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N
° 3110

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2016 (n° 3096),

PAR Mme Valérie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

——

ANNEXE N° 29

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES
ET DES RESSOURCES HUMAINES

POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT

GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Jean-Louis DUMONT

Député

____

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 7

I. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’ÉTAT 9

A. LA POLITIQUE DE CESSIONS : UNE BAISSE STRUCTURELLE DES BIENS LIQUIDES FAIT PESER DES INQUIÉTUDES SUR LA TRÉSORERIE DU CAS 10

B. LA CONTRIBUTION AU DÉSENDETTEMENT DE L’ÉTAT 11

1. Une contribution forfaitaire de 100 millions du ministère des Affaires étrangères pour 2016 12

2. L’évolution du taux de contribution 12

C. LES DÉPENSES IMMOBILIÈRES DU PROGRAMME 723 13

1. Des dotations supérieures à 2015 13

2. Les principaux projets en 2016 14

3. Des pratiques de mutualisation des recettes de cessions 15

II. LE PROGRAMME 309 ENTRETIEN DES BÂTIMENTS : LA DIMINUTION DE LA DOTATION RENFORCE LA SÉLECTIVITÉ DES OPÉRATIONS 15

III. LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT 17

A. LES SCHÉMAS DIRECTEURS IMMOBILIERS RÉGIONAUX, NOUVEAUX LEVIERS DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT 17

1. Les différentes étapes 17

2. Les SDIR en appui à la réforme territoriale 18

3. La rénovation de l’ingénierie budgétaire : un chantier majeur 19

4. Un outil de pilotage de parc en ligne 19

5. Le rôle du préfet de région est déterminant 20

B. LA CONNAISSANCE DU PARC IMMOBILIER DE L’ÉTAT À TRAVERS LE DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE 20

1. Les données sur le parc de l’État et de ses opérateurs 20

2. La trop lente amélioration du ratio d’occupation des immeubles de bureaux 22

C. LA LOI SUR LA MOBILISATION DU FONCIER PUBLIC POUR LE LOGEMENT : 75 MILLIONS DE DÉCOTE DEPUIS 2013 24

1. Les amendements présentés en loi de finances pour 2016 24

2. Les cessions effectuées 25

3. Le préfet de région, unique interlocuteur de la ville de Paris 26

D. UNE DÉMARCHE SYSTÉMATIQUE D’OPTIMISATION DES BAUX PORTÉE PAR LE MINISTÈRE DU BUDGET 27

1. Des économies annuelles de 30 à 45 millions d’euros 27

2. Une opération exemplaire de formation à la négociation des baux menée par France Domaine 28

E. LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES (AAI) PRENNENT EN COMPTE À DES DEGRÉS VARIABLES LES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT 28

1. Les possibilités d’action de France Domaine dépendent de la bonne volonté des AAI 28

2. Le Rapporteur spécial proposera au Conseil de l’immobilier de l’État d’auditionner certaines AAI 29

IV. LA RATIONALISATION DES IMPLANTATIONS DES ADMINISTRATIONS CENTRALES 30

A. LE NOUVEAU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE À BALARD 30

1. Le regroupement des entités du ministère sur un site unique est effectif 30

2. Le devenir des emprises « libérées » : des recettes attendues inférieures aux estimations initiales 31

B. LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE 34

1. L’opération Millénaire : une opération de qualité 34

2. Le projet du futur Palais de justice sur la ZAC des Batignolles traduit les ambitions de progrès et de modernisation de la Justice 35

3. Le devenir du Palais de justice historique après le déménagement du TGI sur le site de Batignolles 38

V. LE PROJET D’EXPLOITATION DE L’HÔTEL DE LA MARINE PAR LE CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX 40

1. Le projet initial du CMN a été validé en réunion interministérielle le 7 août 2014 40

2. Une solution d’exploitation patrimoniale partiellement remise en cause en mars 2015 41

EXAMEN EN COMMISSION 43

ANNEXE 1 : LISTE DES DÉPLACEMENTS ET AUDITIONS RÉALISÉS PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 45

ANNEXE 2 : BIENS DE L’ÉTAT CÉDÉS AVEC DÉCOTE «FONCIER PUBLIC» DE 2013 À 2015 47

ANNEXE 3 : L’IMMOBILIER DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES 53

ANNEXE 4 : LA PHILHARMONIE DE PARIS 57

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 92 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

INTRODUCTION

La politique immobilière de l’État a pour ambition de rationaliser, d’entretenir et de moderniser les bâtiments occupés par les administrations et les opérateurs de l’État, ainsi que de permettre une connaissance aussi exhaustive que possible du patrimoine immobilier détenu par ces acteurs. Elle vise tout particulièrement à :

– permettre aux administrations de disposer d’un parc immobilier adapté à leurs missions et aux réformes qu’elles doivent conduire, en bon état, aux normes notamment en matière d’accessibilité et répondant aux objectifs d’un « État exemplaire » ;

– disposer d’un parc immobilier moins coûteux, valoriser les immeubles inadaptés ou inutiles et participer au désendettement de l’État ;

– favoriser l’offre de logements sociaux grâce à la mobilisation du foncier public à l’occasion des cessions ;

– préserver le patrimoine historique et culturel de l’État français.

En matière de rationalisation des implantations, l’année 2015 a été marquée par le regroupement des services et des états-majors de l'administration centrale du ministère de la Défense à Balard, mais aussi par celui des services de deux administrations centrales en périphérie de Paris : « Garance » pour le ministère de l’Intérieur et « Le Millénaire » pour le ministère de la Justice.

Une politique active de renégociation des baux dans le parc privé a été lancée dans le contexte d’un marché immobilier favorable aux utilisateurs, afin de réaliser des économies annuelles de 30 à 45 millions d’euros.

La politique immobilière au niveau déconcentré a fait l’objet d’une attention particulière, avec la généralisation des schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) dont le Rapporteur spécial salue les avancées au moment où la réforme de la carte territoriale avec la création des 13 grandes régions entre dans sa phase opérationnelle.

Le Rapporteur spécial s’inquiète de la diminution structurelle des biens liquides pouvant faire l’objet de cessions. Elle fait peser de lourdes inquiétudes sur la trésorerie du CAS et donc sur le financement de la politique immobilière dans les années à venir, ce qui justifie une attention encore plus soutenue, dans le cadre de la révision du plan local d’urbanisme de Paris, aux pertes de valeurs des biens de l’État.

Il regrette l’amélioration trop lente du ratio de 12 m2 de surface utile nette par poste de travail (ratio plafond), critère phare de la politique immobilière de l’État, de même que les réticences des administrations et des opérateurs à évoluer dans leur localisation et à saisir les évolutions en cours dans l’organisation des postes de travail.

Le Rapporteur spécial a aussi tenu à rendre compte des auditions qu’il a effectuées, à la demande du Président de la commission des finances, sur la Philharmonie de Paris.

Il tient à saluer l’ambition et les qualités de ce très beau projet et considère que l’explosion de son budget aurait pu être en grande partie évitée s’il n’avait pas fait l’objet d’un soutien politique aussi instable, facteur d’allongement des délais et donc de lourds surcoûts. Le Rapporteur spécial veillera à l’équilibre d’exploitation de la Philharmonie dans les années à venir et, compte tenu des relations fortement conflictuelles entre la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage qui ont caractérisé sa réalisation, il sera très attentif au coût final et aux malfaçons susceptibles d’apparaître.

Repères

Le parc immobilier contrôlé par l’État est valorisé à 58,4 milliards d’euros par le document de politique transversale figurant en annexe du projet de loi de finances pour 2016. La valorisation des biens contrôlés par les opérateurs est de 54,5 milliards d’euros.

Les produits de cession pour l’année 2016 sont estimés à 500 millions d’euros alors qu’ils avaient été évalués à 521 millions pour 2015.

La durée moyenne de vente reste supérieure à 16 mois.

Les dépenses immobilières du compte d’affectation spéciale (CAS) bénéficient d’une dotation de 433,8 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 420 millions en crédits de paiement (CP).

Au 31 mai 2015, la surface utile nette par poste de travail est de 14,06 mètres carrés.

Pour 2016, la contribution au désendettement est estimée à 155 millions incluant la contribution forfaitaire de 100 millions du ministère des Affaires étrangères.

75 millions de décote ont été effectués depuis 2013 dans le cadre de la mise en œuvre de la loi sur la mobilisation du foncier public pour le logement.

Les dépenses immobilières bénéficient d’une dotation de 433,8 millions d’euros en AE et de 420 millions en CP,

En ce qui concerne le programme Entretien des bâtiments, les AE s’élèvent sur 2016 à 135 millions d’euros et les CP à 144,66 millions d’euros alors qu’en 2015 ils s’élevaient respectivement à 150,35 et 160,35 millions d’euros.

I. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’ÉTAT

Le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État comprend deux programmes, le programme 721 Contribution au désendettement de l’État et le programme 723 Contribution aux dépenses immobilières.

1° En recettes sont inscrites :

a) Le produit des cessions des biens immeubles de l’État ainsi que des droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l’État ;

b) Les versements du budget général ;

c) Les fonds de concours.

2° En dépenses sont inscrites :

a) Les dépenses d’investissement et de fonctionnement liées à des opérations immobilières réalisées par l’État sur des biens immobiliers dont il est propriétaire ou, lorsqu’il n’en a pas la propriété, sur des biens immobiliers figurant à l’actif de son bilan, sous réserve que ces dépenses soient directement liées à des opérations concourant à une gestion performante du parc immobilier de l’État ;

b) Les dépenses d’investissement et de fonctionnement liées à des opérations de cession, d’acquisition ou de construction d’immeubles du domaine de l’État réalisées par des établissements publics et autres opérateurs de l’État, sous réserve que ces dépenses soient directement liées à des opérations concourant à une gestion performante du parc immobilier de l’État ;

c) Les versements opérés au profit du budget général ;

d) Les versements opérés au profit du budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

L’État utilise les recettes du compte spécial pour financer des dépenses immobilières. Afin que les ministères soient incités à céder des biens immobiliers, le Gouvernement a décidé que les ministères cédant des biens percevraient les recettes correspondantes après prélèvement d’un pourcentage affecté au programme Contribution au désendettement de l’État et d’une part mutualisée.

ÉQUILIBRE DU COMPTE SUR 2016

(en millions d’euros)

 

Recettes

AE

CP

Solde

Contribution au désendettement de l’État

 

155

155

 

Contribution aux dépenses immobilières

 

433,8

420

 
   

588,8

575

 
 

500

   

– 75

Source : Compte d’affectation spéciale 2016.

Pour permettre la rétrocession du produit des cessions aux ministères, le compte spécial est divisé en autant de budgets opérationnels de programme (BOP) qu’il y a de ministères concernés.

A. LA POLITIQUE DE CESSIONS : UNE BAISSE STRUCTURELLE DES BIENS LIQUIDES FAIT PESER DES INQUIÉTUDES SUR LA TRÉSORERIE DU CAS

Les produits de cession pour l’année 2016 sont estimés à un montant de 500 millions d’euros alors qu’ils avaient été évalués à 521 millions pour 2015.

Entre le 1er janvier et le 5 août 2015, 542 biens ont été cédés pour un montant total de 499 millions d’euros.

POINT D'ÉTAPE SUR LES CESSIONS IMMOBILIÈRES DE L'ÉTAT
RÉALISÉES DEPUIS LE 1
ER JANVIER 2015

(en millions d’euros)

Ministère occupant

Nombre
de biens cédés

Somme des prix de vente

Ministère des affaires étrangères et européennes

10

234,41

Ministère de la défense

45

140,80

Ministère de la justice et des libertés

18

67

Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

258

14,59

Ministère de l'intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales

10

9,50

Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

5

7,35

Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

9

6,50

Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État

21

5,25

Ministère de l'agriculture et de la pêche

27

2,80

Ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

6

2,80

Ministère de la culture et de la communication

10

2,60

Ministère de l'éducation nationale

6

2,28

Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative : santé

2

1,74

Biens non affectés

113

1,16

Services du Premier ministre

2

0,25

Total général

542

499,05

Source : données OSC au 05/08/2015.

Les cessions du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Défense totalisent à elles deux plus de 375 millions d’euros, soit 75 % des ventes réalisées au 5 août 2015.

France Domaine fait observer que le nombre de biens cédés tend à diminuer chaque année depuis 2011 (on est passé de 1 800 biens cédés en 2011 à moins de 900 annoncés pour 2016). Il en va de même de la qualité des immeubles cédés : à l’exception de quelques biens emblématiques dans la capitale ou à l’étranger, France Domaine est de plus en plus confronté à des biens situés en dehors des zones attractives, souvent en état médiocre et ne respectant pas les normes environnementales et d’accessibilité.

En raison de cette baisse structurelle des biens de l’État liquides, mais aussi du marché immobilier atone en dehors de Paris, Lille et Lyon et de la montée en puissance de la loi de mobilisation du foncier public pour le logement du 18 janvier 2013 qui a produit un effet de ralentissement des cessions publiques, la durée moyenne de vente reste supérieure à 16 mois.

Le Rapporteur spécial tient à rappeler que le Conseil de l’immobilier de l’État a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les produits de cessions dépendent de la qualité et de la localisation des biens mais aussi des règles fixées par les documents d’urbanisme et que toute décision de modification de la règle d’urbanisme affectant la valeur d’un bien dont la cession répond à un objectif d’intérêt général devrait faire l’objet d’une étroite concertation avec les responsables des services concernés, voire d’une étude d’impact permettant de hiérarchiser les intérêts publics en présence.

Les biens cessibles de grande valeur sont de moins en moins nombreux : il reste l’hôtel de l’Artillerie, l’îlot saint Germain, le Val de Grâce et les hôtels particuliers qui seront libérés dans le cadre de l’opération Ségur Fontenoy. Il est très difficile d’estimer la date de vente de ces biens et France Domaine nourrit en conséquence des inquiétudes sur la trésorerie du CAS pour les années à venir.

Le Rapporteur spécial regrette le dilemme auquel l’État est toujours confronté, à savoir soit céder des biens d’exception appauvrissant ainsi le capital immobilier de l’État, soit implanter des services à un coût d’opportunité extrêmement élevé et sans que cela soit toujours justifié fonctionnellement.

Il souhaite que le ministre en charge du budget étudie une troisième possibilité qui consisterait à conserver la pleine propriété de ces biens, mais à en confier la gestion à une ou des sociétés de droit privé qui pourraient en rentabiliser l’exploitation. Ainsi le patrimoine national ne serait pas amoindri et les finances publiques bénéficieraient de ressources conséquentes chaque année.

B. LA CONTRIBUTION AU DÉSENDETTEMENT DE L’ÉTAT

Le programme retrace la contribution au désendettement de l’État permise par les cessions d’actifs immobiliers. Elle est évaluée à 155 millions pour 2016 en AE et CP contre 108 millions pour 2015.

L’article 22 du projet de loi de finances pour 2015 a prorogé, sans limitation dans le temps, la contribution des cessions des biens immobiliers de l’État au désendettement. Cette contribution reste fixée à 30 % sur chaque produit de cession immobilière.

Toutefois cette contribution ne s’applique pas aux produits de cession relatifs aux biens suivants :

• les immeubles domaniaux occupés par le Ministère de la Défense jusqu’au 31 décembre 2019 ;

• les immeubles domaniaux situés à l’étranger et occupés par le Ministère des Affaires étrangères, jusqu’au 31 décembre 2017, au-delà d’une contribution minimale forfaitaire de 25 millions d’euros par an entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2017, contribution rehaussée à 100 millions d’euros en 2016 ;

• les biens affectés ou mis à disposition des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et des établissements publics administratifs mentionnés au II de l'article L. 711-9 du code de l'éducation ayant demandé à bénéficier de la dévolution de leur patrimoine immobilier par une délibération de leur conseil d'administration ;

• les biens affectés ou mis à disposition d'établissements publics exerçant des missions d'enseignement supérieur ou de recherche qui contribuent au financement de projets immobiliers situés dans le périmètre de l'opération d'intérêt national d'aménagement du plateau de Saclay ;

• les biens immeubles de l’État et les droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l’État occupés par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) ; ces produits de cession sont affectés au désendettement du budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

1. Une contribution forfaitaire de 100 millions du ministère des Affaires étrangères pour 2016

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit que la contribution minimale forfaitaire du MAEDI de 25 millions est majorée de 75 millions d’euros pour 2016.

Le MAEDI procédera donc à une rétrocession de produits de cessions de 100 millions d’euros pour participer au désendettement de l’État, ce qui représente près des deux tiers de l’ensemble de la contribution.

Le Rapporteur spécial se félicite de cet effort supplémentaire de participation du MAEDI à l’effort de désendettement. Il réitère son souhait que soit envisagée dans un avenir proche la suppression définitive de l’exemption dont bénéficie ce ministère comme de celle du ministère de la Défense.

2. L’évolution du taux de contribution

L’estimation de la contribution au désendettement pour 2016 se calcule en appliquant le taux de 30 % aux prévisions de recettes pour 2016, déduction faite de la part relative aux cessions des administrations exonérées de contribution au désendettement, et en ajoutant la contribution minimale forfaitaire versée par le ministère des Affaires étrangères de 100 millions au titre de 2016.

Pour 2016, la contribution au désendettement est estimée à 155 millions incluant la contribution forfaitaire de 100 millions du ministère des Affaires étrangères. Pour 2015 elle avait été évaluée à 108 millions avec une contribution forfaitaire du ministère des Affaires étrangères de 25 millions.

En conséquence sur les 500 millions de produits de cession estimés sur 2016, seuls 55 millions contribueront au désendettement de l’État, soit un taux de 11 %. Mais si on prend en compte la contribution forfaitaire de 100 millions d’euros du ministère des Affaires étrangères, le taux est alors de 31 %.

C. LES DÉPENSES IMMOBILIÈRES DU PROGRAMME 723

Le programme 723 Contribution aux dépenses immobilières enregistre la partie financée à partir des produits de cessions d’actifs immobiliers.

Le CAS incite à la rationalisation du parc immobilier, en organisant le retour d’une partie des produits de cessions immobilières au bénéfice des administrations occupantes pour mener des opérations immobilières conformes aux objectifs de la politique immobilière de l’État telles que décrites dans les circulaires du Premier ministre du 16 janvier 2009.

Les projets immobiliers correspondants sont examinés dans le cadre d’instances à caractère interministériel :

• des comités de politique immobilière (CPI) sont organisés au printemps et à l’automne par France Domaine avec la direction immobilière de chaque ministère ;

• dans le cadre de la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE), l’INEI (Instance nationale d’examen des projets immobiliers) valide les dossiers immobiliers présentés par les préfets.

Le périmètre des dépenses imputables sur le CAS s’est étendu progressivement au-delà du champ de l’immobilier de bureaux et aux opérations réalisées par l’État sur des bâtiments figurant à l’actif de son bilan et dont l’État a le contrôle mais dont il n’est pas propriétaire, ainsi qu’à des opérations concernant des immeubles propriétés de l’État réalisées par des établissements publics.

1. Des dotations supérieures à 2015

Les dépenses immobilières bénéficient d’une dotation de 433,8 millions d’euros en AE et de 420 millions en CP, alors que sur 2015 ces dotations s’élevaient respectivement à 418,8 et 413 millions d’euros. Les CP à hauteur de 420 millions d’euros correspondent aux recettes attendues (500 millions d’euros), une fois déduite la part correspondant à la contribution au désendettement de l’État (80 millions d’euros), mais sans prise en compte des 75 millions du MAE.

Les 80 millions correspondent à 55 millions d’euros de contribution au désendettement pris sur les 500 millions d’euros de produits de cession et à la contribution forfaitaire de 25 millions d’euros versée par ministère des Affaires étrangères inscrite sur le triennal 2016-2019.

France Domaine indique que dans le cadre de l’objectif général de redressement de nos finances publiques, les dépenses du CAS feront l’objet à compter de 2016 d’un suivi renforcé. Il s’agira de prioriser les projets dans le cadre d’une approche plus globale et interministérielle qui permettra de privilégier encore davantage ceux qui sont les plus conformes aux objectifs fixés par la politique immobilière de l’État (qualité de vie des agents, accueil des usagers, rationalisation des surfaces) et les plus vertueux au plan économique (gains fonctionnels pour les services et marges d’optimisation budgétaire) pour les mises à disposition de crédits. France Domaine examine la conformité des opérations projetées par les ministères aux orientations de la nouvelle politique immobilière de l’État, en étudiant la performance immobilière de ces opérations.

Les 420 millions de CP correspondent à la somme des restes à payer et des besoins à arbitrer pour 2016.

2. Les principaux projets en 2016

Les principales opérations recensées sont les suivantes (ces programmations sont données à titre indicatif, sous réserve de validation par les CPI organisés entre les ministères, France Domaine et la Direction du Budget) :

• ministère de la Défense : la programmation 2016 tient compte de la trajectoire physico-financière des investissements immobiliers du ministère ;

• ministère des Affaires étrangères. La programmation 2016 est ici présentée à titre indicatif sous réserve des modifications qui seraient soumises à l’avis de la commission interministérielle sur les opérations immobilières de l’État à l’étranger (CIME). Il s’agit notamment de la réorganisation du Quai d’Orsay (remise en l’état de l’aile des archives pour densifier l’Hôtel), du regroupement des services culturels à Mexico, de la reconstruction de l'institut français à Haïti et de la construction de logements à Abuja) ;

• ministère de l’Intérieur : travaux lourds pour l'installation de la sous-préfecture à Saint-Denis ; poursuite de la rationalisation du site d’administration centrale constitué par le pôle « Beauvau » ; poursuite des opérations de réhabilitation lourde de casernes de la Gendarmerie nationale ;

• ministères financiers : poursuite à Metz de l’opération de relogement de l’INSEE ;

• ministère de l’Éducation nationale : poursuite à Lille de l’opération de relogement du rectorat ;

• ministère de la Justice : poursuite de la construction d’un centre de semi-liberté à Saint-Martin les Boulogne ;

• ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt : poursuite des travaux de densification et de remise aux normes du site situé rue Lowendal à Paris.

3. Des pratiques de mutualisation des recettes de cessions

Si les règles de remploi des produits de cession n’ont pas changé (30 % de contribution au désendettement, 20 % de mutualisation, 50 % de retour aux ministères), la pratique sur les deux dernières années a présenté des avancées significatives en matière de mutualisation.

En effet, les opérations Garance et Millénaire ont mobilisé la quasi-totalité de la trésorerie du CAS sur 2014. Ces avances ont été gagées par des cessions et vont être remboursées intégralement. Le bon déroulement de cette opération a enclenché un processus vertueux en donnant confiance aux ministères.

Le Rapporteur spécial rappelle qu’il a plaidé à plusieurs reprises pour la disparition du mécanisme de « retour » aux ministères au profit d’une mutualisation des recettes des cessions qui peut seule permettre d’arbitrer les vraies priorités. Le service France Domaine, incarnation de l’État propriétaire, pourrait ainsi jouer son rôle et véritablement piloter les opérations immobilières des ministères. Le maintien de la règle de « retour » aux ministères, même réduite à 50 %, maintient ces derniers dans une attitude de quasi-propriétaire en les laissant maîtres de leurs budgets d’investissement.

II. LE PROGRAMME 309 ENTRETIEN DES BÂTIMENTS : LA DIMINUTION DE LA DOTATION RENFORCE LA SÉLECTIVITÉ DES OPÉRATIONS

Les objectifs donnés aux ministères et aux préfets de régions pour l’emploi des crédits du programme 309 sont les suivants :

– assurer l’entretien du patrimoine du point de vue du propriétaire, tout en sécurisant les biens et en veillant à la satisfaction des occupants ;

– développer la part de maintenances préventives des bâtiments, sources d’économies sur le long terme, et s’assurer de la réalisation des contrôles réglementaires sur le parc concerné ;

– contribuer à l’atteinte des objectifs de performance énergétique et à la mise en accessibilité des bâtiments publics ;

– mutualiser la ressource en interministériel via la régionalisation des crédits, la professionnalisation des cellules immobilières régionales et la mise en place de marchés mutualisés (contrôles réglementaires, maintenance etc.).

Dans le cadre du triennal 2015-2017, l’enveloppe de crédits du programme connaît l’évolution suivante :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME

(en millions d’euros)

PLF 2014

PLF 2015

PLF 2016

PLF 2017

168,78

160,35

144,66

139,80

Source : France Domaine.

Sur 2016, les AE s’élèvent à 135 millions d’euros et les CP à 144,66 millions d’euros alors qu’en 2015 ils s’élevaient respectivement à 150,35 et 160,35 millions d’euros.

Comme en 2015, la ressource en CP est supérieure à celle en AE en raison de l’important volume des restes à payer (92 millions d’euros).

