Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N
° 3110

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2016 (n° 3096),

PAR Mme Valérie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

——

ANNEXE N° 19

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

INFRASTRUCTURES DE TRANSPORTS COLLECTIFS ET FERROVIAIRES

SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS

Rapporteur spécial : M. Olivier FAURE

Député

____

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. L’AMBITION D’AMÉLIORER LE RÉSEAU FERROVIAIRE SE CONCRÉTISE D’UN POINT DE VUE BUDGÉTAIRE 7

A. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS PERMETTANT DE POURSUIVRE LA RÉNOVATION DU RÉSEAU 7

1. Présentation générale des crédits du programme 203 7

2. Les crédits de l’action 10 : une sanctuarisation de la subvention à SNCF Réseau 10

a. Des dépenses d’intervention entièrement allouées à SNCF Réseau 10

b. Des fonds de concours en progression concernant les AE 14

3. Le financement des autres acteurs du ferroviaire 14

a. Le « triangle ferroviaire » 14

b. SNCF Mobilités : un acteur dynamique qui bénéficie de subventions de l’État 17

c. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) 19

d. L’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) 22

B. VERS UNE SORTIE DU TUNNEL DE L’AGENCE DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE 24

1. L’affectation d’une partie du produit de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) : une ressource pérenne pour l’agence 24

2. La nécessité d’augmenter le financement de l’agence afin de permettre la mise en œuvre du scénario 2 de la commission « Mobilité 21 » 27

II. LES EFFORTS EN FAVEUR DES TRANSPORTS DU QUOTIDIEN ET DU FRET DOIVENT ÊTRE ACCRUS 29

A. DONNER LA PRIORITÉ AUX TRANSPORTS DU QUOTIDIEN 29

1. Les derniers arbitrages des contrats de plan État-régions 29

2. La poursuite attendue du déploiement des transports collectifs en site propre 32

3. L’amélioration des transports en Île-de-France 34

a. Le plan de mobilisation pour les transports 34

b. Point d’étape sur le financement et l’avancement du volet transports du Grand Paris Express 36

4. La modernisation nécessaire de l’offre des trains d’équilibre du territoire (TET) 39

a. Le constat alarmant de la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire 39

b. La feuille de route et les engagements du Gouvernement 40

c. Le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs 42

d. Des crédits en hausse pour 2016 44

B. FREINER LA CRISE DU FRET FERROVIAIRE 45

1. La situation du fret français 45

a. La situation en France : vers une amélioration 45

b. Fret SNCF : des efforts de restructuration qui commencent à porter leurs fruits 46

2. La mise en œuvre d’un véritable plan d’action en faveur du fret 47

3. Les difficultés liées au coût des péages pour SNCF Mobilités et SNCF Réseau 49

EXAMEN EN COMMISSION 53

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 55

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 75 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues au Rapporteur spécial.

INTRODUCTION

La discussion du projet de loi de finances pour 2016 intervient dans un contexte particulier, celui de la 21e Conférence des parties de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 (« COP 21 »).

En conséquence, le Rapporteur spécial se félicite de la stabilité des crédits alloués à l’action 10 Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires. Faut-il le rappeler : en agglomération, les transports publics ne représentent qu’environ 1 % du total des émissions de dioxyde de carbone. Ils permettent donc de réduire efficacement l’impact de nos déplacements sur l’environnement.

Cette action dispose de la plus grande part des crédits budgétaires du programme 203 Infrastructures et services de transport puisqu’elle représente 77,2 % des crédits budgétaires de ce dernier.

Elle est dotée de 2,48 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Cette stabilité résulte de la sacralisation du concours versé à SNCF Réseau pour la gestion de l’infrastructure ferroviaire, qui constitue l’exclusivité des crédits de l’action 10 suite à la suppression de la subvention budgétaire allouée à l’AFITF, en 2015. Ces crédits permettront ainsi de poursuivre les opérations de modernisation et de maintenance du réseau.

La prévision de fonds de concours, provenant de l’AFITF et venant abonder les moyens de l’action, s’élève à 415 millions d’euros en AE et de 339,1 millions d’euros en CP, soit respectivement, une hausse de 18,6 % et une baisse de 8,7 %. Ils correspondent, pour la plus grande partie, à la part de l’État dans les contrats de plan État-régions 2015-2020 pour les volets ferroviaire et transports collectifs mais également à des actions de mise en accessibilité des gares, de mise en place des emplacements de contrôle des trains.

Concernant le financement de l’AFITF, le Rapporteur spécial se félicite de la pérennisation d’une nouvelle ressource de financement, à savoir l’affectation d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) (1). Toutefois, le Rapporteur spécial s’inquiète de voir la part affectée à l’agence en 2016 diminuer sensiblement à 715 millions d’euros, soit une baisse de 37,2 %.

Si cette nouvelle ressource permet d’assurer des recettes globales à l’agence de l’ordre de 1,9 milliard d’euros, il n’en demeure pas moins que sa diminution ne permet pas de garantir le financement du scénario n° 2 issu du rapport remis par la commission « Mobilité 21 » et sur lequel s’est engagé le Gouvernement, qui requiert des recettes à hauteur de 2,5 milliards d’euros. C’est la raison pour laquelle, alors que le prix du pétrole est au plus bas depuis février 2010, que le Rapporteur spécial a déposé, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2016, un amendement visant à relever de 2 centimes d’euro supplémentaires par litre le niveau de TICPE applicable au gazole en 2016. Il s’agissait ainsi de compléter substantiellement les ressources de l’agence et d’assurer l’entretien et le développement des infrastructures de transport à long terme. Cet amendement a été retiré suite au dépôt d’un amendement du Gouvernement prévoyant d’augmenter de 1 euro l’hectolitre de gazole et de diminuer de 1 euro par hectolitre, le prix de l’essence.

Le Rapporteur spécial se félicite de l’engagement pris par le Gouvernement sur la voie d’une convergence progressive (trajectoire sur sept ans) de la fiscalité des carburants mettant ainsi fin à l’incitation des pouvoirs publics à rouler au diesel.

Le Rapporteur spécial s’interroge cependant sur l’utilisation du solde de 245 millions d’euros, résultant du différentiel entre consommation de diesel et d’essence. La fiscalité écologique ne peut mécaniquement et exclusivement constituer la recette de mesures environnementales. Il n’en demeure pas moins que ces hausses du prix du carburant sont infiniment plus acceptables socialement lorsqu’elles servent à financer des alternatives à la route via les transports en commun ou des aides aux particuliers qui modifient leurs usages (achat de véhicule propre ou adjonction d’un filtre à particules).

*

* *

I. L’AMBITION D’AMÉLIORER LE RÉSEAU FERROVIAIRE SE CONCRÉTISE D’UN POINT DE VUE BUDGÉTAIRE

A. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS PERMETTANT DE POURSUIVRE LA RÉNOVATION DU RÉSEAU

L’action 10 Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires appartient au programme 203 Infrastructures et services de transport qui se décline en sept actions.

Ce programme porte à la fois sur les infrastructures et sur les services de transport routiers, ferroviaires, fluviaux, portuaires maritimes et aéroportuaires, sur la sécurité, la sûreté et la régulation des secteurs économiques concernés, à l’exception de la sécurité du transport maritime qui relève du programme Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture ainsi que du secteur aérien, qui fait l’objet du budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

1. Présentation générale des crédits du programme 203

Les tableaux suivants retracent l’évolution des crédits demandés pour les sept actions du programme 203 Infrastructures et services de transports, ainsi que les montants prévisionnels des fonds de concours et des attributions de produits.

AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT DEMANDÉES POUR 2016 SUR LE PROGRAMME 203 INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORTS

(en millions d’euros)

 

Crédits budgétaires

Fonds de concours et attributions de produits

 

LFI 2015

PLF 2016

variation (en %)

LFI 2015

PLF 2016

variation (en %)

Action 1 : Développement des infrastructures routières

     

642,25

691

+ 7,6

Action 10 : Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires

2 474,85

2 476,97

+ 0,1

350

415

+ 18,6

Action 11 : Infrastructures fluviales, portuaires et aéroportuaires

313,14

318,20

+ 1,6

35,6

50,6

+ 42,1

Action 12 : Entretien et exploitation du réseau routier national

323,02

318,10

– 1,5

233

287

+ 23,2

Action 13 : Soutien, régulation, contrôle et sécurité des services de transports terrestres

47,71

42,86

– 10,2

37

37

-

Action 14 : Soutien, régulation et contrôle dans les domaines des transports fluviaux, maritimes et aériens

23,74

28,50

+ 20,0

16

-

-

Action 15 : Stratégie et soutien

17,76

22,14

+ 24,7

1,85

1,85

-

Total

3 200,23

3 206,77

+ 0,2

1 315,7

1 482,45

+ 1,3

Source : projet de loi de finances pour 2016.

CRÉDITS DE PAIEMENT DEMANDÉS POUR 2016 POUR LE PROGRAMME 203 INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORTS

(en millions d’euros)

 

Crédits budgétaires

Fonds de concours et attributions de produits

 

LFI 2015

PLF 2016

variation (en %)

LFI 2015

PLF 2016

variation (en %)

Action 1 : Développement des infrastructures routières

-

-

 

1 252,72

670,83

– 46,5

Action 10 : Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires

2 474,85

2 476,97

+ 0,1

371,27

339,11

– 8,7

Action 11 : Infrastructures fluviales, portuaires et aéroportuaires

320,14

314,12

– 1,9

61,30

59,36

– 3,2

Action 12 : Entretien et exploitation du réseau routier national

328,71

323,89

– 1,5

240,34

328,24

+ 36,6

Action 13 : Soutien, régulation, contrôle et sécurité des services de transports terrestres

52,71

47,86

– 9,2

32,58

32,71

+ 0,4

Action 14 : Soutien, régulation et contrôle dans les domaines des transports fluviaux, maritimes et aériens

29,67

26,93

– 9,2

4

3,25

– 18,8

Action 15 : Stratégie et soutien

17,76

16,57

– 6,7

1,85

1,85

-

Total

3 223,84

3 206,33

– 0,5

1 964,06

1 435,34

– 26,9

Source : projet de loi de finances pour 2016.

Hors fonds de concours, ce programme est doté en 2016 de 3,21 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP), soit des montants quasiment stables par rapport à 2015 (respectivement, + 0,2 % et - 0,5 %). Contrairement à l’exercice précédent, en AE, les fonds de concours enregistrent une hausse de 1,3 % mais continuent de baisser en CP (– 26,9 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

Les fonds de concours proviennent principalement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour un montant total de 1 230,8 millions d’euros en AE et de 1 087,4 en CP, soit, respectivement, une augmentation de 13,2 % et une diminution de 27,2 %. Il convient de préciser qu’il ne s’agit aujourd’hui que d’une estimation étant donné que le budget de l’agence n’est pas encore élaboré. Les participations versées par les collectivités territoriales dans le cadre des investissements contractualisés (programmes de modernisation des itinéraires routiers et contrats de plan État-région) atteignent un montant de 250 millions d’euros en AE et de 277,4 en CP. Au total, 1 482,4 millions d’euros en AE et 1 435,4 en CP alimenteront le programme 203.

Le Rapporteur spécial salue la stabilisation des crédits de l’action 10 Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires qui représente, à elle seule, 77,2 % de l’enveloppe budgétaire du programme 203, atténuant la baisse des crédits du programme tirée par la diminution des crédits de toutes les autres actions. Ces crédits sont constitués de dépenses d’intervention allouées en intégralité sous la forme de concours à SNCF Réseau, pour la gestion de l’infrastructure. En effet, depuis 2015, la subvention d’équilibre versée à l’AFITF a été supprimée. Pour rappel, cette dernière s’élevait à 334 millions d’euros dans le projet de loi de finances initiale pour 2014, finalement portée en cours d’année à 656 millions d’euros afin de compenser la suspension de la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds. Dorénavant, l’affectation d’une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) prévue dans la loi de finances initiale pour 2015 et pérennisée dans le projet de loi de finances pour 2016 constitue une recette durable pour l’AFITF qui ne nécessite plus de faire appel à l’aide de l’État malgré l’avortement des péages de transit (cf. infra).

Le tableau suivant présente l’évolution des crédits demandés par titre de dépenses pour l’ensemble du programme 203 Infrastructures et services de transports.

INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORTS : ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR TITRE

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

 

LFI 2015

PLF 2016

variation (en %)

LFI 2015

PLF 2016

variation (en %)

Titre 3 : Dépenses de fonctionnement

442,63

448,4

+ 1,3

442,63

432,83

– 2,2

Titre 5 : Dépenses d’investissement

159,25

165,27

+ 3,8

165,74

167,24

+ 0,9

Titre 6 : Dépenses d’intervention

2 598,34

2 603,09

+ 0,2

2 615,46

2 606,26

– 0,3

Total

3 200,23

3 206,77

+ 0,2

3 223,84

3 206,33

– 0,5

y.c fonds de concours

4 525,93

4 689,22

+ 3,6

5 187,9

4 641,67

– 10,5

Source : projet de loi de finances pour 2016.

Par ailleurs, d’autres actions, plus modestes, concourent au financement de la politique en faveur des transports collectifs et ferroviaires.

Ainsi, l’action n° 13 Soutien, régulation, contrôle et sécurité des services de transports terrestre qui compte 42,86 millions d’euros en AE et 47,86 en CP, prévoit au titre des dépenses d’interventions, le soutien au transport combiné (autoroutes ferroviaires notamment) pour 10 millions d’euros en AE et 15 en CP et pour 25,9 millions d’euros (AE = CP), la compensation à SNCF Mobilités des tarifications sociales nationales mises en œuvre à la demande de l’État. Ce montant, qui diminue de 13,7 % par rapport à 2015, n’est cependant pas suffisant pour assurer à SNCF Mobilités une compensation exhaustive de ces tarifs qui devrait atteindre 84,3 millions d’euros en 2016. Enfin, 33 millions d’euros en AE et 27,7 en CP provenant des fonds de concours de cette action sont destinés à la mise en sécurité des passages à niveau et des tunnels. Si les AE restent stables, les CP accusent, pour leur part, une baisse de 3,1 % par rapport à 2015. À ce titre, le Rapporteur spécial souhaite faire part de son inquiétude quant à la baisse des CP, alors même que l’année 2015 a été marquée par une hausse de la mortalité sur les passages à niveau (80 morts contre 60 en 2014). Toutefois, l’effort réalisé en 2014 de suppression de 63 passages à niveau doit être salué. Au cours de l’année 2015, 158 passages à niveau restent inscrits au programme national de sécurisation, alors qu’ils étaient 216 début 2010. Pour 2016, la suppression de six passages à niveau inscrits au programme national de sécurisation, l’amélioration de 687 passages à niveaux et la suppression de 14 passages à niveau non-inscrits est prévue.

Enfin, l’action 15 Stratégie et soutien qui dispose de 22,14 millions d’euros en AE et de 16,57 en CP soit, respectivement, une hausse de 24,7 % et une diminution de 6,7 %, regroupe les dépenses d’études générales et de prospective (qualité de service dans les transports du quotidien, gouvernance territoriale des transports, etc.) ainsi que les dépenses de logistique de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (6,1 millions d’euros, AE = CP).

2. Les crédits de l’action 10 : une sanctuarisation de la subvention à SNCF Réseau

a. Des dépenses d’intervention entièrement allouées à SNCF Réseau

L’action 10 Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires est dotée de 2,48 milliards d’euros en AE et CP, des crédits quasiment stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Ces crédits sont exclusivement constitués de la subvention versée à RFF qui permet de poursuivre les objectifs de régénération et d’amélioration du réseau fixés.

