N° 3110
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2016 (n° 3096),
PAR Mme Valérie RABAULT,
Rapporteure Générale
Députée
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ANNEXE N° 27
GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET
DES RESSOURCES HUMAINES
CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES
ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES
Rapporteure spéciale : Mme Karine BERGER
Députée
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SOMMAIRE
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Pages
I. L’ÉTAT NE DISPOSE PAS D’UN SUIVI CONSOLIDÉ DES INVESTISSEMENTS QU’IL FINANCE 7
A. LE CONSTAT REGRETTABLE : UNE ABSENCE DE VISION GLOBALE DES INVESTISSEMENTS DE L’ÉTAT 8
B. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE D’UNE CARTOGRAPHIE DES SEULS « GRANDS PROJETS D’INVESTISSEMENTS PUBLICS » 8
II. UN PROCESSUS D’ÉVALUATION, DE DÉCISION ET DE « GO - NO GO » EST NÉCESSAIRE ET POSSIBLE 10
A. UN PROCESSUS D’ÉVALUATION ENCORE PERFECTIBLE 10
1. Des processus hétérogènes ou absents d’évaluation des projets d’investissements en fonction des secteurs 11
2. L’exemple des investissements des hôpitaux : le COPERMO, un processus de décision à répliquer 13
3. L’indispensable formalisation d’un cadre général et homogène d’évaluation socio-économique des projets d’investissements de l’État 16
B. UNE DÉMARCHE DE CONTRE-EXPERTISE À DÉVELOPPER 17
C. LA MISE EN PLACE NÉCESSAIRE D’OUTILS DE PILOTAGE DE LA PRISE DE DÉCISION EN MATIÈRE D’INVESTISSEMENT PUBLIC 18
III. LES PLANS D’INVESTISSEMENT INTERMINISTÉRIELS OU DÉLÉGUÉS NE PERMETTENT PAS DE RECONSTITUER FACILEMENT LES ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT 20
A. LE PLAN « FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT » 20
B. LE CAS DU GRAND PARIS 21
C. LE RÔLE DU CGI PEUT ÊTRE RENFORCÉ POUR LA COORDINATION : LE CAS DU PLAN JUNCKER 22
1. La mobilisation d’au moins 21 milliards d’euros d’investissements supplémentaires « frais » avec un effet levier espéré 23
2. Le pilotage du « plan Juncker » en France 26
IV. LES PROGRAMMES D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR : UN MÉCANISME QUI DOIT ÊTRE PROTÉGÉ ET NON BANALISÉ 28
A. LA MISE EN PLACE DES PROGRAMMES D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR 28
B. LES MODALITÉS ORIGINALES DE GESTION DES PROGRAMMES D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR 29
SECONDE PARTIE : LE PROGRAMME CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES 32
I. LES OBJECTIFS DU PROGRAMME 33
A. L’AMÉLIORATION DE L’INFORMATION DU PARLEMENT ET DE LA QUALITÉ DES PRESTATIONS RENDUES AUX ADMINISTRATIONS 33
B. L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS D’EMPLOI DES PERSONNELS 34
C. LA MAÎTRISE DU COÛT DES FONCTIONS SUPPORT 35
II. LES MOYENS DÉVOLUS AU PROGRAMME 36
A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME RÉPARTIS PAR ACTION 37
1. L’action 1 État-major et politiques transversales 37
2. L’action 2 Expertise, audit, évaluation et contrôle 37
3. L’action 5 Prestations d’appui et support 37
4. L’action 7 Pilotage des finances publiques et projets interministériels 38
B. LA VENTILATION DES CRÉDITS PAR TYPE DE DÉPENSES 39
III. LES GRANDS PROJETS INFORMATIQUES PORTÉS PAR LE PROGRAMME 40
A. LA MISSION CONFIÉE AU CENTRE INTERMINISTÉRIEL DE SERVICES INFORMATIQUES RELATIFS AUX RESSOURCES HUMAINES (CISIRH) 40
B. LE DÉVELOPPEMENT DU PROJET CHORUS PORTAIL PRO 2017 PAR L’AIFE 41
L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 95 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la Rapporteure spéciale.
L’investissement public en France représente 3,2 % du produit intérieur brut (PIB), faisant de la France l’un des premiers investisseurs publics de l’Union européenne, loin devant l’Allemagne (1,5 % du PIB). Le pilotage, le contrôle et le suivi de l’investissement public, en particulier de l’État, deviennent de véritables enjeux dans un contexte de redressement de nos finances publiques et de croissance faible. La décision d’investissement public doit faire l’objet d’un pilotage perfectionné. Il s’agit de mettre en place des outils garantissant un investissement public pertinent, efficient et soutenable financièrement. La capacité à piloter ces dépenses, c’est-à-dire à anticiper leur évolution et à les réguler en cours d’exécution, est cruciale pour la maîtrise de nos finances publiques.
Cette exigence s’inscrit dans un champ d’action où l’État est dépourvu d’outils de pilotage performants, le pilotage dit « sous norme » des dépenses du budget général et de celles de l’assurance maladie n’étant pas appliqué en matière d’investissement public. Le Gouvernement s’est par conséquent engagé depuis 2012 dans une démarche d’amélioration de la conduite de la politique d’investissement public.
Les principales conclusions du rapport sont les suivantes :
1. Il n’existe pas aujourd’hui de vision exhaustive de l’investissement financé par l’État. Or le pilotage de l’investissement public nécessite tout d’abord une connaissance exhaustive et précise du montant des investissements engagés. Ce suivi des dépenses d’investissement est d’autant plus prégnant que celles-ci sont par nature pluriannuelles. La loi de programmation des finances publiques de décembre 2012 a prévu un inventaire systématique des projets d’investissements de l’État, au-delà de 20 millions d’euros. Ce recensement, qui constitue un progrès indéniable, est réalisé chaque année par le commissariat général à l’investissement et transmis au Parlement sous forme d’annexe au projet de loi de finances. Ce jaune budgétaire a été publié pour la première fois en octobre 2014 lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.
Ø La Rapporteure spéciale recommande d’accroître la vision d’ensemble de l’investissement de l’État, en élargissant l’inventaire des projets d’investissement aux investissements déjà en cours dans les jaunes budgétaires.
2. Il semble nécessaire d’uniformiser les processus d’évaluation socio-économique menés par les différents ministères, en prenant exemple sur des expériences réussies telles que la procédure décisionnelle mise en œuvre en matière d’investissements hospitaliers (COPERMO). L’investissement public doit en effet obéir à un processus rigoureux de prise de décision, fondé notamment sur une évaluation socio-économique préalable sérieuse.
3. Les décisions d’investissement public doivent également être soumises à des mécanismes de contrôle. Les grands projets doivent ainsi faire l’objet d’une contre-expertise indépendante garantissant leur pertinence et leur opportunité.
Ø La Rapporteure spéciale préconise l’extension du champ des contre-expertises, en abaissant notamment les seuils imposant leur réalisation.
4. Il est enfin indispensable d’instaurer des étapes d’évaluations intermédiaires durant la phase projet des investissements, dites go / no go (poursuite ou arrêt de financement). Il s’agit d’offrir à la puissance publique la possibilité d’interrompre un projet en situation de dépassement, ou de prévoir une reconfiguration de celui-ci.
Une politique efficace d’investissement public ne peut être menée sans l’adoption de ces pratiques. À cet égard, la procédure mise en œuvre dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir, à travers une gestion extrabudgétaire, présente de véritables avancées. Cette démarche doit être analysée afin de déterminer à terme la méthode de gestion pluriannuelle des investissements la plus pertinente.
La réussite du pilotage de l’investissement public s’inscrit pleinement dans le champ du programme 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières. Celui-ci a notamment pour mission la maîtrise des finances publiques, avec le rattachement en particulier des crédits de la direction du budget.
Les crédits de ce programme sont en baisse de plus de 5 % en 2016 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement par rapport aux montants ouverts en loi de finances initiale pour 2015. Cet effort de maîtrise de la dépense concerne l’ensemble des postes budgétaires, de personnel, de fonctionnement et d’investissement.
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PREMIÈRE PARTIE : L’ÉTAT CONNAÎT-IL SES INVESTISSEMENTS ?
Le pilotage des finances publiques nécessite un suivi particulièrement rigoureux des dépenses engagées sur plusieurs années. Les investissements sont typiquement des dépenses ne respectant pas le cadre annuel des lois budgétaires : un investissement engagé ne peut plus être suspendu sans coût important pour les finances publiques, et doit être poursuivi.
Il est en conséquence important pour la gouvernance publique et la maîtrise des équilibres budgétaires, de bien maîtriser les processus de décision, de suivi et éventuellement « GO - NO GO » des investissements publics. Comme l’a monté l’échec du projet ONP, des dépenses d’investissement peuvent être engagées sans cadre suffisamment maîtrisé pour se révéler – au final – inutiles.
La Rapporteure spéciale a dans un premier temps cherché à savoir s’il existait, notamment au sein de la Direction du Budget, une cartographie des investissements engagés par l’État. Il n’existe pas aujourd’hui de cartographie exhaustive des investissements portés par l’État. Il n’existe pas non plus par conséquent d’évaluation consolidée des montants d’investissement engagés dans les années à venir par l’État, du fait du lancement passé de certains investissements.
Le Gouvernement a certes entrepris depuis 2012 un recensement des projets d’investissements de l’État. Il engage également un travail consistant à établir une approche transversale et homogène de l’évaluation de ces projets d’investissements, sur la base d’une méthodologie unifiée.
La Rapporteure spéciale encourage le Gouvernement à disposer d’une vision transversale de l’investissement de l’État, incluant l’ensemble des grands projets ou plans d’investissements nationaux.
La mise en place d’une véritable stratégie nationale d’investissement public ne peut s’affranchir d’une cartographie exhaustive des investissements financés par l’État. Le pilotage des investissements publics passe en premier lieu par une meilleure connaissance de ceux-ci. À l’évidence, l’État ne dispose pas actuellement de suivi consolidé de ses investissements. La Rapporteure spéciale ne peut qu’alerter le Gouvernement sur une telle situation surprenante.
L’absence de vision consolidée de l’investissement public en France a incité le Gouvernement à engager en 2012 une démarche d’inventaire des projets d’investissements de l’État.