Le programme 309 comporte cinq actions :

– Contrôles réglementaires

– Diagnostic-audit-expertise

– Maintenance préventive

– Maintenance corrective

– Travaux lourds

ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DE LA CONSOMMATION PAR ACTION

France Domaine indique qu’en 2016 un accroissement des dépenses de travaux lourds devrait avoir lieu, d'une part en raison de l'effort consenti par l’État en termes d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments impliquant la réalisation d’opérations lourdes sur le bâti, et d'autre part par les mises en chantier de projets ambitieux, notamment d'accessibilité et d'adaptation aux personnes à mobilité réduite.

III. LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT

A. LES SCHÉMAS DIRECTEURS IMMOBILIERS RÉGIONAUX, NOUVEAUX LEVIERS DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT

Les SDIR reposent sur le principe de rationalisation de la décision immobilière, grâce à une analyse systématique et normée de la performance économique et immobilière des opérations, au travers d’outils d’aide à la décision conçus spécifiquement par France Domaine et la Direction du Budget.

Ils inscrivent la stratégie immobilière à l’échelle de l’ensemble du parc immobilier de chaque région. Le périmètre est élargi à l’échelon régional ainsi qu’à l’ensemble des biens immobiliers de l’État, quels qu’en soient le statut (bureaux ou immobilier spécifique) et le gestionnaire (État ou opérateurs) afin d’acquérir une vision globale à l’échelle territoriale la plus pertinente.

1. Les différentes étapes 

● une expérimentation sur cinq régions

À la suite de la circulaire du Premier Ministre du 16 décembre 2014 adressée aux préfets de région, l'expérimentation des schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) a été lancée en début d’année 2015 dans cinq régions expérimentatrices (Haute et Basse Normandie, Pays de Loire, Rhône-Alpes et la Réunion) avec, pour première étape, l’élaboration d’un diagnostic immobilier régional.

Cette expérimentation constitue une première étape de la simplification de la gouvernance de la politique immobilière de l'État et d'évolution du rôle du préfet de région en tant que responsable de la stratégie immobilière de l’État en région.

France Domaine est venu en appui à ces régions pendant cette première phase en complétant les réunions de lancement par des réunions techniques et en apportant un soutien continu, formalisé par une réunion de formation des représentants des comités régionaux de suivi de l'immobilier de l'État (CRSIE) le 13 mai dernier.

Les travaux relatifs au volet immobilier de la réforme territoriale (qui ont nécessité la réalisation d'un diagnostic immobilier spécifique pour le 30 juin 2015) se sont ajoutés aux travaux réalisés dans le cadre de l'expérimentation des SDIR : une généralisation anticipée des outils et des méthodes en cours de déploiement au sein des cinq régions expérimentatrices du SDIR a ainsi été décidée.

● la généralisation de la phase de diagnostic à toutes les régions

La circulaire de Premier ministre en date du 6 juillet 2015 a étendu la phase de diagnostic à l’ensemble des régions dès l’été 2015.

La réunion de l’instance nationale interministérielle d’examen et de suivi des SDIR (INESDIR) du 9 juillet 2015 a permis de tirer un bilan de l'expérimentation de la phase de diagnostic, et de proposer des ajustements.

La première constatation réside dans le fait que les différents outils proposés aux régions expérimentatrices ont permis de donner un cadre méthodologique unifié, facilitant la rédaction et la lecture du diagnostic et contribuant à la professionnalisation de la fonction.

Plusieurs aspects de la réforme de la politique immobilière de l’État sont testés, puis mis en œuvre sur les années 2015 et 2016 :

• méthodes de pilotage du patrimoine immobilier de l'État (outil cartographique d'aide au diagnostic immobilier, indicateurs d'évaluation et de suivi du patrimoine, évaluation économique et financière des projets immobiliers, etc.) ;

• modalités selon lesquelles l’échelon régional peut relayer la stratégie immobilière de l'État ;

• finalisation d'une doctrine immobilière de l'État autour de principes clairs et d'une gouvernance repensée renforçant le rôle de l'État-propriétaire.

L’ambition des SDIR est d’élaborer une véritable programmation stratégique de l’immobilier au niveau régional qui articulera les données physiques, financières et budgétaires dans un tableau de bord immobilier faisant apparaître les besoins et priorités retenues ainsi que les indicateurs de gestion mesurant la performance immobilière. À terme un indicateur de coût complet immobilier par agent pourrait être mis en place.

2. Les SDIR en appui à la réforme territoriale

Le volet immobilier de la réforme territoriale constitue une expression de besoins ponctuelle et rapprochée à laquelle les SDIR vont aider à répondre : identification des biens que l’État a un intérêt patrimonial à conserver au regard de leur potentiel en termes d’occupation, de leurs performances immobilières, énergétiques, et en termes de respect des normes ; densification de ces biens domaniaux ; renégociation des baux dans un premier temps. À terme, la stratégie de politique immobilière reposera sur le déploiement complet du SDIR qui englobera et dépassera l’enjeu immédiat de la réforme territoriale.

3. La rénovation de l’ingénierie budgétaire : un chantier majeur

Les SDIR ont vocation à améliorer l’articulation et la cohérence des canaux budgétaires « de droit commun », et à renforcer le lien avec la procédure budgétaire.

Leur expérimentation a permis de démontrer que les dépenses immobilières sont réparties sur une quinzaine de supports budgétaires, sur lesquels le préfet de région ne dispose pas d'une entière visibilité. Aussi, il importe que les circuits budgétaires liés au financement de cette politique soient mis en cohérence avec la gouvernance choisie, pour offrir à l’État propriétaire la maîtrise de l’ensemble des dotations d’investissements, qui demeurent pour une grande majorité au sein des budgets des administrations occupantes. La réflexion sur la rénovation de l'ingénierie budgétaire constitue donc un des chantiers majeurs dans le cadre de la généralisation des SDIR.

Le dispositif doit permettre de concentrer les ressources budgétaires sur les opérations au meilleur retour sur investissement en articulation avec les procédures budgétaires.

4. Un outil de pilotage de parc en ligne

Un outil web destiné au diagnostic des parcs immobiliers régionaux a permis des avancées significatives.

France Domaine a déployé, au printemps 2015, auprès des acteurs immobiliers concernés, un outil Web d'aide au diagnostic des parcs immobiliers régionaux, basé sur la même technologie que l'infocentre immobilier, permettant de combiner des restitutions alphanumériques, graphiques et cartographiques.

Le retour d’expérience des cinq régions expérimentatrices a démontré la nécessité de mise à jour des données de connaissance du parc. En effet, cet outil propose des modalités de restitution de données sur lesquelles il est impératif de pouvoir s'appuyer avec confiance. Fort de ce constat, dans le cadre de la généralisation du SDIR, la réalisation du diagnostic sera précédée d'une phase de mise à jour des données de connaissance du parc. Un référentiel technique le complète qui permet aux gestionnaires de faire leur mise à jour directement.

France Domaine a aussi déployé un outil d'analyse économique des opérations immobilières.

5. Le rôle du préfet de région est déterminant

Le cadre actuel de gouvernance de la politique immobilière confère au préfet de région une position unique concentrant la responsabilité de l’État propriétaire et de l’État utilisateur. Ce cadre permet d’envisager la mutualisation des ressources immobilières à l’échelle du territoire. Le dispositif s’appuie sur le principe d’un accompagnement fort du Préfet, à la fois propriétaire et utilisateur, par le RPIE qui porte exclusivement le point de vue du propriétaire (dans un rôle émergent de gestionnaire d'actif domanial). Le rôle de coordinateur du préfet de région, tant au plan de la prise en compte du « porté à connaissance » des moyens et besoins immobiliers des différents services et opérateurs de l'État implantés dans la région, qu'au plan de l'organisation en mode « projet » des multiples équipes en charges des questions immobilières, est fondamental dans l'élaboration du SDIR et de la mise en œuvre des opérations qui en découlent.

B. LA CONNAISSANCE DU PARC IMMOBILIER DE L’ÉTAT À TRAVERS LE DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE

1. Les données sur le parc de l’État et de ses opérateurs

Le document de politique transversale est un outil de pilotage de la fonction immobilière qui répond à une demande du Conseil de l’immobilier de l’État. Le dernier en date, annexé au projet de loi de finances pour 2016, fournit les données ci-après sur la répartition des surfaces immobilières de l’État et des opérateurs et la valorisation du parc immobilier contrôlé par l’État.

Le Rapporteur spécial se félicite des améliorations apportées à ce document, mais des marges de progression subsistent. Il rappelle notamment son souhait d’une annexe spécifique reprenant l’ensemble des mesures d’amélioration de la performance énergétique en matière immobilière et de respect des objectifs du Grenelle de l’environnement. Il regrette que cette annexe n’ait pu être réalisée à la veille de la COP21.

La répartition des surfaces immobilières de l’État et des opérateurs

Le parc immobilier de l’État : 67 millions de m2 de surface utile brute

L’État reste très majoritairement propriétaire des immeubles qu'il occupe (82,18 %). Les ministères de la Défense et de l'Intérieur occupent respectivement 37,82 % et 19,49 % de la superficie totale occupée par les services de l’État.

La part des biens situés en France représente 96,02 % des surfaces dont 91,59 % en France métropolitaine et 4,43 % en Outre-mer.

Les régions Ile-de-France et PACA concentrent respectivement 18,64 % et 9,69 % du parc immobilier occupé par l’État.

Les surfaces occupées par l'État sont majoritairement des immeubles à usage professionnel. Les locaux d'activité représentent 50,61 %, les bureaux 27,87 % et les logements 16,08 %.

Le parc immobilier des opérateurs : 33 millions de m2 de surface utile brute

Les opérateurs de l’État occupent majoritairement des surfaces qui sont la propriété de l’État (66,85 %). Les opérateurs sous tutelle du ministère de l'Éducation nationale représentent 63,5 % du parc immobilier des opérateurs (parc des universités et des CROUS).

Les surfaces occupées par les opérateurs de l'État sont principalement situées en France (97,95 % dont 95,71 % en France métropolitaine et 2,25 % Outre-mer).

Les régions Ile-de-France et Rhône-Alpes concentrent respectivement 28,97 % et 8,99 % du parc immobilier occupé par les opérateurs de l'État. Les surfaces qu’ils occupent sont majoritairement des immeubles à usage de locaux d'activités (73,64 %), tels les établissements d'enseignement supérieur. Les bureaux représentent 12,70 % des surfaces, les bâtiments culturels 5,59 % et les logements 4,22 %.

Le parc immobilier de type « bureau » : 22,9 millions de m2 de surface utile brute

Le parc immobilier de type « bureau » de l’État est principalement occupé par les ministères de l'Intérieur (22,32 %), du Budget (19,33 %) et de la Défense (16,61 %).

L'État est majoritairement propriétaire du parc qu'il occupe (70,95 %). Plus du quart de ce parc est situé en Ile-de-France (27,41 %).

Le parc immobilier de type « bureau » des opérateurs de l’État est majoritairement occupé par ceux qui sont sous la tutelle du ministère de l'Éducation nationale (30,81 %) et sous celle du ministère de l'Écologie (21,53 %).

Les opérateurs de l'État en sont propriétaires à hauteur de 35,18 % (29,57 % autres propriétaires, 29,17 % État et 6,08 % collectivités territoriales).

La moitié (51,26 %) de ce parc est située en Ile-de-France (41,21 %) et en Outre-mer (10,05 %).

Le parc immobilier contrôlé par l’État valorisé à 58,4 milliards d’euros

L’Ile-de-France représente 38 % de la valorisation ventilée par régions (23 millions d’euros).

Le parc occupé par le ministère de la Défense et par le ministère de l'Intérieur représente respectivement 26,33 % et 20,10 % de sa valeur totale.

Les biens dont l'État est propriétaire représentent 89,56 % de la valeur totale du parc.

La valorisation du parc de type bureau s’élève à 23,18 millions d’euros soit 39,68 %. Les logements et les sites militaires représentent 16,18 % et 14,78 % de la valorisation ventilée.

Le parc de type « bureau » contrôlé par l'État et occupé par les ministères du Budget et de l'Intérieur respectivement 24,05 % et 21,28 % de la valorisation totale ventilée par ministères.

L’Ile-de-France regroupe la majorité du parc de bureaux contrôlé par l'État, soit 52,28 %.

2. La trop lente amélioration du ratio d’occupation des immeubles de bureaux

La performance de la gestion immobilière peut être approchée, dans l'une de ses dimensions, par la notion d'occupation des surfaces. Le ratio « surface utile nette (SUN)/poste de travail » permet d'appréhender l'occupation des surfaces disponibles et de suivre son évolution. La circulaire du 10 janvier 2009 fixe le plafond à 12 m² de SUN par poste de travail.

À la différence des effectifs physiques et des effectifs en ETPT qui identifient le nombre d’occupants, le nombre de postes de travail mesure la capacité d’accueil du bâtiment.

La SUN se décompose en trois rubriques : surface de bureau, surface de réunion et surface annexe de bureau.

Au 31 mai 2015, 22 363 bâtiments distincts de l’État avec des surfaces tertiaires sont inventoriés dans Chorus RE-FX, le référentiel de l’État en matière de données immobilières. Compte tenu du nombre de bâtiments dont au moins une des données relative à la SUN ou au poste de travail n’est pas renseignée, les ratios d’occupation sont calculés sur la base des 5 732 bâtiments restants, soit un peu plus de 25 % des bâtiments inventoriés.

La donnée d’occupation remontée par l’outil Chorus pour les surfaces occupées par l’État montre que la médiane de l'indicateur se situe à 14,06 m² de SUN par poste de travail pour 14,33 m2 en 2013 et 15,98 en 2012 d’après le DPT. On est encore loin du plafond de 12 m2.

Ont un ratio d’occupation supérieur à 20 m2 les Pouvoirs publics (28 m2) et le ministère de la Culture (21 m2).

Les éléments transmis au Conseil de l’immobilier de l’État font apparaître pour le ministère de l’Outre-mer un ratio de 33 m2 de SUN.

Les services du Premier ministre ont un ratio d’occupation supérieur à 17 m2 pour 2014. Le Rapporteur spécial sera très attentif à la baisse de ce ratio dans le cadre de leur regroupement à Ségur Fontenoy.

ÉVOLUTION DU RATIO D’OCCUPATION DES SURFACES PAR MINISTÈRE EN 2012 ET 2014

(en m2 de SUN par poste de travail)

Ministère

2012

2013

2014

Affaires étrangères

14,99

14,95

12,36

Agriculture -

Agroalimentaire - Forêt

15,31

15,53

15,56

Budget - Comptes publics - Fonction publique

16,96

15,23

15,37

Culture - Communication

19,42

21,39

21,31

Défense

15,63

14,54

16,89

Écologie - Développement durable - Énergie - Aménagement du territoire

17,43

17,46

16,22

Économie-Industrie-Finances*

16,26

14,78

14,44

Éducation nationale - Enseignement supérieur - Recherche

15,46

13,1

12,69

Intérieur - Outre-Mer - Collectivités territoriales - Immigration

13,97

12,06

11,76

Justice

15,15

18,01

14,03

Logement - Ville

     

Santé - Jeunesse - Sports – Vie associative

14,91

14,85

15,86

Services du Premier ministre

19,38

19,39

17,22

Travail - Emploi*

16,43

16,77

16,31

Pouvoirs publics

 

20,63

28,25

Multi-occupants ou vacants

19,05

14,16

14,25

RéATE

16,34

   

Total

15,98

14,33

14,06

(*) Le périmètre de ces deux ministères a évolué entre 2012 et 2015.

Source : Chorus RE-FX à date de référence au 31.05.2015.

L’objectif de 12 m2 s’inscrit dans la démarche des SDIR et fait l’objet d’un suivi dans le cadre des conventions d’utilisation

Le plan d'action destiné à faire appliquer l’objectif de 12 m² de SUN par poste de travail s’inscrit dans une démarche plus globale, actuellement testée dans le cadre de l’expérimentation des SDIR. Celle-ci a conduit dans un premier temps à lancer des actions visant à compléter les données pour calculer cet indicateur, de manière à pouvoir s’appuyer sur un chiffre représentatif.

Des outils de pilotage du patrimoine répondant à des objectifs précis et impliquant l’utilisation d’un ensemble cohérent d’indicateurs vont être mis en place. La densification des surfaces en fait naturellement partie, mais le pilotage du patrimoine devra s’intéresser à des thématiques allant au-delà d’un critère unique de surface utile nette par agent.

Les principes de politique immobilière de l’État, testés en phase « stratégie » de cette expérimentation, se veulent à la base d’une démarche rationnelle et pragmatique. Il pourra donc être fait exception à la règle de 12 m² SUN par poste de travail, à condition d’en justifier précisément la ou les raisons (spécificités métiers telle que l’exigence de confidentialité, contraintes architecturales, etc.).

D’autre part, afin d’éviter la confusion entre poste de travail et effectif équivalent temps plein (ETP), les deux données sont demandées aux utilisateurs et seront comparées à des ratios de référence.

Dans le cadre des conventions d’utilisation, il a été instauré un suivi dans le temps de la surface utile nette par poste de travail qui doit inciter les utilisateurs à réduire leur ratio. Si la trajectoire de densification n’est pas respectée, des mesures financières peuvent être prises à une périodicité de trois ans.

Une modulation du ratio ?

Le Rapporteur spécial estime qu’une modulation du ratio pourrait être envisagée. Il estime que ce plafond de 12 m² pourrait faire l’objet d’une adaptation en fonction des zones. Il devrait être de seulement 10 m2 dans les quartiers centraux ou dans les quartiers d’affaires de Paris où le prix de location du m2 est très élevé. En revanche une marge de dépassement pourrait être acceptée dans les territoires où le prix du m² est très faible.

C. LA LOI SUR LA MOBILISATION DU FONCIER PUBLIC POUR LE LOGEMENT : 75 MILLIONS DE DÉCOTE DEPUIS 2013

Le dispositif de cession avec décote de biens domaniaux mobilisés en faveur du logement est monté en puissance entre 2014 et 2015.

1. Les amendements présentés en loi de finances pour 2016

Un premier amendement, présenté en commission des Affaires économiques, supprime le plafonnement à 30 % de la décote des biens du ministère de la Défense qui avait été introduit par l’article 3 de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019. Le foncier du ministère de la Défense correspond souvent à des emprises fortement polluées dont la transformation est complexe. Le plafonnement était en voie de faire échouer des négociations en cours.

Un second amendement du Gouvernement consistant à élargir le périmètre de la décote aux bâtis ne nécessitant pas de restructuration est en cours de préparation (cession d’anciens logements ne nécessitant pas de travaux lourds pour pouvoir être remis sur le marché du logement) et devrait être proposé au Parlement selon les informations fournies au Rapporteur.

2. Les cessions effectuées

Parmi les cessions effectuées, cinq d’entre elles peuvent être citées pour le caractère emblématique des opérations de construction projetées, lié respectivement à leur nature, à leur ampleur ou à leur localisation. Il s’agit de :

– l’hôtel de police Castéja à Bordeaux (Gironde), d’une valeur vénale de 18 millions d’euros, cédé 12 millions d’euros après application d’une décote de 6 millions d’euros (soit 33 %). Il y sera réalisé un programme mixte de 224 logements, dont 169 sociaux (sous plafond de ressources), et des équipements publics. La perte de recettes conduit à une subvention de l’État de 35 502 euros par logement social,

– la caserne Mellinet à Nantes (Loire-Atlantique), d’une valeur vénale de 19 millions d’euros, cédée 6 millions d’euros après application d’une décote de 13 millions d’euros (soit 67 %). Il y sera réalisé un programme de 1 700 logements, dont 1 190 sociaux, avec également des équipements publics. La perte de recettes conduit à une subvention de l’État de 10 924 euros par logement social,

– l’ancienne bibliothèque de l’Inalco située 4, rue de Lille à Paris (VIIème), d’une valeur vénale de 6,2 millions d’euros, cédée 1,4 million d’euros après application d’une décote de 4,8 millions d’euros (soit 77 %). Il y sera réalisé 18 logements exclusivement sociaux. La perte de recettes conduit à une subvention de l’État de 266 667 euros par logement social,

– les immeubles de la rue Mouzaïa dans le 19ème arrondissement de Paris, d’une valeur vénale de 26 millions d’euros, cédés 6,7 millions d’euros, qui ont fait l’objet d’une décote de 19 millions d’euros (soit 76 %). Il y sera réalisé 284 logements sociaux. La perte de recettes conduit à une subvention de l’État de 67 000 euros par logement social,

– les immeubles de la rue Saint-Pétersbourg et de la rue d’Amsterdam d’une valeur vénale de 19 millions d’euros ont été cédés à 5,7 millions d’euros après une décote de 13,4 millions d’euros (soit 77 %). Il y sera réalisé 84 logements sociaux. La perte de recettes conduit à une subvention de l’État de 159 524 euros par logement social.

Au 1er octobre 2015, l’effort financier consenti par l’État sous forme de moindre recette à l’occasion de ces cessions décotées s’élève à 75 millions d’euros, pour un produit total de cessions de 47 millions d’euros (soit 26 biens ou ensemble de biens cédés pour des valeurs vénales cumulées de 122 millions d’euros). Pour l’ensemble des cessions, les taux globaux de décote oscillent entre 26 % et 84 % de la valeur vénale des biens.

Le tableau en annexe 2 sur les biens de l’État cédés avec décote sur le prix de cession du foncier public de 2013 au 1er octobre 2015 précise pour chaque bien cédé le programme prévisionnel des logements, le montant et le taux de décote.

Un ensemble de dossiers de cession sont actuellement avancés, de sorte que les signatures des actes de vente pourront intervenir d’ici la fin de l’année 2015.

Des aléas, qu’ils soient liés à la situation des sols (pollués, inondables), à l’occupation illégale des lieux (squat), aux exigences des acquéreurs (signature préalable d’un compromis de vente sous conditions suspensives), peuvent ralentir les dossiers. Les collectivités territoriales ont été sensibilisées au fait que le législateur n’avait pas entendu favoriser la constitution de réserves foncières et que les décotes consenties par l’État reposent sur un programme de construction de logements précis qui seul permet de calculer la décote en fonction de sa composition en logements sociaux. Un « effet tunnel » est inévitable entre l’identification du foncier cessible et sa cession effective. C’est la raison pour laquelle les cessions prochaines correspondent généralement soit à des projets engagés depuis plusieurs années, soit à des programmes d’ampleur limitée.

3. Le préfet de région, unique interlocuteur de la ville de Paris

Lors de la réunion interministérielle du 24 février 2015, le Premier ministre a décidé d’un nouveau cadre de négociation entre l’État et la ville de Paris s’agissant de la cession du foncier public reposant sur deux principes :

Le préfet de Paris et d’Île-de-France est désigné en qualité de représentant de l’État propriétaire au plan local et responsable de la stratégie immobilière de l’État dans la région comme unique responsable des négociations sur le foncier de l’État avec la ville de Paris.

Son périmètre de négociation est élargi, puisqu’il comprend non seulement l’intégralité des biens de l’État sans limitation en termes d’occupant actuel ou d’usage futur du site, mais associant également les opérateurs de l’État.

Il doit être mis un terme aux négociations bilatérales et le préfet est chargé de rechercher la solution la plus pertinente du point de vue de l’État propriétaire. Une position portée par un seul interlocuteur doit permettre d’assurer une meilleure protection des intérêts de l’État.

Si le Rapporteur spécial se félicite que la politique immobilière de l’État soit également une politique support au service des logements sociaux, il s’étonne des conditions dans lesquelles sont prises certaines décisions de mise en œuvre, plus particulièrement sur le secteur très tendu de la Ville de Paris. Une priorité doit être donnée aux organismes HLM.

Les décotes consenties par l’État à l’occasion de la cession de ses biens pour permettre la création de logements sociaux constituent à la fois une perte de recettes pour la réalisation de ses propres opérations immobilières et une aide indirecte venant s’ajouter aux autres dispositifs d’accompagnement de la politique d’aide au logement.

Une attention particulière doit être portée à l’occasion de la révision du plan local d’urbanisme de Paris aux pertes de valeurs des biens de l’État.

D. UNE DÉMARCHE SYSTÉMATIQUE D’OPTIMISATION DES BAUX PORTÉE PAR LE MINISTÈRE DU BUDGET

1. Des économies annuelles de 30 à 45 millions d’euros

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, il a été annoncé que l’État poursuivrait une politique active de renégociation des baux dans le parc privé afin de réaliser des économies annuelles de 30 à 45 millions d’euros.

