N° 3110
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2016 (n° 3096),
PAR Mme Valérie RABAULT,
Rapporteure Générale
Députée
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ANNEXE N° 32
MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES
AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC
Rapporteur spécial : M. Jean-Marie BEFFARA
Député
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 7
CHAPITRE I : LA MISSION MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES : HORS TRANSFERT VERS LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS AVANCES A L’AUDIOVISUEL PUBLIC, DES CRÉDITS STABILISÉS PAR RAPPORT À 2015 9
I. LA PRESSE, UN MEDIA FORTEMENT FRAGILISÉ MALGRÉ LES AIDES DONT IL BÉNÉFICIE 10
A. DES MOYENS STABILISÉS À L’ÉCHELLE DU PROGRAMME, MALGRÉ UNE LÉGÈRE BAISSE DES AIDES À LA PRESSE 10
B. LA PRESSE FRAGILISÉE A L’HEURE DU NUMÉRIQUE 10
C. LES AIDES À LA PRESSE : DES DISPOSITIFS RÉNOVÉS DONT LE NIVEAU DE FINANCEMENT EST GLOBALEMENT PRÉSERVÉ 12
1. Perspectives budgétaires des aides directes à la presse pour 2016 : une baisse de 1 % liée à l’évolution mécanique des dépenses de guichet 12
a. Les aides à la diffusion 13
b. Les aides au pluralisme 14
c. Les aides à la modernisation 14
d. La réforme du fonds stratégique de développement de la presse (FSDP) 16
2. Les diffuseurs de presse : une situation qui s’améliore mais qui demeure sous tension 18
a. La diminution croissante du nombre de point de vente 18
3. Les aides à la distribution hors programme 180 : la clarification rapide des conditions de sortie des accords Schwartz devient une nécessité 21
a. L’aide au transport postal au sein de la mission Économie 21
b. La sortie chaotique des accords Schwartz : une situation très préjudiciable pour la presse spécialisée 22
D. LA RESTRUCTURATION DU FINANCEMENT DE L’AFP DANS LE CADRE DE SON NOUVEAU CONTRAT D’OBJECTIFS ET DE MOYENS POUR 2015-2018 23
II. LE PROGRAMME 334 LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES : UN SOUTIEN STRUCTURÉ ET EN AUGMENTATION 24
A. DES CRÉDITS EN BAISSE EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET EN HAUSSE EN CRÉDITS DE PAIEMENT : DES MARGES DE MANœUVRE QUI DEMEURENT SATISFAISANTES 24
B. LE LIVRE RELÈVE LE DÉFI DU NUMÉRIQUE ET CONSOLIDE LA RÉGULATION DE SON SECTEUR 25
1. L’évolution du cadre normatif : Le prix du livre dans un environnement numérique 25
a. L’encadrement des conditions de vente à distance 25
b. La sécurisation et l’amélioration des lois de prix fixe de 1981 et 2011 26
2. La médiatrice du livre : le succès du soft law () sur le fondement d’une loi robuste 28
3. Ces mesures ont participé à la préservation de la librairie de proximité 30
C. LE FINANCEMENT PUBLIC DE LA POLITIQUE DU LIVRE ET DE LA LECTURE 31
D. LE SOUTIEN PUBLIC AUX INDUSTRIES CULTURELLES 33
III. LE PROGRAMME 313 CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC ET À LA DIVERSITÉ RADIOPHONIQUE : UNE BAISSE EN TROMPE L’œIL 33
A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE FRANCE TÉLÉVISIONS EN VOIE D’EXTINCTION 33
B. LA RÉFORME PRÉVUE EN 2015 DU FONDS DE SOUTIEN À L’EXPRESSION RADIOPHONIQUE PERMETTRA LA MAÎTRISE DES DÉPENSES ET LE CIBLAGE DES AIDES SÉLECTIVES 34
CHAPITRE II : LE FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC, QUELLES PERSPECTIVES ? 37
I. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC : UNE NOUVELLE SOURCE DE FINANCEMENT ISSUE DE LA TAXE SUR LES OPÉRATEURS DE COMMUNICATION ÉLECTRONIQUE 37
A. LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC (CAP) EN 2016 : LA RÉFORME DE L’ASSIETTE EST DIFFÉRÉE 37
1. L’évolution de la contribution à l’audiovisuel public : pas de hausse au-delà de l’inflation en 2016 37
a. Une contribution à 137 euros dans l’Hexagone et 87 euros en outre-mer 37
b. Le rendement de la contribution à l’audiovisuel public en 2016 38
c. Les exonérations à la contribution à l’audiovisuel public 38
2. Une réforme de l’assiette devient urgente afin de prendre en compte la convergence numérique et d’assurer une rentabilité de long terme 40
3. La taxe sur les opérateurs de communication électronique affectée au compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public : un pas supplémentaire en faveur de la sécurisation des crédits de l’audiovisuel 42
a. L’article 20 du projet de loi de finances pour 2016 : l’affectation de la « taxe télécom » à France Télévisions via le compte de concours financiers 44
b. La disparition du substrat de crédits budgétaires par voie d’amendement 45
II. QUELLES PERSPECTIVES EN 2016 POUR LES ACTEURS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC ? 47
A. LA VENTILATION DES CRÉDITS DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIER AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC 47
B. LES OBJECTIFS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC EN 2016 : DES COMPTES À L’ÉQUILIBRE ET UNE PROGRAMMATION AMBITIEUSE 48
1. Le passage en haute définition (HD) en avril 2016 : la révolution silencieuse de la télévision diffusée par voie hertzienne 48
a. Définition des enjeux 48
b. Le cadre législatif 49
c. Avril 2016 : la généralisation de la haute définition, mais dans quelles conditions ? 50
2. France Télévisions : Un déficit évalué entre 40 et 50 millions d’euros à l’issue de l’année 2016 malgré d’importants efforts en matière d’économies structurelles 51
a. Des comptes fragilisés, mais un espoir de retour à l’équilibre grâce au « coup de pouce » du Gouvernement 51
b. Les audiences de France Télévisions : malgré la concurrence, le groupe public est en tête des parts d’audience 53
3. Arte : Une dotation en légère hausse pour la deuxième année consécutive 54
4. Radio France : une situation financière fragile qui accuse la baisse des dotations publiques 56
a. L’évolution de la situation financière de Radio France 56
b. Les perspectives 2016 : des sources de recettes complémentaires et la recherche d’économies structurelles 57
5. Les perspectives de l’audiovisuel : France media Monde 58
6. Le financement de l’Institut national de l’audiovisuel 60
a. Une ressource publique stabilisée en 2016 60
b. Des ressources commerciales en baisse en 2014 et qui devrait se rétablir en 2017 60
L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 95 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.
Le présent projet de loi de finances pour 2016 propose d’inscrire à la mission Médias, livre et industries culturelles 591,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 601,7 millions d’euros en crédits de paiement, soit des baisses de respectivement 17,6 % en autorisations d’engagement et 15,8 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cette diminution correspond cependant à un effet de périmètre. Elle résulte du transfert d’une part substantielle de la dotation de France Télévisions sur le compte de concours de financier Avances à l’audiovisuel public. À périmètre constant, les crédits de la mission sont en légère baisse de 0,6 % en autorisation d’engagement et en hausse de 1 % en crédits de paiement.
Le rééquilibrage récurrent entre ces deux sources de financement rend donc difficilement perceptible, jusqu’à sa stabilisation, l’évolution précise des crédits. En effet, le périmètre de la mission Médias, livre et industries culturelles s’est déjà trouvé modifié en 2015, du fait de la suppression du programme 115 Action audiovisuelle extérieure (1). À compter de 2015, les sociétés France Médias Monde (FMM) et TV5 Monde sont financées intégralement sur les crédits du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public issus du produit de la contribution à l’audiovisuel public (CAP).
Si le découpage en programmes de la mission Médias, livre et industries culturelles reste inchangé en 2016 par rapport à la LFI 2015, certaines évolutions sont introduites, en revanche, dans la nomenclature du programme 334 Livre et industries culturelles au sein duquel deux nouvelles actions sont créées :
– une action Soutien aux médias de proximité destinée à accueillir les crédits dédiés au dispositif nouvellement mis en place pour soutenir les médias non professionnels, citoyens et participatifs (magazines, webradios, webtélés, webzines, etc.) qui contribuent à la vigueur du débat démocratique en donnant la parole aux habitants des territoires, urbains et ruraux, et en favorisant son partage dans l’espace public ;
– une action Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT) destinée à accueillir les crédits alloués à la radio franco-marocaine Médi1, anciennement inscrit au programme 115 Action audiovisuelle extérieure.
*
* *
CHAPITRE I : LA MISSION MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES : HORS TRANSFERT VERS LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS AVANCES A L’AUDIOVISUEL PUBLIC, DES CRÉDITS STABILISÉS PAR RAPPORT À 2015
Les crédits budgétaires de la mission présentent une baisse globale de 17,6 % en autorisations d’engagement (AE) et de 15,8 % en crédits de paiement (CP).
Le tableau ci-après présente les évolutions sur les trois programmes de la mission :
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION 2015-2016
(en millions d’euros)
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Écart LFI 2015/PLF 2016 | ||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP | |
Programme 180 Presse |
256,3 |
256,3 |
256,2 |
256,2 |
– 0,04 % |
– 0,04 % |
Programme 334 Livre et industrie culturelle |
271,9 |
268,9 |
265,6 |
276 |
– 2,3 % |
2,6 % |
Programme 313 Contribution à l’audiovisuel public et à la diversité radiophonique |
189,6 |
189,6 |
69,5 |
69,5 |
– 63,3 % |
– 63,3 % |
TOTAL Mission |
717,8 |
714,8 |
591,3 |
601,7 |
– 17,6 % |
– 15,8 % |
Source : projet annuel de performances pour 2016.
La diminution globale des crédits n’est donc pas saupoudrée sur les trois programmes, mais bien concentrée sur le programme 313, dont les crédits chutent de 63,3 %. Les autres volets de la mission sont soit stables, comme les aides à la presse, soit en légère augmentation, comme les crédits alloués à la politique du livre et aux industries culturelles.
Cette baisse de 63,3 % n’est cependant pas représentative d’une diminution réelle de la dotation de France Télévisions. Il s’agit d’une nouvelle étape vers un financement intégral de l’audiovisuel public par la contribution à l’audiovisuel public (CAP), qui a induit en PLF 2016 un transfert de 120 millions d’euros du programme 313 vers le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public. Pris dans leur globalité, les crédits en faveur de France Télévisions augmentent de 5,5 millions d’euros entre 2015 et 2016.
La mission Médias, livre et industrie culturelle conserve donc les moyens budgétaires nécessaires afin de remplir ses objectifs ambitieux, dans un contexte d’adaptation permanente aux enjeux du numérique.
Le tableau ci-après présente la répartition des crédits du programme Presse comme demandés dans le projet de loi de finances pour 2016 :
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME PRESSE 2015-2016
(en millions d’euros)
Actions |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Écart | |||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP | |
1 : Relations financières avec l’AFP |
126,1 |
126,1 |
127,5 |
127,5 |
1,1 % |
1,1 % |
2 : Aides à la presse |
130,2 |
130,2 |
128,75 |
128,75 |
– 1,1 % |
– 1,1 % |
TOTAL 2015 |
256,3 |
256,3 |
256,25 |
256,25 |
– 0,02 % |
– 0,02 % |
Source : projet annuel de performances pour 2016.
La tendance à un affaiblissement du soutien en faveur de la presse semble se confirmer : la légère baisse de 1,1 % fait en effet suite à un resserrement de 3 % entre 2014 et 2015. La diminution des dotations budgétaires s’est accompagnée quant à elle d’une rénovation importante du système des aides en 2014, censée favoriser un meilleur ciblage et une plus grande efficacité des dispositifs dans un environnement numérique et concurrentiel. Elle est également accentuée par l’extinction progressive de certains dispositifs comme l’aide au transport postal, précieuse pour certaines formes de presse, et qui risque de fragiliser durablement le secteur.
Le Rapporteur spécial appelle ainsi le Gouvernement à être vigilant sur les restrictions budgétaires imposées à ce média particulièrement affaibli par les évolutions numériques et la baisse des recettes publicitaires.
Le secteur de la presse est particulièrement touché par les effets de la transition numérique et de l’évolution des usages qui en découle : selon Médiamétrie (2), 80 % des Français sont désormais des internautes, et le nombre moyen d’écrans par foyer s’élève désormais à 6,4. Les très importantes mutations du secteur, observées depuis quelques années sur plusieurs niveaux (concurrence de nouveaux médias, circuit de distribution et marché publicitaire) contraignent l’ensemble des acteurs à une série d’adaptations innovantes dont la convergence reste difficile à définir.
La presse gratuite d’annonces, dont la création remonte au début des années 1970, vit depuis quelques années une crise structurelle et reste le premier type de presse impacté par les mutations actuelles liées au développement des supports de l’information et des services en ligne. Plus récemment, la deuxième victime est la presse technique et professionnelle.
Le chiffre d’affaires de la presse a diminué de 6,46 % entre 2012 et 2013, et de 4,24 % entre 2013 et 2014. Le graphique suivant illustre la chute tendancielle du chiffre d’affaires global de la presse de 1991 à 2014, particulièrement marquée depuis 2007 :
Source : direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).
Cette baisse tendancielle, qui semble difficile à inverser, s’explique par deux facteurs principaux :
− d’une part, la baisse du chiffre d’affaires des ventes, engendrée par la modification des usages et le développement d’internet. Le chiffre d’affaires de la vente par abonnement a commencé à diminuer en 2013, mais de manière encore mesurée (– 0,66 %).Celui de la vente au numéro est plus durement touché et depuis plus longtemps : – 7 % entre 2012 et 2013 et – 3,1 % entre 2013 et 2014 ;
− d’autre part, la baisse du chiffre d’affaires publicitaire. Il s’agit du principal facteur de déstabilisation du chiffre d’affaires de la presse, dans un contexte où les investissements publicitaires média et hors média des annonceurs se sont élevés en 2014 à 29,6 milliards d’euros, et se situent à ce jour au niveau de 2003. La presse est de surcroît le média traditionnel le plus touché par le morcellement du marché publicitaire et des audiences, ainsi que par la montée en charge de la publicité digitale. En 2014, les recettes publicitaires nettes pour l’ensemble des médias s’élevaient à 13 milliards d’euros, soit une baisse de - 2,5 % par rapport à 2013 : la presse enregistrait quant à elle sur la même période une chute de 8,7 % de ses recettes publicitaires, qui faisait suite à une baisse de près de 12 % entre 2012 et 2013.
Les aides à la presse demeurent donc une intervention incontournable en faveur de ce média fortement fragilisé, mais essentiel à la dynamique démocratique et culturelle de notre pays.
C. LES AIDES À LA PRESSE : DES DISPOSITIFS RÉNOVÉS DONT LE NIVEAU DE FINANCEMENT EST GLOBALEMENT PRÉSERVÉ
1. Perspectives budgétaires des aides directes à la presse pour 2016 : une baisse de 1 % liée à l’évolution mécanique des dépenses de guichet
Les aides directes à la presse se divisent en trois catégories distinctes : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme, et les aides à la modernisation. Le tableau suivant récapitule l’évolution entre 2015 et 2016 des différents volets d’aide, ainsi que leur part dans le total des aides, qui s’élève à 128,8 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016 :
LES AIDES À LA PRESSE : ÉVOLUTION 2015-2016
(en millions d’euros)
Aide à la presse |
PLF 2015 |
PLF 2016 |
Évolution |
Part de l’aide/total PLF 2016 |
Sous-action 1 : "Aide à la diffusion" |
58,5 |
57,7 |
– 1,4 % |
45 % |
Aide au portage de la presse |
36 |
36 |
0,0 % |
28 % |
Exonération de charges pour les vendeurs-colporteurs |
22,5 |
21,7 |
– 3,6 % |
17 % |
Sous action 2 : "Aide au pluralisme " |
11,5 |
15,5 |
34,8 % |
12 % |
Aide aux quotidiens nationaux d’IPG (1) à faibles ressources publicitaires |
8,7 |
12,65 |
45,4 % |
10 % |
Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’IPG (1) à faibles ressources de petites annonces |
1,4 |
1,4 |
0,0 % |
1 % |
Aide à la presse hebdomadaire régionale |
1,4 |
1,42 |
1,4 % |
1 % |
Sous-action 3 : "Aide à la modernisation" |
60,1 |
55,6 |
– 7,5 % |
43 % |
Aide à la modernisation sociale de presse IPG (1) |
7 |
3,4 |
– 51,4 % |
3 % |
Aide à la modernisation de la distribution de la presse |
18,9 |
18,85 |
– 0,3 % |
15 % |
Aide à la modernisation des diffuseurs de presse |
3,8 |
3,7 |
– 2,6 % |
3 % |
Fonds stratégique pour le développement de la presse |
30,4 |
29,6 |
– 2,6 % |
23 % |
TOTAL |
130,1 |
128,8 |
– 1,0 % |
Source : projets annuels de performances 2015 et 2016.