Ainsi, le Premier ministre a confié le 20 août 2012 au commissaire général à l’investissement (CGI) une mission relative aux investissements publics, afin de :
– cartographier les programmes et projets d’investissements publics, recenser les méthodes d’évaluation et analyser leur qualité ;
– proposer une méthode homogène d’évaluation des projets et définir une procédure préparatoire aux décisions du ministre ou du Premier ministre à chaque grande étape du projet ;
– d’étudier les financements (notamment innovants) susceptibles d’être mobilisés pour les investissements publics.
Le CGI a remis le 8 février 2013 son rapport (1) faisant le constat :
– d’une absence de vision globale et consolidée des projets d’investissements existants ou envisagés ;
– d’une carence de suivi homogène des projets et programmes au sein de chaque ministère ;
– d’une évaluation insuffisante dans la prise de décision publique d’investissement ;
– de la quasi-inexistence de contre-expertise indépendante ;
Ce diagnostic sévère du CGI a eu vocation à inciter le Gouvernement à progresser dans la conduite et le pilotage des investissements de l’État.
B. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE D’UNE CARTOGRAPHIE DES SEULS « GRANDS PROJETS D’INVESTISSEMENTS PUBLICS »
Le Gouvernement a souhaité avancer en matière d’informations relatives aux projets d’investissements de l’État. Ainsi, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (2) a prévu l’information du Parlement concernant « les projets d’investissements civils financés par l’État, ses établissements publics, les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire ».
Une communication du Premier ministre du 17 avril 2013 sur l’évaluation et la contre-expertise des projets d’investissements publics a confirmé la tenue d’un inventaire par le CGI « de l’ensemble des projets significatifs d’investissement public impliquant l’État ou ses opérateurs, dont une synthèse annuelle sera transmise au Parlement ».
Un décret du 23 décembre 2013 (3) a précisé l’application de la loi de programmation de 2012, en instaurant une annexe générale au projet de loi de finances, intitulée « Évaluation des grands projets d’investissements publics ». Cette annexe générale a été publiée pour la première fois en octobre 2014 lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.
L’objet de ce « jaune budgétaire » est de réaliser un inventaire permanent couvrant l’ensemble des projets d’investissements en cours d’instruction. Les ministères notifient en juin de chaque année au CGI leurs projets d’investissements en cours d’instruction. Cette démarche de recensement incite les ministères à renforcer le pilotage des investissements publics relevant de leur domaine de compétence. Ce travail d’inventaire constitue une ébauche de cartographie des projets d’investissements portés par l’État ou les établissements publics. Le périmètre de cet inventaire concerne les projets d’investissements dont le financement cumulé de l’État, de ses établissements publics, des établissements publics de santé et des structures de coopération sanitaire excède 20 millions d’euros hors taxes (4).
L’exercice 2014 de cet inventaire, premier du genre, s’est révélé « manifestement incomplet » (5). Le CGI avait recensé 299 projets d’investissements pour un coût global de 200 milliards d’euros, sans aucun projet en matière d’aménagement, de rénovation urbaine, de logement ou de médico-social. En outre, un seul projet de transports en commun en Île-de-France avait été transmis.
L’inventaire 2015 constate la disparition de 120 projets, soit 40 % des projets de l’inventaire 2014, pour 61 milliards d’euros (6). Le CGI relève que 47 de ces projets ont été reportés et auraient dû à ce titre être déclarés à l’inventaire 2015, représentant 42 milliards d’euros. L’annexe au projet de loi de finances pour 2016 constate par ailleurs que 17 projets ont disparu de l’inventaire sans aucune explication. Néanmoins, l’inventaire 2015 représente une vision plus complète des projets d’investissements, avec l’arrivée de 372 nouveaux projets, pour 97 milliards d’euros. Ces nouvelles déclarations de projets couvrent des domaines plus étendus, comme les transports en commun en Île-de-France, la rénovation urbaine et France Domaine. Ainsi, l’inventaire 2015 comporte finalement 551 projets, pour un coût global de 186 milliards d’euros.
La Rapporteure spéciale salue cette initiative d’un recensement exhaustif des projets d’investissements de l’État. Cependant, il conviendrait d’instaurer en parallèle un suivi consolidé des investissements financés et déjà mis en œuvre par l’État. La démarche partielle engagée, ne couvrant que les projets d’investissements, n’apparaît pas pleinement satisfaisante.
La notion de projet d’investissement n’est par ailleurs pas clairement établie. L’annexe générale au projet de loi de finances recommande une définition plus précise des décisions « de lancement des études, d’approbation ou de réalisation d’un projet » (7). Les ministères n’adoptent pas une vision uniforme et homogène, ce qui a une influence sur les déclarations auprès du CGI dans le cadre de cet inventaire.
La vision globale de la politique d’investissement passe par un suivi interministériel des projets et des investissements publics. Cette mission devrait logiquement relever du CGI, rattaché institutionnellement au Premier ministre.
Recommandation : l’État devrait instaurer un suivi consolidé annuel des investissements qu’il finance et qui sont engagés. La Rapporteure spéciale présente un amendement en ce sens dans le cadre du présent projet de loi de finances pour 2016.
La pratique de l’évaluation socio-économique préalable des investissements publics a été traditionnellement très hétérogène et partielle au sein des administrations françaises. En 1982, elle a été rendue obligatoire pour les grands projets d’infrastructures de transports, en vertu de la loi dite LOTI (8). L’article 2 de l’ordonnance relative aux contrats de partenariat (9) a également imposé en 2004 une évaluation préalable, faisant apparaître les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif qui conduisent la personne publique à engager une telle procédure.
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (10) a posé le principe général d’une évaluation socio-économique préalable des projets d’investissements civils financés par l’État, ses établissements publics, les établissements publics de santé ou les structures de coopération sanitaire. La loi prévoit également la mise en œuvre d’une contre-expertise indépendante préalable pour les projets excédant des seuils fixés par décret.
Le Premier ministre a souligné le rôle des évaluations socio-économiques des investissements, qui constituent « un élément important de la modernisation de l’action publique » (11). Elles devraient, selon lui, conduire « l’État à investir de façon plus efficace et plus responsable ».
1. Des processus hétérogènes ou absents d’évaluation des projets d’investissements en fonction des secteurs
L’évaluation socio-économique des projets d’investissements est présentée comme un outil indispensable d’aide à la décision publique. Dans un contexte de raréfaction de la dépense publique, cette démarche doit se généraliser afin de garantir une utilisation efficiente des fonds publics.
Le secteur des transports se singularise par une utilisation ancienne de la méthode d’évaluation socio-économique des grands projets d’investissements. La loi dite LOTI a énoncé le principe d’une évaluation préalable pour les grands projets d’infrastructures et les grands choix technologiques « sur la base de critères homogènes intégrant les impacts des effets externes des transports » (12). Une instruction-cadre en 2005 a détaillé la méthodologie de l’évaluation systématique de l’utilité sociale et économique des grands projets. Cette méthodologie a été actualisée en 2014 (13) par une nouvelle instruction étendant le champ de l’évaluation à l’ensemble des effets sociaux, économiques et environnementaux.
Dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche, le plan Campus lancé en 2008 visait à faire émerger une dizaine de pôles universitaires d’excellence de niveau international, grâce à des dotations exceptionnelles. La procédure de sélection a été confiée à un jury international sur la base d’une évaluation multicritères, sans analyse socio-économique à proprement parler.
Les programmes d’investissement d’avenir financent notamment des projets consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche, sélectionnés selon une procédure formalisée par le CGI (voir infra).
Le ministère de la justice dispose d’une agence publique pour l’immobilier de la justice, chargée d’instruire selon une procédure spécifique les projets immobiliers relatifs aux centres pénitentiaires et aux palais de justice.
Ces quelques exemples illustrent l’hétérogénéité des pratiques d’évaluations des projets d’investissements au sein de différentes administrations. Cependant, l’absence de cadre général applicable à l’évaluation socio-économique des projets d’investissements de l’État est incontestable.
Lors des auditions il est apparu que les seules évaluations socio-économiques faisant aujourd’hui l’objet d’un consensus portaient sur le secteur du transport. Il a, par exemple, été souligné que l’évaluation socio-économique d’un projet de prison ne pouvait pas, à ce stade, être réalisée.
L’évaluation socio-économique : présentation succinte
L’évaluation socio-économique a pour objet de réaliser une analyse comparative des bénéfices et des coûts résultant d’un investissement. Cette évaluation prend en compte l’ensemble des coûts et avantages marchands et non marchands. L’évaluation doit être exhaustive et adopter une approche intertemporelle de l’investissement, en tenant compte des risques associés (14) et des éventuelles externalités négatives et positives du projet.
Les principes de l’évaluation socio-économique ont été tout d’abord définis en France dans le secteur des transports, à travers les rapports dits « Boiteux 1 » (1994), « Boiteux 2 » (2001) et « Lebègue » (2005). Ces principes ont ensuite été étendus à d’autres secteurs, grâce au rapport dit « Quinet » (2008) sur le prix du carbone, au rapport « Chevassus-au-Louis » (2009) relatif à la valeur de la biodiversité et au rapport « Gollier » (2011) sur la prise en compte du risque. Enfin, le rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective a redéfini en septembre 2013 une cohérence d’ensemble à l’évaluation socio-économique applicable à l’ensemble des secteurs d’activité.
L’évaluation économique, en particulier, a pour objet de valoriser monétairement, c’est-à-dire en euros, un projet d’investissement. Cette méthode se fonde sur deux notions essentielles :
– la valeur actuelle nette (VAN), qui établit la différence entre les bénéfices actualisés et les coûts actualisés ;
– le taux de rentabilité interne (TRI), qui représente la valeur du taux d’actualisation annulant le bénéfice actualisé.
Dans le domaine hospitalier, une logique de financement par plans avec des objectifs de dépenses a été adoptée au début des années 2000, conduisant à des investissements réalisés rapidement et insuffisamment soumis à des études préalables. La Cour des comptes a jugé sévèrement cette démarche, peu soucieuse des enjeux financiers pour les établissements hospitaliers concernés (15). Le Gouvernement a décidé fin 2012 de rompre avec cette logique, en mettant en place un Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (COPERMO) (16), chargé de définir une stratégie nationale pluriannuelle en matière d’investissement hospitalier.
Le COPERMO a pour principale mission de valider, en lien avec les agences régionales de santé (ARS), les projets d’investissements des établissements hospitaliers et leurs modalités de réalisation et de financement.
