Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N
° 4128

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2017 (n° 4061),

TOME IV

DÉFENSE

PAR Mme Nicole AMELINE

Députée

——

Voir le numéro 4125.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LA FRANCE FACE À UN TOURNANT GÉOSTRATÉGIQUE 7

A. LE TERRORISME, UNE MENACE OMNIPRÉSENTE, DURABLE ET ANCRÉE DANS LES CONSCIENCES 7

1. Un symptôme non exclusif de la faiblesse des États 7

2. Une menace globale et difficile à éradiquer 8

3. Une menace durablement implantée sur le territoire national 12

B. LE RETOUR DE LA PUISSANCE, UN PHÉNOMÈNE PERNICIEUX ET INQUIÉTANT 15

1. Le réarmement mondial 15

2. Le retour des stratégies de puissance 16

C. LA MENACE CYBER EN PERPÉTUELLE EXPANSION 19

II. L’OUTIL MILITAIRE FORTEMENT ET DURABLEMENT ENGAGÉ 21

A. LA PROTECTION DU TERRITOIRE NATIONAL A NOUVEAU PERÇUE COMME UNE PRIORITÉ 22

1. Le maintien prioritaire de la posture nucléaire 22

2. Le maintien des postures permanentes de sûreté aérienne et maritime 23

3. La conceptualisation du retour de l’armée de terre sur le territoire national 24

4. Un engagement fort dans le milieu cyber 27

B. UNE TENDANCE À LA PÉRENNISATION DES ENGAGEMENTS EXTÉRIEURS 29

1. Un engagement dur et à long terme en Afrique 29

2. Une implication croissante et durable au Levant 31

3. Le maintien de l’effort de réassurance à l’est de l’Europe 34

4. L’engagement croissant des armées dans les partenariats d’armement 35

III. BUDGET 2017 : POURSUITE D’UNE ÉBAUCHE DE RÉVEIL DES CONCIENCES 37

A. UNE PRIORISATION CROISSANTE DES ENJEUX DE SÉCURITÉ 37

1. LPM 2014-2019 : la défense tributaire des restrictions budgétaires 37

2. Une inversion de tendance progressive à partir de 2015 38

B. UNE TENDANCE CONFIRMÉE PAR LE BUDGET 2017 42

1. Des moyens en hausse de 600 millions d’euros par rapport à 2016 42

2. Un effort particulier sur les personnels 45

3. Des opérations d’équipements conformes à la prévision 48

4. La montée en puissance du renseignement et de la cyberdéfense 51

C. UN EFFORT POURTANT INSUFFISANT POUR GARANTIR LA PÉRENNITÉ DU MODÈLE D’ARMÉE 53

1. Des capacités fortement érodées 53

2. Un capital humain fragilisé 56

IV. POUR UNE STRATÉGIE D’ALLIANCE ET DE PUISSANCE PLUS AFFIRMÉE 61

A. POUR UNE REMONTÉE EN PUISSANCE PERMISE PAR UNE RÉÉVALUATION DE LA DEPENSE PUBLIQUE 61

1. Assurer la remontée en puissance de l’outil militaire en recentrant la dépense publique sur le domaine régalien 61

2. Intégrer la politique de défense dans le cadre d’une approche globale dûment institutionnalisée et financée 64

B. POUR UNE STRATÉGIE D’ALLIANCE PLUS FORTE ET PRAGMATIQUE 66

1. Exploiter le potentiel de la complémentarité OTAN-UE en travaillant sur les perceptions 67

2. Pousser le développement de partenariats structurants en érigeant le pragmatisme en norme d’action 72

3. Renforcer résolument et sans tarder le partenariat avec la rive sud de la Méditerranée 75

CONCLUSION 79

TRAVAUX DE LA COMMISSION 81

EXAMEN DES CRÉDITS 81

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 83

PAR LA RAPPORTEURE 83

INTRODUCTION

Au cours des trois dernières années, nombre de menaces qui avaient été identifiées dans le Livre Blanc de 2013 comme des germes potentiels d’insécurité pour notre pays se sont matérialisées avec une ampleur inédite.