Les crédits prévus pour l’action 10 participeront au financement, outre de la gestion de l’infrastructure, de deux types d’action :

– l’amélioration de la performance du réseau ferroviaire : suite à l’actualisation en 2012 de l’audit de l’École polytechnique de Lausanne sur l’état du réseau ferré national de 2005, le conseil d’administration de SNCF Réseau avait adopté, le 19 septembre 2013, un grand plan de modernisation du réseau ferroviaire dont la déclinaison territoriale et méthodologique devrait être finalisée pour 2015, en cohérence avec la conclusion des contrats de plan État-régions qui porteront sur la période 2015-2020 ;

– le développement du réseau ferré national et européen : quatre lignes à grande vitesse (LGV) sont en cours de construction (LGV Tours-Bordeaux ; LGV Bretagne-Pays de la Loire ; LGV Est européenne ; le contournement de Nîmes et Montpellier), les travaux préliminaires à la construction des ouvrages de la partie commune franco-italienne de la nouvelle liaison Lyon-Turin ont été lancés en 2014 et les études relatives aux projets prioritaires définis par le rapport de la commission « Mobilité 21 » (LGV Poitiers-Limoges, Paris-Gare de Lyon, nœud ferroviaire lyonnais, etc.) seront poursuivies ;

– le développement des transports collectifs : hors Île-de-France, un troisième appel à projets en faveur des transports collectifs en site propre a été lancé en mai 2013 dont les résultats ont été annoncés le 18 décembre 2014. En Île-de-France, il faut indiquer la mise en œuvre du Grand Paris Express et du plan de mobilisation pour les transports collectifs. Ce dernier a fait l’objet d’une déclinaison opérationnelle à partir de 2015, traduite par la signature le 9 juillet 2015 du contrat de plan État-région 2015-2020. L’AFITF pourrait contribuer au financement du volet mobilité de ce contrat à hauteur de 100 millions d’euros en AE et de 165 en CP pour 2016.

S’agissant des projets de développement du réseau dont SNCF-Réseau assure la maîtrise d’ouvrage, les subventions d’investissement de l’État ont été progressivement prises en charge par l’AFITF à partir de 2005.

S’agissant du réseau existant, depuis leur restructuration en 2004 et jusqu’en 2008, les subventions budgétaires de l’État à RFF étaient composées :

– de la contribution aux charges d’infrastructures ;

– de la subvention de renouvellement et de mise aux normes ;

– de la subvention de désendettement, inscrite au programme 173 Passifs financiers ferroviaires.

Depuis la loi de finances initiale pour 2009, les concours ne sont plus attachés à l’utilisation qu’en fait le gestionnaire d’infrastructure (régénération, entretien, désendettement) mais contribuent à l’équilibre des coûts de l’utilisation du réseau ferré national selon les diverses activités (il n’y a pas de concours État pour les activités TGV et TER en Île-de-France où la tarification doit couvrir le coût complet).

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, le concours de l’État de 2 477 millions d’euros se décompose comme suit :

– 1 673,5 millions d’euros pour le financement de l’utilisation du réseau ferré national par les trains régionaux de voyageurs (« TER ») ; ce montant correspond au montant de la redevance d’accès instituée dans le cadre de la réforme de la tarification et inclut à ce titre la TVA correspondante. Cette redevance est facturée à l’État, sauf en Île-de-France (en effet, la tarification de l’infrastructure avait été établie dès l’origine au coût complet pour les services « Transilien ») ;

– 528,9 millions d’euros pour le financement de l’utilisation du réseau ferré national par les trains nationaux classiques de voyageurs (« Intercités »). À partir de 2012, l’État étant devenu autorité organisatrice de transport pour ce service, le concours versé antérieurement à ce titre n’est plus un « simple » concours d’équilibre mais correspond au montant de la redevance d’accès facturée pour ces services. Il inclut, à ce titre, la TVA correspondante ;

– 274,6 millions d’euros pour les concours relatifs à l’utilisation du réseau ferré national par les trains de fret, qui comprend la compensation destinée à contribuer à la neutralité financière de la réforme de la tarification pour les entreprises ferroviaires de fret. Cette compensation constitue un « complément de prix » et inclut la TVA correspondante.

Ce montant ne comprend pas, pour l’activité TER hors Île-de-France, les redevances de quai et de gare, payées par les régions à partir de 2014 et financées par un transfert de l’État. En effet, à compter de 2014, afin de distinguer dans la comptabilité des établissements, les gares du reste de l’infrastructure, une redevance de quai a été mise en place par le gestionnaire d’infrastructure sans augmentation du volume total des péages.

S’agissant des projets de développement du réseau, dont SNCF Réseau assure la maîtrise d’ouvrage (2), les subventions d’investissement de l’État ont été progressivement prises en charge par l’AFITF à partir de 2005.

Toutefois, le Rapporteur spécial déplore le fait que cette subvention ne permet pas de régler complètement pour 2016, la question de l’effort de régénération du réseau et des nécessaires mises en conformité. L’indicateur 2.1 « Coût des opérations de régénération et d’entretien du réseau ferré » révèle que le coût kilométrique moyen des opérations de régénération a augmenté de plus de 17 % pour atteindre 1,255 million d’euros courants par km en 2016. Cette hausse s’explique tant par le volume de travaux sur les lignes à fort trafic devant être réalisés de nuit et de la priorité fixée par le grand plan de modernisation du réseau de 2013 pour mener ces opérations sur le réseau principal où les opérations de régénération sont les plus coûteuses. Néanmoins, la prévision pour 2016 reste inférieure à la cible fixée pour 2017 (1 270 kg euros par kilomètre).

La trajectoire financière proposée par SNCF Réseau aux services de l’État depuis juillet 2015 prévoit pour 2016 un accroissement de la dette ferroviaire de près de 2,0 milliards d’euros malgré l’augmentation de la capacité d’autofinancement. La stabilisation de la dette n’interviendrait que dans dix ans à condition de maintenir l’évolution de la redevance d’accès et de la compensation fret.

Il convient à ce titre de rappeler que la « règle d’or » concerne uniquement les investissements de développement. Ces derniers seront évalués sur la base d’un ratio dette financière nette/marge opérationnelle (MOP), déterminé par décret actuellement en cours d’élaboration mais qui ne peut dépasser 18 (3). En cas de dépassement de ce ratio, les projets d’investissement de développement sont financés par l’État, les collectivités territoriales ou tout autre demandeur. À ce jour, le niveau et l’évolution du ratio sont supérieurs à 18 et le resteront dans les années suivantes.

Or, la régénération et les mises en conformité ne sont pas soumises à cette règle ce qui contribue à gonfler la dette de SNCF Réseau qui atteignait fin 2014, 36,78 milliards d’euros. Il en va de même pour les grands projets lancés (ligne E du RER « EOLE », « CDG Express » (4)) qui ne seraient pas également soumis à la règle, la décision de mise en œuvre étant antérieure à la parution du décret.

Concernant les objectifs de régénération, de modernisation, d’entretien et de sécurisation du réseau, la nouvelle trajectoire sera définie lors de la prochaine conclusion du contrat de dix ans de SNCF Réseau avec l’État (5). L’effort devrait demeurer soutenu, les besoins du réseau restant importants puisque l’actuel programme, s’il a freiné le vieillissement, n’a pas suffi à y mettre un terme. Elle devrait permettre de stopper le vieillissement du réseau et répondre aux forts enjeux de rénovation de celui-ci : garantir un très haut niveau de sécurité et améliorer la qualité de service, notamment dans la zone francilienne très dense.

Pour répondre à ces enjeux, il s’agit notamment de réduire la longueur des voies hors d’âge du réseau structurant et de diminuer la longueur des ralentissements dont pâtit l’exploitation commerciale. Par ailleurs, les prochaines années marquent le début du renouvellement de certaines lignes à grande vitesse (LGV Est), sur lesquelles un haut niveau de performance est toujours attendu. Enfin, suite à l’accident de Brétigny, un vaste programme de renouvellement des appareils de voie est également lancé.

Le tableau ci-dessous récapitule le montant des crédits versés par l’État à SNCF-Réseau depuis l’année 2010 :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS VERSÉS PAR L’ÉTAT À SNCF-RÉSEAU

(millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

(*)

LFI

2015(*)

PLF 2016(*)

Subventions d’investissements reportées sur l’AFITF (HT)

-

--

-

-

-

-

-

Contribution aux charges d’infrastructure (TTC jusqu’en 2005 puis HT)

-

-

-

-

-

-

-

Subvention de régénération (HT)

-

-

-

-

-

-

-

Contribution au désendettement (HT)

-

-

-

-

-

-

-

Contribution « TER »

(HT en 2009 puis en TTC)

1 489

1 522

1 560

1 627

1 638

1 662

1 663

Contribution « TET »

(HT jusqu’en 2011, TTC en 2012)

242

244

455

474

518

525

529

Contribution « fret »

(dont complément de péage fret en TTC)

745
(230)

577
(230)

320
(257)

137
(137)

136 (136)

290

(237)

274

(229)

Total TTC

2 476

2 343

2 335

2 238

2 292

2 477

2 466

Total HT (pro forma)

2 194

2 056

1 962

1 872

1 910

2 073

2 062

(*) les montants indiqués en LFI et PLF sont hors gels et hors redevance de quai et de gare (73 millions d’euros TTC en 2014 et 2015, avec un premier ré-ajustement à 84 millions d’euros en 2016).

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

b. Des fonds de concours en progression concernant les AE

Les fonds de concours proviennent uniquement de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) pour un montant total de 415 millions d’euros en AE et de 339,1 millions d’euros en CP, soit respectivement, une hausse de 18,6 % et une baisse de 8,7 %. Il convient de préciser s’il ne s’agit aujourd’hui que d’une estimation étant donné que le budget de l’agence n’est pas encore arrêté à cette date. Ces fonds de concours ont vocation à financer la part de l’État dans les contrats de plan État-régions 2015-2020 pour les volets ferroviaire et transports collectifs mais également des actions de mise en accessibilité des gares, de mise en place des emplacements de contrôle des trains. Par ailleurs, l’AFITF participe à des opérations au titre de l’engagement national pour le fret ferroviaire ou des acquisitions foncières pour le projet Lyon-Turin.

Le tableau suivant présente l’évolution des crédits demandés par titre de dépenses.

INFRASTRUCTURES DE TRANSPORTS COLLECTIFS ET FERROVIAIRES :
ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR TITRE

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

 

LFI 2015

PLF 2016

variation (en %)

LFI 2015

PLF 2016

variation (en %)

Titre 3 : Dépenses de fonctionnement

0

0

 

0

0

 

Titre 5 : Dépenses d’investissement

0

0

 

0

0

 

Titre 6 : Dépenses d’intervention

2 477,0

2 477,0

-

2 477,0

2 477,0

-

Total

2 477,0

2 477,0

-

2 477,0

2 477,0

-

y.c fonds de concours

2 827

2 892

+ 2,3

2 848,3

2 816,1

– 1,1

Source : projet de loi de finances pour 2016.

3. Le financement des autres acteurs du ferroviaire

Il convient de préciser qu’aucune subvention publique pour l’établissement public de tête « SNCF » n’est prévue dans le projet de loi de finances pour 2016.

a. Le « triangle ferroviaire »

Le financement croisé du transport ferroviaire entre l’État (et l’AFITF), SNCF Réseau et SNCF Mobilités est dénommé « triangle ferroviaire ».

Concernant les rapports État-SNCF Réseau, depuis 2009, les contributions d’exploitation sont versées par type de service et sont destinées à participer au financement du coût de l’utilisation du réseau, lorsque les péages de ce dernier ne permettent pas de les couvrir, c’est-à-dire pour les trains express régionaux de voyageurs (TER), les trains classiques nationaux et le fret. Elles représentent 2,1 milliards d’euros pour 2016 hors taxes. L’AFITF verse à SNCF Réseau des subventions de développement et de modernisation, dont le montant n’est pas définitivement fixé. Il était de 600 millions d’euros pour 2015.

Depuis la signature de la convention du 13 décembre 2010, l’État exerce la compétence d’autorité organisatrice des transports d’équilibre du territoire (TET). À ce titre, elle verse une subvention à SNCF Mobilités, en contrepartie du respect de ses obligations de service public. Les travaux relatifs à l’établissement de la prochaine convention sont en cours avec SNCF Mobilités, ainsi que l’a annoncé le secrétaire d’État chargé des transports en juillet dernier. Pour 2016, ils doivent permettre de maintenir le besoin de financement du compte d’affectation spéciale (CAS) Services nationaux de transport conventionné de voyageurs à 335 millions d’euros.

En outre, en 2013, une première tranche d’investissement pour le renouvellement du matériel TET a été lancée par la signature de la convention de financement entre l’État, SNCF Mobilités et l’AFITF. 510 millions d’euros ont été engagés au profit de SNCF Mobilités pour assurer l’achat de 34 rames « Coradia Liner », nécessaires au remplacement des locomotives diesel en fin de vie, et adapter les installations de maintenance en conséquence. Ils sont versés à SNCF Mobilités annuellement par tranche de 100 millions d’euros à compter de 2014. Par ailleurs, le Gouvernement a décidé que le parc de matériel roulant des lignes structurantes de l’offre TET serait entièrement renouvelé d’ici 2025, pour un montant d’investissement d’environ 1,5 milliard d’euros.

Par ailleurs, l’État verse à SNCF Mobilités une compensation au titre des tarifs sociaux nationaux (66,5 millions d’euros en 2011, abaissés à 50 en 2012, puis 25,9 pour 2016).

Concernant les rapports SNCF Réseau-SNCF Mobilités, avec la mise en place du gestionnaire d’infrastructure unifié, les dépenses d’entretien et d’exploitations réalisées par SNCF-Infra et la direction des circulations ferroviaires (DCF) de l’ex-SNCF pour le compte de l’ex-RFF sont maintenant internalisées au sein de SNCF-Réseau. Ainsi, il n’y aura donc plus de transfert de SNCF-Réseau vers SNCF-Mobilités à ce titre.

Il faut enfin noter que la tarification appliquée par SNCF Réseau pour l’utilisation du réseau a été réformée et cette révision, qui est appliquée depuis 2014, prévoit, le paiement d’une redevance quai en application du décret du 20 janvier 2012 (6), par SNCF Mobilités et compensée par le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs et, d’autre part, un rééquilibrage du montant des redevances, en fonction de la répartition réelle des coûts d’infrastructure.

Par ailleurs, depuis l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire en 2006, et avec l’ouverture en 2010 des services internationaux de voyageurs, le montant des redevances versées à SNCF Réseau inclut les versements des nouveaux entrants dont la part n’est plus marginale puisqu’elle devrait représenter maintenant environ le tiers du montant prévisionnel des redevances. Pour rappel, l’activité des nouveaux entrants, qui était en 2006 très limitée (moins de 1 % des parts de marché), atteignait 36 % des parts de marché en 2013.

Ainsi, SNCF Mobilités et les autres entreprises ferroviaires acquittent des péages (redevances d’infrastructures) à SNCF Réseau pour l’utilisation de son réseau en tant qu’opérateur ferroviaire, dont le montant total s’élève à 3,8 milliards d’euros en 2016.