(1) IPG : information politique et générale
Les aides à la presse ne sont cependant pas exclusivement constituées de subventions directes. Plusieurs autres dispositifs essentiels au secteur viennent s’ajouter :
− une aide budgétaire indirecte : l’aide au transport postal, qui prend la forme d’une subvention à La Poste afin de permettre un abaissement des tarifs postaux en faveur des titres de presse. Cet accord tripartite État- La Poste-presse a été contractualisé dans le cadre des « accords Schwartz » de 2008, et prend fin à l’issue de l’année 2015 ;
− des dispositifs fiscaux en faveur de la presse. Le plus substantiel est le taux de TVA super réduit de 2,1 % en faveur des services de presse (3). Ce taux a été étendu aux services de presse en ligne dès le 1er février 2014 en France au lieu du taux de 20 % auparavant, et ce malgré le contentieux dont fait l’objet cette mesure auprès de la Commission européenne. Son coût est évalué à 170 millions d’euros pour 2015. D’autres dispositifs fiscaux bien plus marginaux bénéficient également au secteur de la presse, comme un régime spécial de provision pour investissements (2 millions d’euros en 2015).
Les aides directes à la presse demeurent cependant l’intervention étatique permettant de cibler au mieux les objectifs à atteindre.
En raison du transfert de l’aide au transport postal de la presse vers le programme 134 de la mission Économie, les aides à la diffusion recouvrent désormais l’aide au portage de la presse, réformée par le décret du 24 septembre 2014, afin d’éviter l’effet d’aubaine qu’il a pu représenter pour certains éditeurs les aides au flux et aides aux stocks qui existaient jusqu’en 2014. Les deux sections du dispositif sont désormais fonction d’une part, du taux de progression du nombre d’abonnés portés entre les années n–1 et n, et d’autre part en fonction de la progression du taux de portage multi-titres entre n–2 et n.
Cette aide n’a cessé de monter en puissance : elle représentait 8,25 millions d’euros en 2009 pour atteindre 36 millions d’euros en 2015, de même qu’en 2016. Une réflexion est aujourd’hui ouverte sur la complémentarité des différents modes de diffusion, et doit être menée avec l’ensemble des acteurs.
Les aides à la diffusion comprennent également les exonérations des charges patronales pour les vendeurs-colporteurs de presse. Il s’agit d’une dépense de guichet, dont le montant est estimé par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à 21,7 millions d’euros en 2016.
Il s’agit principalement de l’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires, mais également de l’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces et de l’aide à la presse hebdomadaire régionale et locale.
Avec un montant prévu pour 2016 à 12,66 millions d’euros, sur une enveloppe totale dédiée aux aides au pluralisme de 15,48, l’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires constitue 81,8 % de l’action. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, elle a augmenté de près de 4 millions d’euros, suite à son extension en 2015 à l’ensemble des titres nationaux d’information politique et générale de toute périodicité (hebdomadaires, bimensuels, mensuels, bimestriels et trimestriels), et non plus seulement aux quotidiens.
Les deux autres dispositifs se voient allouer une enveloppe de 1,4 million d’euros chacun, stable par rapport à 2015.
Elles comprennent d’abord l’aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale mise en place en 2004. Il s’agit principalement de dispositifs de cessation d’activité pour les salariés sous condition d’âge. Il s’agit d’une dépense de guichet qui diminue progressivement avec la démographie des départs à la retraite de ses bénéficiaires : cela explique la baisse de plus de 50 % de cette aide, de 7 à 3,4 millions d’euros entre 2015 et la prévision 2016. Cette diminution est donc sans impact pour les dispositifs des aides à la modernisation.
Il s’agit ensuite de l’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale vendue au numéro en France. Cette distribution est assurée par une seule société de messagerie, Presstalis. Avec une enveloppe de 18,85 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016 stable par rapport à 2015, il s’agit du principal dispositif des aides à la modernisation avec le Fonds stratégique pour le développement de la presse. Au sein de ces crédits, 850 000 euros sont par ailleurs dédiés à l’aide à la distribution de la presse française à l’étranger. La société Presstalis, au bord de la faillite en 2012, a connu une importante situation de crise sociale suite à la mise en place d’un important plan de restructuration. La situation de l’entreprise est désormais stabilisée.
Le surcoût de la médiation Redding en 2014 : la difficile sortie de crise de la société Presstalis
En 2014, la dotation initiale s’est élevée à 18 millions d’euros et a été consommée dans sa totalité.
Cependant, à la suite du mouvement de grèves de l’hiver 2012, le Gouvernement a chargé M. Raymond Redding d’une mission de médiation entre la direction de Presstalis et les organisations syndicales. Cette médiation s’est terminée par un accord en mai 2013. Le surcoût issu de la médiation Redding a été estimé à 32,7 millions d’euros.
Le Gouvernement a signifié en mai 2013 à Presstalis qu’il prendrait à sa charge une partie de ce surcoût, dans la limite de 14 millions d’euros. L’État a versé 7 millions d’euros à Presstalis en mai 2014. En novembre 2014, 3,5 millions d’euros ont été versés sur les 7 restants, en conditionnant le versement des 3,5 millions d’euros complémentaires à la création de la société commune pour l’exploitation du système informatique commun à la filière, et à une amélioration de la qualité de service avec les diffuseurs sur la zone de l’ex Société presse Paris service (SPPS), qui gérait pour Presstalis un dépôt de la région parisienne.
Au vu des éléments apportés par Presstalis, le versement des 3,5 millions d’euros a été validé en décembre 2014. La consommation totale de crédits pour 2014 s’élève donc à 32 millions d’euros.
Source : Direction générale des médias et des industries culturelles.
La troisième aide à la modernisation est constituée d’une dotation en faveur de la modernisation des diffuseurs de presse, mais demeure de faible montant : 3,7 millions d’euros, contre 3,8 en 2015. Ce dispositif a pour objet d’accompagner le réseau des diffuseurs de presse dans l’effort de modernisation qu’ils doivent accomplir pour améliorer leur performance commerciale, dont dépend directement la diffusion de la presse vendue au numéro.
Initialement centré sur les projets de rénovation de l’espace de vente (mobilier et équipements directement liés à la présentation de la presse), le dispositif a été élargi dès décembre 2005 afin de soutenir également les projets de modernisation informatique, à travers l’installation ou la mise à jour de matériels (caisse enregistreuse, ordinateur, imprimante) et de logiciels permettant d’optimiser la gestion des produits de presse. En 2009, le bénéfice de l’aide a été étendu aux exploitants de kiosque à journaux et aux diffuseurs spécialistes en petite superficie satisfaisant aux critères définis.
L’évolution des aides à la modernisation des diffuseurs en 2013
Le ministère de la culture et de la communication a décidé en 2013 deux mesures qui s’inscrivent notamment dans le cadre des propositions du groupe de travail sur les diffuseurs de presse. Ce groupe a été constitué des principales organisations professionnelles du secteur et a remis ses conclusions à la ministre, après s’être réuni durant le premier semestre 2013.
La ministre a ainsi annoncé le 16 mai 2013 que la réforme des aides à la presse tiendrait compte de la « priorité que représente l’informatisation des points de vente au sein de l’aide dédiée à leur modernisation ».
Lors de l’annonce de cette réforme des aides à la presse le 10 juillet 2013, la ministre a alors confirmé que le « soutien aux marchands de journaux passera (…) par un plan volontariste d’informatisation des points de vente ».
Ont ainsi été modifiées deux modalités de l’aide à la modernisation, avec une entrée en vigueur à partir du 27 mai 2013 :
– les aides à l’informatisation des kiosques : désormais, toute demande d’informatisation présentée par un kiosquier est subventionnée à hauteur de 80 % des dépenses éligibles (les autres types de demandes demeurant à 40 %). Cette mesure doit permettre de favoriser l’informatisation des kiosques, qui constitue un important levier pour la diversification de leur activité commerciale, par nature très dépendante de la vente de la presse. Actuellement, le réseau des kiosquiers est encore largement sous-informatisé : seulement 10 % du réseau est équipé, contre environ 50 % pour le réseau des diffuseurs traditionnels.
– le renouvellement informatique plus rapide : le délai de quatre ans entre deux demandes d’informatisation (valable pour tout diffuseur éligible, quel que soit son statut), démarre désormais à compter de la réalisation des travaux de la première demande, c’est-à-dire à partir de l’installation effective des premiers équipements informatiques, et non plus à compter de la première décision d’attribution de la direction générale des médias et des industries culturelles. Cette mesure vise à permettre aux diffuseurs une présentation plus précoce de leur nouveau projet, la date de notification de la décision d’attribution étant souvent postérieure de plusieurs semaines ou plusieurs mois aux travaux d’informatisation.
Source : direction générale des médias et des industries culturelles.
Enfin les aides à la modernisation financent le Fonds stratégique pour le développement de la presse.
i. La réforme de 2014
Le fonds stratégique est doté de 29,65 millions d’euros en projet de loi de finances pour 2016, contre 30,45 en loi de finances initiale pour 2015, soit une baisse de 2,6 %. Cette économie résulte de la rationalisation des aides générée par la réforme de 2014.
En effet, le décret du 23 juin 2014 portant réforme des aides à la presse a précisé les nouvelles modalités de fonctionnement du fonds stratégique et les principes d’attribution des aides. Les évolutions se sont traduites par cinq mesures principales :
– la gestion du fonds, avec la fusion des anciennes sections, afin d’unifier et de simplifier l’examen des demandes d’aide. Il est à noter que les décisions d’attribution d’une aide sont prises par le ministre de la culture et de la communication. Pour les dossiers demandant une aide (avance remboursable ou subvention) égale ou supérieure à 50 000 euros, ces décisions sont prises après avis d’un comité d’orientation ;
– le cadre d’éligibilité des services de presse en ligne : les services de presse en ligne (SPEL) d’information pratique du public ne sont plus éligibles. Par ailleurs, l’article 40 du décret du 23 juin 2014 prévoit l’éligibilité uniquement en 2014 et 2015 des services de presse en ligne qui développent l’information professionnelle ou qui favorisent l’accès au savoir et à la formation, la diffusion de la pensée, du débat d’idées, de la culture générale et de la recherche scientifique ;
– la priorité affirmée du soutien à l’innovation et aux projets mutualisés. L’innovation à l’échelle de l’entreprise devient le premier critère d’éligibilité au soutien du fonds. Par ailleurs, les taux bonifiés de soutien à 50 % sont désormais réservés aux projets présentant une innovation pour le secteur dans son ensemble et, comme avant, aux projets collectifs ;
– la prise en compte des dépenses internes pour les projets de développement informatiques, qui répond à une demande récurrente de la presse ;
– une nouvelle conditionnalité du soutien aux projets comprenant l’acquisition ou la location de matériels liés à l’impression : pour bénéficier du soutien du fonds à partir de 2016, les éditeurs devront démontrer l’absence de surcapacité d’impression dans la zone de production concernée, répondant à des besoins équivalents.
ii. La presse en ligne pourrait cependant être partiellement réintégrée dans le système des aides à la presse
Le recentrage sur la presse d’information politique et générale (IPG) s’accentuera avec la suppression en 2016 de l’éligibilité des seuls services de presse « non IPG » qui en bénéficie actuellement, à savoir les services de presse en ligne. Le Rapporteur spécial avait déjà regretté, dans son précédent rapport spécial, ce recentrage sur la presse d’information politique et générale, au détriment des autres formes de presse, plus durement touchées par la conjoncture économique et publicitaire. Force est de constater que cette évolution n’est pas remise en cause.
Le Rapporteur spécial appelait par ailleurs à une clarification de cette notion de « presse IPG » et à une vigilance renforcée sur les contenus diffusés par celle-ci, afin de ne pas créer des distorsions de concurrence injustifiée entre les produits des presses. Le groupe de travail piloté par Jean-François Mary, président de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), a rendu un rapport en novembre 2014 relatif à la clarification de la notion de presse d’information politique et générale. Ses conclusions, non publiques, n’ont fait l’objet d’aucune communication au rapporteur spécial, et ne semblent à ce jour avoir donné lieu à aucune évolution des aides en faveur de la presse.
Lors de la conférence des éditeurs du 2 juin 2015, la ministre de la culture et de la communication a cependant annoncé son intention d’identifier une nouvelle catégorie de presse : celle de la « connaissance et du savoir », qui continuerait de bénéficier des aides à la presse tandis que la presse de divertissement en serait pleinement écartée. Cette catégorie, recouvrant une grande partie des services de presse en ligne qui développent l’information professionnelle ou qui favorisent l’accès au savoir et à la formation, la diffusion de la pensée, du débat d’idées, de la culture générale et de la recherche scientifique, devrait ainsi être éligible au fonds stratégique.
Enfin, la ministre a également annoncé la mise en place d’un fonds d’aide à l’émergence de médias dont l’aide serait limitée dans le temps.
Le Rapporteur spécial souhaite souligner la situation encore difficile dans laquelle se trouvent les diffuseurs de presse, malgré les évolutions positives qui ont vu le jour en 2014.
Depuis 2009, l’activité des diffuseurs s’inscrit dans un marché en forte érosion. Dans la baisse globale de la diffusion payante, la vente au numéro est le canal de distribution qui subit le déclin le plus significatif. Le nombre d’exemplaires vendus par an (toutes familles de presse confondues) a reculé de 11 % en 2013 et de 7,1 % en 2014 selon le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP). En chiffre d’affaires, la baisse du marché a été de plus de 25 % sur la période 2009-2013. Il y a consensus dans la filière pour considérer que cette tendance devrait se poursuivre en volume avec une diminution de 7 % par an au cours des prochaines années.
Cette baisse concerne l’ensemble des marchés de la vente, dans des proportions variables : l’année 2013 a été particulièrement basse pour les quotidiens nationaux (− 9 %). Les publications presse ont terminé l’année avec une baisse de 7,5 %, tirées vers le bas par le recul devenu structurel de la presse de services, et notamment des magazines TV.
La principale conséquence est la disparition progressive d’un grand nombre de points de vente. À fin décembre 2014, on comptait 25 866 points de vente actifs dans le réseau contre 26 816 à fin décembre 2013, soit une perte de 950 points de vente (– 3,5 %). Entre 2009 et 2014, la taille du réseau des diffuseurs a diminué de 3 880 points de vente (– 13 %), comme l’illustre le graphique suivant :
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DIFFUSEURS DE PRESSE EN FRANCE DEPUIS 2006
Source : Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP)
i. La question de la rémunération : les diffuseurs de presse ont obtenu gain de cause en juillet 2014
Les diffuseurs sont rémunérés par une commission ad valorem assise sur le prix de vente facial du titre. En pratique, cette commission prélevée sur le produit des ventes au numéro de la presse est composée de deux parties : une commission de base fixée depuis 2011 par le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), et des compléments de commission revalorisant la commission de base issus de divers accords interprofessionnels de revalorisation salariale.
Il a été démontré qu’avant la réforme de 2014, que les diffuseurs français étaient moins rémunérés que leurs homologues européens. Malgré les compléments de commission, la rémunération était évaluée en moyenne à 17 %, contre 21 à 26 % au Royaume-Uni et 20 à 25 % en Espagne.
Le CSMP a lancé, au cours du mois d’octobre 2013, une consultation publique sur l’évolution des conditions de rémunération des diffuseurs de presse, suivie d’une mission de synthèse confiée au cabinet Postmédia finance. La réflexion a abouti à la décision du Conseil supérieur des messageries de presse du 1er juillet 2014. Cette décision définit une nouvelle grille de rémunération simplifiée, fondée sur une revalorisation de la commission moyenne perçue par le diffuseur de presse sur ses ventes. L’augmentation sera comprise entre deux et trois points sur la base de différents critères : lisibilité, représentativité, informatisation, « géo-commercialité », etc.