Le service France Domaine a élaboré, en partenariat avec le service des achats de l’État, une démarche d’optimisation des baux privés de l’État, de ses établissements publics et opérateurs mise en œuvre dès la fin de l’année 2015 sur l’ensemble du territoire. Elle intervient dans un double contexte. D’une part, les dépenses locatives constituent une charge conséquente et les loyers acquittés sont parfois trop élevés. La conjoncture du marché immobilier locatif, compte tenu du taux de vacance actuel du parc, est favorable aux occupants, les bailleurs s’efforçant de les fidéliser, notamment lorsqu’ils présentent une signature de qualité. D’autre part, la réorganisation des administrations déconcentrées de l’État doit être l’occasion d’une rationalisation des surfaces occupées et constitue une opportunité de négociation pour l’État vis-à-vis de ses bailleurs.

La démarche d’optimisation des baux vise à réaliser des économies budgétaires en réduisant le loyer économique et/ou en obtenant des franchises de loyers, en renégociant des clauses défavorables des contrats, en déménageant vers un autre site moins onéreux – domanial ou locatif –, en relogeant des services sur un site densifié, en modifiant les usages ou modalités d’utilisation des espaces.

Les renégociations peuvent conduire à des réductions de loyers, mais aussi à la prise en charge de travaux d’amélioration des conditions de travail des agents ou d’accueil des usagers, ou des travaux contribuant aux objectifs de performance énergétique.

Les premières opérations porteront d’abord sur les prises à bail de locaux de bureaux des administrations et des opérateurs de l’État et viseront les contrats à forts enjeux.

Le ministre des finances et le secrétaire d’État chargé du budget ont sollicité, par courrier circulaire, le concours de l’ensemble des membres du Gouvernement et des préfets. Le pilotage de la démarche sera assuré sous le contrôle des préfets de région par les RPIE.

Ces renégociations constituent un investissement pour l’avenir, d’une part parce que les gains réalisés seront cumulés sur les futurs exercices budgétaires, et ce jusqu’au terme des engagements contractuels, et d’autre part, parce que la démarche ne se limite pas à négocier les seuls contrats en cours mais à rendre les services du Domaine aptes à mieux défendre les intérêts de l’État-preneur à bail.

2. Une opération exemplaire de formation à la négociation des baux menée par France Domaine

En octobre 2015, une action de formation dédiée à la négociation des baux a été proposée avec un prestataire privé, expert de l’immobilier.

120 personnes ont été formées sur deux jours. Le recrutement d’experts privés ne sera plus nécessaire que pour les très grosses négociations. 90 % des renégociations débouchent sur des économies (baisse des loyers, prise en charge des travaux améliorant la qualité de vie des agents ou des utilisateurs…).

Dans un deuxième temps, cette démarche de formation sera étendue à la cession de biens.

E. LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES (AAI) PRENNENT EN COMPTE À DES DEGRÉS VARIABLES LES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L’ÉTAT

1. Les possibilités d’action de France Domaine dépendent de la bonne volonté des AAI

Concernant les loyers dépassant le plafond de 400 euros/m² et, plus généralement, le respect des normes et ratios de performance de la politique immobilière de l’État, il convient de savoir si l’autorité administrative reçoit le concours financier de l’État et si elle est soumise par son texte fondateur au contrôle permanent d’un contrôleur budgétaire. Les AAI qui ne le sont pas peuvent être considérées comme des autorités publiques indépendantes qui bénéficient d’une certaine liberté dans leurs choix immobiliers.

La plupart des AAI acceptent de se conformer aux objectifs de la politique immobilière de l’État

D’une manière générale, les AAI acceptent de se conformer aux objectifs de la politique immobilière de l’État et sollicitent France Domaine pour les aider à conduire leur projet immobilier – à l’exception de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (deux implantations très au-dessus du ratio à 692 euros et 642 euros) qui indique qu’elle relève de la Banque de France.

Les baux de certaines AAI ont été renégociés par France Domaine avant que ne soit mis en place le plafond de 400 euros/m²/an (norme à Paris intra-muros), ce qui peut expliquer pourquoi certains loyers, avec le jeu de l’indexation annuelle, soient aujourd’hui au-dessus de ce plafond. Par exemple la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et le MNE ont été regroupés en 2009 à 448 euros, permettant de réaliser une économie substantielle puisque le loyer de la CRE était précédemment à 923 euros. De même, le loyer du Conseil supérieur de l’audiovisuel a été renégocié en 2009 de 575 euros à 431 euros. Cette dernière renégociation a été menée dans le cadre du marché public de renégociation des baux de plus de 500 000 euros par an lancé par France Domaine en 2009.

Postérieurement à la mise en place de ce plafond de 400 euros et toujours dans le cadre de ce marché public de renégociation, certaines AAI ont été accompagnées pour un relogement, dans le cas où une renégociation n’était pas possible : la Commission des comptes de campagne (relogée à 400 euros) ou l’Autorité de sûreté nucléaire (relogée en bordure du périphérique parisien, nettement en dessous du plafond).

Plus récemment, en 2014, ce sont les baux de la CNIL et du Défenseur des droits qui ont été renégociés. Le nouveau loyer demeure au-dessus de 400 euros mais il s’agit d’une dérogation accordée dans la mesure où, avec d’autres AAI ayant trait aux libertés publiques, celles-ci seront regroupées dans le futur centre de Gouvernement Ségur-Fontenoy à compter du milieu de l’année 2016.

Enfin s’agissant des baux des AAI en cours de traitement, l’HCERES (ex-AERES) actuellement logée à 717 euros sera relogée en 2016 sur un site négocié avec le concours de France Domaine à 375 euros.

Certaines sont récalcitrantes

– L’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) a une implantation au Mans et une à Paris. La surface utile brute (SUB) de celle du Mans est 1 564 m2 pour 59 postes de travail (soit 26 m2 de SUB par poste de travail).

– L’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) loue 27 750 mètres carrés pour 1 121 postes de travail soit plus de 24 m2 par poste de travail. Les locations se situent en centre d’affaires avec de loyers charges comprises entre 640 et 690 euros le mètre carré. L’Autorité a refusé de transmettre un schéma pluriannuel de stratégie immobilière considérant qu’elle relève de la Banque de France.

– L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) loue 4 342 m2 pour 176 postes de travail, soit plus de 24 m2 par poste de travail, au prix de 477 euros du m2.

2. Le Rapporteur spécial proposera au Conseil de l’immobilier de l’État d’auditionner certaines AAI

Le tableau figurant en annexe 3 indique les coûts de l’immobilier des AAI. Ce tableau a été réalisé à partir de données déclaratives des AAI. Ces données n’ont fait l’objet d’aucun contrôle par France Domaine. Le CIE qui auditionne les opérateurs de l’État sur leur stratégie immobilière pourrait aussi auditionner les AAI.

IV. LA RATIONALISATION DES IMPLANTATIONS DES ADMINISTRATIONS CENTRALES

A. LE NOUVEAU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE À BALARD

1. Le regroupement des entités du ministère sur un site unique est effectif

Le projet Balard répondait à trois objectifs :

– améliorer la gouvernance du ministère en rassemblant sur un site unique les états-majors et les directions autrefois dispersés sur une douzaine de sites parisiens. Sur ce point le Rapporteur spécial tient à rappeler l’importance qu’il accorde à la présence du ministre sur le site ;

– rationaliser la gestion des emprises immobilières du ministère en libérant une ressource foncière importante en plein Paris et rationaliser le soutien et le fonctionnement de l’administration centrale en mutualisant les ressources ;

– réussir un grand projet architectural qui marquera Paris et le ministère de la Défense tout en améliorant substantiellement le cadre de travail des personnels civils et militaires.

Le projet a été réalisé dans le cadre d’un contrat de partenariat public/privé signé en mai 2011 avec un groupement d’entreprises réunies au sein d’une société de projets « Opale Défense » dont le mandataire est Bouygues construction.

D’après les données fournies au Rapporteur spécial par le ministère de la Défense en septembre dernier, le montant total du contrat, c’est-à-dire le cumul des redevances sur 27 années d’exploitation, de 2014 à 2041, a été évalué initialement à 3,54 milliards d’euros constants hors taxes (valeur décembre 2010) et la redevance annuelle moyenne à payer par ministère de la Défense de 2015 à 2041 à 130 millions d’euros hors taxes, soit 154 millions d’euros toutes taxes comprises, conformément à l’évaluation préalable réalisée en 2009.

Depuis la signature, un certain nombre d’événements et aléas ont généré un surcoût en matière d’investissement de l’ordre de 87 millions hors taxes, mais des économies à hauteur de 146 millions d’euros hors taxes ont été possibles grâce aux cristallisations des taux intervenues en octobre 2013, février et avril 2015.

En conséquence la redevance moyenne annuelle sur la durée de l’exploitation a baissé de 3 % par rapport au montant prévu initialement au contrat et s’élève à 148,5 millions d’euros constants toutes taxes comprises.

Les ressources nécessaires au financement de cette redevance sont uniquement assurées par redéploiement des crédits budgétaires actuels. L’opération devrait être financièrement neutre pour le ministère.

Les gains attendus portent sur la qualité des services obtenus et l’optimisation du regroupement des entités du ministère sur un lieu unique. En l’absence du projet Balard, le ministère aurait dû investir dans les prochaines années des sommes importantes pour mettre en état les bâtiments existants et les réseaux de systèmes d’information et de communication.

Les mises à disposition des principaux ouvrages ont eu lieu en février, puis avril 2015. Elles ont été assorties d’un nombre très élevé de réserves dont la plupart ont été levées.

L’ensemble des états-majors de l’armée et les centres opérationnels ont été transférés avant l’été.

Le Rapporteur spécial, s’il se félicite de cette opération de regroupement sur un site unique de l’ensemble des états-majors de l’armée, sera très attentif à la présence du ministre et de ses cabinets, tant militaire que civil, sur ce site.

2. Le devenir des emprises « libérées » : des recettes attendues inférieures aux estimations initiales

Le séquençage des cessions a permis d’éviter la saturation du marché et de réaliser la vente des biens de l’État dans des conditions performantes.

Les cessions de l’ensemble Penthemont Bellechasse et de la caserne de la Pépinière ayant été réalisées respectivement en juin 2014 et janvier 2015, et compte tenu de l’abandon du transfert de la caserne Lourcine au CROUS de Paris, du fait des besoins en hébergement liés à l’opération Sentinelle, seules les opérations de l’hôtel de l’Artillerie (Saint Thomas d’Aquin) et de l’îlot Saint Germain restent à réaliser dans Paris intra-muros.

Ces deux opérations représentent néanmoins l’essentiel des ressources attendues sur le CAS pour les années 2016 et 2017, d’où l’attention toute particulière que le Rapporteur spécial portera aux conditions de cession de ces biens pastillés par le plan local d’urbanisme (PLU) de la Ville de Paris ou le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) pour le VIIème arrondissement.

La caserne de la Pépinière

La Ville de Paris ayant renoncé à l’exercice de son droit de priorité en mai 2014, l’opération de cession par appel d’offres a été lancée début juillet 2014. La cession est intervenue en janvier 2015, pour 118 millions d’euros. Le ministère de la Défense continue cependant à occuper le site par le biais d’une convention d’occupation à échéance du 31 mars 2016 conclue avec le nouveau propriétaire.

a. L’hôtel de l’Artillerie : une offre d’acquisition de la Fondation nationale des sciences politiques d’un montant tenant compte d’une éventuelle modification des règles d’urbanisme susceptibles d’être décidées par la ville de Paris

À la faveur du départ des services du ministère de la Défense, la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) souhaite se porter acquéreur de l’hôtel de l’Artillerie, en vue de la création d’un nouveau campus regroupant quatorze sites locatifs de Sciences Po et une salle multifonctionnelle semi-enterrée. La localisation de l’hôtel de l’Artillerie au cœur du quartier Saint-Germain-des-Prés et à proximité immédiate du site principal de Sciences Po (27 rue Saint Guillaume) lui semble correspondre pleinement à ses besoins immobiliers et constituer un atout privilégié au regard de l’attractivité internationale de l’établissement, qui compte 43 % d’étudiants étrangers.

Le Premier Ministre a, lors de la réunion interministérielle du 15 juin 2015, acté le principe de cession de l’Hôtel de l’Artillerie au profit de Sciences Po sous réserve que soient confirmés le montant des travaux et la soutenabilité budgétaire de l’opération et que, pour répondre aux observations formulées par le Conseil de l’immobilier de l’État dans son avis en date du 20 mai 2015, Sciences Po réalise une analyse complète des hypothèses de localisation alternatives, notamment au regard de l’opération Campus Condorcet. Enfin il a demandé la saisie de la commission pour la transparence et la qualité des opérations immobilières de l’État (CTQ), dès communication par Sciences Po de son offre définitive.

La Fondation nationale des sciences politiques a fait une offre d’acquisition au profit de Science Po Paris d’un montant tenant compte d’une éventuelle modification des règles d’urbanisme susceptibles d’être décidées par la ville de Paris qui pourrait entraîner une perte de recettes pour le budget de l’État.

Conformément à l’article 5 du décret du 10 février 2012 relatif à la CTQ qui impose de recueillir l’avis de cette dernière préalablement à toute cession de gré à gré d’un montant supérieur à 2 millions d’euros, la commission a été saisie sur le projet de cession de gré à gré à la FNSP.

En ce qui concerne le montant des travaux, son évaluation sera soumise à l’avis du Commissariat général à l’investissement.

L’évaluation initiale de l’hôtel de l’Artillerie par France Domaine était de 104 millions d’euros sans prise en compte d’aucune contrainte de logement social ou de service public. Il est à noter que cette estimation date de 2009 et que son actualisation donnerait à l’évidence un montant supérieur.

Le Rapporteur spécial a remarqué qu’un immeuble, siège d’un opérateur de la ville de Paris, situé à 50 mètres de l’Hôtel de l’Artillerie, a été cédé au prix du marché (26,6 millions d’euros) et sans qu’aucune obligation liée au logement social ou à l’enseignement supérieur n’ait été fixée par la ville de Paris.

L’obligation de réalisation de logements sociaux ne s’appliquerait pas dans le cadre d’une cession à Sciences Po puisqu’une dérogation est prévue pour les projets de Construction et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (CINASPIC) parmi lesquelles figurent les établissements d’enseignement supérieur.

Si un autre projet devait voir le jour, il serait soumis à l’obligation de réalisation de 30 % de logements sociaux – et donc à une forte décote – sauf en cas de vente à un établissement d’enseignement supérieur qui serait alors très probablement une université étrangère. La conclusion de l’opération est attendue pour le 2ème trimestre 2016.

Le Rapporteur spécial souhaiterait avoir une estimation de l’Hôtel de l’Artillerie au prix du marché, libre de toute contrainte, dont le caractère soit incontestable pour que la vente à la FNSP, si elle doit se faire, corresponde à un choix politique fait en toute connaissance de cause et donc en toute transparence.

b. L’îlot Saint Germain : une moins-value difficile à estimer

L’îlot Saint Germain libéré dans le cadre du projet Balard sera aliéné sauf l’hôtel de Brienne qui compte tenu de sa valeur historique demeure dans le patrimoine de l’État.

Le Préfet de la région Ile-de-France a été mandaté pour négocier les conditions de la cession de ce site avec la ville de Paris, en lien avec le service France Domaine et le ministère de la Défense. Compte tenu des opérations préalables à la cession restant à réaliser (démantèlement, séparation des réseaux…) et de l’importance de ce site, la cession n’est pas attendue avant la fin de 2017.

Au regard des obligations de réalisation de logements sociaux inscrites dans le projet de modification du Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du VIIème arrondissement de Paris (30 % quelle que soit la destination de l’immeuble) et du retrait du bâtiment des Jardins de la partie cessible, les recettes attendues, évaluées à 200 millions d’euros par le ministère de la Défense, sont inférieures aux estimations initiales.

L’ilot Saint-Germain sera cédé en application de la réglementation en vigueur. La Ville de Paris pourra exercer son droit de priorité et, en cas de refus, il sera procédé à une cession par appel d’offres. À ce stade de la procédure, il n’est pas possible d’identifier des acquéreurs potentiels.

Compte tenu des incertitudes sur le nombre de logements sociaux qui seront construits sur ce site, aucune évaluation actualisée de France Domaine n’est disponible. La Ville souhaiterait aller au-delà des 30 % réglementaires pour compenser la cession de Bellechasse intervenue libre de tous droits. Trois hypothèses sont à l’étude qui, compte tenu de la configuration des lieux, pourraient être de 34, 38 ou 46 %. Une négociation est en cours entre l’État et la Ville de Paris.

c. L’ensemble Brienne

S’agissant de l’occupation et de l’usage de l’ensemble Brienne- Bourbon Busset-la Lionne, la question relève du ministre et de son cabinet. Le bâtiment des Jardins est conservé par l’État pour des raisons de sécurité (vues directes sur l’ensemble Brienne) et son occupation par plusieurs ministères, dont celui de la Défense, est prévue sans condition de durée.

B. LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE

1. L’opération Millénaire : une opération de qualité

« Le Millénaire », situé à Paris dans le 19ème arrondissement, est un immeuble de construction neuve destiné à regrouper sur un site unique la majeure partie des services de l’administration centrale du ministère de la justice. L’acquisition de cet immeuble, qui répond aux critères de performance immobilière et de qualité environnementale, permet un gain de loyers annuels important (20 millions d’euros) pour près de 35 000 m² de surfaces louées, ainsi que la vente d’un immeuble domanial situé rue Halévy à Paris. Toutefois l’optimisation des surfaces occupées aurait pu être meilleure.

Une avance interministérielle de 21 millions d’euros a été accordée au budget opérationnel de programme justice à partir du CAS immobilier de l’État afin de permettre le paiement de l’avance preneur à la signature du crédit-bail de l’immeuble. L’encaissement du produit de cession de l’immeuble parisien de la rue Halévy intervenu en août 2015 a permis de rembourser l’avance consentie par le CAS immobilier et de conforter ainsi l’équilibre de l’opération.

2. Le projet du futur Palais de justice sur la ZAC des Batignolles traduit les ambitions de progrès et de modernisation de la Justice

Les services du Palais de justice sont actuellement éclatés sur cinq principaux lieux parisiens dont le site historique de l’Île de la Cité. Les postes de travail sont insuffisants et les justiciables accueillis dans des espaces inadaptés. Les locaux sont difficilement accessibles, en particulier pour les personnes en situation de handicap. L’entrée, commune avec celle de la Sainte Chapelle dont le flux de visiteurs est très important, constitue un réel problème.

Le projet du futur Palais de justice sur la ZAC des Batignolles porte sur 62 000 m2 de surface utile incluant les juridictions suivantes :

– tribunal de grande instance ;

– tribunaux d’instance (regroupement des 20 tribunaux d’instance sur le site) ;

– tribunal de police ;

– services de l’officier du ministère public ;

– tribunal des affaires de la sécurité sociale ;

– espaces support (bibliothèque, salles de réunion, restaurant…).

Les travaux ont dû être arrêtés en 2013 en raison des recours en justice de l’association « La justice dans la cité » qui se sont traduits par un refus de financement de la part des banques. L’année 2014 a été marquée par la fin de l’ensemble des recours existant et la reprise des travaux.

La Ville de Paris a proposé à l’ordre des avocats parisiens une emprise située sur le futur parvis du Palais de justice de Paris. La préfecture de police a lancé en janvier 2012 un concours portant sur la réalisation de nouveaux locaux sur le site pour la direction régionale de la police judiciaire.

Le Rapporteur spécial s’est rendu sur le site du futur Palais de justice.

Le bâtiment comportera 38 étages sur 160 mètres de hauteur en sus des trois niveaux de sous-sol. Il comprendra 30 salles d’audiences pénales, dont deux pour les procès haute sécurité et 60 salles d’audience civiles. Un dispositif de report vidéo entre les grandes salles et la salle des colloques qui est intégrée au projet permettra de répondre aux sollicitations pour les procès hors norme. Le premier noyau de l’immeuble de grande hauteur est en train d’être monté au rythme de 1,60 m par jour. La réception des travaux est prévue pour le 30 juin 2017 et le déménagement des services devrait se dérouler au cours du dernier trimestre 2017.

L’établissement public du Palais de justice de Paris (EPPJP), établissement public administratif sous tutelle du ministère de la Justice, a pour mission de concevoir et de réaliser le futur palais de Justice aux Batignolles. À ce titre l’EPPJP a signé, au nom et pour le compte de l’État, le contrat de partenariat avec une entreprise privée Arelia.

Un décret prévoit une collaboration étroite entre cet établissement et l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) qui recrute et gère directement les personnels de l’EPPJP et lui fournit ses moyens de fonctionnement. Opérateur du ministère de la justice, l’Agence exerce la totalité des attributions de la maîtrise d’ouvrage pour les opérations qui lui sont confiées par le ministère.

a. Le choix du contrat de partenariat public privé

Le choix a été fait d’un montage en contrat de partenariat pour répondre à la complexité du projet et permettre le transfert de risques. Le contrat, signé en février 2012, couvre le financement, la conception et la construction du projet, l’entretien, la maintenance et le renouvellement du gros entretien, l’exploitation de certains services (accueil, nettoyage, gestion des déchets, fourniture de fluides, sécurité incendie).

La durée de la période d’exploitation est de 27 ans. Le maître d’ouvrage et partenaire privé est la société Arelia, l’architecte mandataire est l’agence Renzo Piano et le promoteur et constructeur du projet, la société Bouygues.

Le contrat prévoit l’atteinte de niveaux de performance exigeants tout au long de la période d’exploitation. À l’issue de cette période, le bâtiment doit être remis à l’administration en bon état. Ces deux points doivent conduire l’État à engager une réflexion importante quant à l’organisation des responsabilités et des compétences à réunir pour la gestion du contrat en phase d’exploitation.

b. Un coût total de 2,47 milliards d’euros

Le coût des sommes à verser à Arelia au titre du contrat est de 2,33 milliards d’euros auquel il faut ajouter les dépenses relatives au foncier, à l’aménagement de la ZAC et la dotation à l’EPPJP, ce qui établit le coût total du projet à 2,47 milliards d’euros.

DÉTAIL DU COÛT DU CONTRAT

Investissement

Financement

1,37 Mds €

Coût de conception- construction

640 M€

Soit 50,5 M€ redevance immobilière annuelle (*) pendant 27 ans

Frais financiers permettant le portage du financement du projet pendant les 5 ans de la construction :

85 M€

Total investissement

725 M€

Coût de financement :

642 M€

Fonctionnement

960 M€

   

Soit 35,5 M€ de redevance de fonctionnement annuelle moyenne (**) pendant 27 ans

Sommes à verser au titre du contrat

2,33 Mds €

   

Soit une moyenne de 86 M€ (***) pendant 27 ans

Foncier : acquisition du terrain

63,86 M€

     

Participation frais aménagement ZAC 

60,4 M€

     

Dotation frais établissement public du palais de justice de Paris (EPPJP) :

21,5 M€

     

Total

2,47 Mds €

     

(*) : la redevance immobilière est une annuité constante calculée précisément lors de la fixation des taux intervenue le 28 mai 2014 qui a permis de réaliser une baisse de plus de 300 millions d’euros sur le financement de l’investissement, soit une diminution de 20 % (loyer définitivement fixé à hauteur de 1,367 milliard d’euros sur 27 ans).

(**) : la redevance de fonctionnement est calculée chaque année en fonction des indices d’inflation. Le chiffre présenté dans le tableau est une estimation à ce stade, basée sur des hypothèses prudentes d’évolution des indices d’inflation. Compte tenu de l’évolution de l’inflation, la redevance de fonctionnement augmente chaque année ; le chiffre indiqué dans le tableau est donc une moyenne théorique.

(***) : le loyer du ppp est composé d’une annuité fixe (redevance immobilière) et d’une part variable (redevance de fonctionnement) le montant indiqué est donc une moyenne théorique dito la redevance de fonctionnement.

c. Des économies seront générées

Le futur palais de justice de Paris-Batignolles générera des économies de loyers, de charges locatives et d’entretien liées :

– au regroupement des services du tribunal de grande instance actuellement disséminés sur six sites : le pôle financier et le parquet national financier situés rue des Italiens, le pôle nationalité, outre le tribunal des affaires de sécurité sociale et le tribunal de police ;

– à la fusion des 20 tribunaux d’instance parisiens en une seule juridiction qui aura son siège au palais de justice de Paris-Batignolles. Cette fusion aura pour conséquence la restitution par l’État aux mairies d’arrondissement des locaux dans lesquels ces tribunaux étaient hébergés ;

– ainsi qu’à terme, au regroupement des services externalisés de la cour d’appel de Paris et de la Cour de cassation, voire d’autres juridictions et entités qui, après restructuration du palais historique de l’Île de la Cité, pourront occuper les surfaces libérées.