Enfin, compte tenu de la constitution récente du groupe public ferroviaire, intervenue le 1er juillet 2015, les montants des relations financières faisant intervenir la SNCF, établissement public de tête, ne sont pas encore connus. Pour mémoire, il s’agit des relations financières suivantes :

– rémunérations perçues par la SNCF (en provenance de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités) au titre des missions mutualisées qu’elle exerce au bénéfice de l’ensemble du groupe public ferroviaire ;

– rémunérations perçues par la SNCF (en provenance de SNCF Réseau, de SNCF Mobilités ou de toute autre entreprise ferroviaire) au titre des missions transversales qu’elle exerce au bénéfice des acteurs du système de transport ferroviaire national ;

– dividende sur le résultat de SNCF Mobilités perçu par la SNCF ;

– dotation à SNCF Réseau versé par la SNCF.

Le graphique ci-dessous synthétise les données prévisionnelles pour 2015 connues. Les données prévisionnelles pour 2016, exceptions faites des contributions de l’État à SNCF-Réseau et des redevances d’infrastructures à SNCF-Réseau (3,8 milliards d’euros), ne sont pas connues à cette date.

Source : ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

b. SNCF Mobilités : un acteur dynamique qui bénéficie de subventions de l’État

● Un résultat net en hausse

En 2014, le chiffre d’affaires du groupe progresse de 1,5 % et atteint 27,24 milliards d’euros, résultant d’une activité contrastée, car si le chiffre d’affaires réalisé à l’international, tiré par les filiales Keolis et Geodis, a nettement progressé (+ 7 %), les résultats domestiques sont en berne, en raison notamment du recul de – 1,1 % du chiffre d’affaires de Voyages SNCF.

Dans un contexte économique défavorable en 2014 et du fait des grèves de juin, la marge opérationnelle (MOP) s’établit à 2,38 milliards d’euros en 2014, en recul de 114 millions d’euros par rapport à 2013. La performance du groupe reste variable selon les branches : la marge de Voyages SNCF affiche une tendance à la baisse marquée sur les trois dernières années, tandis que celle de SNCF Logistics affiche une forte hausse sur la même période grâce à la poursuite du redressement de la marge de Fret SNCF. Gares & Connexions et SNCF Proximités affichent des marges relativement stables.

Le groupe affiche un résultat net positif de 605 millions d’euros (contre - 180 millions d’euros en 2013), lié notamment aux opérations immobilières de Mouchotte et de la halle Freyssinet.

La dette financière nette du groupe s’établit à 7,4 milliards d’euros, en légère augmentation de 15 millions d’euros par rapport à 2013.

● Les perspectives pour 2015 et 2016

Le budget 2015 a été élaboré dans le contexte de constitution du groupe public ferroviaire le 1er juillet 2015. Dans cette perspective, le budget de SNCF Mobilités a été construit sur un périmètre n’incluant pas SNCF Infra, qui avait vocation à rejoindre SNCF Réseau au moment de la constitution du groupe public ferroviaire. Il a été validé par le conseil d’administration lors de sa séance du 8 janvier 2015. Malgré une conjoncture économique difficile, l’entreprise parvient toutefois à maintenir les objectifs de son plan stratégique, ce dont se félicite le Rapporteur spécial.

Parmi les chiffres clés du budget du groupe, le chiffre d’affaires devrait atteindre 29,2 milliards d’euros (soit une augmentation d’environ 3,5 % par rapport à 2014 à change et périmètre constants). Il serait néanmoins en décalage de 1,3 % par rapport à la trajectoire du plan stratégique Excellence 2020 (7). La croissance du chiffre d’affaires devrait surtout être portée par Keolis (+ 8,6 %).

La marge opérationnelle est inscrite dans le budget 2015 à hauteur de 2,37 milliards d’euros, en hausse de 28 millions d’euros par rapport au plan Excellence 2020 et de 8 millions d’euros par rapport à 2014 à change et périmètre constants.

En termes de trésorerie, le cash-flow libre devrait s’établir à - 37 millions d’euros en 2015, en amélioration par rapport au plan stratégique du fait d’un niveau d’investissements légèrement réduit. L’entreprise propose d’inscrire au budget 2015 des investissements sur fonds propres à hauteur de 2,1 milliards d’euros.

Sur le plan financier, la dette prévue au budget 2015 est légèrement en deçà de la trajectoire présentée dans le plan Excellence 2020, mais néanmoins supérieure de 445 millions d’euros par rapport à 2014.

● Les subventions de l’État

Depuis 2008, l’État ne verse plus à SNCF Mobilités que des subventions d’exploitation (hors subventions d’investissements versées par l’AFITF pour le matériel roulant des trains d’équilibre du territoire). Avant cette date, l’entreprise publique percevait également de l’État des contributions hors exploitation au titre du plan fret qui a pris fin en 2006, au titre du service annexe d’amortissement de la dette (SAAD) dans le cadre du programme 173 Passifs financiers ferroviaires dont la dette a été reprise par l’État, ainsi qu’une subvention d’équilibre au régime de retraite des cheminots. Cette dernière est désormais versée directement à la caisse de prévoyance et de retraite des personnels, devenue autonome en 2007.

Ces subventions d’exploitation sont composées de :

– la compensation du manque à gagner pour SNCF Mobilités résultant des tarifications sociales nationales versées dans le cadre du programme 203. Son montant, prévu à 30 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2015, devrait finalement être ramené à 21,4 millions d’euros en cours d’année et devrait atteindre 25,9 millions d’euros pour 2015 ;

– la subvention d’exploitation versée dans le cadre de la convention relative aux trains d’équilibre du territoire, via le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs. Elle s’élève à 335 millions d’euros pour 2016 (en hausse de 8,4 % par rapport à 2015).

Par ailleurs, SNCF Mobilités bénéficie de la subvention au titre de la politique sociale en matière d’emplois (emplois jeunes et autres contrats spécifiques) qui relève du droit commun. En 2014, SNCF Mobilités a perçu 47 millions d’euros. Le montant exact pour 2015 n’est pas encore connu. Le nombre total d’agents concernés par ces aides publiques s’est élevé à 5 037 en 2014. Par ailleurs, SNCF Mobilités bénéficiait d’une participation du ministère de la Culture et de la communication au financement du plan de transport de la presse quotidienne qui s’élevait à 3 millions d’euros en 2013 et a été supprimée en 2014.

Est également versée chaque année à SNCF Mobilités, une compensation au titre des facilités de circulation accordées au personnel militaire par le ministère de la Défense. Jusqu’à fin 2011, le montant exact de cette compensation faisait l’objet d’une facturation au réel établie sur la base des trajets effectivement réalisés par les personnels militaires (191,5 millions d’euros pour 2011). Toutefois, dans le cadre du nouvel accord pluriannuel conclu entre SNCF Mobilités et le ministère de la Défense en avril 2012, l’entreprise considère que les sommes versées au titre des années 2012, 2013 et 2014 (respectivement, 180, 168 et 148 millions d’euros) ne devraient plus être considérés comme une contribution, mais comme un produit commercial.

ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS D’EXPLOITATION VERSÉES PAR SNCF MOBILITÉS

(en millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

(estimation)

2016

(prévisions)

Tarifs sociaux nationaux

70

66,5

50

40

27,9

21,4

25,9

Défense

187

191,5

-

-

-

-

-

Presse

6

5

5

3

0

-

-

Subvention d’exploitation TET

 

210

312

314

307,6

333

335

Total

263

473

367

357

335,5

354,4

-

Source : projet de loi de finances pour 2016.

Le Rapporteur spécial tient à souligner que les compensations des tarifications sociales subissent une baisse croissante depuis 2012, constituant un manque à gagner considérable pour SNCF Mobilités. En effet, pour 2015 et 2016, les estimations du coût des tarifs sociaux sont, respectivement, 87,6 et 84,3 millions d’euros. Depuis 2002, le montant prévu en loi de finances ne suffit plus à couvrir ces tarifs et subit une diminution croissante, d’année en année (- 77,5 % par rapport à 2004). Le Rapporteur spécial appelle ainsi l’attention du Gouvernement sur cette situation qui ne saurait perdurer, d’autant qu’il s’agit du financement d’une politique sociale mise en place par l’État.

c. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer)

● Les nouvelles missions de l’Arafer

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 relative à la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a transformé l’Autorité de régulation des activités ferroviaires en Autorité́ de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) le 15 octobre 2015.

L’Arafer devient ainsi le régulateur du transport multimodal. Elle s’assure que l’ouverture de nouveaux services de transport par autocar ne porte pas atteinte à l’équilibre économique des services publics existants et conventionnés : transports express régional (TER), trains d’équilibre du territoire (TET) ou lignes départementales par autocar.

Pour les lignes de 100 km ou moins en régions, et entre 40 et 100 km en Île-de-France, la loi prévoit la possibilité́ pour une autorité́ organisatrice de transport (AOT) de saisir l’Arafer afin de limiter ou d’interdire une nouvelle liaison par autocar qui porterait une atteinte substantielle à l’équilibre économique de services publics existants. Celle-ci évaluera l’impact de cette liaison routière librement organisée sur les services de transport conventionnés et émettra un avis conforme sur les projets d’interdiction ou de limitation envisagés par les AOT.

La seconde évolution importante dont le Rapporteur spécial se réjouit, est, à compter du 1er février 2016, la compétence de l’Arafer dévolue sur le volet autoroutier. En effet, la consultation de l’autorité sur les projets de modification d’un contrat de concession autoroutière ayant une incidence sur les tarifs de péages ou sur la durée de la concession, sera obligatoire. Par ailleurs, elle veillera à l’exercice d’une concurrence effective et loyale lors de la passation des marchés par les sociétés concessionnaires d’autoroute. Les pratiques antérieures avaient été largement pointées du doigt par l’Autorité de la concurrence et le Rapporteur spécial dans le rapport d’information présenté avec M. Alain Rodet le 13 juillet 2013 (8). Le Rapporteur spécial salue cette avancée fondamentale qui permettra à l’Arafer de contrôler l’attribution des marchés de plus de 500 000 euros, en veillant en particulier à l’élaboration du cahier des charges des marchés de travaux, de fournitures ou de services.

Plus précisément, dans le cadre de ses fonctions de régulateur du réseau ferroviaire, elle veille à ce que les différentes entreprises ferroviaires accèdent, de manière équitable et non discriminatoire, au réseau ferroviaire et aux prestations associées et concourt au bon fonctionnement du service public.

Elle émet, à ce titre, des avis sur les dispositions régissant le fonctionnement du secteur ferroviaire, notamment un avis conforme sur les péages acquittés par les entreprises ferroviaires ou sur la fixation des redevances relatives à l’accès aux gares de voyageurs et aux autres infrastructures de service ainsi qu’aux prestations régulées qui y sont fournies. Par ailleurs, elle émet un avis motivé sur le projet de budget de SNCF Réseau, portant notamment sur le respect de la trajectoire financière définie par le contrat conclu avec l’État, lui conférant un rôle majeur dans la maîtrise de l’endettement ferroviaire.

Elle est également chargée du règlement des différends qui peuvent naître à l’occasion de l’exercice du droit d’accès au réseau et aux prestations associées.

● La nécessité d’adapter les moyens aux missions

La prise en charge par l’Autorité des nouvelles missions que la loi lui confie devra, par conséquent, s’accompagner du relèvement adéquat du plafond d’autorisation d’emplois, fixé à 62,5 ETP pour 2015.

Sur la base d’une estimation réalisée par l’Autorité, compte tenu des incertitudes pesant notamment sur le volume de saisines à traiter dans le cadre de la libéralisation du transport par autocar, celle-ci évalue à 80 ETPT (9), le dimensionnement cible de ses effectifs (c’est-à-dire 12 à 13 ETPT supplémentaires pour le volet autoroutier et 5 ETPT supplémentaires pour le volet autocars et gares routières). Toutefois, des gains de productivité seront réalisés, permettant de parvenir à un plafond d’autorisation d’emplois effectif de 77 ETPT.

Le Gouvernement a souhaité confier cette année une mission à deux corps d’inspection, l’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), pour réaliser l’estimation des besoins de l’Autorité au regard de ses nouvelles compétences.

Cette mission, qui a rendu à la fin du mois de septembre son rapport, confirme l’évaluation faite par l’Arafer des effectifs supplémentaires nécessaires à l’exercice des nouvelles missions mais remet en cause le plafond d’emploi existant de 62,5 ETP sur le ferroviaire. En effet, pour cette mission, l’effectif de 50 ETP atteint au 1er juin 2015 serait suffisant car il représenterait déjà une forte progression par rapport à l’effectif constaté en 2012-2013 (environ 35 ETP). Or, il est indéniable que l’Autorité est montée en charge progressivement (l’effectif cible a été évalué à 60 ETPT dès 2009-2010 par la mission de préfiguration du CGEDD), alors que la mission relève, par ailleurs, les difficultés réelles du recrutement sur Le Mans.

L’Autorité se trouverait ainsi doublement pénalisée : faute d’avoir pu monter en charge suffisamment rapidement, en raison de contraintes qui lui sont étrangères, elle en subirait les conséquences par une baisse de son plafond d’emploi au titre de ses missions historiques.

De la même façon, la mission IGF-CGEDD ne prévoit de relever le montant du budget de l’Autorité (aujourd’hui de 11 millions d’euros financés par un prélèvement sur les entreprises ferroviaires, plafonné en loi de finances) que de 1 à 2 millions d’euros supplémentaires. En cohérence avec un effectif de 80 ETP, l’Autorité table sur une prévision de l’ordre de 14 millions d’euros par an.

À ce stade, l’article 31 du projet de loi de finances pour 2016 prévoit :

– un plafond d’emploi de 63 ETP, qui semble constituer un arrondi du plafond d’emploi de 62,5 ETP voté pour l’année 2015. Un amendement du Gouvernement qui procède à l’augmentation du plafond d’emplois de 5 ETPT de l’Autorité a été déposé en deuxième partie du projet de loi de finances et adopté en première lecture. Si le Rapporteur spécial se réjouit de ce progrès, cette hausse paraît néanmoins insuffisante au regard des besoins évalués par l’Autorité ;

– une baisse du plafond de la taxe sur les entreprises ferroviaires affectée à l’Autorité (10,457 millions d’euros au lieu de 11 en 2015), ce qui semble être paradoxal avec le relèvement du plafond d’emplois.

La loi du 6 août 2015 créé cependant de nouvelles taxes qui viendront compléter les ressources de l’Arafer, tout en assurant un rééquilibrage des contributions entre les secteurs ferroviaire, autoroutier et transport routier de voyageurs :

– concernant les liaisons interurbaines par autocars, les entreprises de transport public routier de personnes sont assujetties à une contribution pour frais de contrôle, assise sur le chiffre d’affaires de l’année précédente. Son taux est fixé par les ministres chargés des transports et du budget, sur proposition de l’Autorité. Ce taux est compris entre 0,05 et 0,3 ‰ ;

– pour le volet autoroutier, les concessionnaires d’autoroutes sont assujettis à une contribution pour frais de contrôle, assise sur le chiffre d’affaires de l’année précédente. Son taux est fixé par les ministres chargés des transports et du budget sur proposition de l’Autorité. Il est compris entre 0,05 et 0,3 ‰.

