisent notamment par un risque élevé de financement, par la faiblesse du bénévolat, comme en Guyane, ou bien encore par l’existence d’un réseau associatif trop jeune, comme en Martinique et en Guadeloupe.

En deuxième lieu, il importe de mettre à profit les associations qui sont bien implantées, pour accroître la couverture géographique de ces territoires et étendre le champ d’action des associations, lorsque celles-ci sont spécialisées, vers un public plus large.

Il convient enfin d’accorder une attention particulière à la formation des personnels des associations d’accès au droit et à la justice, situées dans les départements d’outre-mer. En effet, il est moins coûteux pour ces structures de faire une formation adaptée sur place. Il est donc indispensable de développer, notamment avec l’appui de l’INAVEM, des formations itinérantes dans ces départements.

B. L’ACCÈS AU DROIT DES DÉTENUS

La question de l’accès au droit pour les personnes condamnées à une peine restrictive de liberté comprend, outre l’accès à l’information juridique, le droit à une bonne exécution de ladite peine. Celle-ci doit, en effet, être appréhendée comme un temps de réinsertion sociale et non pas comme une simple mesure de mise à l’écart de la société. Au cours de la peine qu’elle exécute, la personne condamnée doit pouvoir accéder à des conseils juridiques (1) et, dans le même temps, se prévaloir d’un certain nombre de droits afin d’effectuer sa peine dans les meilleures conditions (2).

1. Un accès au droit, comme information juridique, plus effectif

L’accès au droit, en tant qu’information juridique, doit s’appréhender non seulement dans le cadre du milieu fermé mais également dans celui du milieu ouvert, une attention particulière devant être portée sur la transition entre ces deux milieux.

En effet, un accès au droit adapté et efficace implique de développer des points d’accès au droit (PAD) tant en détention qu’en milieu ouvert, où de plus en plus de peines tendent désormais à s’exécuter.

Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis se félicite des progrès accomplis depuis 2013 dans les départements d’outre-mer en matière d’accès au droit en milieu fermé comme en milieu ouvert. La création d’un PAD à destination des familles de détenus à la Martinique constitue une initiative encourageante. Plus largement, la mise en place de PAD spécialisés – à destination des jeunes et des familles en Martinique – doit être amplifiée.

Par ailleurs, les départements d’outre-mer disposent actuellement de 7 PAD en milieu carcéral, en vue de renforcer l’accès au droit des détenus, notamment via la mise en place de permanences d’avocats et d’écrivains publics – par exemple, au centre de Baie-Mahault en Guadeloupe.

Alors que le prononcé des peines alternatives à l’emprisonnement ainsi que des aménagements de peines (cf. infra) tend à se développer outre-mer, l’accès à l’information juridique pour les personnes exécutant leur peine en milieu ouvert passe en particulier par une prise en charge adaptée par les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE MESURES POST-SENTENCIELLES SUIVIES EN MILIEU OUVERT EN FRANCE ENTRE 2011 ET 2015

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Évolution 2008-2015

Ensemble des personnes placées sous main de justice suivies en milieu ouvert

3 755

4 314

5 777

6 945

7 578

7 479

8 032

8 179

118 %

Sursis avec mise à l’épreuve

3 073

3 417

4 496

5 512

5 485

5 213

5 611

5 383

75 %

Libérations conditionnelles

159

172

262

357

366

358

343

419

164 %

TGI et sursis TIG

584

799

1 187

1 675

1 961

2 101

2 322

2 584

342 %

Contrôles judiciaires

64

52

34

68

94

127

130

119

86 %

Interdictions de séjour

3

6

10

8

7

7

5

10

10 %

Ajournements avec mises à l’épreuve

5

3

2

1

3

0

3

1

-80 %

Suivis socio-judiciaires

80

93

128

151

177

201

237

269

236 %

Travail non rémunéré

2

0

2

27

39

25

38

83

4 050 %

Ensemble des mesures suivies en MO en outre-mer

3 970

4 542

6 121

7 408

8 132

8 032

8 689

8 868

132 %

Source : statistique trimestrielle de la population prise en charge en milieu ouvert.

Dans ces conditions, l’accès à l’information juridique du nombre croissant de personnes exécutant leur peine en milieu ouvert nécessite de renforcer parallèlement les personnels des SPIP. Afin d’accompagner la réforme pénale issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, le gouvernement avait annoncé la création de 1 000 emplois dans les SPIP entre 2014 et 2017.

Sur ces 1000 emplois, seuls 76 concernent les départements d’outre-mer, à raison de 47 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP), de 3 directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation (DPIP), de 9 personnels administratifs, de 7 psychologues, de 7 assistants de service social, de 2 coordinateurs culturels et d’un personnel de surveillance.

L’accès au droit, en tant qu’information juridique, ne constitue cependant qu’une composante d’un ensemble de droits devant garantir à toute personne condamnée d’exécuter sa peine dans les meilleures conditions.

2. Un accès aux droits, comme garantie de la bonne exécution d’une peine, dont le développement doit être poursuivi

L’accès au droit des personnes condamnées à une peine pénale ne peut être dissocié de l’accès aux droits conditionnant l’efficacité de ladite peine et la réinsertion sociale de ces personnes.

Parmi ces droits, figure notamment le droit à la formation et à l’activité professionnelle. Or, si les personnes détenues sont en droit de se voir confier, au cours de leur détention, un certain nombre de tâches professionnelles, l’accès au travail est aujourd’hui gravement compromis par une surpopulation carcérale persistante dans les départements d’outre-mer (cf. infra).

Ainsi, votre rapporteur pour avis regrette que les actions en faveur de la formation professionnelle menées outre-mer ne concernent aujourd’hui que 10 % de la population carcérale, contre 20 % en 2012. Par comparaison, ce taux est actuellement de 31 % au niveau national.

Dans le cadre des actions de formation et d’éducation, les départements ultramarins souffrent tout particulièrement d’un taux d’encadrement – caractérisé par le rapport entre le nombre d’enseignants et le nombre de détenus – inférieur à celui observé en métropole, conduisant mécaniquement à un taux de scolarisation de la population carcérale outre-mer – de 20 % à ce jour – plus faible qu’au niveau national – où il est de 24,2 %.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis ne peut que réitérer son appel à la lutte contre l’oisiveté des prisonniers et ce, au moyen d’activités de formation adaptées aux besoins de la population carcérale. La direction de l’administration pénitentiaire du ministère de la Justice a d’ores et déjà entrepris, dans les outre-mer, une politique de formation destinée aux détenus ayant une faible qualification – plus nombreux outre-mer qu’en métropole – et adaptée aux secteurs d’activité de ces territoires – tels que le bâtiment, l’artisanat et l’agro-alimentaire. En 2014, ces formations ont concerné environ 13 % de la population pénale détenue en outre-Mer.

Les personnes détenues peuvent également être employées directement par l’administration pénitentiaire pour les besoins de fonctionnement des établissements, qu’il s’agisse de l’hôtellerie (restauration, blanchisserie, nettoyage, cantine) ou de la maintenance (peinture, maçonnerie, plomberie). Des entreprises privées intervenant en milieu pénitentiaire emploient également des détenus dans des ateliers de production (montage, assemblage, conditionnement, façonnage).

À titre d’exemple, le centre de détention du Port à La Réunion, au sein duquel est implanté un atelier de métallerie-menuiserie, met en œuvre une formation aux métiers de la menuiserie aluminium. De surcroît, une ferme photovoltaïque y a également été créée, tandis qu’entre 6 et 12 personnes détenues se consacrent à l’agriculture sous serres.

Un groupe de travail national dédié à l’insertion par l’activité économique a été installé le 23 mai 2014. La mise en œuvre du dispositif devrait commencer à l’automne 2015 dans sept établissements pénitentiaires, dont celui de Saint-Denis de La Réunion. Votre rapporteur pour avis souhaite qu’à l’issue de l’évaluation de cette première phase dite « pilote », la généralisation du dispositif prévue en 2018 concerne pleinement les outre-mer.

Plus largement, le système pénal tend à s’associer avec des structures publiques comme Pôle emploi. Actuellement, une convention-cadre nationale conclue entre Pôle emploi et l’administration pénitentiaire pour la période 2013-2015 permet de mettre le service public de l’emploi à la disposition des détenus. La Martinique a ainsi pu bénéficier de la présence de huit référents-justice dans chacune de ses agences locales auxquels s’ajoutait un conseiller Pôle Emploi-Justice chargé de l’insertion sur le marché du travail des personnes condamnées sur toute l’île. L’utilisation de ce dispositif a permis la réinsertion professionnelle de 222 personnes dont la peine fut aménagée en Guadeloupe et de 25 personnes à La Réunion au cours de l’année 2013.

En complément de leurs interventions, les conseillers Pôle emploi participent à des actions particulières concourant à favoriser l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice : mise en place d’actions de formations individuelles et collectives sur différents secteurs d’activité, l’organisation d’ateliers thématiques, participation à des forums des métiers et d’accès au droit.

Enfin, les personnes placées sous main de justice suivies en détention et définitivement libérées ou en situation d’aménagement de peine, lorsqu’elles sont à la recherche d’un emploi, doivent être orientées par le SPIP vers l’agence locale Pôle emploi géographiquement compétente, afin de bénéficier de l’offre de service de droit commun.

Dans cette perspective, la mise en place de conventions entre les SPIP et les missions locales permet d’articuler au mieux et de coordonner la prise en charge des personnes condamnées en milieux fermé et ouvert. Ces actions visent en particulier l’insertion sociale et professionnelle des jeunes de moins de 26 ans.

La réinsertion sociale peut également être facilitée par le maintien des liens personnels et familiaux de la personne condamnée. La surpopulation carcérale constitue, à cet égard, un obstacle majeur au maintien de ces liens, faute d’infrastructures suffisantes pour l’accueil du public. Ainsi, l’incapacité d’accéder à un parloir pour un prisonnier peut être considérée comme un obstacle à l’exercice de son droit à une vie privée et familiale. Votre rapporteur pour avis ne peut que déplorer l’absence d’unité de vie familiale ou de parloir familial dans les établissements pénitentiaires situés outre-mer.

L’accès à l’information juridique et aux droits reconnus à toute personne condamnée n’a que très peu de portée effective s’il n’est pas complété par un accès facilité à la justice afin de faire respecter l’ensemble de ces droits. Aussi, après avoir souligné les enjeux de l’accès au droit dans les départements d’outre-mer, votre rapporteur pour avis tient à aborder la question de l’accès à la justice dans ces territoires.

3. La mise en œuvre du droit à la santé en faveur des personnes incarcérées : la nécessité d’une amélioration des dispositifs

La prise en charge sanitaire des personnes incarcérées apparait comme un droit fondamental qui mériterait une attention accrue dans chacune des collectivités d’outre-mer.

Concernant la maison d’arrêt de Basse-Terre, l’accès aux soins des personnes incarcérées ne semble pas suffisant. Des difficultés de recrutement de professionnels de santé volontaires pour exercer en milieu carcéral subsistent. La Guadeloupe aurait le taux le plus bas de France de personnels de santé exerçant en unité sanitaire concernant les spécialistes ou les dentistes (6). Cette problématique semble exister depuis plusieurs années. Des constats d’insuffisance de l’offre faits pour Basse-Terre valent également pour le centre pénitentiaire de Baie-Mahault.

Par ailleurs, si les établissements pénitentiaires de Guadeloupe ont le plus faible taux de spécialistes et de dentistes, le Centre pénitentiaire de Ducos présente le plus bas taux de médecin généraliste. Les organisations syndicales ont sollicité la présence d’un médecin de garde les week-ends et la nuit pour éviter les extractions médicales fragilisant la sécurité de l’établissement.

Au Centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, la prise en charge psychiatrique restait encore insuffisante lorsqu’il s’agit d’hospitalisation sans consentement et le rapporteur s’interroge sur les mesures prises en la matière.

À la Réunion, au Centre pénitentiaire de Saint-Denis, la réflexion porte notamment sur la nécessité d’augmenter les capacités d’accueil des personnes détenues hospitalisées dans un secteur sécurisé. Les hospitalisations psychiatriques nécessiteraient également des chambres sécurisées dans les hôpitaux concernés de l’île.

À la maison d’arrêt de Saint-Pierre, le protocole santé date de 1995 et malgré les relances de l’Autorité régionale de la santé (ARS) par le chef d’établissement, le rapporteur s’interroge sur l’état de son actualisation.

À Mayotte, face aux graves difficultés d’accès aux soins psychiatriques constatées en 2013 et l’impossibilité pour le Centre hospitalier de Mamoudzou (CHM) d’accueillir les hospitalisations d’office D398 pour des raisons de sécurité, la seule solution trouvée a été le transfert des personnes justifiant de ces soins au service médico-psychologique de la Réunion. Il y a là, pour Mayotte, la possibilité de bénéficier d’une modernisation des services hospitaliers pour éviter des coûts supplémentaires.

4. La problématique de la coopération régionale en matière pénitentiaire : vers un désengorgement régulé internationalement des prisons

La gestion des prisons et les affaires extérieures relèvent traditionnellement des compétences régaliennes de l’État. La conjonction entre les deux est d’autant plus rare qu’une coopération régionale entre les acteurs pénitentiaires s’avère utile.

Une forte demande de coopération régionale existe au sujet des transfèrements internationaux avec les pays frontaliers, particulièrement pour les établissements où la population étrangère représente une grande partie de la population carcérale.

Dans le cadre de la coopération régionale, il s’agit de développer avec les pays concernés un partenariat avec le développement de banques de données pour faciliter l’accès aux dites informations.

Des propositions ont été avancées concernant la Guyane pour le développement des échanges transfrontaliers en matière de convention de transfèrement liant la France au Brésil, au Suriname et au Guyana et en matière d’échanges d’informations avec ces États sur les antécédents judiciaires de leurs ressortissants.

Les sollicitations concernent pour la Guadeloupe le transfèrement de ressortissants de Saint-Domingue et pour la Martinique, celui de Saint-Luciens.

En 2014, à Mayotte, aucune coopération régionale n’existait. Pourtant, la maison d’arrêt de Mayotte, dont la majeure partie des personnes écrouées sont d’origine mahoraise souhaite qu’il y ait une convention de transfèrement entre les Comores et la France pour organiser des retours en cours d’exécution de peine.

Dans tous les cas précités, il importe de veiller à ce que l’exécution des peines soit effective afin de ne pas faire du transfèrement un moyen d’échapper à l’application d’une décision de justice.

En 2014, un projet de partenariat conventionnel entre l’île Maurice et l’établissement de Saint-Denis de la Réunion était en cours. Le projet d’accord porte sur : l’échange de bonnes pratiques, d’expertise et de technologies à travers la mise à disposition de formateurs pour le bénéfice des personnels respectifs ; l’échange de délégations à différents échelons des personnels pour le besoin de formations ; la participation commune tant sur le plan social que sportif ; s’agissant des prisonniers, le partage de bonnes pratiques pour la collecte de renseignements, et des programmes de réinsertion incluant notamment le service hospitalier et le travail social.

II. L’ACCÈS À LA JUSTICE DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

L’accès à la justice dans les départements d’outre-mer doit tenir compte d’un contexte géographique et insulaire spécifique (A) et d’une situation aggravée de surpopulation carcérale (B).

A. L’ACCÈS À LA JUSTICE DANS UN CONTEXTE INSULAIRE

Les départements d’outre-mer se trouvent placés dans une situation géographique différente du reste du territoire français. En effet, au-delà du caractère insulaire de certains de ces départements, ce sont principalement l’éloignement géographique, l’isolement et la petitesse des territoires qui exigent de doter leur organisation judiciaire de moyens humains et financiers adaptés (1) ainsi que d’un maillage juridictionnel performant, en particulier dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire (2).

1. Une organisation judiciaire dotée de moyens humains et financiers en constante augmentation

Pour être performante et effective, l’organisation judiciaire dans les outre-mer doit reposer sur un financement adapté – qu’il s’agisse des crédits de l’aide juridictionnelle ou des juridictions – et l’octroi de personnels en nombre suffisant.

En effet, l’aide juridictionnelle s’adresse aux personnes physiques, dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits devant une juridiction, en demande comme en défense. Elle s’applique aux procédures, actes et mesures d’exécution pour lesquels une admission a été prononcée, et comporte notamment l’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue.

Comme votre rapporteur pour avis l’a déjà indiqué (cf. supra), l’augmentation des crédits du programme 101 « Accès au droit et à la justice » sur l’ensemble du territoire de la République s’est accompagnée d’une réorientation limitée des crédits de l’aide juridictionnelle vers ceux de l’accès aux droits. Sur les 10,8 millions d’euros du programme 101 alloués aux départements d’outre-mer, il convient de rappeler que 89,6 % du total concernent l’aide juridictionnelle, laquelle représente toujours l’action la plus importante, tandis que l’accès au droit connaît une légère augmentation.

Votre rapporteur pour avis se félicite de la progression des crédits pour l’aide juridictionnelle dans les différents départements d’outre-mer que l’on peut constater depuis 2007.

RÉTRIBUTION DES AVOCATS AU TITRE DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE

(en euros)

Dépenses

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2007-2012

2013-2014

2007 -2014

budgétaires

Guadeloupe

799 000

1 052 000

793 000

1 138 00

1 040 000

971 200

1 152 128

1 246 000

22%

8%

56%

Guyane

725 000

743 000

753 000

762 000

834 500

615 000

727 629

455 000

- 15%

- 37%

- 37%

Martinique

1 223 000

1 286 000

1 592 000

1 842 000

1 776 840

1 038 103

1 143 000

1 166 000

- 15%

2%

- 5%

La Réunion

4 024 000

3 693 000

3 569 000

4 054 000

3 728 900

3 491 000

3 416 000

4 142 000

- 13%

21%

3%

Mayotte

 

 

 

 

 

56 740

210 000

179 000

 

- 15%

 

Total DOM

6 771 000

6 774 000

6 707 000

7 796 000

7 380 240

6 172 043

6 648 757

7 188 000

- 9 %

8%

6%

Total national

260 378 717

245 398 953

242 043 000

259 379 000

249 428 707

204 075 308

229 144 347

250 659 049

- 22 %

9%

- 4%

Ratio DOM/national

2,60%

2,80%

2,80%

3,00%

3,00%

3,00%

2,90%

2,90%

15%

0%

12%


Source : ministère des Outre-mer.

Il convient d’appeler à la poursuite de l’effort budgétaire consenti depuis dix ans en matière d’aide juridictionnelle en faveur des départements d’outre-mer. Cette évolution est d’autant plus positive que l’on constate, dans le même temps, un net recul des rejets et une augmentation concomitante des admissions au titre de l’aide juridictionnelle. Les dossiers admis à ce bénéfice ont, en effet, augmenté de 16,6 % entre 2005 et 2014. La Réunion et Mayotte mis à part – enregistrant cumulativement une augmentation des rejets de 41,1 % sur la période –, les autres départements d’outre-mer connaissent en moyenne un recul de 20 % des rejets.

ÉVOLUTION DES ADMISSIONS DES DEMANDES D’AIDE JURIDICTIONNELLE

Admissions

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Variation sur

10 ans

(en %)

Guadeloupe

4 129

4 657

4 330

3 400

6 011

5 916

5 733

6 688

6 541

5 733

38,8%

Guyane

2 404

2 732

2 879

3 139

3 179

3 285

3 880

3 686

2 806

3 212

33,6%

Martinique

5 074

6 882

5 852

5 764

5 502

6 159

6 044

5 969

5 161

5 986

18,0%

La Réunion

Mayotte

12 029

12 303

13 253

12 954

13 393

12 690

12 623

13 369

12 570

13 636

13,4%

Total DOM

23 636

26 574

26 314

25 257

28 085

28 050

28 280

29 712

27 078

28 567

16,6%

National

886 533

904 961

894 409

918 126

929 635

939 211

910 471

939 282

944 510

919 812

3,9 %

Ratio DOM/national

2,7 %

2,9 %

2,9 %

2,8 %

3,0 %

3,0 %

3,1 %

3,2 %

2,9 %

3,1 %

 

Source : ministère des Outre-mer.

De l’augmentation du nombre d’admissions et de la baisse parallèle du nombre de rejets, votre rapporteur pour avis tire la conclusion que le dispositif d’aide juridictionnelle bénéficie à un public toujours plus large dans les départements d’outre-mer. Cependant, si l’aide juridictionnelle permet dans ces territoires une prise en charge accrue des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes pour faire valoir leurs droits en justice, l’effectivité de ce dispositif est conditionnée par le concours des avocats dont l’accessibilité n’est pas toujours garantie.