Le COPERMO présente la particularité de rassembler des personnes spécialisées en questions hospitalières et en finances publiques (17).
Le COPERMO intervient pour les projets suivants portés par les établissements de santé :
– à titre principal, les projets d’un montant supérieur à 50 millions d’euros hors taxes de travaux, quel que soit leur mode de financement ;
– à titre exceptionnel, les projets d’un montant inférieur à 50 millions d’euros hors taxes de travaux, pour lesquels les ARS jugent que le plan de financement ne peut manifestement pas être équilibré sans un soutien national sous forme de subventions ou de conditions d’emprunt préférables.
Les services de la DGOS mènent le processus d’évaluation socio-économique préalable des projets d’investissements, en lien étroit avec les ARS et les établissements concernés. Cette évaluation donne lieu par ailleurs à une contre-expertise indépendante, pour les projets d’un montant de travaux supérieur à 50 millions d’euros hors taxes.
Cette évaluation socio-économique vise principalement à :
– vérifier la pertinence du dimensionnement du projet d’investissement ;
– examiner l’opportunité du projet au regard de l’organisation territoriale de l’offre de soins ;
– contrôler la conception technique du projet ;
– garantir la soutenabilité financière du projet.
Les projets soumis aux décisions du comité doivent n’avoir fait l’objet d’aucun ordre de service. Ils se situent au plus tard durant la phase de pré-programmation.
La procédure applicable devant le COPERMO s’articule en deux temps : une phase d’éligibilité et une phase de validation. La phase d’éligibilité a pour objectif de valider l’entrée du projet dans le dispositif. La décision d’éligibilité est prise au regard du degré de maturité du projet et de son caractère urgent et prioritaire, selon l’appréciation de l’ARS. La phase de validation consiste à émettre un avis sur la réalisation ou non du projet et le cas échéant à formuler une recommandation sur le montant de l’accompagnement financier consenti par l’État.
La mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) relève que le COPERMO a validé 29 projets depuis sa création, pour un montant d’investissement évalué à 3,27 milliards d’euros (18).
La Rapporteure spéciale salue la mise en place de cette structure qui a pour vertu d’instaurer un processus de sélection uniforme des projets immobiliers hospitaliers, selon des étapes standardisées d’évaluations préalables et de contre-expertises. Toutefois, la Rapporteure spéciale regrette le seuil d’intervention fixé à 50 millions d’euros hors taxes. Ce seuil a pour effet d’exonérer par principe un certain nombre d’investissements, de type informatique ou logistique, qui peuvent avoir à terme un impact financier substantiel. Le pilotage et le suivi de ces investissements de moindre ampleur devraient pouvoir être réalisés selon des processus similaires nécessairement moins lourds, relevant soit du COPERMO, soit des ARS.
PROCÉDURE D’EXAMEN DES PROJETS D’INVESTISSEMENTS HOSPITALIERS PAR LE COPERMO
Source : annexe à la circulaire interministérielle précitée.
3. L’indispensable formalisation d’un cadre général et homogène d’évaluation socio-économique des projets d’investissements de l’État
La loi de programmation des finances publiques de décembre 2012 a posé le principe d’une obligation générale d’évaluation socio-économique des projets d’investissements de l’État.
L’annexe générale au projet de loi de finances relative à l’évaluation des grands projets d’investissements publics recense les principaux éléments qu’un dossier d’évaluation devrait inclure :
– l’exposé détaillé du projet ;
– la cohérence des projets avec les programmes concernés ;
– les variantes et alternatives aux projets ;
– les impacts financiers ;
– les indicateurs socio-économiques ;
– l’avis de l’autorité environnementale, le cas échéant ;
– la cartographie des risques.
Le décret d’application (19) de la loi de programmation des finances publiques définit un cahier des charges des dossiers d’évaluation socio-économique. Chaque ministère doit à terme s’approprier ce canevas en établissant un dossier-type applicable à chaque projet d’investissement.
Le rapport Quinet (20) fait désormais figure de référence en matière de méthodologie d’évaluation socio-économique d’un projet d’investissement. L’utilisation d’un référentiel unique, adapté le cas échéant en fonction des secteurs d’activité, est la garantie d’une approche uniforme et homogène entre les différents projets d’investissements.
La Rapporteure spéciale recommande l’adoption d’une circulaire précisant le contenu des dossiers d’évaluations socio-économiques applicables aux projets d’investissements. Un tel document représenterait un guide utile à destination des différents ministères. Ce document ferait également œuvre de pédagogie auprès des services afin de clarifier le sens et la portée des évaluations socio-économiques, souvent perçues uniquement sous l’angle budgétaire.
La Rapporteure spéciale recommande également qu’un processus systématique de sélection des investissements soit mis en place dans tous les ministères, pour les investissements les plus importants, sur le modèle du COPERMO.
Recommandations :
– Publication d’une circulaire précisant le contenu des dossiers d’évaluations socio-économiques.
– Mise en place d’une procédure systématique de sélection des dossiers d’investissement s’appuyant sur les évaluations.
Lors de sa création, le CGI s’est vu confier une mission de contre-expertise de l’évaluation des projets d’investissements (21). Néanmoins, cette mission n’a pas été mise en œuvre de manière satisfaisante. En 2012 et 2013, seuls les projets examinés au travers des procédures du CGI dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir (PIA) avaient fait l’objet d’une contre-expertise systématique, selon une méthodologie encadrée par des principes rendus publics.
Mise en œuvre de la contre-expertise systématique dans le cadre des PIA
Dans le cadre de l’attribution des fonds des PIA, le CGI organise des appels à projets fournissant un cahier des charges explicite de l’évaluation des projets. Une contre-expertise indépendante est systématiquement mise en œuvre, à travers des jurys internationaux mis en place en collaboration avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour les projets de recherche.
Les délibérations des jurys sont ensuite transmises à un comité de pilotage, composé de représentants des ministères concernés, auquel participent sans voix délibérative l’ANR et le CGI. Considérant les délibérations des jurys, le comité de pilotage propose au CGI une liste de projets sélectionnés ainsi que les financements correspondants. Le CGI, transmet l’ensemble du dossier, avec son avis, au Premier ministre qui prend la décision de sélection et de financement.
Enfin, le CGI prévoit pour chaque projet sélectionné :
– un suivi régulier (annuel ou infra-annuel) ;
– une évaluation périodique (au bout de 4 ans) de certains projets par rapport aux objectifs fixés, donnant lieu à des décisions de go / no go (poursuite ou arrêt des financements) ;
– une évaluation ex post, au regard des impacts socio-économiques attendus.
Le décret du 23 décembre 2013, pris en application de l’article 17 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, prévoit la réalisation d’une contre-expertise indépendante obligatoire pour les projets d’investissements publics atteignant 100 millions d’euros hors taxes et représentant au moins 5 % du montant total hors taxes du projet.
Le CGI est chargé d’organiser la contre-expertise préalable à toute décision d’approbation d’un projet important d’investissement public. La contre-expertise est conduite par des experts indépendants, publics ou privés, qui remettent un rapport au CGI. Celui-ci rend ensuite un avis, comportant un rappel du projet envisagé, une appréciation de la conformité du dossier d’évaluation socio-économique et les conclusions du rapport de contre-expertise. Cet avis est transmis au porteur de projet, aux ministères concernés, au Premier ministre et au Parlement. Le porteur de projet dispose d’un délai d’un mois pour exprimer ses intentions au CGI (abandon, reconfiguration ou poursuite du projet).
Lors de l’inventaire 2014, 192 projets sur 299 franchissaient le seuil de contre-expertise. L’inventaire 2015 fait apparaître 31 projets qui seront soumis à contre-expertise indépendante préalable au cours des deux prochaines années.
C. LA MISE EN PLACE NÉCESSAIRE D’OUTILS DE PILOTAGE DE LA PRISE DE DÉCISION EN MATIÈRE D’INVESTISSEMENT PUBLIC
Les décisions d’investissement public doivent être fondées sur une évaluation socio-économique sérieuse des projets. Cette évaluation doit être rendue publique, la transparence étant la garantie de la pertinence du projet en question.
Les projets d’investissements publics les plus importants doivent faire l’objet d’une contre-expertise indépendante systématique. Celle-ci pourrait être portée par le CGI ou directement au niveau des ministères ou établissements publics concernés. La Rapporteure spéciale recommande l’abaissement du seuil de contre-expertise obligatoire à 50 millions d’euros hors taxes. Dans un contexte budgétaire contraint, il apparaît essentiel de garantir la pertinence des projets d’investissements portés par les personnes publiques.
La décision d’investissement public ne doit pas non plus être irrémédiable ou binaire. Elle ne doit en aucun cas constituer une décision unique, qui engagerait financièrement la puissance publique sur plusieurs années. Il est indispensable d’instaurer pour tout projet d’investissement public, par essence pluriannuel, une procédure composée d’étapes intermédiaires, dites « go / no go » (poursuite ou arrêt du financement). Ces réexamens périodiques de la pertinence d’un projet d’investissement sont cruciaux afin de déterminer son évolution future. Ainsi, le projet de l’opérateur national de paye aurait bénéficié de la mise en place de telles étapes intermédiaires de réexamen, conduisant à la poursuite du projet, à sa transformation ou à son redimensionnement. Les projets d’investissements sont intrinsèquement soumis à des aléas, l’instauration de points d’étape réguliers faciliterait leur suivi sur longue période et éviterait des cas de « crash ».
Enfin, les projets d’investissements publics doivent bénéficier d’une expertise accrue en termes de modes de financement. Si les contrats de partenariat public-privé peuvent par exemple offrir une solution idoine pour certains investissements publics, ils ne sauraient constituer une méthode de financement opportune pour tous les projets d’investissements. Une structure publique doit diffuser cette expertise sur les modes de financement de projets d’investissements publics. Elle apporterait une assistance et des conseils techniques aux acteurs publics porteurs de projets.
Le CGI constitue la structure de référence au niveau national pour le pilotage de l’investissement public. Le Gouvernement conforte régulièrement ce rôle stratégique. Cependant, le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique œuvre également en faveur d’une gestion plus efficiente de l’investissement au sein des administrations publiques.
Le rôle du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) en matière d’investissements publics
Le SGMAP a pour ambition de donner du sens aux investissements publics, en tant qu’instruments de modernisation de l’administration. Le SGMAP a un rôle de soutien de la stratégie de réforme de la puissance publique en intégrant la dimension des investissements.