Cela représente en volume un coût global supplémentaire de 27,6 millions d’euros, soit 1,7 % du coût de diffusion en l’état actuel des ventes. L’assemblée du CSMP du 2 décembre 2014 a adopté une nouvelle décision qui précise, pour chacune des catégories de diffuseurs et en fonction des composantes du nouveau dispositif de rémunération, une trajectoire permettant d’atteindre progressivement le dispositif cible en trois exercices. Deux augmentations de la rémunération moyenne de 0,5 % chacune sont prises en charge par les éditeurs en 2015 puis en 2016. Une dernière étape de 0,7 % en 2017 devra être financée par les économies réalisées par la filière. Le président du CSMP présentera au plus tard le 31 octobre 2016 un rapport sur les ressources disponibles pour en assurer le financement, qui conditionnera la réalisation de cette dernière étape.
ii. Les autres pistes d’évolution du secteur
Lors de l’audition de l’Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP) menée dans le cadre de la préparation du rapport 2016, le Rapporteur spécial a pu constater que d’autres chantiers étaient en cours de mise en œuvre ou de réflexion pour améliorer le fonctionnement du secteur :
− les problèmes d’approvisionnement sont encore nombreux : la restructuration de la messagerie Presstalis a pour conséquence un grand dérèglement de certaines fonctions essentielles telles que le réglage des quantités distribuées. Les éditeurs et les diffuseurs sont unanimes à ce sujet. Il arrive régulièrement que des diffuseurs reçoivent des quantités d’exemplaires sans commune mesure avec leur potentiel de vente, sans que le distributeur accepte de reprendre sa marchandise, prétextant la responsabilité de l’éditeur dans le choix du réglage. À l’inverse les éditeurs affirment n’avoir aujourd’hui aucune visibilité quant à la répartition des quantités distribuées, étant ainsi contraints de rapatrier la fonction réglage au sein de la société éditrice. Le secteur travaille sur ce point, et son informatisation croissante devrait permettre d’améliorer le dispositif d’approvisionnement ;
− la mise en place d’un service informatique commun à toute la filière (Presse 2000). Il est apparu en effet que de nombreuses difficultés qui affectent la filière dans son ensemble sont liées à un système d’informations obsolète dont les déficiences entraînent de graves erreurs dans les échanges entre les différents niveaux du circuit de distribution. Le CSMP a donc pris l’initiative de lancer le projet de création d’un système d’informations en mars 2014. Le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) a soutenu en 2014 la mise en œuvre de ce système d’information commun à hauteur de 4,4 millions d’euros. Il permettra la mise en cohérence de 26 000 points de ventes, distribuant plus de 6 000 références. Il permettra également d’exploiter les statistiques relatives au secteur, notamment en matière de retour d’invendus, et ainsi d’optimiser la distribution au plus proche de la demande ;
− L’UNDP travaille enfin avec le ministère de la culture sur la mise en place d’un label de diffuseurs de presse, sur le modèle de ce qui existe pour le secteur des librairies (le label de librairie indépendante de référence – LIR, institué en 2009). La détention de ce label dont les critères devront être définis, ouvrirait droit à un certain nombre d’aides spécifiques. Dans le cas des librairies, l’obtention de ce label distribué à plus de 300 établissements permet aux collectivités territoriales de les exonérer de contribution économique territoriale (CET).
3. Les aides à la distribution hors programme 180 : la clarification rapide des conditions de sortie des accords Schwartz devient une nécessité
Le principe de l’aide au transport postal repose sur un tarif postal privilégié, compensé par l’État via subvention à La Poste au titre de la mission de service public qu’elle accomplit en distribuant les titres de presse à moindre coût. Le postage constitue le deuxième mode de diffusion après la vente au numéro.
Cette aide est désormais entièrement intégrée au programme 134 Développement des entreprises de la mission Économie et n’est plus prise en compte dans la présentation des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles. Au terme des accords Schwartz 2009-2015, la contribution de l’État pour la dernière année de ces accords devait être de 180 millions d’euros. Cependant, comme cela avait été le cas en 2014, le montant de la contribution de l’État est diminué de 50 millions d’euros par rapport au niveau fixé dans les accords de 2008 : elle est ramenée à 130 millions d’euros pour 2015 au lieu de 150 millions d’euros en 2014 et 200 millions d’euros en 2013. La baisse de la subvention publique avait vocation à être compensée par le montant du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), qui s’élève pour La Poste à 300 millions d’euros. En 2016, le projet de loi de finances prévoit encore 119 millions d’euros de crédits, alloués dans le cadre de la mission Économie.
À cela s’ajoute le surcoût pour La Poste lié à l’atténuation, pour la presse d’information générale et politique uniquement, de l’impact de la sortie du moratoire sur l’augmentation des tarifs postaux mis en place en 2009 lors des États généraux de la presse. Pour rappel, dans le cadre de l’aide au transport postal, la presse d’information politique et générale bénéficie d’un tarif préférentiel par rapport à celui appliqué à la presse « « non IPG ». Le prix payé par la presse d’information politique et générale à faible ressource représente en effet la proportion du coût réel du transport la plus faible, suivi ensuite par le prix appliqué à l’ensemble de la presse IPG et enfin par celui de la presse « non IPG » qui représente deux tiers du coût réel.
b. La sortie chaotique des accords Schwartz : une situation très préjudiciable pour la presse spécialisée
Le rapport de M. Alexandre Jevakhoff relatif à la complémentarité des modes de distribution (portage, postage, vente au numéro, auxquels il faudrait ajouter la diffusion numérique) devait permettre de répondre à certaines questions importantes sur l’optimisation des circuits et l’allégement des coûts supportés par La Poste grâce au recentrage sur ses missions de service public. Cette publication, longuement attendue, n’a finalement jamais vu le jour. Le Gouvernement a ainsi confié à l’été 2015 à M. Emmanuel Giannesini, conseiller-maître à la Cour des comptes et président du comité d’orientation du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), une mission sur les scénarios d’avenir des relations État- Presse- La Poste. Le Rapporteur spécial espère que ce rapport aboutira à des propositions constructives pour l’ensemble des acteurs, mais regrette le caractère trop tardif de cette étude, à quelques mois de la fin des accords Schwartz.
En effet, le Rapporteur spécial a été alerté par la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS) de l’absence totale de visibilité sur les tarifs postaux en 2016, suite à la sortie des accords Schwartz. Cela est d’autant plus urgent pour la filière que 92 % de sa diffusion est acheminée par voie postale, sans que puisse être envisagée, dans la majorité des cas, une forme de diffusion alternative (portage ou vente au numéro). Par ailleurs, il constitue le second poste de dépenses après les dépenses de personnel pour la grande majorité des titres d’information spécialisée, qui se trouvent de ce fait dans l’impossibilité de fiabiliser leurs prévisions financières pour 2016.
Contrairement à la presse d’information politique et générale, qui a obtenu un report d’application des hausses tarifaires, la presse spécialisée a respecté les accords Schwartz en subissant des hausses de tarifs très importantes entre 2008 et 2015, à hauteur de 47 %, inflation comprise. Il serait donc fortement préjudiciable pour la presse spécialisée si celle-ci devait, à partir de 2016, subir une nouvelle hausse des tarifs postaux au-delà de l’inflation. La Poste s’était en effet engagée à ne pas exercer de pression tarifaire en 2016, malgré la baisse de la subvention de 100 millions d’euros entre 2014 et 2015.
Le Rapporteur spécial encourage vivement le Gouvernement à communiquer sur les perspectives 2016 des tarifs postaux pour l’ensemble des secteurs de la presse, et plus principalement pour la presse spécialisée, qui en est plus directement dépendante.
Lors du vote des crédits de la mission Medias, livre et industrie culturelle en commission élargie, le 2 novembre 2015, la ministre a confirmé que les arbitrages concernant les tarifs postaux n’avaient pas encore abouti. L’année 2016 devrait constituer une année de transition, notamment afin de préciser les contours de la presse de la connaissance et du savoir. Dans l’intervalle, les tarifs appliqués devraient être alignés au plus proche de l’inflation.
D. LA RESTRUCTURATION DU FINANCEMENT DE L’AFP DANS LE CADRE DE SON NOUVEAU CONTRAT D’OBJECTIFS ET DE MOYENS POUR 2015-2018
Le 15 juin 2015, l’État et l’Agence France presse (AFP) ont signé un contrat d’objectifs et de moyens (COM) portant sur les années 2014 à 2018.
Comme le souhaitait la Commission européenne, le versement a été distingué dès 2015 entre d’une part, le paiement des abonnements commerciaux de la dotation de l’État et d’autre part, la compensation des missions d’intérêt général de l’agence énumérées dans la loi du 13 janvier 1957 portant statut de l’AFP, afin de la mettre en conformité avec le droit européen relatif aux aides d’État.
Parallèlement au contrat d’objectifs et de moyens, qui en tient compte dans ses projections financières, l’abonnement de l’État aux services de l’AFP a été rénové. Il est désormais valorisé selon les grilles tarifaires de l’agence, y inclus une remise de quantité de 20 %, tenant compte de la masse agrégée de l’ensemble des abonnements de l’État. La valeur du contrat est stable à 21,6 millions d’euros annuels toutes taxes comprises pour la période 2015-2018.
Le montant total de la dotation présentée en projet de loi de finances pour 2016 est de 127,4 millions d’euros, en hausse de 1,4 million d’euros par rapport à la dotation 2015. Ces crédits sont composés de la compensation identifiée des missions d’intérêt général de l’Agence, pour un total de 105,8 millions d’euros, auxquels s’ajoute le paiement des abonnements.
Enfin, la proposition de loi déposée par MM. Bruno Leroux et Michel Françaix (4), auteur du rapport sur l’AFP remis au Premier ministre en avril 2014, a été adoptée le 17 avril 2015. Elle réforme profondément la gouvernance de l’agence en faisant notamment entrer au conseil d’administration des personnes qualifiées, en réduisant la représentation des éditeurs de presse afin de renforcer son indépendance et en allongeant le mandat de son président de trois à cinq ans.
A. DES CRÉDITS EN BAISSE EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET EN HAUSSE EN CRÉDITS DE PAIEMENT : DES MARGES DE MANœUVRE QUI DEMEURENT SATISFAISANTES
Le tableau suivant récapitule les crédits demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 pour le programme 334 :
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 334 ENTRE 2015 ET 2016
(en millions d’euros)
Actions |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Écart | |||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP | |
1 : Livre et lecture |
261,5 |
258,6 |
246,6 |
257 |
– 5,7 % |
– 0,6 % |
2 : Industries culturelles |
10,4 |
10,4 |
15,9 |
15,9 |
52,9 % |
52,9 % |
3 : Soutien aux médias de proximité |
1,5 |
1,5 |
||||
4 : Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT) |
1,65 |
1,65 |
||||
TOTAL 2015 |
271,9 |
269 |
265,65 |
276,05 |
– 2,3 % |
2,6 % |
Source : projet annuel de performances pour 2016.
La structure et la ventilation du programme ont donc évolué par rapport à 2015, à l’exception de l’action 1 en faveur du livre et de la lecture qui ne subit qu’une très légère baisse en crédits de paiement par rapport à 2015, malgré une diminution plus substantielle en autorisations d’engagement. Cette action représente 96,2 % des crédits du programme.
Comme évoqué lors de l’introduction, le programme se voit également ajouter deux nouvelles actions, au volume modeste :
− l’action soutien aux médias de proximité, qui incluent un nombre important de médias se développant sur des supports numériques (webradios, webtélés, webzines, etc.). Elle contribue ainsi à l’adaptation numérique du secteur. Suite à un appel à projets doté de 1 million d’euros en 2015 (affecté à la mission Culture) ayant rencontré un succès notable, le choix a été fait de pérenniser le dispositif en créant, au sein de la mission Media, livre et industries culturelles, un fonds de soutien spécifique. Les crédits alloués ont été majorés de 500 000 euros, pour atteindre 1,5 million d’euros en 2016 ;
− l’action visant à financer la Compagnie internationale de radio et de télévision (CIRT) (5), qui relevait jusqu’en 2014 de l’action 115 Action audiovisuelle extérieure ayant disparu concomitamment à la mise en œuvre d’un financement intégral par la contribution à l’audiovisuel public (CAP) en 2015. Aucun crédit n’ayant été alloué à la CIRT en 2015, l’action est donc inscrite au programme 334 pour la première fois dans le projet de loi de finances pour 2016.
Enfin, quatre opérateurs sont rattachés au programme 334. Deux d’entre eux bénéficient de subventions pour charge de services publics : la Bibliothèque nationale de France (BnF) et la Bibliothèque publique d’information (BPI). Les deux autres opérateurs sont financés par le biais de taxes affectées : le Centre national du livre (CNL) et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Ce dernier est également le destinataire de crédits budgétaires issus de d’autres missions (72 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016).
Ce troisième volet de la mission Médias, livre et industries culturelles est également confronté aux évolutions économiques et technologiques impliquées par le développement du numérique. Cependant, le livre a mieux résisté que prévu à ces évolutions qui auraient pu le menacer de manière frontale. Il a été soutenu par un secteur de la librairie protégé par la loi et composé d’acteurs nombreux, capables de faire valoir leur plus-value.
La mise en œuvre du plan Librairie à partir de 2013 a fortement participé, à travers des mesures à la fois financières et protectrices pour la profession, à préserver un secteur que l’on pensait fragilisé.
La loi n°81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre constitue le pilier sur lequel s’est élaborée depuis plus de trente ans l’action du ministère de la Culture dans le secteur de l’économie du livre. Cette loi s’inscrit dans l’objectif de protection du réseau des librairies indépendantes.
Cependant, le développement du numérique dans les modes de consommation a également bouleversé l’économie du livre par le développement de la vente en ligne. Ce mode de vente a donné lieu à des pratiques commerciales consistant à ne pas facturer le montant des frais de livraison à domicile, viciant ainsi les équilibres qui président à la loi de 1981. Conjuguée avec l’application systématique du rabais de 5 % autorisé par la loi, cette pratique tendait à fragiliser le modèle économique des librairies indépendantes, qui supportent de surcroît des charges fiscales et financières supérieures aux opérateurs de la vente en ligne.
La loi du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres prévoit ainsi la suppression du rabais de 5 % et l’interdiction de la gratuité des frais de port.
Les grands opérateurs de vente à distance respectent les nouvelles dispositions et ont ainsi modifié le prix de vente de l’ensemble des livres vendus sur leurs sites en France, en l’alignant sur le prix public fixé par l’éditeur sans aucun rabais. S’ils demandent à être confirmés, les résultats 2014 du baromètre TNS Sofres sur les achats de livres montrent pour la première fois depuis plusieurs années un léger gain de part de marché des librairies et une progression du circuit de la vente en ligne sensiblement moins marquée que les années précédentes. Comme les bons résultats enregistrés pour les librairies de proximité et les grandes surfaces culturelles au cours du premier semestre 2015 (baromètre Livres Hebdo), ces premières données pourraient être interprétées comme des indicateurs positifs de l’effet de la loi.
Il en est autrement de la gratuité totale de la livraison interdite par la loi. En effet, la loi surnommée « anti-Amazon » a été détournée de l’un de ses objectifs principaux en permettant à ladite entreprise de fixer légalement un prix de livraison à 1 centime d’euro. Si symboliquement la loi est respectée, il est évident que son impact économique et son objectif de rééquilibrage concurrentiel au profit des librairies en sont quelque peu affaiblis.
La loi n°2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, qui a étendu au marché du livre numérique les principes inscrits dans la loi de 1981 en prohibant les pratiques de « rabais systématique », poursuit le même objectif : permettre à tous les détaillants d’accéder dans les mêmes conditions au marché de la distribution des livres numériques.
Dans un contexte de fort développement de la vente en ligne qui tend à fragiliser le secteur de la librairie indépendante, le ministère a souhaité renforcer le contrôle de l’application des lois de 1981 et de 2011 en proposant la création d’une instance de médiation, chargée de gérer les litiges pouvant survenir entre les acteurs de la chaîne du livre, et la nomination d’agents publics habilités à constater d’éventuelles infractions.
Ces deux dispositions ont été adoptées dans le cadre de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation :
• Les agents désignés par le ministère de la culture pour veiller à l’application des lois de 1981 et 2011 (articles 142 et 143 de la loi du 17 mars 2014)
Il existait, en effet, un vide juridique en matière de capacité pour l’administration à veiller à l’application de ces lois, alors même que les enjeux nationaux et internationaux liés à l’essor du commerce en ligne d’ouvrages imprimés ou du livre numérique rendent nécessaires ce contrôle renforcé. Cette mesure accroît donc les moyens de l’action publique au regard des sanctions pénales prévues pour les infractions aux lois en cause. Le décret d’application de ces nouvelles dispositions, adopté le 12 mai 2015, vient préciser les conditions d’habilitation des agents en cause.
Cependant, il a été confirmé au Rapporteur spécial que la mise en œuvre de ce dispositif n’est pas encore effective à ce jour. Le ministère de la culture a élaboré avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, un dispositif d’accompagnement de ces agents, qui seront, selon toute probabilité, aptes à exercer leurs fonctions dès le début de l’année 2016.
Compte tenu à la fois de la lourdeur que peut représenter une action judiciaire pour un certain nombre d’acteurs et des liens souvent étroits qui unissent les différents maillons de la « chaîne du livre », un certain nombre de litiges ne trouvaient jusqu’à présent aucune solution. Cette situation permettait la perpétuation de pratiques douteuses au regard des dispositions des lois en cause, sans qu’un juge n’ait été amené à trancher.