Sur le terreau d’États fragiles ou faillis, le terrorisme a pu prospérer jusqu’à établir aux yeux de chaque Français, avec une violence extrême, le caractère indissociable de la sécurité à l’intérieur et à l’extérieur des frontières. Depuis les attentats de Paris en janvier et novembre 2015, l’image du territoire national sanctuarisé de la violence du monde a été brisée.

La défense nationale est revenue au cœur des priorités des Français. Elle a conduit le Président de la République à enrailler l’érosion continue du budget de la défense depuis deux décennies.

Le budget proposé pour 2017, avec ses 32,7 milliards d’euros, confirme cet engagement nouveau en faveur de la sécurité de notre pays. Il déploie 600 millions supplémentaires par rapport à 2016 pour financer les engagements de nos armées et les secteurs érigés en priorité – à raison : cyberdéfense et renseignement. Le plafond d’emplois du ministère est rehaussé de 400 postes. Cette évolution mérite d’être soulignée.

Ce budget ne représente pourtant qu’1,77% du PIB, alors que notre pays s’est engagé à atteindre 2% lors du sommet de l’OTAN de Newport, en septembre 2014. L’effort réalisé en 2017 permet simplement de stabiliser ce ratio. La marche à gravir reste donc immense. Immense et impossible en pratique, à moins de réévaluer en profondeur le périmètre de nos politiques publiques.

Votre rapporteure pense que c’est une nécessité à laquelle la France ne pourra pas échapper. En effet,  le monde a changé au-delà de ce que nos concitoyens voient. La résurgence des stratégies de puissances, la montée des enjeux dans le champ du cyber, dans l’espace et en mer sont autant de défis qui attendent la France demain.

Nous devons nous y préparer. Notre budget de défense ne doit pas être intégralement consommé dans les opérations, il doit permettre d’investir pour faire face aux défis de demain. Jusqu’à aujourd’hui, la France a su préserver des capacités militaires uniques en Europe, mais celles-ci sont fragilisées. Un réinvestissement d’urgence est nécessaire pour permettre aux Français de vivre en sécurité et à notre pays de garder son statut.

La France ne pourra pas compter uniquement sur ces propres forces. La course technologique, la taille de certaines économies émergentes sont autant de paramètres qui nous obligent à adopter un principe de réalité : nous avons besoin de nos partenaires, et surtout des Européens, qui partagent avec nous une culture, des valeurs et de nombreux intérêts de sécurité. La remontée en puissance de la défense française devra donc impérativement s’appuyer sur une stratégie d’alliance beaucoup plus affirmée.

I. LA FRANCE FACE À UN TOURNANT GÉOSTRATÉGIQUE

Les Français ont aujourd’hui conscience de vivre dans un monde dangereux, où les repères géopolitiques traditionnels sont progressivement brouillés jusqu’à sembler perdre leur signification.

La notion de frontière, la conception du territoire national comme d’un sanctuaire se sont effacées devant l’émergence de menaces transnationales. Le terrorisme en est l’incarnation la plus immédiate et la plus visible pour nos concitoyens.

Cependant, « le monde a changé au-delà de ce que nos concitoyens perçoivent »  (1). En particulier, nombre d’États se réarment et mettent en œuvre des stratégies de puissance qui se déploient dans tous les milieux – terre, air, mer, espace, cyber – et impliquent souvent une remise en question des règles de droit international sur lesquelles se sont fondés les rapports entre États depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

A. LE TERRORISME, UNE MENACE OMNIPRÉSENTE, DURABLE ET ANCRÉE DANS LES CONSCIENCES

1. Un symptôme non exclusif de la faiblesse des États

Le Livre Blanc de 2013 identifiait, parmi les menaces susceptibles d’affecter la sécurité de la France, les « risques de la faiblesse » d’États qui, incapables d’exercer leurs responsabilités régaliennes, devenaient des terreaux d’insécurité.

Cette menace s’est matérialisée avec une ampleur inédite dans la montée du terrorisme international. En raison de son extraordinaire contagiosité et des conséquences qu'elle engendre pour les Français, votre rapporteur centrera son analyse sur cette menace terroriste.