Chiffres clés de l’opération Batignolles

– Redevance fonctionnement du futur Palais de justice : 35,5 millions d’euros par an en moyenne

– Économies loyers induites par le regroupement aux Batignolles : 12 millions d’euros par an

– Total économies loyers induites après restructuration de l’Île de la Cité : 20 millions d’euros par an *

(*) Économies de loyers (hors frais de gardiennage, nettoyage et autres) induites par le regroupement des seuls services de la cour d’appel et de la Cour de cassation, indépendamment des autres juridictions et entités susceptibles de rejoindre l’Île de la Cité après restructuration.

3. Le devenir du Palais de justice historique après le déménagement du TGI sur le site de Batignolles

a. Une absence de réflexion anticipatrice dénoncée par le CIE

Le Conseil de l’immobilier de l’État avait préconisé une réflexion anticipatrice pilotée par France Domaine sur le devenir du Palais de justice de Paris dès avril 2013 avec remise d’une étude fin juin 2013. Le CIE regrette que ces travaux n’aient pas été conduits dans ces échéances et que l’étude aujourd’hui lancée ait été décidée par le principal ministère occupant qui choisit le prestataire et fixe les critères d’étude en dehors de l’État propriétaire qui ne pilote pas cette opération d’envergure.

Le Palais de justice est un ensemble immobilier historique de 130 000 mètres carrés de surface hors œuvre brute (SHOB).

ENSEMBLE IMMOBILIER ACTUEL DU PALAIS DE JUSTICE (SHOB)

Ministère de la Justice

108 000 m2

Cour de cassation, cour d’Appel de Paris, TGI de Paris, Tribunal de commerce de Paris

Ministère de l’Intérieur

18 000 m2

Services de la préfecture de Police (DRPJ, DSP, laboratoires de la police scientifique et de l’identité judiciaire)

Ministère de la Culture

4 000 m2

Conciergerie

Total pour les trois ministères

130 000 m2

 

Source : ministère de la Justice.

Le départ du TGI sur le site de Batignolles libérera au sein de l’actuel Palais de justice environ 23 000 m2 de surface utile potentielle, dont environ 13 000 m2 de bureaux, 30 salles d’audience, quatre salles de réunion et une bibliothèque.

b. Le scénario de restructuration : une étude très attendue de l’APIJ

La Cour de cassation et la Cour d’Appel de Paris se maintiendront sur le site. L’APIJ est missionnée pour procéder aux diverses études préalables à la reconversion du site. La mission comprend l’ensemble des éléments liés à la connaissance du site (diagnostics, études historiques, contraintes réglementaires et patrimoniales, etc.), aux études de programmation des entités amenées à se déployer ou à rejoindre le site, et aux scénarios d’occupation en fonction des contraintes énumérées précédemment.

La réflexion sera menée en concertation avec les ministères de l’Intérieur (occupant du 36 quai des Orfèvres), et de la Culture (Conciergerie et Sainte Chapelle) et avec France Domaine, représentant l’État propriétaire. Les scénarios seront accompagnés systématiquement d’une analyse coûts/bénéfices.

Le ministère de la Culture souhaiterait réunir dans un parcours cohérent la Conciergerie et la Sainte Chapelle (actuellement enclavée car son accès est dépendant de l’accès au Palais de Justice) en un seul espace de visite, avec une entrée unique et un circuit indépendant des espaces « justice ».

La restructuration du Palais de justice devra prendre en compte de fortes contraintes qui limitent les potentialités d’optimisation des locaux dont, notamment, le classement « monument historique » depuis 1862, l’inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO (au titre des berges de la Seine), la nécessité de mettre hors inondation les installations vitales du Palais (électricité, informatique, téléphonie), la sécurité incendie ainsi que la sûreté du site qui nécessite une séparation stricte des espaces ouverts au public, des espaces tertiaires et des espaces sensibles.

Le rapport devrait être livré en début d’année 2016 afin de valider le scénario de restructuration. Le lancement de la phase opérationnelle pourrait intervenir dès le début de l’année 2016 pour engager les premiers travaux après libération des locaux du TGI à la fin de l’année 2017.

Au-delà de la Cour de cassation et de la Cour d’appel de Paris, les scénarios permettront de définir le ou les entités du ministère de la justice qui pourront éventuellement rejoindre le site. L’École nationale de la magistrature qui occupe des locaux (3 ter quai des fleurs) destinés à la formation continue des magistrats, à la formation des magistrats étrangers et aux formations dites spécialisées des magistrats non professionnels, est l’une des entités qui sera étudiée.

V. LE PROJET D’EXPLOITATION DE L’HÔTEL DE LA MARINE PAR LE CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX

Le projet d’exploitation de l’Hôtel de la Marine par le Centre des monuments nationaux (CMN) a fait l’objet d’évolutions en 2015 qui remettent partiellement en cause le schéma initial présenté au Rapporteur spécial l’année dernière.

On rappellera que ce bâtiment prestigieux, ancien garde-meuble de la Couronne, était le siège de l’État-major de la Marine nationale. Après le départ définitif de cet État-major vers les nouvelles installations du ministère de la Défense à Balard en décembre 2015, l’Hôtel de la Marine sera confié en gestion dans sa totalité au Centre des monuments nationaux et restera ainsi propriété pleine et entière de l’État.

1. Le projet initial du CMN a été validé en réunion interministérielle le 7 août 2014

Après la remise d’un premier rapport le 15 avril 2014, le CMN a travaillé, en lien avec ses tutelles et avec la Caisse des dépôts et consignations, à l’élaboration d’une proposition culturellement ambitieuse et viable financièrement pour l’ouverture au public et la gestion de ce monument après le départ de l’État-major de la Marine. Cette proposition présentait les caractéristiques suivantes :

– le CMN est l’opérateur unique du projet et responsable de la maîtrise d’ouvrage ;

– le CMN disposera du bâtiment, classé monument historique dans sa totalité à compter du 1er janvier 2016 ;

– les galeries patrimoniales du 1er étage seront ouvertes au public. Conformément à ses missions, le CMN a conçu un projet pour rendre accessible les appartements historiques prestigieux de l’Hôtel, notamment les salons d’apparat ouvrant sur la colonnade de la Place de la Concorde. Le circuit de visite comprendra également des espaces rappelant la présence de la Marine dans le bâtiment, ainsi que des espaces d’exposition temporaire et des espaces de médiation et de services, représentant une surface totale d’environ 4 400 m;

– les espaces de bureaux (2ème, 3ème et 4ème étages) feront l’objet d’une valorisation économique ;

– au rez-de-chaussée sont prévus une boutique libraire, des espaces de médiation et d’aide à la visite, des lieux de restauration et snacking ;

– les modalités de financement du projet reposent sur une contribution du CMN sur ses fonds propres, le recours à un emprunt sur le long terme auprès de la Caisse des dépôts (section du fonds d’épargne) et les revenus issus de l’exploitation du bâtiment ;

– l’ouverture du monument est prévue au cours de l’année 2017.

2. Une solution d’exploitation patrimoniale partiellement remise en cause en mars 2015

À la demande du ministre des Affaires étrangères en charge du tourisme, M. Laurent Fabius, l’exploitation de l’Hôtel doit désormais s’attacher, dans la destination des espaces rénovés, à valoriser les traditions et les savoir-faire d’excellence de la France, en particulier d’excellence gastronomique. L’ouverture au public du monument doit ainsi contribuer au rayonnement international et à l’attractivité touristique de Paris.

Lors des réflexions préalables à la définition de ce nouveau périmètre, des réactions et controverses se sont faites jour. Le Président Giscard d’Estaing s’est ému que les préconisations de sa commission sur l’avenir de ce bâtiment ne soient pas totalement respectées. Ces nouvelles orientations ont également suscité des critiques de l’Académie des Beaux-Arts qui a rappelé « l’importance hautement historique de ce monument » et souligné « la qualité de ce bâtiment édifié par Ange-Jacques Gabriel à la demande de Louis XV ».

a. Le communiqué de presse de la Présidence de la République du 20 mars 2015 a stabilisé les contours du projet :

« Le projet d’avenir de l’Hôtel de la Marine, siège de l’État-major de la Marine jusqu’en mai 2015, situé sur le site prestigieux de la place de la Concorde, va être enrichi pour offrir à la France et sa capitale un lieu phare de valorisation de nos patrimoines.

Au premier étage, se trouvera un espace muséal de 4 000 mètres carrés. Les appartements et salons historiques de l’Hôtel de la Marine seront ouverts, pour la première fois, au public.

C’est un monument historique majeur, chef-d’œuvre du XVIIIe siècle, offrant l’un des plus beaux points de vue sur la Concorde, le jardin des Tuileries, la Seine et la Tour Eiffel, qui sera ainsi rendu accessible à tous.

Le rez-de-chaussée du bâtiment sera conçu pour faire découvrir aux touristes étrangers et à nos compatriotes le patrimoine gastronomique français, classé au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO.

L’Hôtel de la Marine reflétera ainsi l’excellence française dans toute sa richesse et contribuera à renforcer l’attractivité de notre pays.

Le Centre des monuments nationaux assurera le développement de ce projet et l’exploitation du bâtiment. À ses côtés, M. Martin AJDARI, directeur général des médias et des industries culturelles, sera chargé d’une mission de coordination ayant pour objectif de faire aboutir ce projet ambitieux dont l’ouverture au public devrait avoir lieu début 2017. »

b.  La découverte du patrimoine gastronomique français : une ambition touristique associée aux problématiques culturelles

Le CMN reste l’opérateur unique du projet Hôtel de la Marine et responsable de la maîtrise d’ouvrage. L’ouverture au public des galeries patrimoniales du premier étage n’est pas remise en cause de même que la location des espaces professionnels aux étages supérieurs dont peut être attendue une recette permettant de faire face aux charges d’emprunt.

Un projet scientifique, culturel et éducatif autour de ces nouvelles exigences est en cours de définition. L’exploitation de l’Hôtel doit faire converger la promotion de la gastronomie avec la dimension patrimoniale de l’Hôtel. Les surfaces ont été revues, le projet de promotion de la gastronomie étant susceptible de concerner la majeure partie du rez-de-chaussée notamment les espaces desservis par la cour d’honneur.

 c. Un équilibre économique à trouver pour ce nouveau périmètre

Le montant des travaux prévisionnels semble beaucoup plus élevé (de l’ordre de 110 millions d’euros alors que dans le cadre du projet initial il était évalué à 60 millions d’euros) en raison de l’aménagement des parties dédiées à la promotion de la gastronomie ;

Si les conditions de financement sont confirmées dans leur principe (contribution sur ses fonds propres par le CMN à hauteur de 19,5 millions d’euros et recours à l’emprunt auprès de la CDC), l’éventualité d’une dotation budgétaire du MAEDI au titre de la promotion du patrimoine gastronomique et de son attractivité touristique est actuellement envisagée.

Un premier appel d’offres d’assistance à maîtrise d’ouvrage a été publié en mai dernier dont l’objet est d’assister le CMN pour la définition du programme scientifique, culturel et économique du volet de promotion de la gastronomie. Le groupement composé du Studio Adrien Gardère et des agences Alimentation Générale et Le troisième pôle a été retenu. Un second appel d’offres a été également organisé par le CMN afin de préparer la commercialisation des surfaces de bureaux qui a conduit à la désignation de la société ICADE.

Depuis les derniers arbitrages, le projet est entré dans une phase opérationnelle de conception et de définition de l’ensemble de ses composantes. L’ouverture au public devrait avoir lieu courant 2018.

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de M. Christian Eckert, secrétaire d’État en charge du budget, et de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique (voir le compte rendu de la commission élargie du 30 octobre 2015 à 15 heures (1)), la commission examine les crédits des missions Gestion des finances publiques et des ressources humaines, Crédits non répartis et, Régimes sociaux et de retraite, ainsi que des comptes spéciaux Gestion du patrimoine immobilier de l’État et Pensions et l’article 57, rattaché.

Suivant l’avis favorable des rapporteurs spéciaux Mme Karine Berger, MM. Jean-Louis Dumont et Michel Pajon et malgré l’avis défavorable du rapporteur spécial M. Camille de Rocca Serra, la commission adopte les crédits de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, sans modification.

Puis, suivant l’avis favorable de M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial, la commission adopte les crédits du compte spécial Gestion du patrimoine immobilier de l’État et sur l’avis favorable de M. Michel Pajon, rapporteur spécial, elle adopte les crédits de la mission Crédits non répartis, sans modification.

Enfin, la commission adopte suivant l’avis favorable de M. Yves Censi, rapporteur spécial, les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte spécial Pensions, sans modification.

Suivant l’avis favorable de M. Michel Pajon, rapporteur spécial, la commission adopte l’article 57 sans modification.

*

* *

ANNEXE 1 :
LISTE DES DÉPLACEMENTS ET AUDITIONS
RÉALISÉS PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

– Visite du nouveau site du ministère de la Défense à Balard avec M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration du ministère de la Défense et Madame Nathalie Barraillé-Jordan, adjointe du chef de cabinet

– Audition de M. Philippe Bélaval, président du centre des monuments nationaux et de Mme Isabelle Enjalbert, adjointe à la directrice du projet de l’Hôtel de la Marine

– Visite du futur Palais de Justice de Paris-Batignolles avec M. Éric Lucas, secrétaire général du ministère de la Justice, Madame Marie-Luce Bousseton, directrice générale de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice, M. Yves Lansoy, directeur de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice

– Audition de M. Arnaud Lunel, conseiller au cabinet du secrétaire d’État au budget

– Audition de Mme Nathalie Morin, chef du service France Domaine

ANNEXE 2 : BIENS DE L’ÉTAT CÉDÉS AVEC DÉCOTE «FONCIER PUBLIC» DE 2013 À 2015

Commune

Site Adresse

Utilisateur

Nombre de logements programmés

Dont sociaux

Programme prévisionnel

Opérateur pour le logement social

Date de cession

Valeur vénale

Décote et déductions

Prix de cession

Taux global de décote

Exercice 2013

CAEN

Caserne Martin

Intérieur

157

65

50 LLS (910 m2 PLAI, 2 590 m2 PLUS) + 15 accession sociale (1 000 m2) + crèche

EPF de Normandie

11/07/13

4 365 000

1 123 076

3 241 924

26 %

Sous-total 2013

   

157

65

     

4 365 000

1 123 076

3 241 924

26 %

Exercice 2014

SAINT-MALO

Hôtel de police
3, place des frères Lamenais

Intérieur

15

15

5 PLAI + 10 PLUS

Commune de Saint-Malo

21/03/14

747 014

627 930

119 084

84 %

GRENOBLE

42, avenue Marcelin Berthelot

Agriculture

151

84

67 logements libres + 84 sociaux (PLAI,

PLUS, PLSA)

SAGES

24/03/14

3 750 940

2 746 600

1 004 340

73 %

GOURDON

340, quai des
Cordeliers

Finances

9

9

Maison-relais de 9 places (PLAI)

OPH du Lot

07/05/14

200 000

100 000

100 000

50 %

VAL DE REUIL

Zac des Noés

Écologie

91

91

Logements sociaux (PLAI, PLUS, PLSA) + équipements

publics

Commune de Val de Reuil

18/07/14

155 550

51 550

104 000

35 %

BORDEAUX-MERIGNAC

11, rue Galilée

Écologie

55

55

40 logements collectifs

familiaux + maison relais de 15 logements

Communauté Urbaine de Bordeaux

09/10/14

1 938 627

963 627

975 000

50 %

BORDEAUX

Hôtel de police Castéja 87, rue de l’Abbé de l’Epée

Intérieur

224

169

55 logements libres, 36 en accession à la propriété, 24 PLS, 63 PLUS, 46 PLAI

OPH
Gironde Habitat

31/10/14

17 932 896

5 806 236

12 126 660

33 %

BORDEAUX

59, rue Joseph Brunet

Défense

23

23

23 logements sociaux (PLAI, PLUS)

Communauté Urbaine
de Bordeaux

27/11/14

376 200

226 200

150 000

60 %

KOUROU

3, av. Victor Hugo

Écologie

52

52

52 logements sociaux

SIMKO

02/12/14

280 000

140 000

140 000

50 %

PONTOISE *

70-72, avenue du Général Schmitz

Écologie

268

268

Résidence sociale de 268 studios (PLAI)

RSF
(filiale I3F)

08/12/14

2 534 600

2 382 300

152 300

50 %

ROMAINVILLE

Talus de l’A3

Ecologie

177

39

177 logements dont 39 sociaux

SEQUANO

Aménagement

15/12/14

1 486 346

898 480

587 866

60 %

NANTES

Caserne Mellinet

Défense

1 700

1 190

510 logements libres

+ 1 190 sociaux (PLAI, PLUS, PLS,

PLSA) + équipements publics

EPFL Loire-Atlantique

19/12/14

19 426 954

13 126 954

6 300 000

67 %

Sous-total

2014

   

2765

1995

     

48 829 127

27 069 877

21 759 250

55 %

Exercice 2015

SAVIGNY-SUR-ORGE

La ferme champagne 6-18, avenue de Longjumeau

Justice

65

65

65 logements sociaux (4500m²), dont 40 PLUS et 25 PLAI

Commune
de Savigny

12/01/15

2 499 550

1 125 157

1 374 393

45 %

VIROFLAY **

6, rue de Versailles

Ecologie

172

145

Un EHPAD de 4 000m² + 88 logements locatifs dont 27 en accession libre et 61 sociaux

Commune
de Viroflay

12/01/15

8 961 790

5 664 116

3 297 674

49 %

MÉRIGNAC

Cité Adrienne Bolland

Ecologie

14

14

14 PLAI

Communauté Urbaine
de Bordeaux

20/02/15

1 651 774

51 774

1 600 000

30 %

ALÈS

Rue du Dr Mercier

Non-affecté

22

22

15 PLUS + 7 PLAI

Logis Cevenol

27/02/15

95 000

55 005

39 995

58 %

POITIERS

14, rue Scheurer Kestner

Premier ministre

17

17

5 PLS + 6 PLUS + 6 PLAI

Logiparc

26/03/15

472 515

221 015

251 500

47 %

RODEZ

Rue de la Fauvette

Défense

12

12

8 PLUS + 4 PLAI

OPH de Rodez

27/03/15

106 786

40 396

66 390

38 %

MARSEILLE

4, rue Docteur Acquaviva

Défense

24

24

10 PLAI + 14 PLUS

Logirem

21/04/15

920 000

220 000

700 000

24 %

VANDOEUVRE-LÈS-NANCY

Allée des myosotis

Enseignement supérieur

39

39

Maison-relais de 25 places (PLAI) + 14 LLS pour personnes âgées (PLUS)

OPH Meurthe

et Moselle

Habitat

29/04/15

930 282

752 929

177 353

81 %

TOURS

Rue Plat d’Etain

Enseignement supérieur

47

46

60 places d’hébergement soit 46 logements PLAI +1 logement non conventionné

OPH Tours Habitat

19/06/15

427 000

281 820

145 180

66 %

PARIS

4, rue de Lille

Enseignement supérieur

18

18

18 logements sociaux (PLAI, PLUS, PLS)

Elogie

26/06/15

6 238 080

4 830 650

1 407 430

77 %

DIJON

École Nationale des Greffes1, bd de la Marne

Justice

50

50

28 PLAI, 18 PLUS, 4 PLS

OPH Dijon Habitat

01/07/15

1 515 000

867 337

647 663

57 %

PARIS

26, 26bis rue Saint Pétersbourg et 73 rue d’Amsterdam

Economie

84

84

PLAI(1 569 m2, PLUS 3 079m2, PLS(1 162m2)

SIEMP

22/07/15

19 080 000

13 377 750

5 702 250

77 %

PARIS

58-66 rue de Mouzaïa

Intérieur

284

284

PLAI (5 249m²), PLUS (5 605m²)
100 logements sociaux étudiants, un foyer de jeunes travailleurs (64 places), 14 logements-ateliers d’artistes, un CHU de 126 places (soit 106 logements
)

RIVP

29/07/15 

25 900 000

19 200 000

6 700 000

76%

CLERMONT-FERRAND

40 rue du Port

Non affecté

9

9

3 PLAI (105 m²),

6 PLUS (355 m²)

LOGIDOME

05/08/15

240 000

90 000

150 000

38 %

Sous-total 2015

   

857

829

     

69 037 777

46 777 949

22 259 828

68 %

Total général

   

3 355

2 466

     

122 231 904

74 970 002

47 261 002

61 %

* : Une décote de 50 % a été appliquée. Des frais de démolition (700 000 euros) et une indemnité versée par l’État (415 000 euros) sont en plus déduits du prix de cession.

** : la valeur vénale initiale de 11 390 170 euros a été diminuée des surcoûts techniques liés aux contraintes (géotechniques, de vibration et de pollution) du terrain estimées à 2 428 380 euros et portée à 8 961 790 euros.

Source : France Domaine.

ANNEXE 3 : L’IMMOBILIER DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

(données déclaratives des Autorités n’ayant pas fait l’objet de contrôles par France Domaine)

AAI

Adresse

Nature de l’occupation

Postes
de travail

Surface
SUB
en m
2

Loyer

HT HC/m²
en euros

Charges

HT/m²

en euros

Agence française de lutte contre le dopage (ALFD)

229, boulevard Saint Germain

75007 Paris

(siège)

locative

20

513

496

(valeur 2012)

31

143, avenue Roger Salengro

92290 Châtenay-Malabry

(laboratoire)

mise à disposition gracieuse de locaux du CREPS

40

1 300

néant

ND

Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

(HCERES) [ex AERES]

20, rue Vivienne

75002 Paris

locative

180

3 003

717

47

Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA)

244, boulevard Saint Germain

75007 Paris

domaniale

11

243

néant

ND

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

61, rue Taitbout

75009 Paris

locative

(centre d’affaires)

650

17 293

692

ND

53, rue de Châteaudun

75009 Paris

locative

(centre d’affaires)

471

10 549

642

ND

Autorité des marchés financiers (AMF)

17, place de la Bourse

75002 Paris

locative

341

7 073

380

102

4/6, place de la Bourse

75002 Paris

locative

209

4 611

367

101

Autorité de la concurrence (ADLC)

11, rue de l’Échelle

75001 Paris

locative

90

2 438

399

ND

6, avenue de l’Opéra

75001 Paris

domaniale

57

1 743

néant

ND

3, place de Valois

75001 Paris

locative

53

1 080

381

ND

Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF)

33, avenue du Maine

75015 Paris

locative

29

751

340

125

57, boulevard Demorieux

72000 Le Mans

locative

59

1 564

132

19

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

7, square Max Hymans

75015 Paris

locative

176

4 342

477

92

Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL)

99 -101, rue Leblanc

75015 Paris

locative

58

1 515

399

ND

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

15, rue Louis Lejeune

92120 Montrouge

locative

258

7 415

348

(valeur 2015)

66

Bureau central de tarification (BCT)

1, rue Jules Lefebvre

75009 Paris

mise à disposition gratuite par le GIE GSPA

1

22

néant

ND

Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE)

35, rue Saint Dominique

75007 Paris

domaniale

10

288

néant

ND

Commission d’accès aux documents administratifs (CADA)

35, rue Saint Dominique

75007 Paris

domaniale

18

274

néant

ND

Commission centrale permanente et compétente en matière de bénéfice agricole

 

pas d’occupation

0

néant

néant

néant

Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN)

35, rue Saint Dominique

75007 Paris

domaniale

10

263

néant

ND

Commission des infractions fiscales (CIF)

98, rue de Richelieu

75001 Paris

locative

6

120

398

72

Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CCFP)

34-36, rue du Louvre

75001 Paris

locative

93

1 724

400

(valeur 2015)

32

Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République (CNCCEPR)

98, rue de Richelieu

75001 Paris

pas d’occupation

0

néant

néant

néant

Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)

35, rue Saint Dominique

75007 Paris

domaniale

11

néant

néant

néant

Commission nationale consultative des droits de l’homme

35, rue Saint Dominique

75007 Paris

domaniale

17

247²

néant

ND

Commission nationale du débat public (CNDP)

244, boulevard Saint Germain

75007 Paris

domaniale

10

266

néant

ND

Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC)

61, boulevard Vincent Auriol

75013 Paris

(Chevaleret)

domaniale

0

néant

néant

Néant

Commission nationale de l’informatique et des libertés

(CNIL)

8, rue Vivienne

75002 Paris

locative

204

2 991

450

44

12, rue Vivienne

75002 Paris

locative

 

562

421

24

Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP)

3, rue de Valois

75001 Paris

domaniale

15

401

néant

ND

Commission des participations et des transferts (CPT)

98, rue de Richelieu

75001 Paris

locative

11

300

398

72

Commission de régulation de l’énergie (CRE)

15, rue Pasquier

75008 Paris

locative

145

3 807

448

46

Commission de la sécurité des consommateurs (CSC)

61, boulevard Vincent Auriol

75013 Paris

domaniale

13

180

néant

ND

Commission des sondages (CS)

1, place du Palais Royal

75001 Paris

domaniale

2

32

néant

ND

Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)

98, rue de Richelieu

75001 Paris

locative

38

561

398

70

Conseil supérieur de l’agence France-Presse (CSAFP)

1, place du Palais Royal

75001 Paris

domaniale

1

néant

néant

néant

Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)

Tour Mirabeau

43, quai André Citroën

75015 Paris

locative

454

7 413

507

126

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

16/18, quai de la Loire

75019 Paris

locative

27

502

305

67

Défenseur des droits (DDD)

7 et 9, rue Saint-Florentin

75008 Paris

locative

183

3 518²

444

14

9-11, rue Saint-Georges

75009 Paris

locative

129

3 105

494

49

Haute autorité de santé (HAS)

2, avenue du Stade de France

93218 Saint-Denis-la-Plaine

locative

261

5 960

317

55

266, avenue du Président Wilson

93218 Saint-Denis-la-Plaine

locative

218

5 209

354

66

Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C)

10, rue Auber

75009 Paris

locative

65

1 078

633

53

Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI)

4, rue du Texel

75014 Paris

locative

50

1 109

458

84

Médiateur national de l’énergie (MNE)

15, rue Pasquier

75008 Paris

sous-locataire de la CRE

48

1 045

448

46

Médiateur du cinéma (MC)

3, rue Boissière

75116 Paris

occupation gratuite des locaux du CNC

3

84

néant

ND

Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP)

99, boulevard Malesherbes

75008 Paris

Sous-location (Messageries de Presse, ministère de la Culture)

5

ND

néant

ND

Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN)

Caserne Renaudin Bâtiment 10
17000 La Rochelle

domaniale

ND

ND

néant

ND

Source : France Domaine.