Dans le cadre de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2016, un amendement du Gouvernement qui modifie les recettes affectées au régulateur, a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. Les deux nouvelles taxes versées par les sociétés de transport public routier et les concessionnaires d’autoroutes sont respectivement plafonnées à 1,1 et 2,6 millions d’euros. En revanche, le droit fixe dû par les entreprises ferroviaires est revu à la baisse, de 10,5 à 8,3 millions d’euros ce qui constitue un rééquilibrage en faveur du secteur ferroviaire que salue le Rapporteur spécial. Cependant, l’Arafer devrait bénéficier de 12 millions d’euros de recettes alors que l’Autorité en espérait 14 millions.

d. L’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF)

L’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), établissement public administratif placé sous la tutelle de l’État, créé par la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports, est l’autorité nationale de sécurité ferroviaire au sens des directives européennes.

Il s’assure qu’à tout moment les acteurs respectent la réglementation, délivre les certificats de sécurité et d’autorisation et assume le suivi et le contrôle des activités ferroviaires.

L’établissement a signé en 2013 avec le ministre chargé des transports son contrat d’objectifs tri-annuel. Par ailleurs, il a adopté lors de son conseil d’administration du 6 juillet 2011, un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) qui a été approuvé en janvier 2012 par France Domaine.

L’établissement dispose de la personnalité morale et bénéficie de ressources financières affectées. Il perçoit, en effet, un droit de sécurité ferroviaire représentant un pourcentage (fixé à 0,5 % par arrêté) des péages versés à SNCF Réseau par les exploitants ferroviaires. Cette ressource est complétée par les redevances payées à l’occasion de l’instruction de certains dossiers. Au total, pour le budget 2015, le montant total de ses ressources s’élève à 13,04 millions d’euros.

Le budget pour 2016 sera marqué par l’ajustement du plafond de la taxe affectée à 10,2 millions d’euros (contre 10,5 millions d’euros en 2015, soit une diminution de 2,8 %).

L’établissement recrute et gère ses personnels de façon autonome, quelle que soit leur origine, la loi l’autorisant à recruter du personnel de droit privé. Le plafond d’emploi est fixé à 107 ETPT pour 2016 pour tenir compte de l’augmentation des contrôles et tenir compte des mesures prises suite à l’accident de Brétigny-sur-Orge du 12 juillet 2013. Le plafond pour 2015 sera de 105 ETPT.

La proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs

Enregistrée le 7 octobre 2015 à la présidence de l’Assemblée nationale, cette proposition de loi présentée notamment par MM. Bruno Le Roux et Gilles Savary vise à améliorer la lutte contre la fraude et renforcer la sûreté dans les transports en commun. Elle devrait être examinée le 18 novembre prochain par la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond.

La Cour des comptes note, dans son rapport annuel du 11 février 2015, que la fraude cause d’importantes pertes de recettes, représentant, en moyenne, 5 % des recettes commerciales pouvant atteindre 20 %, soit plus de 500 millions d’euros pour les opérateurs de transport (300 millions pour la SNCF, 100 pour la RATP et 100 pour les entreprises de transport urbain de province).

Pour faire face à des comportements violents, les opérateurs de transport ont quasiment doublé leurs effectifs dédiés à la sûreté en dix ans. Ils ont développé des formations professionnelles à la sûreté et ont procédé à l’équipement des véhicules en dispositifs de sûreté (83 % sont équipés en vidéoprotection). Par ailleurs, plus de 200 contrats locaux de sécurité, qui regroupent les représentants de l’État, les collectivités territoriales, les sociétés de transport et les acteurs locaux (chambres de commerce et d’industrie, bailleurs sociaux, associations, etc.) ont été signés.

Partant de ces constats, la proposition de loi s’articule autour de deux titres composés respectivement de six et trois articles.

Le titre 1er prévoit plusieurs dispositions permettant de mieux prévenir et lutter contre les actes terroristes et les atteintes graves à la sécurité publique dans les transports en commun. Plus précisément, l’article 1er autorise les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à procéder à des palpations de sécurité – uniquement en cas de circonstances graves constatées par le préfet – à l’inspection visuelle des bagages à main et à la fouille de ceux-ci. Les palpations de sécurité et la fouille des bagages ne pourraient être réalisées qu’avec le consentement des intéressés. L’article 2 permet désormais aux forces de l’ordre d’assurer, pour le compte du représentant de l’État, le contrôle des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP. L’article 3 élargit les possibilités, pour les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, d’exercer leurs missions en dispense du port de la tenue.

Par ailleurs, le titre 2 prévoit plusieurs dispositions relatives à la lutte contre la fraude dans les transports publics de voyageurs. L’article 7 permet aux agents de contrôle et de sécurité ferroviaire de constater par procès-verbaux le délit de vente à la sauvette commis dans les gares et dans toutes dépendances du domaine public ferroviaire. L’article 8 prévoit la modification des caractéristiques du « délit d’habitude » afin de lutter plus efficacement contre la récidive à la fraude dans les transports. Enfin, l’article 9 instaure un droit de communication entre les exploitants de transports publics et les administrations afin de faciliter la recherche des adresses communiquées par les contrevenants, levant ainsi l’obligation de secret professionnel.

B. VERS UNE SORTIE DU TUNNEL DE L’AGENCE DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE

1. L’affectation d’une partie du produit de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) : une ressource pérenne pour l’agence

Pour rappel, l’AFITF est un établissement public administratif créé par le décret n° 2004-1317 du 26 novembre 2004 à l’issue du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003 pour apporter la part de l’État dans le financement des grands projets d’infrastructures ferroviaires, fluviales, maritimes et routières.

Ses ressources proviennent principalement du secteur autoroutier. En 2005, année où elle a commencé à fonctionner, l’agence a reçu une dotation initiale de l’État de 4 milliards d’euros issue du produit de la privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes.

D’autres ressources pérennes lui ont été affectées :

– la redevance domaniale versée par les sociétés autoroutières (310 millions d’euros en 2015) ;

– la taxe d’aménagement du territoire prélevée sur les concessionnaires d’autoroutes (561 millions d’euros en 2015) ;

– une partie du produit des amendes du dispositif de contrôle et de sanction automatisés des infractions au code de la route (230 millions d’euros en 2015).

Ces ressources sont en progression de 1,2 % par rapport à 2014, la hausse relative la plus importante étant due aux amendes. Depuis 2015, il est prévu un maintien du niveau de ces ressources pérennes à 1,1 milliard par an.

Pour assurer l’équilibre des dépenses et des ressources, de nouvelles recettes doivent venir alimenter le budget de l’AFITF.

L’État ne lui verse plus de subvention budgétaire depuis l’exercice 2015. Après l’abandon définitif de l’écotaxe poids lourds (devenu depuis « péages de transit ») en octobre 2014, une partie de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) lui a été affectée, à hauteur de 1 139 millions d’euros, grâce une augmentation de 2 centimes d’euros par litre de la TICPE applicable au gazole en 2015 comme en 2016 (10). Pour 2016, la part affectée à l’AFITF diminue sensiblement à 715 millions d’euros, soit une diminution de 37,2 % (11).

L’affectation d’une partie de la TICPE constitue donc désormais une ressource pérenne pour l’agence ainsi que s’y est engagé le Gouvernement. Toutefois, la réduction sensible de la part de TICPE affectée à l’AFITF pour 2016 ne peut que susciter une vigilance particulière du Rapporteur spécial. La fiscalité écologique n’a pas de destination unique dans notre pays et rien ne garantit de manière absolue le niveau perçu par l’agence.

En outre et conformément aux engagements du Gouvernement, le protocole conclu avec les sept sociétés concessionnaires d’autoroutes le 16 avril 2015, prévoit la contribution des sociétés d’autoroutes au budget de l’AFITF à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Elle sera versée sous forme de vingt annuités de 60 millions d’euros indexées sur l’inflation. Une partie des versements devrait être anticipée pour porter la contribution des sociétés d’autoroutes à 100 millions d’euros les trois premières années (2015 à 2017). À ce sujet, le Rapporteur spécial s’inquiète de n’avoir pas d’indication sur le versement des cent premiers millions d’euros qui devait intervenir en 2015.

Nonobstant ces interrogations, le Rapporteur spécial salue cette avancée qui permet à l’AFITF de couvrir des dépenses correspondant à des engagements des années antérieures, ainsi que le financement des actions de régénération, de sécurité et d’exploitation des réseaux – le ferroviaire représentant 40 % des dépenses – notamment pour 2015 et à plus long terme. Ce budget, toutefois, reste en deçà des moyens nécessaires pour mettre en œuvre le scénario n° 2 du rapport issu de la commission « Mobilité 21 ».

Par ailleurs, les restes à payer au 30 juin 2015 demeurent conséquents (12,9 milliards d’euros) et devraient être financés par les recettes de l’établissement sur les futurs exercices. Il convient de souligner que leur réduction, amorcée en 2014 (– 21,8 % par rapport à 2014), se poursuit du fait de paiements supérieurs aux engagements et au dégagement massif, de plus de 2,4 milliards d’euros, opéré en 2015 sur la convention de financement qui avait été conclue pour financer la collecte de l’écotaxe.

Par ailleurs, suite à l’abandon de l’écotaxe poids lourds, le Gouvernement doit rembourser la somme de 849 millions d’euros à la société Écomouv’ selon des versements échelonnés assurés par l’AFITF. Ainsi, en 2015, celle-ci a versé 527,8 millions d’euros. Elle paiera la somme de 47,1 millions d’euros en 2016, via les fonds de concours de l’action n° 1 Développement des infrastructures routières et versera 47,8 millions d’euros en 2017.

Les tableaux ci-après détaillent les encaissements et décaissements effectifs année par année. Les chiffres pour 2015 et 2016 sont encore prévisionnels à ce stade.

ÉVOLUTION DES RECETTES DE L’AFITF DE 2012 À 2016

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

Taxe d’aménagement du territoire

535

538

571

561

566

Redevance domaniale

198

300

314

310

315

Amendes radars

272

170

203

230

230

TICPE

     

1 139

715

Subvention budgétaire programme 203

900

560

656

   

Total recettes
(hors avances Agence France Trésor)

1 907

1 568

1 743

2 340

1 926

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L’AFITF DE 2012 À 2015

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

Routier

763

664

705

747

Ferroviaire

643

729

668

762

Fluvial

44

66

35

65

Portuaire et littoral

59

69

30

60

Transports collectifs

315

349

268

193

Divers (aires de contrôle poids lourds,…)

33

32

8

17

Total dépenses
hors frais financiers et indemnité Écomouv’

1 856

1 909

1 714

1 844

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

Les recettes prévisionnelles pour 2016 diminuent donc de 17,7 % par rapport à 2015, induisant mécaniquement l’absence de financement de certaines opérations de régénération et de développement du réseau ferroviaire qui ne pourront être entreprises.

2. La nécessité d’augmenter le financement de l’agence afin de permettre la mise en œuvre du scénario 2 de la commission « Mobilité 21 »

Si le Rapporteur spécial ne peut que se féliciter de la création de deux nouvelles ressources pérennes, il n’en demeure pas moins que la part de la TICPE affectée à l’AFITF connaît une très nette diminution pour 2016, grevant d’autant le montant total de recettes qui lui sont affectées.

Le Gouvernement s’est engagé à financer le scénario 2 proposé par la commission « Mobilité 21 » (12) qui prévoit d’engager entre 28 et 30 milliards d’euros de travaux d’ici à 2030 selon un schéma de priorités hiérarchisées, tout en tenant compte des évolutions de dépenses préconisées pour l’entretien et la modernisation des réseaux, le renouvellement du matériel roulant TET ou encore le soutien de l’État aux mobilités propres. Or, la mise en œuvre d’un tel scénario suppose que le niveau de ressources de l’agence augmente progressivement pour atteindre 2,5 milliards d’euros par an. Il serait ainsi soutenable à terme à condition de disposer d’une ressource affectée suffisamment substantielle telle que la TICPE. Du point de vue des dépenses, ce scénario serait le seul moyen de financer à la fois les engagements pris et les opérations nouvelles qui sont projetées.

Dans ce contexte, le Rapporteur spécial a déposé, en première lecture de la première partie du projet de loi de finances pour 2016, un amendement visant à relever de 2 centimes d’euro supplémentaires par litre le niveau de TICPE applicable au gazole en 2016, afin de compléter substantiellement les ressources de l’agence et d’assurer le financement pérenne des infrastructures de transport. Il convient de préciser que les prix à la pompe du gazole sont actuellement à un niveau historiquement bas (1,08 centime au 31 août, ce qui correspond au prix le plus bas depuis février 2010).

L’impact économique prévisible de la mesure proposée paraissait ainsi modéré et son fondement écologique pertinent à l’aube de l’ouverture de la 21Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 (« COP 21 »). Cette augmentation de la TICPE de 2 centimes d’euro pour les voitures aurait rapporté 800 millions d’euros, tandis que celle de deux centimes appliquée aux poids lourds en rapporterait 160.

Le Rapporteur spécial proposait ainsi de reverser la moitié du produit de cette augmentation – soit 480 millions d’euros – à l’agence, ce qui lui permettrait d’assurer l’exécution du scénario 2 issu du rapport de la commission « Mobilité 21 », ainsi que l’a souhaité le Gouvernement. L’autre moitié aurait été redistribuée aux automobilistes sous forme de crédit d’impôt ou de bonus écologique, en vue de la reconversion du parc automobile des véhicules diesel. Cet amendement a été retiré lors de la discussion du projet de loi de finances en séance publique en faveur d’un amendement du Gouvernement qui opère un rapprochement des tarifs entre le gazole, en abaissant de 1 euro par hectolitre le tarif de TICPE applicable en 2016 aux essences et en augmentant 1 euro par hectolitre le tarif de TICPE applicable au gazole.

Si le Rapporteur spécial se félicite de la convergence entre le prix de l’essence et celui du gazole, il n’en demeure pas moins que celle-ci ne se double pas d’une attribution du produit de TICPE supplémentaire à l’AFITF, en faveur de l’intermodalité et, notamment, des transports ferroviaires. Dans ce contexte, il manque toujours 600 millions d’euros à l’agence pour financer le scénario n° 2 du rapport issu de la commission « Mobilité 21 »

Le Rapporteur spécial insiste sur l’impérieuse nécessité de garantir l’exécution du scénario n° 2. À titre de rappel, ce dernier scénario prévoyait qu’entre 2013 et 2050, et sans même prendre en compte les évolutions ultérieures, il conviendrait de financer, pour le seul ferroviaire, au minimum 81,47 milliards d’euros (scénario n° 2 hypothèse basse) et au maximum 91,32 milliards d’euros (scénario n° 2 hypothèse haute). Le scénario n° 2 implique ainsi, en moyenne, 2,3 milliards d’euros de dépenses chaque année, en estimation basse. Dans ce contexte, le Rapporteur spécial appelle à augmenter la part de la TICPE affectée à l’AFITF, à l’instar de ce qui avait été réalisé dans la loi de finances initiale pour 2015.

Les priorités retenues par la commission « mobilitÉ 21 » en matière ferroviaire

(scénario n° 2)

Premières priorités (projets dont l’engagement doit intervenir avant 2030) :

 Traitement des points noirs du réseau ferroviaire :

– traitement du nœud ferroviaire de Paris-Gare de Lyon ;

– traitement des premières priorités du nœud lyonnais ;

– ligne nouvelle PACA : traitement du nœud de Marseille et de Nice ;

– ligne nouvelle Paris-Normandie : traitement du nœud Paris-Saint-Lazare-Mantes et traitement de la gare de Rouen ;

– provisions pour interventions sur secteurs ferroviaires à enjeux (notamment Bordeaux, Toulouse, Strasbourg, Rennes, Creil, Nîmes, Metz, Nancy, Mulhouse, Saint-Pierre des Corps, Paris-Gare du Nord).