Elle n'est cependant pas le seul risque sécuritaire suscité par les défaillances des États. Les migrations incontrôlées, les trafics d'armes, de drogues, d'êtres humains, la piraterie sont d'autres phénomènes dont l'ampleur tend à s'accroître et qui pourraient poser des problèmes graves pour la sécurité internationale et celle de notre pays. D'autant plus que ces phénomènes peuvent se renforcer l'un l'autre : s'il est déjà établi que les trafics sont une source de financement pour les terroristes de la bande sahélo-saharienne, la grande crainte des militaires français est de voir la jonction s'établir entre les pirates du Golfe de Guinée de l’état-major et les terroristes dans le Sahel.

La recrudescence de la piraterie dans le Golfe de Guinée

Le Golfe de Guinée est une zone stratégique pour les intérêts français, en raison notamment de la présence économique importante de la France en Afrique centrale et occidentale. Au cours des dernières années, la piraterie s'y est fortement développée, alors qu'elle régressait au large de la Corne de l'Afrique grâce à l'opération Atalante conduite par l'Union européenne.

D'après le Gouvernement, le nombre d'attaques s'est encore accru en 2016, avec 44 actes de piraterie et de brigandage recensés, 86 personnes enlevées et 4 tuées pour le seul premier trimestre. Auparavant, les groupes de pirates avaient surtout tendance à pratiquer le « soutage », qui consiste à détourner des pétroliers. Mais cette activité est devenue moins lucrative avec la baisse du cours du pétrole, incitant les pirates à se recentrer sur les kidnappings. Si la zone maritime concernée s'étend de la Guinée Conakry à l'Angola, l'épicentre du phénomène de piraterie se situe dans la zone économique exclusive du Nigéria.

2. Une menace globale et difficile à éradiquer

Fondées sur une idéologie commune de haine et de rejet de nos valeurs et sur une manipulation du concept de djihad, les mouvances terroristes ont connu une préoccupante extension géographique, au point que la menace est aujourd’hui incontestablement globale.

Cependant, les racines de ces mouvances terroristes plongent toujours dans un contexte ethnique, politique et socio-économique spécifique. Cela les rend particulièrement difficile à éradiquer, dans la mesure où les causes profondes doivent être prises en compte et traitées, sous peine de reproduire les mêmes effets. C’est ainsi que le combat qui a été engagé depuis plusieurs années contre ces éléments terroristes connaît aujourd’hui un bilan en demi-teinte : les mouvances ont été affaiblies, mais elles persistent, dans un contexte où la reconstruction des États progresse difficilement.

Cette situation peut être constatée en de très nombreux points du globe, en dehors des théâtres où la France concentre son action, sur lesquels votre rapporteure axera sa présentation : Somalie (Shebabs), Yémen (Al-Qaïda, Daech), Afghanistan (Al-Qaïda, Daech), Indonésie…

Résilience et adaptation des groupes terroristes dans le Sahel

Les opérations militaires françaises Serval et Barkhane ont considérablement amélioré la situation sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne. D’après le ministère de la défense, de nombreux chefs terroristes ont été éliminés ou sont en fuite et la menace terroriste n’affecte plus directement la stabilité des États.

Cette menace n’a cependant pas disparu, loin s’en faut, en dépit de la forte présence internationale dans le pays : 4 000 soldats de Barkhane et quelque 10 500 militaires de la MINUSMA, l’opération des Nations Unies.

Les groupes terroristes ont adapté leurs modes d’action à cette présence. On observe, d’une part, une régionalisation de leur stratégie dont ont témoigné les attentats de Ouagadougou et grand-Bassam. D’autre part, au Mali, la menace a eu tendance à se renforcer dans le centre du pays, notamment dans la région de Mopti et de Gao. D’après le ministère, « le centre du Mali devient une priorité pour les terroristes d’inspiration djihadiste, notamment Ansar Eddine, qui, empêchés par l’opération Barkhane de manœuvrer au Nord, instrumentalisent le ressentiment des Peuhls dans la région. »

Par ailleurs, la situation dans le nord du pays ne s’est guère améliorée en l’absence de réelles avancées dans la mise en œuvre de l’accord de paix de juin 2015. Cette situation favorise la collusion entre les groupes armés signataires de l’accord de paix et les groupes armés terroristes, dans un contexte de carence des services de l’État.