De manière plus générale, votre rapporteur pour avis se réjouit de constater une augmentation des crédits de paiement consacrés à la justice judiciaire dans les départements d’outre-mer. L’augmentation de 35 % des crédits alloués à ces territoires depuis 2008 porte le montant total de ces derniers à environ 161 millions d’euros pour l’année 2016.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT CONSACRÉS À LA JUSTICE JUDICIAIRE
DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

(en millions d’euros)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Total

Évolution 2008-2016

Hors titre 2

25,51

27

30

35

33

33

36

38

42,42

342,35

66,29%

Titre 2

93,63

98

102

106

112

118

120

117

118,18

1102,99

26,22%

Total

119,14

125

132

141

145

151

156

155

160,6

1445,34

34,80%

Source : ministère des Outre-mer.

La répartition des crédits consacrés à la justice judiciaire pour l’année 2016 (cf. infra) met en lumière que les moyens financiers alloués à Mayotte et à la Guyane – respectivement 6 % et 13 % du total – sont inférieurs à ceux de La Réunion – à savoir 33 % – ainsi que de la Guadeloupe et la Martinique – chacune 20 %.

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE PAIEMENT CONSACRÉS À LA JUSTICE JUDICIAIRE
DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

(en euros)

Année

Crédits

Guadeloupe

Guyane

La Réunion

Martinique

Mayotte

Total

2011

Hors titre 2

6 158 023

2 700 371

7 491 577

7 999 719

2 283 627

26 633 317

Titre 2

19 107 506

28 556

24 879 744

24 780 352

6 170 630

74 966 788

2012

Hors titre 2

6 346 312

4 398 060

6 704 467

6 755 956

1 472 248

25 677 043

Titre 2

21 266 982

10 455 492

26 662 928

17 830 390

6 471 168

82 686 960

2013

Hors titre 2

6 551 346

3 639 039

6 895 756

7 164 666

1 417 173

25 667 980

Titre 2

21 266 982

10 455 492

27 923 342

17 432 439

7 926 463

85 004 718

2014

Hors titre 2

5 224 137

5 170 968

7 720 474

8 081 288

1 917 486

28 114 353

Titre 2

21 814 907

11 393 454

28 953 147

18 134 876

6 875 097

87 171 481

2015

Hors titre 2

7 865 709

4 226 776

7 229 833

11 799 166

31 121 484

Titre 2

21 545 797

10 508 713

26 760 832

18 072 552

4 912 164

81 800 058

2016

Hors titre 2

15 689 246

5 259 713

7 562 180

7 209 073

35 720 212

Titre 2

21 679 478

10 574 081

26 926 869

18 184 684

4 942 641

82 307 753

2011-2016

Hors titre 2

155 %

95 %

1 %

- 10 %

34 %

Titre 2

13 %

36 929 %

8 %

- 27 %

- 20 %

10 %

Source : ministère des Outre-mer.

L’augmentation générale de ces crédits dans l’ensemble des départements d’outre-mer recouvre, en réalité, des évolutions contrastées. La Guyane enregistre ainsi des augmentations très fortes comparativement à celles plus faibles observées à La Réunion. À l’inverse, la Martinique et Mayotte connaissent des diminutions importantes de leurs crédits depuis 2011, ce que ne peut que regretter votre rapporteur pour avis.

Ces évolutions sont, en revanche, davantage lissées s’agissant du volume global des emplois consacrés à la justice judiciaire dans ces territoires. Si les emplois y ont progressé, entre 2010 et 2014, de 18 %, cette évolution ne saurait masquer la baisse de 22 % enregistrée sur la même période en Martinique. Une réserve méthodologique doit cependant être faite concernant l’augmentation de 38 % des effectifs judiciaires guyanais, compte tenu de l’indisponibilité des chiffres pour les années 2010 et 2011 (7).

RÉPARTITION DU VOLUME GLOBAL DES EMPLOIS
CONSACRÉS À LA JUSTICE JUDICIAIRE DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

(en ETP)

 

Guadeloupe

Guyane

La Réunion

Martinique

Mayotte

Total

2010

247

282

317

64

910

2011

256

293

331

84

964

2012

268

98

314

236

73

989

2013

266

122

329

226

74

1017

2014

268

135

342

248

77

1070

2010-2014

9 %

38 %

21 %

- 22 %

20 %

18 %

Source : ministère des Outre-mer.

Les emplois consacrés à la justice judiciaire dans les départements d’outre-mer demeurent cependant inégalement répartis. Mayotte dispose de moins d’un emploi sur dix contre le tiers pour La Réunion, tandis que la Guadeloupe et la Martinique en ont chacune un quart et la Guyane un peu plus de 12 %.

2. Un maillage juridictionnel encore inachevé en dépit de la réforme de la carte judiciaire

Parce que l’accès à la justice suppose une répartition géographique équilibrée des juridictions judiciaires dans les départements d’outre-mer, l’objectif assigné à la réforme de la carte judiciaire a principalement été de renforcer, dans ces territoires, la présence judiciaire et ainsi d’aligner les normes applicables à l’accès à la justice sur celles de la métropole.

Dans cette perspective, les tribunaux de grande instance (TGI) de Guyane et de Guadeloupe ont bénéficié de l’octroi d’une chambre et d’un greffe détachés, respectivement, à Saint-Laurent-du-Maroni et à Saint-Martin. En revanche, le tribunal d’instance de Marie-Galante et le greffe de Le Moule, tous deux situés en Guadeloupe, ont été supprimés. Un pôle de l’instruction a également été créé dans chaque département d’outre-mer, avec une spécificité pour l’île de La Réunion qui en compte deux – l’un au TGI de Saint-Denis et l’autre au TGI de Saint-Pierre. La compétence commerciale de ce dernier a par ailleurs été transférée à un tribunal mixte de commerce.

La réforme la plus importante demeure celle de Mayotte, dont l’organisation judiciaire tend à se rapprocher de celle applicable sur le continent avec la création, à compter du 1er avril 2011, d’une chambre d’appel détachée de la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, d’un tribunal de grande instance, d’un tribunal d’instance et d’une juridiction de proximité à Mamoudzou, d’une cour d’assise ainsi que d’un greffe détaché à Sada.

En outre, d’ici la fin de l’année 2015, l’organisation judiciaire de Mayotte pourrait encore évoluer, avec la mise en place éventuelle de nouvelles juridictions, à savoir la création d’un tribunal mixte de commerce (8), d’un tribunal paritaire des baux ruraux, d’un conseil de prud’hommes (9), d’un tribunal des affaires de sécurité sociale et d’un tribunal du contentieux de l’incapacité à Mamoudzou.

La mise en place de ces juridictions pourrait néanmoins être reportée dans l’attente de l’adoption définitive par le Parlement du projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, lequel tend, d’ici 2018, à fusionner les tribunaux des affaires de sécurité sociale et les tribunaux de l’incapacité au sein d’un pôle social créé auprès de chaque TGI, pôle auquel seraient également adjoints les contentieux liés au droit de la santé. Par ailleurs, La Réunion et la Martinique pourraient être appelées à expérimenter la mise en place d’un service d’accueil unique du justiciable.

Votre rapporteur pour avis se félicite de la prise en compte accrue des problématiques propres à l’organisation judiciaire dans les départements d’outre-mer et des premières réponses apportées à cette fin par le Gouvernement.

La carte judiciaire ne saurait, de surcroît, se résumer à la seule répartition géographique des juridictions judiciaires. Il convient, plus largement, de tenir compte de la présence et de la répartition, sur ces territoires, des différents acteurs de la justice, que sont notamment les avocats. Il est particulièrement indispensable de veiller à l’accès des justiciables aux différents professionnels du droit. Sont, à ce titre, envisagées des permanences juridiques organisées par deux cabinets d’avocats à la maison de la justice et du droit (MJD) de Saint-Laurent-du-Maroni. Ces permanences permettraient d’assurer un meilleur accès aux avocats et à leurs conseils juridiques en tout point du territoire de Guyane.

B. L’ACCÈS À LA JUSTICE DANS UN CONTEXTE DE SURPOPULATION CARCÉRALE

Une justice efficace est une justice, certes accessible, mais qui offre également aux personnes condamnées la possibilité d’exécuter leur peine dans des conditions favorisant leur réinsertion.

Dès lors, la surpopulation constitue un obstacle au bon fonctionnement de la justice et à l’exécution des peines, empêchant les personnes détenues de faire valoir leurs droits auprès du service public pénitentiaire – droit à la formation professionnelle, à l’activité sportive, culturelle et sociale, etc. La persistance de la surpopulation carcérale outre-mer (1) tient à de multiples facteurs, au nombre desquels figure notamment l’insuffisant recours à l’exécution des peines en milieu ouvert (2).

1. Une surpopulation carcérale persistante

Dans les départements d’outre-mer, le parc pénitentiaire souffre d’une surpopulation chronique, comme en attestent les chiffres régulièrement publiés et les données fournies par l’administration pénitentiaire (cf. infra). Le taux d’occupation moyen des établissements pénitentiaires situés dans ces territoires s’établit à 116 %.

Cependant, au cours des dix dernières années, ce taux d’occupation a diminué de 7 %, ce qui constitue un signal positif dans la perspective – encore trop lointaine pour votre rapporteur pour avis – d’une résorption de la surpopulation carcérale. La baisse du taux d’occupation s’explique notamment par l’augmentation de près de 30 %, sur la même période 2005-2015, de la capacité d’accueil de ces établissements et ce, en dépit de la hausse concomitante du nombre de détenus.

Ainsi, mis à part La Réunion qui enregistre un taux d’occupation de seulement 87 % en 2015, l’ensemble des autres départements d’outre-mer sont confrontés au phénomène de la surpopulation carcérale et ce, en dépit de la baisse des taux d’occupation observée à Mayotte et en Guyane. Votre rapporteur pour avis constate d’ailleurs que ces taux d’occupation ont continué de progresser, entre 2005 et 2015, en Guadeloupe et en Martinique.

À l’aune de ce constat, votre rapporteur pour avis ne peut que déplorer la persistance d’un phénomène qu’il a maintes fois dénoncé et sur lequel il a, à plusieurs reprises, attiré l’attention du Gouvernement et des pouvoirs publics.

PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU TAUX D’OCCUPATION DE L’ENSEMBLE DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES (MAISONS D’ARRÊTS, CENTRES DE DÉTENTIONS ET CENTRES PÉNITENTIAIRES) POUR CHAQUE DÉPARTEMENT D’OUTRE-MER

La Réunion

 

Guadeloupe

Année

Places opérationnelles

Nombre de détenus

Taux d’occupation

 

Année

Places opérationnelles

Nombre de détenus

Taux d’occupation

2005

787

824

105%

 

2005

633

746

118%

2013

1 212

1 119

92%

 

2013

634

832

131%

2014

1 206

1 087

90%

 

2014

634

898

142%

2015

1 206

1 052

87%

 

2015

634

879

139%

2013-2015

- 0,50%

-6%

-6%

 

2013-2015

0%

6%

6%

2005-2015

53%

28%

-17%

 

2005-2015

0,10%

17,83%

17,64%

Mayotte

 

Martinique

Année

Places opérationnelles

Nombre de détenus

Taux d’occupation

 

Année

Places opérationnelles

Nombre de détenus

Taux d’occupation

2005

65

153

235,40%

 

2005

514

643

125,10%

2013

105

223

212,40%

 

2013

569

956

168,00%

2014

105

166

158,10%

 

2014

569

931

163,60%

2015

162

184

113,60%

 

2015

569

897

157,60%

2013-2015

54%

-17%

-47%

 

2013-2015

0%

-6%

-6%

2005-2015

149%

20%

-52%

 

2005-2015

11%

40%

26%

Guyane

 

Total DOM

Année

Places opérationnelles

Nombre de détenus

Taux d’occupation

 

Année

Places opérationnelles

Nombre de détenus

Taux d’occupation

2005

469

694

148,00%

 

2005

2468

3060

124%

2013

614

663

108,00%

 

2013

3134

3793

121%

2014

614

729

118,70%

 

2014

3128

3811

122%

2015

614

670

109,10%

 

2015

3185

3682

116%

2013-2015

0%

1%

1%

 

2013-2015

2%

-3%

-4%

2005-2015

31%

-3%

-26%

 

2005-2015

29%

20%

-7%

Source : réponses du ministère des Outre-mer au questionnaire budgétaire.

La principale cause de la surpopulation carcérale dans ces territoires réside dans le manque d’installations et d’infrastructures pénitentiaires. De surcroît, les contraintes climatiques et la sur-occupation accélèrent le vieillissement des établissements concernés, obligeant l’État à engager un programme immobilier de rénovation, de restructuration et de construction d’infrastructures pénitentiaires.

Au titre des opérations immobilières engagées outre-mer, figure notamment une restructuration importante du centre pénitentiaire de Ducos à la Martinique. Ainsi, d’ici le premier trimestre 2016 et pour un budget total de 36,5 millions d’euros, une seconde enceinte ainsi que 160 nouvelles places vont être créées, tandis que les surfaces médicales et les parloirs vont être réaménagés.

De la même manière, au centre de Majicavo à Mayotte, les investissements en cours portent sur la reconstruction des quartiers maisons d’arrêt hommes et femmes ainsi que la construction d’un quartier centre de détention hommes – de 152 places –, d’un quartier mineurs – de 30 places –, d’un quartier arrivant, de parloirs (10), de locaux d’activités socio-éducatives, de formation et de travail, de locaux dédiés à la santé, d’espaces d’activités sportives, de cuisine et de production. Seront également réalisés de nouveaux locaux dédiés à l’administration et aux personnels. La première mise en service est intervenue en juin 2014, tandis que la dernière phase a été livrée en août 2015 pour un coût final estimé à 56,4 millions d’euros.

Enfin, en Guyane, la construction de 78 places supplémentaires au centre pénitentiaire de Remire-Montjoly a été réceptionnée le 24 octobre 2012 pour un coût total de 5,6 millions d’euros.

De plus, un vaste programme immobilier, visant à remédier tant à la surpopulation qu’au manque de structures adaptées aussi bien au maintien des liens familiaux qu’à la probation, a débuté en 2013 et continuera lors du prochain plan triennal 2015-2017. Il comprend notamment la construction d’un centre de semi-liberté en Martinique, la démolition et la reconstruction de la maison d’arrêt de Basse-Terre en Guadeloupe, l’extension du centre pénitentiaire de Baie-Mahault en Guadeloupe ainsi que la construction d’un nouvel établissement pénitentiaire en Martinique.

Le manque de places concerne également l’exécution des peines en milieu ouvert. Il n’y a ainsi aucun centre de semi-liberté dans les départements d’outre-mer. La maison d’arrêt de Basse-Terre propose seulement 6 places de semi-liberté sur les 130 disponibles. Au total, 147 places de semi-liberté sont proposées outre-mer au 1er juillet 2014, soit 5,5 % du total des places de semi-liberté sur l’ensemble du territoire national.

Le renforcement des structures immobilières d’accueil des personnes exécutant une peine en milieu ouvert doit se poursuivre. Votre rapporteur salue les efforts entrepris en ce sens, à savoir la construction d’un bâtiment neuf livré en avril 2015 pour l’accueil d’une antenne mixte du SPIP et de la direction départementale du SPIP à La Réunion, la reconstruction et le réaménagement des locaux du SPIP de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane respectivement en 2012, 2013 et 2014.

Enfin, les priorités et actions du programme 107 « Administration pénitentiaire » pour 2016 maintiennent constant le niveau des crédits d’investissement en faveur des opérations immobilières déjà engagées et des opérations de mise en conformité les plus urgentes, notamment en faveur du parc immobilier ultra-marin. L’accent sera, à ce titre, mis sur le maintien des liens familiaux par l’installation – fort attendue (cf. supra) – d’unités de vie familiale et de parloirs familiaux.

Votre rapporteur pour avis ne peut que réitérer son appel à la poursuite du développement et de l’extension des projets immobiliers destinés à développer l’ensemble des structures pénitentiaires – tant en milieu ouvert qu’en milieu fermé – dans les départements d’outre-mer, afin de mettre un terme au problème de la surpopulation carcérale et de garantir le droit des personnes condamnées à exécuter leur peine dans des conditions favorisant leur réinsertion.

2. Une résolution difficile des différents facteurs de la surpopulation carcérale

La résolution du phénomène de la surpopulation carcérale dans les outre-mer nécessite cependant bien plus qu’une simple adaptation du parc immobilier de l’administration pénitentiaire. Elle exige également une réforme en profondeur de la politique pénale qui y est menée. En effet, les problèmes spécifiques liés au caractère insulaire et à l’éloignement géographique sont des facteurs à prendre en compte dans la mise en œuvre d’une politique pénale adaptée, donnant notamment au milieu ouvert toute sa place dans le cadre de l’exécution des peines.

Dans cette perspective, les moyens financiers et humains dévolus, d’une part, à l’administration pénitentiaire et, d’autre part, aux juges de l’application des peines (JAP) doivent donner à l’ensemble de ces acteurs de véritables capacités de faire exécuter, sous leur contrôle, un nombre croissant de peines en milieu ouvert.

S’agissant, en premier lieu, des moyens financiers et humains dévolus à l’administration pénitentiaire dans les départements d’outre-mer, votre rapporteur pour avis se félicite de la notable augmentation enregistrée dans l’ensemble de ces territoires entre 2007 et 2012, les emplois ayant progressé de 36 % sur la période. Cette progression tend toutefois à ralentir depuis 2013.

ÉVOLUTION DES EMPLOIS DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

(en ETP)

Emplois

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2007-2012

2013-2014

Guadeloupe

323

342,1

338

347

347

353

356

375

9%

5%

Guyane

243

241,2

234

234

235

248

261

262

2%

0,30%

Martinique

268

278,6

274

286

285

299

305

322

12%

6%

La Réunion

361

387

584

608

607

632

619

620

75%

0,20%

Mayotte

ND

58

52

70

69

91

ND

150

Total

1195

1306,9

1482

1545

1543

1623

1541

1729

36%

12%

Source : ministère des Outre-mer.

S’agissant, en second lieu, des moyens dévolus aux juges de l’application des peines, la part de ces derniers affectée dans les juridictions ultra-marines reste stable entre 2012 et 2014, à environ 4 % des effectifs totaux – soit environ 19 emplois. Elle augmente légèrement en 2015, à 4,2 % des effectifs totaux, soit environ 22 emplois.

Sous l’effet de l’augmentation des moyens humains et financiers alloués tant à l’administration pénitentiaire qu’à l’application des peines, le nombre de personnes condamnées bénéficiant d’un aménagement de peine sous écrou est ainsi passé de 167 personnes au 1er juillet 2005 à 659 au 1er juillet 2015.

Afin de poursuivre cette dynamique, les prévisions pour 2015 arrêtées par la direction de l’administration pénitentiaire étaient de 18 % de personnes condamnées bénéficiant d’un aménagement de peine sous écrou en moyenne en outre-mer et de 23 % en moyenne pour l’ensemble du territoire national. Or, au 1er juillet 2015, les résultats obtenus étaient inférieurs aux valeurs attendues, avec un taux de 15,8 % outre-mer et de 22,1 % sur l’ensemble du territoire.

Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis se montre satisfait de la progression du nombre tant de personnes que de mesures suivies en milieu ouvert en outre-mer depuis 2008. Le prononcé de sanctions alternatives à la peine d’emprisonnement a augmenté de 132 % sur l’ensemble de ces territoires, démontrant ainsi la réorientation de la politique pénale qui y est menée.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE PERSONNES ET DE MESURES SUIVIES EN MILIEU OUVERT
EN OUTRE-MER DEPUIS 2008 (1)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Évolution 2008- 2015

Ensemble des personnes placées sous main de justice suivies en milieu ouvert

3 755

4 314

5 777

6 945

7 578

7 479

8 032

8 179

118 %

Sursis avec mise à l’épreuve

3 073

3 417

4 496

5 121

5 485

5 213

5 611

5 383

75 %

Libérations conditionnelles

159

172

262

357

366

358

343

419

164 %

TIG et sursis TIG

584

799

1 187

1 675

1 961

2 101

2 322

2 584

342 %

Contrôles Judiciaires

64

52

34

68

94

127

130

119

86 %

Interdictions de séjour

3

6

10

8

7

7

5

10

10 %

Ajournements avec mises à l’épreuve

5

3

2

1

3

0

3

1

-80 %

Suivis socio-judiciaires

80

93

128

151

177

201

237

269

236 %

Travail non rémunéré

2

0

2

27

39

25

38

83

4050 %

Ensemble des mesures suivies en MO en outre-mer

3 970

4 542

6 121

7 408

8 132

8 032

8 689

8 868

132 %


Source : ministère des Outre-mer.