 Réponse aux enjeux d’attractivité économique et de desserte plus efficace et plus sûre des territoires :

– liaison ferroviaire Roissy-Picardie.

Secondes priorités (projets dont l’engagement doit intervenir après 2030 et avant 2050) :

– accès français Lyon-Turin ;

– contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise ;

– interconnexion Sud Île-de-France ;

– LGV Bordeaux-Toulouse/ Bordeaux-Hendaye ;

– LGV Paris-Orléans-Clermont-Lyon ;

– LGV Rhin Rhône seconde phase branche Est ;

– LGV Sud-Europe-Atlantique Poitiers Limoges ;

– ligne nouvelle Montpellier-Perpignan ;

– ligne nouvelle Ouest Bretagne-Pays de la Loire ;

– ligne nouvelle PACA : poursuite au-delà du traitement des nœuds de Marseille et de Nice ;

– poursuite traitement du nœud lyonnais ;

– ligne nouvelle Paris-Normandie : poursuite du projet y compris besoins à plus long terme d’adaptation du nœud Paris-Saint Lazare- Mantes ;

– poursuite du traitement du nœud lyonnais ;

– poursuite traitement des secteurs ferroviaires à enjeux (notamment Bordeaux, Toulouse, Strasbourg, Rennes, Creil, Nîmes, Metz, Nancy, Mulhouse, Saint-Pierre des Corps, Paris-Gare du Nord).

Horizons plus lointains (projets à engager après 2050) :

– amélioration des liaisons entre la Lorraine et la vallée du Rhône (débouchés sud de la Lorraine) ;

– barreau ferroviaire est-ouest ;

– contournement ferroviaire de Bordeaux ;

– desserte de la Bigorre et du Béarn ;

– électrification transversale Nantes-Lyon (par Nevers-Chagny ou par Saint-Germain-des-Fossés-Lyon) ;

– LGV Rhin Rhône branches ouest et sud ;

– ligne nouvelle Paris-Amiens-Calais ou ligne nouvelle Paris-Calais par Rouen ;

– ligne nouvelle Toulouse-Narbonne ;

– nouvelle traversée des Pyrénées.

II. LES EFFORTS EN FAVEUR DES TRANSPORTS DU QUOTIDIEN ET DU FRET DOIVENT ÊTRE ACCRUS

A. DONNER LA PRIORITÉ AUX TRANSPORTS DU QUOTIDIEN

1. Les derniers arbitrages des contrats de plan État-régions

Le Gouvernement a engagé l’élaboration de la prochaine génération de contrats de plan État-régions (CPER) qui porteront sur la période 2015-2020 qui sont actuellement en cours de signature.

Au 1er septembre 2015, vingt-deux contrats ont été signés ainsi que le contrat de plan interrégional État-régions Vallée de la Seine. Les derniers contrats de plan Champagne-Ardenne, Corse, Guyane, Martinique, Mayotte et le contrat de plan interrégional plan Rhône devraient être signés prochainement.

Au titre du volet « Mobilité multimodale », ces contrats précisent les ressources que l’État, les régions et les autres éventuels cofinanceurs (départements, communautés d’agglomération, opérateurs : Voies navigables de France, SNCF Réseau, etc.) envisagent de mobiliser sur les opérations routières, ferroviaires, fluviales, portuaires, les circulations douces (véloroutes, voies vertes) ainsi que, spécifiquement à la région Île-de-France, celles relatives aux transports collectifs s’inscrivant dans le Nouveau Grand Paris au titre de la période 2015-2020. Par rapport à l’ancienne génération de contrats 2007-2013, prolongés en 2014, les opérations routières ont donc été réintégrées dans les contrats de plan, alors qu’elles faisaient l’objet d’une contractualisation distincte dans le cadre des plans de modernisation des itinéraires routiers (PDMI).

Au regard des contrats déjà signés, les ressources consacrées aux modes alternatifs à la route, tous cofinanceurs confondus, représentent plus de 75 % des crédits transports. Concernant la seule région Île-de-France, les crédits affectés au développement et à l’entretien des transports collectifs représentent à eux seuls plus de 7,5 milliards d’euros concrétisant l’effort majeur engagé sur la région francilienne. Au total, tous cofinanceurs confondus, environ 22,6 milliards d’euros seront consacrés aux transports au titre des CPER 2015-2020 auxquels s’ajoute un montant total d’environ 730 millions d’euros pour les deux contrats de plan interrégionaux Vallée de la Seine et plan Rhône.

Concernant le volet ferroviaire, les ressources prévues par l’État s’élèvent à 1,95 milliard d’euros sur un montant total de 7,60 milliards d’euros regroupant l’ensemble des cofinanceurs ainsi que les financements envisagés par SNCF Réseau. Toutefois, le Rapporteur spécial s’inquiète de la diminution des ressources de l’AFITF, due à la baisse de la part de la TICPE qui lui est affectée et se demande si, dans ces conditions, les engagements pluriannuels et notamment la mise en œuvre du scénario n° 2 issu du rapport « Mobilité 21 » pourront être financés.

La priorité est donnée à la rénovation et à la modernisation du réseau existant, conformément aux préconisations de la commission « Mobilité 21 », afin d’améliorer le service offert à l’usager et notamment celui des trains du quotidien. Les opérations retenues concernent ainsi principalement la modernisation et la fiabilisation du réseau structurant, le traitement des principaux nœuds ferroviaires et la réalisation de projets régionaux à fort potentiel.

Le tableau ci-dessous présente par région les montants inscrits aux contrats 2015-2020 ainsi que les ressources (part État) envisagées au titre de la programmation 2015.

MONTANTS INSCRITS AUX CPER 2015-2020 POUR LE VOLET FERROVIAIRE

(en millions d’euros)

 

Part État

Part région

Montant tous cofinanceurs

Prévision AE 2015 – État

Alsace

86,4

103,59

222,1

11,685

Aquitaine

121,295

205,295

489,441

17,853

Auvergne

48

60

120

10,64

Basse-Normandie

36,5

122

171,7

3,062

Bourgogne

62,23

100,29

346,21

3,009

Bretagne

126,93

159,18

685

17,722

Centre - Val de Loire

118,7

278,375

474,75

3,993

Champagne-Ardenne

57,287

39,087

160,04

1,5

Corse

15

15

30,9

0,75

Franche Comté

50

35,6

104,2

12,126

Guadeloupe

0

0

0

0

Guyane

0

0

0

0

Haute-Normandie

20,4

44,5

151,1

4,076

Ile-de-France

113,1

108

327,4

6,271

Languedoc-Roussillon

50,2

70,337

239,9

9,32

Limousin

57,86

47,6

167,65

6,2

Lorraine

62,05

37,875

133,5

1,035

Martinique

0

0

0

0

Mayotte

0

0

0

0

Midi-Pyrénées

105,56

141,57

376,1

10,359

Nord-Pas-de-Calais

106,2

235

361,8

0,2

PACA

180,65

217,4

824,21

15

Pays de la Loire

105,031

141,09

395,303

14,015

Picardie

78,1

322,2

423

2,024

Poitou-Charentes

97,2

173,5

408,3

13,38

Rhône-Alpes

253

298,7

992,5

16,864

Réunion

0

0

0

0

Total

1 951,69

2 956,19

7 605,10

181,084

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

Concernant les transports collectifs, seul le contrat de plan de la région Île-de-France comprend un tel volet, l’État et la région ayant souhaité une approche globale de la problématique des transports pour la région francilienne.

Le 6 mars 2013, le Gouvernement a présenté le Nouveau Grand Paris, associant en toute cohérence les projets du plan de mobilisation, assurant la modernisation et l’extension des réseaux existants et le nouveau réseau de métro automatique, le Grand Paris Express. Un protocole d’accord entre l’État et la région a été signé le 19 juillet 2013 pour accompagner le financement des projets du plan.

Dans le prolongement de ce protocole, le contrat de plan a vocation à décliner cet accord projet par projet. Lors de la signature le 9 juillet 2015 du CPER 2015-2020, l’État s’est engagé à financer le volet transport à hauteur de 1 412 millions d’euros, la région Île-de-France à hauteur de 3 047 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 1 453 millions d’euros de la Société du Grand Paris et 1 601 millions d’euros d’autres collectivités et des opérateurs. Au total, un montant de 7,5 milliards d’euros sera donc consacré aux transports du quotidien en Île-de-France dans le cadre du contrat de plan, ce dont se félicite le Rapporteur spécial.

La programmation porte à la fois sur la modernisation du réseau des RER, l’amélioration des grands pôles multimodaux, la constitution d’un réseau de rocades ferrées, le développement des radiales du réseau métro, en cohérence avec la mise en service du Grand Paris Express, et la poursuite des programmes tramways et TZen (13).

Un montant prévisionnel de 160 millions d’euros de crédits provenant de l’État au titre de l’année 2015 participera au financement du tram-train Massy-Évry, des projets de tramways à différentes phases d’étude ou de réalisation (principalement lignes T4 mais aussi T1 est, T3, T7, T9) ainsi que des aménagements sur les RER (lignes A, B, C et D).

2. La poursuite attendue du déploiement des transports collectifs en site propre

En province, l’État investit pour développer les transports du quotidien dans le cadre des appels à projets en faveur des transports collectifs en site propre. Deux premiers appels à projets, lancés respectivement en 2008 et 2010 et cumulant plus de 1,3 milliard d’euros d’aides de l’État, ont permis de soutenir plus de 120 projets portés par plus de 70 autorités organisatrices de transport. Ce sont plus de 1 000 kilomètres de lignes qui seront construites ou mises en chantier d’ici 2015.

Une grande variété de modes est représentée, avec une prépondérance des bus à haut niveau de service (BHNS), dont le succès s’explique par les capacités d’adaptation à différents contextes géographiques et à différentes tailles d’autorités organisatrices de la mobilité.

Le 7 mai 2013, le ministre chargé des transports a lancé un nouvel appel à projets « transports collectifs et mobilité durable ». Il s’inscrit dans la lignée des précédents mais dans une perspective qui en renouvelle largement les contours. Une enveloppe de 450 millions d’euros lui est dédiée. Les projets éligibles peuvent être des projets de transports collectifs en site propre (métro, tram, BHNS, transports par câble, navettes, etc.) mais également des projets de mobilité durable innovants. Les autorités organisatrices avaient jusqu’au 15 septembre 2013 pour constituer leurs dossiers de candidature.

Les résultats ont été annoncés le 18 décembre 2014 : 99 projets d’infrastructures de transport public et de mobilité durable, portés par 70 autorités organisatrices de transport, bénéficieront d’un montant total d’aides de l’État de 450 millions d’euros, sous forme de subventions directes de l’AFITF aux maîtres d’ouvrage.

Les projets retenus représentent 5,2 milliards d’euros d’investissements publics, tous financeurs confondus. Des subventions, à hauteur de 110 millions d’euros, sont fléchées sur les projets contribuant à l’amélioration de la desserte des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Les subventions représentent au moins 10 % du montant des dépenses éligibles tandis que l’aide de l’État s’élève en moyenne à 16 % du montant des dépenses éligibles.

L’État a souhaité soutenir des projets adaptés aux contextes locaux. Leur ampleur est donc très variable : le montant des investissements soutenus à travers les projets est ainsi compris entre 110 000 euros et 420 millions d’euros.

L’aide bénéficie à des agglomérations de toutes les tailles, dont une dizaine de moins de 100 000 habitants. Pour certaines d’entre elles, il s’agit de la construction de leur premier projet de transports collectifs en site propre. Une grande variété de modes de transport a été proposée, du métro jusqu’au vélo. Les bus à haut niveau de service sont prépondérants avec une cinquantaine de projets.

Dans l’ensemble des projets, 30 millions d’euros d’investissements concourent à l’intégration du vélo dans les transports au quotidien.

Les 17 projets de mobilité durable retenus ont cherché, notamment, à promouvoir une information de l’usager plus intégrée et à améliorer l’intermodalité. Une attention particulière a été portée aux projets favorisant l’usage du vélo.

3. L’amélioration des transports en Île-de-France

a. Le plan de mobilisation pour les transports

Début 2013, le Gouvernement a lancé une concertation avec les élus franciliens visant à redéfinir le Grand Paris Express et à l’articuler avec le plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France, qui regroupe l’ensemble des projets de modernisation et d’extension du réseau de transport collectif dans la région. À l’issue de cette démarche, le Premier ministre a présenté le 6 mars 2013, un projet unique pour les transports en Île-de-France, le Nouveau Grand Paris, qui regroupe le plan de mobilisation pour les transports et le Grand Paris Express.

Lors de la conférence de presse du 6 mars 2013, le Premier ministre a indiqué que, sur la période 2013-2017, 6 milliards d’euros seront investis pour l’amélioration des transports du quotidien, soit le triple de la période précédente. La Société du Grand Paris participera à ces investissements à hauteur de 2 milliards d’euros sur l’ensemble de la période. La région Île-de-France, les collectivités locales et les opérateurs de transport participeront à hauteur de 3 milliards d’euros. Enfin, l’État devrait financer 1 milliard d’euros via l’AFITF.

Un protocole d’accord entre l’État et la région a été signé le 19 juillet 2013 pour mettre en œuvre les actions annoncées le 6 mars. Compte tenu des engagements du protocole, les cadres contractuels existants seront actualisés pour intégrer la nouvelle programmation opérationnelle et permettre ainsi de poursuivre le financement des opérations du plan de mobilisation pour les transports.

Le protocole détaille les 42 projets retenus, parmi lesquels :

– la modernisation des lignes RER (A, B, C, D) afin d’accroître les fréquences et d’améliorer la régularité ;

– le prolongement d’EOLE (RER E) à l’ouest de La Défense ;

– l’extension de lignes de métro (les lignes 4, 11, 12 et 14) ;

– la réalisation de nouvelles lignes de tramway.

Le conseil régional d’Île-de-France a signalé avoir besoin de ressources supplémentaires pour pouvoir assumer sa part de cet engagement.

Dans la continuité du protocole, le volet mobilité multimodale du CPER 2015-2020 sur le Nouveau Grand Paris reprend pour sa majorité les projets du plan de mobilisation.

Pour 2015, au titre du CPER 2015-2020, l’État a accordé 160 millions d’euros d’autorisations d’engagements, en particulier pour les projets de débranchement du tramway T4, le tram train Massy-Évry et le T3, ainsi que les schémas directeurs des RER.

Les crédits de paiement alloués en 2015 s’élèvent à 135 millions d’euros. Au 31 août 2015, 78 millions d’euros ont été dépensés, notamment pour la phase 1 de la tangentielle nord (14), le T6, EOLE et les lignes 11 et 12 du métro.

Enfin, une participation de la Société du Grand Paris aux investissements a été prévue dans le protocole du 19 juillet 2013 pour contribuer à la modernisation et l’extension du réseau existant à hauteur de 2 milliards d’euros sur l’ensemble de la période. Cette disposition appelait une modification de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. L’ordonnance modifiant la loi a été ratifiée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques permettant ainsi d’honorer l’engagement pris à ce titre.