En particulier, si peu d’ambiguïtés demeuraient sur la manière dont la loi de 1981 devait être appliquée dans l’activité traditionnelle de vente en boutique, le développement du commerce en ligne a fait émerger un certain nombre de questions qui restent pendantes. Le médiateur du livre est ainsi une instance de conciliation pré-juridictionnelle obligatoire en matière civile dont la vocation est à la fois de résoudre des litiges et de proposer une amélioration des pratiques des différents opérateurs au regard de l’esprit des lois sur lesquelles est fondée sa compétence. Il émet des recommandations au terme des procédures de conciliation qu’il conduit, qu’il peut rendre public. En revanche, si la conciliation n’aboutit pas favorablement, le médiateur du livre peut, dans les domaines relevant de sa compétence, saisir la juridiction compétente pour lui demander d’ordonner la cessation des pratiques contraires aux lois du 10 août 1981 et du 26 mai 2011.
Ces procédures sont engagées sur saisine d’office ou sur saisine de toute personne, physique ou morale, relevant des catégories visées au premier alinéa du II de l’article 144 de la loi du 17 mars 2014 (6).
Le médiateur peut, par ailleurs, intervenir hors procédure de conciliation dès lors qu’il est possible, par un simple rappel à la loi, de parvenir à la résolution des litiges portés à sa connaissance. Sa mission comprend également une fonction de conseil auprès des opérateurs du secteur, notamment les bibliothèques, qui s’exerce dans les faits mais qui n’était pas clairement prévue par la loi. Cette pratique démontre le climat de confiance qui s’installe entre le médiateur et les acteurs de proximité.
Le médiateur prend la forme juridique d’une autorité administrative indépendante. Le 5 septembre 2014, Mme Laurence Engel, conseillère maître à la Cour des comptes, a été nommée par décret récent médiatrice du livre.
L’institution du médiateur était attendue et espérée par les librairies indépendantes, qui sont par ailleurs satisfaites de sa première année d’activité. Elle s’inspire du modèle allemand, qui, en présence d’une législation proche de celle appliquée en France, a également mis en place un médiateur du livre. Composé d’avocats spécialisés dans ce domaine, il produit tous les quatre ans un ouvrage détaillé sur les évolutions législatives et leurs applications dans le domaine du livre.
1. La médiatrice du livre : le succès du soft law (7) sur le fondement d’une loi robuste
Le Rapporteur spécial a tenu à auditionner la médiatrice du livre dans le cadre de la préparation de ce rapport, afin de dresser un premier bilan avant la remise de son rapport annuel. Tout d’abord, cette autorité indépendante fonctionne grâce à un budget particulièrement restreint : le montant prévisionnel global des moyens mis à sa disposition a été estimé à moins de 200 000 euros. Les premiers éléments d’exécution budgétaire se situent bien en deçà de ce montant, à 57 000 euros environ, dont 53 000 de dépenses de personnel.
En effet, le médiateur s’est vu mettre à sa disposition 1,33 ETP (un agent de catégorie A et un tiers de secrétariat). Ils sont physiquement situés au ministère de la culture et de la communication, qui met à leur disposition deux bureaux. Enfin, le ministère prend en charge l’ensemble des fonctions supports, ce qui explique le faible budget consacré à cette institution.
Le médiateur a fait l’objet, depuis sa nomination, de seize saisines, auxquelles s’ajoutent six auto-saisines, soit un total de 22 saisines en un an. Les saisines émanent principalement de librairies indépendantes de proximité, et concernent à la fois des sujets relatifs aux prix et des sujets relatifs aux ventes. Les questions autour de la vente en ligne sont également très présentes.
La mise en place du médiateur était très attendue par les librairies, tandis que les éditeurs étaient beaucoup plus réticents à ce projet. Cependant, ils ont accepté sa concrétisation dans le cadre du plan Librairie de 2013. En effet, les objectifs de cette autorité administrative sont doubles :
− d’une part, elle prend en charge la régulation des relations entre les librairies et des éditeurs afin de gérer les conflits, notamment en matière de rémunération. En effet, la commission de liaison interprofessionnelle du livre (CLIL), association créée en 1991 afin d’améliorer les pratiques relatives à la chaîne du livre, ne parvient pas suffisamment à réguler les relations commerciales qui unissent les librairies et les éditeurs. Le médiateur n’a pour le moment pas été saisi sur ces questions ;
− d’autre part, elle prend en charge la régulation du secteur du livre numérique. Sur cette problématique, éditeurs et libraires sont en accord sur les enjeux. Dans ce domaine où l’innovation est constante, le médiateur permet de régler les contentieux sur le fondement d’une interprétation évolutive et unifiée de la loi, sans avoir à procéder à des évolutions de la législation. Le soft law semble en effet la solution la mieux adaptée afin de s’adapter aux évolutions liées au numérique, sur le fondement des deux lois de 1981 et 2011, qui incarnent un cadre législatif solide à l’appui de l’action du médiateur.
Le médiateur du livre a également absorbé les compétences dévolues antérieurement au médiateur de l’édition publique créé en 1999 et en charge d’observer l’activité des éditeurs publics, de veiller à la cohérence de leurs politiques éditoriales et au respect des règles du secteur. Cependant, son champ de compétence ne recouvrait pas les éditions publiques sur internet. Dans le cadre du transfert de compétences au médiateur du livre, le champ de la régulation a été étendu aux publications numériques, qui vont désormais devoir être attentives aux éventuelles distorsions de concurrence.
Ainsi, la première année d’action du médiateur du livre semble positive sur l’ensemble des volets qu’elle recouvre. Respecté dans ses préconisations par les géants internationaux du secteur, il est également le recours privilégié des acteurs de proximité. Il permet en effet une fluidité appréciable dans le règlement des contentieux, et constitue une voix de référence dans l’interprétation des textes confrontée à des pratiques en constante évolution.
Au côté du médiateur du cinéma institué en 1982 et du futur médiateur de la musique en cours de création, le médiateur du livre sera amené sans aucun doute à monter en puissance, afin de protéger les éléments fondateurs de la culture française dans des secteurs de plus en plus mondialisés et soumis à la concurrence du numérique.
Les principaux cas de saisine du médiateur du livre
Saisie par la ministre de la culture et de la communication, la médiatrice du livre a rendu public le 9 février 2015 un avis portant sur la conformité des offres d’abonnement avec accès illimité à la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique. Aux termes de cet avis, la médiatrice a clairement indiqué que cette loi s’appliquait bien à ces offres d’abonnement et que ces dernières devaient ainsi respecter le principe de régulation qui prévaut dans le secteur du livre et selon lequel la fixation du prix des livres doit impérativement revenir aux éditeurs et non aux revendeurs.
Suite à cet avis, la médiatrice a engagé, début mars 2015, six procédures de conciliation avec les opérateurs contrevenants, afin que leurs offres soient mises en conformité avec la loi. Aux termes de quatre mois de procédure, une issue favorable a été trouvée avec l’ensemble des prestataires d’abonnement à des services de lecture numérique concernés et cette procédure va donner lieu pour les prestataires que sont Amazon, Cyberlibris, Izneo, StoryplayR, Youboox et Youscribe, au développement de nouvelles offres d’abonnement désormais conformes à la législation.
La médiatrice du livre a également été saisie d’une affaire portant sur des pratiques de vente en ligne de livres sur les marketplaces . L’encadrement du prix se trouve en effet complexifié puisque les hébergeurs ne prennent pas la responsabilité des prix fixés par les vendeurs, qu’ils soient professionnels ou particuliers. Afin de réguler cette activité et la soumettre au principe du « prix fixe » garanti par la loi, une charte de bonne pratique va être mise en place.
Enfin, elle a engagé une consultation avec les principaux opérateurs proposant en France la vente en ligne de livres sur des plates-formes.
La vente par internet s’est considérablement développée au cours de la dernière décennie, avec des taux de croissance à deux chiffres contrastant avec la relative stabilité des autres canaux. Elle représentait au total 18 % des achats en valeur en 2013 (chiffre incluant les ventes internet des clubs de livres), contre 0,9 % treize ans plus tôt.
Les six opérateurs principaux qui ont porté ce développement (Amazon, FNAC, BOL, Alapage, France Loisirs et, dans une moindre mesure, Chapitre) ne sont aujourd’hui plus que quatre avec la fermeture rapide de BOL en 2001 et début 2012 celle d’Alapage, qui avait été racheté en 2009 par Rueducommerce à France Telecom. Amazon, la FNAC et France Loisirs concentrent à eux trois 80 % des ventes à distance.
Certaines librairies traditionnelles importantes ont également complété leur offre en magasin par des sites de vente en ligne (Dialogues, Ombres blanches, Sauramps, Gibert Joseph), mais leur audience reste limitée, à la fois parce que ces librairies ne disposent pas de ressources comparables à leurs grands concurrents et parce qu’elles ne pouvaient pas pratiquer le cumul du rabais de 5 % et de la livraison gratuite à domicile sans minimum d’achat, comme l’a fait Amazon de 2006 à juillet 2014.
Le syndicat de la librairie française (SLF) auditionné par le Rapporteur spécial, a d’ailleurs confirmé que ces grandes chaînes du livre ont plus souffert que les 2 500 librairies indépendantes, car leur offre était plus proche de celles proposées par Amazon. Les librairies indépendantes, qui représentent près de 14 000 emplois en France, ont donc moins souffert que prévu de l’évolution de l’économie du livre, et ont su également s’adapter à la nouvelle concurrence, notamment en essayant de raccourcir les délais de livraison. Le chiffre d’affaires des librairies indépendantes est ainsi en hausse depuis dix-huit mois.
Autre exemple de la capacité d’adaptation des librairies indépendantes : la France est le seul pays où les acteurs réfléchissent ensemble aux modalités selon lesquelles le livre numérique pourrait être disponible en bibliothèque, mesure à laquelle le SLF est favorable, afin de ne pas sectoriser les univers. Les pouvoirs publics doivent cependant demeurer vigilants à la sécurisation du secteur. En effet, la librairie est une profession vieillissante qui peut rencontrer à moyen terme des problèmes de renouvellement. Parallèlement, si le SLF constate que le livre numérique peine à se généraliser, il n’est pas à exclure que les jeunes générations actuelles se tourneront plus massivement vers celui-ci.
Dans le projet de loi de finances pour 2016, près de 246,5 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 276 millions d’euros en crédits de paiement (CP) sont alloués au soutien au livre et à la lecture. Les autorisations d’engagement sont en baisse pour la deuxième année consécutive (− 5,7 %) suite à la forte augmentation de celles-ci entre 2013 et 2014 (23,3 %), tandis que les crédits de paiement sont presque stabilisés, malgré une légère baisse de 0,6 %. Au sein de cette action, la subvention pour charges de service public de la Bibliothèque nationale de France (BnF) représente en 2016, 214 millions d’euros en autorisation d’engagement et 215 en crédits de paiement.
Par ailleurs, 15,7 millions d’euros sont destinés aux dépenses en faveur de la sous-action Édition, librairie et professions du livre, contre 18,7 en 2015 Cette baisse fait cependant suite aux soutiens sans précédent en faveur des librairies en 2014.
L’année 2014 avait, en effet, marqué une nouvelle étape dans le renforcement des aides en faveur des librairies, avec un renforcement de 11 millions d’euros en faveur du secteur, dont 2 millions pour le Centre national du livre (CNL). Celui-ci intervient en faveur des librairies indépendantes sous forme de subventions (1,3 million d’euros en 2014) et de prêts sans intérêt à hauteur de 3 millions d’euros. Il œuvre principalement dans le cadre d’opérations de reprise ou de création de librairies. Il gère par ailleurs un dispositif de soutien à la mise en valeur des fonds en librairie et un dispositif d’aide aux libraires francophones à l’étranger pour la constitution d’un fonds ou l’élargissement des stocks de livres en langue française. Dans le cadre du plan de soutien à la librairie annoncé en 2013, le budget consacré par le CNL aux interventions en faveur de la librairie a été renforcé, par redéploiement interne, de 2 millions d’euros supplémentaires à compter de l’exercice 2014, ceci afin de soutenir la modernisation et la professionnalisation des librairies.
Deux autres fonds sont désormais dédiés au soutien économique des librairies dans le cadre de la mise en œuvre du plan librairie :
– un fonds d’intervention en trésorerie réservé aux librairies indépendantes a été créé, à compter du 1er janvier 2014, à l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). Doté de 5 millions d’euros et destiné à consentir des avances de trésorerie de court terme, il devrait ainsi permettre de pallier le désengagement du secteur bancaire en matière de financement de ces commerces.
– le fonds de soutien à la transmission des librairies créé par le ministère de la culture et de la communication en 2008 et géré par l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) qui a également été renforcé de 4 millions d’euros supplémentaires. Cette nouvelle dotation doit permettre à l’ADELC de répondre à l’augmentation attendue du nombre de transmissions de librairies dans les années qui viennent, en raison du renouvellement générationnel des responsables de plusieurs grandes librairies indépendantes. Les dotations du fonds géré par l’ADELC et du fonds d’intervention en trésorerie ont été apportées par le Centre national du livre.
De plus, le label de librairie indépendante de référence (LIR) a été institué en 2009. Il permet, entre autre, aux collectivités territoriales d’exonérer de contribution économique territoriale (CET) les 300 établissements qui ont obtenu le label.
Dans le projet de loi de finances pour 2016, 15,9 millions d’euros sont destinés au soutien aux industries culturelles contre 10,3 en 2014.
L’augmentation supérieure à 50 % sur cette action est due à une double évolution au sein de la sous-action consacrée au soutien dans le domaine de la musique enregistrée. Tout d’abord, les crédits alloués au bureau export de la musique française, qui jusqu’en 2015 étaient inscrits aux programmes 131 Création et 224 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture de la mission Culture, ont été revalorisés et transférés intégralement vers le programme 334 Livre et industries culturelles, le ministère ayant souhaité regrouper sur un même programme l’ensemble des crédits dédies aux organismes de soutien à l’exportation des industries culturelles.
De plus, les crédits de la sous-action intègrent désormais, pour la première fois en 2016, une dotation supplémentaire de 2 millions d’euros pour financer un fonds de soutien à la transition numérique en faveur des entreprises de production phonographique ainsi que des acteurs innovants du secteur de la musique enregistrée, qui contribuent à la diversité des offres en ligne.
Ces crédits abondent enfin le budget de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) qui est passé de 11 millions d’euros en 2012 à 8 en 2013 et à 6 en 2014 et 2015. Cette baisse pouvait laisser penser que la HADOPI était amenée à disparaître, du moins sous sa forme actuelle. Avec une dotation qui s’élève à 8,5 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016, la Haute Autorité pourra assurer a minima ses missions de soutien au développement de l’offre légale et de protection des œuvres contre le téléchargement illégal.
III. LE PROGRAMME 313 CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC ET À LA DIVERSITÉ RADIOPHONIQUE : UNE BAISSE EN TROMPE L’œIL
Les crédits du programme 313 proposés dans le projet de loi de finances pour 2016 se divisent comme suit, en comparaison avec les crédits votés en loi de finance initiale pour 2015 :
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 313 2015-2016
(en millions d’euros)
Actions |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Écart | |||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP | |
1 : France Télévisions |
160,4 |
160,4 |
40,53 |
40,53 |
– 74,7 % |
– 74,7 % |
2 : soutien à l’expression radiophonique |
29,15 |
29,15 |
29 |
29 |
– 0,5 % |
– 0,5 % |
TOTAL 2016 |
189,55 |
189,55 |
69,53 |
69,53 |
– 63,3 % |
– 63,3 % |
Source : projet annuel de performances pour 2016.
Cette baisse de près de 75 % des crédits en faveur de France Télévisions constitue une avancée majeure vers le financement intégral de l’audiovisuel public à partir de 2017, conformément aux objectifs annoncé par le ministère de la culture. France Télévisions bénéficie en effet d’un financement mixte émanant à la fois d’une subvention budgétaire et d’une part du produit de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), alloué dans le cadre du programme 841 du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public. Cette structure de financement prévaut depuis 2009, la subvention budgétaire ayant été mise en place afin de compenser l’arrêt de la publicité après 20h00 sur les chaînes du service public.
Or, comme l’a démontré le rapport d’information sur l’audiovisuel public de M. Jean-Marie Beffara et M. Éric Woerth d’octobre 2015 (8) ce mécanisme de financement a participé à une fragilisation des finances de France Télévisions, fortement exposée à la régulation budgétaire et à un système de « vase communiquant » entre part de redevance et crédits budgétaires. Ces ajustements ont par ailleurs touché l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public.
Si cette évolution va dans le bon sens, le Rapporteur spécial souhaite que l’extinction des crédits budgétaires soit effective dès le budget 2016. C’est pourquoi il se réjouit de l’adoption, lors du vote par l’Assemblée nationale de la première partie du projet de loi de finances, d’un amendement du Gouvernement visant à augmenter la dotation allouée à France Télévisions dans le cadre du programme 841, afin d’annuler dans un second temps le substrat de crédits budgétaire restant. Cet amendement constituait une reprise d’un amendement déposé par le Rapporteur spécial en commission.