Persistance de l’hypothèque libyenne

Le vide sécuritaire provoqué par la chute de Kadhafi en Libye avait profité aux mouvances terroristes maghrébines et sahéliennes qui y avaient trouvé un cadre pour se régénérer. Des flux importants étaient ainsi observés entre la Libye et le nord du Mali. Ils ont motivé la création, dans le cadre de l’opération Barkhane, d’une base avancée dans le nord du Niger, à Madama, afin d’intercepter ces flux en coopération avec l’armée nigérienne. Cette intervention a permis de les réduire substantiellement. Il est toutefois à craindre qu’ils n’empruntent désormais une autre route, en particulier via le sud de l’Algérie où Barkhane n’a pas vocation à intervenir.

En outre, les mouvances terroristes avaient considérablement développé leur implantation dans le nord de la Libye en 2014 et 2015. Ansar Al-Charia, affiliée à Al-Qaïda, était présente à Derna, Benghazi et Ajdabiya tandis que Daech s’était implanté à Syrte. Les offensives militaires conduites en 2016 par les milices de Misrata, avec l’appui aérien américain, et par les forces du Général Haftar ont contribué à résorber substantiellement ces implantations, en particulier à Syrte d’où Daech a été quasiment chassé.

Cependant, la plupart de ses combattants se sont exfiltrés et pourraient renforcer les réseaux terroristes affiliés à Al-Qaïda dans le sud libyen et déstabiliser les États voisins partageant des frontières poreuses avec la Libye : Tchad, Soudan et Tunisie, notamment par le canal du retour de « combattants étrangers ». D’après le ministère, « cette menace est d’autant plus forte pour les pays limitrophes que les capacités de leurs forces de défense et de sécurité sont engagées sur d’autres fronts (AQMI et Boko Haram pour le Tchad et le Niger, Darfour pour le Soudan) ».

En outre, l’enlisement du processus politique libyen retarde d’autant la reprise en main de la sécurité du territoire. Le Conseil présidentiel dirigé par Al-Sarraj, autorité légitime depuis la signature des accords de Skhirat en décembre 2015, est extrêmement divisé et contesté. En l’absence d’outil sécuritaire inclusif sous son contrôle, le champ est laissé libre à la confrontation entre les forces de Misrata et celles du général Haftar.

Force est donc de constater que le vide sécuritaire libyen risque de perdurer à moyen terme, avec les conséquences que l’on connaît sur le développement du terrorisme et des trafics, et les menaces qu’elles comportent pour les pays du voisinage et pour l’Europe.

Maintien d’une forte capacité de nuisance de Boko Haram

La lutte contre Boko Haram, qui sévit dans la région du lac Tchad, s’est progressivement organisée depuis le sommet de Paris de mai 2014. Les États de la Commission du bassin du lac Tchad – Cameroun, Niger, Nigéria, Tchad – et le Bénin ont mis sur pied une Force mixte multinationale forte d’environ 9000 soldats. Cette coordination a permis, grâce à une combinaison d’actions terrestres et aériennes, de contenir la menace. D’après le ministère, désormais, « Boko Haram ne contrôle plus de localités majeures hors de ses zones refuges traditionnelles dans les zones lacustres autour du lac Tchad, dans la forêt de la Sambisa au Nigéria et autour des Monts Mandara au Cameroun   (2) ».

Cependant, la capacité de nuisance de l’organisation reste bien réelle. « Désormais éclatée en plusieurs cellules parfois non coordonnées, elle poursuit son combat par le biais d’actions asymétriques : attaques suicides, embuscades, engins explosifs, opérations de prédation et harcèlement des populations locales. » Ces actions « empêchent la réouverture des axes commerciaux vitaux pour les économies locales et aggravent la situation humanitaire des populations civiles ».

En outre, la zone d’action de Boko Haram a tendance à s’étendre du fait de la scission entre une branche fidèle au fondateur Abubakar Shekau, centrée sur la forêt de la Sambisa et la région de Maiduguri, et une nouvelle branche conduite par Al-Barnawi et affiliée à Daech, dont la zone d’action se situe plus au nord, en bordure du Tchad et du Niger.

Régression territoriale de Daech au Levant dans un contexte de fortes incertitudes politiques

La coalition internationale contre Daech dirigée par les États-Unis conduit depuis août 2014 l'opération Inherent resolve qui a pour objectifs de soutenir la montée en puissance des forces de sécurité irakiennes et d'appuyer les opérations des forces armées locales par du conseil, des frappes aériennes et du renseignement.