ANNEXE 4 :
LA PHILHARMONIE DE PARIS

SOMMAIRE

I. LE PROJET DE LA PHILHARMONIE DE PARIS

A.  UN PROJET AMBITIEUX

1. Des enjeux musicaux mais aussi culturels et pédagogiques

2. Le projet architectural de Jean Nouvel s’est imposé

B.  UNE RÉALISATION TROP LONGUE

1. Dix ans entre le lancement de l’opération et l’inauguration du bâtiment

2. Un portage du projet jugé par la Philharmonie économe des deniers publics

C.  LES EXPLICATIONS DE LA PHILHARMONIE SUR LE PASSAGE DU COÛT DE 120 À 391 MILLIONS D’EUROS

1. Une confusion entre le coût de la construction (120 millions d’euros) et le coût global des travaux (234 millions d’euros)

2. Le budget global initial de 234 millions d’euros

3. Le passage de 234 à 340 millions d’euros

4. L’augmentation du coût à périmètre constant : le passage de 340 à 381 millions d’euros

5. Le passage de 381 à 391 millions d’euros maximum

D. DES EXPLICATIONS QUI N’ÉCARTENT PAS LE PROBLÈME DE LA SOUS-ESTIMATION INITIALE DU COÛT DU PROJET

II. DES DIFFICULTÉS RÉCURRENTES DANS LA CONDUITE DU PROJET

A.  LES PRINCIPALES DÉRIVES DU PROCESSUS DE RÉALISATION

1. Un projet d’une rare complexité

2. Un soutien politique instable, facteur d’allongement des délais et de surcoûts

3. Un suivi par les tutelles long à se mettre en place

4. Des retards qui ont aussi été à l’origine d’une explosion des coûts

B.  LE FINANCEMENT DU BUDGET DES TRAVAUX A ÉTÉ DE PLUS EN PLUS DIFFICILE

1. Un surcoût de 40 millions pris entièrement en charge par l’État, après le refus de la mairie de Paris de le partager

2. Des incertitudes demeurent sur le coût final évalué entre 385 et 389 millions d’euros par la Philharmonie

C.  LES PROCÉDURES CONTENTIEUSES VONT ÊTRE TRÈS LONGUES

1. La Philharmonie de Paris a engagé une procédure de référé contre les Ateliers Jean Nouvel au début de l’année 2014

2. Fin 2014, Jean Nouvel assigne la Philharmonie devant le TGI de Paris

3. Ces contentieux n’ont pas permis la voie d’une médiation

III. CONSÉQUENCES ET INTERROGATIONS

A.  DEPUIS 2012, DES AVANCÉES ONT ÉTÉ RÉALISÉES EN MATIÈRE D’ÉVALUATION DES PROJETS D’INVESTISSEMENTS PUBLICS

1. Les éléments indispensables à une meilleure gestion des coûts et des échéanciers des grands projets d’infrastructure

2. Les mesures réglementaires et législatives adoptées depuis 2012

3. Un travail en commun de France Domaine et de la direction du budget a été entrepris sur les critères d’évaluation économique et budgétaire

B.  LE BUDGET DE FONCTIONNEMENT DE LA PHILHARMONIE : L’ÉQUILIBRE DU PARTENARIAT EST ABANDONNÉ

1. L’État confirme son engagement de départ

2 La Ville de Paris diminue de 30 % sa contribution et le principe d’une gestion paritaire est abandonné

3. Un taux d’autofinancement de 47 % satisfaisant

4. Un mécénat et un développement à l’international indispensables

5. Des recettes commerciales appelées à un fort développement

6. Des dépenses contenues en 2015

7. Des premiers chiffres de fréquentation très encourageants

C. UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC ENGLOBANT LA CITÉ DE LA MUSIQUE ET LA PHILHARMONIE DE PARIS A ÉTÉ CRÉÉ EN SEPTEMBRE 2015

D. LES ÉCONOMIES DÉGAGÉES PAR LA NOUVELLE GESTION DE LA SALLE PLEYEL

1. La salle Pleyel a été rachetée par la Cité de la musique en 2009

2. En 2015, l’exploitation de la salle Pleyel est confiée à un opérateur privé

E. LE SUIVI DU PROJET EST ESSENTIEL ET DES POINTS D’INQUIÉTUDE POUR L’AVENIR DEMEURENT

TABLEAU COMPARATIF DES POINTS DE DÉSACCORD ENTRE LA MAÎTRISE D’œUVRE ET LA MAÎTRISE D’OUVRAGE

I. LE PROJET DE LA PHILHARMONIE DE PARIS

La Philharmonie de Paris est un grand projet d’équipement musical centré autour d’une salle de concert symphonique dont la qualité d’acoustique sera une des plus remarquables du monde. Son ambition est de repositionner Paris au premier rang des métropoles mondiales dotées d’auditoriums de qualité. Elle sera aussi un témoignage du patrimoine parisien du début du siècle et constituera un repère symbolique et architectural.

Le processus de réalisation de la Philharmonie de Paris a été entamé en 2006 après un accord entre l’État et la Ville de Paris pour construire sur le site de la Villette une grande salle symphonique. Les travaux ont été faits sur une emprise disponible et appartenant à l’État. C’est la première fois qu’une collaboration Ville de Paris/ministère de la Culture était envisagée pour un grand projet d’infrastructure culturel sur la base d’un partage 50/50.

En avril 2007, le jury du concours international organisé pour choisir le maître d’œuvre, présidé par le ministre de la culture et le Maire de Paris, a retenu le projet des Ateliers Jean Nouvel. En 2008, le marché de construction a été attribué au groupement Bouygues et le chantier a débuté par le creusement des fondations. Après une période de suspension du chantier d’un an et demi environ dans l’attente d’une décision politique (le premier ministre, François Fillon et le ministère du Budget étaient contre le projet, mais Nicolas Sarkozy tranche et confirme l’ambition initiale) et à la négociation du marché avec Bouygues, la construction de la Philharmonie a été relancée en février 2011.

À ce jour les travaux sont quasiment achevés. L’ouverture en janvier 2015, dans des conditions très difficiles pour les personnels et contestées par Jean Nouvel, était indispensable au respect des engagements pris auprès de musiciens dont la programmation était bouclée depuis plus d’un an et des publics à qui sont destinés les équipements.

Le contact avec le public a été essentiel pour la mise au point des derniers travaux. Toutes les principales configurations ont été testées et ont nécessité des ajustements induits par la façon dont le public s’est comporté au cours de ces premières représentations.

Le lieu accueille deux orchestres résidents, l’Orchestre de Paris et l’Ensemble intercontemporain ainsi que trois formations associées : l’Orchestre de chambre de Paris, l’Orchestre national d’Ile-de-France et les Arts florissants.

Le point fixe sur ce projet a été incarné par Laurent Bayle, directeur général de la Cité de la musique depuis 2001 et président, de 2006 à 2015, de l’association de préfiguration de la Philharmonie de Paris dont la mission a été d'assurer la maîtrise d'ouvrage de la construction de la Philharmonie ainsi que son exploitation.

A. UN PROJET AMBITIEUX

1. Des enjeux musicaux mais aussi culturels et pédagogiques

Démocratiser la vie musicale et créer le public de demain

L’objectif fixé par le ministère de la culture à la création de la Philharmonie était d’élargir et de démocratiser les publics de musique classique pour enrayer l’attrition de la clientèle actuelle vieillissante.

L’abaissement des tarifs permis grâce au nombre de places de la grande salle (2 400 places, soit 600 places de plus qu’à Pleyel) devrait permettre de développer une politique de démocratisation de la vie musicale.

La localisation de la salle dans l’Est parisien renouvelle et équilibre les lieux de diffusion de la musique classique à Paris. L’objectif est d’attirer des publics de proximité et de nouveaux publics habitant l’Est parisien et plus largement le Grand Paris et d’éviter un surcroît d’offres dans l’Ouest parisien avec l'Auditorium de Radio France (1 450 places) auquel viendra s’ajouter l’Auditorium de l'Ile Seguin (1 200 places).

 Se différencier des salles de l’Ouest parisien sur le plan éducatif

Le projet artistique et pédagogique de la Philharmonie de Paris-Cité de la musique – développer l’expérience du concert et la pratique artistique auprès de nouveaux publics plus jeunes et aux origines sociales plus diverses – se distingue de ceux des salles accueillant les répertoires classiques qui couvrent l’ouest parisien. Le projet éducatif est au cœur du projet de la Philharmonie de Paris.

 Répondre aux besoins des musiciens et constituer un atout pour l’attractivité et le rayonnement de Paris

La nécessité d’un auditorium symphonique de rang international est une évidence de longue date pour Paris. Le projet de la Philharmonie ajoute des espaces qui manquaient cruellement : une salle de concert de 2 400 places à l’acoustique exceptionnelle pouvant accueillir des orchestres symphoniques de plus de cent musiciens (permettant ainsi d’assurer le répertoire musical symphonique des XIXème et XXème siècles), des espaces de répétition pour les musiciens (la Philharmonie accueille cinq orchestres en résidence ou associés et offre 15 salles de répétition), et des espaces pédagogiques élargis au regard des ambitions de développement des publics affichées par le projet ( 2 000 m2 de plus d’espaces pédagogiques). Des espaces de type restaurants, librairie… ont été ajoutés pour que ce nouveau complexe musical soit aussi un lieu de vie.

DEMOS, projet pilote et symbole de la politique de transmission de la Philharmonie de Paris

La Philharmonie de Paris, dans la continuité de la Cité de la musique, pilote un projet d’orchestres de jeunes constitués d’enfants habitant les quartiers relevant de la politique de la ville. Ce projet DEMOS (dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale) s’adresse à des jeunes de sept à quatorze ans n’ayant pas, pour des raisons sociales, culturelles et économiques, accès aux institutions musicales existantes. Ces jeunes ont quatre heures de répétition par semaine-hors temps scolaire- en groupe de quinze dans leur quartier et se réunissent en format orchestre tous les mois dans leur département. En fin d’année, ils vont se produire à la Philharmonie de Paris qui pilote aujourd’hui huit orchestres. La réussite du projet (plus de 50 % des enfants après trois années passés dans ce dispositif s’inscrivent dans les conservatoires, les résultats scolaires et le comportement général sont améliorés) a conduit la Philharmonie à étendre cette expérience d’ici 2018 à l’ensemble du territoire. Elle devrait toucher 3 000 enfants (environ 30 orchestres) et marque l’ancrage de la Philharmonie dans les territoires.

Le patrimoine de l’ensemble Philharmonie - Cité de la musique

Salle de concerts :

– une salle symphonique de 2 400 places majoritairement dédiée aux grands orchestres symphoniques français et internationaux (Philharmonie), mais la salle étant modulable des concerts de musiques actuelles ou de musiques du monde peuvent être donnés (la jauge peut passer alors à 3 600 places) ;

– une salle de concert modulable de 900 places, idéale pour des formations moins importantes en terme de nombre de musiciens et pouvant accueillir tous les genres musicaux ;

– un amphithéâtre de 240 places pour des récitals, musique de chambre… ;

– des salles de répétition : une salle destinée à des répétitions générales ouvertes au public (200 personnes), cinq autres salles de répétition et dix studios de travail.

Lieux d’exposition :

– un musée avec une collection permanente installée à la Cité de la musique. Les anciens espaces d’expositions temporaires, assez mal agencés et situés sur deux étages, devraient être dévolus à de nouvelles activités, notamment éducatives ;

– des espaces d’expositions temporaires de 800 m2 à la Philharmonie où sont organisées deux expositions par an.

Espaces dédiés aux activités éducatives :

– dans les espaces éducatifs de la Cité de la musique se déroulent tous les ateliers autour du son et des musiques actuelles ;

– dans les espaces éducatifs de la Philharmonie couvrant 2 000 m2 se déroulent tous les ateliers de pratique musicale collective (musique classique et musique du monde) pour les adultes et les enfants (famille, scolaires, groupes constitués…).

Des lieux de vie : restaurants, librairie.

2. Le projet architectural de Jean Nouvel s’est imposé

Laurent Bayle est convaincu de l’importance de la qualité architecturale du bâtiment. Lui, comme la maîtrise d’ouvrage, soulignent l’intelligence remarquable du site dont témoigne le projet de Jean Nouvel.

Laurent Bayle : le projet de Jean Nouvel était le seul qui répondait à toutes nos demandes

« Tout le sens de la Philharmonie, c’est de créer de nouveaux rituels participatifs, afin de toucher de nouveaux publics et d’articuler pour cela la programmation des concerts autour d’ateliers pédagogiques, la pratique musicale amateur pour enfants, pour adultes ou même pour les familles. C’est d’imaginer de nouvelles expositions que permettent les nouveaux espaces.

« C’est encore de façonner la programmation en fonction des rythmes de vie en pensant différemment la semaine et le week-end. Je crois que l’on ne peut changer le rapport au concert et trouver de nouveaux publics, sans changer le contexte dans lequel il a lieu. Le projet de Jean Nouvel était le seul qui répondait à toutes nos demandes. Il avait, de plus, pensé, imaginé le bâtiment dans son contexte, dans son paysage, dans la totalité des espaces possibles. Tout était mis en relation : le parc, le boulevard périphérique, Paris, sa banlieue… Il avait compris toutes les contraintes, tenu compte de la nécessité complexe et impérative de faire exister ce bâtiment placé en seconde ligne visuelle sans qu’il apparaisse comme une simple extension de la Cité de la musique.

« Il fallait affirmer le primat de la Philharmonie, car la Ville la finançait à 50/50 avec l’État, alors que la Cité de la musique relevait du financement de l’État à 100 %. Il devait être immédiatement évident et visible dans l’espace ! Le projet de Jean Nouvel répondait à la totalité de ces contraintes artistiques et politiques.

« L’esprit qui fonde l’esthétique du bâtiment renvoie à une conception très simple que Jean Nouvel a de la musique. Par exemple, les oiseaux qu’il a mis sur la façade symbolisent l’envol, cela pourrait évoquer Messiaen, mais c’est bien au-delà de lui. C’est la légèreté, le côté impalpable de la musique, comme est légère la structure des balcons de la salle. Là, rien n’écrase… Tout est aérien… Comme sont « légers » les matériaux : l’aluminium lui-même, l’inox brillant qui sont comme des tourbillons sonores… chacun peut aborder, ressentir ce bâtiment comme il l’entend. L’architecture toujours divise, mais il me semble que ce lieu inspire comme aucun autre…

« La salle au design et aux propriétés acoustiques résolument innovants est le produit du travail de Jean Nouvel et du cabinet d'acoustique néo-zélandais Marshall Day. On se libère du gigantisme, grâce à l’idée géniale de décoller les balcons des murs, de créer entre eux des passerelles, comme on en utilise pour entrer dans un avion… On a la même immensité globale de volume qu’à Rome ou Los Angeles, mais avec une intimité réinventée par ces balcons… »

Propos recueillis par la journaliste Mme Jeanne-Martine Vacher le 18 décembre 2014 et par le Rapporteur spécial le 9 avril 2015.

B. UNE RÉALISATION TROP LONGUE

1. Dix ans entre le lancement de l’opération et l’inauguration du bâtiment

Entre le lancement de l’opération en octobre 2005 et l’inauguration de la Philharmonie en janvier 2015, près de dix années se sont écoulées.

Historique du processus de réalisation

Octobre 2005 : le Premier ministre, Dominique de Villepin, indique son intention de donner suite au projet de la Philharmonie.

Mars 2006 : accord entre la Ville de Paris et l’État pour construire une grande salle de concert symphonique de 2 200 à 2 500 places dans le 19ème arrondissement.

Avril 2007 : à l’issue d’un concours international, le jury retient le projet des Ateliers Jean Nouvel sur la base d’un coût prévisionnel de construction de 120 millions d’euros.

2008 : creusement des fondations par Bouygues.

Février 2009 : lancement d’une procédure d’appel d’offres restreint qui se révèlera infructueuse en raison de surcoûts significatifs par rapport aux évaluations initiales de l’association de préfiguration de la Philharmonie.

Septembre 2009 : remise de l’offre de Bouygues dans le cadre d’un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence à hauteur 303,7 millions d’euros.

Septembre 2009 – février 2011 : Dix-sept mois de retard pris dans le lancement du chantier.

Novembre 2010 : accord entre la Ville de Paris et l’État sur le financement paritaire du fonctionnement de la Philharmonie.

Janvier 2011 : après quatre mois de négociation avec le constructeur (janvier-avril 2010) et huit mois de remise en cause du projet (mai-décembre 2010), le marché unique de construction, maintenance et entretien est signé entre le directeur de la Philharmonie et Bouygues pour un montant de 218,6 millions d’euros.

Février 2011 : démarrage du chantier.

Automne 2013 : la Ville de Paris et l’Etat décident de regrouper dans un seul établissement la Cité de la musique, la Philharmonie et l’Orchestre de Paris. Cette fusion n’est toujours pas réalisée.

14 janvier 2015 : inauguration de la Philharmonie en l’absence de Jean Nouvel, qui a considéré que le chantier était loin d’être terminé, et lancement de la saison artistique.

Février 2015 : Jean Nouvel intente une action en justice afin que les 26 « non-conformités » avec le dessin initial soient corrigées.

Avril 2015 : le Tribunal de grande instance de Paris déboute Jean Nouvel de ses demandes relatives au respect de son projet.

Septembre 2015 : création d’un établissement public fusionnant la Cité de la musique et la Philharmonie de Paris,

Fin 2015 : date prévue d’achèvement des travaux pour un coût total qui se situera entre 385 et 389 millions d’euros.

2. Un portage du projet jugé par la Philharmonie économe des deniers publics

a. La maîtrise d’ouvrage assurée par une seule entité : l’Association de préfiguration

Dès l’origine, la Philharmonie est un projet porté conjointement par l’État et la ville de Paris, avec un soutien de 10 % de la Région Ile-de-France (uniquement sur la construction). En raison de ce co-financement, les institutions purement étatiques, comme l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) ou la Cité de la musique ne pouvaient porter le projet. Les tutelles ont donc fait le choix de créer une structure administrative, juridique et budgétaire distincte, sous la forme d’une Association de préfiguration, formule fréquemment retenue pour le pilotage des projets culturels.

Cette association loi de 1901, présidée par Laurent Bayle, directeur général de la Cité de la musique, et dotée d’une équipe restreinte d’une quinzaine de personnes dirigée par Patrice Januel, maître d’ouvrage, a eu pour rôle d’assurer la maîtrise d’ouvrage du chantier.

b. Une implication très forte des équipes de la Cité de la musique à effectifs constants

L’Association n’a pas eu en revanche la charge de préfiguration du projet artistique et pédagogique, comme de l’exploitation future, charge qui a été assumée entièrement par les équipes permanentes de la Cité de la musique pendant les mois et années qui ont précédé l’ouverture.

C’est donc une formule économe pour les deniers publics qui a été mise en place, puisqu’aucun poste spécifique n’a été créé pour la préparation de l’exploitation du nouveau bâtiment avant janvier 2015.

Afin de donner un cadre juridique à cet état de fait, en juillet 2014, en accord avec l’État et la Ville de Paris, la Cité de la musique et l’Association de préfiguration ont conclu une convention de coopération et de mutualisation de moyens par laquelle la programmation et l’exploitation du nouveau lieu sont confiées aux équipes de la Cité. Cette convention préludait à la création d’un établissement unique fusionnant la Cité et la Philharmonie, ce qui est fait depuis le 25 septembre dernier.

C. LES EXPLICATIONS DE LA PHILHARMONIE SUR LE PASSAGE DU COÛT DE 120 À 391 MILLIONS D’EUROS

Le budget global actuel (381 millions d’euros) dépasse de 62 % le budget initial (234 millions d’euros) et la prévision de budget final (389 millions d’euros) dépasse ce dernier de 66 %.

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1. Une confusion entre le coût de la construction (120 millions d’euros) et le coût global des travaux (234 millions d’euros)

Le coût annoncé de 120 millions d’euros est un coût correspondant au seul budget prévisionnel de construction. Il n’incluait ni les honoraires ni le premier équipement et ne peut donc en aucun être comparé au coût actuel de 381 millions d’euros comme cela a souvent été fait dans la presse.

Le coût global du projet estimé initialement à 234 millions d’euros en valeur 2006 a été porté à 340 millions d’euros en valeur 2014, puis à 381 millions d’euros en montant final actuel (hors charges des intérêts d’emprunts pour la partie apportée par la ville de Paris).

2. Le budget global initial de 234 millions d’euros

Le budget initial 2006 (dossier de presse du concours d’architecture faisant état du choix du projet de Jean Nouvel) s’élevait à 234 millions d’euros dont 204 millions d’euros pour les travaux de construction et la totalité des honoraires et 30 millions d’euros pour le premier équipement.

S’agissant des travaux de construction et des honoraires (204 millions d’euros), la répartition était la suivante :

– 130 millions d’euros (euros 2006) pour la construction du bâtiment (sur la base d’une estimation de 120 millions d’euros augmentée d’un taux de tolérance réglementaire de 4 % sur la phase études, puis 5 % sur la phase travaux) ;

– 74 millions d’euros pour la totalité des honoraires (maîtrise d’œuvre, bureaux de contrôle, assurances, études, conseils…).

Le total des honoraires versé à Jean Nouvel a été de 21 millions d’euros. Il correspond au taux de 13,5 % appliqué à la somme de 119 millions d’euros complété par plusieurs avenants relatifs à des modifications apportées au projet par la maîtrise d’ouvrage et à l’indemnisation de Jean Nouvel en 2009-2010 – qui avait recruté une équipe dédiée au projet – en raison de la suspension du chantier.

Les 53 millions restants correspondent à des frais d’honoraires ou d’assurances. En particulier, le respect des normes en matière de sécurité incendie, de sécurité et de sûreté du public et d’accessibilité des personnes handicapées exige pour un projet d’une aussi grande complexité l’intervention de nombreux cabinets d’études et commissions de sécurité agréées. Ils se décomposent ainsi :

– honoraires du contrôleur technique ;

– honoraires de la coordination sécurité et protection de la santé (CSPS) ;

– frais de coordination des systèmes sécurité incendie (SSI) ;

– frais de cellule de synthèse ;

– frais de pilotage du chantier ;

– frais de tirage de plans ;

– frais d’assurance ;

– différents conseils (assistance à maîtrise d’ouvrage), notamment en matière de prévention des risques.

S’agissant du premier équipement (30 millions d’euros), l’enveloppe qui lui était dédiée comprenait l’ensemble des mobiliers, instruments de musique et matériel technique et scénique.

3. Le passage de 234 à 340 millions d’euros

L’Association de préfiguration de la Philharmonie indique que deux raisons majeures expliquent le passage de 234 à 340 millions d’euros :

un ajustement des prix évalué à 66 millions d’euros intégrant l’effet de l’inflation, sur une durée globale plus longue que prévu en raison de l’arrêt temporaire du chantier pendant dix-sept mois, et sur des matières premières dont l’augmentation a été forte entre 2006 et 2014 ;

– des choix stratégiques en faveur de la durabilité du bâtiment pour un total de 40 millions d’euros.

a. 66 millions d’inflation sur la période 2006-2015

L’ajustement des prix évalué à 66 millions d’euros représente 28 % d’augmentation par rapport au prix initial.