L’ensemble de ces problématiques fera l’objet d’un développement ultérieur dans le rapport, lors de l’examen des crédits du compte de concours financiers Avances à l’Audiovisuel public.
B. LA RÉFORME PRÉVUE EN 2015 DU FONDS DE SOUTIEN À L’EXPRESSION RADIOPHONIQUE PERMETTRA LA MAÎTRISE DES DÉPENSES ET LE CIBLAGE DES AIDES SÉLECTIVES
Les crédits en faveur du fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) demeurent stables dans le projet de loi de finances pour 2016 : de 29,15 millions d’euros en loi de finances initiales pour 201, les crédits proposés s’élèvent à 29 millions d’euros.
Le fonds a bénéficié en 2014 à 665 radios associatives, pour lesquelles la subvention représente en moyenne 40 % de leurs ressources. L’année 2014 était encore marquée par une hausse du nombre de demandes de subvention, liée aux nouvelles autorisations accordées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel(CSA). Quatre types de subventions sont accordés dans le cadre du fonds, trois à caractère automatique (subventions d’installation, d’équipement et de fonctionnement), et une à caractère sélectif. Ces dernières étaient très marginales, puisque le montant distribué au titre des subventions sélectives était de 4,4 millions d’euros en 2014.
La réforme du fonds, effective depuis l’année 2015 (9) vise cependant à renforcer dans un contexte budgétaire contraint le caractère incitatif et la sélectivité du dispositif, avec une part plus large consacrée à la subvention sélective, laquelle sera attribuée sur la base de critères plus exigeants. L’objectif est donc d’éviter un « saupoudrage » de la subvention sélective en augmentant le montant moyen de cette subvention et en la réservant aux radios les plus engagées dans la communication sociale de proximité. Ainsi, l’indicateur 1.1 Contribution des subventions sélective à l’expression radiophonique locale affiche pour 2015 une prévision actualisée de 60 %, contre une réalisation 2013 et 2014 supérieure à 90 %. Les cibles 2016 et 2017 sont également fixées à 60 %.
Le décret du 22 octobre 2014 a également renforcé les contrôles relatifs à l’utilisation des crédits alloués aux radios associatives dans le cadre du Fonds de soutien. Cela se traduit par deux mesures principales :
− le ministre de la culture peut organiser, aux frais de l’administration, des contrôles sur pièces et dans les locaux affectés à l’activité radiophonique aux seules fins de vérification du respect des dispositions du décret par les services de radio. Ces contrôles pourront être effectués sous réserve de l’accord préalable de la radio, accord qui devra être recueilli lors du dépôt de la demande de subvention ;
− en cas de refus opposé à l’exercice des contrôles, le bénéfice de la subvention est retiré au service concerné et les sommes déjà versées devront être remboursées. Le défaut de remboursement entraînera la suspension du versement de toute subvention prévue par le présent décret.
CHAPITRE II : LE FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC, QUELLES PERSPECTIVES ?
I. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC : UNE NOUVELLE SOURCE DE FINANCEMENT ISSUE DE LA TAXE SUR LES OPÉRATEURS DE COMMUNICATION ÉLECTRONIQUE
1. L’évolution de la contribution à l’audiovisuel public : pas de hausse au-delà de l’inflation en 2016
L’article 97 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 a prévu qu’à compter du 1er janvier 2009, le montant de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) est indexé chaque année sur l’indice des prix à la consommation hors tabac. Ce montant est arrondi à l’euro le plus proche, la fraction d’euro égale à 0,50 comptant pour 1.
Le Rapporteur spécial avait souligné, dans son précédent rapport spécial, le relèvement récurrent du montant de la contribution à l’audiovisuel public, dans des niveaux bien supérieurs à celui qu’aurait générée la seule inflation.
Le Gouvernement a en effet procédé à trois augmentations supplémentaires en 2010 (2 euros), 2013 (4 euros) et 2015 (2 euros) sur la CAP en métropole. Le montant de la redevance a donc augmenté de 15 % pour les contribuables métropolitains depuis 2009, alors que la hausse aurait été de 8 % en application de la seule indexation, soit presque le double d’augmentation sur la période. À l’occasion de la loi de finances pour 2015, le montant de la CAP avait augmenté de 3 euros (dont 1 euro lié à l’inflation) en France métropolitaine et 1 euro Outre-mer, s’élevant donc pour le contribuable à 136 euros dans l’Hexagone et 86 euros en Outre-mer.
Le projet de loi de finances pour 2016 ne procède pas à un relèvement du montant de la CAP pour les contribuables, au-delà de l’inflation. La contribution pour 2016 est donc indexée sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, soit 1 %, ce qui se traduit par une revalorisation d’un euro de son montant aussi bien en France métropolitaine qu’en Outre-mer. Le montant de la CAP s’élèvera ainsi en 2016 à 137 euros en France métropolitaine (+ 1 euro), et à 87 euros en Outre-mer (+ 1 euro).
Le Rapporteur spécial se félicite de cette décision, conforme aux préconisations du rapport d’information sur le financement public d’octobre 2015 précité (10). En effet, au regard de l’effort fiscal demandé au contribuable dans ce contexte de finances publiques dégradées, l’augmentation de la contribution au-delà de l’inflation constituerait une solution de facilité intenable sur le long terme.
En l’absence d’augmentation au-delà de l’inflation, le rendement de la CAP prévisionnel en 2016 est de 60,3 millions d’euros. Cette progression entre 2015 et 2016 est obtenue par la conjonction de plusieurs facteurs :
− 23,4 millions d’euros supplémentaires liés à l’augmentation du nombre de redevables. L’hypothèse du nombre de foyers supplémentaires assujettis à la CAP s’élève à 200 000, soit une augmentation de 0,81 % par rapport à 2015. À titre indicatif, l’évolution constatée du nombre de foyers assujettis entre 2014 et 2015 était de 0,95 % ;
− 25,1 millions d’euros supplémentaires liés à l’inflation et l’euro supplémentaire qui en découle, pour l’Hexagone et l’Outre-mer ;
− 8,8 millions d’euros supplémentaires dus à l’effet année-pleine de la hausse du produit de la CAP en 2015 ;
− 3,9 millions d’euros d’économies grâce à la diminution des frais de trésorerie, et des frais de gestion qui devraient par ailleurs restés stables par rapport à 2015.
Sont ensuite déduits 900 000 euros, liés à l’effet de diminution des dégrèvements pour droits acquis.
Trois catégories de redevables sont exonérées : les personnes exonérées de la taxe d’habitation, les personnes bénéficiaires d’un droit acquis (11) et les personnes dont le montant du revenu fiscal de référence est nul. Les exonérations étaient en baisse de 18 millions d’euros entre 2014 et 2015, et connaissent une prévision presque stable en 2016, en hausse de 2 millions d’euros : leur montant prévisionnel est de 719 millions d’euros.
On peut donc distinguer deux types de dépenses fiscales, donnant lieu à compensation par l’État dans le cadre du compte de concours financier :
– le dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste : cette dépense fiscale concerne 3,9 millions de ménages en 2014 (contre 3,6 en 2013) et représente 490 millions d’euros en 2015. Le projet annuel de performance évalue son montant total à 497 millions d’euros en 2016;
– le dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste au titre des « droits acquis » (12) : cette dépense fiscale concerne 219 000 ménages en 2014 et représente un coût de 27 millions d’euros (contre 300 000 ménages en 2013 pour un coût de 39 millions d’euros). Du fait du nombre décroissant de personnes bénéficiant des droits acquis en 2016, la prévision est en forte baisse et s’établit à 17 millions d’euros. Elle représente, au regard du montant de la CAP en 2016, 124 000 foyers dégrevés au titre des droits acquis, soit une diminution de moitié par rapport à 2014.
Le tableau suivant récapitule l’évolution du rendement de la CAP depuis 2009, et indique par ailleurs le montant des dégrèvements qui en découlent :
ÉVOLUTION DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC DEPUIS 2009
Exec |
Exec |
Exec |
Exec |
Exec |
Exec |
Exec |
Exec | ||
CAP métropole |
118 |
121 |
123 |
125 |
131 |
133 |
136 |
137 | |
CAP Outre-mer |
75 |
77 |
79 |
80 |
84 |
85 |
86 |
87 | |
Nombre de foyers |
25,87 |
26,10 |
26,32 |
26,61 |
26,86 |
27,07 |
27,32 |
27,52 | |
N/N– 1 en % |
+ 1,61 |
+ 0,89 |
+ 0,85 |
+ 1,1 |
+ 0,96 |
+ 0,75 |
+ 0,95 |
+ 0,81 | |
Montant théorique recouvrable (M€) |
3 028 |
3 133 |
3 211 |
3 298 |
3 490 |
3 569 |
3 684 |
3 738 | |
Dégrévés (M€) |
621 |
601 |
598 |
570 |
576 |
616 |
594 |
592 | |
Perception au titre de l’année (M€) |
2 234 |
2 315 |
2 403 |
2 501 |
2 644 |
2 688 |
2 803 |
2 854 | |
Taux de recouvrement de 1ère année en % |
91,44 |
91,96 |
91,67 |
90,73 |
90,99 |
90,73 |
90,73 | ||
Perception années passées (M€) |
162 |
174 |
225 |
210 |
231 |
271 |
262 |
271 | |
Taux de recouvrement cumulé en % |
99,5 |
99,5 |
100 |
99,5 |
100 |
99,5 |
99,5 | ||
Perception totale particuliers (M€) |
2 396,7 |
2 488,9 |
2 628,2 |
2 710,1 |
2 874,7 |
2 958,4 |
3 065,5 |
3 125,2 | |
Perception comptes professionnels (M€) |
91,9 |
99,0 |
102,9 |
105,9 |
111,4 |
113,9 |
117,5 |
118,5 | |
Encaissements bruts de redevance (M€) |
2 488,6 |
2 587,9 |
2 731,1 |
2 816,0 |
2 986,2 |
3 072,2 |
3 183,0 |
3 243,7 | |
Frais de gestion et de trésorerie (M€) |
29,8 |
29,3 |
31,2 |
28,2 |
28,7 |
28,9 |
33,2 |
29,2 | |
Encaissements nets de redevance (M€) |
2 458,8 |
2 558,7 |
2 699,8 |
2 787,8 |
2 957,5 |
3 043,3 |
3 149,8 |
3 214,5 | |
Dotations aux |
2997,7 |
3 122,8 |
3 222,0 |
3 290,4 |
3 447,7 |
3 551,1 |
3 666,8 |
3 728,3 | |
dont encaissements nets de redevance |
2 458,9 |
2 558,7 |
2 699,8 |
2 787,8 |
2 957,5 |
3 043,3 |
3 149,8 |
3 214,5 | |
dont dégrèvements |
538,8 |
564,1 |
522,0 |
502,6 |
490,2 |
507,8 |
517,0 |
513,8 | |
CAP HT (M€) |
2 936,0 |
3 058,5 |
3 155,7 |
3 222,7 |
3 376,8 |
3 478,0 |
3 591,0 |
3 652,0 |
Source : Réponse au questionnaire budgétaire.
2. Une réforme de l’assiette devient urgente afin de prendre en compte la convergence numérique et d’assurer une rentabilité de long terme
Comme mentionné précédemment, l’objectif gouvernemental tend à regrouper le financement de l’audiovisuel public au sein du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public, très majoritairement abondé par le produit de la CAP. Or, la stabilisation des ressources du secteur qui devrait en découler est fragilisée par l’assiette actuelle de la contribution l’audiovisuel public.
Le fait générateur de la CAP se fonde sur la possession d’un téléviseur. L’évolution des pratiques audiovisuelles, générée par la transition numérique, ne permet plus de considérer le téléviseur comme l’unique moyen de consommation des produits du service public audiovisuel. En effet, comme le souligne le rapport d’information précité (13), « l’écran de télévision classique n’est déjà plus le seul support utilisé pour accéder au service public audiovisuel. Aux États-Unis, depuis 2010, on constate une diminution après des années de croissance du nombre de foyers détenant un téléviseur (14). Cette tendance s’est vérifiée en 2013 tant au Royaume-Uni qu’en France. L’année 2014 confirme cette dynamique puisqu’au troisième trimestre, seuls 96,2 % des foyers français sont dotés d’au moins un téléviseur, soit une baisse de 1,9 point en un an. Le téléviseur demeure néanmoins l’« écran principal », soit le plus répandu devant l’ordinateur (80,3 % des foyers), les smartphones (59,3 % des personnes âgées de 15 ans et plus) et les tablettes tactiles (32 % des foyers) (15). »
Avec un nombre d’écran moyen par foyer de 6,1, il est désormais avéré que l’inflexion en matière de taux de pénétration des téléviseurs est irréversible, et confirme le risque de rendement décroissant de l’assiette de la CAP dans les prochaines années.
Le Rapporteur spécial tient à alerter de nouveau le Gouvernement sur la nécessité de procéder dès que possible à la réforme de l’assiette de la CAP, afin de ne pas engendrer une sortie progressive de l’assiette d’un nombre croissant de foyers. Il sera en effet difficile, dès lors que ce mouvement sera amorcé, de soumettre de nouveau à l’impôt des ménages ne payant plus de CAP.
Cette modification doit par ailleurs s’accompagner de dispositifs permettant d’éviter un effet de report de la charge fiscale sur des populations fragilisées économiquement, notamment les jeunes.
Réformer l’assiette de la redevance afin de s’adapter aux nouveaux usages audiovisuels : la proposition du rapport d’information sur le financement public de l’audiovisuel
La réforme de l’assiette constitue l’une des propositions principales du rapport d’information. Le Rapporteur propose d’étendre l’assiette à tous les supports (soit 720 000 foyers supplémentaires), mais également d’instaurer un demi-tarif pour les jeunes redevables jusqu’à 24 ans, non rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Il s’agit d’une évolution allant dans le sens d’un approfondissement de la justice fiscale, puisqu’à ce jour, un million de jeunes paie la CAP à taux plein.
Les modalités de la réforme de l’assiette seraient les suivantes :
– serait intégré le redevable de la taxe d’habitation dont le foyer est équipé d’au moins un support (poste de télévision, smartphone, tablette) permettant la réception en illimité du service public audiovisuel (entendu comme les services offerts par les bénéficiaires de la contribution : France Télévisions, Arte-France, Radio France, l’audiovisuel extérieur de la France, Institut national de l’audiovisuel), à l’exclusion des postes de radio qu’il en soit ou non propriétaire ;
– peu importe le nombre de supports et de résidences, le redevable ne paierait qu’une seule contribution ;
– le paiement de la contribution à l’audiovisuel public figurerait toujours sur l’avis d’imposition relatif à la taxe d’habitation et serait liquidé en même temps que cette dernière.
À court terme, la recette supplémentaire escomptée est de 98 millions d’euros (720 000 foyers supplémentaires), à laquelle sont soustraits 68 millions d’euros liés au demi-tarif jeunes. In fine, le produit supplémentaire attendu serait de 30 millions d’euros. Cette réforme n’a pas pour objectif d’augmenter significativement le rendement de la CAP, mais de le sécuriser sur le long terme.
Source : Jean-Marie Beffara et Éric Woerth, Un modèle économique de l’audiovisuel public adapté au 21ème siècle. Rapport d’information n° 3098 fait au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, octobre 2015.
3. La taxe sur les opérateurs de communication électronique affectée au compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public : un pas supplémentaire en faveur de la sécurisation des crédits de l’audiovisuel
Le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public cesse, à partir de 2016, d’être exclusivement abondé par le produit de la contribution à l’audiovisuel public. En effet, les crédits alloués à France Télévisions sont désormais partiellement issus du produit de la taxe sur les opérateurs de communication électroniques (TOCE).
b. Présentation de la taxe « télécom »
La loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision avait prévu un circuit de financement public dédoublé, concomitamment à la suppression de la publicité entre 20h00 et 6h00 sur les antennes de France Télévisions :
– d’une part la redevance audiovisuelle, destiné à l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel ;
– d’autre part, celles issues de l’institution de deux taxes :
o une taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE), codifiée à l’article 302 bis KH du code général des impôts. Il s’agit d’une taxe de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications. L’article 20 du PLF 2016 propose de porter ce taux à 1,2 % ;
o une taxe sur la publicité diffusée par les éditeurs de service de télévision, codifiée à l’article 302 bis KG du code général des impôts. Elle représente une imposition de 3 % sur les sommes versées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires sur les services de télévision, justifiée par l’effet d’aubaine que devait constituer l’arrêt de la publicité sur France Télévisions pour les groupes de l’audiovisuel privé. Un abattement permet d’exempter de ces taxes les plus petits opérateurs.
Le produit de ces taxes devait revenir à France Télévisions via la dotation budgétaire allouée dans le cadre de la mission Médias, livre et industries culturelles. La dotation s’est élevée à 415 millions d’euros en 2009 et 423 millions d’euros en 2010, soit la compensation estimée de la perte de recettes de France Télévisions générée par l’arrêt partiel de la publicité.