Le tempo de cette opération, initialement conçue pour affaiblir Daech, a été accéléré à compter de la fin 2015, avec pour objectif affiché le démantèlement complet de l'organisation terroriste. Dans la foulée des attentats de Paris en novembre 2015, les pays européens ont augmenté leurs contributions : la France, qui avait déjà étendu son action à la Syrie au mois de septembre, a intensifié le rythme de ses frappes, notamment grâce au déploiement du porte-avions ; le Royaume-Uni a étendu ses frappes à la Syrie et doublé le nombre de chasseurs déployés. L'implication au sol des Américains s'est largement accrue à compter de février 2016, avec l’envoi de 1800 parachutistes aux côtés des forces irakiennes en vue de la reprise de Mossoul, ainsi que de 200 marines.

Cette campagne produit d'incontestables effets sur le terrain en Irak, où l'emprise territoriale de Daech a nettement reculé, avec la reprise de plusieurs villes importantes, dont Falloujah et Qayyarah. L'offensive sur Mossoul, véritable cœur de l'organisation terroriste en Irak, a débuté et risque de s'avérer longue et difficile pour cette ville aussi grande que Paris, où Daech aura eu le temps de préparer sa défense.

Daech a aussi reculé en Syrie, quoique plus modestement, en raison de l'insuffisance des troupes au sol sur lesquelles la coalition peut s'appuyer. La reprise de la ville de Manbij, à la frontière turco-syrienne, par les forces démocratiques syriennes (FDS), alliance des milices kurdes de l'YPG et des milices chrétiennes et arabes a représenté une étape importante pour couper l'approvisionnement de Daech par la Turquie. Cependant, la reconquête de Raqqa, véritable bastion de l'organisation terroriste qui compterait 3000 à 4000 combattants de Daech dont de nombreux Français, demeure plus lointaine, en raison notamment d'un vivier insuffisant de forces locales pour conduire une telle offensive.

Le recul territorial de Daech au Levant ne doit pas masquer le fait que la solution politique qui, seule, peut permettre de reconstruire l'Irak et la Syrie, demeure encore très incertaine. En Irak, les effets de la reprise de Mossoul, qui compterait encore une population d'environ un million d'habitants partagée entre chiites, sunnites et chrétiens, sont redoutés sur le plan humanitaire, même si des plans ont été préparés en amont par la coalition. Les avancées du processus politique qui doit permettre la consolidation d'un État inclusif sont extrêmement limitées, et la légitimité du Premier ministre Al-Abadi semble fragile.

La Syrie paraît plus loin encore d'une solution politique étant donnée l'extrême confusion qui règne sur le terrain, en raison notamment de l'immixtion dans le conflit de puissances étrangères avec leur agenda propre, Iran et surtout Russie. Cette dernière s'est engagée sur le terrain à partir de l'automne 2015, avec l'objectif de sauver le régime syrien plus que de lutter contre Daech. Son acharnement actuel sur la reconquête de la ville d'Alep, qui n'est pas un fief de Daech et ne compterait que quelques centaines de combattants du Jabhat Al-Nosra, en témoigne.

3. Une menace durablement implantée sur le territoire national

Une menace à présent ancrée dans les consciences

Le phénomène des « combattants étrangers » français partis combattre dans les rangs de Daech en Syrie et en Irak et la perpétration, en France, d’attentats commandités ou préparés à Raqqa ou à Mossoul ont établi aux yeux des Français le continuum sécurité intérieure – sécurité extérieure théorisé dans le Livre Blanc de 2008.

Au cours des dernières décennies, l’engagement croissant de l’armée dans des opérations extérieures dont les Français ne percevaient pas forcément les enjeux en termes de sécurité nationale avait pu contribuer à distendre le lien armée-nation. À l’inverse, nos concitoyens comprennent bien aujourd’hui la nécessité d’aller chercher notre sécurité à l’extérieur de nos frontières.