(1) Une personne peut être prise en charge pour plusieurs mesures.

Votre rapporteur pour avis souligne que le développement de cette nouvelle politique pénale, tournée vers le milieu ouvert, répond au double objectif de lutter contre la surpopulation des établissements pénitentiaires ultra-marins et d’offrir aux personnes condamnées de meilleures chances de réinsertion. Dans cette perspective, la prise en charge en milieu ouvert, dont le développement est encourageant, doit tenir compte de la spécificité géographique de ces territoires, qui est susceptible d’entraver le travail des SPIP avec des déplacements chronophages, des permanences délocalisées ou encore l’impossibilité de mettre en œuvre des bracelets électroniques. La diversité linguistique et culturelle, notamment à Mayotte et en Guyane, est également une donnée à prendre en considération dans l’adaptation des mesures destinées à développer les sanctions en milieu ouvert.

Il convient de souligner que le contexte social des outre-mer constitue une difficulté pour la mise en œuvre de la politique pénale. Ces territoires sont, en effet, touchés par des taux de chômage nettement plus élevés que le reste du territoire national. Ces forts taux de chômage sont un réel obstacle à une mise en œuvre effective de la peine de travail d’intérêt général. La précarité du logement ou le manque de transports en commun, fréquents dans les Antilles et en Guyane, empêche parfois le recours à des mesures alternatives à l’emprisonnement.

La nécessité d’une adaptation des peines et des conditions de leur exécution aux spécificités de ces territoires est l’un des principaux facteurs de la réussite de la politique pénale mise en œuvre depuis 2012. En effet, depuis cette date, la garde des Sceaux a publié des circulaires, en 2013 et 2014, de politique pénale territoriale pour la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe. Chacune de ces circulaires souligne les difficultés propres à ces territoires. Par exemple, en Guyane, l’orpaillage, la criminalité associée et la pêche illégale exigent une adaptation des politiques pénales mises en œuvre face à ces singularités.

Votre rapporteur pour avis souligne enfin que l’évolution du droit pénal vers l’individualisation des peines doit s’accompagner d’une prise en considération de chaque territoire dans ses singularités pour permettre la politique pénale la plus adaptée et la plus efficace possible.

ANNEXE : SUIVI DES RECOMMANDATIONS FORMULÉES EN 2012 PAR VOTRE RAPPORTEUR POUR AVIS EN MATIÈRE D’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE DANS LE DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

Thème

Proposition

Suivi de la proposition

Renforcer les points d’accès au droit

Développer des points d’accès aux droits (PAD) itinérants sur le modèle de ceux présents en Guyane et Martinique.

Les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) des départements d’outre-mer (DOM) ne semblent pas, au vu des projets annoncés dans leurs rapports d’activité, avoir pour projet de développer d’autres PAD itinérants. À noter que ce dispositif est peu développé dans l’hexagone (en 2015, un seul CDAD finance un PAD itinérant), même s’il doit être encouragé.

Faciliter l’accès au droit pour les détenus dans les établissements pénitentiaires des départements d’outre-mer.

Les CDAD des DOM ont mis en œuvre un accès au droit pour les détenus. Ils ont ainsi ouvert 7 PAD en établissements pénitentiaires et un PAD dédié aux familles des détenus.

Ils ont pour objectif de renforcer l’accès au droit de cette population, notamment par la mise en place de permanences d’avocats et d’écrivains publics (ex. le CDAD de Guadeloupe au centre de Baie-Mahault).

Favoriser la mise en place de PAD spécialisés, notamment en direction des jeunes et des familles.

Les CDAD des DOM s’attachent à développer les PAD spécialisés en direction des jeunes et des familles, en particulier le CDAD de la Martinique.

À côté de ces PAD, ils mettent également en place des actions thématiques en faveur de ces publics.

Garantir une meilleure répartition des avocats en Guyane (consultations juridiques gratuites en maisons de la justice et du droit – MJD)

Renforcer, en partenariat avec le réseau associatif, les consultations juridiques gratuites à Saint-Laurent-du-Maroni, notamment dans le cadre des services offerts par la maison de la justice et du droit de cette ville.

Il est envisagé que les deux cabinets d’avocats présents à Saint-Laurent-du-Maroni tiennent des permanences à la MJD.

Par ailleurs, le poste de greffier a été « fléché » à la MJD de Saint-Laurent-du-Maroni par la direction des services judiciaires à la demande du service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes.

Ces mesures devraient être de nature à renforcer l’offre de consultations juridiques gratuites de la MJD.

Consolider le réseau associatif des départements d’outre-mer en matière d’accès au droit et à la justice, en partenariat avec les collectivités territoriales et l’institut national d’aide aux victimes et médiation (INAVEM)

Consolider les situations associatives les plus fragiles, qui se caractérisent notamment par un risque élevé de financement, par la faiblesse du bénévolat, comme en Guyane, ou par l’existence d’un réseau associatif trop jeune, comme en Martinique et en Guadeloupe.

Le ministère de la Justice veille à consolider la situation des associations d’aide aux victimes les plus récentes ou fragilisées par le retrait de certains financeurs. Entre 2013 et 2014, les dépenses du ministère en faveur de l’aide aux victimes dans les DOM ont augmenté de 11 % contre 5,7 % en moyenne nationale. La tendance est similaire entre 2014 et 2015.

 

Mettre à profit les associations qui sont bien implantées, pour accroître la couverture géographique de ces territoires et étendre le champ d’action de ces associations, lorsque celles-ci sont spécialisées vers un public plus large.

–10 associations d’aide aux victimes interviennent en Guadeloupe, en Martinique, à la Réunion, à Mayotte et en Guyane. En 2014, suite à une extension de leur champ d’action, elles ont été présentes sur une cinquantaine de lieux de permanences (contre plus de 30 en 2013) et ont réalisé 8 126 demi-journées de permanence, contre 5 527 en 2013.

– 7 BAV ont été mis en place au sein des tribunaux de grande instance de Pointe-à-Pitre, de Basse-Terre, de Fort-de-France, de Saint-Denis de la Réunion et, depuis 2013, de Saint-Pierre de la Réunion, de Cayenne et de Mamoudzou.

– En 2014, les associations ont accueilli 9 788 victimes d’infractions pénales (en augmentation de 12 % par rapport à 2013) dont 4 549 au sein des BAV (contre 3 950 en 2013).

– L’objectif d’ouvrir de nouvelles permanences n’a pu toujours être réalisé en raison de la difficulté que les communes éprouvent pour mettre à disposition des locaux aménagés.

– En Martinique, l’association AADPAS, spécialisée dans la prise en charge juridique, psychologique et éducative des mineurs victimes d’agressions sexuelles sur l’ensemble du territoire, a étendu son activité à la prise en charge des majeurs.

– Pour mieux se faire identifier par le tissu social et associatif (partenaires de la santé et de l’action sociale), des associations d’aide aux victimes mènent des actions d’information et de sensibilisation sur l’aide aux victimes et sur les violences conjugales. Elles interviennent aussi auprès des établissements scolaires.

 

Accorder une attention particulière, avec l’appui des collectivités territoriales et de l’INAVEM, à la formation – en particulier itinérante – des personnels des associations d’accès au droit et à la justice situées dans les départements d’outre-mer

– Les associations d’aide aux victimes recourent à des personnels diplômés qui ont suivi une formation INAVEM et proposent des services de qualité. Le personnel bénéficie chaque année d’actions de formation. Ainsi, 19 salariés ont été formés en 2014, contre 15 en 2013.

– En Martinique, en 2013, un des psychologues de l’AADPAS a bénéficié d’une formation sur la victimologie d’une durée équivalente à 8 mois, et l’UFM a formé 9 agents (80 jours de formation).

– Des associations font évoluer certains agents déjà en place vers un statut d’accueillant aide aux victimes (par exemple à La Réunion) en mettant en place une formation interne à l’aide aux victimes.


Source : ministère des Outre-mer.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 27 octobre 2015, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget, sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2016.

M. Dominique Lefebvre, président. Madame la ministre des outre-mer, nous sommes heureux de vous accueillir pour l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2016.

Mme la présidente Frédérique Massat. La commission des affaires économiques, dont le rapporteur pour avis est M. Serge Letchimy, se réjouit de pouvoir examiner aujourd’hui le budget de la mission « Outre-mer ». Notre commission a un fort intérêt pour les questions liées aux outre-mer et joue régulièrement un rôle actif dans les évolutions et les adaptations législatives nécessaires aux collectivités ultramarines.

Le budget de cette mission, à 2,1 milliards d’euros en crédits, est globalement stable par rapport à 2015. Quant aux dépenses fiscales rattachées à cette mission, elles représentent, comme l’an dernier, près du double des crédits, à savoir 3,9 milliards d’euros.

La stabilité globale du budget de cette mission est un point positif dans un contexte de forte contrainte budgétaire, cela prouve que les territoires ultramarins demeurent une priorité pour l’État. Toutefois, cette stabilité ne doit pas occulter les mouvements budgétaires importants au sein de la mission que notre rapporteur ne manquera pas de commenter.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Conscient de ne pas avoir d’éléments centraux à développer, je vais laisser la parole aux rapporteurs pour avis.

M. Patrick Ollier, rapporteur spécial de la commission des finances. Je ne peux que me féliciter de voir les crédits en faveur de l’outre-mer relativement épargnés par les coupes budgétaires. L’effort financier consacré par l’État aux territoires ultramarins s’élève à 14,2 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016, en augmentation de 3,7 % par rapport à la loi de finances initiale de 2015.

Les crédits de la mission « Outre-mer » sont quant à eux stabilisés. Les autorisations d’engagement sont en baisse de 0,6 %, à 2,08 milliards d’euros, tandis que les crédits de paiement augmentent d’un peu plus de 1 million d’euros par rapport à 2015.

Cette enveloppe permettra de continuer à mettre en œuvre les interventions essentielles en faveur des populations et du développement économique dans les collectivités ultramarines qui, comme vous le savez, sont fortement fragilisées. Je pense notamment aux actions menées dans le domaine de la formation et de l’insertion des jeunes ultramarins, en réponse au taux de chômage des jeunes qui avoisine, voire dépasse, les 50 % dans certaines collectivités. C’est un remède provisoire qui ne règle pas le mal du chômage ; des solutions plus fortes, passant par le développement économique, doivent être apportées.

Cependant, deux sujets majeurs m’inquiètent au plus haut point. Pour le premier, il est déjà trop tard, puisqu’il s’agit du resserrement des exonérations de charges sociales proposé à l’article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale mercredi dernier, alors que les députés d’outre-mer étaient absents, à l’exception de celui de Saint-Pierre et Miquelon. Mes collègues m’ont beaucoup manqué ce soir-là…

Sur la forme, je regrette que le Gouvernement ait contourné tout risque de débat en inscrivant cette mesure en PLFSS, au lieu de le faire dans le cadre du PLF comme cela était le cas en 2014.

Sur le fond, je considère cette réforme comme dangereuse, car elle creuse encore un peu plus qu’en 2014 l’écart de compétitivité qui existe entre les entreprises métropolitaines et les entreprises ultramarines. Cette mesure permet certes de réaliser une économie de 75 millions d’euros ; mais ce gain dérisoire ne sera pas sans effet pour les entreprises qui emploient les 10 000 salariés qui sortiront du champ des allégements, ni pour celles qui emploient les 41 000 salariés pour lesquels le montant de l’exonération va diminuer – ces chiffres proviennent de l’étude d’impact de l’article. De surcroît, l’effet cumulé des deux baisses successives de 2014 et 2016 est évalué à plus de 180 millions d’euros, soit une baisse de 17 % en deux ans, qui peut être considérée comme significative.

Lorsque nous en avons discuté avec la direction générale de l’outre-mer et le ministre, il m’a été indiqué que la baisse des exonérations de charges sociales en outre-mer était compensée par l’extension du taux de réduction des cotisations d’allocations familiales, prévu à l’article 7 du PLFSS. Mais cette mesure s’applique sans distinction à l’ensemble des entreprises françaises. Je ne suis donc pas du tout d’accord : cette réponse ne me paraît pas satisfaisante. L’intérêt des mesures spécifiques pour l’outre-mer est de soutenir l’emploi dans ces collectivités, et non en métropole. Ce qui est vertueux en métropole n’incite pas forcément à investir outre-mer.

De plus, j’ai été étonné de constater que les positions étaient différentes au sein des deux ministères. Je pense que ce sera réglé ce soir, mais c’est la preuve qu’il ne s’agit pas d’un simple coup de rabot vis-à-vis des outre-mer : c’est plus profond que l’on veut bien le dire.

Quant à la majoration du CICE, sa plus-value sera presque entièrement neutralisée par la baisse des exonérations alors qu’il devait représenter un acquis net pour l’outre-mer. Comment le Gouvernement compte-t-il à ce jour renforcer la compétitivité des entreprises ultramarines face à celles de la métropole, puisque les dispositifs existants sont affaiblis ?

Par ailleurs, pensez-vous que ce dispositif d’exonération de charges sociales, outil essentiel au service de l’emploi en outre-mer, où le taux de chômage est deux fois plus élevé qu’en métropole, mérite d’être assimilé, comme le précise à tort le rapport de l’inspection générale des finances de juin 2015, à une niche sociale indue contre laquelle il faudrait lutter ? J’en reviens toujours au problème des vertueux de la doctrine budgétaire face à ceux qui veulent faire de l’aménagement du territoire. Là encore, nous retrouvons une constante dans l’orthodoxie budgétaire contre laquelle nous sommes un certain nombre à lutter.

Mon deuxième sujet d’inquiétude est la fixation dans ce PLF d’un terme au 31 décembre 2018 pour l’ensemble des mesures de défiscalisation et les deux nouveaux crédits d’impôt mis en œuvre depuis quelques mois.

Je sais que la défiscalisation, comme les exonérations, subit les foudres de ceux que je viens de qualifier de défenseurs vertueux de l’orthodoxie budgétaire. C’est pourquoi, comme je le demande depuis trois ans, il est essentiel d’encadrer les pratiques par une réglementation plus stricte, pour le droit commun mais aussi pour les cabinets de défiscalisation, afin de ne pas délégitimer l’ensemble du système à cause d’une minorité de déviants. Je me suis attelé à cette tâche, et des dispositifs sont désormais inscrits dans la loi. Mais ils ne sont que très partiellement appliqués, à l’instar de la charte de déontologie que le Gouvernement tarde à concrétiser et que je demande personnellement depuis trois ans.

J’ai effectué il y a deux semaines un contrôle sur pièces et sur place au bureau des agréments au titre des pouvoirs de contrôle du rapporteur spécial, afin de vérifier les procédures d’instruction mises en œuvre par l’administration, sur lesquelles de nombreux doutes pesaient du fait des délais rallongés pour obtenir l’agrément. J’ai découvert un service en sous-effectif – huit temps pleins pour l’instruction non-exclusive de 211 dossiers au moment du contrôle. Ce sont des gens de qualité qui font un travail sérieux, et je reconnais que c’est une charge difficile pour seulement huit personnes à temps plein. Ce bureau doit améliorer la transparence et la communication de ses procédures, c’est aussi très important, mais son efficacité quant au contrôle de l’utilisation des deniers publics ne peut être remise en cause. Le processus d’agrément est perfectible, sauf si on veut le démanteler – ce que je n’espère pas – il s’agit d’un chantier important dans les années à venir, mais le préalable à toute réflexion est la pérennisation de la défiscalisation.

J’ai également réalisé début septembre un déplacement en Nouvelle-Calédonie. J’ai pu y constater une fois de plus, sur le terrain, l’efficacité économique de ces dispositifs que je défends depuis que je suis rapporteur spécial, en matière de logement social comme d’investissements productifs. Cela est d’autant plus prégnant dans nos collectivités du Pacifique qu’elles ne bénéficient d’aucun autre mode de soutien.

On m’a également alerté du fait que le terme de 2017 compromettait d’ores et déjà de nombreux projets, parce que les délais d’instruction sont tels qu’il n’y a plus d’intérêt à présenter des projets lourds, puisque le dispositif devrait s’arrêter dans un an et demi. C’est notamment le cas dans les secteurs de l’investissement productif, pour lequel les délais d’agrément et de mise en œuvre sont plus longs. La prorogation d’un an proposée à l’article 43, assortie par ailleurs de nombreuses conditions difficilement tenables, n’y changera rien. À ce jour, les investissements soutenus par la défiscalisation sont en chute libre : - 20 % en deux ans pour l’investissement productif. Je déposerai donc plusieurs amendements lors de la discussion des articles non rattachés afin de proroger l’ensemble de ces dispositifs jusqu’en 2025 ; j’espère que vous serez nombreux, mes chers collègues, à soutenir cette initiative…

Madame la ministre, quelle alternative propose le Gouvernement après 2018 à la défiscalisation et au crédit d’impôt, pour soutenir l’aménagement du territoire, le développement économique et la création d’emplois outre-mer à hauteur de près de 850 millions d’euros – coût cumulé des sommes consacrées aux principaux dispositifs de défiscalisation en 2015 ?

J’avoue être satisfait de l’ensemble du budget, sauf sur ce sujet précis. S’il n’y a pas de réponse positive pendant notre débat, je me verrai obliger de donner un avis défavorable à ce budget. Mais j’espère que je n’aurai pas à le faire ; la nuit est à nous !

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Dans un contexte budgétaire contraint, la stabilité du budget des outre-mer est une bonne nouvelle, puisque nous constatons une stabilité globale du budget de la mission « Outre-mer », qu’il s’agisse des crédits, des dépenses fiscales ou de l’effort financier total de l’État.

Plusieurs avancées sont concrétisées par ce budget, en particulier l’augmentation des crédits affectés à la formation professionnelle et aux contrats de plan État-région, le rétablissement de la contribution de l’État au financement du régime de solidarité de la Polynésie française – combat extrêmement important de nos amis polynésiens –, le maintien des crédits alloués au service militaire adapté et la création d’un dispositif de continuité funéraire.

Au-delà de la mission « Outre-mer » stricto sensu, les mesures de réduction du coût du travail en outre-mer – CICE « outre-mer » au taux de 9 %, « équivalent CICE renforcé » pour les secteurs exposés et allégement national de cotisations familiales – offrent un panel de réductions de charges intéressant.

Des réserves existent néanmoins. Tout d’abord, à la différence des crédits de paiements, les autorisations d’engagement diminuent de 14 millions d’euros. C’est selon moi un mauvais signal pour le budget de la mission à moyen terme.

Par ailleurs, les exonérations de charges sociales subissent un coup de rabot. Pour compenser les augmentations de crédits du programme 123, il est prévu une réduction des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer ». Ce coup de rabot représente 75 millions d’euros sur les exonérations de charges patronales. Le Gouvernement réduit les exonérations sur les salaires les plus élevés, on peut le comprendre, mais ce choix fait courir des risques. Premièrement, cela peut conduire à ce que l’on néglige le besoin d’encadrement des entreprises, qui est fondamental. Deuxièmement, cela peut créer une trappe à bas salaires. Enfin, cela peut remettre en cause la dynamique des TPE et des PME qui, je le rappelle, représentent 51,5 % de la valeur ajoutée dans les outre-mer, contre 31,5 % en métropole.

Le Gouvernement aurait pu envisager une solution économiquement plus équilibrée à dépenses constantes. La proposition consisterait à conserver ces exonérations à leur niveau actuel dans les secteurs prioritaires, en compensant par le report de la montée en charge du CICE « outre-mer » de 7,5 % à 9 % pour les secteurs non prioritaires – les grandes surfaces commerciales par exemple n’ont pas besoin d’une augmentation du CICE à 9 %. Cela permettrait de renforcer et favoriser les secteurs prioritaires et surtout de conforter le développement endogène.

Notre collègue Ollier a soulevé une question essentielle : quel sera le devenir des dispositifs d’avantages fiscaux tels que la défiscalisation des investissements productifs et du logement ou le crédit d’impôt créé en 2015 en faveur des investissements productifs et du logement social ? Il faut le saluer, le PLF aménage favorablement l’extinction de certains de ces dispositifs fin 2017. Toutefois, il ne règle pas la question du devenir, après 2017, de ces dispositifs pourtant déterminants pour les entreprises d’outre-mer et la politique du logement social. Je présenterai donc un amendement à l’article 43 – non rattaché – du présent PLF pour repousser l’extinction de ces dispositifs à 2025.