Le SGMAP intervient par exemple dans le volet « transition numérique » des programmes d’investissements d’avenir. Cela concerne principalement des projets d’archivage numérique des administrations. Le ministère des affaires étrangères et du développement international, le ministère de la culture et de la communication et le ministère de la défense sont partenaires de ce projet. Dans ce cadre, le SGMAP apporte un soutien technique et aide à la structuration des projets issus des administrations.
Le SGMAP accompagne également les administrations dans l’utilisation de nouvelles méthodes, comme l’approche nudge (« coup de pouce »). Cette approche est issue des travaux de Richard Thaler et Cass Sunstein (22) remettant en cause le postulat de la rationalité illimitée de l’homo oeconomicus. S’appuyant sur les enseignements de l’économie comportementale (23), ces deux chercheurs présentent une démarche destinée à modifier le comportement de la population au moyen d’incitations et non de contraintes ou de sanctions. Cette théorie économique tire le parti du biais cognitif des agents économiques, qui prennent des décisions souvent incohérentes et non efficientes, pour les inciter à prendre en toute liberté les décisions les plus favorables à leurs intérêts.
Il s’agit par exemple d’inciter les individus à utiliser des médicaments génériques, à devenir par défaut donneur d’organes, ou à dématérialiser les démarches relatives à l’impôt.
Le SGMAP intervient ainsi auprès de la DGFIP dans le cadre de la démarche de dématérialisation de l’impôt sur le revenu.
Recommandations :
– Abaissement du seuil de contre-expertise obligatoire à 50 millions d’euros.
– Mise en place d’un processus de Go - No Go périodique pour tous les investissements engagés et autorisés par le comité de sélection.
– Mise en place d’une structure publique experte en financement de projets d’investissements.
III. LES PLANS D’INVESTISSEMENT INTERMINISTÉRIELS OU DÉLÉGUÉS NE PERMETTENT PAS DE RECONSTITUER FACILEMENT LES ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT
Le Gouvernement a présenté en février 2013 un plan ambitieux de couverture intégrale du territoire en très haut débit à l’horizon 2022, à travers le plan « France Très Haut Débit ». Ce déploiement de nouveaux réseaux à très haut débit représente un investissement de plus de 20 milliards d’euros sur une période de dix ans. Cet investissement est partagé entre les opérateurs privés (à hauteur de 6 à 7 milliards d’euros) et les collectivités territoriales (pour 13 à 14 milliards d’euros).
Les investissements des collectivités territoriales seront financés :
– pour moitié par les recettes d’exploitation des réseaux construits et par les cofinancements des opérateurs privés ;
– pour moitié par les pouvoirs publics (collectivités territoriales, État, Union européenne).
In fine, le financement de l’État devrait s’élever à 3 milliards d’euros d’ici 2022. Ce financement est issu pour 900 millions d’euros du fonds national pour la société numérique (FSN) dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir et pour 2,1 milliards d’euros par des crédits budgétaires retracés dans le programme 343 Plan « France Très Haut Débit ».
Le processus de sélection des projets de réseaux portés par les collectivités territoriales (24) se déroule en deux temps :
– un accord préalable de principe du Premier ministre, sur le fondement d’un projet prévisionnel ;
– une décision de financement, sur présentation du dossier final complet, soit environ entre 6 mois et 2 ans après la date de l’accord préalable.
La Rapporteure spéciale constate que les financements prévus par le FSN ont été dépassés sur la période 2012-2014, suscitant la création d’un financement complémentaire par crédits budgétaires. Ces investissements publics, essentiels pour la compétitivité économique et l’accès de l’ensemble de la population aux nouvelles technologies, doivent faire l’objet d’un pilotage plus précis et mieux calibré. Cette méthode de financement, partagée entre des crédits budgétaires et des crédits extrabudgétaires (PIA), n’apparaît pas satisfaisante eu égard au suivi des engagements financiers de l’État. Cet exemple illustre la nécessité d’établir une gestion claire et transparente des investissements de l’État afin de garantir leur pertinence et leur soutenabilité financière.
En 2008, le Président de la République lançait un projet d’intérêt national concernant le « Grand Paris ». Ce projet était inscrit au niveau législatif en 2010, en tant que « projet urbain, social et économique » (25). Celui-ci devait s’appuyer sur un « réseau de transport public de voyageurs dont le financement des infrastructures est assuré par l’État ».
Ce schéma d’ensemble du réseau de transport public devait être conçu et élaboré par un nouvel établissement public de l’État à caractère industriel et commercial, créé pour l’occasion : la Société du Grand Paris.
Le coût du projet était évalué en janvier 2008 à 20,5 milliards d’euros. Le rapport de Pascal Auzannet (26) a révélé en décembre 2012 que ces coûts avaient été sous-estimés et qu’ils s’élèveraient désormais à 29,9 milliards d’euros. Ainsi, le Premier ministre a présenté le 6 mars 2013 un nouveau projet, optimisé et reconfiguré, à travers le « Nouveau Grand Paris », constituant la feuille de route de la future rocade de métro automatique du « Grand Paris Express ». Le nouveau programme d’investissement s’établit désormais à 26,575 milliards d’euros (27).
Il doit être financé de la façon suivante :
– taxes affectées et redevances (21,8 milliards d’euros) ;
– recette fiscale additionnelle (2,5 milliards d’euros) ;
– co-financement des coûts d’adaptation des réseaux existants (1,05 milliard d’euros) ;
– subvention de l’État (1 milliard d’euros) ;
– subvention des collectivités territoriales (225 millions d’euros).
Le suivi et le contrôle de ces investissements d’infrastructures n’était pas pleinement satisfaisant pour la représentation nationale. Ainsi, le Gouvernement a décidé à compter de 2015 de rattacher la Société du Grand Paris au programme budgétaire 203, afin de pouvoir communiquer un certain nombre d’éléments d’information. Ce développement, au sein d’une annexe budgétaire, consacré à la Société du Grand Paris améliore sensiblement l’information du Parlement, néanmoins les informations relatives à cet investissement pluriannuel pourraient être encore améliorées et précisées. Cette demande s’inscrit dans une logique plus générale de visibilité accrue des investissements portés par l’État.
Le plan d’investissement pour l’Europe, dit « plan Juncker » a été présenté le 26 novembre 2014 par la nouvelle Commission européenne (28). Cette proposition a fait l’objet d’un règlement européen adopté le 25 juin 2015 (29).
Le plan d’investissement comporte trois volets :
– une mobilisation avec un objectif finale de 315 milliards d’euros d’investissements supplémentaires au cours des années jusqu’en 2020 ;
– des financements pour l’investissement qui profitent à l’économie réelle ;
– l’amélioration du cadre réglementaire visant à favoriser l’investissement.
1. La mobilisation d’au moins 21 milliards d’euros d’investissements supplémentaires « frais » avec un effet levier espéré
Le premier volet du plan, le plus emblématique, s’inscrit dans le cadre financier pluriannuel du budget de l’Union européenne (UE) pour les années 2014 à 2020. Au niveau de l’UE, un nouveau fonds est créé à travers le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS, ou EFSI en anglais – The European Fund for Strategic Investments). Le Fonds appartient au groupe Banque européenne d’investissement (BEI). Il a pour ambition de financer des projets avec un profil de risque plus élevé et une valeur sociétale et économique de premier plan.
Le Fonds sera doté d’une garantie de 16 milliards d’euros établie dans le cadre du budget de l’UE et d’un financement de 5 milliards d’euros de la part de la BEI.
Le Fonds de garantie de l’UE sera doté dans un premier temps de 8 milliards d’euros. Il sera financé au moyen de ressources financières de l’UE existantes issues :
– du mécanisme pour l’interconnexion en Europe : 2,8 milliards d’euros ;
– du programme Horizon 2020 : 2,2 milliards d’euros ;
– et des marges du budget de l’UE : 3 milliards d’euros (30).
Le calendrier de financement du Fonds de garantie de l’UE est le suivant :
Crédits d’engagement |
Crédits de paiement | |
2015 |
1,35 milliard d’euros |
- |
2016 |
2,03 milliards d’euros |
500 millions d’euros |
2017 |
2,641 milliards d’euros |
1 milliard d’euros |
2018 |
1,979 milliard d’euros |
2 milliards d’euros |
2019 |
- |
2,25 milliards d’euros |
2020 |
- |
2,25 milliards d’euros |
Total de la première dotation |
8 milliards d’euros |
8 milliards d’euros |
Garantie supplémentaire appelable |
8 milliards d’euros |
8 milliards d’euros |
TOTAL |
16 milliards d’euros |
16 milliards d’euros |
Source : Commission européenne (31).
Les modalités de financement de la garantie appelable ne sont pas encore définies par la Commission européenne.
La structure de financement du Fonds européen pour les investissements stratégiques est la suivante :
Le Fonds sera doté d’une structure de gouvernance propre, à savoir un comité de pilotage, un directeur exécutif et un comité d’investissement. Le comité d’investissement, composé de six experts indépendants, sélectionnera les projets en fonction de leur viabilité économique et de leur pertinence.
Le Fonds apportera sa garantie à travers divers instruments, octroi de prêts, prises de participations, apports en fonds propres, ou achats d’actions. Il portera par principe les tranches les plus risquées du projet, de façon à créer un effet d’entraînement auprès des investisseurs privés.
Le Fonds financera d’une part les investissements stratégiques d’envergure européenne dans les infrastructures, en particulier dans les réseaux à haut débit, les réseaux d’énergie, de transport ou les centres industriels, dans l’éducation, la recherche et l’innovation, ainsi que dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
MODE DE FINANCEMENT DU NOUVEAU FONDS
POUR LES INVESTISSEMENTS À LONG TERME
D’autre part, le Fonds soutiendra par l’intermédiaire du Fonds européen d’investissement (FEI) l’investissement des petites et moyennes entreprises et des entreprises à moyenne capitalisation.
MODE DE FINANCEMENT DU FONDS POUR LES PME
ET SOCIÉTÉS À MOYENNE CAPITALISATION
Le FEIS devrait être pleinement opérationnel à la fin de l’année 2015, néanmoins un mécanisme de préfinancement, via la Banque européenne d’investissement, a été prévu afin de présélectionner certains projets.