La dernière année a marqué un tournant majeur dans la perception de la menace en France. Si les attentats de l’Hyper Casher et de Charlie Hebdo, en janvier 2015, avaient déjà fortement éveillé les consciences, les massacres de Paris en novembre 2015 et de Nice le 14 juillet 2016 ont achevé de briser l’image du sanctuaire national préservé de l’insécurité du monde, que l’on ne voyait qu’avec distance, par écrans interposés. Ces attentats, par leur caractère massif, aveugle et indiscriminé, par les modes d’actions utilisés – exécutions massives, ceintures explosives, camion-bélier – font que tout Français peut désormais se sentir menacé, qu’il habite Paris ou la province.

Un niveau de vigilance considérablement accru

Dans la foulée des attentats commis sur le sol national en 2015 et 2016, le dispositif de lutte contre le terrorisme a été substantiellement renforcé dans ses différentes composantes.

Afin d’accroître la capacité à anticiper, détecter et prévenir la survenue de tels actes, l’effort a porté en priorité sur les services de renseignement dont les moyens humains, techniques et juridiques ont été considérablement accrus.

L’effort d’accroissement des effectifs, qui avait débuté sous la précédente loi de programmation pour la DGSE, a été poursuivi et étendu aux autres services dans la programmation actuelle et lors des différents plans adoptés aux lendemains des attentats. Au total, sur la période 2014-2018, 2600 nouvelles personnes auront été intégrées à la communauté du renseignement hors renseignements territoriaux, ce qui devrait porter les effectifs de la DGSI à 4400 personnes en 2018, tandis que les services de renseignement du ministère de la défense totaliseraient 9435 personnels en 2019  (3) . Ces effectifs doivent permettre d’accompagner les grands programmes techniques mutualisés et de mettre en œuvre les nouveaux équipements ainsi que de recruter des spécialistes comme des interpréteurs d’images ou des linguistes.

Cette hausse des moyens humains s’accompagne d’un effort substantiel pour améliorer les moyens techniques et juridiques à disposition des services. Cet effort a fait l’objet de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Celle-ci ouvre de nouvelles techniques de renseignement aux services, auparavant cantonnés aux interceptions de sécurité et aux données de connexion : pose de balises, captation d’images, de sons ou de données informatiques, recours à des IMSI catchers.

La mobilisation des services de renseignement s’est aussi traduite par une intensification de la coopération entre services à l’échelle internationale. La DGSE compte ainsi environ 200 partenaires étrangers. D’après M. Bajolet (4) , directeur du renseignement extérieur, le service entretient quasiment avec tous une coopération en matière de contre-terrorisme, avec des degrés de confiance et d’intensité cependant très divers. Elle a atteint un niveau de confiance inégalé avec ses partenaires OTAN et européens dans le champ du contre-terrorisme, où la coopération se fait « sans restriction ». L’objectif est de parvenir à créer un noyau de renseignement européen à côté du réseau des « Five eyes ». Des progrès ont été accomplis en ce sens, mais l’insuffisance des moyens de certains partenaires représente une difficulté.

Au total, les moyens des services de renseignement ont connu un véritable saut quantitatif et qualitatif. Cependant, les effets produits ne seront pas immédiats. M. Bajolet a ainsi pointé que certains aspects de la loi du 24 juillet n’avaient pas encore été mis en œuvre, ce qui empêchait de tirer parti des dispositions relatives aux techniques de renseignement les plus novatrices. En outre, il a souligné le fait que cet accroissement des moyens n’était pas sans contrepartie, et que les contrôles considérablement accrus par la loi pourraient se traduire par un coût en ressources humaines parfois dissuasif. Par ailleurs, les moyens humains supplémentaires mettront du temps avant d’être opérationnels : il faudra le temps de recruter des personnels correspondant au profil recherché – il y a là un véritable enjeu qualitatif – sachant que ces recrutements sont échelonnés sur trois ans ; et le temps de la formation.

Enfin, le Directeur général a reconnu qu’en dépit des progrès accomplis, il restait beaucoup à faire pour améliorer le partage de renseignement entre les différents services. Il a souligné que le rapprochement opéré avec la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) n’était pas irréversible ; les effets accomplis en ce sens n’étaient qu’un début et devaient être approfondis. Il y a là un enjeu essentiel dans le contexte du continuum entre sécurité extérieure et sécurité intérieure évoqué par votre rapporteure.