Si l’indice des prix à la consommation n’a augmenté que d’environ 12 % entre 2006 et 2014, on a effectivement assisté à une forte augmentation des coûts des facteurs de production de la construction (index BT01) de 24,5 % entre 2006 et 2015, soit 57,3 millions d’euros.

ÉVOLUTION DE L’INDICE DE COÛT DES FACTEURS DE PRODUCTION DE LA CONSTRUCTION (INDEX BT01) ENTRE 2006 ET 2014

Janvier 2006

Janvier 2007

Janvier 2008

Janvier 2009

Janvier 2010

Janvier 2011

Janvier 2012

Janvier 2013

Janvier 2014

Octobre 2014

707,2

740.5

776.8

802.9

807.2

845.8

871.9

884.6

883,5

880,75

Source Insee - (Référence 100 en 1974).

ndice de coût des facteurs de production de la construction (index BT01)

Source : Insee, Ministère de l'écologie, du développement durable, et de l’énergie.

b. Des choix stratégiques en faveur de la durabilité à hauteur de 40 millions qui n’avaient pas été faits au départ

Afin de limiter les coûts de gestion sur le long terme, de nouvelles clauses du contrat ont été signées avec le constructeur prévoyant :

– une maintenance sur quinze ans,

– le renforcement de la sécurité structurelle du bâtiment,

– l’élargissement des polices d’assurances.

Ces choix recouvrent par ailleurs le respect des normes de qualité environnementale.

4. L’augmentation du coût à périmètre constant : le passage de 340 à 381 millions d’euros

À date de valeur et périmètre égaux, pour établir la valeur de l’augmentation du coût du chantier, la maîtrise d’ouvrage de la Philharmonie indique qu’il convient de comparer 340 millions d’euros aux 381 millions d’euros actuels.

Elle considère que le surcoût réel à périmètre constant qui peut être associé à une sous-évaluation initiale est au final de 40 millions d’euros, soit 12 % de dépassement réel et que les éléments qui peuvent expliquer ce surcoût sont les suivants :

– l’estimation initiale était basée sur l’évaluation d’un programme qui précédait le concours d’architecture. Elle est donc à distinguer du projet de Jean Nouvel ;

– la complexité inhérente à un tel projet, avec ses contraintes acoustiques notamment, son exigence en terme de qualité architecturale et sa singularité (toutes les pièces sont quasiment des prototypes), est source de tensions budgétaires au quotidien ;

– le projet architectural de Jean Nouvel a connu des évolutions. Il comprend des éléments d’intégration urbaine et architecturale (telle la création d’un belvédère grâce à un toit parcourable) jugés pertinents par le jury du concours mais qui n’étaient pas prévus dans le programme de départ.

Laurent Bayle indique que « Jean Nouvel a répondu au cahier des charges, mais il a été plus loin encore que ce qui était demandé. Il a, et c’est essentiel, donné encore plus de flexibilité à la salle en imaginant un parterre transformable en un temps record ». Le fait de pouvoir marcher sur le toit et la modularité de la salle – qui va plus loin que ce qui avait été demandé dans le cadre du concours – ont été des éléments constitutifs de coûts supplémentaires.

La démarche de la maîtrise d’ouvrage a été d’assumer l’identité de ce projet architectural et technique d’excellence, tout en veillant à garantir le respect des objectifs initiaux du programme, la modération budgétaire et la tenue des objectifs de calendrier.

5. Le passage de 381 à 391 millions d’euros maximum

En janvier 2013, la Philharmonie de Paris a procédé à une analyse économique et financière du projet, permettant d’en estimer le coût final. Cet examen a conduit à un coût global de 386 milions d’euros. Il convient de préciser qu’une partie non négligeable de ce montant était constitué des révisions de prix, le calcul de ces révisions reposant sur une triple incertitude : en premier lieu, le coût des travaux définitifs (l’assiette), l’évolution moyenne des formules de révision (le taux) et enfin l’échelonnement des paiements (courbe de dépense). Sur l’ensemble de ces points, il a donc été nécessaire de formuler des hypothèses qui avaient nécessairement un impact sur le résultat global de ce calcul.

Durant toute l’année 2013, des discussions ont été conduites avec les autorités de tutelles afin d’éprouver la fiabilité de ce chiffrage. En particulier, ces discussions ont porté sur les hypothèses à retenir concernant l’évolution du taux de révision de prix. À l’automne 2013, compte tenu du temps qui s’était écoulé (conduisant à limiter le risque d’incertitude sur la prévision et à disposer d’une série plus importante sur l’évolution des taux), le niveau de cette hypothèse de taux a été revu à la baisse. Cette modification des hypothèses (ainsi que quelques ajustements plus mineurs du modèle économique global) ont conduit à baisser le coût final estimé du projet et de le porter à 381 millions d’euros.

Fin 2014, compte tenu des derniers échanges avec la maîtrise d’œuvre et des différentes remarques formulées par la commission de sécurité, la Philharmonie de Paris a été en mesure de procéder à une prévision de coût final beaucoup plus précise et une enveloppe complémentaire s’est avérée nécessaire afin de couvrir les ultimes dépenses du chantier et provisionner les aléas, au vu notamment des contentieux en cours, en particulier des honoraires réclamés par Jean Nouvel qui s’élèvent à 1,5 million d’euros, arrêtant ainsi le budget d’investissement de la Philharmonie à 391 millions d’euros maximum. Le coût final exact pourrait, dans l’hypothèse la plus favorable, se situer autour de 385 millions d’euros. Il devrait être connu d’ici deux ans.

D. DES EXPLICATIONS QUI N’ÉCARTENT PAS LE PROBLÈME DE LA SOUS-ESTIMATION INITIALE DU COÛT DU PROJET

Il reste très vraisemblable que l’estimation initiale a été volontairement minimisée afin d’obtenir un accord budgétaire.

Un mécanisme pervers : la sous-évaluation de l’estimation initiale

En amont, il revient à la maîtrise d’ouvrage d’établir un programme, d’estimer une enveloppe budgétaire, de lancer une consultation d’architectes et de sélectionner un jury.

Cette dernière a tendance à minimiser l’estimation initiale afin d’obtenir un acccord budgétaire.

Les architectes se retrouvent alors contraints de répondre dans l’enveloppe financière même s’ils la jugent sous-estimée et d’accepter une rémunération, calculée en pourcentage du coût prévisionnel, insuffisante.

L’évaluation initiale devrait être faite par des économistes et une maîtrise d’ouvrage indépendants qui porteraient la responsabilité de cette évaluation.

La Philharmonie a certes constitué une œuvre unique difficile à évaluer, mais il faut que toutes les parties (tutelles, maîtrise d’œuvre, maîtrise d’ouvrage) reconnaissent – à des degrés divers – leur responsabilité dans la sous-estimation de départ des coûts de construction au moment de la signature du contrat.

En effet, si l’évaluation de départ est de la responsabilité de la maîtrise d’ouvrage et de ses économistes, les architectes l’acceptent au moment de la signature du contrat.

II. DES DIFFICULTÉS RÉCURRENTES DANS LA CONDUITE DU PROJET

A. LES PRINCIPALES DÉRIVES DU PROCESSUS DE RÉALISATION

1. Un projet d’une rare complexité

L’Association de préfiguration de la Philharmonie fait valoir que, comme l’a souligné la Cour des comptes (2), il est exceptionnel qu’un grand projet d’infrastructure public ne connaisse pas des augmentations de coût en cours de réalisation et, dans le cas de la Philharmonie, elle souligne le degré élevé de complexité technique du projet, l’audace architecturale et la contrainte particulière du paramètre acoustique.

Les aléas de la construction, les rapports avec la maîtrise d’œuvre, l’inflation, le coût des matières premières, les retards ou défaillances d’entreprise, la complexité des techniques mises en œuvre sont des facteurs d’augmentation des coûts qui ne peuvent pas être toujours anticipés.

La complexité du chantier de la Philarmonie a nécessité de longues mises au point inhérentes à la nature même de ce type de chantier dont une partie au moins aurait pu être anticipée tant en matière de coûts que de calendrier.

Les différents types de risques, qu’ils soient relatifs à la conception, au financement (hypothèses d’actualisation), au respect de la réglementation, à la planification du projet, au contexte politique (incertitudes sur le projet suite aux élections), à l’acceptabilité du projet par l’architecte, à la construction ou à la modification des travaux auraient dû être mieux identifiés et plus largement pris en compte dans l’estimation des coûts et les provisions pour aléas mieux quantifiées.

Seul un audit financier indépendant – ou de la Cour des comptes – pourrait faire la lumière sur l’évolution des coûts depuis l’origine et analyser les coûts additionnels après signature du marché de travaux, notamment ceux des ordres de service dont la multiplication a constitué une des principales sources de détérioration des relations entre la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage. En tout état de cause, comme cela a été dit, au-delà de la complexité du chantier, il est très vraisemblable que l’estimation initiale a été volontairement minimisée afin d’obtenir un accord budgétaire.

2. Un soutien politique instable, facteur d’allongement des délais et de surcoûts

Le projet de la Philharmonie a fait l’objet de revirements permanents, son abandon ayant même été envisagé.

Depuis 2005, cinq ministres de la culture ont successivement suivi le projet : Renaud Donnedieu de Vabres, Christine Albanel, Frédéric Mitterrand, Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin.

Le projet a été considérablement ralenti à la suite de l’élection présidentielle de 2007 et les travaux n’ont pu véritablement démarrer qu’au mois de février 2011. La construction a été lancée avec dix-sept mois de retard à la suite d’un accord entre l’État et la ville de Paris sur le financement paritaire de son fonctionnement. Au changement de majorité en 2012, le projet a mis un certain temps à être réinvesti par les nouvelles équipes.

Les atermoiements de l’État et de la ville de Paris, décalés dans le temps, ont constitué des freins certains à l’avancée du projet. Les lignes de front auxquelles la Philharmonie a dû faire face n’ont pas été droite/gauche, mais, selon les périodes, État contre ville de Paris, Président de la République contre Premier ministre, ministre de la culture contre ministre du budget.

Les atermoiements politiques autour du projet de la Philharmonie

1981 : les prémices de la Philharmonie figuraient dans le rapport de Jack Lang Mission de réflexion sur l’idée d’une cité de la musique qui envisageait dans ce cadre la création d’un grand auditorium de 2 500 places sur le site des anciens abattoirs de La Villette.

2001 : Mme Catherine Tasca, ministre de la Culture, demande à Laurent Bayle, directeur général de la Cité de la Musique, un rapport sur le projet de la Philharmonie.

2002 : les candidats à la présidentielle, Jacques Chirac et Lionel Jospin, inscrivent la Phillharmonie à leur programme.

2002 : Le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, ne soutient pas le projet qui s’enlise.

Octobre 2005 : le Premier ministre, Dominique de Villepin, indique l’intention du gouvernement de donner suite au projet de la Philharmonie. Il défend un modèle culturel qui puisse représenter la France et son rayonnement à l’international. Le Président de la République, Jacques Chirac, et le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, y sont aussi favorables. Le projet est repris avec le soutien du maire de Paris, Bertrand Delanoë qui sera fidèle à son engagement jusqu’à la fin de son mandat. M. Renaud Donnedieu de Vabres et Bertrand Delanoë ont constitué les deux piliers politiques du projet.

Mars 2006 : accord entre la ville de Paris et l’État pour construire une grande salle de concert symphonique de 2 200 à 2 500 places dans le 19ème arrondissement

Avril 2007 : le jury du concours présidé par M. Donnedieu de Vabres et M. Delanoë retient le projet de Jean Nouvel. L’ouvrage devait être livré en 2012.

Mai 2007 : à la suite de la campagne présidentielle et de l’élection de Nicolas Sarkozy le projet est considérabement ralenti. Le premier Ministre, François Fillon, et le ministère du Budget sont contre le projet mais le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand et le conseiller culture de Nicolas Sarkoy, Éric Garandeau, y sont favorables. Des divergences apparaissent sur le mode de financement de la part de l’État.

Septembre 2009 – février 2011 : Dix-sept mois de retard sont pris dans le lancement du chantier.

Novembre 2010 : accord entre la Ville de Paris et l’État sur le financement paritaire du fonctionnement de la Philharmonie.

Janvier 2010 : Nicolas Sarkozy confirme l’ambition initiale et annonce le redémarrage du chantier.

Février 2011 : la construction est relancée.

Mai 2012 : campagne présidentielle et élection de François Hollande. Le projet met un certain temps à être réinvesti par les nouvelles équipes.

Septembre 2012 : le rapport du sénateur Yann Gaillard dénonce la dérive du chantier.

Avril 2013 : la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, demande un audit du chantier à Jean-Pierre Weiss, inspecteur des finances.

Avril 2014 : Anne Hidago succède à Bertrand Delanoë à la mairie de Paris. Elle souhaite que la Philharmonie s’ouvre aux musiques urbaines. Elle dénonce les engagements pris par son prédécesseur, refuse de payer le surcoût des travaux et diminue la participation de la mairie au fonctionnement de la Philharmonie.

14 janvier 2015 : Le président de la République salue l’ouverture de ce « lieu exceptionnel qui sera sans doute un jour considéré comme le premier chantier du grand Paris ».

3. Un suivi par les tutelles long à se mettre en place

Pour la première fois, l’État et la ville de Paris ont porté un grand projet culturel, mais ni l’un ni l’autre ne revendique le leadership qui est assumé par la maîtrise d’ouvrage. C’est seulement à la suite d’un rapport de la mission de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGF/IGAC) de 2009 qu’un dispositif de pilotage a été mis en place et que le suivi du projet a été amélioré. La maîtrise d’ouvrage indique que le projet a alors fait l’objet d’un contrôle très étroit et renforcé de la part des tutelles. En plus du conseil d’administration, elles ont mis en place différents comités de suivi de contrôle (administratifs, techniques) qui se tenaient chaque mois et plus souvent durant les phases les plus intenses du projet.

Lorsque les relations entre la Philharmonie et la maîtrise d’œuvre se sont dégradées, les tutelles ont missionné Jean-Pierre Weiss afin de bénéficier d’un point de vue extérieur, notamment sur les causes et conséquences de cette crise. Mme Aurélie Filippetti a indiqué en janvier 2014 devant les sénateurs que cet inspecteur des finances « avait été missionné pour évaluer les surcoûts, essayer de réduire les coûts encore à venir et vérifier la tenue des délais ». Mme Fleur Pellerin a indiqué que M. Jean-Pierre Weiss « était chargé d’examiner les raisons ayant conduit aux dépassements et aux retards et d’identifier clairement les responsabilités des différents acteurs ». Ce dernier a fait part à ses tutelles de ses remarques et préconisations dans différents rapports dont la Philharmonie de Paris n’a pas eu connaissance.

4. Des retards qui ont aussi été à l’origine d’une explosion des coûts

La suspension des travaux en 2009-2010 est à l’origine d’un avenant au contrat de Jean Nouvel, dont les équipes dédiées au projet ont été immobilisées à fonds perdus. Le conflit sur la charpente métallique de la toiture et des balcons de la salle a eu aussi pour conséquence plusieurs mois de retard.

La suspension des travaux a malmené les PME : l’exemple de la menuiserie Sodifra
(Le Parisien - 3 novembre 2010)

L'indécision qui règne sur le projet de la Philharmonie de Paris menace plusieurs PME, dont Sodifra, en Touraine, qui devait réaliser l'aménagement. « Ce qui me met en pétard, c'est l'indifférence de Nicolas Sarkozy à l'égard des PME, soi-disant le ressort économique de la France », fustige Sylvain Goulard, PDG de Sodifra.

« On nous méprise », insiste cet entrepreneur spécialisé dans l'aménagement intérieur. Cette société de 50 salariés appartient au groupement constitué par Bouygues pour construire la future salle de concerts de la Philharmonie de Paris (XIXe). Le chantier étant au point mort, plusieurs entreprises comme elle sont en difficulté. « Ce chantier représente 1 000 emplois directs pendant trois ans », assure-t-il. « Bouygues et GDF Suez ont les reins assez solides pour supporter le choc. Pour nous, ce sera plus compliqué », s'inquiète-t-il. Sodifra, installé à Montlouis-sur-Loire, près de Tours (Indre-et-Loire), a investi près de 500 000 € d'études, a réalisé des prototypes de ce bâtiment tout en courbes conçu par Jean Nouvel. « Depuis la signature du contrat en 2009, on a passé des centaines d'heures dans des réunions à n'en plus finir parce que les contraintes acoustiques et en design sont fortes », relate le responsable des achats de Sodifra. « J'allais recruter six personnes, dont un chef de projet et deux dessinateurs en 3D. Je vais devoir renoncer », ajoute Sylvain Goulard. « Une PME ne dispose pas d'un service de recrutement, j'ai donc consacré six mois à chercher ces perles rares. Du temps perdu ! » se désole-t-il. Pis, si d'autres contrats ne remplacent pas celui de la Villette, le plan de charge de son usine n'est pas garanti en 2011 et des licenciements sont possibles. « Ce contrat représentait plus de trois ans de travail et 16 millions d'euros », explique Sylvain Goulard.

B. LE FINANCEMENT DU BUDGET DES TRAVAUX A ÉTÉ DE PLUS EN PLUS DIFFICILE

Le financement devait être assuré par l’État et par la ville de Paris à hauteur de 45 % chacun, la contribution de la région Ile-de-France devant être de 10 %. Il l’a été jusqu’à ce qu’apparaisse la question des 40 millions d’euros de surcoûts, dotation supplémentaire nécessaire pour couvrir un certain nombre de modifications, les aléas inhérents à la complexité du chantier et le différentiel dû à l’inflation.

1. Un surcoût de 40 millions pris entièrement en charge par l’État, après le refus de la mairie de Paris de le partager

Lors du conseil d'administration de la Philharmonie, le 30 juillet 2014, Bruno Julliard, premier adjoint de Mme Anne Hidalgo, chargé de la culture, a officiellement confirmé le refus de la mairie de partager ce surcoût. C’est donc l’État qui, en 2014, a pris entièrement à sa charge le surcoût final, portant sa contribution finale à 53,3 % du coût global.

LE FINANCEMENT DU COÛT GLOBAL DE L'INVESTISSEMENT AU 1ER JANVIER 2015

État 

203 millions d’euros

Ville de Paris 

158 millions d’euros

Région Ile-de-France 

20 millions d’euros

Total

381 millions d’euros

2. Des incertitudes demeurent sur le coût final évalué entre 385 et 389 millions d’euros par la Philharmonie

Au-delà de l’évaluation de ce coût final, la question des honoraires de Jean Nouvel, le coût des procédures contentieuses, la prise en compte d’aléas contraignent la Philharmonie à prévoir une marge de sécurité d’où l’impossibilité d’arrêter un montant à ce jour. La maîtrise d’ouvrage a signé un document avec l’entreprise Bouygues qui interdit toute augmentation des montants restants estimés.

C. LES PROCÉDURES CONTENTIEUSES VONT ÊTRE TRÈS LONGUES

1. La Philharmonie de Paris a engagé une procédure de référé contre les Ateliers Jean Nouvel au début de l’année 2014

La Philharmonie de Paris estime que l’architecte n’a pas validé les plans des entreprises à temps, ce qui a retardé les travaux et obligé la maitrise d'ouvrage à se substituer au maître d'œuvre. Elle demande l’application de lourdes pénalités (100 euros par jour et par document), qui pourrait représenter un montant de plus de 100 millions d’euros pour l’ensemble des retards de délivrance de visas.

La procédure engagée repose sur la nomination d’un collège d’experts chargés de se prononcer sur les retards de visas accumulés par la maîtrise d’œuvre et sur leur incidence sur le bon déroulement du chantier.

La maîtrise d’œuvre réfute tout retard de délivrance des visas et dénonce un système de comptabilisation élaboré à charge contre elle. Elle persiste à dénoncer l’immixtion du maître d’ouvrage et les risques pris par ce dernier pour la sécurité, les coûts, le calendrier et la qualité.

Cette procédure est en cours. Les experts ne devraient pas remettre leur rapport avant 2016 et la décision n’est pas attendue avant 2017.

2. Fin 2014, Jean Nouvel assigne la Philharmonie devant le TGI de Paris

Jean Nouvel, estimant que son « droit d’auteur » est atteint, veut contraindre la Philharmonie à revenir à son dessin initial. Fin 2014, Jean Nouvel a saisi le Tribunal de grande instance de Paris et demandé que les 26 points de « non-conformité » avec le dessin initial, concernant notamment les parapets, les foyers, la façade, la couverture des réflecteurs de la salle de concert, la promenade… soient corrigés.

Le 16 avril 2015, la troisième chambre civile du TGI de Paris a considéré que les documents versés par Jean Nouvel « ne permettent pas au tribunal d'appréhender l'oeuvre telle que revendiquée dans son état définitif, dans sa globalité comme dans ses détails ». Le dessin d’une œuvre de référence ne peut être établi, l’architecte ayant largement modifié son projet initial au fil des travaux. Par conséquent, « le tribunal n'ayant pas connaissance des contours de l'œuvre revendiquée », la demande en dénaturation présentée par l’architecte a été déclarée irrecevable.

Jean Nouvel a indiqué qu’il comprenait la décision du tribunal : « il lui manquait des pièces que nous avions versées au dossier hors délai du point de vue juridique… Nous allons les fournir. Et essayer de faire en sorte qu’on y arrive avant l’été » et a fait appel. La Philharmonie a introduit un déclinatoire de compétence, estimant que l’affaire relève du juge administratif alors que le juge judiciaire en première instance s'est reconnu compétent au nom de la propriété intellectuelle. Ce dernier doit prouver qu'il est compétent avant que l'affaire soit jugée. La décision est attendue pour le courant de l’année 2016.

Pour la maîtrise d’ouvrage, les Ateliers Jean Nouvel s’arrogent une œuvre qui est collective dont le droit d’auteur doit être partagé avec les acousticiens. Elle insiste aussi sur le caractère « habité » de l’œuvre et considère que le bâtiment construit aujourd’hui est conforme aux plans initiaux de Jean Nouvel. Par ailleurs, certaines modifications ont été imposées par le respect des normes de sécurité en particulier pour les garde-corps et la grotte (ajout de Jean Nouvel dont la Préfecture de police ne voulait pas pour des raisons de sécurité à l’intérieur du parc).

3. Ces contentieux n’ont pas permis la voie d’une médiation

Si Jean Nouvel estime que sur un certain nombre de points son dessin n’a pas été respecté et qu’il ne peut signer son œuvre tant que ces non-conformités n’ont pas été corrigées, il reconnaît aussi que tous les paramètres sont réunis pour que la Philharmonie soit une réussite. Quant à l’objectif de la maîtrise d’ouvrage, il est de réaliser un bâtiment conforme au projet architectural, tout en veillant au respect des coûts, du calendrier et de la qualité.

Dans ce contexte, le Rapporteur regrette que les deux actions en justice en cours n’aient pas permis la voie d’une médiation pour terminer cette réalisation exceptionnelle dans de bonnes conditions. En l’absence de contentieux devant les tribunaux, une personnalité extérieure reconnue par les deux parties aurait pu permettre de trouver un accord sur :

– les travaux indispensables pour préserver la qualité technique et architecturale et respecter les demandes « non négociables » de Jean Nouvel,

– les moyens de permettre à la maîtrise d’œuvre de retrouver la direction effective du chantier tant que les entreprises y sont encore présentes,

– les surcoûts encore à venir au-delà de l’enveloppe de 381 millions d’euros et leur financement.

III. CONSÉQUENCES ET INTERROGATIONS

A. DEPUIS 2012, DES AVANCÉES ONT ÉTÉ RÉALISÉES EN MATIÈRE D’ÉVALUATION DES PROJETS D’INVESTISSEMENTS PUBLICS

1. Les éléments indispensables à une meilleure gestion des coûts et des échéanciers des grands projets d’infrastructure

Ces éléments sont les suivants :

– développer les travaux préparatoires et déterminer l’ensemble des coûts potentiels sur la durée du projet (coûts de base, contingences et réserves pour risques) pour le secteur public,

obtenir une estimation initiale réaliste. L’intervention d’économistes indépendants qui évaluent les vrais budgets des projets de grandes infrastructures et d’une commission qui valide ces prix devrait être prévue. Ces budgets devraient inclure les honoraires et faire l’objet d’une contre expertise,

– établir une estimation précise de tout ce qui ne fait pas partie du marché de la construction,

– établir un processus d’instruction des dossiers réunissant l’ensemble des acteurs concernés dans lequel le ministère du Budget soit fortement impliqué et qui intègre des hypothèses d’actualisation et de provisions pour aléas, comme le demandait le ministre du budget dans ses réponses aux observations de la Cour des comptes relatives aux grands chantiers culturels (rapport public annuel 2012),

– être très attentif à la compétence de la maîtrise d’ouvrage,

– une fois la décision de lancement du chantier prise, assurer la stabilité du projet, tout arrêt, atemoiement, retard constituant une source d’explosion des coûts,

– consolider les procédures de programmation et de suivi des travaux à travers la mise en place d’indicateurs et la signature d’un contrat de performance,

– mesurer la performance du projet à travers le respect du budget et de l’échéancier, l’analyse de la satisfaction des besoins et de la conformité de la réalisation aux bénéfices attendus,

– avoir des structures de portage qui permettent l’application des dispositions de la « loi MOP » (maîtrise d’ouvrage public) et un pilotage renforcé des tutelles.