En France, le CGI a été chargé de coordonner la réponse française au FEIS. Le CGI constitue une interface facultative entre le FEIS et les porteurs de projets français. Il peut tout d’abord apporter des conseils et des éléments d’informations aux acteurs français concernant les attentes et les exigences du FEIS. Il participe à des conférences régionales de l’investissement, en lien avec les préfets de régions. Par ailleurs, le CGI peut constituer un point d’appui et de rencontres entre acteurs français, les incitant à collaborer. Ainsi, le CGI peut aider à la structuration et à l’agrégation de projets français soumis au FEIS.
Le CGI se félicite des résultats obtenus par la France en octobre 2015, avant même la mise en œuvre concrète du FEIS. Les conseils d’administration de la BEI et du FEI ont approuvé respectivement 6 projets français (32), soit 12 projets au total. À titre de comparaison, la Rapporteure spéciale note que le conseil d’administration de la BEI a approuvé au total 25 projets. Les projets français présélectionnés relèvent pour l’essentiel du domaine de la performance énergétique, ou des nouvelles technologies. Ces projets devront ensuite formellement être sélectionnés et validés par le FEIS.
Projets français présélectionnés par le conseil d’administration
de la BEI ou du FEI
1/ Garantie du FEI sur un encours de 200 millions de prêts à l’innovation accordées à des PME par la BPI ;
2/ Programme de 400 millions d’euros de prêts de la BEI pour des structures régionales qui « tiers-financent » les travaux d’efficience énergétique dans des copropriétés privées ;
3/ 50 millions de fonds apportés par la BEI au fonds d’investissement Capenergie 3 qui prend des participations dans des sociétés de projet développant des moyen de production d’énergie renouvelable ;
4/ Garantie de la BEI sur un encours de 150 millions de prêts à des sociétés de projet de moyens de production d’énergie renouvelable de part et d’autre de la frontière franco-allemande accordés par la banque de la Sarre ;
5/ 15 millions d’euros de prêt de la BEI à une compagnie d’investissement dans le cadre du projet troisième Révolution industrielle dans le Nord-Pas-de-Calais ;
6/ 123 millions de prêt de la BEI pour le futur opérateur chargé de déployer le très haut débit en Alsace ;
7/ 147 millions de prêt de la BEI pour l’opérateur chargé de déployer le très haut débit dans le Nord-Pas-de-Calais ;
8/ 40 millions de fonds du FEI pour le fonds de consolidation et de développement des entreprises ;
9/ 60 millions de fonds du FEI pour le fonds Nixen 3 (fonds propres pour des entreprises des secteurs de la santé, commerce de détail et services) ;
10/ 40 millions de fonds du FEI pour le fonds Blackfinancial Services Fund 2 (entreprise de services) ;
11/ 60 millions de fonds du FEI pour le fonds Sofinnova 8 (biotechnologies et matériel médical) ;
12/ 40 millions de fonds du FEI pour le fonds Partech Growth (économie digitale).
La Rapporteure spéciale estime que le pilotage du plan Juncker devrait être plus formalisé et mieux explicité. La publicité de l’action et du rôle du CGI en la matière n’est pas pleinement satisfaisante. Le plan Juncker représente un enjeu essentiel de relance de l’investissement au sein de l’Union européenne. La réussite de ce plan s’appuie essentiellement sur l’initiative privée ; cependant celle-ci doit être encouragée, orientée et favorisée par la puissance publique. La Rapporteure spéciale invite le Gouvernement à accentuer son action de soutien au plan Juncker, en renforçant la coordination assurée à ce titre par le CGI.
Recommandations :
– Garantir un suivi consolidé des projets d’investissements de l’État.
– Accroître la visibilité du rôle du CGI concernant le plan Juncker.
Les programmes d’investissements d’avenir ont pour ambition d’améliorer la compétitivité de l’économie française et de favoriser une croissance performante et durable. Ces dotations budgétaires représentent un effort exceptionnel d’investissements massif et ciblé « dans l’économie de la connaissance et l’économie verte », comme le recommande le rapport « Investir pour l’avenir », présenté en novembre 2009 par la commission présidée par MM. Juppé et Rocard.
Deux programmes d’investissements d’avenir ont été mis en œuvre : le premier (PIA 1) doté de 35 milliards d’euros, prévu en loi de finances rectificative de mars 2010 (33), le deuxième (PIA 2) doté de 12 milliards d’euros, visé par la loi de finances pour 2014 (34). Le PIA 1 est destiné à couvrir la période 2010-2020, le PIA 2 a vocation à s’appliquer de 2014 à 2024.
La gestion des fonds est systématiquement confiée à un opérateur de l’État (35), dans le cadre d’une convention pluriannuelle avec ce dernier. L’opérateur désigné a la charge d’organiser le processus de sélection, de conventionnement avec le lauréat, du suivi et de l’évaluation des projets d’investissements. Il s’agit d’un mode de gouvernance novateur fondé sur des mandats confiés aux opérateurs et non sur les règles traditionnelles de tutelle.
Les décisions d’attribution et d’utilisation des fonds relèvent du Premier ministre auprès duquel le CGI assure le pilotage et le suivi de la mise en œuvre des programmes.
Le rôle du CGI en matière de PIA
Le pilotage et la mise en œuvre des PIA a été confié à une structure créée à cet effet, le commissariat général à l’investissement (CGI). Il s’agit d’une structure légère : trente-quatre personnes composent cette institution.
Le CGI est directement rattaché auprès du Premier ministre, ce qui légitime son rôle de stratège et de coordonnateur de la politique d’investissements de l’État.
Les crédits sont ouverts en loi de finances sur des programmes budgétaires spécifiques, créés spécialement à cet effet. La totalité des dotations est immédiatement déléguée aux opérateurs gestionnaires, qui gèrent ensuite directement les décaissements progressifs. Les formes d’intervention privilégient les prêts et prises de participation afin de permettre à terme des retours financiers pour l’État.
Les programmes d’investissements n’ont pas d’impact sur le déficit public l’année de leur inscription au budget de l’État. Ils ne donnent en effet pas lieu à un engagement de dépenses, mais seulement à un versement de crédits aux opérateurs concernés. L’impact des investissements d’avenir a eu un impact total sur le solde budgétaire en 2010 et 2014 en revanche il est retracé progressivement sur le déficit et la dette publics, conformément aux règles européennes de comptabilité nationale SEC 2010, en fonction des décaissements des opérateurs.
Comme le remarque la Cour des comptes dans son rapport sur le budget de l’État en 2014 (36), les crédits du PIA se décomposent :
– en dotations consommables : l’encours des crédits diminue au fil des décaissements réalisés par les opérateurs au profit des bénéficiaires ;
– en dotations non consommables : l’encours des crédits est destiné à produire des intérêts, qui ont seuls vocation à être distribués par l’opérateur.
Les PIA sont régulièrement cités comme l’exemple topique du dispositif extrabudgétaire.
Les principes budgétaires d’annualité, d’unité et d’universalité posés par la LOLF (37), qui s’imposent aux crédits du budget de l’État, ne s’appliquent pas aux décaissements réalisés par les opérateurs gestionnaires.
Les PIA sont également exonérés des mécanismes de régulation budgétaire en raison de l’ambition de moyen terme portée par les programmes. Ils ne sont par ailleurs pas soumis aux règles de dépense suivantes :
– la norme dite « zéro volume » (38), prévoyant une progression des dépenses de l’État, à périmètre constant, à un rythme inférieur ou égal à celui de l’inflation ;
– la norme dite « zéro valeur » (39), visant une stabilisation des dépenses de l’État en euros courants.
Les PIA sont appréhendés en tant que dépenses exceptionnelles et ne sont par conséquent pas intégrés au budget de l’État. Ces crédits budgétaires font l’objet d’une véritable sanctuarisation.
Le Parlement a validé à deux reprises ce dispositif, au travers de la loi de finances rectificative de 2010 puis de la loi de finances pour 2014. Néanmoins, il ne peut désormais plus intervenir sur la gestion de ces crédits budgétaires. Il est uniquement informé chaque année de la mise en œuvre des PIA au moyen d’une annexe générale au projet de loi de finances (40).
« Jaune budgétaire » consacré aux programmes d’investissements d’avenir
L’annexe générale au projet de loi de finances présente chaque année :
– les investissements prévus et en cours de réalisation ;
– les montants dépensés, les moyens financiers prévus pour les années à venir, les modalités de financement ;
– les cofinancements publics et privés ;
– les objectifs poursuivis, les méthodes d’évaluation utilisées ;
– les retours sur investissements attendus et obtenus ;
– le rôle des organismes, les résultats du contrôle par l’État de la qualité de la gestion de ces organismes.
Si le Parlement n’est pas en mesure de voter chaque année l’évolution des crédits consacrés aux PIA et leur affectation précise, les parlementaires disposent néanmoins d’une information relativement complète sur ce champ de dépenses d’investissement à venir ou en cours.
La Cour des comptes alerte régulièrement sur des pratiques de détournement de l’objet des PIA, substituant des crédits du PIA à ceux du budget de l’État. Cette démarche a deux conséquences : elle réduit « d’autant la contrainte sur le budget de l’État ainsi que l’enveloppe initialement prévue pour les investissements d’avenir » (41). Il s’agit de financer sur les crédits du PIA des projets relevant normalement du budget de l’État. En 2014, les crédits du PIA auraient ainsi été mobilisés pour pallier l’insuffisance du budget de la mission Défense, à hauteur de 2 milliards d’euros. Cette logique de débudgétisation remet en cause la règle de l’additionnalité en vigueur pour les PIA (42).
La Rapporteure spéciale est attentive à toute mesure de débudgétisation, qui aurait pour effet de limiter le rôle de contrôle du Parlement. Les crédits consacrés aux PIA doivent être clairement identifiés et préservés comme étant des outils spécifiques de financement de l’investissement. Ainsi, les règles applicables aux PIA justifient cette étanchéité entre les crédits budgétaires traditionnels et les crédits consacrés aux investissements d’avenir. La Rapporteure spéciale incite le Gouvernement à ne pas banaliser l’enveloppe budgétaire des PIA, qui doit rester fidèle à son objet initial.
Dans la perspective d’un PIA 3 à l’horizon 2017, tel qu’annoncé par le Président de la République le 12 mars 2015, se pose la question de la pertinence et du maintien de la procédure des PIA.