Une menace vouée à perdurer

L’amélioration du dispositif de lutte contre le terrorisme ne pourra donc produire ses effets que progressivement. Plus profondément, ce dispositif n’a pas vocation à s’attaquer aux causes profondes de la radicalisation de jeunes Français, dont les racines sont socio-économiques et identitaires. De ce point de vue, la mécanique de radicalisation n’est pas fondamentalement différente en France et dans les pays où notre pays combat les organisations terroristes.

Les individus radicalisés qui passent à l’acte sur le sol français sont influencés voire directement soutenus par ces organisations terroristes. On peut donc penser que leur affaiblissement sur le terrain conduira à réduire la menace en France. Cependant, il sera bien plus difficile encore de détruire le message mortifère porté par ces organisations et largement diffusé sur Internet que de réduire leur emprise territoriale.

En outre, le théâtre irako-syrien et, dans une moindre mesure, le théâtre libyen, même si les organisations terroristes y sont in fine défaites, auront permis l’endoctrinement et l’aguerrissement de centaines de « combattants étrangers » qui présenteront une menace durable pour la sécurité nationale. Ce fait est plus inquiétant encore si l’on prend en compte les enfants des combattants étrangers, confrontés à la violence et endoctrinés dès le plus jeune âge. En outre, il faut considérer que la menace pesant sur la France ne vient pas seulement des combattants étrangers français mais, plus largement, des francophones : Algériens, Marocains, Tunisiens, Belges qui constituent parmi les plus gros contingents en Syrie et en Irak et sont susceptibles d’être projetés sur notre territoire  (5) .

A. LE RETOUR DE LA PUISSANCE, UN PHÉNOMÈNE PERNICIEUX ET INQUIÉTANT

1. Le réarmement mondial

D’après les données du SIPRI Yearbook 2016, les dépenses de défense mondiales ont crû d’environ 2,3 % en 2015, pour totaliser 1676 milliards de dollars. Cette évolution globale recouvre des tendances contrastées selon les régions du monde et se trouve fortement affectée par la chute du cours du pétrole qui a eu un impact significatif sur les pays dont l’économie est très dépendante de cette manne.

Les États-Unis demeurent, de loin, la première puissance militaire au monde, avec un budget de 545 milliards d’euros en 2016. Après plusieurs années de décroissance significative, ce budget est reparti à la hausse, évolution qui mérite d’être notée. Les budgets de défense des pays d’Europe de l’Ouest sont globalement stabilisés en 2016, après une longue période de décroissance.

La forte chute du cours du pétrole depuis la fin 2014 a fortement impacté les budgets de défense de nombreux États producteurs qui avaient profité du boom pétrolier pour les accroître significativement. C’est le cas notamment des pays d’Afrique. Même l’Arabie saoudite, qui dispose, avec 188 milliards d’euros, du troisième budget de défense mondial, a vu la croissance de ses dépenses ralentir en 2016 en raison du choc pétrolier.

Avec 315 milliards d’euros, le budget de défense de la Chine semble stagner en 2016, après plusieurs années de forte croissance. La tendance devrait repartir à la hausse si l’on se fie au Livre Blanc de la défense chinoise publié en 2015, qui présente une vision négative de l’environnement géostratégique international et rehausse le niveau d’ambition de la Chine, en particulier dans le domaine maritime.

1. Le retour des stratégies de puissance

La relative priorité accordée aux dépenses militaires dans le monde atteste l'appréciation partagée d'un environnement international dégradé, mais elle rend compte aussi de la résurgence de plus en plus nette de stratégies de puissance. Ces démonstrations de force ne sont pas l'apanage d'États tels que la Russie ou la Chine. Ainsi, les États-Unis ont renforcé leur surveillance sur les pays d'Europe. Ils les invitent à prendre une part plus grande du fardeau de la sécurité internationale mais ne verraient sans doute pas d'un très bon œil une réelle autonomie stratégique européenne.

Cependant, ces stratégies de puissance deviennent plus préoccupantes lorsqu'elles comportent une remise en cause des règles du droit international. À cet égard, l'attitude de la Russie et de la Chine constitue un défi pour notre pays. Pour l'Amiral Prazuck, chef d'état-major de la marine  (6) , il s'agit là d'« une véritable posture stratégique visant à contester la domination occidentale, à provoquer un rééquilibrage des forces sous une forme militaire assumée, et non plus idéologique comme par le passé ». Avec la remise en question de règles du droit international, « nous sommes entrés dans une nouvelle phase des relations internationales ».