2. Les mesures réglementaires et législatives adoptées depuis 2012

Le rapport public annuel de la Cour des comptes rappelle que l’article 17 de la loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 rend obligatoire l’évaluation socio-économique préalable des projets d’investissement public civils financés notamment par l’État et ses établissements publics.

Lorsque le montant total du projet et la part de financement apportée par ces personnes publiques excèdent des seuils fixés par décret, l’évaluation socio-économique est soumise à une contre-expertise indépendante préalable. Les évaluations et les contre-expertises doivent être transmises par le Gouvernement au Parlement.

Le décret du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d’évaluation des investissements publics dispose que tout projet d’investissement de l’État ou de ses établissements publics d’un montant supérieur à 20 millions d’euros doit faire l’objet d’un inventaire ayant pour objectif de déterminer les coûts et bénéfices attendus du projet d’investissement envisagé. Le décret prévoit également l’intervention du commissaire général à l’investissement pour la réalisation d’une contre-expertise indépendante, si le financement du projet par l’État ou par un établissement public représente au moins 100 millions d’euros hors taxes et 5 % du montant total hors taxes du projet d'investissement.

3. Un travail en commun de France Domaine et de la direction du budget a été entrepris sur les critères d’évaluation économique et budgétaire

Par ailleurs, dans son référé sur la politique immobilière de l’État adressé au Président de la commission des finances le 5 mars dernier, la Cour des comptes indique que France Domaine et la direction du budget ont récemment entrepris un travail commun sur les critères d’évaluation économique et budgétaire des projets d’investissement publics, portant sur une définition du périmètre des coûts complets, sur les paramètres de calcul des taux d’actualisation, sur les grilles d’analyse dans le temps avec pour objectif de se doter d’un référentiel commun. La Cour des comptes insiste sur le caractère prioritaire de ce travail.

B. LE BUDGET DE FONCTIONNEMENT DE LA PHILHARMONIE : L’ÉQUILIBRE DU PARTENARIAT EST ABANDONNÉ

MONTANT PRÉVISIONNEL DES RECETTES POUR 2015

(en millions d’euros)

Subvention de l’Etat

9

Subvention de la Ville de Paris

6

Total subventions

15

Billetterie des concerts

8,25

Billetterie des ateliers éducatifs

0,29

Recettes de mécénat, de partenariat et de développement à l’international

2,66

Recettes commerciales

1,54

Loyers des orchestres résidents

0,36

Total recettes propres

13,1

Autres ressources

0,36

Total

28,46

Source : Association de préfiguration.

Pour 2015, le budget de fonctionnement de la Philharmonie est bâti sur un budget de l'ordre de 28,4 millions d’euros composé de 50 % de subventions (15 millions d’euros partagés entre l'État à hauteur de 9 millions d’euros et la ville de Paris à hauteur de 6 millions d’euros) et 50 % de recettes propres (billetterie, mécénat et recettes commerciales). Ce budget se combine avec celui de la Cité de la musique (qui devrait être fusionnée avec la Philharmonie assez rapidement), qui s'élève à 33 millions d’euros environ dont 23 millions d’euros de subvention provenant exclusivement de l'État.

1. L’État confirme son engagement de départ

L’État finance le budget de fonctionnement de la Philharmonie de Paris à hauteur de 9 millions d’euros par an, ce qui représente un effort supplémentaire de 4 millions d’euros par an par rapport à la situation où la Cité de la musique gérait la Salle Pleyel (la subvention allouée à cette dernière par l’État était de 5 millions d’euros).

La région ne participe pas au budget de fonctionnement de la Philharmonie de Paris, toutefois l’Orchestre National d’Ile-de-France devient une formation associée de la Philharmonie de Paris.

2. La ville de Paris diminue de 30 % sa contribution et le principe d’une gestion paritaire est abandonné

La ville de Paris ne contribue finalement qu’à hauteur de 6 millions d’euros, au lieu des 9 millions d’euros initialement prévus, au budget de fonctionnement de la Philharmonie, sans intervenir dans le budget des expositions temporaires (qui ont lieu dans les espaces de la Philharmonie) qu’elle considère relever du Musée de la musique et donc uniquement de l’État.

Mais il faut souligner que le coût de fonctionnement de la Philharmonie représentera une dépense nouvelle pour la ville de 6 millions d’euros alors qu’elle ne sera que de 4 millions d’euros pour l’État (compte tenu de la subvention précédemment versée à Pleyel).

3. Un taux d’autofinancement de 47 % satisfaisant

Les 28,4 millions d’euros des produits attendus se répartissent entre 15 millions d’euros de refacturation d’équilibre à l’Association de préfiguration de la Philharmonie de Paris (correspondant aux subventions publiques reçues par celle-ci de l’État et de la Ville) et 13,4 millions d’euros de ressources propres et autres ressources.

Dans ces conditions, le taux d’autofinancement prévisionnel de la Philharmonie est de 47,2 %, soit un niveau un peu supérieur à celui prévu initialement qui se situait dans une fourchette de 40 à 45 %.

La composition des ressources propres est la suivante :

– la billetterie des concerts produits et coproduits s’élève à 8,25 millions d’euros, soit un taux d’autofinancement des coûts plateaux de 88 % environ ;

– la billetterie des ateliers éducatifs et collèges s’élève à 0,29 million d’euros, ce qui correspond à un taux d’autofinancement d’environ 50 % ;

– les prévisions de recettes de mécénat, de partenariat et de développement à l’international s’élèvent à 2,66 millions d’euros, niveau ambitieux pour une année d’ouverture ;

– les prévisions de recettes commerciales s’élèvent à 1,54 million d’euros ;

– les loyers et refacturations de charges des orchestres résidents se montent à 0,36 million d’euros.

Par ailleurs, la Philharmonie a fait le choix stratégique de créer une direction du mécénat et du développement avec une direction déléguée aux relations institutionnelles et internationales, un pôle entreprises, un pôle mécénat individuel et un pôle offres aux entreprises.

4. Un mécénat et un développement à l’international indispensables

Comme pour l’ensemble des établissements culturels, le mécénat devient aujourd’hui indispensable. Pour assurer le projet ambitieux de la Philharmonie, le rôle du mécénat a été intégré dès le départ dans les estimations budgétaires de fonctionnement au même titre que les recettes de billetterie par exemple. Le montant prévisionnel est de près de 3 millions d’euros (hors location d’espace, soirées prestige d’entreprises…) dès la première année d’ouverture. Il devrait être plus élevé à partir de 2016.

De même, la Philharmonie compte sur un développement de ses activités et de ses partenariats à l’international : ventes de ses expositions temporaires, expositions ad hoc conçues pour l’itinérance, coproductions de concerts – notamment les Week-end à la Philharmonie qui ont pour thématique un pays ou une ville étrangère –, transfert d’expertise… Elle s’appuie aussi sur les financements européens pour certains de ses projets via les programmes Europe Creative ou via les fonds structurels.

5. Des recettes commerciales appelées à un fort développement

Le projet de la Philharmonie a dès le départ intégré dans sa conception des espaces de réception à utiliser dans le cadre des contreparties offertes aux mécènes et pour en tirer des recettes commerciales. Ces dernières, qui correspondent aux locations d’espaces, concessions, soirées prestige, captations, ont été évaluées à 1,54 million d’euros pour 2015. Compte tenu du succès rencontré auprès des entreprises depuis l’ouverture de Philharmonie, elles sont appelées à fortement se développer au cours des prochaines années.

6. Des dépenses contenues en 2015

MONTANT PRÉVISONNEL DES DÉPENSES POUR 2015

(en millions d’euros)

Charges de fonctionnement

9,25

Marchés de prestations de services liés à l’exploitation du site

4,81

Charges de gestion courante

2,42

Dépenses de communication

1,31

Dotation aux amortissements et provisions

0,45

Masse salariale

6,6

Dépenses d’activités (dotations globalisées)

13,2

Total des dépenses

28,7

Source : Association de préfiguration – octobre 2015

● Les charges de fonctionnement (dépenses de communication/relations avec le public comprises) s’élèvent à 9,25 millions d’euros, soit 32,5 % du budget total de fonctionnement.

Les marchés de prestations de services liés à l’exploitation du site qui s’élèvent à 4,81 millions d’euros représentent plus de la moitié des charges fixes :

– maintenance des installations techniques (1,62 million d’euros) ;

– sûreté / gardiennage / accueil administratif et logistique (0,87 million d’euros) ;

– accueil des publics et des activités (0,93 million d’euros) ; propreté et nettoyage (0,65 million d’euros) ;

– sécurité incendie (0,57 million d’euros).

Ces marchés ont été largement mutualisés avec ceux de la Cité de la musique.

Les charges de gestion courante (honoraires, fluides, informatique et locations) s’élèvent au total à 2,42 millions d’euros.

Les dépenses de communication et de relations avec le public, hors échanges médias, s’élèvent à 1,31 million d’euros. Les échanges médias valorisés en dépenses et recettes sont prévus pour 0,6 million d’euros.

La dotation aux amortissements et provisions est prévue à hauteur de 0,45 million d’euros dont 0,3 million d’euros au titre des amortissements.

● La masse salariale (charges comprises) s’élève à 6,6 millions d’euros, ce qui représente plus de 22,9 % du budget de fonctionnement. Elle se décompose en quatre sous-ensembles :

– les salaires des 38 personnels de Pleyel réintégrés à compter de janvier 2015 à la Cité de la musique (2,58 millions d’euros),

– ceux des emplois nouveaux créés (1,62 million d’euros correspondant à 25 CDI),

– les crédits à répartir (0,39 million d’euros),

– la dépense correspondant à la refacturation par la Cité de la musique des équipes partagées avec la Philharmonie pour un montant de 1,8 million d’euros (cette dépense, inscrite sur le compte « personnel extérieur » peut être rattachée à la masse salariale).

● Les dépenses d’activités (dotations globalisées) s’élèvent à 12,34 millions d’euros, soit 43,4 % du budget de fonctionnement. Elles se décomposent ainsi :

– la dotation globalisée de production (9,32 millions d’euros) comprend l’ensemble des dépenses liées aux 140 concerts produits ou coproduits par la Philharmonie en 2015 (hors festivals), c’est-à-dire ceux de la première saison janvier/juin et ceux de septembre à décembre 2015 rattachés à la saison 2015-2016 ;

– la dotation globalisée du pôle éducation s’élève à 1,53 million d’euros et comprend le financement de l’ensemble des activités éducatives : ateliers individuels, ateliers groupes, ateliers scolaires hors les murs et publics spécifiques, orchestres de jeunes, projets territoriaux, projets de création, ateliers de sensibilisation pour les familles des quartiers, projets avec les orchestres résidents, accompagnement pédagogique au concert, formation et culture musicales. L’objectif en 2015 est de toucher au total, avec les activités de la Philharmonie 2, plus de 100 000 personnes ;

– la dotation globalisée de la direction technique (0,95 million d’euros) regroupe l’ensemble des dépenses liées à la « technique salle », qu’il s’agisse de la grande salle de 2 400 places ou des espaces de répétition et de travail des musiciens : régie des orchestres en résidence, locations de matériels, recours aux intermittents, etc. ;

– la dotation globalisée mécénat et développement commercial regroupe les dépenses liées à la prospection et aux contreparties des opérations soutenues (soirées entreprise notamment) ;

– les dotations globalisées éditions et communication (0,29 et 0,003 million d’euros) prévoient les moyens nécessaires aux captations, à l’animation des sites internet, au développement des ressources numériques.

7. Des premiers chiffres de fréquentation très encourageants

Taux de fréquentation des concerts tous publics :

– Grande salle de la Philharmonie (2 400 places) = 97,2 %

– Salle de concert (Cité de la musique-Philharmonie) = 93,5 %

Philharmonie 1 + Philharmonie 2 = 96 %

Nombre de visiteurs de l’exposition David Bowie au 24/03/2015 = 45 300 (3 semaines + 1 jour d'exploitation)

Le taux de remplissage des ateliers éducatifs individuels se situe entre 90 et 100 %

Source : Philharmonie de Paris.

C. UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC ENGLOBANT LA CITÉ DE LA MUSIQUE ET LA PHILHARMONIE DE PARIS A ÉTÉ CRÉÉ EN SEPTEMBRE 2015

L’État comme la ville de Paris étaient convaincus de la nécessité d’avoir une vision d’ensemble de la Cité de la musique et de la Philharmonie dont les fonctions et les activités se recouvrent largement.

Un décret de fusion entre la Cité de la musique et la Philharmonie a été publié au Journal officiel du 24 septembre dernier pour une entrée en vigueur au 1er octobre 2015.

Ce décret prévoit la création de l'établissement public national, à caractère industriel et commercial, de la Cité de la musique - Philharmonie de Paris qui a vocation à remplacer l'association Philharmonie de Paris et l'établissement public de la Cité de la musique, incluant le Musée national de la musique. Il est administré par un conseil d'administration composé de dix-huit membres, et dirigé par un directeur général nommé par décret en conseil des ministres.

Cet établissement public est placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture. Il exerce ses missions dans la continuité de celles qu'exerçait l'établissement public de la Cité de la musique.

Le directeur général de la Cité de la musique en fonction à la date de publication du présent décret exerce les fonctions de directeur général de l'établissement public jusqu'à la fin de son mandat.

Les missions de l’établissement public (décret du 24 septembre 2015)

« La Cité de la musique - Philharmonie de Paris contribue au développement de la vie et de la pratique musicales et à la connaissance de la musique et de son patrimoine. Elle œuvre, par une offre plurielle de manifestations musicales, à l'élargissement du public et à son renouvellement. Elle soutient, dans leur diversité, les formations musicales qu'elle accueille. Elle concourt à l'information et à la formation musicales du public. Elle prend l'initiative d'échanges nationaux et internationaux dans le domaine de la musique ou y participe. A cette fin, elle a our mission :

1° D'organiser, produire, coproduire, diffuser et promouvoir des concerts, des spectacles musicaux et des expositions ainsi que toutes manifestations artistiques et culturelles en relation avec son objet ;

2° De développer des activités culturelles et éducatives à l'attention du public afin de favoriser l'égal accès à toutes les formes de musique et de soutenir les initiatives contribuant à leur connaissance et leur pratique ;

3° De gérer et d'exploiter les salles de concert et les espaces de travail dont elle est dotée, directement ou par l'intermédiaire de filiales, notamment la grande salle de spectacles destinée principalement à l'accueil de formations orchestrales et à la diffusion du répertoire symphonique ;

4° D'accueillir en résidence différentes formations musicales et, le cas échéant, d'en assurer la gestion ;

5° De susciter la création d'œuvres musicales, notamment de musique contemporaine ;

6° De gérer et d'exploiter le Musée national de la musique, qui a notamment pour mission de contribuer à la connaissance de la musique et à la conservation du patrimoine instrumental, d'enrichir, d'étudier et de présenter les collections nationales dont il a la garde, d'exercer un rôle de conseil et d'animation du réseau des collections publiques dans le domaine de la musique ainsi que de gérer des activités de documentation, de recherche et de restauration au sein de son laboratoire ;

7° De valoriser, d'enrichir et de présenter au public et aux chercheurs un fonds documentaire et des bases de données sur les différents domaines et genres musicaux par tout moyen et sur tout support, dont une médiathèque. »

Les emplois de l’établissement public

– Effectifs actuels de la Cité de la musique : 273 ETPT

– Équipes existantes de la salle Pleyel : 38 ETP

– Création d’emplois : 25 CDI prévus pour l’exploitation des espaces techniques de la Philharmonie et pour la mise en œuvre du projet éducatif.

 Des économies d’échelle devraient être faites sur les fonctions support par la création d’un secteur spécifique aux services généraux. L’Association de préfiguration de la Philharmonie a été dissoute en septembre 2015.

D. LES ÉCONOMIES DÉGAGÉES PAR LA NOUVELLE GESTION DE LA SALLE PLEYEL

La salle Pleyel est une filiale de la Cité de la musique depuis juillet 2006 à la suite de l’entrée en vigueur d’un contrat de bail entre la Cité de la musique et M. Martigny, propriétaire de la salle. Le régime de la société par actions simplifiée a été choisie par la Cité de la musique pour gérer et programmer les activités de la salle Pleyel.

Jusqu’en 2009, la Cité de la musique était donc locataire de la salle Pleyel et la sous-louait à la filiale qu’elle avait créée pour y exercer des activités d’organisation, de production et de représentation de concerts et spectacles.

1. La salle Pleyel a été rachetée par la Cité de la musique en 2009

La vente a été conclue pour un montant de 60,5 millions d’euros en 2009, la Cité de la musique ayant lancé une option anticipée d’achat figurant au contrat de la location. Le prix d’achat a été validé par toutes les institutions compétentes : France Domaine, la direction du Budget, le ministère de la Culture et de la communication et le Contrôleur général économique et financier.

Les termes de la location à sa filiale sont les mêmes que ceux de la sous-location entre 2006 et 2009.

2. En 2015, l’exploitation de la salle Pleyel est confiée à un opérateur privé

Le 7 janvier 2015, le conseil d'administration de la Cité de la musique a choisi le groupe Fimalac comme attributaire de la convention d'occupation du domaine public de la Salle Pleyel pour une durée de quinze ans. Le cahier des charges de cette convention autorise le concessionnaire à présenter une programmation ouverte à tous les répertoires (pop, jazz, électro, chanson, musiques du monde, comédies musicales, one man show…) à l’exclusion stricte de la musique classique.

La société par action simplifiée Cité de la musique – salle Pleyel a donc été dissoute et les équipes de la salle Pleyel ont toutes été réintégrées à la Cité de la musique/Philharmonie de Paris (38 personnes) début 2015.

Cette convention traduit la réalité du transfert de l’intégralité des activités dévolues à la musique classique autrefois à la salle Pleyel vers la Philharmonie de Paris.

3. Les recettes attendues de Pleyel

La redevance versée par le groupe Fimalac devrait s’élever à une moyenne annuelle de 1,7 million d’euros sur la durée de la convention. Viendront s’ajouter les loyers perçus directement par la Cité de la musique sur les plateaux de bureaux situés en face de la salle Pleyel et strictement distincts du lot artistique concédé à Fimalac.

Ces recettes seront affectées au remboursement de l’avance concédée par l’État à hauteur de 60 millions d’euros pour le rachat de la salle Pleyel après déduction des frais d’intérêts versés à France Trésor et après prise en compte d’une provision pour l’entretien et les gros travaux.

La subvention de 5 millions d'euros que l'État versait à la salle Pleyel est réorientée vers la nouvelle Philharmonie.

Par ailleurs, l'installation de l'Orchestre de Paris en résidence se fait gracieusement contrairement à ce qui se passait à la Salle Pleyel ce qui génère des économies (et donc une réduction des subventions : celle de l’État à l'Orchestre de Paris a été réduite de 1,1 million d’euros ce qui réduit d'autant l'écart de 5 à 9).

E. LE SUIVI DU PROJET EST ESSENTIEL ET DES POINTS D’INQUIÉTUDE POUR L’AVENIR DEMEURENT

Si le Rapporteur spécial se félicite qu’un « décompte général et définitif (DGD) ait été signé avec toutes entreprises qui ferme tout risque de contentieux, des questions restent pendantes : les honoraires demandés par Jean Nouvel (1,5 million d’euros), le coût des procédures contentieuses, les aléas divers en particulier ceux liés au financement des éventuels travaux supplémentaires consécutifs à l’action en justice de Jean Nouvel ou à l’apparition de malfaçons, la réalisation des finitions.

Elles contraignent la Philharmonie, par sécurité, à estimer l’enveloppe globale à hauteur de 391 millions d’euros,

D’autres questions méritent un suivi :

– quelle est la soutenabilité du modèle économique de la Philharmonie dans un schéma budgétaire contraint ?

– les nouveaux publics compenseront-ils les publics habituels de Pleyel qui ne se rendront pas à la porte de Pantin ? L’effet sur les recettes de l’élargissement des publics compensera-t-il la stratégie de fort abaissement des tarifs ?

– comment l’État va-t-il faire face au désengagement de la Ville de Paris et à l’abandon du principe de gestion paritaire ?

– compte tenu des crédits très contraints du ministère de la Culture, le financement du budget de fonctionnement de la Philharmonie ne va-t-il pas pénaliser les autres aspects de la politique musicale de l’État qui se doit d’être présente sur l’ensemble des territoires ?

– quels enseignements peuvent être tirés le bilan des neuf premiers mois d’exploitation de la Philharmonie ?

– des indicateurs de performance dédiés au fonctionnement de la Philharmonie prenant en compte la fréquentation de l’établissement, le développement de ses ressources propres, mais aussi les programmes d’éducation artistique et culturelle vont-ils être établis ?

TABLEAU COMPARATIF DES PRINCIPAUX POINTS DE DÉSACCORD ENTRE LA MAÎTRISE D’ŒUVRE ET LA MAÎTRISE D’OUVRAGE

Ce tableau a été établi, pour l’essentiel, à partir des auditions par le Rapporteur spécial de Jean Nouvel et Patrice Januel.

Jean Nouvel, maître d’œuvre

Patrice Januel, maître d’ouvrage

LE PORTAGE DU PROJET PAR UNE ASSOCIATION

Le maitre d’œuvre regrette que la maîtrise d’ouvrage pour la construction de la Philharmonie de Paris ait été confiée à une association privée de type loi 1901, alors que 100 % des financements sont publics. Ce dispositif a permis à l’Association de préfiguration de la Philharmonie de passer un contrat de maîtrise d’œuvre non soumis aux dispositions de la « loi MOP » alors que, compte tenu de l’origine des financements, celle-ci aurait dû s’appliquer.

Le maitre d’ouvrage reconnaît que le statut associatif est inhabituel pour piloter un chantier de cette nature, mais il ne le juge en rien illégal. Le statut associatif est très fréquemment utilisé pour lancer un grand projet, au moins à titre de préfiguration, mais il est, le plus souvent, très rapidement remplacé au profit des statuts définitif de l’établissement. Cela a, par exemple, été le cas du Musée du Quai Branly : une association a été constituée le temps d’enclencher le projet mais elle a très rapidement disparu pour laisser la place à l’établissement public d’aménagement du Musée du Quai Branly.

Les statuts de l’association prévoyaient, dès leur première rédaction, que cette structure devrait, à brève échéance, être remplacée par un établissement public de coopération culturelle (hypothèse à l’époque, privilégiée par les tutelles).

Dans ces conditions, l’Association de préfiguration de la Philharmonie de Paris était donc une structure de droit privé au sens français du droit mais de droit public au sens européen. Elle n’était soumise à aucun des textes s’appliquant à l’acheteur public (dont, notamment, la « loi MOP »). Cependant, par commodité, elle s’est, dans ses contrats, référée à la « loi MOP » et aux textes applicables aux structures de droit public : par exemple, le CCAG « prestations intellectuelles », le CCAG « services » ou le CCAG « travaux ».

LE RÔLE DES TUTELLES

Selon les statuts de l’Association, le directeur général « décide seul de toutes les transactions » dans les limites du budget fixé. Pour les Ateliers Jean Nouvel, il y a eu une absence totale de contrôle des tutelles qui ont laissé le directeur général de l’Association piloter seul le projet, demander et obtenir des budgets complémentaires sans avoir à les justifier.

C’est la première fois que l’État et la ville de Paris portent ensemble un grand projet culturel. À la suite d’un rapport de la mission IGF IDAC de 2009 un dispositif de pilotage a été mis en place et le suivi du projet a été amélioré. La maîtrise d’ouvrage indique que le projet a alors fait l’objet d’un contrôle très étroit et renforcé de la part des tutelles. En plus du conseil d’administration, elles ont mis en place différents comités de suivi de contrôle (administratifs, techniques) qui se tenaient chaque mois, plus souvent durant les phases les plus intenses du projet.

L’ÉVALUATION DU BUDGET INITIAL

L’enveloppe budgétaire fixée aux architectes pour la construction de la Philharmonie de Paris était de 118 millions d’euros. Elle est de moitié inférieure au coût moyen des récentes réalisations de salles symphoniques dans le monde.