La Rapporteure spéciale s’interroge sur l’opportunité de transférer l’ensemble des dépenses d’investissement de l’État sous le mode de gestion des PIA. Le temps de l’investissement public dépasse largement le temps de l’annualité budgétaire. Ce transfert de gestion aurait pour avantage de faciliter l’identification des dépenses relevant de la politique d’investissement de l’État. La conduite de ces dépenses sous le format PIA présenterait également l’intérêt d’offrir une modalité de gestion budgétaire adaptée. L’État disposerait d’une vision d’ensemble de la politique d’investissement public qu’il souhaite mener, tout en disposant d’outils de pilotage performants.
SECONDE PARTIE : LE PROGRAMME CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES
Le programme 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières est un programme support des ministères économiques et financiers. Ce programme regroupe les fonctions d’état-major, d’expertise, de conseil et de contrôle des ministères. Ainsi, il porte les effectifs et les crédits du secrétariat général des ministères, des directions ou services en charge de missions transversales et des corps d’inspection rattachés aux ministères.
La stratégie de ce programme, issu d’une fusion en 2015 avec le programme 221 Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État, est centrée sur trois priorités :
– la maîtrise des finances publiques et la modernisation des systèmes d’information financiers et des ressources humaines de l’État ;
– l’amélioration de la qualité des services rendus auprès des commanditaires tant internes qu’externes ;
– le renforcement de la cohérence et de la performance des politiques menées par le ministère.
L’architecture du programme est stable par rapport à 2015, quatre actions composent celui-ci :
– action n° 1 État-major et politiques transversales : elle regroupe les structures d’État-major telles que les cabinets, les fonctions du secrétariat général et les services transversaux tels que la direction des affaires juridiques (DAJ) ;
– action n° 2 Expertise, audit, évaluation et contrôle : elle est notamment composée de l’inspection générale des finances (IGF) et du contrôle général économique et financier (CGEFi) ;
– action n° 5 Prestations d’appui et de support : elle concerne les services du secrétariat général chargés des fonctions logistiques ;
– action n° 7 Pilotage des finances publiques et projets interministériels : elle vise les services et directions chargés de missions de pilotage tels que la direction du budget, la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), le service des achats de l’État (SAE), ou l’agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE).
Les objectifs assignés au programme ont été ramenés de cinq à trois pour l’année 2016 :
– l’amélioration de l’information du Parlement et de la qualité des prestations rendues aux administrations ;
– l’amélioration des conditions d’emploi des personnels ;
– la maîtrise du coût des fonctions support.
Cette réduction du nombre d’objectifs ne doit pas occulter la grande hétérogénéité des services couverts par ce programme et la diversité de leurs actions. La Rapporteure spéciale attire l’attention sur la nécessaire cohérence entre les axes stratégiques du programme, son architecture budgétaire et les objectifs qui lui sont assignés.
A. L’AMÉLIORATION DE L’INFORMATION DU PARLEMENT ET DE LA QUALITÉ DES PRESTATIONS RENDUES AUX ADMINISTRATIONS
La qualité des documents budgétaires, notamment les projets annuels de performances et les rapports annuels de performances, est appréciée à travers un indicateur de satisfaction rempli par les parlementaires lors d’une enquête annuelle. Le taux de satisfaction constaté en 2014 s’élève à 89 %. L’objectif pour l’année 2016 est fixé à 90 %, soit le niveau cible retenu pour 2017. La Rapporteure spéciale estime de façon constante que les indicateurs de performances doivent être adaptés afin de refléter la qualité et la pertinence des informations transmises aux parlementaires.
L’amélioration de la qualité des services rendus aux usagers internes ou externes des ministères économiques et financiers est mesurée au moyen de deux sous-indicateurs. Le premier sous-indicateur a trait à la satisfaction des directions partenaires des services du contrôle général économique et financier (CGEFi). L’objectif de taux de satisfaction des directions partenaires du CGEFI est fixé à 92 % pour 2016 et 2017. Cet objectif est en retrait par rapport au taux de satisfaction de 93 % réalisé en 2014. Le second sous-indicateur évalue le taux de satisfaction des structures clientes des consultations juridiques réalisées par la direction des affaires juridiques (DAJ). En 2014, le taux de satisfaction s’est élevé à 94 %, mais la prévision pour 2016 n’est fixée qu’à 89 %, soit un niveau relativement faible. La Rapporteure spéciale constate en outre la disparition cette année de l’indicateur de performance relatif à l’activité de l’inspection générale des finances (IGF).
Un troisième indicateur nourrit l’évaluation de cet objectif il s’agit de l’indice de satisfaction des bénéficiaires des prestations de l’AIFE. Il vise à évaluer le niveau de satisfaction des bénéficiaires du système d’information Chorus, support technique de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Une enquête semestrielle est organisée auprès de trois types de bénéficiaires ; les utilisateurs, les relais et les décideurs de Chorus. L’indice de satisfaction est en recul depuis 2013, passant de 87 % de personnes satisfaites à 79 % en 2016. Cette régression résulte de modifications d’architecture et d’ergonomie mises en place en 2014 et 2015.
Cet objectif illustre la qualité de l’action sociale portée par les ministères économiques et financiers. La Rapporteure spéciale souhaite souligner que la dénomination de l’objectif « améliorer les conditions d’emploi des personnels » n’est pas en adéquation avec le contenu de l’action analysée. La mesure de la réalisation de l’objectif apparaît par conséquent très réductrice ; elle repose sur trois sous-indicateurs : la restauration collective, l’aide au logement et les vacances enfants. Ces indicateurs ne relèvent pas fondamentalement des conditions d’emploi des personnels. En aucun cas, ils ne permettent d’appréhender la question du travail et de sa qualité, ou la possibilité pour les agents de réaliser un travail de qualité. Les indicateurs retenus ne sont à l’évidence pas en adéquation avec les réflexions relatives aux conditions d’emploi ainsi qu’aux marges de manœuvre nécessaires pour développer les compétences des agents et reconcevoir le cas échéant, les situations de travail.
Néanmoins, la part des agents ayant accès à une solution de restauration collective reste stable à 77 % de 2013 à 2017. La restauration collective représente la part la plus importante du budget de l’action sociale des ministères, environ 20 %. La stabilité du nombre d’agents bénéficiant d’une solution de restauration collective résulte de l’inertie inhérente à ce type d’action. Les coûts structurels d’augmentation du nombre d’agents couverts par une solution de restauration collective ne permettent pas une évolution dynamique de cet indicateur. La Rapporteure spéciale s’interroge dès lors sur la pertinence d’un tel indicateur.
Le deuxième sous-indicateur identifie la part des logements sociaux réservés en PLAI, PLUS, PLS et équivalents par l’Association pour le logement du personnel des administrations financières (ALPAF). Cette proportion doit rester supérieure à 60 % sur la période 2015-2017. Cet objectif de performance est relativement limité au regard du résultat de 77 % réalisé en 2014.
Le troisième sous-indicateur évalue la part des familles bénéficiaires des prestations « vacances enfants » dont le quotient familial fiscal mensuel est inférieur ou égal à 1 000 euros. La cible retenue pour les années 2015 à 2017 (50 %) est également inférieure à la réalisation constatée en 2014, soit une proportion de 51 %. La Rapporteure spéciale pose la question de l’opportunité d’un tel indicateur, dont l’objectif est maintenu à un niveau identique sur longue période.
La Rapporteure spéciale estime que cet objectif du programme doit faire l’objet d’un réexamen global de ses indicateurs de performances.
La maîtrise du coût des fonctions support repose sur quatre axes permanents : la globalisation et la standardisation des achats, la professionnalisation des fonctions support (notamment de la fonction ressources humaines), l’efficience en matière bureautique et l’efficience de la gestion immobilière.
La globalisation et la standardisation des achats relève du service des achats de l’État (SAE), qui sera remplacé au premier trimestre 2016 par une direction des achats de l’État (DAE). La performance du SAE est évaluée selon deux indicateurs : les gains relatifs aux actions achat interministérielles et l’efficience de la fonction achat. L’objectif 2013-2015 de 1,2 milliard d’euros de gains d’achat pour le périmètre de l’ensemble des ministères devrait seulement atteindre 905 millions d’euros. Les cibles retenues par le présent projet annuel de performances s’inscrivent dans la logique de réorganisation de la fonction achat de l’État. La création d’une nouvelle direction dédiée devra permettre la mise en place d’une filière plus mature d’acheteurs professionnels au sein de l’État, qui favorisera une reprise des gains à partir de 2016. Ainsi, les prévisions de gains pour 2015 ont été fortement revues à la baisse, celles de 2016 prévoyant un retour de la dynamique d’efficience.
L’efficience de la gestion des ressources humaines est évaluée selon un ratio de gestionnaires ressources humaines sur le nombre d’agents gérés. Le résultat de ce ratio est stable à 2,3 % sur la période 2013-2017. Cette stabilité résulte, selon les éléments du présent projet annuel de performances, des différentes réformes de la gestion des ressources humaines (déploiement d’un nouveau système d’information des ressources humaines – SIRH – et installation d’un centre de services ressources humaines) mises en place récemment. La Rapporteure spéciale reconnaît le temps d’adaptation et d’appropriation indispensables lors de telles réformes ; cependant ces changements d’organisation devront à terme produire des effets tangibles en termes d’efficience.
L’efficience bureautique rapporte la somme des dépenses bureautiques au nombre de postes bureautiques gérés par les ministères. À compter de 2015, le ratio d’efficience bureautique intègre les dépenses de télécommunications individuelles relatives à la téléphonie fixe, à la téléphonie mobile et à la visioconférence. En intégrant ces coûts, le ratio d’efficience est en amélioration en 2015 et 2016 par rapport à 2014.
L’efficience de la gestion immobilière retient trois sous-indicateurs : la surface utile nette (SUN) par poste de travail, le coût de l’entretien courant par surface utile brute (SUB) et le coût de l’entretien lourd par SUB. La SUN par poste de travail est en diminution constante : elle devrait atteindre 13,3 m² en 2016, contre 12 m² préconisés par la circulaire du 16 janvier 2009 relative à la politique immobilière de l’État. Le présent projet annuel de performances relève par ailleurs que « le vieillissement du parc domanial risque de conduire à une évolution à la hausse du ratio d’entretien courant » (43). Cette évolution devrait également avoir un impact sur les travaux d’entretien lourd, même si les crédits budgétaires ont vocation à être pris en charge par le programme 309 Entretien des bâtiments de l’État. Ces éléments sont de nature à conforter la politique immobilière de l’État, consistant à privilégier des réinstallations dans un parc neuf ou récent.
Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement prévus pour 2016 sont en recul de plus de 5 % par rapport aux montants ouverts en loi de finances initiale pour 2015. Cette évolution est conforme à la tendance constatée au niveau de la mission. Les crédits de la mission prévus pour 2016 diminuent de 3 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015, après retraitement des mesures de périmètre et des transferts.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME CONDUITE ET PILOTAGE
DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES
(en millions d’euros)
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | |||||
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2016/2015 (en %) |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2016/2015 (en %) | |
État-major et politiques transversales |
404,1 |
336 |
– 16,9 |
404 |
335,4 |
– 17 |
Expertise, audit, évaluation et contrôle |
77,5 |
71,8 |
– 7,4 |
74,6 |
71,4 |
– 4,3 |
Prestations d’appuis et support |
437,7 |
455,8 |
4,1 |
400 |
423 |
5,8 |
Pilotage des finances publiques et projets interministériels |
171,5 |
168,6 |
– 1,7 |
175,8 |
166,9 |
– 5,1 |
Total |
1 090,7 |
1 032,2 |
– 5,4 |
1 054,4 |
996,7 |
– 5,5 |
Source : projet annuel de performances pour 2016.
La diminution des crédits du programme est partagée au sein de trois actions sur quatre. Toutefois, la baisse des crédits est la plus sensible concernant l’action État-major et politiques transversales. Seule l’action Prestations d’appui et support bénéficie d’une progression de ses crédits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement entre les années 2015 et 2016.
Cette action représente 32,6 % des autorisations d’engagement du programme, ce niveau étant en recul par rapport aux deux années précédentes. Ce chiffre s’élevait à 36,7 % en loi de finances initiale pour 2015. Cette action avait consommé 41 % des autorisations d’engagement et 40 % des crédits de paiement du programme en 2014. Les dépenses de personnel représentent 52,2 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement prévus pour cette action.
Les dépenses de fonctionnement représentent 98,6 % des dépenses hors titre 2 (dépenses de personnel) de cette action. Ces dépenses relèvent principalement des politiques d’action sociale mises en place par les ministères, à hauteur de 80 %. Elles concernent notamment la restauration, l’aide au logement, les vacances enfants et famille, l’aide à la parentalité et la protection sociale complémentaire. Les crédits relatifs à la politique en faveur de la santé et la sécurité au travail s’élèvent à 20 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit 13 % des dépenses de fonctionnement de cette action. Enfin, le service de la communication (SIRCOM) et la DAJ représentent respectivement 3 % et 2,6 % des dépenses de fonctionnement en autorisations d’engagement. Ces dépenses de fonctionnement sont en forte baisse de 15 % en autorisations d’engagement et 16 % en crédits de paiement par rapport à 2015. Cela résulte essentiellement du financement de l’aide au logement (26 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2015) directement par la trésorerie disponible de l’association ALPAF en 2016.
Les crédits de cette action représentent 7 % des autorisations d’engagement ouvertes au titre du programme, soit un niveau identique à la loi de finances initiale pour 2015. Les dépenses de personnel constituent l’essentiel des crédits de cette action, à hauteur de 95 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cette action couvre l’activité des services d’inspection et de contrôle des ministères économiques et financiers, tels que l’IGF, le CGEFI ou le Conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP).
Les autres dépenses sont des dépenses de fonctionnement, qui relèvent à 84 % de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), pour 2,99 millions d’euros. La dotation budgétaire de l’ARJEL est à ce titre en baisse de 53 % en autorisations d’engagement par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cela résulte du renouvellement en 2015 d’un bail en faveur de l’ARJEL.
Cette action accroît sa prépondérance financière au sein du programme : elle représente 44,2 % des autorisations d’engagement et 42,4 % des crédits de paiement de celui-ci. Cette part dans les autorisations d’engagement du programme ne s’élevait qu’à 40,5 % en loi de finances initiale pour 2015.
Cette action constitue en effet le cœur de métier de ce programme support des ministères économiques et financiers. Elle regroupe l’ensemble des crédits du secrétariat général relatifs aux fonctions support dans les domaines informatique, logistique et immobilier.
Les dépenses de personnel représentent 40 % des crédits de cette action en autorisations d’engagement et 44 % en crédits de paiement. Elles sont en forte augmentation de 25 % par rapport à 2015, soit 37 millions d’euros. Cette augmentation résulte d’un changement d’imputation du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements de l’État (FSPOEIE) entre la loi de finances initiale pour 2015 et le présent projet de loi. Celui-ci était imputé sur l’action 1 en loi de finances initiale pour 2015, il relève désormais de cette action pour un montant de 34,9 millions d’euros.
Les dépenses de fonctionnement constituent la quasi-intégralité (92,5 %) des dépenses de cette action hors titre 2. Elles sont en baisse de 10 % en autorisations d’engagement et 9 % en crédits de paiement par rapport aux crédits ouverts au titre de 2015. Les dépenses de fonctionnement de l’immobilier et de la logistique des services centraux en représentent la majeure partie, soit 85 % en autorisations d’engagement. La baisse de ces dépenses explique la diminution des dépenses de fonctionnement de cette action. Les crédits consacrés au fonctionnement immobilier diminuent de 29 % en autorisations d’engagement et 32 % en crédits de paiement par rapport à 2015. Cela traduit, selon les éléments communiqués à la Rapporteure spéciale, un recours accru à des marchés mutualisés et des efforts importants en matière de maîtrise des coûts de fonctionnement.
Les dépenses informatiques des services centraux s’élèvent à 10,5 % des dépenses de fonctionnement de cette action, un niveau légèrement plus faible que celui prévu en loi de finances initiale pour 2015 (13 %).
Les dépenses d’intervention de cette action sont à un niveau stable par rapport à l’année précédente, à 15 millions d’euros. Elles résultent quasi-exclusivement des crédits alloués au Haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS). Ces crédits permettent au HFDS de financer des opérations dans le secteur des communications téléphoniques.
Cette action regroupe les moyens affectés au pilotage des finances publiques, à travers la direction du budget, le service des achats de l’État (SAE), l’agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE) ou le centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH). Cette action représente 16,3 % des autorisations d’engagement dévolues au programme.
Les dépenses de personnel constituent 41 % des crédits de cette action en autorisations d’engagement.
Hors dépenses de personnel, les crédits de cette action se répartissent de façon relativement équilibrée entre les dépenses de fonctionnement (63 %) et les dépenses d’investissement (37 %). Les dépenses de fonctionnement sont en augmentation de 14 % en crédits de paiement par rapport à 2015, soit 6,8 millions d’euros. Cette hausse est essentiellement due à un glissement progressif des moyens alloués au CISIRH des dépenses d’investissement vers les dépenses de fonctionnement, au fur et à mesure de la mise en œuvre des projets.
Les dépenses d’investissement de cette action sont en baisse de 19 % en crédits de paiement par rapport à 2015, soit 10 millions d’euros. Cet écart s’élève à 6,8 millions d’euros au titre du CISIRH et 3,1 millions d’euros pour l’AIFE. L’AIFE porte 26 millions de dépenses d’investissement, concernant divers chantiers informatiques tels que la poursuite du projet « Chorus déplacements temporaires ». Le CISIRH met également en œuvre 10,6 millions d’euros de dépenses d’investissement. Le CISIRH a été instauré en février 2015 (44), à la suite de la reconfiguration du programme de modernisation de chaîne RH/Paye de l’État (Office national de paye – ONP). Ce centre a pour objet de contribuer à la modernisation de la fonction ressources humaines de l’État dans trois domaines : réglementaire, fonctionnel et informatique. Le CISIRH poursuit des projets existants, tels que l’offre SIRH ou l’outillage des référentiels supports en matière de RH. Il doit également développer de nouveaux projets à partir de 2016, comme le premier SIRH standard adapté à la fonction publique de l’État (« suite 9 ») ou la déclaration sociale nominative.
À l’exception des dépenses d’intervention, l’ensemble des dépenses relatives à ce programme suit une dynamique baissière.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR TYPE DE DÉPENSES
(en millions d’euros)
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | |||||
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2016/2015 (en %) |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2016/2015 (en %) | |
Dépenses de personnel |
511,1 |
498,9 |
– 2,4 |
511,1 |
498,9 |
– 2,4 |
Dépenses de fonctionnement |
505,8 |
474,1 |
– 6,3 |
469 |
433,2 |
– 7,6 |
Dépenses d’investissement |
58,3 |
43,5 |
– 25,4 |
58,9 |
48,9 |
– 17 |
Dépenses d’intervention |
14,8 |
15,4 |
4,1 |
14,8 |
15,4 |
4,1 |
Dépenses d’opérations financières |
0,6 |
0,3 |
– 50 |
0,6 |
0,3 |
– 50 |
Total hors FDC et ADP prévus |
1 090,7 |
1 032,2 |
– 5,4 |
1 054,4 |
996,7 |
– 5,5 |
FDC et ADP prévus |
2,1 |
2,2 |
4,8 |
2,1 |
2,2 |
4,8 |
Total y.c. FDC et ADP prévus |
1 092,8 |
1 034,4 |
– 5,3 |
1 056,5 |
998,9 |
– 5,5 |
Source : projet annuel de performances pour 2016.
Les dépenses de personnel du programme sont en baisse, conformément à la tendance à l’œuvre au niveau de la mission. Hors la dotation destinée au financement du plan d’apprentissage, les crédits de personnel de la mission sont en diminution de 2,1 % par rapport à 2015. Ces crédits constituent le premier poste de dépenses au niveau du programme : ils représentent 48 % des autorisations d’engagement et 50 % des crédits de paiement ouverts en 2016. Le plafond d’emplois du programme a été construit sur la suppression de 74 ETPT (45), correspondant à 108 suppressions en ETP (46) au titre de l’année 2016. En tenant compte des différents mouvements d’entrées et de sorties, le plafond d’emplois ressort en baisse de 211 ETPT au niveau global entre la loi de finances initiale pour 2015 et le présent projet de loi de finances pour 2016. Cette diminution des effectifs accentue la trajectoire tracée pour 2015, avec la réduction de 84 ETPT au sein du plafond d’emplois par rapport à 2014.