Le tableau suivant récapitule l’évolution du produit de cette taxe depuis 2009 :
ÉVOLUTION DE LA TAXE « TÉLÉCOM » DE 2009 À 2015
(en millions d’euros)
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 (prévisions) |
Total sur la période | |
Taxe « télécom » |
185,9 |
255 |
251 |
179,7 |
253,9 |
212,7 |
212,7 |
1 550,9 |
Source : Rapports annuels de performances.
Entre 2009 et 2015, la moyenne annuelle du produit de la « taxe télécom » a été de 220 millions d’euros. Ajoutées à la taxe sur la publicité, dont le rendement est d’environ 15 millions d’euros depuis 2011, ces taxes n’ont pas permis, sur l’ensemble de la période, de compenser intégralement les transferts budgétaires en faveur de France Télévisions.
Cependant, ces taxes ont été versées au budget général, sans faire l’objet d’une affectation directe et visible à France Télévisions. Ce choix budgétaire, guidé par ailleurs par la volonté de ne pas réveiller un contentieux auprès de la Commission européenne en matière d’aide d’État, a brouillé encore un peu plus la lisibilité du financement de l’audiovisuel public.
a. L’article 20 du projet de loi de finances pour 2016 : l’affectation de la « taxe télécom » à France Télévisions via le compte de concours financiers
Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une avancée majeure, en proposant l’affectation d’une part de la taxe sur les opérateurs de communication électronique sur le programme 841 du compte Avances à l’audiovisuel public. Les modalités sont doubles :
− l’affectation s’élève à un montant de 75 millions d’euros, qui vient compléter la part du produit de la CAP allouée à France Télévisions ;
− bien que, comme le démontre le tableau ci-dessus, le rendement annuel de la taxe permette d’ores et déjà de financer cet apport de crédits, le choix a été fait par le Gouvernement de rehausser son taux de 0,9 % à 1,2 % (article 20 du PLF 2016). Cette revalorisation doit permettre un rendement supplémentaire de 75 millions d’euros, de manière à procéder à cette affectation partielle de la taxe sans perte pour le budget de l’État.
Le Rapporteur spécial ne peut que se montrer favorable à cette évolution, puisqu’elle permet de renforcer l’indépendance financière de l’audiovisuel public et répond en partie à l’une des préconisations du rapport d’information sur le financement public de l’audiovisuel (16). Ce dernier démontrait, en effet, que le financement de France Télévisions, qui représente près de 65 % de la dotation totale en faveur de l’audiovisuel public, pouvait être un facteur de stabilisation − ou au contraire de déstabilisation − pour l’ensemble du secteur.
Le Rapporteur spécial se montre cependant plus réservé sur la hausse de la taxe sur les opérateurs de communication électronique alors même que le rendement de la taxe est suffisant. Cette décision peut aisément se justifier au regard de la situation dégradée des finances publiques, mais le Gouvernement doit rester vigilant sur l’impact de cette hausse pour les opérateurs concernés.
Cette vigilance doit, par ailleurs, être renforcée dans le cas des opérateurs les plus vulnérables, dont les masses financières ne sont pas comparables avec les entreprises qui dominent le secteur. Il s’agit notamment des opérateurs de réseau mobile virtuel, dit « MVNO » (Mobile Virtual Network Operator) (17), qui représentent seulement 10 % du marché d’un secteur détenu à 90 % par les grands groupes.
Comme mentionné précédemment, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit le maintien de 40 millions d’euros en faveur de France Télévisions dans le cadre du programme 313 de la mission Médias, livre et industries culturelles. Ainsi, cette configuration aboutit à un financement tripartite complexifiant d’autant plus la lisibilité des dotations, et ouvrant la porte à de nouvelles régulations budgétaires préjudiciables à la stabilité de tous les opérateurs de l’audiovisuel public.
C’est pourquoi le Rapporteur spécial a déposé, lors du vote en séance de la première partie du projet de loi de finances, un amendement visant à augmenter la part de taxe sur les opérateurs de communication électronique à hauteur 40,5 millions. Il permettait de procéder à l’annulation de l’ensemble des crédits lors du vote de la seconde partie du projet de loi de finances. Un second amendement plus ambitieux avait également été déposé par le Rapporteur spécial afin d’augmenter de 25 millions d’euros la dotation de France Télévisions, ce montant correspondant à la moitié du déficit prévisionnel de la société à l’issue de l’exercice 2016. Ces deux amendements ont été retirés au profit d’un amendement du Gouvernement, conforme aux attentes du Rapporteur spécial en termes de finalité.
En effet, le Gouvernement s’est saisi de cette question et a déposé, lors du vote en séance publique de la première partie du projet de loi de finances, un amendement proposant l’augmentation de la part allouée de taxe télécom à hauteur de 40,5 millions d’euros, en y ajoutant 25 millions d’euros de crédits complémentaires, soit une part de « taxe télécom » de 140,5 millions d’euros. Afin de ne pas engendrer une perte de recettes pour le budget de l’État, la hausse de 25 millions d’euros sera financée par une majoration supplémentaire de la « taxe télécom » de 0,1 point, portant son taux à 1,3 %. Ce moyen de financement n’était pas proposé dans l’amendement originel du Rapporteur spécial.
Le tableau ci-après récapitule les différentes structures de financement à l’issue du projet de loi de finances et suite à l’amendement gouvernemental :
ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DE FINANCEMENT DE FRANCE TÉLÉVISIONS
(en millions d’euros)
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Amendement du Gouvernement (18) | |
Part de contribution à l’audiovisuel public (CAP) |
2 369,3 |
2 420,50 |
2 420,50 |
Part de taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE) |
0 |
74,30 (arrondi à 75 dans l’article 20 du PLF) |
140,50 75+ 40,50 en compensation de l’annulation de la dotation budgétaire + 25 de crédits supplémentaires |
SOUS-TOTAL compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public |
2 369,30 |
2 494,70 |
2 536 |
Subvention budgétaire (programme 313) |
160,40 |
40,50 |
0 (amendement d’annulation des crédits déposé en seconde partie du PLF) |
TOTAL dotation publique à France Télévision pour 2016 (sous total compte de concours financiers + subvention) |
2 529,70 |
2 535,20 (2 536 avec l’arrondi) soit une hausse de 5,5 millions d’euros en TTC et 4,4 millions d’euros en HT par rapport à la LFI 2015 |
2 561 soit une hausse de 1,2 % par rapport à 2015 (+ 31,3 millions d’euros), sans incidence pour les autres acteurs de l’audiovisuel public |
Source : Commission des finances
Le Rapporteur spécial se félicite de cet amendement gouvernemental qui répond à la nécessité de sécurisation du secteur de l’audiovisuel public, grâce à une stabilisation des finances de son principal opérateur. Il espère que cette évolution ne sera pas remise en cause au cours de la navette parlementaire.
Il réitère, par ailleurs, la nécessité d’une évaluation approfondie de l’impact sur les plus petits opérateurs télécoms de la majoration de 0,4 point de taxe télécom.
La répartition proposée dans le projet de loi de finances pour 2016 a peu évolué par rapport à celle votée pour 2015. En revanche, l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public
Le tableau suivant présente les modifications du projet de loi de finances pour 2016 :
ÉVOLUTION ET RÉPARTITION DES CRÉDITS ALLOUÉS
DANS LE CADRE DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
(en millions d’euros)
LFI 2015 |
PAP 2016 |
Évolution crédits LFI 2015/PLF 2016 |
Part du programme/ total CAP LFI 2015 |
Part du programme/ total CAP PLF 2016 | |
841 : France Télévisions |
2 369,3 |
2 420,5 |
2,2 % |
64,6 % |
63,7 % |
France Télévisions part de Taxe sur les opérateurs télécom |
74,3 |
||||
842 : Arte France |
267,2 |
269,8 |
1,0 % |
7,3 % |
7,1 % |
843 : Radio France |
614,4 |
619,5 |
0,8 % |
16,8 % |
16,3 % |
844 : France Medias Monde |
247,1 |
249,1 |
0,8 % |
6,7 % |
6,6 % |
845 : Institut national de l’audiovisuel |
90,9 |
90,9 |
0,0 % |
2,5 % |
2,4 % |
847 : TV5 Monde |
77,8 |
78,5 |
0,9 % |
2,1 % |
2,1 % |
TOTAL CAP |
3 666,7 |
3 802,6 |
3,7 % |
||
TOTAL Compte de concours financiers |
3 666,7 |
3 876,9 |
5,73 % |
Source : projet annuel de performances pour 2016- commission des finances.
Le Rapporteur spécial se félicite de cette répartition qui favorise le financement des entreprises de l’audiovisuel qui ont fait leurs preuves en matière de bonne gestion, d’innovations et de qualité des programmes : les crédits d’Arte et de France Médias Monde augmentent en effet de près de 1 %, soit une hausse de 2,6 millions d’euros pour Arte et de 2 pour France Médias Monde.
France Télévisions et Radio France, qui représentent à eux deux près de 80 % de l’ensemble des crédits, se caractérisent quant à eux par des comptes fortement dégradés. Leurs perspectives financières pour l’année 2016 doivent ainsi intégrer un objectif de retour à l’équilibre à court ou moyen terme, tout en permettant la poursuite d’objectifs éditoriaux ambitieux dans le cadre de leurs nouveaux objectifs de contrats et de moyens.
En effet, les contrats d’objectifs et de moyens de Radio France, de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et de France Medias Monde et de France Télévisions devraient être mis en œuvre dès début 2016. Les négociations des contrats d’objectifs et de moyens 2016-2020 entre l’État et France Télévisions devraient débuter prochainement. Celui d’Arte arrive à échéance l’année prochaine.
Si celui de l’INA a d’ores et déjà été transmis au président de l’Assemblée nationale, les négociations menées pour ceux de Radio France et France Medias Monde ne devraient plus tarder à aboutir.
L’année 2016 constitue ainsi une année charnière, tournée pour l’ensemble des opérateurs vers de nouvelles perspectives pluriannuelles.
B. LES OBJECTIFS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC EN 2016 : DES COMPTES À L’ÉQUILIBRE ET UNE PROGRAMMATION AMBITIEUSE
1. Le passage en haute définition (HD) en avril 2016 : la révolution silencieuse de la télévision diffusée par voie hertzienne
Dans le domaine de la télévision, le terme « haute définition » (HD) désigne une résolution d’image supérieure à celle des formats traditionnels de la télévision analogique. La haute définition permet d’améliorer la qualité perçue des services de télévision en augmentant la finesse des images, c’est-à-dire le nombre de points (pixels) composant chaque image.
La télévision en HD a tout d’abord été accessible dans le cadre de la diffusion des offres satellitaires, du câble, de la télévision par ADSL ou par fibre optique. La diffusion hertzienne terrestre de la télévision utilise quant à elle une ressource plus limitée : le spectre radioélectrique. Néanmoins, les progrès technologiques, par l’utilisation de la norme de codage vidéo MPEG-4 au lieu de la norme MPEG-2 en vigueur à ce jour (19), ont permis le lancement de services HD sur la télévision numérique terrestre (TNT). Les services de télévision en haute définition ont été introduits sur la TNT le 30 octobre 2008 avec la diffusion de cinq chaînes en haute définition, reprises de chaînes déjà existantes en définition standard (SD) : France 2, TF1, M6, ARTE et Canal+ (pour cette dernière, uniquement lors des plages cryptées). Six nouvelles chaînes de la TNT gratuite lancées en décembre 2012 ont été exclusivement distribuées en HD. À ce jour, l’offre de TNT est ainsi constituée de 11 chaînes en haute définition, dont une payante, parmi les trente chaînes à vocation nationale.
Depuis la promulgation de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation audiovisuelle et à la télévision du futur, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dispose du cadre juridique permettant le lancement de services de télévision en HD.
Dans la mesure où la généralisation de la diffusion de la TNT en HD était un objectif de long terme, la loi n°2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public a accordé aux chaînes nationales de la TNT existantes en simple définition un droit de priorité lors des futurs appels à candidatures en haute définition que le CSA pourrait lancer. Cependant, afin de ne pas priver les téléspectateurs de la réception des services de la TNT en clair, en particulier ceux qui ont acquis un adaptateur seulement compatible avec la norme MPEG-2, le législateur a prévu un mécanisme obligatoire de double diffusion en SD et HD pour l’ensemble des chaînes en clair de la TNT autorisée avant 2007, c’est-à-dire les chaînes historiques (TF1, France 2, M6 et Arte).
En décembre 2014, le Premier ministre a précisé le calendrier du deuxième dividende numérique qui prévoit la réaffectation de la bande de fréquences dite des « 700 MHz », utilisée aujourd’hui par la TNT, aux services de haut débit mobile. La libération de cette bande de fréquences nécessite le passage au MPEG-4 de l’ensemble des chaînes de la TNT à partir d’avril 2016, ainsi que l’arrêt de deux multiplex et la recomposition des chaînes au sein des six multiplex restants.
L’effet combiné du passage au tout MPEG-4 et de l’amélioration des techniques de codage MPEG-4 autorisant la diffusion de cinq chaînes HD par multiplex au lieu de trois aujourd’hui, permettrait de développer voire généraliser la HD sur la TNT à partir d’avril 2016.
Le 30 juillet 2015, le CSA a ainsi lancé un nouvel appel à candidatures pour l’édition de services de télévision en HD sur la TNT. À l’issue de cet appel, Il autorisera les chaînes qui en auront fait la demande à passer d’une diffusion SD à une diffusion HD à partir d’avril 2016, sous réserve de disponibilité de la ressource. En outre, les chaînes diffusées simultanément en SD/HD pourront mettre fin à leur diffusion en SD.
Les dispositions de la loi relative au deuxième dividende numérique
La proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre, votée en première lecture à l’Assemblée nationale le 23 juin 2015 puis au Sénat le 22 juillet introduit les dispositions législatives qui permettront le passage intégral en haute définition, notamment :
• l’habilitation du Gouvernement à modifier les normes de diffusion des autorisations en cours (article 1er) ;
• l’élargissement de la compétence du CSA en matière de recomposition des multiplex (article 3) ;
• l’élargissement des possibilités de retrait par le CSA des autorisations d’usage de la ressource radioélectrique délivrées aux opérateurs de multiplex (articles 5 et 6)
• l’arrêt de la double diffusion des services en SD/HD (article 10).
Pour le téléspectateur, ce passage n’est pas neutre puisque les téléviseurs achetés avant 2012 ne pourront plus recevoir, à compter d’avril 2016, les chaînes de télévisions par voie hertzienne.
Pour les foyers ayant acheté un équipement non compatible avec la haute définition, il leur faudra, afin de continuer à recevoir la TNT après l’arrêt du MPEG-2 à partir d’avril 2016, acquérir un adaptateur MPEG-4 qui sera commercialisé à partir de 25 euros. Selon l’Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers, seulement 6 % des foyers (soit 1,7 million) ne possédaient pas de téléviseur ou adaptateur compatible avec la TNT en HD au deuxième semestre 2014.
Afin d’éviter tout écran noir lors de l’arrêt du MPEG-2, le Gouvernement a décidé de reconduire les dispositifs d’aide à l’équipement et d’accompagnement des téléspectateurs prévus lors du passage à la télévision tout numérique. Ainsi :
− les foyers dégrevés à la contribution à l’audiovisuel public bénéficieront d’une aide à hauteur de 25 euros qui permettra de couvrir l’achat d’un adaptateur MPEG-4 par foyer éligible ;
− les personnes âgées de plus de 70 ans ou en situation de handicap bénéficieront d’une intervention à domicile pour l’installation d’un téléviseur ou adaptateur MPEG-4 (20).
À quelques mois du passage effectif en HD, le Rapporteur spécial s’inquiète cependant de la faiblesse, voire de l’absence, de campagne de communication afin d’informer les téléspectateurs de ce changement important dans les modalités de diffusion. Aucune information précise relative aux modalités d’acquisition d’un adaptateur n’a par ailleurs été diffusée.
La communication est d’autant plus utile que la description technique du passage en HD est complexe, et que ses enjeux peuvent être mal compris :
− contrairement au passage à la TNT, qui avait nécessité l’acquisition d’un décodeur, la plus-value du passage en HD est peu perceptible (le passage à la TNT avait quant à lui permis le visionnage de treize chaînes gratuites supplémentaires).
− en cas d’équipement incompatible, la conséquence est radicale puisqu’il s’agit de l’écran noir. Ce n’était pas le cas lors du passage à la TNT.
Le Rapporteur spécial encourage donc vivement le Gouvernement à prendre le plus rapidement possible les mesures nécessaires, en collaboration avec le CSA, afin de communiquer sur le passage en HD. Il pourrait en cela s’inspirer des méthodes utilisées dans le cas de la radio numérique terrestre (RNT), comme la construction d’un site internet dédié (« la radio numérique, c’est fantastique »).