C’est très important : je suis partisan du maintien de la ligne budgétaire unique telle quelle tout en ayant un dispositif de défiscalisation dont les ressources financières ne sont pas contraintes par les enjeux budgétaires de l’État – je veux parler du crédit d’impôt que vous voulez substituer progressivement à la défiscalisation.

Il est nécessaire de développer la logique de développement endogène, je ne cesse de le répéter, notamment dans les zones franches. Il faut en proroger le régime au-delà de 2017 et repenser leur fonctionnement pour les centrer sur filières économiques locales : c’est là un sujet dont on ne parle pas suffisamment, à l’instar de l’avenir de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM). Nous sommes actuellement sur une logique de zones franches globales ; ne faudrait-il pas en revenir à une politique « zonale », autrement dit de zones franches parfaitement ciblées ? Cela semble une démarche logistique susceptible de relancer des filières économiques essentielles pour nos pays.

L’aide au fret pourrait être étendue aux échanges régionaux. Je regrette que nous soyons obligés d’utiliser l’aide au fret pour importer des intrants qui viennent de 8 000 kilomètres, et pas de la zone géographique indiquée.

Sur le logement, il existe une inquiétude liée à la baisse de 9 millions d’euros des crédits de paiement de l’action « Logement » du programme 123. Il est nécessaire de renforcer les incitations à construire, mais aussi à réhabiliter les logements en outre-mer. Aujourd’hui, le dispositif de réhabilitation fonctionne pour les logements sociaux HLM, mais pas dans le cadre des logements privés. Il serait important de le faire, d’autant plus que le plan logement outre-mer, annoncé par le Gouvernement, est une très bonne nouvelle. Pour ce qui concerne enfin l’habitat indigne, nous avons fait voter une loi très importante, qui a été récemment modifiée. Le PLF devrait en tenir compte et mettre les moyens nécessaires.

En dépit de ces réserves, le présent projet de budget de la mission « Outre-mer » pour 2016 est globalement satisfaisant. Je suis donc favorable à son adoption.

M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements d’outre-mer. Je ne reviendrai pas sur la présentation des crédits de la mission « Outre-mer » qui vient d’être faite.

D’entrée de jeu, je tiens à signaler que les prisons sont devenues de véritables passoires. La drogue, l’argent et les armes circulent au vu et au su de tous, ce qui augmente considérablement les suspicions et le degré d’insécurité. Malgré les améliorations apportées, la promiscuité et l’insalubrité sont pointées du doigt par tous les observateurs y compris les tribunaux. Mon rôle n’est pas d’accuser mais de rappeler les retards accumulés générateurs de désagréments supplémentaires.

Dans le cadre de l’avis sur les crédits pour 2016 relatifs aux départements d’outre-mer, j’ai souhaité prolonger les travaux que j’avais initiés en 2012 et procéder à une évaluation de l’accès au droit et à la justice en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à la Réunion.

Retenons que les crédits consacrés à l’accès au droit et à la justice ont augmenté de 8 % depuis 2013. Plus généralement, les crédits consacrés à la justice judiciaire se sont accrus de 35 % depuis 2008.

Globalement on constate un meilleur fonctionnement de l’aide juridictionnelle avec un nombre de dossiers admis de l’ordre de 16 % depuis dix ans.

En ce qui concerne le maillage territorial de l’accès au droit et à la justice, chaque territoire compte un centre départemental d’accès au droit.

Pour ce qui est des maisons de la justice et du droit, un nouvel établissement devrait prochainement voir le jour en Guadeloupe.

Enfin, je signale l’existence de sept points d’accès au droit dans les établissements pénitentiaires et la création d’un nouveau à destination des jeunes et des familles de détenus en Martinique. Ces initiatives doivent être poursuivies et étendues aux autres départements d’outre-mer.

En revanche, il faut déplorer la disparition du point d’accès au droit itinérant qui existait en Guyane.

Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, pour quelles raisons ce PAD a disparu ? A-t-il été remplacé par d’autres acteurs susceptibles de permettre un accès au droit aussi efficace ? Pourquoi les PAD itinérants n’ont-ils pas été développés dans les autres départements d’outre-mer ?

Je tiens également à souligner les efforts accomplis pour rendre la justice plus accessible. Le maillage juridictionnel a été largement étoffé, notamment sous l’effet de la réforme de la carte judiciaire.

Un pôle de l’instruction a été créé dans chaque département d’outre-mer, tandis que la Guyane et la Guadeloupe se sont vues dotées d’une chambre et d’un greffe détachés de leur tribunal de grande instance respectif.

Par ailleurs, Mayotte dispose désormais d’une chambre d’appel détachée de la cour d’appel de La Réunion et devrait se voir enfin attribuer un tribunal mixte de commerce, un conseil des prud’hommes et un tribunal paritaire des baux ruraux. À propos de Mayotte, pouvez-vous m’indiquer à quelle échéance pourrait être envisagée la création d’une cour d’appel dédiée à ce territoire ? La fusion annoncée du tribunal de la sécurité sociale et du tribunal du contentieux de l’incapacité, au sein d’un pôle social du tribunal de grande instance, va-t-elle être accompagnée d’une augmentation des moyens et du personnel du tribunal de grande instance ?

Enfin, la surpopulation carcérale à laquelle sont confrontés les départements d’outre-mer est un obstacle à l’accès au droit et à la justice. Or l’augmentation de 32 % des emplois de l’administration pénitentiaire depuis 2007, si elle a permis de renforcer l’exécution des peines en milieu ouvert, n’a pas su mettre un terme au phénomène de surpopulation carcérale qui touche l’ensemble des outre-mer, exception faite de La Réunion : le taux d’occupation moyen des établissements pénitentiaires est de 116 %.

Dans ces conditions, je regrette l’absence de centre de semi-liberté, absence qui constitue une entrave majeure à l’aménagement des peines d’emprisonnement en milieu ouvert. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer combien de places seront consacrées à la semi-liberté dans ces territoires dans les trois prochaines années ? Plus largement, où en est le projet de construction d’un centre de semi-liberté en Martinique, ainsi que le projet de reconstruction de la maison d’arrêt en Guadeloupe ?

Madame la ministre, vos réponses sont très attendues je vous remercie de votre écoute.

M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les terres australes et antarctiques françaises. Madame la ministre, chacun connaît le contexte national difficile que notre pays traverse dans ses finances. Le Gouvernement a tenu à accompagner les collectivités d’outre-mer dans leur développement. En effet, le budget 2016 de la mission « outre-mer » a été malgré tout maintenu. Il apporte des réponses concrètes à de nombreuses attentes de nos concitoyens ultramarins. C’est pourquoi je tiens d’abord à saluer cet effort de la nation à l’égard de ses entités ultramarines.

L’examen de la mission « Outre-mer » pour 2016 est l’occasion pour nous de dresser un bilan des enjeux institutionnels, économiques, sociaux, environnementaux et sécuritaires auxquels font actuellement face les différentes collectivités d’outre-mer ainsi que la Nouvelle-Calédonie.

Je tenais à ce propos à saluer le travail remarquable sur les collectivités d’outre-mer qui a été réalisé par mon prédécesseur, M. René Dosière, en tant que rapporteur de cette mission les années précédentes. Il avait mis l’accent l’an dernier sur la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. En effet, les enjeux institutionnels et politiques de la Nouvelle-Calédonie, bien connus, l’y invitaient fortement, d’autant plus que cette collectivité sui generis est dans le processus de devenir un pays souverain.

Cette année, le contexte se présente différemment puisque la loi organique du 5 août 2015 a précisé les modalités d’organisation des rendez-vous d’autodétermination qui se succéderont à partir de 2018. Désormais l’actualité porte sur la crise économique qui frappe le territoire calédonien, particulièrement la filière nickel, qu’il convient de sauver en définissant une vraie stratégie du nickel afin de ne pas plomber toute l’activité du territoire, qui en est tributaire.

De même, la Polynésie française était encore dans une phase délicate sur le chemin de son redressement, la situation financière et budgétaire était très fragile. Le développement de la collectivité se trouvait à bout de souffle. Il fallait une réflexion et des sérieuses propositions à cet égard.

Madame la ministre, cette année, dans la mission « Outre-mer », j’ai voulu traiter à égalité toutes les collectivités sises outre-mer. Dans le bref temps de parole qui m’est imparti, je me contenterai de poser quelques questions parmi les plus prégnantes pour chacun de ces territoires.

D’abord, malgré un contrat de développement avec l’État prévoyant une dotation annuelle de 80 millions d’euros par an, il a été mis à la disposition de ce territoire environ 55 millions d’euros par an. Et cette situation semble se prolonger encore en 2016, dernière année d’exécution de la convention 2011-2015 prolongée au 31 décembre 2016.

Pourriez-vous, madame la ministre, expliquer les raisons de cette sous-exécution du contrat de développement de la Nouvelle-Calédonie ? Cette situation ne risque-t-elle pas de voir se gripper le second moteur de la croissance calédonienne, si d’aventure la crise du nickel perdurait, et mettre ainsi le territoire dans une situation difficile à la veille d’échéances importantes ?

S’agissant de la collectivité de Saint-Martin, comment renforcer la coopération entre les parties française et hollandaise de cette île, afin de permettre à la première de mieux contrôler l’éligibilité et l’authenticité des bénéficiaires du RSA à un moment où l’exécutif de cette collectivité est décidé à prendre des mesures courageuses pour stopper la spirale à la hausse du volume de cette dépense ?

À Saint-Martin, il est signalé un souci majeur dans le recouvrement des impositions locales. Comment l’État compte-t-il accompagner cette collectivité pour mettre sur pied rapidement un cadastre fiable qui permette de lever correctement l’impôt, tâche qui incombe à l’État ? Saint-Martin, comme la plupart des collectivités d’outre-mer, connaît une situation budgétaire et financière fragile. C’est pourquoi il est vital d’avoir une visibilité sur les outils de soutien à l’activité, comme cela a déjà été dit, et nous serons attentifs aux propositions du Gouvernement en ce sens.

À Wallis-et-Futuna, la situation en matière d’accès aux soins est préoccupante, compte tenu de son adossement au plateau technique de Nouméa et des relations financières difficiles qui le régissent. Quelle solution pérenne le Gouvernement entend-il mettre en place pour rassurer les Wallisiens sur leur droit à l’accès aux soins ?

La situation budgétaire de la Polynésie se redresse lentement mais sûrement avec l’effort conjugué, en responsabilité, de l’État et du nouvel exécutif polynésien, et je m’en réjouis. Cependant la question de la matérialisation de l’accompagnement post-nucléaire semble constituer, trente ans après, un point de crispation entre l’État et les élus Polynésiens : quelle réponse l’État apporte aux engagements pris sur ce sujet devant les Polynésiens, notamment sur le niveau de la dotation globale d’autonomie ?

Nos collectivités d’outre-mer connaissent des disparités géographiques, démographiques, économiques et sociales, mais elles ont pour dénominateur commun l’exposition à de véritables dangers climatologiques et environnementaux. La conférence sur le climat à Paris – COP21 – est l’occasion de nous alerter sur les enjeux planétaires. Cet après-midi, la délégation à l’outre-mer a adopté son rapport sur le changement climatique outre-mer. Les enjeux, les attentes des outre-mer sont fortes – je pense à Saint-Pierre et Miquelon, mais pas uniquement. Le programme 123 contient des mesures pour faire face aux risques naturels et la préservation de la biodiversité, madame la ministre, les crédits prévus à cet effet sont-ils à la hauteur des enjeux ?

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Ce moment d’échange sur la politique à mener pour les outre-mer m’apparaît particulièrement important. C’est l’occasion d’un dialogue franc et sincère sur nos objectifs et nos priorités.

Comme les rapporteurs l’ont signalé, le budget 2016 est marqué par un effort sans précédent de maîtrise des dépenses publiques. Tous les ministères ont dû participer à la nécessaire diminution du déficit public. Et ceux dont les moyens humains ou budgétaires ne diminuent pas sont en première ligne dans la lutte à mener pour la sécurité de nos concitoyens, la justice, l’éducation, l’emploi, et une meilleure intégration d’une partie de la jeunesse dans les quartiers – c’est-à-dire ce qui concerne la politique de la ville.

Dans ce contexte très tendu, nous nous félicitons d’avoir pu protéger les crédits de paiement du ministère des outre-mer à 2,18 milliards au titre du PLF 2016, contre 2,17 milliards en loi de finances initiale pour 2015. Cela montre bien le respect des engagements du Président de la République et du Premier ministre en ce qui concerne le soutien de l’État aux outre-mer. C’est particulièrement net dans la mesure où nous avons pu préserver l’investissement des entreprises en conservant les moyens budgétaires nécessaires pour accompagner le développement des territoires, la commande publique, et développer une politique volontariste dans le domaine de la formation des jeunes tout en essayant de répondre aux problèmes de nos concitoyens dans celui du logement.

Gouverner, c’est fixer des priorités et faire des choix. C’est exactement ce que nous avons voulu faire dans ce budget, et nous avons choisi, dans le cadre de crédits stabilisés, de conserver au maximum les moyens d’intervention du ministère dans le respect des partenariats que nous entretenons avec les élus et les collectivités locales. À chaque fois que la commande publique fléchit ou que les entreprises ont un carnet un peu trop léger, on se tourne vers nous en faisant valoir que les entreprises ont besoin de l’effet d’entraînement des crédits de l’État pour travailler. Nous avons donc privilégié, dans nos choix, la sauvegarde des moyens d’action du ministère des outre-mer.

C’est un budget de relance de l’investissement et de la commande publique. Comme je l’ai annoncé avec ma collègue Sylvia Pinel, nous avons voulu préserver les politiques qui concernent le logement dans l’outre-mer. C’est ainsi que le maintien des crédits de la ligne budgétaire unique à 247 millions d’euros en autorisations d’engagements au titre de l’année 2016 montre que les moyens consacrés au logement social resteront à la hauteur des enjeux et de nos engagements.

Pour tenir compte des alertes lancées par les organismes, nous avons aussi voulu améliorer la situation pour que ceux qui s’engagent dans la rénovation du parc locatif ancien dans le cadre de la politique de la ville puissent disposer de moyens à la hauteur de leurs besoins. Nous avons donc obtenu l’extension du crédit d’impôt défiscalisation, s’agissant du logement social, aux opérations de rénovation des logements locatifs sociaux de plus de vingt ans situés dans les zones éligibles à la politique de la ville. C’est un vaste champ d’application de la mesure, car il sera ainsi possible de couvrir la remise aux normes techniques des bâtiments, mais également de prendre en compte la protection antisismique ainsi que le désamiantage, autant de contraintes qui peuvent parfois alourdir significativement la facture.

Nous savons que l’aide de l’État, actuellement plafonnée à 20 000 euros par logement, apporte une première réponse à l’insuffisance des fonds propres des bailleurs sociaux qui doivent faire face au défi exceptionnel que constitue le vieillissement de leur patrimoine. Évidemment, certains nous disent que ce n’est pas suffisant et qu’il faut faire mieux. Nous pouvons voir comment améliorer les choses, mais vous savez que nous devons travailler dans le respect d’une enveloppe définie. Quand on fait bouger les curseurs, il n’est pas évident que l’on ne soit pas obligé de renoncer à quelque chose auquel nous tenons afin d’améliorer telle ou telle ligne.

Nous avons aussi à faire en sorte que les obstacles qui peuvent empêcher la réalisation de ces logements soient levés les uns après les autres. Nous savons que l’utilisation de l’aide fiscale à l’investissement pour la construction d’immeubles destinés à du prêt locatif social est désormais plus difficile, dans la mesure où ce type d’opération doit obligatoirement être financé par des subventions de la LBU alors que ce n’était pas le cas précédemment. Au congrès de l’Union sociale pour l’habitat, nous avons indiqué que nous allions réunir un groupe de travail pour faire des propositions d’améliorations et de simplifications de la liste des pièces nécessaires pour compléter les dossiers de défiscalisation dans le domaine du logement social. Les organismes s’étaient plaints du nombre de pièces exigées et de la difficulté à produire certains justificatifs. Du coup, bon nombre de dossiers ne sont pas totalement bouclés au moment de présenter la demande de défiscalisation. Or la défiscalisation est pratiquement un préalable pour ces dossiers… Nous allons donc travailler ensemble pour éviter que la liste des pièces demandées change sans que le ministère des outre-mer ne soit parfaitement associé.

Par ailleurs, ce budget prévoit le maintien des enveloppes consacrées à la politique contractuelle, avec plus de 160 millions d’euros d’autorisations d’engagement. Et je me réjouis de voir que nous avons soit signé les contrats de plan État-région, soit nous sommes en bonne voie pour le faire et le protocole précédent a été signé. Je répète que nous avons la volonté d’accompagner toutes les collectivités avec détermination.

J’en profite également pour rassurer les élus de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie : il n’y aura pas d’année blanche dans l’exécution des contrats de développement.

Nous avons aussi préservé un autre outil particulièrement important au programme 123, il s’agit des 40 millions d’euros au titre du fonds exceptionnel d’investissement créé par le Président de la République en 2012, et des presque 30 millions d’euros de crédits dédiés à la bonification des prêts concessionnels consentis par l’AFD aux collectivités. Lorsque les taux que la collectivité obtient sur les marchés sont trop élevés, l’AFD intervient pour les améliorer.

Je considère donc que les arbitrages sur lesquels nous avons construit ce budget ont été favorables aux outre-mer.

Le soutien à la commande publique au service du développement des territoires se traduit aussi par l’appui apporté par l’État pour la construction d’équipements scolaires. Les enveloppes dédiées à La Guyane et à Mayotte sont bien évidemment maintenues au titre du budget 2016 : 10 millions d’euros chacune. Le programme 123 bénéficie également des crédits affectés aux constructions scolaires dans le second degré en Nouvelle-Calédonie : 12 millions d’euros. À cet égard, nous avons significativement amélioré la consommation de ces crédits à Mayotte, en travaillant directement avec les communes et en faisant appel à des constructions modulaires. Compte tenu du nombre de bâtiments à construire, il était clair que nous n’arriverions pas à nous en sortir en procédant autrement.

Dans le Pacifique, nous avons budgété les 12 millions d’euros de mesures nouvelles qui correspondent au retour de l’État au soutien de la politique de protection sociale en Polynésie française. Cette mesure était très attendue par les élus depuis l’année dernière.

Un mot, enfin, sur la politique de continuité territoriale. L’année dernière, face à l’évolution de l’aide à la continuité « tous publics » qui menaçait d’absorber la totalité des crédits, nous avons réagi. En 2015, nous avons clairement réservé la priorité au passeport mobilité emploi et à tout ce qui concerne la mobilité pour formation : nous considérons en effet que le plus important pour l’avenir des outre-mer, c’est de permettre aux jeunes et aux adultes d’acquérir des connaissances et des aptitudes professionnelles. Le dispositif a été complété en 2015 afin de donner la possibilité aux parents d’un enfant malade de l’accompagner lorsqu’il doit être évacué dans le cadre sanitaire. Une expérimentation a été menée au cours de l’année 2015 ; nous nous sommes rendu compte qu’un coup d’arrêt indiscutable était mis à l’augmentation exponentielle de ces crédits, notamment à La Réunion. Nous ferons le bilan et nous verrons comment faire évoluer le dispositif.

Mais nous avons également intégré dans l’aide à la continuité une autre attente forte de nos concitoyens. Les familles endeuillées, notamment celles qui résident en métropole, pouvaient autrefois bénéficier d’une aide lorsqu’elles devaient rapatrier un corps au pays, ou s’y rendre pour assister aux obsèques. Cette aide avait été supprimée en 1993 ; nous avons décidé de la rétablir dans le budget de cette année. L’État accompagnera, sous condition de ressources, les familles qui ont besoin de partir en outre-mer du fait du décès d’un parent direct ; nous prendrons également en charge une partie des frais de rapatriement des corps, qui peuvent atteindre des montants considérables auxquels les familles doivent faire face sans l’avoir toujours prévu.

Bien évidemment, le budget de la continuité territoriale ne diminue pas : il s’élève à près de 33,6 millions d’euros, en nette progression par rapport aux 32,3 millions qui figuraient dans la loi de finances initiale pour 2015. Je précise que l’aide à la continuité funéraire s’appliquera aussi en Polynésie et dans les collectivités d’outre-mer, puisqu’ils sont eux aussi exposés à faire face à des frais considérables lorsque survient un décès.