Les crédits de fonctionnement représentent le deuxième poste de dépenses du programme, avec 46 % des autorisations d’engagement et 43 % des crédits de paiement ouverts en 2016. Les dépenses de fonctionnement sont en baisse notable par rapport à 2015, qui avait été marquée par une forte hausse des dépenses immobilières issues du coût du renouvellement de certains baux et un niveau élevé de dépenses informatiques.
Les dépenses d’investissement sont également en forte baisse par rapport aux crédits ouverts en 2015. Cela résulte en premier lieu de la transformation de l’opérateur national de paye (ONP) en CISIRH avec une refonte de ses missions, conduisant à une baisse de ses dépenses d’investissement de 47 % en autorisations d’engagement et 35 % en crédits de paiement par rapport à 2015. Cela s’explique également par des dépenses d’investissement de l’AIFE plus faibles, à hauteur de 4,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3,2 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à 2015. Enfin, le programme porte un investissement moins soutenu en matière de rénovation de restaurants administratifs et de centres de vacances.
A. LA MISSION CONFIÉE AU CENTRE INTERMINISTÉRIEL DE SERVICES INFORMATIQUES RELATIFS AUX RESSOURCES HUMAINES (CISIRH)
Le CISIRH a pour mission de mener des projets innovants en matière de ressources humaines dans les domaines réglementaires, fonctionnels et informatiques à destination de l’ensemble des ministères.
Le CISIRH porte notamment la poursuite du projet Offre SIRH (RenoiRH), présentant une solution SIRH commune répondant aux spécificités de la fonction publique de l’État. Ce projet sera implanté à partir du 1er janvier 2016 au sein du ministère de la culture et de la communication, du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et des services du Premier ministre, soit environ 60 000 agents.
Ce projet devrait coûter environ 33 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Parallèlement, il devrait permettre des gains d’efficience en termes de réductions d’ETP et de réorganisation de services.
L’AIFE porte le projet Chorus portail pro 2017 destiné à offrir un point d’accès mutualisé aux fournisseurs de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics pour permettre le dépôt, la réception et la transmission des factures électroniques.
Ce projet s’inscrit dans le cadre de l’ordonnance du 26 juin 2014 (47) définissant un calendrier visant à rendre obligatoire la facturation électronique pour les émetteurs de factures à destination de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Cette obligation s’imposera tout d’abord aux grandes entreprises à partir du 1er janvier 2017.
Ce projet devrait coûter 33 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Il devrait permettre un retour sur investissement rapide tant pour les opérateurs publics que pour leurs partenaires privés. Cette dématérialisation devrait ainsi générer un gain de 31 000 ETP pour l’ensemble des acteurs publics concernés.
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Après l’audition de M. Christian Eckert, secrétaire d’État en charge du budget, et de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique (voir le compte rendu de la commission élargie du 30 octobre 2015 à 15 heures (48)), la commission examine les crédits des missions Gestion des finances publiques et des ressources humaines, Crédits non répartis et, Régimes sociaux et de retraite, ainsi que des comptes spéciaux Gestion du patrimoine immobilier de l’État et Pensions et l’article 57, rattaché.
Suivant l’avis favorable des rapporteurs spéciaux Mme Karine Berger, MM. Jean-Louis Dumont et Michel Pajon et malgré l’avis défavorable du rapporteur spécial M. Camille de Rocca Serra, la commission adopte les crédits de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, sans modification.
Puis, suivant l’avis favorable de M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial, la commission adopte les crédits du compte spécial Gestion du patrimoine immobilier de l’État et sur l’avis favorable de M. Michel Pajon, rapporteur spécial, elle adopte les crédits de la mission Crédits non répartis, sans modification.
Enfin, la commission adopte suivant l’avis favorable de M. Yves Censi, rapporteur spécial, les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte spécial Pensions, sans modification.
Suivant l’avis favorable de M. Michel Pajon, rapporteur spécial, la commission adopte l’article 57 sans modification.
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ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIAL
Ministère des Finances et des Comptes publics – Direction du budget
– M. Franck Lirzin, chef du bureau des transports
Groupe Caisse des dépôts
– Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale adjointe
– Mme Orianne Duprat-Briou, Directrice de la mission PIA
– Mme Brigitte Laurent, directrice des relations institutionnelles
Direction du budget
– M. Denis Morin, directeur du Budget,
– M. Renaud Duplay, sous-directeur
– M. Jean-François Juery, chef de bureau
– M. Quentin Comet, adjoint chef de bureau
– M. Alexandre Koutchoux, sous-directeur de la 7ème sous -direction du budget
– M. François Deschamps, du bureau des finances et des politiques de l’Union européenne de la 7ème sous-direction du budget,
– M. Vincent Moreau, sous-directeur de la 5ème sous-direction du budget
Fonds PIA auprès du Commissariat général à l’investissement (CGI)
– M. Thierry Francq, commissaire général adjoint
– M. Édouard Bloch-Escoffier, directeur stratégique et financier,
– M. Laurent Ménard, directeur de la stratégie d’investissement et du financement européen
– Mme Sylviane Gastaldo, directrice du programme « Évaluation des investissements publics »
Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP)
– Mme Laure de La Bretèche, secrétaire générale
Cour des comptes
– Mme Michèle Pappalardo, conseillère maître
– Mme Anne-Sophie Dessillons, rapporteure extérieure à la Cour des comptes
1 () CGI, Rapport au Premier ministre, L’Évaluation des projets d’investissements publics – État des lieux et propositions pour une démarche homogène d’évaluation et de contre-expertise indépendante, 8 février 2013.
2 () Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, article 17.
3 () Décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d’évaluation des investissements publics en application de l’article 17 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.
4 () Article 2 du décret n° 2013-1211.
5 () Annexe au projet de loi de finances pour 2015, Évaluation des grands projets d’investissements publics, page 24.
6 () Annexe au projet de loi de finances pour 2016, Évaluation des grands projets d’investissements publics, page 7.
7 () Annexe précitée, page 9.
8 () Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs, article 14.
9 () Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat.
10 () Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 précitée, article 17.
11 () Communication du Premier ministre du 17 avril 2013 sur l’évaluation et la contre-expertise des projets d’investissements publics.
12 () Article L. 1511-2 code des transports.
13 () Instruction du 16 juin 2014 de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
14 () Centre d’analyse stratégique (2011), Le calcul du risque dans les investissements publics, rapport du groupe présidé par Christian Gollier.
15 () Cour des comptes, Rapport public annuel 2014 – Les partenariats public-privé du plan hôpital 2007 : une procédure mal maîtrisée, page 386.
16 () Circulaire interministérielle DGOS/PF1/DSS/DGFIP n° 271 du 5 juin 2013 relative à la mise en place du comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (COPERMO).
17 () Le secrétariat du COPERMO est assuré par la direction générale de l’offre de soins. Le COPERMO est composé des membres suivants : le secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales ; le directeur général de l’offre de soins ; le directeur de la sécurité sociale ; le directeur général des finances publiques ; le directeur du budget ; le directeur de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés ; le chef de l’inspection générale des affaires sociales ; le directeur général de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux ; le délégué général à l’Outre-Mer ; le commissaire général à l’investissement. Le comité peut également décider de recourir à des personnalités qualifiées, tels que des économistes, en fonction de la technicité des sujets abordés.
18 () Rapport d’information n° 2944, en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la dette des établissements publics de santé, présenté par Mme Gisèle Biémouret, 8 juillet 2015, page 61.
19 () Décret n° 2013-1211 précité.
20 () Commissariat général à la stratégie et à la prospective, Évaluation socioéconomique des investissements publics, Rapport de la mission présidée par Émile Quinet, septembre 2013.
21 () Décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010 relatif au commissaire général à l’investissement.
22 () Richard Thaler et Cass Sunstein, Nudge. La méthode douce pour inspirer la bonne décision, Vuibert, 2010.
23 () Daniel Kahneman et Amos Tversky, Prospect theory. An analysis of decision under risk, Econometrica, vol. XLVII, n° 2, mars 1979.
24 () Réseaux d’initiative publique.
25 () Loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, article 1er.
26 () Rapport de la mission sur le calendrier pluriannuel de réalisation et de financement du projet de Grand Paris Express, 10 décembre 2012.
27 () Premier ministre, Le nouveau Grand Paris, 6 mars 2013, page 17.
28 () Commission européenne, Communication relative à un plan d’investissement pour l’Europe, 26 novembre 2014, COM(2014) 903 final.
29 () Règlement (UE) 2015/1017 du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2015 sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques, la plateforme européenne de conseil en investissement et le portail européen de projets d’investissements et modifiant les règlements (UE) n° 1291/2013 et (UE) n° 1316/2013 – le Fonds européen pour les investissements stratégiques.
30 () Annexe générale au projet de loi de finances pour 2016 – Relations financières avec l’Union européenne, page 88.
31 () Commission européenne, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques et modifiant les règlements (UE) n° 1291/2013 et (UE) n° 1316/2013, 13 janvier 2015.
32 () Dont un projet franco-allemand.
33 () Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, article 8.
34 () Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, articles 59 et 60.
35 () Initialement fixée à dix opérateurs, la liste comporte désormais douze opérateurs, en vertu de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 et du décret n° 2010-442 du 3 mai 2010 : l’Agence nationale de la recherche, la Caisse des dépôts et consignations, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’Agence nationale de l’habitat, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’Agence de services et de paiement, le Centre national d’études spatiales, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer et OSEO.
36 () Cour des comptes, Le budget de l’État en 2014 – Résultats et gestion, mai 2015, page 126.
37 () Notamment l’article 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
38 () Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.
39 () Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, article 7.
40 () Annexe au projet de loi de finances, Rapport relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissements d’avenir.
41 () Rapport de la Cour des comptes précité, page 127.
42 () Les crédits des PIA viennent en complément des crédits budgétaires traditionnels.
43 () Annexe au projet de loi de finances pour 2016, Gestion des finances publiques et des ressources humaines, page 94.
44 () Décret n° 2015-144 du 9 février 2015.
45 () Équivalent temps plein annuel travaillé : ce décompte est proportionnel à l’activité des agents, mesurée par leur quotité de temps de travail et par leur période d’activité sur l’année.
46 () Équivalent temps plein : prend en compte la quotité de travail mais pas la durée d’activité dans l’année.
47 () Ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique.
48 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2016/commissions_elargies/