2. France Télévisions : Un déficit évalué entre 40 et 50 millions d’euros à l’issue de l’année 2016 malgré d’importants efforts en matière d’économies structurelles
a. Des comptes fragilisés, mais un espoir de retour à l’équilibre grâce au « coup de pouce » du Gouvernement
La situation financière de France Télévisions n’est pas stabilisée. L’entreprise est tout d’abord affaiblie par une baisse récurrente de ses recettes publicitaires depuis 2009, en raison notamment de l’essoufflement des investissements publicitaires constaté sur l’ensemble des acteurs historiques, dans un contexte de détérioration de la conjoncture économique, de poursuite de la montée en puissance des nouvelles chaînes de la TNT et de concentration des investissements sur une ou deux régies puissantes. France Télévisions souffre également d’un affaiblissement de sa compétitivité sur le marché publicitaire par rapport aux autres chaînes historiques, lié à l’absence d’écran en prime-time (20h00-22h00) dans son offre globale. Ce phénomène a été analysé en détail dans le rapport de la mission d’information sur le financement public de l’audiovisuel (21).
L’avenant au contrat d’objectif et de moyens 2013-2015 prévoyait un retour vers l’équilibre des comptes en 2015, qui n’a pu être respecté du fait d’une ressource publique sous contrainte et d’une ressource publicitaire instable. Les ressources pour 2015 se placent ainsi en retrait de 30 millions d’euros par rapport à l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens 2013-2015, généré par un montant de ressource publique inférieure de 5 millions d’euros et des recettes publicitaires amputées à hauteur de 25 millions d’euros. La nouvelle prévision pour l’exercice 2015 ne prévoit cependant qu’une perte nette de 11 millions d’euros, contre 4 dans le contrat d’objectif et de moyens et 38,4 à l’issue de l’exercice 2014.
Les perspectives pour 2016 demeurent cependant très préoccupantes. La ressource publique augmente de 4,4 millions d’euros selon le projet annuel de performances, soit une hausse de 0,2 % par rapport à la dotation initiale de 2015. L’entreprise anticipe également une diminution de 20 millions d’euros de ses recettes publicitaires par rapport au budget 2015, en cohérence avec le réalisé 2014 et les prévisions 2015. Ces hypothèses confirment l’instabilité de cette source de recettes et son incapacité à assurer un financement pérenne de France Télévisions. Il est donc en désaccord avec la position de la Présidente du groupe, qui voit dans la ressource publicitaire une perspective d’avenir.
Parallèlement, l’entreprise va devoir faire face à une pression supplémentaire sur les charges de l’ordre de 40 à 45 millions d’euros, liés principalement aux glissements tendanciels des charges et aux effets conjoncturels tels que les Jeux olympiques d’été ou encore le passage en HD prévu pour avril 2016 : le coût de migration est estimé entre 4 et 11 millions d’euros. En effet, seule France 2 est à jour diffusée en double diffusion. France Télévisions devra donc faire migrer l’ensemble des autres chaînes du groupe vers une diffusion en HD. Parallèlement, l’arrêt de la SD sur France 2 se traduira par une économie nette sur les coûts de diffusion, comme cela se produira pour Arte.
La dégradation de la situation financière de France Télévisions fait pourtant suite à une accélération des mesures d’économie depuis trois ans. En effet, l’effectif moyen annuel pour 2014 s’élève à 10 131 équivalents temps plein (ETP), en diminution de 359 par rapport à 2012 grâce à la mise en œuvre du plan de départs volontaires, soit une baisse de 3 % des effectifs. L’avenant au contrat d’objectifs et de moyens prévoit une stabilisation des effectifs à 9 750 ETP, après une réduction de 650 ETP. Les hypothèses retenues pour 2015 conduisent à un niveau d’ETP moyen de 9 836, en prenant en compte la réalisation intégrale du volume de départs prévu au plan de départs volontaires. France Télévisions a fait valoir qu’au total, les charges opérationnelles ont d’ores et déjà baissé de 73 millions d’euros depuis 2012, dont une économie de 64 millions d’euros sur les programmes.
Le creusement du déficit prévu en 2016 à hauteur de 40 ou 50 millions d’euros confirme l’effet de ciseau qui a été identifié dans le rapport de Marc Schwartz remis en février 2015 (22) et confirmé par l’analyse du rapport d’information sur le financement de l’audiovisuel public (23).
Le Rapporteur spécial se félicite, au regard de ces éléments, de l’amendement gouvernemental qui accroit de 25 millions d’euros la dotation globale en faveur de France Télévisions, sans pour autant nuire à l’équilibre financier des autres acteurs. La direction de France Télévisions s’est engagée fermement à mener, dans le nouveau contrat d’objectifs et de moyens, une stratégie offensive en matière d’économie des coûts permettant un retour à l’équilibre dès la fin de l’année 2016.
Il est également en accord avec les orientations de France Télévisions présentées au Parlement le 22 octobre 2015 par sa nouvelle présidente, Madame Delphine Ernotte-Cunci. Elle y détaille en effet un projet ambitieux sur le plan éditorial et sur le plan du développement numérique. Elle y expose enfin la nécessité de refonder le modèle économique, notamment en diversifiant les ressources propres, notamment par le biais des investissements réalisés dans la production audiovisuelle. Il s’agit de la pierre angulaire du changement de modèle économique proposé dans le cadre du rapport d’information précité.
b. Les audiences de France Télévisions : malgré la concurrence, le groupe public est en tête des parts d’audience
Le tableau suivant récapitule l’évolution des audiences de France Télévisions, ventilées par tranche horaire, depuis 2012 :
Chaîne |
Année |
03 :00 |
07 :00 |
18 :00 |
20 :00 |
20 :45 |
22 :45 |
France |
2012 |
30,2 % |
31,0 % |
33,1 % |
36,8 % |
29,4 % |
23,8 % |
2013 |
28,6 % |
29,0 % |
31,2 % |
35,6 % |
28,4 % |
21,8 % | |
2014 |
28,8 % |
29,4 % |
31,3 % |
35,0 % |
29,3 % |
21,5 % | |
JJ2015 |
28,9 % |
28,5 % |
32,0 % |
35,3 % |
30,0 % |
22,3 % |
Source : réponse au questionnaire budgétaire
En 2012, porté notamment par les élections (présidentielle et législatives) et les Jeux Olympiques d’été à Londres, le groupe France Télévisions dépasse les 30 % de part d’audience.
En 2013, face aux progrès d’audience de D8 et au lancement des 6 chaînes de la TNT HD, et dans un contexte moins porteur, il cède 1,6 point pour parvenir à 28,6 %. L’intégration de la performance de la nouvelle chaîne HD1 (0,6 point) au score global du groupe TF1 permet à ce dernier de prendre la tête des groupes audiovisuels en audience, à 28,9 % de part d’audience.
En 2014, l’intégration du score de France Ô (0,5 point sur l’ensemble de l’année) permet à France Télévisions de redevenir premier groupe audiovisuel en audience, à 28.8 % de part d’audience, 0,1 point au-dessus du groupe TF1.
Au premier semestre 2015, France Télévisions continue à progresser, à 28,9 % de part d’audience, en dépit de la poursuite de la montée en puissance des chaînes de la TNT HD. La chaîne TF1 connaît en revanche un fort recul (- 1,3 point en un an). L’audience de France Télévisions se situe ainsi plus d’un point au-dessus de celle de son principal concurrent.
Par ailleurs, le carrefour d’audiences de 20h00 maintient son niveau depuis trois ans, à plus de 35 % de part d’audience, après une baisse en 2013. Il atteint 35,3 % au premier semestre 2015, meilleur score depuis quatre ans.
Les audiences d’Arte se sont stabilisées au niveau record de 2 % en France (et de 1 % en Allemagne) de part d’audience en 2014, et continuent leur progression au premier semestre 2015, à hauteur de 2,2 %. De surcroît, avec une moyenne de 15 millions de visites mensuelles, dont 2,6 sur les applications mobiles au 1er trimestre 2015 (soit le double du niveau de 2011), un âge moyen de 45 ans (35 ans sur les réseaux sociaux) et une durée moyenne de visionnage de 11,34 minutes, en augmentation de 40 % en un an, Arte confirme la force d’attraction de son offre numérique. La chaîne est en effet précurseur en matière de stratégie multi-support.
Au-delà de ses résultats d’audience, la chaîne confirme également sa gestion d’entreprise maîtrisée. En effet, Arte a subi des coupes récurrentes dans ses financements, qui se trouvent à ce jour en fort décrochage par rapport aux prévisions du contrat d’objectifs et de moyens. Cela est d’autant plus préjudiciable que la ressource publique représente 97 % de son budget : il s’agit de l’entreprise la plus dépendante du produit de la contribution à l’audiovisuel public.
Le graphique suivant illustre le décrochage de la subvention allouée à Arte par rapport au contrat initial, ce dernier n’ayant fait l’objet d’aucun avenant comme ce fut le cas pour France Télévisions :
Source : Arte- réponse au questionnaire budgétaire.
Arte ne se trouve pas pour autant dans une situation financière exagérément dégradée, grâce à des efforts en gestion, les frais de structure étant en 2014 en baisse de 4 % par rapport au réalisé 2013. La part des charges de personnel dans les charges d’exploitation est particulièrement basse (7,9 %), et en hausse maîtrisée (+ 0,8 % entre 2013 et 2014).
La société affiche cependant un résultat net négatif à hauteur de 2 millions d’euros après impôts en 2014. La mobilisation du fonds de roulement net disponible a également été nécessaire à hauteur de 2,58 millions d’euros en plus de la maîtrise des charges courantes, afin de maintenir ses investissements dans les programmes dont le montant (130,8 millions d’euros) a été augmenté de 1,1 million d’euros par rapport à 2013.
L’objectif stratégique d’Arte est de revenir au niveau d’investissement dans les programmes réalisé en 2012 (133,1 millions d’euros), après trois années de tassement (129,7 millions d’euros en 2013 et 130,8 millions d’euros en 2014 et 2015). Le niveau de contribution à l’audiovisuel public allouée en 2015, en hausse de seulement 1,3 million d’euros par rapport à 2014, ne permettra cependant pas à Arte France d’atteindre cet objectif.
Pour 2016, la dotation allouée à Arte augmente de 2,5 millions d’euros, ce qui apparaît comme une hausse un peu plus significative. Cette hausse de 1 % doit cependant permettre de couvrir une progression des frais de structure estimée à 1,8 % en 2016 et une progression des frais de personnel de 1,9 % par rapport à 2015. Une mobilisation du fonds de roulement est ainsi envisagée afin de maintenir l’équilibre des comptes, le montant prévisionnel de ce prélèvement étant de 2,8 millions d’euros.
La direction d’Arte attend par ailleurs l’arrêt de la diffusion en format SD (simple définition) sur la TNT, prévu en avril 2016 afin de libérer la bande des 700 MHz, et qui entraînent des coûts de diffusion minorés de 6,1 millions d’euros pour la chaîne. Pour 2016, cette économie devrait s’élever à 4 millions d’euros puisqu’il ne s’agira pas encore d’une année pleine.
La situation financière de Radio France a été longuement et précisément développée dans le rapport de la Cour des comptes publié en avril 201524. Il révèle plusieurs dysfonctionnements, à la fois dans le pilotage de la ressource et dans la trajectoire des dépenses.
Dans un premier temps, la ressource a été particulièrement dynamique, annihilant de ce fait tout besoin de restructuration en gestion. De 2006 à 2013, la ressource publique a en effet augmenté de 22,3 %, deux fois plus vite que les dépenses du budget de l’État qui ont connu une croissance de 9,1 %. Cette période coïncidant avec l’entrée de l’économie française dans une crise durable, une telle hausse aurait déjà dû se doubler d’un contrôle accru de l’utilisation des deniers publics. Sur la même période, la masse salariale totale de Radio France a augmenté de 18,8 %.
De 2004 à 2013 les résultats de l’entreprise demeurent bénéficiaires, affichant par ailleurs une trésorerie positive. C’est ce qui explique l’absence de réaction, avant la dégradation perceptible dès 2013 avec un résultat proche de 0, confirmé en 2014 puisque Radio France affiche un résultat d’exploitation de – 14 millions d’euros et un résultat net de – 2 millions d’euros. Cette dégradation brutale coïncide avec le décrochage non anticipé de la ressource publique, associé à des charges rigides et non maîtrisées sur le long terme. Cette concomitance de facteurs a logiquement engendré un effet de ciseau néfaste à la situation financière de Radio France.
Les perspectives pour 2015 prévoient, selon son président M. Mathieu Gallet, un budget en déficit de 21,3 millions d’euros. Un budget rectificatif est par ailleurs nécessaire afin d’intégrer les pertes liées à la grève, et qui devrait représenter 5 à 6 millions d’euros (25) du fait de la perte de recettes publicitaires. Cette baisse a fragilisé les comptes de l’entreprise, bien que celle-ci dépende à hauteur de 97 % du produit de la contribution à l’audiovisuel public.
Le prochain contrat d’objectifs et de moyens, actuellement en cours de finalisation, aura la lourde tâche de définir les restructurations nécessaires afin de s’acheminer vers un retour à l’équilibre, le tout dans un contexte financier contraint. Le projet annuel de performance pour 2016 prévoit un retour à l’équilibre à l’échéance 2018, le résultat net prévu au budget initial pour 2015 étant de – 21 millions d’euros.
Par ailleurs, les perspectives budgétaires doivent intégrer les 147 millions d’euros restant à décaisser dans le cadre des travaux de réhabilitation de la Maison de la radio.
b. Les perspectives 2016 : des sources de recettes complémentaires et la recherche d’économies structurelles
Pour 2016, il est proposé d’allouer à la société Radio France une dotation totale de ressources publiques de 619,4 millions d’euros, en augmentation de 5 millions d’euros par rapport à 2015.
Le plan de financement de Radio France prévoit la mise en œuvre de plusieurs mesures visant à stabiliser les comptes de l’entreprise. En matière de recettes tout d’abord :
– une part supplémentaire de contribution à l’audiovisuel public d’investissement qui représentera 25 millions d’euros répartis sur la durée du contrat d’objectifs et de moyens. L’augmentation de 5 millions d’euros allouée dans le projet de loi de finances pour 2016 constitue la première tranche de cette dotation. Elle vise en priorité à compenser les surcoûts substantiels entraînés par le chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio, qui doit se poursuivre jusqu’en 2018. Le chiffrage de ce surcoût demeure cependant difficile à évaluer. Tandis que la Cour des comptes chiffre le coût total à 575 millions d’euros, contre 333,9 prévus dans le COM 2006-2009, soit un dérapage de 72,2 %, Radio France a évoqué un coût total de 430 millions d’euros, en dérapage de seulement 19 %. Il semble que le périmètre considéré ne soit pas le même.
– une participation en capital via le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État à hauteur de 55 millions d’euros ;
– un emprunt bancaire. Cette dernière solution se confirme, et devrait représenter un abondement de 90 millions d’euros maximum remboursés sur sept ans par Radio France ;
− enfin, afin de sécuriser les recettes publicitaires de Radio France, le Gouvernement arbitre actuellement sur l’ouverture potentielle des antennes de Radio France à l’ensemble des annonceurs, et non plus seulement aux messages de publicité collective et d’intérêt général. Cette mesure, qui inquiète les radios privées, serait compensée par une baisse en volume des plages publicitaires autorisées, afin de ne pas déséquilibrer un marché déjà fortement fragilisé et concurrentiel. Les modalités de mise en œuvre sont en cours de discussion.
Parallèlement, le nouveau contrat d’objectifs et de moyens, dont les négociations devraient aboutir avant la fin de l’année, actera la mise en œuvre d’un important effort de maîtrise de la masse salariale : cette dernière représente en effet environ 58 % des charges d’exploitation de l’entreprise en 2014. L’option d’un plan de départs volontaires, sur le modèle de France Télévisions, n’a pas été retenue du fait du coût qu’elle représenterait à court terme.
Radio France propose un plan d’économies structurelles de 22 millions d’euros sur la masse salariale, grâce au non-remplacement partiel des départs à la retraite à partir de 2016 et sur la totalité de la période du contrat d’objectifs et de moyens. Le Rapporteur spécial regrette que cette mesure de rationalisation ne fasse pas entrer dans son champ les trois orchestres de Radio France, dont la sur-dotation en effectifs a été démontrée dans le rapport de la Cour des comptes précité, et désigné comme une marge d’économies dans le rapport parlementaire de la mission d’information sur le financement public de l’audiovisuel (26).
Comme Arte, France Médias Monde se caractérise par des résultats d’audience positifs, qui se traduisent également dans l’environnement numérique. Le rapport parlementaire d’information précité a souligné la qualité des ambitions éditoriales du groupe, ainsi que les importants efforts en gestion qui avaient été réalisés afin de maintenir les comptes à l’équilibre, et ce malgré un décrochage substantiel de la ressource publique par rapport aux prévisions pluriannuelles initiales, alors que l’entreprise dépend de la ressource publique à hauteur de 96 % de son budget. Il est également utile de rappeler que depuis le budget 2015, l’audiovisuel extérieur fait l’objet d’un financement intégral par la CAP, suite à l’extinction de ses crédits budgétaires et la disparition de l’ancien programme 115 de la mission Médias, livre et industries culturelles.