Les moyens d’action du ministère pour le programme 138 « Emploi outre-mer » sont eux aussi préservés. Nous avons notamment réaffirmé notre soutien au SMA, dont l’action est extrêmement utile pour les jeunes des outre-mer. Nous maintenons les moyens qui permettront de remplir l’objectif « SMA 6 000 » sur le quinquennat, avec un accueil de stagiaires en plus grand nombre et un taux d’insertion consolidé.

L’année 2016 sera également celle du changement de statut de l’agence de l’outre-mer pour la mobilité, que nous avons voté précédemment ; nous espérons qu’en tant qu’opérateur public, elle confortera la montée en puissance du transfert des crédits de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, et continuera d’apporter un accompagnement utile et efficace pour nos jeunes ultramarins, leur permettant d’accéder à une qualification et un emploi.

L’an dernier, nous avons lancé un programme de soutien et d’accompagnement des TPE ; les initiatives prises – aide au premier emploi, accompagnement de l’économie sociale et solidaire – seront amplifiées cette année. Des moyens financiers supplémentaires ont été dégagés grâce à la convention du 30 septembre 2014 signée avec la Caisse des dépôts et consignations. Nous poursuivrons dans cette voie avec la toute nouvelle agence de développement économique des territoires France Entrepreneur, lancée il y a quelques jours.

Nous comptons beaucoup sur la mobilisation des réseaux au service de la création d’emplois dans le secteur associatif : ce sont autant d’ouvertures pour une politique novatrice et adaptée aux besoins des outre-mer.

En matière d’emploi, des efforts particulièrement intéressants sont faits en Martinique et en Guadeloupe.

Beaucoup d’aides ont été mises en place, mais nous avions l’impression qu’elles ne donnaient pas les résultats attendus, notamment en termes d’embauches de jeunes. Le préfet de la Martinique a donc pris l’initiative de nommer des médiateurs économiques : ce sont des jeunes qui se rendent dans les petites entreprises pour expliquer aux entrepreneurs les aides auxquelles ils peuvent prétendre, et comment s’y prendre pour déposer un dossier. Car si beaucoup de chefs d’entreprise ne faisaient pas de démarches, c’est parce qu’ils ignoraient quelles étaient les aides proposées ou parce qu’ils ne savaient pas comment remplir le dossier. Dès lors, les aides n’étaient pas utilisées pleinement.

En Guadeloupe, un pacte pour l’emploi des jeunes a été signé entre le MEDEF et l’État. Le constat est là encore que beaucoup d’aides existent, mais que les chefs d’entreprise ont du mal à s’y retrouver : l’idée est donc de créer un guichet unique de dépôt des dossiers, guichet qui indique aussi au chef d’entreprise combien il devra vraiment débourser pour embaucher. Cette expérience va être menée.

Ces deux démarches me semblent particulièrement utiles : des crédits sont là, des dispositifs existent ; encore faut-il que les chefs d’entreprise les comprennent et s’en saisissent. Nous devons les épauler.

Notre effort d’aide à la création d’emplois se maintient donc. Pour équilibrer ce budget, nous avons toutefois dû opérer des choix.

Nous n’avons pas voulu répartir de la même façon les économies nécessaires sur chaque ligne budgétaire – rogner un peu de LBU, ôter quelques crédits au SMA… – au risque de rendre notre politique illisible. Nous avons préféré faire porter l’effort sur le dispositif des exonérations de charges.

Nous avons donc poursuivi la rationalisation des exonérations, en les recentrant sur les bas salaires. J’entends bien que ce n’est pas forcément ce qui était attendu des entreprises, mais les rapports des différents corps d’inspection et de la Cour de comptes montrent bien que l’effet incitatif de la baisse des charges s’estompe avec l’élévation du salaire : supprimer ou diminuer les charges sociales est efficace pour les salaires modestes, jusqu’à deux SMIC environ. À partir de trois SMIC, l’effet est nul : ce que recherchent alors les chefs d’entreprise, c’est une compétence, une qualification, et ils sont prêts à y consacrer les moyens nécessaires.

Nous avons également voulu préserver les TPE et PME, qui constituent l’immense majorité des entreprises ultramarines, et des entreprises qui embauchent sur place. Les entreprises de moins de onze salariés conserveront donc le bénéfice de l’aide à 100 % jusqu’à 1,4 SMIC, contre 1,3 pour les autres, et du dispositif dégressif jusqu’à 2,3 SMIC, montant qui me semble tout à fait raisonnable.

Par ailleurs, nous avons beaucoup insisté l’an dernier sur le problème des secteurs exposés à la concurrence, en particulier l’hôtellerie. Ces entreprises bénéficieront en 2016 d’exonérations renforcées, comme nous nous nous y étions engagés.

Nous aurons ainsi en 2016 une nouvelle baisse du coût du travail outre-mer. Le CICE atteindra 9 % au 1er janvier prochain, et les cotisations patronales d’allocations familiales baisseront à la fin du premier trimestre. Au total, ces mesures se montent à 200 millions d’euros, qui bénéficieront aux entreprises ultramarines.

C’est pourquoi, monsieur le rapporteur spécial, je ne suis pas d’accord avec vous sur les avantages accordés aux entreprises ultramarines : celles-ci bénéficient bien d’un CICE à 9 %, contre 6 % en métropole. Le Gouvernement prend ainsi en considération la situation particulière des entreprises ultramarines. L’allégement supplémentaire ainsi obtenu du coût du travail n’a pas besoin d’être supporté par le budget de la mission « Outre-mer ».

L’aide fiscale à l’investissement représente une dépense fiscale supérieure à 800 millions d’euros ; elle permet l’investissement, chaque année, de plus de 2 milliards d’euros dans les départements et collectivités d’outre-mer. Le Gouvernement n’entend pas revenir sur le soutien apporté à l’acquisition et au renouvellement des moyens de production outre-mer : les entreprises ultramarines sont confrontées à des handicaps structurels, reconnus, bien identifiés par l’Union européenne ; l’aide fiscale à l’investissement est un outil fondamental pour les compenser. Chacun le comprend ; nous en avons encore parlé récemment à nos interlocuteurs bruxellois.

Nous rencontrions toutefois une difficulté technique : le droit national fixe la fin de ce dispositif au 31 décembre 2017. Cela a une conséquence pratique : de nombreux dossiers, qui seront soumis à agrément durant les derniers mois du dispositif, risquent d’être bloqués. Afin de répondre à cette difficulté, nous avons donc prévu dans l’article 43 du projet de loi de finances un dispositif transitoire. Nous espérions ainsi, en précisant en particulier que les dossiers pourraient être déposés jusqu’à la fin de l’année 2017, avoir clarifié les conditions dans lesquelles il serait possible d’investir outre-mer au cours des deux prochaines années.

Cet article, à nos yeux plutôt intéressant, a toutefois fait naître une inquiétude : puisqu’il était possible de déposer des dossiers jusqu’au 31 décembre 2017, fallait-il entendre que le dispositif ne s’arrêterait qu’en 2018 ?

Christian Eckert et moi-même avons donc travaillé avec les élus et les socioprofessionnels ; nous avons pris la décision de faire évoluer le dispositif dès cette année afin de donner aux entreprises ultramarines une plus grande visibilité sur ce qui se passera après 2017. Bien sûr, nous avions déjà une idée précise de ce que nous allions proposer, mais nous souhaitions procéder à une concertation approfondie. Toutefois, pour éviter de nourrir les inquiétudes, nous avons décidé de poser d’ores et déjà les bases du nouveau dispositif. Cela permettra de clarifier nos intentions. Il est évident que personne n’entend suspendre les aides aux entreprises ultramarines : le chômage de masse frappe durement les territoires, ce qui rend d’autant plus indispensable d’aider ces entreprises à surmonter leurs handicaps structurels.

Le mécanisme retenu distingue les collectivités dotées de l’autonomie fiscale des autres.

Dans les premières, où nous ne pouvons pas utiliser le mécanisme du crédit d’impôt, nous devons conserver les mécanismes de défiscalisation classiques, pour le logement social comme pour l’investissement productif. Nous maintiendrons donc le dispositif existant, sans pour autant nous interdire de réfléchir à des évolutions de ses modalités de fonctionnement – je pense par exemple à la possibilité de déconcentrer la décision – ou de renforcer les contrôles. Si nous voulons sauvegarder ce dispositif, il nous faut éviter d’attiser les critiques et donc donner des gages de sérieux.

Dans les collectivités qui relèvent de la fiscalité de droit commun, en revanche, nous pourrons associer la défiscalisation à une généralisation du mécanisme de crédit d’impôt : celui-ci s’appliquera désormais à l’ensemble du secteur du logement social. Dans le secteur de l’investissement productif, le crédit d’impôt sera étendu aux opérations réalisées par les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 20 millions d’euros, seuil actuellement en vigueur. La défiscalisation classique sera maintenue pour les investissements d’un montant inférieur au seuil d’agrément.

Ces informations permettront aux acteurs économiques d’y voir plus clair : le dispositif actuel ne sera pas simplement prorogé ; il sera modernisé, en tenant compte des imperfections constatées aujourd’hui, et calé sur les différentes géographies ultramarines.

Cette annonce est importante, car de nombreuses questions s’étaient fait jour depuis l’an dernier. Ce dispositif sera à même, me semble-t-il, d’assurer le développement économique des territoires, ainsi qu’une bonne articulation de nos dispositifs fiscaux avec les besoins et les attentes des entreprises.

Le contexte financier national et européen est, nul ne l’ignore, extrêmement contraint. Ce budget concilie l’impératif de réduction des dépenses publiques et la volonté, réaffirmée par le Président de la République, de faire des outre-mer une chance pour la France. Cet exposé liminaire visait à répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées : j’espère, monsieur le rapporteur spécial, que vous voilà rassuré.

Vous avez également, monsieur Ollier, évoqué le resserrement des exonérations de cotisations sociales, traité, comme cela se doit, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. M. Letchimy a également abordé cette question. Je m’en suis expliquée.

Nos choix n’auront pas d’incidence négative sur l’économie ; ce qui importe aujourd’hui, j’en suis persuadée, c’est que les chefs d’entreprise apprennent à connaître et à utiliser les aides qui leur sont destinées.

S’agissant de l’aide au fret, il nous est difficile de l’étendre : les trajets régionaux ne peuvent recevoir les mêmes financements que les trajets entre la métropole et les outre-mer. Il faudra trouver une autre solution ; aujourd’hui, je ne vois pas laquelle.

M. Marie-Jeanne a souligné les problèmes majeurs des prisons outre-mer. La modernisation et la mise aux normes sont extrêmement en retard, le nombre de places très insuffisant, et du coup le taux de suroccupation relativement élevé.

Un rapport a pris la mesure du problème, et le ministère de la justice a mis en chantier certaines réhabilitations urgentes – on se souvient que la prison du Camp Est en Nouvelle-Calédonie a été appelée « la honte de la République ». Des efforts considérables ont été également été faits à Mayotte.

Il nous faut maintenant hiérarchiser les investissements. Je n’ignore pas les mouvements d’humeur des personnels pénitentiaires des Antilles : nous y sommes extrêmement attentifs. Mais nous sommes dans une perpétuelle course-poursuite entre la construction de places et l’augmentation du nombre de personnes placées en détention.

Le développement des aménagements de peine et des peines alternatives est l’une des clés du problème. Mais cela suppose de pouvoir faire appel à des associations à même de prendre en charge les détenus concernés. C’est un gros travail, auquel Christiane Taubira s’attelle avec beaucoup de détermination. Nous avons également rouvert un centre pour mineurs en Guadeloupe.

Nous travaillons avec le Défenseur des droits pour améliorer les situations qui méritent de l’être. L’aide juridictionnelle va, vous le savez, être réformée pour permettre un meilleur accès de tous au droit.

Vous avez évoqué les centres de semi-liberté : je verrai, avec Mme la garde des sceaux, comment nous pouvons accélérer les projets en ce domaine. Ce sont des dispositifs très importants notamment pour les jeunes, à qui il faut permettre de sortir de la délinquance et de prendre au plus vite un meilleur chemin.

Nous comptons beaucoup sur le travail confiant entre les élus et les services de police et de gendarmerie, notamment au sein des comités de prévention de la délinquance. Vous faites vraiment là œuvre utile.

La création d’une cour d’appel à Mayotte va certainement dans le sens de l’histoire, mais il n’y a pas à ma connaissance de projet à court terme en ce sens. Il existe aujourd’hui une chambre d’appel détachée. Je verrai avec Mme Taubira ce qu’elle peut proposer dans des délais raisonnables.

Je crois avoir répondu aux questions que M. Aboubacar a posées sur la défiscalisation.

L’avenir de la filière nickel en Nouvelle-Calédonie est une question grave, et je sais que les élus travaillent d’arrache-pied pour essayer de la sauver. J’espère de tout cœur que nous y arriverons. Le contrat de développement a été prolongé. Il me semble que la Nouvelle-Calédonie a été traitée de façon très équitable.

En ce qui concerne la Polynésie française, nous avons réactivé la commission de suivi de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, qui n’avait pas encore été réunie : elle est maintenant installée, grâce à Mme Marisol Touraine. Elle suivra de près le fonctionnement et les actes de l’autorité indépendante – mais celle-ci, comme son nom l’indique, ne reçoit pas d’ordres… Nous pouvons souhaiter que les décisions prises soient plus satisfaisantes, et qu’il y ait davantage de reconnaissance pour les victimes. Il ne paraît pas nécessaire de changer la loi, mais d’en faire une interprétation plus compréhensive : vous n’ignorez pas que l’on peut indemniser une victime sauf si son exposition au risque est « négligeable » – et tout dépend de ce que l’on entend par ce mot. Il faudra regarder de près les décisions rendues.

Nous constatons aussi que le nombre de dossiers déposés est bien moindre que ce à quoi on pourrait s’attendre : il faut, là encore, voir avec les intéressés si une aide peut leur être apportée.

Nous allons bien évidemment respecter les engagements relatifs à la dette nucléaire.

Nous y sommes attentifs à la situation budgétaire de la Polynésie française. En raison de la baisse des dotations qui affecte les collectivités métropolitaines, vous savez que le budget de la Polynésie n’est plus, depuis l’an dernier, indexé sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) : c’est une situation favorable à ce territoire. Nous soutenons le régime de solidarité de Polynésie française (RSPF) et nous l’avons inscrit dans notre budget afin d’assurer son bon fonctionnement.

En ce qui concerne Saint-Martin, nous avons pris des mesures concernant le RSA. Vous soulignez à raison la nécessité d’améliorer le cadastre afin de lever l’impôt correctement. Nous avons constaté une certaine nervosité de la population : nous devons nous montrer vigilants.

Un mot enfin sur la COP21 et la biodiversité. La Conférences des parties pourra créer une prise de conscience : 80 % de la biodiversité française est outre-mer, beaucoup de solutions innovantes aussi ; c’est grâce aux outre-mer que la France se retrouve avec un domaine maritime immense, et nous savons le rôle majeur des océans dans la lutte contre le réchauffement climatique. J’espère donc que les peuples pourront apprécier l’importance des outre-mer pour notre pays.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je commence par m’associer aux remerciements exprimés par Mme la ministre des outre-mer pour la qualité des rapports et des interventions.

Si je suis ici ce soir, c’est d’abord pour décevoir ceux qui voudraient imaginer une quelconque divergence entre Bercy et le ministère des outre-mer : les annonces qui viennent d’être faites par Mme la ministre expriment une position commune, issue d’un travail commun mené dans une ambiance cordiale comme dans le respect des règles qui s’imposent à tous. Nous faisons le point régulièrement sur les sujets qui posent question – car il est tout à fait légitime que des questions surgissent.

Je voudrais également apporter quelques précisions supplémentaires sur l’avenir, mais aussi sur le présent, de la défiscalisation.

Le Gouvernement souhaite avancer vers davantage de sécurité et de visibilité.

Nous sommes ici pour nous dire tranquillement les choses : il faut plus de sécurité pour tout le monde – pour les acteurs économiques des territoires concernés comme pour les utilisateurs des procédures de défiscalisation, qui sont des contribuables qui utilisent une partie de leur épargne pour investir. Quelques fruits abîmés ne doivent pas gâter l’ensemble de la récolte. Nous avons rencontré des difficultés, il ne faut pas se le cacher. Certains projets immobiliers n’ont pas été achevés dans les délais, certains n’ont pas été achevés du tout, alors que la défiscalisation avait déjà été mobilisée. Allons-nous demander aux contribuables concernés de rembourser ce qu’ils ont perçu ? Il est indispensable de sécuriser l’ensemble de la chaîne ; pour cela, il faut utiliser plus souvent des dispositifs de crédit d’impôt, comme l’a expliqué Mme la ministre tout à l’heure, en plein accord avec mon ministère comme – qui pourrait en douter une seule seconde ? – avec le Président de la République et le Premier ministre.

Nous devons aussi donner de la visibilité, c’est-à-dire permettre d’agir dans la durée. Nous vous proposerons, à l’article 43 de ce projet de loi de finances, de prolonger les dispositifs de crédit d’impôt jusqu’à l’année 2020. On peut toujours imaginer aller plus loin, mais c’est un délai qui paraît sensé ; une prolongation jusqu’en 2020 pour les programmes de logement, en particulier de logement social, ce n’est pas rien.

Pour ce qui est des dispositifs visant à favoriser l’investissement productif, nous vous proposerons une extension progressive du crédit d’impôt, dans le cadre de règlements et de pratiques qui ne changeront pas par rapport à la situation actuelle. Vous connaissez les problèmes qu’a pu poser la mise sous régime général d’exemption par catégorie (RGEC) d’aides européennes et nationales. Là encore, nous avons fait le choix de respecter les règles européennes, tout en restant souples, afin de permettre le prolongement des pratiques antérieures.

Ces mesures sont, je crois, de nature à rassurer tous les acteurs – ceux qui investissent comme ceux qui utilisent les fonds investis.

Quelques problèmes demeurent, que nous devrons régler ensemble. « C’est BQB », aiment à dire certains : c’est Bercy qui bloque… Je vous remercie, monsieur Ollier, d’être venu visiter nos services : vous avez pu constater que ce n’est pas toujours BQB, et que si certains dossiers n’aboutissent pas, c’est que certaines pièces, parfois fondamentales, manquent. Peut-on donner l’agrément à un dossier qui estime la viabilisation d’un terrain à 5 millions d’euros sans fournir le moindre justificatif ? Peut-on valider un dossier si nous ne recevons pas l’avis de tel ou tel ministère ? C’est ma responsabilité qui est engagée.

Il arrive qu’on me demande d’agréer une société, ou une opération, qui a déjà fait l’objet de plusieurs signalements par les fonctionnaires qui suivent ces dossiers, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale – que vous connaissez tous. Quand un fonctionnaire choisit de transmettre un dossier au parquet parce qu’il estime y trouver des manquements graves dans l’utilisation des deniers publics, et surtout quand ces signalements se multiplient à propos d’une même opération ou d’une même société, je ne peux pas passer outre ! Je ne citerai évidemment aucun nom, alors que je pourrais en donner plusieurs… Dans de telles situations, vous comprenez bien que l’argument de l’intérêt économique ou de l’emploi ne suffit pas pour pousser le Gouvernement – et plus précisément ma pomme, pardon de le dire comme ça – à accepter de telles opérations.

Je vous le dis dans les yeux : ces cas-là ne sont pas majoritaires. Quelques opérations non abouties pour des raisons diverses, tantôt bonnes, tantôt mauvaises, ne doivent pas empêcher un dispositif dont nous savons tous ici l’utilité de se mettre en place.

Si l’on vous fait part de difficultés sur un dossier, et que vous avez l’impression que c’est BQB, alors vous avez mon téléphone : nous regarderons ensemble ce qui se passe, avec nos équipes, avec nos cabinets. Je tenais à vous le dire pour éviter toute ambiguïté. Il y a, je l’ai dit, une étroite collaboration entre nos ministères, et je souhaite une étroite collaboration entre mon ministère et l’ensemble des acteurs économiques ultramarins.

Enfin, ce projet de loi de finances comporte d’autres dispositifs qui concernent les outre-mer. Je pense notamment au financement des collectivités territoriales. Celles-ci doivent contribuer au redressement des finances publiques. Le Gouvernement propose, à l’article 58, une évolution du calcul de la DGF allouée aux collectivités territoriales. Je vous invite à prendre connaissance de ces dispositions que nous avons construites afin de prendre en compte la spécificité des territoires ultramarins. Sur les 112 communes des DOM, 91 sont gagnantes, selon les estimations actuelles : globalement, elles devraient gagner 16,4 millions d’euros, ce qui fait une moyenne de 150 000 euros supplémentaires de DGF pour les communes concernées.