En effet, les obligations techniques et onéreuses liées à la masse, au silence absolu créé, aux équipements scénographiques font que le prix d’une grande salle philharmonique ramené au siège est internationalement reconnu comme étant de l’ordre de 100 000 euros. Le prix a été sous-estimé au départ par la maîtrise d’ouvrage qui a imposé aux candidats un coût de la construction à 118 millions d’euros pour une salle de 2 400 places, soit un prix par siège de 49 000 euros.

Pour les Ateliers Jean Nouvel, cette sous-estimation du budget préalable au concours a contraint les architectes à répondre dans le cadre d’une enveloppe financière qu’ils jugeaient sous-estimée et à accepter une rémunération insuffisante. Elle a en effet permis à la maîtrise d’ouvrage de minorer les honoraires de la maîtrise d’œuvre calculés au pourcentage du coût prévisionnel.

En avril 2007, les Ateliers Jean Nouvel sont retenus sur un coût prévisionnel de 119 millions d’euros imposé par le maître d’ouvrage. Jean Nouvel indique avoir été obligé d’accepter les termes d’un contrat dont il savait qu’il ne pourrait être respecté, en toute connaissance de cause du maître d’ouvrage.

Pour la maîtrise d’ouvrage, le montant initial de 120 millions d’euros alloué à la construction reposait sur un programme fonctionnel et des évaluations de surfaces très précises. De nombreux architectes ont répondu et se sont donc engagés sur la base des données du dossier de concours et de ce montant. Il était donc a priori possible de construire ce bâtiment en respectant cette enveloppe de coût.

Cependant, la maîtrise d’ouvrage estime qu’il est fort probable que Jean Nouvel ait sous-estimé bon nombre d’éléments de son projet, notamment ceux revêtant un caractère de prototype (la façade courbe, les bardages « oiseaux », le parvis en fonte d’aluminium, par exemple) ainsi que les effets induits par la très grande complexité géométrique de son bâtiment.

LA DÉRIVE DES COÛTS

La maîtrise d’œuvre a indiqué avoir délivré à chaque phase d’étude des estimations dépassant largement le budget alloué mais beaucoup plus proches des coûts réels, que le maître d’ouvrage n’a ni prises en compte ni rapportées aux tutelles.

En décembre 2007, à l’issue de l’avant-projet sommaire (APS), Jean Nouvel a adressé à la maîtrise d’ouvrage une estimation du coût de construction en corps d’état séparés à 208,7 millions d’euros, tandis que le maître d’ouvrage présentait aux tutelles une estimation à 138,4 millions d’euros à laquelle ont été ajoutées des prestations supplémentaires pour un montant de 21 millions d’euros.

En septembre 2008, le maître d’œuvre remet au maître d’ouvrage une estimation de l’avant-projet détaillé (APD) à hauteur de 247 millions d’euros. Le maître d’ouvrage présente aux tutelles une estimation à 149 millions d’euros.

En octobre 2008, après optimisation, la maîtrise d’œuvre remet au maître d’ouvrage une estimation définitive de l’avant-projet détaillé à hauteur de 204,5 millions d’euros en lots séparés, plus 6,5 millions d’euros d’options.

Le maître d’ouvrage ne conteste pas cette estimation et engage la phase projet et le dossier de consultation des entreprises.

Les AJN suggèrent des économies qui n’ont pas été acceptées. En 2008, ils proposent des scénarii d’optimisation réduisant les coûts de construction à 181, 195 ou 210 millions d’euros, alors qu’ils les estiment plutôt à 247. Ces scénarii ont pour la plupart été refusés.

À partir d’août 2009, à la suite de la remise de l’offre de Bouygues, le maître d’ouvrage compile une liste de pistes de simplification du projet qu’il transmet à la maîtrise d’oeuvre : suppression de l’accessibilité en toiture, suppression de tous les portes à faux, suppression des oiseaux sur la toiture, suppression de tous les habillages bois de salle. L’architecte refuse ces options qui auraient dénaturées le projet.

En octobre 2009, un rapport de la maîtrise d’oeuvre demande à la maîtrise d’ouvrage une nouvelle consultation en lots séparés pour réduire les coûts sans dénaturer le projet. Cette demande est refusée par la maîtrise d’ouvrage.

Pour la maîtrise d’ouvrage, durant la phase d’études (avant-projet sommaire, avant-projet détaillé), le maître d’œuvre a cherché par tous les moyens à enrichir son projet.

Les affirmations d’AJN sur ses estimations de coûts en phase étude sont parfaitement inexactes. À chaque étape de cette phase étude, les estimations de coûts ont été débattues, y compris en présence des tutelles et le passage à la phase suivante n’a été acté qu’après convergence de ces analyses.

La maîtrise d’ouvrage reconnaît qu’une partie de l’augmentation du coût est due à ses propres choix stratégiques

Elle a notamment choisi d’opter pour un contrat de construction comprenant la maintenance du bâtiment sur quinze ans afin d’intéresser les entreprises à la pérennité de l’ouvrage qu’elles avaient à construire. Par ailleurs, la maîtrise d’ouvrage a subi des réformes en matière d’assurances qui l’ont conduit à devoir souscrire de nouvelles polices. Enfin, compte tenu de la complexité du bâtiment imaginé par Jean Nouvel, la maîtrise d’ouvrage n’a pas souhaité diminuer les études allouées aux entreprises, afin que celles-ci puissent examiner très précisément la bonne tenue du bâtiment, notamment au plan structurel, et ainsi en garantir la sécurité.

La maîtrise d’ouvrage indique qu’en cours d’exécution, Jean Nouvel a poursuivi son travail de réinvention du bâtiment. Courant 2013, il a même envisagé de revoir en profondeur de nombreux aspects de son bâtiment (salle de concert, grotte, foyers, calepinage des oiseaux, etc.) alors que bon nombre de ces ouvrages étaient déjà très fortement avancés.

La maîtrise d’ouvrage indique que les seules « pistes d’économies » présentées par l’architecte consistaient à supprimer des espaces (notamment quatre des six salles de répétition) ce qui revenait à tronquer une partie importante du programme. Jean Nouvel proposait de déshabiller totalement le projet culturel de la Philharmonie pour lui permettre de renforcer son propre geste architectural.

LE CHOIX DU CONSTRUCTEUR

La maîtrise d’œuvre regrette qu’une négociation avec Bouygues ait été préférée à un nouvel appel d’offres.

Les AJN avaient suggéré un appel d'offres européen, ou bien par lots séparés, sachant que les Anglais et les Espagnols ont des entreprises de charpente très performantes et que le projet de Jean Nouvel soulevait des problèmes structurels que peu d'entreprises françaises étaient susceptibles d'appréhender.

La maîtrise d'ouvrage lance en 2009 une procédure d’appel d’offres restreint. Seules les entreprises Bouygues et Vinci répondent. La première est prête à s'engager à hauteur de 306 millions d’euros, la seconde de 365 millions d’euros. Cette procédure sera déclarée infructueuse, la première dépassant l'estimation initiale faite par la maîtrise d'ouvrage de 75 %, la seconde de 108 %.

Pour des raisons de respect du calendrier, au lieu de relancer un appel d’offres, le choix a été fait de négocier avec Bouygues seul. Pourtant, la négociation a duré un an et demi (l’offre est remise en août 2009 et le marché est notifié en janvier 2011). Jean Nouvel s’interroge sur les raisons qui ont pu conduire l'Association de préfiguration de la Philharmonie à reprendre les discussions avec Bouygues dans le cadre d'un « marché négocié sans publicité ni mise en concurrence » pour aboutir à un prix affiché d'environ 218,6 millions d’euros (hors options, primes de célérité et travaux préliminaires) plutôt que de relancer un appel d’offres européen en lots séparés.

La mise au point du marché de la construction avec Bouygues fut très longue, principalement en raison de son offre de prix trop élevée. Bouygues a refusé le statut d’entreprise générale qui aurait permis une meilleure garantie des prix et des délais et a souhaité être une entreprise séparée. Les corps d’état ne sont donc pas solidaires.

Pour les AJN, le marché qui a été signé était incomplet et ne permettait pas la production d’un bâtiment opérationnel. Il a contribué à la dégradation du projet.

Pour la maîtrise d’ouvrage, peu de solutions s’offraient à la Philharmonie de Paris. Compte tenu de la complexité du projet, il n’aurait pas été raisonnable d’envisager un marché en lots séparés : cela aurait fait reposer sur les maîtrises d’œuvre et d’ouvrage, tous les efforts de coordination du chantier. Compte tenu des défaillances constatées de la maîtrise d’œuvre, on ne peut que se féliciter d’avoir opté pour un marché global.

Dans le cas de la Philharmonie de Paris, il convient de rappeler que deux offres avaient été remises : l’une portée par Vinci, l’autre par Bouygues. L’offre de Vinci a été écartée non pas pour des raisons économiques (elle était d’un niveau très nettement supérieur à celle de Bouygues) mais pour des raisons de procédure. L’offre remise par Vinci présentait, en effet, de nombreuses irrégularités qui la rendaient très clairement irrecevable. Dans ces conditions, sur un plan juridique, il ne pouvait être envisagé de conduire également une négociation avec Vinci.

LE DÉROULEMENT DU CHANTIER

Pour la maitrise d’œuvre, les retards sont imputables aux décisions de la maîtrise d’ouvrage, en particulier à la multiplication des ordres de service et au non respect de la procédure de visa.

L’ordre de service est un ordre donné à l’entrepreneur par le maître d’oeuvre, agissant pour le compte du maître d’ouvrage, pour exécuter les travaux ou en modifier les conditions d’exécution.

Les ordres de service n’étaient pas prévus au contrat, mais ont été demandés par la maîtrise d’ouvrage et les entreprises, principalement pour pallier les défaillances de la cellule de synthèse.

Le contrat de maîtrise d’œuvre interdit aux entreprises de construire sans avoir obtenu le visa favorable du maître d’œuvre qui dispose d’un délai de quatorze jours pour valider ou refuser leurs plans. Sur le chantier de la Philharmonie, les AJN indiquent que les entreprises ont diffusé – sans aucun contrôle – de très nombreux documents inutiles, incomplets, non coordonnés ou prématurés dans le but de « noyer » la maîtrise d’œuvre. Selon eux, sur environ 15 000 documents diffusés, seuls 4 000 étaient pertinents.

Or, pour émettre son visa, le maître d’œuvre doit s’assurer que la synthèse entre tous les corps d’état est aboutie afin d’éviter des non conformités. De nombreux documents ont dû être refusés en raison de l’absence de synthèse.

Pourtant, les entreprises ont été incitées par le maître d’ouvrage à construire des ouvrages sans synthèse aboutie et sans avis favorable de l’architecte, en contradiction avec le contrat de maîtrise d’œuvre, l’architecte, la « loi MOP » et le cahier des clauses administratives générales (CCAG) travaux. Malgré les protestations de la maitrise d’œuvre, elles ont continué à construire sans visa favorable sur demande du maître d’ouvrage.

Leurs travaux, exécutés sans coordination et sans possibilité de validation par le maître d’œuvre, ont produit des non-conformités, donc des retards et des travaux complémentaires coûteux. Pour réaliser ces mises en conformité, le maître d’ouvrage a dû notifier des ordres de service supplémentaires. Un cercle vicieux s’est instauré.

Par ailleurs, en matière de contrôle des entreprises, la maitrise d’œuvre est censée avoir une délégation de la maitrise d’ouvrage. Dans le cas de la Philharmonie, les AJN indiquent que la maitrise d’ouvrage a pris la main sur les entreprises en lieu et place du maitre d’œuvre et a multiplié les ordres de service, souvent à l’insu de ce dernier.

L’assistance à la maîtrise d’ouvrage a pris une proportion considérable. Le coût de l’ensemble des assistants du maître d’ouvrage avoisinerait 31 millions d’euros selon le rapport du sénateur Yann Gaillard (2012) tandis que l’ensemble de la maîtrise d’œuvre a coûté environ 21 millions d’euros.

Pour la maîtrise d’ouvrage, la question des visas et des ordres de service est au cœur de la stratégie de l’architecte visant à ralentir le chantier pour lui permettre de revoir en continu les contours de son projet.

La multiplication des ordres de services découlent de deux principaux facteurs : tout d’abord la volonté de l’architecte de revoir systématiquement son dessin ; ensuite la nécessité de corriger un certain nombre d’incohérences et d’erreur de conception de l’architecte.

Les retards de visa relèvent à la fois d’un défaut d’organisation de la maîtrise d’œuvre et en même temps du refus de figer ce projet et de donner aux entreprises l’autorisation de construire. En effet, valider un plan revient à autoriser l’entreprise à engager ses travaux et donc à exécuter le projet décrit au marché plutôt que celui encore en cours de gestation dans l’esprit de l’architecte. D’ailleurs, bon nombre de visas finalement remis par les AJN demandaient aux entreprises de se référer à des ordres de services non notifiés voire explicitement refusés par le maître d’ouvrage.

En préparation des trois années de travaux qui s’achèvent, les entreprises ont produit, en phase d’étude, 21 208 documents (chiffre établi au 31 juillet 2014) de toute nature : listes prévisionnelles de diffusion des plans d’exécution provisoire (PEP), PEP, documents de synthèse et documents d’exécution définitifs (PEO).

En principe, la maîtrise d’œuvre dispose d’un délai de quinze jours pour examiner les documents qui lui sont soumis. En pratique, à la date du 31 juillet 2014, sur les 21 208 documents diffusés par les entreprises, 12 173 d’entre eux (soit près de 3 sur 5) ont été visés par la maîtrise d’œuvre en retard, cumulant ainsi 950 892 jours calendaires, pour une moyenne de 78 jours de retard de visa par document.

LA « CASSURE » FIN 2012 DANS LES RELATIONS ENTRE LES MAÎTRISE D’OUVRAGE ET MAÎTRISE D’œUVRE ET L’IMMIXTION DE JEAN NOUVEL

À partir de 2013, le maître d’ouvrage a contrôlé lui-même les paiements accordés aux entreprises, contre l’avis du maître d’œuvre et, là encore, en contradiction avec les dispositions de la « loi MOP » et du CCAG marché de travaux publics.

À partir de septembre 2013, Jean Nouvel indique ne plus avoir eu la responsabilité de son chantier ni de son projet.

« La situation est simple. Le chantier avance sans mon accord. On donne des ordres aux entreprises sans me consulter. On m’a délibérément écarté. On veut boucler ce projet en force, au détriment de la qualité, pour respecter un calendrier irréaliste. Nous perdons de l’argent. La Philharmonie a été mal évaluée au départ. On a sous-estimé son coût et sa dimension, on le paye aujourd’hui. Les politiques doivent le savoir et en tirer les conséquences. »

La maîtrise d’ouvrage exclut la maitrise d’œuvre de la direction du chantier. Patrice Januel, directeur général de l’Association de préfiguration et maître d’ouvrage, interdit aux entreprises de s’adresser à la maitrise d’œuvre, dirige des réunions de chantier parallèles et passe des commandes directement aux entreprises, au travers de « feuilles de routes » et d’ordres de service tenus secrets vis-à-vis de l’architecte.

Jean Nouvel a dû se plier à l’injonction du maître d’ouvrage de ne pas communiquer sur la Philharmonie sans son aval. Il considère que s’il a été écarté, c’est justement parce qu’il voulait faire son métier, contrôler les ordres de service et les sommes payées aux entreprises, donc les coûts.

Jusqu’en décembre 2012, le chantier s’est bien déroulé et a fonctionné comme pour la construction du Quai Branly. Même si des désaccords ont pu survenir, un vrai dialogue s’était instauré entre maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage et cette dernière considère qu’elle pouvait pleinement jouer son rôle d’accompagnement de l’architecte dans la construction de son œuvre.

La maîtrise d’ouvrage indique qu’à compter de la fin de l’année 2012, le dialogue avec la maîtrise d’œuvre s’est dégradé et a pris un tour de plus en plus contestataire et précontentieux, cette dernière n’hésitant pas à tenter de bloquer l’avancement des travaux. Le principal signal donné par la maîtrise d’œuvre a consisté en la présentation en février 2013 d’un vaste document graphique de plusieurs centaines de pages dans lequel elle remettait en cause l’ensemble des choix faits sur ce bâtiment, en particulier toutes les composantes « décoration » (y compris sur des ouvrages déjà réalisés). Malgré les tentatives de conciliation de la maîtrise d’ouvrage (dans les limites du budget qui lui était alloué), ces relations se sont peu à peu dégradées tout au long de l’année 2013 et ont conduit au lancement début 2014 de différentes procédures contentieuses.

Ce tournant dans les relations coïncide avec un changement radical de gouvernance des AJN et, notamment, avec le départ de l’ancien président de ce cabinet, Michel Pélissié et la mise à l’écart de tous les collaborateurs gênant la stratégie de Jean Nouvel, dont le directeur de travaux, personne très expérimentée affectée au chantier de la Philharmonie de Paris.

Laurent Bayle a tenté une médiation en fin d’année 2014 qui a échoué.

LE CONFLIT SUR LA CHARPENTE MÉTALLIQUE DE LA TOITURE
ET DES BALCONS DE LA SALLE

Les AJN indiquent que la maitrise d’ouvrage a accordé un blanc-seing à Bouygues pour monter la charpente sans leur aval.

Les « méga poutres » de toiture de la salle ont été commandées directement par le maître d’ouvrage, contre l’avis du maître d’œuvre, avant aboutissement des études des entreprises. Ces poutres, une fois fabriquées, se sont révélées non conformes car leur dimensionnement ne prenait pas en compte toutes les charges de toiture. Il a fallu les recalculer et les consolider après coup. Cette erreur a occasionné cinq mois supplémentaires de retard (évalués par Jean-Pierre Weiss à environ 20 millions d’euros sur la base de 4 millions par mois de chantier).

Par ailleurs, une partie importante de la charpente métallique des balcons, commandée directement par le maitre d’ouvrage avant l’aboutissement des études en 3D et des études de charge des entreprises, a dû être détruite et remplacée en cours de chantier, car elle ne permettait pas de supporter les murs de finition. Même après remplacement des charpentes non-conformes, la pose de la finition a été rendue très compliquée et ralentie par l’inadéquation des structures du support avec la géométrie des pièces de finition. Plusieurs mois ont encore été perdus et des frais supplémentaires importants ont été générés (coût de démontage et remontage de la structure, coûts liées aux retards).

La maîtrise d’ouvrage considère que tout au long du chantier, l’architecte a engagé un véritable bras de fer visant à gagner un maximum de temps pour pouvoir reprendre son projet jusqu’au dernier moment. Le scénario de la Philharmonie de Hambourg, tout à fait dramatique, aurait pu se reproduire si la Philharmonie n’avait pas demandé à l’entreprise de commander les poutres de la salle de concert. À Hambourg, les relations entre les maîtrises d’œuvre et d’ouvrage étaient tout aussi difficiles. L’architecte a réussi à empêcher la fermeture de la toiture de la salle : en conséquence, le chantier s’est arrêté pendant plus d’un an, les entreprises se sont retirées, le calendrier s’est considérablement allongé (ce projet n’aboutira pas avant 2017 alors qu’il a débuté avant celui de la Philharmonie de Paris) et le budget a explosé (plus de 800 millions d’euros).

Sur tous les ouvrages structurels (poutres de la salle, charpente des balcons), l’architecte a refusé de délivrer son visa (alors que ces éléments avaient bien été validés par le contrôleur technique et même par le bureau d’études techniques choisi par les AJN) dans le seul but de freiner, de bloquer le chantier.

LA SYNTHÈSE EN TROIS DIMENSIONS

La cellule de synthèse est chargée de définir les réservations, les interfaces et coordonner tous les ouvrages dans le respect des enveloppes architecturales. C’est elle qui arbitre les conflits entre les ouvrages des différentes entreprises. Son travail, indispensable au respect de la conformité des ouvrages, est généralement confié soit à la maîtrise d’œuvre soit à un bureau d’étude indépendant des entreprises, sous le contrôle de la maîtrise d’œuvre.

Le projet de la Philharmonie contient des géométries courbes non développables conçues avec des logiciels de modélisation 3D. Les entreprises doivent donc dessiner leurs documents d’exécutions avec des logiciels 3D et la synthèse aurait dû pour toutes les zones complexes être réalisée en 3D.

Le maître d’ouvrage a refusé de mettre en place une synthèse en 3D tous corps d’état et a limité les études en 3D à certains ouvrages et à certains lots, avec pour conséquence un ralentissement des études d’exécution des entreprises et d’importants défauts de coordination qui ont généré des désordres et des non conformités.

Dans le cas de la Philharmonie, la cellule synthèse n’a pas été confiée à la maîtrise d’œuvre, mais à un bureau d’étude (Ingérop) intégré au groupement d’entreprises. Elle n’a donc eu aucune indépendance vis-à-vis de ces dernières et les conflits n’ont pu être gérés par la maîtrise d’œuvre.

La maîtrise d’œuvre a réclamé des compléments de mission de contrôle de la synthèse qui n’ont pas été acceptés par le maître d’ouvrage.

La maîtrise d’ouvrage indique que la 3D est un modèle dans l’industrie pas encore généralisé dans le bâtiment. Elle estime que cette modélisation n’est pas nécessaire pour tout et que sa généralisation serait disproportionnée.

Elle précise que quelques modèles ont pu être contractualisés en 3D, mais qu’il n’était pas possible pour des raisons financières et de contrôle des coûts de contractualiser l’ensemble du projet en 3D.

Les personnels de maitrise d’ouvrage ne sont actuellement pas qualifiés pour faire de la 3D et la masse d’informations à fournir suppose des développements informatiques dont le coût est très élevé. Dans ces conditions, la généralisation de la 3D aurait rendu impossible tout contrôle des coûts.

Dans le cas de la fondation Vuitton, 60 personnes nourrissaient le modèle informatique. Les moyens de la Fondation n’étaient pas du tout comparables à ceux de l’Association de préfiguration.

LES PROCÉDURES CONTENTIEUSES EN COURS

Fin 2014, Jean Nouvel assigne la Philharmonie devant le TGI de Paris pour atteinte à son œuvre et à son droit d’auteur.

Il veut contraindre la Philharmonie à revenir à son dessin initial et demande que le juge se prononce sur 26 « non-conformités » concernant notamment les parapets, les foyers, la façade, la couverture des réflecteurs de la salle de concert, la promenade… Sa demande a été déclarée irrecevable par le TGI de Paris. Jean Nouvel a fait appel.

Sur la procédure engagée par la Philharmonie, la maîtrise d’œuvre réfute tout retard de délivrance des visas et dénonce un système de comptabilisation élaboré à charge contre elle. Elle persiste à dénoncer l’immixtion du maître d’ouvrage et les risques pris par ce dernier pour la sécurité, les coûts, le calendrier et la qualité.

Sur la procédure engagée par les AJN, la maîtrise d’ouvrage souligne le caractère collectif de l’œuvre (le droit moral doit être partagé avec les acousticiens). Elle insiste aussi sur le caractère « habité » de cette réalisation qu’elle juge conforme au dessin initial, les modifications étant essentiellement justifiées par le respect de normes de sécurité.

La Philharmonie de Paris a engagé une procédure de référé contre les AJN au début de l’année 2014.

Elle estime que l’architecte n’a pas validé les plans des entreprises à temps et le menace de lourdes pénalités (100 euros par jour et par document), ce qui pourrait représenter un montant de plus de 100 millions d’euros pour l’ensemble des retards de délivrance de visas.

La procédure engagée vise à faire nommer un collège d’experts chargés d’étudier et de se prononcer sur les retards de visas accumulés par la maîtrise d’œuvre et sur leur incidence sur le bon déroulement du chantier. Cette procédure est en cours. Les experts ne devraient pas remettre leur rapport avant 2016.

LE BUDGET ACTUEL ET LA FIN DU CHANTIER

Jean Nouvel souhaite la reprise de 26 « non conformités » à son dessin initial et retrouver la direction des entreprises avant qu’elles quittent le chantier, c’est-à-dire avant la fin de l’année.

Début 2013, la Philharmonie de Paris a fait part à ses autorités de tutelles de ses prévisions de coût final du projet et avait annoncé un montant total de 386 millions d’euros (bâtiment, honoraires divers, assurances, premier équipement). Après discussion avec les tutelles, ce montant a été ramené à 381 millions d’euros. En septembre 2014, la Philharmonie de Paris était en mesure de procéder à une prévision de coût final beaucoup plus précise et le budget d’investissement de la Philharmonie de Paris a été arrêté à 389 millions d’euros, enveloppe qui ne couvre pas les éventuels contentieux auxquels la Philharmonie de Paris pourrait avoir à faire face.

© Assemblée nationale

1 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2016/commissions_elargies/

2 () Rapport particulier de la Cour des comptes sur l’établissement public de la Cité de la musique – exercices 2004 à 2012 et rapport public 2012 (chapitre sur les grands chantiers culturels).