Le dispositif de contribution de la Société du Grand Paris au profit du plan de mobilisation a été opérationnel en octobre 2014 (15). Elle a ainsi pu engager des conventions pour EOLE (119 millions d’euros), la ligne 11 du métro (64,8 millions d’euros) et le schéma directeur du RER A (92,6 millions d’euros) dès le mois de novembre 2014. De plus, pour 2015, lors de son conseil de surveillance du 10 juillet 2015, la Société du Grand Paris a approuvé d’autres conventions de financement pour un montant total de 184,7 millions d’euros pour les schémas directeurs des RER.

Les difficultés de financement de Éole

Le projet de prolongement à l’ouest du RER E consiste à poursuivre la ligne actuelle au-delà de la gare Haussmann-Saint-Lazare jusqu’à Mantes-la-Jolie. À l’ouest d’Haussmann-Saint Lazare, la ligne empruntera un nouveau tunnel d’environ 8 kilomètres jusqu’à La Défense. Elle se raccordera ensuite à Nanterre aux voies ferrées existantes reliant Paris-Saint-Lazare à Poissy et Mantes-la-Jolie. Ce projet est réalisé sous la maîtrise d’ouvrage de SNCF Réseau.

L’enquête publique s’est déroulée au début de l’année 2012 et le projet a été déclaré d’utilité publique par arrêté inter-préfectoral le 31 janvier 2013. Compte tenu de l’ampleur du projet, la mise en service se fera en deux étapes tout en cherchant à respecter au mieux l’horizon 2020, échéance visée dans l’enquête publique. Le démarrage des premiers travaux est prévu en 2015. Une mise en service en 2020 doit être assurée pour le prolongement de Paris à Nanterre-La Folie comprenant la desserte du site de La Défense. La mise en service complète jusqu’à Mantes-la-Jolie doit être effective en 2022.

Ce prolongement permettra notamment de soulager le RER A dans sa partie centrale et de renforcer la desserte du quartier de La Défense en offrant un temps de parcours identique au RER A entre Val-de-Fontenay et La Défense. Il améliorera l’offre de transport ferroviaire entre Mantes-la-Jolie et Poissy, permettra de désengorger la gare Saint-Lazare et favorisera les opérations d’aménagement prévues dans l’opération d’intérêt national de Seine-Aval.

Le coût d’objectif de cette opération avait été initialement fixé à 3,14 milliards d’euros par délibération du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) du 7 décembre 2011. La stabilisation technique du projet a conduit les maîtres d’ouvrage à arrêter le coût d’objectif à 3,33 milliards d’euros, hors taxes, montant qui a été confirmé par l’expertise du STIF. La programmation du précédent contrat de plan État-région et de la convention particulière transport a permis à l’État et à la région de financer les premières études. Le protocole relatif au financement du plan de mobilisation sur la période 2013-2017 signé entre l’État et la région le 19 juillet 2013 prévoit une contribution exceptionnelle de la Société du Grand Paris au projet EOLE d’un montant d’un milliard d’euros. Le CPER 2015-2020, signé le 9 juillet 2015 inscrit à son volet mobilités multimodales, pour la réalisation de ce projet, un montant de 1,75 milliard d’euros à répartir entre la région (288 millions d’euros), l’État (162 millions d’euros), la Société du Grand Paris (800 millions d’euros) et les autres financeurs, notamment les collectivités locales (500 millions d’euros), et ce, pour la période du contrat de plan. Or, à ce jour, les 500 millions restants ne sont toujours pas financés ce que déplore le Rapporteur spécial en raison de l’importance stratégique du projet et de l’urgence de désengorger la gare de Saint-Lazare.

Le Rapporteur spécial appelle de ses vœux la signature prochaine du protocole global de financement, portant sur l’ensemble de l’opération, actuellement en cours de négociation entre l’État, la région et les autres partenaires, dont la Société du Grand Paris.

b. Point d’étape sur le financement et l’avancement du volet transports du Grand Paris Express

Le Grand Paris Express est composé des lignes 15 à 18, des prolongements de la ligne 14 au nord et au sud, ainsi que du prolongement de la ligne 11 entre Rosny-Bois-Perrier et Noisy-Champs.

Les lignes 15, 16, 17 et 18 ainsi que les portions de la ligne 14 au nord entre Mairie de Saint-Ouen et Saint-Denis-Pleyel et au sud entre Olympiades et Orly du Grand Paris Express sont financées par les ressources de la Société du Grand Paris qui reposent pour la majeure partie sur trois ressources fiscales régionales (16).

Par ailleurs, des recettes fiscales supplémentaires seront affectées à la Société du Grand Paris en temps voulu pour augmenter de 2,5 milliards d’euros sa capacité de remboursement d’emprunts de long terme. Elles seront mises en place une fois constatées les premières mises en service, soit à partir de 2020.

La Société du Grand Paris aura de plus recours à l’emprunt : elle a ainsi signé avec la Caisse des dépôts et consignations, le 12 décembre 2014, un protocole d’accord sur la possibilité de conclure des contrats de prêts entre 2014 et 2017, pour un volume pouvant atteindre 4 milliards d’euros. Le 21 avril 2015, le conseil de surveillance a autorisé la signature d’un premier prêt d’1 milliard d’euros. Le 10 juillet dernier, le conseil de surveillance a approuvé un autre prêt d’1 milliard d’euros avec la Banque européenne d’investissement.

La prolongation de la ligne 14 au nord, de Saint Lazare jusqu’à Mairie de Saint-Ouen dont les travaux de génie civil ont débuté en juillet 2014, sont conduits sous la maîtrise d’ouvrage de la RATP. Pour un montant total de 1,38 milliard d’euros, ils seront financés par la Société du Grand Paris pour 55 %, par la Ville de Paris pour 20 %, par la région Île-de-France pour 13 %, le conseil départemental des Hauts-de-Seine pour 3 % ainsi que le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis pour 3 %. Il demeure un reliquat de 6 % dont le financement sera déterminé ultérieurement.

Le 11 décembre 2013, le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), sur la base des études menées, a décidé de poursuivre le projet de la ligne Orange (17) dans les conditions suivantes :

– le tronçon entre Saint-Denis Pleyel et Champigny Centre devient l’un des tronçons de la ligne 15 du Grand Paris Express. Sa maîtrise d’ouvrage a été confiée à la Société du Grand Paris par délibération du conseil du STIF du 11 février 2015 ;

– le tronçon entre Rosny-Bois-Perrier et Noisy-Champs (branche est) est assuré par le prolongement de la ligne 11 entre ces deux stations. Le plan de financement n’est pas encore défini à ce stade.

DATE DE MISE EN SERVICE DU GRAND PARIS EXPRESS ET DES OPÉRATIONS
SUR LE RÉSEAU EXISTANT

Liste des opérations

Mise en service

Prolongement du tramway T2 à la porte de Versailles

2009

Prolongement de la ligne 8 à Créteil Parc des sports

2011

TCSP Sénart-Evry (phase 1)

2011

TCSP Pompadour-Sucy

2011

Pôle de Choisy

2011

Prolongement de la ligne 12 à Front populaire (phase 1)

2012

T1 Asnières-Gennevilliers

2012

Prolongement du tramway T2 à Pont de Bezons

2012

T3 jusqu’à la porte de la Chapelle

2012

Pôle de Massy

2012

Modernisation du RER B au nord

2013

Schéma directeur du RER D court terme

2013

Prolongement de la ligne 4 à Montrouge (phase 1)

2013

T5 Saint-Denis Garges Sarcelles

2013

T7 (phase 1) de Villejuif à Athis-Mons

2013

Pôle de Noisy le Grand

2013

Pôle de Pompadour

2013

T8 Saint-Denis Epinay Villetaneuse

2014

T6 Châtillon – Vélizy - Viroflay

2014-2016

BHNS de Gonesse

2016

Tangentielle nord (phase 1),

2017

Prolongement de la ligne 12 à Aubervilliers (phase 2)

2019

Prolongement de la ligne 4 du métro à Bagneux (phase 2)

2020

Pôle de Nanterre-Université

2015-2016

TCSP Saint-Quentin-Orly

2015-2016

Pôle de Versailles-Chantiers phase 1

2016

Pôle des Halles

2016

Tangentielle ouest (phase 1)

2018

T3 à la porte d’Asnières

2018

T4 à Clichy-Montfermeil

2019

T1 à l’est – Val de Fontenay

2019

Prolongement de la ligne 14 du métro à Mairie de Saint-Ouen

2019

Tangentielle ouest à Achères (phase 2)

2019

Barreau ferroviaire de Gonesse

2020

Tramway Paris-Orly ville

2020

Tram train Massy Evry et prolongement à Versailles

2020

Pôle de Juvisy-sur-Orge

2020

T7 (phase 2)

2021

Tramway Antony-Clamart (T10)

2021

Prolongement de la ligne 11 à Rosny Bois Perrier

2022

Schéma directeur du RER B au sud

2014-2022

Schéma directeur du RER A

2016-2022

Prolongement du RER E à l’ouest

2020 et 2022

Prolongement du T1 à Colombes

2019 et 2023

Tangentielle ouest à Cergy

2025

Tram’Y Evangile T8 Sud

2025

Tangentielle nord (phase 2)

2025

Schéma directeur du RER C

2020-2025

Schéma directeur du RER D moyen/long terme

2020-2025

Grand Paris Express – Pont de sèvres – Noisy Champs (L15)

2022

Grand Paris Express – Mairie de Saint Ouen – Saint Denis Pleyel (L14)

2023

Grand Paris Express – Saint Denis Pleyel – Noisy Champs (L16)

2023

Grand Paris Express – Le Bourget RER – CDG (L17)

2024

Grand Paris Express – Olympiades – Aéroport d’Orly (L14)

2024

Grand Paris Express – CEA – Orly (L18)

2024

Grand Paris Express – Prolongement de la ligne 11 de Rosny Bois Perrier à Noisy Champs

2025

Grand Paris Express – Saint Denis Pleyel – Rosny Bois Perrier (L15)

2025

Grand Paris Express – Nanterre – Pont de Sèvres (L15)

2025

Grand Paris Express – Nanterre – Saint Denis Pleyel (L15)

2027

Grand Paris Express – Versailles Chantiers – CEA (L18)

2030

Grand Paris Express – Rosny Bois Perrier – Champigny centre

2030

Grand Paris Express – CDG – Le Mesnil Amelot (L17)

2030

Source : projet de loi de finances pour 2016.

4. La modernisation nécessaire de l’offre des trains d’équilibre du territoire (TET)

a. Le constat alarmant de la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire

Les trains intercités, ou trains d’équilibre du territoire (TET) regroupent plusieurs ensembles de trains de voyageurs de moyenne et longue distance utilisant pour l’essentiel le matériel « Corail », depuis la signature d’une convention d’exploitation entre l’État et SNCF Mobilités fin 2010. Répartis initialement sous quatre appellations, puis réunis par SNCF Mobilités sous l’appellation commerciale unique « Intercités », ils constituent la composante résiduelle du transport ferroviaire de voyageurs, aux côtés des trains à grande vitesse (TGV) et des trains express régionaux (TER).

Dénoncée récemment par la Cour des comptes dans un rapport de février 2015, l’offre des TET est alarmante (18). Si, en 2010, le niveau moyen de déficit était de 25 %, il dissimule, en vérité, de grandes disparités entre les lignes : quatre lignes Intercités présentent un compte équilibré voire générateur de profits (19), tandis que toutes les autres présentent des déficits plus ou moins accentués, dépassant 70 % pour certaines. Les douze lignes de nuit sont, en particulier, toutes déficitaires. La Cour des comptes dénonce ainsi la « gestion sans ambition » jusqu’en 2010 de ces trains, fondée sur une politique de réduction de l’offre ferroviaire visant à réduire le poids de leurs déficits, et, depuis 2010, une absence de stratégie de l’État devenu autorité organisatrice. Le rapport dénonce, dans la convention de décembre 2010, un mode de financement du déficit par l’État qui n’est incitatif pour aucun des cosignataires (cf. infra).

Constatant la dérive financière, technique et qualitative du modèle et en vue de clarifier l’offre faite aux usagers en la matière et doter les TET d’une stratégie d’avenir, le secrétaire d’État en charge des transports a confié, le 24 novembre 2014, une mission d’analyse et de propositions à une commission composée de parlementaires, d’élus régionaux et de personnalités qualifiées. La commission « Avenir des trains d’équilibre du territoire », présidée par le député Philippe Duron, a rendu ses conclusions le 26 mai 2015.

En premier lieu, elle dresse un sévère constat de la situation actuelle. D’une part, les lignes TET ne constituent pas une catégorie homogène mais recouvre tant des lignes du bassin parisien (Rouen-Paris, Amiens-Paris, etc.) que des lignes radiales (Paris-Clermont, Paris-Limoges, etc.) ou des transversales de longue distance (Bordeaux-Nice, Nantes-Lyon, etc…). Il existe également une forte imbrication des TET et des TER, induisant une réelle confusion entre les offres.

Par ailleurs, la commission souligne que l’offre n’est plus adaptée aux besoins de mobilité actuels. Ainsi, les TET ne répondent plus aux besoins des voyageurs et des territoires, en raison d’une qualité de l’offre qui s’est continuellement dégradée depuis vingt ans. En effet, le matériel roulant n’a pas été renouvelé pendant plus de trente ans et les travaux de régénération, trop longtemps différés, perturbent le fonctionnement des lignes de jour, et plus encore des lignes de nuit. Ces dernières sont par ailleurs très peu fréquentées et représentent un tiers du déficit des TET, en raison de la concurrence des TGV et des bus de nuit.

Enfin, la commission relève que le financement public par les contribuables en faveur des TET excède largement le seul déficit d’exploitation, qui non seulement ne tient pas compte des efforts de renouvellement du matériel, mais ne représentait que 50 % du déficit total en 2014. Par ailleurs, ces dépenses sont en forte progression : ainsi, en 2014, le subventionnement d’un voyageur pour un kilomètre de trajet était d’environ 10,8 centimes d’euros contre 8,5 en 2012, soit une progression de 28 % en deux ans.

Suite à ces constats, la commission a émis plusieurs propositions afin de renouveler l’offre des TET, de façon urgente. Cette modernisation doit passer à la fois par le renouvellement du matériel roulant à un horizon proche, par une augmentation de l’offre sur les territoires les plus denses et les tronçons à très fort potentiel et sur une amélioration substantielle du service à bord.

Elle doit également conduire à la pérennisation d’un modèle économique viable. Il importe ainsi de revoir la distribution des lignes entre TET et TER, TET et TGV. La vocation des TET doit les amener à relier en priorité grandes villes et villes moyennes en respectant des temps de parcours compétitifs par rapport à la route.

Pour s’inscrire dans la durée, cette modernisation implique l’évolution du modèle d’organisation et de productivité de l’opérateur ferroviaire mais aussi de la relation entre le constructeur et la maintenance.

b. La feuille de route et les engagements du Gouvernement

Dans ce contexte, le secrétaire d’État en charge des transports, de la mer et de la pêche a présenté le 7 juillet 2015 la feuille de route du Gouvernement pour un nouvel avenir des TET qui prévoit :

– le renouvellement pour cinq ans de la convention TET actuelle, qui prend fin en décembre 2015, sur des bases refondées permettant à l’État de devenir une autorité organisatrice de plein exercice ;

– le renforcement des moyens de l’autorité organisatrice, et notamment la mise en place d’un réseau de correspondants de haut niveau dans les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement ;

– la création en septembre 2015 d’un conseil consultatif des TET associant, sous la présidence du secrétaire d’État, les présidents de régions, deux parlementaires et deux représentants des usagers, afin de renforcer le dialogue à haut niveau entre l’État les régions ;

– le lancement d’une mission de concertation avec les régions, confiée au préfet délégué à la Vallée de la Seine, M. François Philizot, pour discuter des évolutions de desserte à mettre en œuvre. Ce dernier devra remettre ses conclusions au plus tard en mai 2016 ;

– le renouvellement d’ici à 2025 du matériel roulant des lignes TET dites structurantes (Paris-Caen-Cherbourg, Paris-Limoges-Toulouse, Paris-Clermont-Ferrand, Bordeaux-Marseille) pour un montant d’investissement de 1,5 milliard d’euros.