Cette réforme fait l’objet de débats nourris ; il serait à mon sens utile que chacun d’entre vous – députés de la nation, mais aussi représentants de vos territoires – se penche sur le détail des mesures proposées. Nous avons notamment cherché à tenir compte de la densité de la population, caractéristique qui m’a fortement impressionné lorsque je me suis déplacé par exemple en Guyane.

Voilà ce que je tenais à dire pour compléter les excellents propos de ma collègue.

M. Dominique Lefebvre, président. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

Mme Paola Zanetti. Madame la ministre, vous êtes parvenue, et nous ne pouvons que vous en féliciter, à obtenir que les crédits prévus pour la mission « Outre-mer » soient maintenus ; vous avez respecté le sérieux budgétaire en adoptant une ventilation un peu différente des crédits. Le maintien du niveau d’engagement financier de l’État est la preuve que les outre-mer, confrontés à des difficultés particulières, restent une priorité pour le Gouvernement.

En ce sens, l’accent mis sur les conditions de vie et la lutte contre la vie chère est fondamental. Les moyens du programme 123 sont significativement augmentés, ce qui permettra la mise en œuvre de politiques volontaires en matière de logement, d’éducation ou encore d’infrastructures. Il s’agit ici de permettre aux habitants des territoires ultramarins d’avoir la possibilité de vivre mieux.

Outre-mer peut-être plus qu’ailleurs compte tenu des chiffres du chômage, il est nécessaire de mettre en place une action déterminée pour encourager l’activité économique. Le programme 138 « Emploi outre-mer » met l’accent sur la compétitivité des entreprises, sur la qualification des salariés et sur la lutte contre l’exclusion, grâce notamment à un fort soutien apporté au service militaire adapté, qui permet aux jeunes en difficulté de prendre un nouveau départ en acquérant une vraie employabilité.

L’aide aux entreprises constitue un levier essentiel de la croissance et du soutien à l’emploi. Ces aides passent par des exonérations de cotisations patronales et par la montée en puissance du CICE.

Par ailleurs, la mobilisation des crédits en faveur de l’insertion professionnelle permettra une amélioration de la qualification des travailleurs.

J’aurais pu également évoquer les orientations fixées à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM).

Pour ces raisons, madame la ministre, et au-delà des questions que soulèveront mes collègues, le groupe socialiste, républicain et citoyen soutiendra ce budget.

M. Daniel Gibbes. J’ai l’impression de tenir, ce soir, des propos identiques à ceux que je tiens depuis 2012. Année après année en effet, j’accueille, comme sans doute de nombreux parlementaires réunis ici, les budgets consacrés à nos territoires ultramarins avec un sentiment partagé, entre dépit et soulagement.

Du soulagement d’abord, parce que pour l’année prochaine encore, le budget de la mission « Outre-mer » est préservé, alors même que nous traversons une période budgétaire particulièrement contrainte. Croyez bien, madame la ministre, que nous en avons tous conscience. Avec 2,018 milliards d’euros en crédits de paiement pour l’année 2016 – soit une augmentation inférieure à 1 % – le budget des outre-mer présente une relative stabilité par rapport aux années précédentes.

Comme l’an dernier, il apporte quelques réels motifs de satisfaction. J’aurai l’occasion de revenir plus dans le détail sur ces différents points lors de l’examen du texte en séance publique.

Mais ce soulagement, tout relatif, s’accompagne néanmoins du dépit de constater cette année encore combien votre budget manque cruellement d’ambition, ne serait-ce que dans ses fléchages. Plus globalement, la part allouée aux outre-mer dans le financement transversal ne permet aucunement à nos territoires de rattraper leurs injustes retards – dont la liste est longue – par rapport à l’hexagone.

Du dépit encore, en raison du flou autour de la fin annoncée des aides fiscales en faveur des investissements outre-mer. Ces aides répondent pourtant aux réalités ultramarines ; elles structurent et dynamisent nos économies en favorisant notamment la naissance de véritables filières et la valorisation de nos territoires. Afin de redonner une dynamique à nos économies locales en souffrance, et assurer ainsi la relance par l’investissement et la création d’emplois, il m’apparaît plus que nécessaire de proroger les aides fiscales en faveur des investissements outre-mer, comme l’a demandé entre autres M. le rapporteur spécial.

Je précise ici que j’ai bien entendu vos réponses, madame la ministre, ainsi que celles de M. le secrétaire d’État au budget : je suis donc rassuré sur l’avenir de la défiscalisation.

Du dépit sur d’autres aspects de votre budget : je m’interroge ainsi sur le recentrage des exonérations sur les bas et moyens salaires, et sa justification par la montée en puissance du CICE. Cette baisse des exonérations correspondrait à une volonté de coordination entre les exonérations issues de la LODEOM et celles du CICE dont le taux est majoré à 9 % pour les entreprises ultramarines à partir de 2016. Ce remaniement du dispositif expliquerait une baisse des crédits de plus de 70 millions d’euros.

Mais ce CICE à 9 % entrera-t-il en vigueur en janvier ou en avril 2016 ? Cela n’aurait évidemment pas les mêmes effets comptables sur les entreprises concernées.

S’agissant de l’application du CICE outre-mer, je souligne à nouveau la situation particulière des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Vous le savez Madame la Ministre, le CICE – renforcé ou pas ! – n’est à ce jour toujours pas applicable dans les collectivités publiques dotées de l’autonomie fiscale. L’an passé, autour de cette même table, pour justifier le choix de votre gouvernement de maintenir l’exclusion de ces collectivités de ce dispositif, vous n’aviez pas hésité à parler de « rançon de la responsabilisation ». Expression malheureuse : cette exclusion représente surtout un lourd préjudice pour les collectivités concernées, qui affichent pour la plupart des trésoreries exsangues, ce que vous n’ignorez pas, madame la ministre.

C’est le cas à Saint-Martin par exemple, où les entreprises, en crise, demeurent privées de cette opportunité de développement et se retrouvent dans une situation inextricable de double concurrence : celle de leur immédiat voisin néerlandais et celle des DOM voisins.

Je remercie à ce propos M. Aboubacar de ses remarques très justes sur la situation de Saint-Martin.

Je regrette donc ici, une nouvelle fois, qu’une loi nationale instaure une disposition discriminante à l’égard d’autres territoires français. Madame la ministre, pour compenser l’absence du CICE dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, allez-vous instaurer, en accord avec l’État, une politique contractuelle débouchant sur la mise en place de véritables schémas de développement économique ?

M. Philippe Gomes. Les crédits alloués à la mission « Outre-mer » augmentent très légèrement cette année. Le groupe UDI constate que les principales politiques menées en faveur des départements et collectivités ultramarins sont maintenues ; nous regrettons toutefois la légère diminution des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer ». En revanche, nous saluons l’engagement en faveur du service militaire adapté, et notamment le projet SMA 6000 : ce dispositif de service public, placé sous l’égide de l’armée, accomplit un travail exceptionnel au profit des jeunes ultramarins.

Je souhaite appeler votre attention sur certains sujets qui ne sont pas à mon sens traités comme ils devraient l’être par ce budget.

S’agissant de la Polynésie française, la dotation globale d’autonomie est la principale ligne budgétaire dont le versement est certain. Or elle diminue encore cette année, ce qui est regrettable : la DGA ne doit pas constituer une variable d’ajustement ; le coup de rabot ne doit pas s’exercer sur cette dotation dont la Polynésie a plus que jamais besoin. L’an dernier, par voie d’amendement, le Gouvernement a supprimé l’indexation de la DGA sur la dotation globale de fonctionnement, pour la remplacer par l’inscription d’un montant ferme. Alors que nous réclamions déjà l’an dernier une hausse de la DGa, son montant passe cette année de 84 à 80 millions d’euros. Nous souhaitons que cette baisse soit annulée, et que les financements apportés par l’État à la Polynésie soient garantis.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, les crédits du programme Cadres Avenir avaient été sanctuarisés depuis la signature des accords de Matignon en 1988. Il s’agit là d’une opération majeure de rééquilibrage, au profit principalement des Kanaks, mais les autres jeunes Calédoniens y ont également accès : elle vise à augmenter le nombre de responsables d’administrations ou d’entreprises issus de toutes les couches sociales et de toutes les ethnies du pays. Or ces crédits auxquels on ne touchait que d’une main tremblante, se voient cette fois-ci rabotés de manière très significative : 5,917 millions d’euros au lieu de 6,217 millions l’an dernier. Je vous demande de bien vouloir rétablir ces crédits, conformément aux engagements pris il y a maintenant trois décennies.

S’agissant des contrats de développement, vous nous affirmez, madame la ministre, que les crédits nécessaires ont été inscrits. Que nenni ! Cela fait deux ans que ce n’est pas le cas. Or ces engagements pluriannuels pris par l’État à l’égard de l’ensemble des collectivités calédoniennes ne peuvent pas dépendre de considérations d’opportunité ; de plus, 2016 est la dernière année d’exécution de ces contrats ; elle a même été ajoutée par rapport au contrat initial, qui couvrait la période 2011-2015. Aujourd’hui, les collectivités attendent le vote de ce budget car certains de leurs projets devront être purement et simplement abandonnés si les financements nécessaires ne sont pas dégagés. D’autres projets ont été lancés et ne sont pas financés. Je demande que la parole de l’État soit respectée. Ces contrats, qui sont des engagements pluriannuels, ont été signés il y a cinq ans ; les crédits nécessaires doivent être intégralement inscrits.

S’agissant du lycée du Mont-Dore et de l’extension du lycée de Pouembout, madame la ministre – je m’adresse à vous, même si ce n’est pas la mission « Outre-mer » qui est concernée –, l’engagement pris a été tenu et les ouvertures sont prévues l’une à la rentrée 2017 et l’autre à la rentrée 2018.

S’agissant enfin de la défiscalisation, il était inenvisageable qu’elle soit seulement prolongée d’une seule année, jusqu’au 31 décembre 2018 : cela aurait ressemblé à la dernière cigarette du condamné avant la mise à mort… Je suis heureux des efforts accomplis pour repousser la deadline jusqu’au 31 décembre 2020, mais j’ai envie de vous dire : encore un effort, jeune homme ! C’est un peu court pour donner vraiment de la visibilité.

Je ne prendrai qu’un seul exemple : celui du Sheraton de Déva, inauguré en 2014 par le Président de la République lors de sa venue en Nouvelle-Calédonie. C’est un dossier à 100 millions d’euros, dont le permis de construire a été accordé en 2008 ! Il faut parfois, vous le voyez, du souffle pour de tels projets structurants puissent aboutir.

Je souhaiterais donc que l’échéance soit repoussée au-delà de 2020, à 2022 par exemple.

M. Stéphane Claireaux. Au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP), je salue le budget pour l’année 2016 de la mission « Outre-mer » qui démontre, comme chaque année sous cette législature, la place particulière qu’occupent les départements et les collectivités d’outre-mer aux yeux du Gouvernement. Les crédits de paiement de cette mission dépassent 2 milliards d’euros et progressent de 1 million d’euros par rapport au projet de loi de finances pour 2015. Cet effort concrétise l’attachement viscéral et la solidarité juste et nécessaire de l’État envers ces territoires.

Vous avez souhaité recentrer la politique d’exonérations sociales, mais cette décision suscite la controverse dans les outre-mer ; elle inquiète notamment les entreprises qui se sentent fragilisées. Cependant, les effets cumulés des différentes mesures de réduction du coût du travail et du renforcement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) au bénéfice des entreprises des départements d’outre-mer – principalement ciblé dans les secteurs du tourisme, de l’agroalimentaire, des technologies de l’information et de la communication (TIC), de l’environnement et des énergies renouvelables (ER) – devraient être de nature à les rassurer ; en effet, ce sont plus de 200 millions d’euros supplémentaires qui sont consacrés à la création d’emplois et à la croissance des entreprises.

Compte tenu de la compétence fiscale propre de Saint-Pierre-et-Miquelon, il est légitime que ce PLF maintienne en l’état le dispositif d’origine d’exonération de cotisations. Vous avez également su préserver l’ensemble des mesures, comme le Fonds exceptionnel d’investissement (FEI) et la ligne budgétaire unique (LBU), dont bénéficie l’archipel.

Nous étudions avec beaucoup d’intérêt le document de politique transversale de chaque département et collectivité d’outre-mer, qui nous a été remis il y a quelques jours, afin de connaître de manière plus détaillée la teneur du budget pour 2016. Le groupe RRDP aura l’occasion de discuter de tous les éléments de ce PLF à chaque étape de son examen, mais il se déclare d’ores et déjà favorable à son adoption.

Mme Huguette Bello. Statu quo pour le budget des outre-mer, ce qui le place à la charnière, entre les missions dont les crédits augmentent et celles qui perdent des ressources. Il est la première traduction du plan logement outre-mer qui doit s’étaler sur cinq ans. L’ampleur des besoins et la nécessité de lever les blocages s’avèrent fortes ; pour ce faire, le premier point du plan vise à libérer et à aménager le foncier. L’établissement public foncier de La Réunion joue pleinement son rôle en constituant des réserves foncières pour les logements à construire, mais l’aménagement des terrains reste difficile. Des solutions dérogatoires ont récemment été adoptées pour la Guyane et pour Mayotte, et les établissements y assurent à la fois la maîtrise foncière et l’aménagement. Cette possibilité, utilisée également en Île-de-France, pourrait-elle être étendue à d’autres régions d’outre-mer ?

Les familles ultramarines touchées par un décès survenu loin de chez elles bénéficieront d’une nouvelle aide, qui renforcera la continuité territoriale. Nous approuvons cette mesure qui contribuera à ne plus ajouter des difficultés financières à la douleur des deuils. Le choix des seuils de revenus donnera tout son sens à cette disposition. Pourrions-nous en savoir davantage dès à présent ?

Comment l’enveloppe budgétaire de 5 millions d’euros affectée à La Réunion sera-t-elle redéployée ? En effet, depuis que les Réunionnais ont été amenés à financer intégralement la continuité territoriale, ces crédits n’ont plus été consommés qu’à hauteur de 5 %. Plus généralement, c’est toute la question du désenclavement de La Réunion qui doit être abordée de front. La mobilité des Réunionnais et le développement des exportations interdisent de faire l’impasse sur cet aspect de plus en plus prégnant dans ces temps de mondialisation. Les études montrent clairement que La Réunion est la région ultrapériphérique la plus mal desservie. Du fait de l’accumulation des obstacles, nos productions doivent parcourir 40 000 kilomètres pour rejoindre le continent européen ! Et la situation n’est guère plus enviable lorsqu’il s’agit de se déplacer dans notre environnement géographique. Les exonérations de charges – qui représentent plus de 1 milliard d’euros, soit le premier poste de ce budget – ont été cette année la cible de toutes les critiques. La décision de recentrer ces exonérations sur les bas et les moyens salaires – à l’exception des secteurs exposés à la concurrence extérieure – n’est pas comprise, et la compensation de plus de 200 millions d’euros que vous avez annoncée ne se révèle guère plus audible. Les déclarations sur la baisse du coût du travail viennent rappeler une fois de plus la nécessité de parvenir à l’élaboration d’un dispositif d’aides et d’exonérations clair, lisible et durable : la création d’emplois est aussi à ce prix, madame la ministre !

La même logique de stabilité doit inspirer les mesures favorables à l’investissement ; alors que la collectivité régionale assure désormais la gestion du Fonds européen de développement économique régional (FEDER), pourquoi ne pas envisager de déconcentrer à La Réunion un service chargé d’instruire les dossiers de défiscalisation ?

Enfin, madame la ministre, pourriez-vous nous fournir des précisions sur la demande adressée par la France aux autorités européennes sur le versement d’une subvention supplémentaire destinée à faire face à la fin des quotas sucriers prévue en 2017 ?

M. Dominique Lefebvre, président. Nous en venons aux questions des orateurs inscrits.

Mme Ericka Bareigts. Madame la ministre, je salue ce PLF qui illustre votre engagement en faveur des outre-mer. Tous les acteurs du secteur du logement que nous avons rencontrés à La Réunion nous ont alertés sur la situation et ont insisté sur le rôle de blocage joué par Bercy. Les dispositifs actuels sont pertinents et nécessaires, mais les procédures sont trop lourdes ; il convient donc de les assouplir, afin que les aides deviennent toutes efficientes et que chacun puisse les comprendre. Nous redoutons de voir se multiplier de sérieuses difficultés en 2016, même si nous espérons qu’elles ne se produiront pas.

Madame la ministre, vous consentez un effort particulier pour la réhabilitation, et la déclinaison du plan logement outre-mer envoie un message fort aux territoires ultramarins. Nous créons un dispositif pour les programmes se situant dans les nouveaux périmètres tracés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), mais ces derniers ne pourront servir de référence avant quelques années. Les nouvelles aides ne pourront donc pas être distribuées immédiatement, si bien que je propose de déployer le nouveau dispositif en dehors du bâti social de l’ANRU jusqu’aux premiers travaux des nouveaux programmes. Il n’y aura ainsi pas d’année blanche pour la filière de la réhabilitation qui a besoin d’un soutien immédiat.

Mme Chantal Berthelot. L’exercice est convenu, mais je tiens à mon tour à saluer l’effort du Gouvernement en faveur de l’ensemble des territoires ultramarins, que traduit la stabilisation du budget pour l’année 2016 dans le contexte contraint des finances publiques.

Je vous félicite, madame la ministre, de l’application du service militaire adapté (SMA), qui favorise l’insertion de nos jeunes. Le maintien des dispositifs de soutien à l’investissement – contrats de plan État-régions, FEI, constructions scolaires en Guyane – doit également être salué. Comme Mme Huguette Bello, je me réjouis de la mesure prise en faveur des familles endeuillées et j’aimerais connaître les modalités et le calendrier de sa mise en œuvre.

Monsieur le ministre, vous avez pu vous-même vous rendre compte, lors de votre déplacement en Guyane, du niveau élevé des retards qu’accuse notre région en matière d’infrastructures de santé, d’énergie et de logement. Je salue l’augmentation de la LBU pour la Guyane, mais cette progression ne s’avère pas à la hauteur des attentes des professionnels et des élus, et ne permettra pas d’améliorer les conditions de vie des habitants. Je milite donc pour le déploiement d’une opération d’intérêt national (OIN) en Guyane afin de répondre aux besoins actuels et surtout d’accompagner la croissance démographique. Madame la ministre, confirmez-vous le lancement d’une telle OIN ? Quel en est le calendrier ?

M. Patrice Martin-Lalande. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation concurrentielle proprement dramatique que subissent les professionnels du tourisme dans les outre-mer et en particulier aux Antilles. Elle ne connaît pas d’équivalent dans les autres territoires français et mêmes européens, ces régions étant entourées de zones touristiques bénéficiant de coûts de travail parfois dix fois plus faibles et de coûts de transports aériens très inférieurs. Pour mémoire, la masse salariale consacrée à un emploi touristique en Martinique équivaut dès la fin du mois de février à celle d’un emploi annuel à Sainte-Lucie située à quelques dizaines de kilomètres !

Nos territoires d’outre-mer ne peuvent s’en sortir qu’en compensant ces conditions défavorables de concurrence par un dispositif spécifique de CICE centré sur le tourisme. Avec quinze collègues, j’ai donc déposé cette année encore un amendement visant à porter le taux du CICE à 18 % et à le cibler sur les hôtels, les résidences de tourisme, les villages de vacances classés, les restaurants, les cafés et les débits de boisson exerçant leur activité dans les départements d’outre-mer. Cette mesure est conforme à l’esprit du rapport présenté par nos collègues MM. Jean-Claude Fruteau et Daniel Gibbes sur la déclinaison en outre-mer du pacte de responsabilité et de solidarité.

Il nous semble que le renforcement ciblé du CICE ne saurait être qualifié de soutien public illégal à un secteur déterminé par la Commission européenne, puisqu’il concernerait des régions ultrapériphériques, dont l’Union européenne reconnaît explicitement les spécificités, au premier rang desquelles figure l’éloignement, qui prémunit du risque de fausser la concurrence au sein du marché européen. La seule concurrence faussée est celle que subissent actuellement les outre-mer. Refuser de compenser ce profond déséquilibre revient à accepter de voir disparaître les activités et les emplois touristiques, sources irremplaçables de croissance dans ces régions.