Les économies dégagées par France Médias Monde représentent, entre 2009 et 2014, une économie globale de 40 millions d’euros, soit 15 % du budget de l’entreprise, le résultat de la société demeurant ainsi positif à l’issu de l’exercice 2014 à hauteur de 30 496 euros.
Le nouveau contrat d’objectif et de moyens 2016-2020 de France Médias Monde est actuellement en cours de finalisation. Dans le cadre des négociations de l’entreprise avec sa tutelle, l’entreprise a présenté une note de pré-cadrage qui a été communiqué au Rapporteur spécial lors de la préparation de ce rapport. Trois scenarii de trajectoires financières y sont proposés :
− une trajectoire minimale, avec une évolution cumulée de 9 millions d’euros sur la période (taux moyen d’augmentation annuel de 0,7 %) permettant uniquement de faire face aux glissements inéluctables des charges, aux obligations légales et aux impératifs de sécurité ;
− une trajectoire intermédiaire, avec une évolution cumulée de 18,3 millions d’euros sur la période (taux moyen d’augmentation annuel de 1,5 %), permettant à l’entreprise de maintenir et d’améliorer ses performances actuelles, en matière d’offres éditoriales et de développement sur tous les supports de diffusion ;
− enfin, une trajectoire ambitieuse, avec une évolution cumulée de 25,3 millions d’euros (taux moyen d’augmentation annuel de 2,1 %). Cette trajectoire maximale demeure très raisonnable, qui plus est au regard de l’ampleur des économies structurelles engagées par l’entreprise. Elle permettrait par ailleurs de financer un ambitieux projet éditorial d’ouverture de France 24 au marché latino-américain, grâce à une nouvelle offre télévisuelle hispanophone.
Le Rapporteur spécial regrette que l’augmentation de la dotation ne s’élève qu’à 2 millions d’euros, soit une hausse de 0,8 % proche de la trajectoire minimale. Elle permet à l’entreprise de présenter une prévision de résultat net de l’exercice 2016 à l’équilibre, mais ne lui donne pas les marges de manœuvres nécessaires au développement de son rayonnement international.
Il espère que la consolidation des comptes de France Télévisions, grâce à l’affectation majorée de taxe sur les opérateurs de communication électronique qui lui est allouée, permettra dès 2017 de consacrer une part croissante du produit supplémentaire de CAP lié à l’indexation à d’importants projets comme celui de France 24.
Pour 2016, il est proposé d’allouer à TV5 Monde une dotation totale de ressources publiques de 78,5 millions d’euros, en légère augmentation de 0,9 % par rapport à 2015. Pour rappel, France Télévisions est redevenue depuis 2013 l’actionnaire de référence de TV5 Monde, détenant 49 % de ses titres, le président de France Télévisions présidant également le conseil d’administration de TV5 Monde.
Le financement public de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) se distingue de celui des autres acteurs de l’audiovisuel public, puisque cet institut se caractérise par une part plus élevée de ressources propres, à hauteur de près de 30 %. L’année 2016 constitue par ailleurs une année charnière, puisqu’il s’agit de la première année d’application de son nouveau contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019, qui est d’ores et déjà publié.
La loi de finances pour 2014 a alloué à l’INA une dotation budgétaire de 70,9 millions d’euros contre 92,4 en 2013. Cette diminution de 23,5 % par rapport à 2012 a été compensée par un prélèvement sur le fonds de roulement de 19,8 millions d’euros. La dotation inscrite pour 2015 a été relevée à 90,9 millions d’euros et revient donc presque au niveau de 2013. Dans le projet de loi de finances pour 2016, cette dotation est stabilisée à un montant identique à celui de 2015.
Les prévisions budgétaires 2016 de l’INA sont concordantes avec la trajectoire financière du nouveau contrat d’objectifs et de moyens, le compte de résultat affichant une trajectoire à l’équilibre à l’issue de l’année 2016.
La gestion de l’INA est maîtrisée : les charges de personnel affichent un montant de 67,5 millions d’euros, stable par rapport à 2015. Leur part dans les charges d’exploitation est de 58,4 % en 2015, et devrait s’établir à un niveau un peu plus élevé en 2016, du fait des économies effectuées par ailleurs sur les charges d’exploitation.
Le plan de sauvegarde et de numérisation demeure une priorité depuis 1999, et le restera dans le nouveau contrat d’objectif et de moyens pour la période 2015-2019 en cours d’élaboration. L’INA poursuit également sa stratégie d’accroissement et de diversification de ses publics au travers d’une démarche commerciale dynamique qui complète ses missions de service public : évolution de ses offres de formation, développement de ses activités d’expertise dans le domaine de l’archivage numérique, refonte de ses systèmes de ventes aux professionnels et accès renforcé à l’ensemble des collections de l’INA.
En 2014, les recettes commerciales de l’INA ont été en retrait de 4,3 %
(– 1,7 million d’euros) à 38,1 millions d’euros par rapport à 2013. Cette diminution s’explique principalement par une baisse de 1,1 million d’euros du chiffre d’affaires de la direction des contenus, en charge notamment de la vente d’extraits, de DVD et des productions de l’institut.
Au budget 2015, les recettes commerciales totales de l’INA étaient attendues à 39,6 millions d’euros, soit une hausse de 1,5 million d’euros par rapport au réalisé 2014. Dans le dernier budget rectificatif adopté par le conseil d’administration de l’INA le 1er octobre, les ressources propres de l’INA sont désormais attendues à 37,1 millions d’euros, inférieures de 900 000 euros par rapport à celles du premier budget rectificatif et de 2,5 millions d’euros (- 6,3 %) par rapport à celles du budget initial. Cette diminution s’explique principalement par la révision à la baisse du chiffre d’affaires de la direction des contenus par rapport au budget initial 2015, celui-ci prévoyant le rétablissement des activités de la direction des contenus au niveau de 2012 et 2013. Le chiffre d’affaires de cette activité est désormais attendu à un niveau inférieur de 2,2 % à 2014. Ces moindres recettes sont compensées par une diminution des charges liées à la baisse d’activité.
En 2016, les recettes commerciales devraient être en légère augmentation par rapport à 2015, à 38 millions d’euros, avant une légère progression en 2017 de l’ordre de 1 million d’euros. En effet, la mise en œuvre de la nouvelle stratégie commerciale fixée dans le contrat d’objectifs et de moyens devrait permettre de mettre un terme à la baisse tendancielle des ressources propres en s’appuyant sur les relais de croissance identifiés (cessions de droit à l’international, expertise, multimédia et activités de production) tout en optimisant le catalogue de formation. Ainsi, selon ces hypothèses, l’INA anticipe une amélioration de la part des ressources propres rapportées aux ressources totales d’ici 2017, avec une prévision actualisée à 31,5 % en 2017.
La nouvelle plateforme de service de vidéo à la demande de l’INA ( INA Premium)
En septembre 2015, l’INA a lancé son service de vidéos à la demande, INA Premium. Cette initiative apparaît, en effet, comme le prolongement naturel des fonctions d’archivage de l’institut, et de son statut moteur en matière de développement numérique au sein de l’audiovisuel public. Il s’agit d’une nouvelle source de recettes potentielles, puisque ce service se présente sous la forme d’un abonnement mensuel d’un montant de 2,99 euros. Cette plateforme permet la mise à dispostion de 20 000 programmes, ciblés sur les œuvres cultes de la télévision française (séries, fictions, émissions de divertissement, documentaire, spectacle etc..). Aucune publicité ne sera intégrée dans le cadre de cette offre.
Avec 103 millions de vues sur le site internet de l’INA en 2014, ce nouveau service de vidéos à la demande peut espérer recueillir un certain succès. Lors de l’audition du président de l’INA par le Rapporteur de la mission d’information sur le financement public de l’audiovisuel en juillet 2015, celui-ci avait indiqué que cette plateforme ferait l’objet d’accords de partenariat avec des fournisseurs d’accès d’internet (FAI), et notamment avec Bouygues Télécom, afin d’intégrer INA Premium à des offres commerciales triple play (téléphonie, internet et télévision). Le Rapporteur spécial n’a pas eu, à ce stade, d’informations complémentaires sur la mise en œuvre de ces partenariats, ni sur les modalités du partage des revenus qui en découleraient.
Quoiqu’il en soit, il se félicite de cette initiative, qui constitue une étape supplémentaire dans l’évolution de l’audiovisuel public au sein d’un environnement numérique, en tirant partie des nouvelles sources de recettes qu’il peut générer. Il espère que ce projet permettra d’ouvrir, à moyen terme, une réflexion plus large sur la mise en place d’un service de vidéos à la demande commun à l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public.
La commission poursuit l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 (n° 3096).
Après l’audition de Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication (voir le compte rendu de la commission élargie du 2 novembre 2015 à 15 heures (27)), la commission examine les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte spécial Avances à l’audiovisuel public.
La commission est saisie de l’amendement n° II-423 du Gouvernement.
M. le président Gilles Carrez. Cet amendement tire les conséquences de celui que nous avons adopté en première partie du projet de loi de finances et qui affecte à France Télévisions une fraction plus importante de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques. Il s’agit ainsi d’affranchir l’entreprise publique de toute dotation budgétaire non pas en 2017, comme initialement prévu, mais dès 2016.
M. Jean-Marie Beffara, rapporteur spécial. Je ne peux qu’être favorable à cet amendement qui vient en écho à ceux que j’avais déposés en première partie avec le président Patrick Bloche.
La commission adopte l’amendement puis, suivant l’avis favorable du rapporteur spécial, elle adopte les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles modifiés et du compte spécial Avances à l’audiovisuel public.
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
– Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente directrice générale de France Télévisions, Fabrice Lacroix, directeur général délégué à la gestion et aux moyens, Mme Juliette Rosset-Cailler, directrice des relations avec les pouvoirs publics et M. Stéphane Sitbon-Gomez, directeur de cabinet ;
− Mme Marie-Christine Saragosse, présidente de France Média Monde (FMM) ; M. Victor Rocaries, directeur général délégué ; M. Thierry Delphin, directeur financier et Mme Geneviève Goëtzinger, directrice des relations institutionnelles ;
– M. Daniel Panetto, président de l’Union national des diffuseurs de presse (UNDP) ; M. Philippe Di Marzio, directeur général ;
– M. Mathieu Gallet, président directeur général de Radio France ; Mme Sibyle Veil, directrice déléguée chargée des opérations et finances, membre du comité exécutif ; M. Jean-Claude Luciani, directeur délégué à la stratégie sociale et aux ressources humaines et Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale, membre du comité exécutif ;
– M. Martin Ajdari, directeur général des médias et des industries culturelles au ministère de la culture et de la communication (DGMIC), Mme Aude Accary-Bonnery, conseillère en charge de l’audiovisuel et du cinéma au cabinet de Mme Fleur Pellerin et M. Ludovic Berthelot, sous-directeur de l’audiovisuel à la DGMIC ;
– Mme Véronique Cayla, présidente d’Arte France ; Mme Anne Durupty, directrice générale et Mme Clémence Weber, responsable des affaires publiques ;
– M. Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France (BNF) et Mme Sylviane Tarsot-Gillery, directrice générale ;
– M. Matthieu de Montchalin, président du SNL et M. Guillaume Husson, délégué général du SLF (syndicat de la librairie française) ;
− M. Christian Bruneau, président de la Fédération nationale de la presse spécialisée (FNPS), Mme Marianne Berard-Quelin, vice-présidente de la FNPS, et présidente de la Commission des affaires européennes de la FNPS, M. Jacques Louvet, président d’honneur et trésorier de la FNPS, et Catherine Chagniot, directrice déléguée ;
− Mme Malika Séguineau, Secrétaire Générale du Syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété (Prodiss) , Mme Aline Renet, conseillère stratégique et relations institutionnelles du Prodiss et M. Jean-Luc Archambault, président de Lysios ;
− M. Léonidas Kalogéropoulos, délégué général d’Alternative Mobile, accompagné de Mme Lénaïg Saliou-Catz, M. Benoit de Corn et M. Jacques Bonifay ;
− M. Stéphane Le Bars, délégué général de l’Union Syndicale de la Production Audiovisuelle (USPA) ;
– M. Jean-Michel Counillon, secrétaire général de TF1 ;
– M. Damien Bernet, directeur général adjoint du groupe NextRadioTV ;
− M. Gaspard de Chavagnac, président directeur général de Zodiak Media France et M. Guillaume Thouret, directeur général de CAPA Développement.
1 () Ce programme retraçait, jusqu’en 2014, les crédits budgétaires alloués aux sociétés France Médias Monde (FMM) et TV5 Monde ainsi qu’à la radio franco marocaine Médi1 via la Compagnie internationale de radio et de télévisions (CIRT), les crédits en faveur de FMM et de TV5 Monde étant complétés par des crédits issus des recettes de la contribution à l’audiovisuel public (CAP).
2 () Médiamétrie- Observatoire des usages internet, septembre 2014.
3 () L’article 298 septies du code général des impôts dispose que les ventes, commissions et courtages portant sur les publications de presse qui remplissent les conditions prévues aux articles 72 et 73 de l’annexe III du code, sont soumis à la TVA au taux de 2,10 % dans les départements métropolitains, y compris la Corse, et de 1,05 % dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion.
4 () N°2224- Proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse- 17 septembre 2014.
5 () Née d’une volonté commune franco-marocaine, Medi1 (Radio Méditerranée Internationale) est détenue a 51 % par les partenaires marocains (à 25,5 % par la Banque marocaine du commerce extérieur et a 25,5 % par le SFG) et a 49 % par la France, par l’intermédiaire de la Compagnie internationale de radio et télévision. Cette radio bilingue franco marocaine diffuse au Maroc et en Algérie des programmes d’information et de divertissement.
6 () « tout détaillant, toute personne qui édite des livres, en diffuse ou en distribue auprès des détaillants,[…] toute organisation professionnelle ou syndicale concernée, […]les prestataires techniques auxquels ces personnes recourent ou […]le ministre intéressé ».
7 () Traduction : « droit mou ».
8 () Jean-Marie Beffara et Éric Woerth, Un modèle économique de l’audiovisuel public adapté au 21ème siècle. Rapport d’information n° 3098 fait au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, octobre 2015.
9 () Suite au décret n°2014-1235 du 22 octobre 2014.
10 () Jean-Marie Beffara et Éric Woerth, Un modèle économique de l’audiovisuel public adapté au 21ème siècle. Rapport d’information n° 3098 fait au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, octobre 2015.
11 () Ce régime des droits acquis correspond au maintien de l’exonération de la redevance audiovisuelle pour les contribuables qui n’y étaient pas assujettis avant la réforme de 2005 et qui le seraient devenus en raison de leur assujettissement à la taxe d’habitation.
12 () L'article 56 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 a prolongé définitivement ce régime dit des « droits acquis » qui concerne des personnes âgées de plus de 65 ans non imposables et des foyers dont l'un des membres est handicapé, sous certaines conditions.
13 () Jean-Marie Beffara et Éric Woerth, op. cit.
14 () Selon l’Institut Nielsen, le taux d’équipement de télévision par foyer aux États-Unis est passé à 96,7 % début 2011, contre 98,9 % lors du dernier sondage réalisé en 1992.
15 () Troisième vague d’études de l’Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers, décembre 2014.
16 () Jean-Marie Beffara et Éric Woerth, op. cit.
17 () Opérateur de téléphonie mobile qui, ne possédant pas de concession de spectre de fréquences ni d'infrastructure de réseau propres, contracte des accords avec les opérateurs mobiles possédant un réseau mobile (connu sous le sigle MNO, de l'anglais Mobile Network Operator) pour leur acheter un forfait d'utilisation et le revendre sous sa propre marque à ses clients.
18 () Amendement n°I-822 adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.
19 () MPEG : norme de codage d’objets audiovisuels spécifiée par le « Moving Picture Experts Group »(MPEG).
20 () Ce double accompagnement des téléspectateurs est issue d’une disposition de la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre (article 7 ter)
21 () Jean-Marie Beffara et Éric Woerth, op. cit.
22 () Marc Schwartz, France Télévisions 2020 : le chemin de l’ambition, février 2015.
23 () Jean-Marie Beffara et Éric Woerth, op. cit.
24 () Cour des comptes, rapport thématique « Radio France : les raisons d’une crise, les pistes d’une réforme », avril 2015
25 () La grève des personnels de Radio France a duré vingt-huit jours et s’est terminée le 15 avril 2015.
26 () Jean-Marie Beffara et Éric Woerth, op. cit.
27 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2016/commissions_elargies/