Le Rapporteur spécial tient à saluer les engagements du Gouvernement qui devraient enfin conduire l’État à devenir une véritable autorité organisatrice des transports, dotée d’une stratégie et de moyens lui permettant d’exercer effectivement ses fonctions. Par ailleurs, le renouvellement du matériel roulant, qui nécessite des investissements massifs en compensation d’années de sous-investissements, semble faire l’objet d’un financement sécurisé ce qui permettra d’offrir une meilleure qualité de services aux usagers. Il convient de rappeler, à ce titre, qu’en 2013, une première tranche d’investissement pour le renouvellement du matériel TET a été lancée par la signature de la convention de financement entre l’État, la SNCF et l’AFITF. Pour un montant de 510 millions d’euros, 34 rames « Coradia Liner » ont été achetées à Alstom, nécessaires au remplacement des locomotives diesel en fin de vie, et pour adapter les installations de maintenance en conséquence. Ces efforts doivent être poursuivis, ainsi que le Gouvernement s’y est engagé dans sa feuille de route de juillet dernier. Les modalités d’acquisition de ce nouveau matériel, et en particulier son calendrier, seront précisées d’ici à la fin de l’année 2015. Le Rapporteur spécial considère que ces achats doivent prioritairement être réalisés sur la base du contrat cadre signé avec Alstom. La multiplication des appels d’offres sur le matériel roulant est un motif de surcoût récurrent. Enfin, les économies d’échelle ne sont possibles pour les constructeurs qu’à la condition de leur garantir un volume de commandes.

c. Le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

● Un système de financement vertement critiqué par la Cour des comptes

L’État participe au financement de l’offre des TET selon trois modalités :

– le financement du déficit d’exploitation, pour un montant de 335 millions d’euros pour 2016 via le compte d’affectation spéciale (CAS) Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs, qui inclut la révision et la rénovation du matériel roulant ;

– le financement de la redevance d’accès au réseau versée à SNCF Réseau pour l’activité TET, pour un montant d’environ 450 millions d’euros hors taxes par an ;

– le financement du renouvellement du matériel roulant, actuellement engagé avec une première tranche de 510 millions d’euros sur cinq ans, incluant l’investissement sur les ateliers de maintenance.

Le compte d’affectation spéciale (CAS), créé par l’article 65 de la loi de finances pour 2011, vise à assurer l’équilibre financier de quarante lignes ferroviaires de transport de voyageurs sur lesquelles circulent les TET.

Ainsi, en contrepartie du respect de ses obligations de service public, SNCF Mobilités reçoit une compensation de l’État afin de couvrir le financement du déficit d’exploitation, dans le cadre de la convention triennale (2011-2013). Cette convention, qui est arrivée à échéance en décembre 2013, a été prolongée pour un an en attendant la signature imminente de la nouvelle convention.

Conformément aux dispositions de cette convention, les recettes du compte d’affectation spéciale sont utilisées chaque année pour verser SNCF Mobilités un acompte à la compensation prévisionnelle pour l’année en cours à hauteur du montant des taxes ou contributions acquittées par SNCF Mobilités et le solde de la compensation pour l’année précédente. Depuis 2012, il est également prévu que le compte puisse financer des études et des missions de conseil directement liées à l’exercice des responsabilités d’autorité organisatrice des TET.

Ce compte est alimenté par trois types de recettes et repose sur le principe d’une double solidarité, ferroviaire et routière :

– la contribution de solidarité territoriale (CST), codifiée à l’article 302 bis ZC du code général des impôts et due par les entreprises de services de transport ferroviaire de voyageurs. Cette taxe est assise sur le montant total, déduction faite des contributions versées par l’État en compensation des tarifs sociaux et conventionnés, du chiffre d’affaires de SNCF Mobilités relatif aux prestations de transport ferroviaire de voyageurs non conventionnés, et aux prestations commerciales qui leur sont directement liées, effectuées entre deux gares du réseau ferré national. Son taux est compris entre 1,5 % et 5 % ;

– le produit de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF), codifiée à l’article 235 ter ZF du même code, est dû par les entreprises de services de transport ferroviaire de voyageurs ayant des activités de transport de voyageurs qui sont redevables de la contribution de solidarité territoriale, pour autant que celle-ci soit assise sur un montant supérieur à 300 millions d’euros. Cette taxe est assise sur le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés. Le taux de la taxe est compris entre 5 % et 25 %. Un arrêté du 31 août 2015 fixe le taux à 12,68 % pour l’année 2015 ;

– une fraction de la taxe d’aménagement du territoire (TAT), prévue à l’article 302 bis ZB du code général des impôts et acquittée par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers. Le tarif de la taxe est fixé à 7,32 euros par 1 000 kilomètres parcourus. Pour 2016, le montant versé à l’AFITF devrait être de 19 millions d’euros.

À l’origine, cette fraction a été plafonnée à 35 millions d’euros par an, ce qui, en 2011, représentait 17 % des recettes du compte d’affectation spéciale. Ce dispositif avait été créé dans la perspective de l’ouverture du transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence, envisagée pour 2015 ou 2016 lors de la signature de la convention mais reportée aujourd’hui à 2026, qui aurait élargi l’assiette des deux taxes ferroviaires aux nouveaux entrants. Cette perspective s’est éloignée tandis que, à partir de 2014, le plafond de la fraction de la TAT versée au compte d’affectation spéciale a été abaissé à 19 millions d’euros.

Ainsi que le souligne la Cour des comptes, depuis 2014, ce dernier est alimenté à 94 % par des taxes prélevées sur SNCF Mobilités, exclusivement. Il s’agit donc d’un circuit de financement fermé : l’État reverse à SNCF Mobilités sous forme de subvention d’équilibre, le produit de taxes qu’il a précédemment prélevées sur elle. La réforme formalisée par la convention signée en 2010 ne se révèle être qu’un « habillage juridique de la péréquation interne à la SNCF qui existait auparavant ». Pis, ce mécanisme se révèle désincitatif tant pour SNCF Mobilités qui a droit à un bonus si ses objectifs sont remplis mais qui est financé par une augmentation des taxes qui lui sont appliquées et pour l’État qui n’assume pas les conséquences financières de ses décisions (20).

Sur ce dernier point, le Rapporteur spécial appelle, d’une part, l’État à assumer pleinement son rôle d’autorité organisatrice de transport et de redéfinir ses responsabilités à l’occasion de la nouvelle convention le liant à SNCF Mobilités et, d’autre part, à rééquilibrer la part de la contribution provenant du secteur routier afin de soulager SNCF Mobilités, jusqu’à l’ouverture des TET à la concurrence en 2026.

d. Des crédits en hausse pour 2016

Le compte d’affectation spéciale retrace en dépenses les deux programmes suivants :

– les contributions liées à l’exploitation des services nationaux de transport de voyageurs versées par l’État et les frais d’enquêtes, d’études et de conseil relatif à cette exploitation (programme 785, 217 millions d’euros pour 2016) (21;

– les contributions liées au matériel roulant des services nationaux de transport de voyageurs par l’État (programme 786, 118 millions d’euros pour 2016) (22).

Le compte devrait établir son équilibre budgétaire à 335 millions d’euros en 2016, soit une hausse de 8,4 % par rapport à 2015 portée uniquement par la progression de 13,6 % des crédits du programme 785, les crédits du programme 786 demeurant stables.

En effet, pour tenir compte de l’augmentation des coûts d’exploitation, le montant du programme a été porté à 217 millions d’euros (contre 190 en 2015). L’équilibre est assuré par un relèvement du produit de la contribution de solidarité territoriale qui passe de 90 à 116 millions d’euros soit près de 29 % d’augmentation. Or, cette taxe est intégralement supportée par SNCF Mobilités, ce qui ne va pas dans le sens d’un rééquilibrage des recettes du compte vers le secteur routier, ce que déplore le Rapporteur spécial.

Le Rapporteur spécial souhaite souligner que la sécurisation du produit de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF), intégralement supporté par SNCF Mobilités, a été réalisé à l’occasion du collectif budgétaire de fin d’année 2014. En effet, au titre de l’exercice fiscal 2013, le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés de SNCF Mobilités était déficitaire. Cette situation a dégradé très fortement l’équilibre du compte en entraînant un produit nul. Le dispositif existant a ainsi été modifié en vue de préserver durablement l’équilibre budgétaire de ce compte.

Ainsi, pour l’année 2015, a été créée une taxe additionnelle à la TREF assise sur le résultat des entreprises assujetties majoré des dotations aux amortissements de l’exercice (23). 200 millions d’euros ont été versés par SNCF Mobilités et rattachés au compte en février 2015 au titre de cette taxe additionnelle. Ce montant a été reversé à SNCF Mobilités pour couvrir une part de la compensation d’exploitation due par l’État au titre de la convention d’exploitation des TET pour l’exercice 2014.

Pour les années ultérieures, l’assiette de la taxe a été modifiée en y incluant de manière pérenne les dotations aux amortissements de l’exercice. La fourchette dans laquelle le taux de la TREF devait être fixé a également évolué. Ces modifications devraient permettre de sécuriser de manière pérenne la perception de cette recette et donc le financement des trains d’équilibre du territoire. L’article 235 ter ZF du code général des impôts a été modifié en ce sens. L’arrêté du 30 août 2015 fixant le taux de la TREF à 12,68 % doit permettre de percevoir un montant prévisionnel de 200 millions d’euros pour l’année 2015. Un produit du même montant est escompté pour 2016.

B. FREINER LA CRISE DU FRET FERROVIAIRE

1. La situation du fret français

a. La situation en France : vers une amélioration

La Commission européenne a fait de la revitalisation du rail l’une de ses priorités en matière de transports comme le souligne son Livre blanc publié en 2011 (24). À cette fin, la politique communautaire poursuit plusieurs objectifs : l’ouverture progressive des marchés, le soutien aux actions permettant de renforcer la compétitivité du rail, la régulation de l’accès aux infrastructures, l’augmentation de la transparence des coûts, l’harmonisation technique et réglementaire pour développer l’interopérabilité, le soutien aux équipements et investissements favorisant l’intermodalité et les transferts de la route vers le rail, le développement des infrastructures ferroviaires et, enfin, la mise en place de corridors de fret européen.

En 2013, en Union européenne, la route représente 75,5 % des transports terrestres, le fer 17,8 % et le fluvial 6,8 %. En France, la route représente 85,0 % du transport terrestre, le transport ferroviaire 9,5 % loin derrière la moyenne européenne et l’Allemagne (23,5 %), le transport fluvial 2,3 % et le transport par oléoducs 3,2 %.

La crise économique qui s’est développée à partir du second semestre 2008 a fortement touché le ferroviaire. Elle a entraîné une contraction de la demande de transport particulièrement sensible dans des secteurs d’activité fortement utilisateurs du fret ferroviaire comme la sidérurgie ou l’automobile. Les trafics de transport combiné (25) et les acheminements de wagons isolés ont été particulièrement exposés à la concurrence routière.

Entre 2008 et 2012, la baisse des volumes transportés par le mode ferroviaire est de 20 % passant de 40,7 milliards de tonnes-km en 2008 à 32,6 en 2012. Si l’année 2011 a été marquée par un sursaut avec une augmentation de 14 %, le transport ferroviaire de marchandises a de nouveau baissé de 4,9 % en 2012, puis de 1,6 % en 2013.

Toutefois, la situation s’améliore en 2014, puisque le transport ferroviaire de marchandises progresse, même faiblement de 0,6 %. L’activité de fret ferroviaire s’élève à 32,2 milliards de tonnes-km en 2014. Le dynamisme du transport ferroviaire international (+ 7,2 %) permet cette reprise. Les nouveaux opérateurs réalisent 37 % du fret ferroviaire, proportion comparable à celle des autres opérateurs en Allemagne ou en Pologne mais inférieure à celles des nouveaux opérateurs aux Pays-Bas ou en Grande-Bretagne.

Le transport combiné a continué d’augmenter (+ 8 %) et représente, à présent, 28 % du trafic. À 9,073 milliards de tonnes/km, sa croissance est proche de 25 % depuis 2011. L’ensemble de ces trafics ont été pris en charge par dix-huit opérateurs, y compris Fret SNCF.

Cette tendance semble se confirmer pour 2015 car le fret ferroviaire intérieur augmente aussi bien sur le trafic national (+ 0,7 %) qu’à l’international dont le dynamisme se confirme (+ 6,2 % après + 2,9 % au quatrième trimestre 2014).

À ce jour, vingt-quatre entreprises ferroviaires circulent sur le réseau ferré national et quinze candidats autorisés (opérateurs de transport combiné, ports, etc.) commandent des sillons qu’ils confient ensuite à l’entreprise ferroviaire de leur choix. La part des nouveaux opérateurs s’est élevée à 37 % en 2014, ce chiffre comprenant notamment les filiales de l’opérateur historique SNCF (9,5 %).

b. Fret SNCF : des efforts de restructuration qui commencent à porter leurs fruits

Concernant plus précisément Fret SNCF, la baisse de son activité a connu une forte accélération à partir de 2010 du fait des effets de la crise économique mondiale. Pour améliorer ses résultats, une forte optimisation des moyens et des ressources a été engagée depuis plusieurs années, se traduisant notamment par une diminution des effectifs de 4 500 agents, ces derniers passant de 12 000 en 2010 à environ 7 500 fin 2014.

Les évolutions menées depuis 2009 ont consisté à revoir les processus de production et de commercialisation avec deux volets principaux :

– une organisation géographique de la production, en recherchant la mutualisation la plus large possible des flux des clients. Cette mutualisation porte aussi bien sur les trafics de « wagon isolé » (26) que sur les trafics massifs. Elle permet une meilleure rationalisation des ressources engagées pour assurer ces flux de trafic ;

– une meilleure prévision des trafics et un processus d’adaptation du plan de transport pour permettre une meilleure adéquation entre les besoins des clients et les sillons affectés à ces trafics.

En outre, trois axes de développement de l’activité ont été définis, autour du transport combiné qui est un secteur en pleine croissance, du marché européen et de l’innovation avec des trains plus lourds et plus longs.

Bien que le chiffre d’affaires continue à décroître sous les effets de la concurrence inter et intra-modale mais de façon moins marquée en 2013 (- 5 %) et 2014 (– 2 %), les résultats financiers de Fret SNCF se redressent ces deux dernières années. Ainsi, tout en restant largement négative (- 179 millions d’euros en 2013 et – 116 en 2014), la marge opérationnelle progresse sensiblement de 154 millions d’euros en 2013 et de 63 en 2014.