M. Patrick Lebreton. Madame la ministre, votre projet de budget préserve l’essentiel, puisque les crédits de paiement bénéficient d’une très légère augmentation. Cela est positif, mais de nouveaux engagements comme le financement du régime de solidarité territoriale de Polynésie d’un montant de 12 millions d’euros imposent des baisses de dotations à des lignes budgétaires traditionnelles. Nous comprenons le signal de solidarité, mais nous nous interrogeons sur l’opportunité de faire porter l’effort sur la mission « Outre-mer », qui concerne des territoires sinistrés économiquement et socialement, plutôt que sur d’autres autrement mieux loties.

Les nouvelles charges pèsent notamment sur le secteur du logement, dont les crédits de paiement diminuent de 10 %, chiffre élevé et surprenant, puisque vous avez lancé il y a quelques mois un plan très ambitieux visant à produire près de 10 000 logements sociaux chaque année. Madame la ministre, le décalage entre les annonces et la réalité budgétaire s’avère difficilement compréhensible. Votre plan a suscité l’espoir chez les demandeurs de logements, les opérateurs du bâtiment et des travaux publics (BTP) et les ouvriers, mais ce PLF envoie un signal contraire, ce que nous regrettons. Madame la ministre, le plan logement outre-mer est-il toujours d’actualité ?

Je tiens à mettre en lumière vos choix en matière de continuité territoriale, les crédits de cette politique augmentant de 41,1 à 43,2 millions d’euros. Après la courageuse rationalisation que vous avez effectuée l’an passé suite au gaspillage organisé par la région de La Réunion, cette hausse représente un choix déterminant. Assurer la continuité territoriale est indispensable, notamment pour notre jeunesse et les populations les plus fragiles, car elle constitue un facteur d’ouverture et d’insertion, ainsi qu’un formidable outil d’émancipation dont bénéficient tous les habitants des outre-mer. Nous devons continuer dans cette voie, et votre projet d’élargir le champ de la politique de continuité territoriale au rapatriement des ultramarins décédés dans l’hexagone représente une grande avancée sociale qui marquera votre passage à ce ministère.

Monsieur le ministre, nous sommes beaucoup à penser que c’est bien Bercy qui bloque l’extension de la période de défiscalisation en outre-mer et nous sommes déçus de la proposition consistant à ne proroger ce système que pour un temps limité.

M. Jean Jacques Vlody. Comme l’ensemble de mes collègues, je me félicite du maintien du niveau des crédits de la mission « Outre-mer », et vous remercie de la mesure prise en faveur de la continuité territoriale pour les familles ultramarines touchées par un décès.

Madame la ministre, je tiens à vous alerter de la fin de certains dispositifs prévue par la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) de mars 2009. Notre économie et nos entreprises ont besoin d’un cadre stable, même si l’on peut discuter de sa durée. C’est une condition sine qua non.

Ceux qui veulent remettre en cause la défiscalisation, je le dis, ne connaissent pas la situation des entreprises ultramarines et, en particulier, celles de La Réunion. Il est vrai que certains aspects doivent être corrigés, certains dispositifs amendés, certaines procédures vérifiées et corrigées ; mais vous avez concentré votre intervention, monsieur le ministre, sur un exemple de dysfonctionnement alors que ce système réussit dans une grande majorité de cas ! Remplacer la défiscalisation par une réduction d’impôt tuerait l’investissement dans les économies d’outre-mer. Je m’opposerai à une telle orientation et soutiendrai tous les amendements qui proposeront de maintenir la défiscalisation jusqu’en 2022 ou en 2025. Nous ne pouvons pas laisser les entreprises réunionnaises et ultramarines dans une incertitude aussi grave. La défiscalisation en outre-mer ne sert pas aux personnes qui ne savent pas quoi faire de leur argent, mais aide les petites entreprises à investir. La réduction fiscale permet, au contraire, à des contribuables riches de payer moins d’impôt une fois l’investissement réalisé : la logique est bien différente !

Mme Maina Sage. La stabilité du budget et le retour de l’État dans le financement du régime de solidarité territoriale (RST) en Polynésie – il avait quitté le dispositif en 2007 – constituent des points positifs.

Nous sommes prêts à contribuer à l’effort national en matière d’assainissement des finances publiques et à discuter de l’aménagement de certains mécanismes, mais la dotation globale d’autonomie (DGA) jouit d’une valeur symbolique à nos yeux, monsieur le ministre. Elle constitue en effet le socle d’un partenariat fort entre l’État et la Polynésie, destiné à assurer la reconversion de notre territoire après la fin des essais nucléaires. Ce sujet nous touche profondément, et j’aimerais que vous puissiez le comprendre.

Des perspectives de redressement intéressantes s’ouvrent pour l’économie de notre territoire, mais elles dépendent de la confiance. Celle-ci est rétablie avec l’État, comme l’illustre la consolidation du contrat de projet et des instruments financiers. Mais aux côtés des communes, il y a un troisième partenaire, essentiel : les entreprises locales, qui réalisent un tiers du PIB polynésien, et la défiscalisation constitue un levier et un outil formidable pour leur développement. Monsieur le ministre, il serait bon que vous insistiez sur les nombreux exemples de cas vertueux et que l’on arrête de stigmatiser cet instrument. Nos entreprises ont besoin de visibilité, et si une période de cinq ans peut paraître suffisante en métropole, ce n’est pas le cas outre-mer. Prolonger le dispositif jusqu’en 2025 ne serait pas un luxe et constituerait un signal fort de l’État pour nos territoires et nos entreprises.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Un excellent rapport de la délégation aux outre-mer préconise des mesures intéressantes à l’occasion de la COP21, mais qui resteront vaines sans accompagnement financier. Je suis ainsi surprise que les outre-mer ne puissent pas bénéficier du Fonds vert pour le climat. Madame la ministre, comment pourrions-nous pallier financièrement cette défaillance et aider ces territoires qui abritent l’intégralité du corail français et une partie de la forêt amazonienne, si indispensables pour la survie de la planète ?

Mme Monique Rabin. La présence de nombreux parlementaires à la séance de ce soir témoigne de l’intérêt porté par la Nation aux outre-mer. Les terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ne sont pas habitées, mais elles participent au rayonnement de la France grâce à la présence de militaires et de scientifiques. Le budget consacré à ce territoire est extrêmement faible et repose sur des recettes propres constituées de la taxe de mouillage, des droits de pêche et singulièrement de la philatélie. Au moment de la 21e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21), il importe de réaffirmer notre volonté de préserver ces terres et de se méfier de l’exploitation minière, même si celle-ci permettait de dégager de nouvelles ressources.

Certains jeunes réalisent un service civique dans les TAAF, et le financement de cet engagement peut, outre la philatélie, s’appuyer sur la marcophilie. Les chercheurs et les militaires renforcent leur sentiment d’appartenance par la vente de produits dérivés ; la philatélie représente 7 % du budget, et ces ressources propres et singulières sont intéressantes à étudier. Cela vaut le coup de parler des jeunes, de l’environnement et des terres australes qui participent du rayonnement de la France !

M. Alfred Marie-Jeanne. Depuis quelques jours, les médias se font l’écho d’une arnaque à la défiscalisation outre-mer relative à un projet d’installation de panneaux solaires, qui aurait causé pas moins de 4 000 victimes en Martinique. Les autorités judiciaires, saisies, auront à se prononcer sur cette escroquerie portant sur 56 millions d’euros et sur d’autres affaires concernant peut-être le même individu. À ce jour, seuls 8,6 millions d’euros ont été dépensés pour l’achat et l’installation de panneaux solaires ; cinquante toitures ont été équipées, aucune d’entre elles n’étant raccordée au réseau électrique. Les investissements devaient théoriquement porter sur 2 775 installations… Avouez qu’on est très loin du compte ! Sans vouloir discréditer la défiscalisation, utile au développement des énergies renouvelables par exemple, je souhaite soulever la question des moyens de contrôle du ministère des finances et des comptes publics, et des éventuelles complicités. En ces temps de corruption généralisée, comment le Gouvernement pense-t-il prévenir la répétition de situations si dommageables ?

M. Boinali Said. Les crédits alloués à la mission « Outre-mer » et la mobilisation d’outils comme la LBU, le FEI et les aides financières aux collectivités locales caractérisent la volonté du Gouvernement de prendre en compte la situation de l’emploi, de la formation, de la mobilité des jeunes et de l’amélioration des conditions de vie.

Les exonérations de charges et les défiscalisations constituent des dispositifs moteurs pour le développement de nos territoires, mais les efforts consentis et répétés de l’État ne parviennent pas à mettre fin à la cherté de la vie. Par ailleurs, le phénomène de l’insécurité devient de plus en plus prégnant à Mayotte. Ces deux problèmes posent la question du fonctionnement du système de coordination et d’articulation de nos politiques publiques, et de l’ingénierie des relations entre l’État, les collectivités locales, les entreprises et les associations, l’objectif étant d’insuffler une dynamique d’ensemble et de promouvoir le développement et l’aménagement du territoire. Sans doute aurions-nous intérêt à réfléchir à la mise en place d’un comité de suivi ou d’une programmation permettant de tirer davantage de bénéfices des dispositifs de solidarité existants, qui souffrent de ne pas être suffisamment connus, accompagnés et suivis du fait d’un manque de coordination.

M. Napole Polutélé. Madame la ministre, je vous remercie d’être venue nous voir à Wallis-et-Futuna, dernier territoire de la République à recevoir votre visite. Votre séjour a été bien court, mais la population locale a manifesté, à travers votre personne, son grand attachement à la France, mais également ses grandes attentes vis-à-vis d’elle.

Le contrat de développement constitue l’unique levier d’investissement à Wallis-et-Futuna ; il a été signé en 2012 pour une période allant jusqu’en 2016 et prorogé d’un an en avril dernier. Doté d’un budget de 49 millions d’euros pour cinq ans, il aurait dû assurer à Wallis-et-Futuna une enveloppe annuelle de 7 millions d’euros en moyenne. Or, depuis 2012, notre archipel n’a jamais reçu plus de 5 millions d’euros. Comme vous avez pu le constater vous-même, madame la ministre, les chantiers sont nombreux et importants pour le développement de ce territoire. Ainsi, l’île de Futuna reste le seul endroit de France privé d’eau potable… Cette situation est inacceptable. Ce PLF limite une nouvelle fois la dotation du contrat de développement à 5 millions d’euros pour Wallis-et-Futuna. En l’état, il n’existe donc pas d’engagement significatif pour les priorités de nos îles. Madame la ministre, pourriez-vous réviser cette répartition, afin de montrer l’intérêt que porte la République à ce territoire ?

Enfin, à la suite des propos de M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis, pourriez-vous, madame la ministre, rassurer mon collègue de Nouvelle-Calédonie sur la dette de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna ?

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Je tiens également à saluer l’effort du Gouvernement de stabilisation des crédits de la mission budgétaire en faveur des outre-mer. Les territoires ultramarins représentent une chance pour le pays, et il importe d’accompagner leur développement économique et social.

Madame la ministre, vous avez évoqué la portée de la question maritime, et, dans cette optique, le périmètre du plateau continental s’avère fondamental pour que la croissance bleue prenne son essor. Le mois dernier, ont été publiés les quatre premiers décrets consolidant et étendant les droits souverains ou de juridiction de la France sur le plateau continental. La superficie couverte par ces actes réglementaires s’élève à 500 000 kilomètres carrés, soit une taille presque égale à celle de la France métropolitaine. Nous attendons toujours des avis pour l’archipel des Crozet, La Réunion, les îles Saint-Paul, Amsterdam, Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon, et une demande reste à déposer pour la Polynésie. S’agissant de l’île de Clipperton, le cabinet de M. François Fillon, alors Premier ministre, avait malheureusement choisi de ne pas déposer de dossier. Connaissez-vous, madame la ministre, les dates de publication des réponses ?

Par ailleurs, en première lecture du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, l’Assemblée nationale a adopté, dans un large consensus, un amendement de plusieurs de nos collègues relatifs aux centres d’intérêts matériels et moraux (CIMM), qui régissent la mobilité des fonctionnaires d’État dans les outre-mer. Madame la ministre, comment et selon quel calendrier ces nouvelles dispositions pourront-elles trouver une traduction concrète sur le terrain, une fois le projet de loi définitivement adopté ?

M. Christophe Premat. Je me félicite de l’augmentation des crédits budgétaires dédiés au développement économique et social des outre-mer. En juin dernier, une mission d’information a été confiée à notre collègue M. Victorin Lurel sur l’égalité entre les territoires d’outre-mer et la métropole, dont les conclusions sont attendues cet automne. Cette question, passionnante et centrale pour l’avenir, pourrait faire l’objet d’un effort budgétaire pluriannuel. Madame la ministre, vous êtes-vous inspirée des étapes préliminaires de ce rapport, dont les recommandations pourraient être reprises dans une loi-cadre ?

M. Patrick Ollier, rapporteur spécial. J’ai indiqué tout à l’heure que je donnais un avis négatif à l’adoption des crédits de la mission, mais, après avoir entendu les propos des ministres, je souhaite préciser que j’apprécie beaucoup l’intégration des opérations de rénovation des logements anciens. Je suis également satisfait qu’il n’y ait pas d’année blanche pour la Nouvelle-Calédonie et que des efforts soient consentis en faveur de l’hôtellerie, même s’il conviendrait d’aller plus loin en adoptant l’amendement déposé par M. Patrice Martin-Lalande.

La distinction entre les collectivités disposant d’une autonomie fiscale et celles soumises au droit commun est juridiquement tout à fait fondée, et j’approuve d’autant plus le mouvement de déconcentration de l’étude des dossiers fiscaux que je l’appelle de mes vœux depuis plusieurs années. Je souhaiterais que vous précisiez, madame et monsieur les ministres, si c’est bien le mécanisme de défiscalisation en dessous du seuil d’agrément qui est maintenu jusqu’en 2020.

La défiscalisation n’est pas simplement un effet d’aubaine, mais bien un instrument d’aménagement du territoire et de création de richesses et d’emplois. On ne peut pas substituer à ces efforts la ligne budgétaire unique. Il nous faut donc pérenniser le système ; je souhaite qu’on le proroge jusqu’en 2025, afin d’assurer la lisibilité du cadre fiscal. Des questions de droit de l’Union européenne se posent en effet, mais il vous revient, madame la ministre, de permettre à ce mécanisme de durer encore dix ans. J’ai le sentiment d’avoir été partiellement entendu sur ce sujet, et comme je suis un homme honnête, j’apprécie les efforts réalisés et suis prêt à revoir mon jugement sur le vote des crédits de la mission. Madame la ministre, pourriez-vous soutenir l’adoption de mon amendement prorogeant ce dispositif jusqu’en 2025 ? En cas de réponse positive, j’émettrai un avis favorable à l’adoption de ce budget.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il s’agit d’un bon budget, et j’apprécie ce qu’a dit le président Ollier à ce sujet. J’approuve totalement les mesures qui sont prises en matière de défiscalisation ; elles s’inscrivent logiquement, du reste, dans le cadre de la réforme que nous avons engagée dans le projet de loi de finances pour 2014. La prorogation du dispositif jusqu’à 2020 – voire 2022 : vous en déciderez – est une très bonne disposition, qui favorise la stabilité et offre de la visibilité aux entreprises. J’appelle cependant votre attention sur la nécessité de travailler au préfinancement du crédit d’impôt par Bpifrance, car de son efficacité dépendra la réussite de la réforme. Il conviendra donc de prendre les mesures qui s’imposent.

Je vous félicite de parvenir à préserver et à améliorer les choses dans un contexte financier contraint, mais il me semble que le budget peut encore être amélioré sur un point. En effet, le président de l’intergroupe parlementaire des outre-mer estime nécessaire – et je pense qu’il n’a pas tort – de parfaire le dispositif de la DGF, car les inégalités persistent, voire s’aggravent, entre communes pauvres et riches et entre les communes d’outre-mer et les communes les plus pauvres de métropole. Cette question entre, du reste, dans le périmètre de la mission qui m’a été confiée. C’est pourquoi, si vous le voulez bien, je vous rencontrerai pour faire un point d’étape lorsque se tiendra le prochain Congrès des maires.

Enfin, je veux dire un mot du logement. Là-bas, quand le logement va, tout va. Or, actuellement, en Guadeloupe, 1 453 logements sont bloqués ou en attente de leur agrément. Si celui-ci n’est pas délivré, la Société immobilière de Guadeloupe (SIG) perdra au moins 12 millions d’euros. Une seule personne est en charge de ce dossier au sein de la DRFIP ! Il me semble donc nécessaire de faire quelque effort dans ce domaine. L’engagement avait été pris de régler le problème en réunion interministérielle d’ici à la fin du mois. Cela me paraît possible ; en tout cas, nous attendons cette solution avec impatience.

En conclusion, je ne sais pas si je pourrai être présent lors de l’examen de ce budget en séance publique, mais je le soutiens totalement.

Mme la ministre des outre-mer. Mesdames, messieurs les députés, je veux tout d’abord tous vous remercier pour vos contributions positives à notre discussion. Je vais tenter, en dépit de l’heure tardive, de vous apporter quelques précisions sur le travail en cours et de répondre à vos interrogations.

Je ne reviens pas sur ce qu’a dit Christian Eckert ; chacun a un point de vue à défendre. L’important est que nous parvenions à trouver des solutions d’avenir. Dans le domaine du logement, par exemple, nous examinons chaque dossier en nous efforçant d’analyser les difficultés, les erreurs, les lacunes éventuelles, de manière à débloquer, cette année, le plus grand nombre possible de logements. Nous sommes conscients de la nécessité de respecter les règles, bien entendu, et de ne pas créer d’effets d’aubaine. Mais, compte tenu des besoins de logement dans les outre-mer et de l’importance du secteur des BTP pour l’économie de ces territoires, il nous faut résoudre au maximum les difficultés rencontrées tout en répondant aux attentes exprimées par les services de Bercy. Les dossiers doivent donc être le plus solides possible, précisément pour éviter certaines situations inadmissibles ou des anomalies telles que celles qu’a évoquées M. Marie-Jeanne. À ce propos, nous devons être très attentifs à ce que les quelques personnes qui ont utilisé la défiscalisation à mauvais escient ne ruinent pas l’image d’un dispositif qui a grandement contribué à la modernisation des outre-mer et qui, dans la mesure où il fait appel à l’épargne des Français, a permis à ces territoires de s’équiper en limitant les dépenses budgétaires. La défiscalisation est un outil utile pour parvenir à cette égalité réelle à laquelle nous tenons.

Madame Zanetti, je vous remercie pour votre soutien. Vous avez raison de souligner que nous avons essayé d’agir pour le développement des territoires. J’espère que les choix que nous avons faits pour préserver l’activité seront compris.

Monsieur Gibbes, j’ai entendu vos états d’âme mitigés… Pour ce qui est des aides fiscales, nos réponses ont dû apaiser vos inquiétudes. Vous avez déploré ensuite, à propos de la Nouvelle-Calédonie, l’existence d’une discrimination entre les territoires. Je ne suis pas entièrement d’accord avec vous sur ce point. La lutte contre les discriminations est un sujet très important et qui me tient à cœur. Mais lorsque les situations juridiques sont différentes, on ne peut pas dire qu’y appliquer des mesures différentes soit constitutif d’une discrimination. En l’espèce, le régime de défiscalisation ne peut pas être le même dans les territoires qui bénéficient d’une autonomie fiscale et dans ceux qui sont soumis au droit commun. Le terme de discrimination devrait être réservé aux différences de traitement fondées sur des motifs illégitimes, tels que l’origine, la race ou l’orientation sexuelle ; dans le cas de situations juridiquement différentes, il ne me paraît pas tout à fait approprié. Par ailleurs, je vous confirme, et j’espère que cela vous agréera, que le CICE entrera bien en vigueur en janvier 2016.

Monsieur Gomes, vous avez tenu un discours très énergique. Le travail réalisé par le SMA mérite en effet d’être salué. Nous avons d’ailleurs pris des dispositions pour qu’un certain pourcentage de Wallisiens puisse bénéficier de ce dispositif. Lorsque je me suis rendue récemment en Nouvelle-Calédonie, j’ai pu visiter le bureau de recrutement du SMA à Nouméa ; je me félicite que celui-ci se rapproche des publics auxquels il s’adresse.

En ce qui concerne la Polynésie, il est vrai que, facialement, le montant de la dotation globale d’autonomie a été abaissé de 84 millions à 80 millions. Mais, lors des discussions que nous avons eues avec eux, les élus de Polynésie se sont déclarés favorables à ce que cette économie soit réalisée sur le contrat de développement plutôt que sur la DGA, dont Mme Sage a très justement rappelé la dimension symbolique. Si nous sommes d’accord sur le principe d’un tel transfert, celui-ci soulève une difficulté juridique que nous devons régler, avec Christian Eckert, au cours de la discussion budgétaire.