2. La mise en œuvre d’un véritable plan d’action en faveur du fret

Pour répondre à ces difficultés et après les résultats en demi-teinte de l’engagement national pour le fret ferroviaire (2009-2013), le ministre en charge des transports a décidé de mettre en place une conférence périodique pour le fret ferroviaire, réunissant et mobilisant tous les acteurs. La première réunion de cette conférence, qui s’est tenue le 18 septembre 2013, a permis de présenter un état des lieux et de lancer une démarche de concertation par la mise en œuvre de cinq groupes de travail sur des thématiques structurantes :

– domaine de pertinence du fret ferroviaire : le cadre économique et réglementaire, l’articulation avec les autres modes ;

– fret de proximité et action des acteurs locaux ;

– fret ferroviaire et grands ports maritimes ;

– fret ferroviaire et utilisation de l’infrastructure ;

– innovation technologique et évolutions de la réglementation.

Ces groupes ont restitué leurs travaux lors de la deuxième réunion qui s’est tenue le 12 février 2014. À cette occasion, plusieurs mesures et actions issues des propositions des cinq groupes de travail ont été retenues. Les grands axes sont les suivants :

– développer le fret de proximité par l’expérimentation sur des territoires, sur la base d’un diagnostic de la demande de fret ferroviaire et du réseau capillaire qui permet une desserte fine des territoires ;

– assurer une meilleure promotion du fret ferroviaire, qui apparaît souvent comme une « boîte noire » pour les chargeurs du fait notamment de sa technicité et de son jeu d’acteurs ;

– améliorer la qualité, la disponibilité et la robustesse des sillons fret, condition essentielle pour rendre le fret ferroviaire plus fiable et plus compétitif pour les industriels ;

– faire des grands ports maritimes des acteurs centraux du fret ferroviaire, en intégrant dans leurs projets stratégiques des objectifs de développement du fret ferroviaire et en optimisant les enjeux de desserte et de capacité du réseau ;

– soutenir l’innovation technologique et simplifier la réglementation : sur le second point, le lancement d’un groupe de travail interdisciplinaire a été annoncé ;

– mesurer l’efficience des dispositifs de soutien au secteur et réfléchir à leur optimisation.

Un comité de suivi ad hoc est chargé de définir les modalités de pilotage de chacune des mesures retenues et d’assurer le suivi de leur mise en œuvre.

Une troisième réunion de la conférence pour le fret ferroviaire a eu lieu le 12 décembre 2014 pour réaliser un point d’étape sur la mise en œuvre de ces orientations.

Des résultats concrets ont pu être apportés, ce dont se réjouit le Rapporteur spécial, avec notamment :

– la mobilisation pour la sauvegarde du fret ferroviaire territorial sur les lignes locales (dites capillaires) sur la base d’un diagnostic finalisé des réseaux capillaires ;

– la création d’un observatoire sur la qualité des circulations fret ;

– l’amélioration de la gestion opérationnelle des terminaux de transport combiné ;

– l’inscription dans les projets stratégiques des grands ports maritimes d’objectifs de développement du fret ferroviaire en pré et post acheminement et le suivi de ces objectifs ;

– l’identification des priorités de simplification de la réglementation et des normes tout en maintenant l’exigence de haut niveau de sécurité sur le réseau, et l’engagement des premières mesures ;

– l’identification des priorités en matière d’innovation et le soutien des porteurs de projet ;

– la démarche de création de clusters fret ferroviaire sur des territoires volontaires afin de faire émerger un modèle économique.

Par ailleurs, le Gouvernement continue d’agir en faveur du développement du transport combiné et des autoroutes ferroviaires, en prenant en compte les contraintes techniques et financières inhérentes à ces services de transport, ce qu’encourage fortement le Rapporteur spécial.

Deux types d’actions sont menés pour accroître le réseau d’autoroutes ferroviaires :

– l’autoroute ferroviaire alpine, aujourd’hui subventionnée par les États français et italien, devrait être pérennisée sous la forme d’une concession. Cependant, les difficultés budgétaires de l’Italie perturbent fortement la procédure de consultation en cours. Selon le nouveau calendrier annoncé par l’Italie, la consultation finale pourrait intervenir en 2015 avec l’objectif d’une mise en place du service concédé en 2016 ;

– la mise en service d’une autoroute ferroviaire sur l’axe Atlantique (Bayonne-Lille) devrait intervenir en 2016, suite à la signature en mars 2014 d’un contrat de concession avec la société concessionnaire filiale de la SNCF. L’affermissement du contrat suppose notamment la finalisation du plan de financement de l’opération avec les régions partenaires du projet (Aquitaine, Poitou-Charentes, Centre, Île-de-France et Nord-Pas-de-Calais) et la prise en compte des conclusions de l’enquête publique rendues en 2014.

Toutefois, le Gouvernement a annoncé le 30 avril dernier, renoncer à l’autoroute ferroviaire entre Dourges (Pas-de-Calais) et Tarnos (Landes), qui devait voir le jour en janvier 2016 et transporter 85 000 poids lourds par an.

3. Les difficultés liées au coût des péages pour SNCF Mobilités et SNCF Réseau

La réforme de la tarification des péages perçus par SNCF Réseau en compensation de l’utilisation de l’infrastructure intervenue en fin d’année 2008 a notamment concerné le fret. En effet, les péages étaient très inférieurs aux coûts marginaux d’usage (coût direct des circulations de trains de marchandises).

La réforme a conduit à faire payer les coûts marginaux d’usage ce qui a provoqué une augmentation de plus du double du volume des péages. Afin de ne pas déstabiliser l’équilibre économique des entreprises ferroviaires et dans le cadre de la politique de soutien au fret ferroviaire, l’évolution de la tarification a été contenue à l’inflation pour les entreprises ferroviaires et une subvention de l’État à SNCF-Réseau est venue contribuer à la couverture du coût marginal.

Toutefois, aucun des opérateurs ne semble y trouver son compte : SNCF Mobilités se plaint d’une augmentation des tarifs tandis que SNCF Réseau déplore des montants de péages trop bas qui ne parviennent pas à couvrir le coût marginal.

Chaque année, dans le cadre de son avis sur le document de référence du réseau établi par SNCF Réseau, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) rend un avis juridiquement contraignant sur la tarification de l’infrastructure ferroviaire.

Dans ses avis du 3 février et du 10 juin 2015, l’Arafer avait émis, puis maintenu, une réserve sur les tarifs des péages 2016 envisagés par SNCF Réseau pour les trains de marchandises qui proposait une hausse de 6,27 % afin de compenser la baisse des subventions de l’État pour cette activité.

Dans son avis du 3 février 2015, l’Autorité avait relevé que le défaut de couverture du coût marginal soulevait un problème de conformité au regard des principes de tarification posés dans la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012.

Le régulateur signalait que l’État ne versait pas la totalité des subventions inscrites en loi de finances pour compenser l’écart entre le coût d’utilisation du réseau ferré pour les circulations fret et les péages acquittés par les opérateurs ferroviaires. Ainsi, en 2013 et 2014, l’État n’a versé qu’une fraction des montants prévus, ce qui a représenté un montant non recouvré pour SNCF Réseau de 232 millions d’euros.

En effet, en 2014, le montant effectivement versé à SNCF Réseau en 2014 s’est élevé à 136 millions d’euros pour un montant prévu en loi de finances initiale s’élevant à 271. En revanche, le montant versé au titre de la subvention pour l’utilisation du réseau ferré national par les trains de fret a été nulle en 2014.

Le 24 septembre 2015, SNCF Réseau a assuré l’Arafer qu’une fraction du dividende de SNCF Mobilités au profit de la SNCF pourra servir le cas échéant à financer in fine un versement au budget de l’État pour permettre, grâce à l’ouverture de crédits manquants, de compléter la compensation fret et assurer ainsi la couverture du coût marginal. L’autorité a ainsi levé sa réserve concernant la tarification des activités fret.

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit, dans le cadre de la subvention versée à SNCF Réseau (action 10 Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires du programme 203 Infrastructures et services de transport), une dotation de 274,6 millions d’euros (AE = CP) à SNCF-Réseau destinée à contribuer à la couverture des coûts relatifs à l’utilisation du réseau ferré national par les trains de fret contre 289,95 millions d’euros en 2015, soit une diminution de 5,3 %. Cette dotation comprend la compensation destinée à contribuer à la couverture du coût marginal pour les trains de fret qui est actuellement estimée à 229 millions d’euros, toutes taxes comprises. À ce titre et étant donné la situation fragile du fret ferroviaire, le Rapporteur spécial souhaite que le montant prévu soit effectivement exécuté pour limiter les ajustements en cours d’exercice qui pèseront sur SNCF Mobilités au premier chef mais également sur SNCF Réseau.

EXAMEN EN COMMISSION

Après les auditions de Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et de M. Alain Vidalies, secrétaire d’État aux transports, à la mer et à la pêche (voir le compte rendu de la commission élargie du 5 novembre 2015 à 15 heures (27)), la commission examine les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

La commission examine l’amendement n° II-CF396 de M. Marc Goua.

M. Marc Goua, rapporteur spécial. Cet amendement vise à rétablir les crédits budgétaires du centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA) à un niveau identique à celui de la loi de finances initiale pour 2015. Alors que le CITEPA est un acteur majeur de la lutte contre le changement climatique, l’importance des restrictions budgétaires proposées ne lui permettrait plus de réaliser l’intégralité de ses missions. Cette situation, l’année où la France organise la COP 21, serait très regrettable. C’est pourquoi je vous propose de rétablir la dotation du CITEPA en l’augmentant de 140 000 euros.

La commission adopte l’amendement n° II-CF396.

Puis, suivant l’avis favorable de M. Marc Goua, M. Jean-Claude Buisine, M. Jean-Claude Fruteau, M. Alain Rodet et M. Olivier Faure, rapporteurs spéciaux, et malgré l’avis défavorable de M. Hervé Mariton, rapporteur spécial, la Commission adopte les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables modifiés.

La commission adopte ensuite, suivant l’avis favorable de M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur spécial, le budget annexe contrôle et exploitation aériens, puis suivant les avis favorables de MM. Marc Goua, Alain Rodet et Olivier Faure, rapporteurs spéciaux, elle adopte les crédits des comptes spéciaux Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale, Aides à l’acquisition de véhicules propres et Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs.

*

* *

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

– M. Jean-Paul Huchon, président du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) ; Mme Sophie Mougard, directrice générale (STIF) ; M. Jérémie de Rorthais, conseiller technique du président (STIF).

– M. Guy Le Bras, directeur général du Groupement des autorités responsables de transport (GART).

– M. Thierry Guimbaud, directeur des services de transport, Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGTIM).

– M. Guillaume Pepy, président du directoire de SNCF et président directeur général de l’ÉPIC SNCF Mobilités ; M. Alain Krakovitch, directeur Transilien ; Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire SNCF Réseau.

– M. Jacques Rapoport, président délégué du directoire de SNCF et président de SNCF Réseau accompagné de M. Jacques Buffière, directeur du contrôle de gestion SNCF Réseau.

– M. Pierre Cardo, président de l’Autorité de régultation des activités ferroviaires (ARAF) ; Mme Anne Yvrande-Billon, vice-présidente (ARAF) ; M. Alexis Vuillemin, secrétaire général (ARAF) ; M. François Wernert, directeur de cabinet (ARAF).

– M. Jean-Yves Petit, vice-président transport région PACA, Association des régions de France (ARF).

– M. Philippe Duron, président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ; M. Loïc Guinard, secrétaire général (AFITF) ; M. Dominique Etienne, Secrétaire général adjoint (AFITF).

© Assemblée nationale

1 () Après l’abandon définitif de l’écotaxe poids en octobre 2014, une partie de la TICPE a, en effet, été affectée à l’AFITF, à hauteur de 1 139 millions d’euros, grâce une augmentation de 2 centimes d’euros par litre de la TICPE applicable au gazole en 2015 comme en 2016.

2 () Dans le cadre financier défini par l’article 4 du décret n° 97-444 du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de l’établissement.

3 () Article L. 2111-10-1 du code des transports.

4 () Liaison ferroviaire directe entre Paris et l’aéroport de Roissy.

5 ()  En application de l’article L. 2111-10 du code des transports, tel qu’il résulte de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.

6 () Décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 relatif aux gares de voyageurs et aux autres infrastructures de services du réseau ferroviaire.

7 () Le plan Excellence 2020 a été présenté le 14 septembre 2013 devant le conseil d’administration du groupe SNCF avec pour ambition de faire de la SNCF, la référence des services de mobilité et de logistique en s’engageant sur trois priorités opérationnelles : priorité aux transports du quotidien, conception d’un voyage sur-mesure pour chaque client et le développement international.

8 () Rapport d’information n° 1303 du 24 juillet 2013 de M. Olivier Faure et Alain Rodet sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

9 () Équivalent temps plein annuel travaillé.

10 () Article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

11 () Article 14 du projet de loi de finances pour 2016.

12 () Rapport remis le 27 juin 2013 au ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche.

13 () Réseau de bus à haut niveau de service en site propre d’Île-de-France géré par le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF).

14 () Longue de 28 km, dont 11 km pour son premier tronçon, la tangentielle nord traversera les départements de la Seine-Saint-Denis, du Val-d’Oise et des Yvelines.

15 () Décret n°2014-1168 du 10 octobre 2014 modifiant le décret n°2010-756 du 7 juillet 2010 relatif à la Société du Grand Paris.

16 () La taxe spéciale d’équipement, une composante de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux et la taxe locale sur les bureaux qui a été déplafonnée dès 2014.

17 () La Ligne Orange du Grand Paris Express est un projet de métro automatique souterrain desservant en rocade le nord et l’est de la proche et moyenne couronne parisienne. Elle est destinée à relier dans un premier temps Saint-Denis Pleyel à Champigny Centre d’une part et Noisy-Champs d’autre part.

18 () Cour des comptes, Les trains Intercités : sortir de l’indécision, Rapport annuel publié le 11 février 2015.

19 () Paris-Caen-Cherbourg, Paris-Rouen-Le Havre, Paris-Vernon-Rouen, Paris-Clermont-Ferrand.

20 () Cour des comptes, Les trains Intercités : sortir de l’indécision, Rapport annuel publié le 11 février 2015.

21 () Ce programme retrace en dépenses la part de la compensation nécessaire pour couvrir le déficit courant d’exploitation établi contractuellement sur la base des prévisions issues de l’audit mené conjointement par la SNCF et l’État, la part de la compensation nécessaire pour couvrir le bénéfice raisonnable alloué à l’exploitant par l’autorité organisatrice de transport afin de rémunérer le risque pris par l’exploitant ainsi que les dépenses relatives aux enquêtes de satisfaction sur la qualité de service.

22 () Ce programme retrace en dépenses la part de la compensation nécessaire pour couvrir les dotations pour amortissements et frais financiers relatifs au programme pluriannuel de maintenance et de régénération du matériel roulant existant, les dotations pour amortissements et frais financiers des investissements qui ont été réalisés avant l’entrée en vigueur de la convention ainsi que les dépenses relatives aux frais d’enquêtes, d’études et de conseil relatifs au matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés directement liés à l’exercice par l’État de ses responsabilités d’autorité organisatrice.

23 () Article 4 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

24 () Livre blanc publié le 28 mars 2011 un intitulé « Feuille de route pour un espace européen unique des transports - Vers un système de transport compétitif et économique en ressources ».

25 () Transport d’un ensemble routier complet, accompagné du conducteur, par un autre mode de transport (par exemple, ferry ou train).

26 () Ensemble des transports qui permettent de réunir plusieurs wagons de clients et/ou de contenu différents afin d’en faire un train complet.

27 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2016/commissions_elargies/