S’agissant des crédits de Cadre-Avenir, je partage votre point de vue : le rattrapage qui avait été décidé est symboliquement très important. Néanmoins, la Nouvelle-Calédonie, qui, à ce jour, fait partie de la nation, doit elle aussi contribuer à la solidarité nationale. Pour l’instant, un effort est demandé, mais nous parviendrons sans doute à trouver avec vous une solution qui permettra la poursuite de cette très belle opération qu’est Cadre-Avenir.

En ce qui concerne les contrats de développement de la Nouvelle-Calédonie, une ouverture de crédits est bien prévue à hauteur de 60 millions d’euros en 2016.

Enfin, j’ai bien compris que vous souhaitiez que l’actuel dispositif de défiscalisation soit prolongé le plus tard possible : 2025, avez-vous proposé, le président Ollier évoquant quant à lui 2022. Pourquoi pas ? Mais je vous propose que nous en reparlions en 2019 – nous serons toujours au Gouvernement. (Sourires.) Je rappelle que la loi de Mme Girardin comportait un dispositif qui devait s’appliquer pendant quinze ans et qui a été modifié au bout de trois ans… Ne soyons donc pas trop ambitieux ! Travaillons sur une durée raisonnable ; pour la suite, la providence nous guidera…

M. Claireaux a évoqué le recentrage de la politique d’exonérations sociales. Cette mesure a bien pour objectif d’aider de manière significative les secteurs exposés à la concurrence – dont fait partie l’hôtellerie, monsieur Gibbes.

À ce propos, je vous ai trouvée un peu sévère sur ce point, madame Bello. Je m’attendais, certes, à ce que l’on nous reproche d’avoir recentré ces exonérations sur les salaires modestes ou moyens, mais je ne croyais pas que ces critiques viendraient de vos bancs.

Vous souhaitez, par ailleurs, que le dispositif que nous avons mis sur pied pour Mayotte et la Guyane afin de libérer et d’aménager le foncier soit étendu à La Réunion ; nous étudierons cette question.

Je précise qu’en matière de continuité territoriale, il n’y a pas d’enveloppe affectée par territoire. Il est vrai que, cette année, à La Réunion, la consommation des crédits a diminué, la région ayant mis en œuvre un dispositif plus avantageux et les nouveaux critères de durée ayant empêché certaines personnes de représenter un dossier. Mais les choses devraient se régulariser au cours des prochaines années. J’ajoute, à toutes fins utiles, qu’Air Austral va acquérir deux avions, ce qui améliorera la desserte de l’île.

Enfin, je vous confirme que l’engagement du Président de la République de soutenir la filière canne est maintenu. Ainsi nous avons publié cette semaine l’arrêté destiné à réajuster le prix de la bagasse. Toutefois, nous avions besoin d’éléments pour discuter avec Bruxelles. Là encore, nous respectons parfaitement les délais, puisque les quotas sucriers s’appliqueront jusqu’en 2017. Nous avons donc le temps de régler la question avec Bruxelles pour que ces 38 millions puissent être mobilisés.

Madame Berthelot, le nouveau dispositif assurant la continuité territoriale dans le domaine funéraire, que vous avez salué, sera opérationnel, je l’espère, au 1er janvier prochain. S’agissant des retards en matière d’infrastructures, le pacte d’avenir pour la Guyane, qui est en cours de finalisation, traduira les efforts réalisés en faveur de ce territoire. Quant à l’Opération d’intérêt national (OIN), elle sera prête à l’été 2016 et effective début 2017.

Monsieur Martin-Lalande, les mesures que nous avons annoncées sont de nature à répondre à votre préoccupation concernant la situation du tourisme. En outre, nous allons obtenir une évolution du Règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) qui sera susceptible de faciliter le versement d’aides à ce secteur très important pour les outre-mer. Mais en ce qui concerne plus particulièrement la Caraïbe, l’urgence commandait d’élaborer un plan efficace de lutte contre les sargasses, afin que nos plages antillaises soient belles et propres pour accueillir les touristes. J’ai d’ailleurs pu constater sur place que l’État et les collectivités se mobilisaient pour faire en sorte que la lutte contre ce phénomène soit menée résolument par tous.

Madame Bareigts, vous souhaitez une nouvelle extension du crédit d’impôt pour la réhabilitation des logements sociaux. Mais nous avons déjà décidé d’améliorer le dispositif pour les immeubles situés dans les secteurs prioritaires de la politique de la ville qui, au demeurant, sont nombreux outre-mer, notamment à Saint-Denis-de-la-Réunion. En outre, même si ce dispositif ne concerne pas la réhabilitation de logements sociaux, je rappelle que les petites communes qui ne relèvent pas de la politique de la ville mais qui ont besoin de réhabiliter leur centre bourg peuvent bénéficier d’aides spécifiques. J’ajoute que le versement des aides à la réhabilitation n’est pas du tout renvoyé aux calendes grecques ; nous disposons d’ores et déjà d’indications concernant le zonage, de sorte que ces aides pourront être effectives dès cette année.

Par ailleurs, nous avons décidé, avec Christian Eckert, de réunir un groupe de travail chargé de réfléchir à la manière dont nous pourrions améliorer la consommation de la LBU. Nous avons également prévu de supprimer l’obligation de financer par la LBU, à hauteur de 5 %, les opérations en Prêt locatif social (PLS), car cela créait des complexités et consommait des crédits d’une manière qui ne nous semblait pas utile. Un certain nombre de dossiers déposés en 2015 sont en cours de traitement. J’espère que nous parviendrons ainsi à sauver cette priorité importante qu’est le logement.

Je remercie M. Lebreton pour sa remarque sur la continuité territoriale. Il s’est dit déçu des mesures concernant la défiscalisation, mais je pense que nos dernières annonces ont atténué sa déception. Il a également regretté que le financement du Régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) impose d’autres baisses de crédits, mais il me semble normal de répondre à cette demande de nos amis polynésiens. Par ailleurs, je précise qu’il n’y a pas de décalage entre le plan « Logement » et la réalité budgétaire, puisque les autorisations d’engagement s’élèvent à 247 millions d’euros. J’ajoute, à ce propos, que ce plan a également pour objectif de développer des synergies entre les acteurs du logement, synergies qui peuvent contribuer tout autant qu’une augmentation de la LBU à l’amélioration de la production de logements. J’en profite du reste pour remercier le député qui nous a aidés à sauver la SIGUY car, ce faisant, nous avons mené une action importante en faveur du logement social en Guyane.

Nos dernières annonces concernant la défiscalisation conduiront certainement M. Vlody à modifier son appréciation. Je rappelle en outre que, dans l’évolution que nous proposons, les petites entreprises ne seront pas affectées par la mise en œuvre du crédit d’impôt. Cela étant, si l’expérience devait montrer que des mises au point s’avèrent nécessaires, nous aurons deux ans pour ajuster le dispositif.

Madame Sage, comme je l’ai indiqué, nous sommes d’accord pour maintenir le montant de la dotation globale d’autonomie à 84 millions d’euros, mais nous devons trouver la solution juridique adaptée. En ce qui concerne le sous-plafonnement des dotations affectées à la Polynésie française, nous avons demandé un petit effort, qui me paraît tout à fait acceptable.

Je vous remercie, madame Chapdelaine, pour votre investissement en faveur des communautés amérindiennes de Guyane dans le cadre de la difficile mission parlementaire qui vous a été confiée. Nous vous avons en effet demandé de réfléchir à des mesures qui permettraient de remédier au mal-être de ces populations, en particulier des jeunes, dont le taux de suicide est élevé – nous avons d’ailleurs à déplorer un nouveau décès aujourd’hui. Je serai très attentive à vos préconisations, car il est navrant qu’en dépit de tous les efforts qui sont faits, on ne parvienne pas à aider ces jeunes.

Quant à la COP21, elle représente une opportunité formidable pour la France, notamment pour les collectivités d’outre-mer. Nous ferons donc au mieux pour valoriser le patrimoine des outre-mer et accompagner les territoires dans leur action en faveur de la préservation de la biodiversité et du développement des énergies renouvelables. Les outre-mer innovent beaucoup dans ce domaine – je pense, par exemple, à la climatisation en eaux profondes –, et ces solutions inventives pourraient être adoptées par les pays avoisinants. Plusieurs réunions promettent d’être fort intéressantes à cet égard, en particulier le sommet France-Océanie, qui se tiendra le 26 novembre. Je précise par ailleurs que le fonds vert est destiné à accompagner des pays en développement : je doute qu’ils apprécient de le voir utilisé pour nos territoires d’outre-mer… En tout état de cause, sachez que l’État a bien l’intention d’aider ces derniers à prendre le virage des énergies renouvelables.

Je me réjouis que Mme Rabin ait évoqué la situation des TAAF, dont on parle trop peu alors qu’ils jouent un rôle important dans le domaine de l’observation scientifique, notamment en matière climatique. Nous avons pu obtenir une dotation supplémentaire pour le renouvellement des équipements de navigation, en particulier pour les travaux de jouvence du Marion-Dufresne. Mme Rabin a également souligné, à juste titre, l’importance des petites îles éparses qui relèvent de la souveraineté française. Je me permets, à ce propos, de vous signaler la très belle exposition, organisée à Nantes, consacrée à l’île Tromelin, sur laquelle des esclaves arrachés à Madagascar avaient fait naufrage. Elle nous apprend beaucoup sur le génie humain, puisque ces personnes ont survécu quinze ans durant dans un environnement inhospitalier, et sur les préjugés de l’époque, car un tri avait été effectué entre les naufragés au moment de l’embarquement sur le bateau venu les sauver… Je dois, du reste, me rendre à Tromelin, afin de rappeler qu’il s’agit d’un territoire français, même s’il est peu habité.

M. Marie-Jeanne a évoqué un scandale concernant le photovoltaïque. Quand des abus existent, la justice doit s’en saisir. N’oublions pas, au demeurant, l’évolution qu’a connue la prise en charge du photovoltaïque : la filière a été, dans un premier temps, beaucoup aidée sous un Gouvernement très « écolo », puis ces aides ont été supprimées… Il nous faut également éviter ce genre de tête-à-queue si nous voulons que les investissements soient correctement réalisés.

M. Said nous a rappelé les problèmes spécifiques de Mayotte, notamment la cherté de la vie et l’insécurité. Nous suivons ces questions de très près. La situation dans l’île est telle – un nombre considérable de jeunes sont totalement livrés à eux-mêmes, voire abandonnés – qu’il faut à la fois assurer le maintien de l’ordre – les services de police et de gendarmerie sont à pied d’œuvre – et organiser une action sociale digne de ce nom, en particulier la protection de l’enfance, encore balbutiante dans ce département. Ces jeunes doivent être encadrés et les familles aidées. Mais je sais que la nouvelle équipe en place est prête à faire des efforts dans ce domaine, avec l’aide de l’État.

Mon séjour à Wallis-et-Futuna fut très bref, mais particulièrement chaleureux, et je remercie les Wallisiens pour la qualité de l’accueil qu’ils m’ont réservé. Ces îles éloignées de la métropole doivent avoir accès à des équipements corrects. C’est pourquoi nous avançons sur la téléphonie mobile. À Futuna, j’ai visité le quai qui est en cours de rénovation et j’ai pu mesurer les difficultés d’accès à l’eau potable. J’espère que nous pourrons améliorer significativement la situation dans le cadre du contrat de développement. En tout cas, je suis très attentive à ce qui est entrepris pour que le droit à l’eau potable et à l’assainissement soit effectif. Il est en effet inacceptable qu’aujourd’hui, des populations n’y aient pas accès. En Guadeloupe, des personnes sont également privées d’eau, mais pour d’autres raisons, et des progrès significatifs ont été réalisés dans ce domaine.

En ce qui concerne la dette de l’agence de santé, nous avons tenu nos engagements. Des fonds sont actuellement versés pour rembourser la dette contractée vis-à-vis de la Nouvelle Calédonie, et un prêt de l’AFD permettra son remboursement progressif. Nous sommes satisfaits d’avoir trouvé une solution de nature à apaiser les relations entre Wallis-et-Futuna et les institutions de Nouvelle-Calédonie.

Madame Descamps-Crosnier, vous avez rappelé que la France avait, récemment, singulièrement agrandi son espace maritime. Il est dommage que cette information soit passée relativement inaperçue, car elle permettrait à nos concitoyens de comprendre combien les territoires des outre-mer contribuent au rayonnement de notre pays. Quant à Clipperton, dont on parle également trop rarement – peu de nos concitoyens, me semble-t-il, savent que cette île est française –, elle passionne surprenamment de nombreuses personnes, comme j’ai pu le constater lors du colloque organisé par votre collègue, M. Folliot, que nous avons chargé de réfléchir à la manière dont nous pourrions exploiter notre zone économique exclusive dans de meilleures conditions.

Par ailleurs, vous avez accompli, en tant que rapporteure du projet de loi relatif aux droits et obligations des fonctionnaires, un travail remarquable. Je pense notamment à celui de vos amendements qui visait à prendre en compte les intérêts matériels et moraux des fonctionnaires ultramarins. Cet amendement important a été très bien reçu dans l’ensemble des outre-mer. Pour qu’il s’applique, le projet de loi doit encore être définitivement adopté et un grand nombre de textes doivent être modifiés. Les parlementaires ultramarins auront donc la lourde tâche de suivre l’application de cette nouvelle règle dans les différentes administrations ; un travail de sensibilisation des organisations syndicales me paraît nécessaire.

M. Premat a évoqué la mission sur l’égalité réelle entre les outre-mer et la métropole qui a été confiée à Victorin Lurel. Des trois valeurs de la devise républicaine, l’égalité est en effet la plus importante pour ces territoires ; elle structure l’action de rattrapage menée depuis des années. J’espère que, d’ici à la fin du quinquennat, nous parviendrons, en dépit de l’encombrement de l’agenda parlementaire, à un texte affirmant ce principe d’égalité réelle qui est très cher au courant de pensée que je représente.

Le président Ollier souhaiterait que le dispositif de défiscalisation s’applique jusqu’à 2025. Je rappelle que l’ensemble de ces aides relèvent du RGEC. Nous devons donc d’abord travailler ensemble à la révision de ce dernier, qui doit s’appliquer jusqu’en 2020. Allons déjà jusqu’à cette date avec un RGEC rectifié, et donnons-nous rendez-vous en 2019 pour travailler sur la période 2020-2025.

Monsieur Lurel, les 1 400 logements qui attendent leur agrément en Guadeloupe font partie des dossiers sur lesquels nous travaillons avec Bercy ; nous sommes conscients de l’importance de ce secteur d’activité pour les économies ultramarines. Par ailleurs, il est vrai que, pour que le basculement sur le crédit d’impôt puisse se faire de manière satisfaisante, nous devons régler la question du préfinancement par Bpifrance. Nous en sommes conscients et nous y travaillons.

M. le secrétaire d’État chargé du budget. Mesdames, messieurs les députés, je souhaitais apporter quatre précisions, dont deux viennent d’être abordées par Mme Pau-Langevin.

Premièrement, certains d’entre vous, notamment MM. Martin-Lalande et Letchimy, ont souhaité que le CICE puisse être majoré pour certains secteurs. Or, une telle mesure soulèverait des problèmes constitutionnels. Le crédit d’impôt doit en effet respecter le principe d’égalité devant l’impôt – nous sommes du reste confrontés à la même difficulté en métropole. Ce ciblage paraît donc inenvisageable, du moins sous cette forme.

Mme la ministre des outre-mer. C’est pourquoi nous avons réglé le problème différemment.

M. le secrétaire d’État chargé du budget. Deuxièmement, j’ai entendu ce qui a été dit sur les avantages et les inconvénients respectifs du crédit d’impôt et de la défiscalisation. Je tiens à redire que le taux du crédit d’impôt que nous avons mis en place, notamment dans le secteur du logement, est plus favorable que celui de la défiscalisation, puisqu’il est de 40 % pour le premier, contre 33 % à 35 % pour la seconde. En outre, ce dispositif ne pâtit pas des lourdeurs inhérentes à la défiscalisation, qui exige de créer une société de défiscalisation – et parfois plusieurs pour une même opération –, de réunir les fonds, de rassembler le nombre minimum d’investisseurs… Enfin, je précise, car l’un d’entre vous a parlé de réduction d’impôt – mais peut-être était-ce un lapsus – qu’il s’agit bien d’un crédit d’impôt : si celui-ci est supérieur à l’impôt que l’on a à payer, un versement est effectué.

Troisièmement, le RGEC, sous lequel nous plaçons ce type d’aides, se termine en 2020. Je vois donc mal comment nous pourrions, malgré la souplesse que l’on a introduite dans son application, créer un dispositif qui irait au-delà de son terme – je parle ici des départements d’outre-mer, et non des COM.

Enfin, comme l’a indiqué Victorin Lurel, si nous voulons valoriser et faciliter l’utilisation du crédit d’impôt, il nous faut évidemment assurer son préfinancement dans les meilleures conditions possibles. J’enrage donc en constatant que les différents ministères concernés n’aient pas encore pu trouver la solution – on critique souvent Bercy, mais vous avez sans doute remarqué que ce bâtiment compte plusieurs étages. La banque populaire… pardon, la banque publique d’investissement, qui devrait être populaire (Sourires), doit développer son action dans certains secteurs particuliers. Nous y travaillons, mais si nous n’aboutissons pas avant la fin de l’année, c’est que nous ne sommes pas bons – je vous le dis comme je le pense. Chacun doit militer pour que Bpifrance soit le vecteur privilégié du préfinancement des crédits d’impôt – nous avons parfois rencontré des difficultés à propos du CICE dans les territoires d’outre-mer, et c’est regrettable. D’autant que, pardon de le dire ainsi, le coût – une dizaine de millions d’euros – n’est pas gigantesque : il y a certes un petit facteur de risque mais il faut tenir compte des taux d’intérêt actuels et des possibilités de cette banque. Nous devons aboutir sur ce point ; sinon, nous fragiliserions l’évolution que nous avons décidée. Celle-ci peut, certes, faire l’objet d’appréciations différentes de la part des uns et des autres, mais elle favorise la sécurité et la visibilité.

M. Dominique Lefebvre, président. Mesdames, messieurs, je vous remercie.

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* *

À l’issue de l’audition de Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget, la Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis « Collectivités d’Outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres Australes et Antarctiques françaises » et de M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis « Départements d’Outre-mer », les crédits de la mission « Outre-mer ».

Conformément aux conclusions de M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis « Collectivités d’Outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres Australes et Antarctiques françaises » et de M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis « Départements d’Outre-mer », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2016.

Après l’article 57

La Commission donne un avis favorable à l’amendement n° II-180 (article additionnel après l’article 57, état B) du Gouvernement.

© Assemblée nationale

1 () La Guyane dispose de deux PAD situés dans des quartiers dits prioritaires de Cayenne et créés dans le cadre de la « Dynamique Espoir Banlieues ». Ces deux PAD sont ouverts depuis le 1er septembre 2009.

2 () La Martinique dispose d’un PAD spécialisé en droit de la famille et situé à l’Union départementale des associations familiales (UDAF) et d’un PAD au sein de la Maison de justice et du droit de Fort-de-France.

3 () La Réunion dispose également de la présence, sur son territoire, de 18 antennes de justice, qui doivent progressivement être transformées, dans les prochaines années, en PAD.

4 () La Réunion dispose d’un PAD spécialisé pour la prise en charge des jeunes.

5 () Mayotte dispose d’un PAD auprès du Tribunal de grande instance de Mamoudzou.

6 () Rapport sur les problématiques pénitentiaires en outre-mer, mai 2014, p. 9.

7 () Jusqu’au 1er janvier 2012, les ETPT consommés par l’activité de la chambre détachée de la cour d’appel de Fort-de-France à Cayenne étaient décomptés au titre de la Cour d’appel de Fort-de-France. Le suivi des ETPT consommés au titre de l’activité judiciaire dans le département de la Guyane n’a été possible qu’à compter du 1er janvier 2012, et du début d’activité de la Cour d’appel de Cayenne.

8 () Dont l’élection des juges pourrait intervenir au plus tôt le 1er janvier 2017.

9 () Dont la création a toutefois été repoussée au plus tard au 31 décembre 2017 pour tenir compte du nouveau mode de désignation des conseillers de prud’hommes prévu par la loi n° 2014-1528 du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers de prud’hommes.

10 () Y compris les parloirs familiaux et unités de vie familiale (UVF).