L'attitude russe

L'annexion de la Crimée par la Russie, en mars 2014, a constitué une flagrante remise en cause du droit international par la force. Quelles que soient les motivations ou justifications invoquées à l'appui, il s'agit d'une vraie rupture stratégique sur le continent européen.

Au cours des trois dernières années, l'attitude russe s'est profondément modifiée à la fois dans la posture et dans les moyens déployés. La Russie a pris une ampleur nouvelle sur la scène internationale. Ses démonstrations de force et provocations sont tournées vers l'Europe balte et orientale dans le contexte de la crise ukrainienne, mais pas exclusivement. Elles sont sans doute encore davantage un message à l'égard des puissances « occidentales », celui qu'il faut désormais compter à nouveau avec la Russie.

Ainsi, les pays de l'Europe du nord et de l'est ont constaté ces dernières années une très forte augmentation de l'activité militaire russe dans la région. Elle illustre la volonté de Moscou de tester les dispositifs militaires des alliés et partenaires de l'OTAN. Cela se traduit par de fréquentes atteintes ou menaces à la souveraineté nationale de ces pays par des actions dans ou à la limite des espaces aériens, des eaux territoriales ou encore à leur voisinage proche : survols sans autorisation, vols à la proximité des espaces aériens, manœuvres aériennes dangereuses, manœuvres maritimes de surface agressives et activité sous-marine renforcée.

Ces manifestations de puissance prennent aussi la forme d'exercices de grande ampleur organisés aux frontières des pays d'Europe orientale et baltes. Il faut enfin considérer qu'elles se déploient dans tous les milieux, en particulier dans le milieu cyber, y compris en France.

Si l'attitude russe n'est pas analysée en France comme la « menace militaire directe » que perçoivent – entre autres – les Polonais, il est indéniable qu'elle marque un affaiblissement de l'ordre international préoccupant pour les intérêts de notre pays. La Russie rejoint, dans cette manifestation de puissance, son voisin chinois, avec lequel elle a d'ailleurs conduit des manœuvres navales de grande ampleur en mer de Chine en septembre dernier.

L'attitude chinoise

Comme la Russie, la Chine conduit une politique de puissance en direction de son étranger proche que constitue la mer de Chine. En mer de Chine orientale, elle a un contentieux avec le Japon au sujet de la souveraineté des îles Senkaku/Diaoyu, contrôlé par les Japonais. « Pour l'heure, Pékin y affirme ses revendications en se gardant d'enclencher une escalade avec Tokyo, qui privilégie l'envoi de ses garde-côtes, les deux pays évitant pour l'instant d'envoyer leurs flottes de guerre. Pour autant, la marine et l'armée de l'air chinoises assurent une présence plus visible au-delà d'un rayon qui se réduit autour de l'archipel, générant une mobilisation accrue des forces d'autodéfense japonaises, évolution qui avive les tensions bilatérales   (7) ».

Si un relatif équilibre des puissances prévaut en mer de Chine orientale, telle n'est pas la situation en mer de Chine méridionale, où la Chine occupe l'archipel des Paracel revendiqué par le Vietnam et revendique, dans sa totalité, l'archipel des Spratley dont le contrôle est morcelé entre les parties riveraines (Chine, Taïwan, Philippines, Vietnam, Malaisie, Brunei). La Chine y mène une politique du fait accompli matérialisée par « des travaux de poldérisation à grande échelle sur les éléments maritimes contestés qu'elle contrôle dans l'archipel des Spratley et la mise en place d'infrastructures de défense, incluant des pistes d'aviation adaptées à des gros porteurs. Elle a par ailleurs implanté des batteries de missiles sol-air sur Woody Island, la principale île des Paracel   (8) ».

Les Philippines ont initié en janvier 2013 une procédure contre la Chine dans le cadre de la Conférence des Nations Unies pour le droit de la mer. Le tribunal arbitral constitué à cette occasion a rendu le 12 juillet 2016 une sentence favorable aux Philippines, ne reconnaissant pas les droits historiques revendiqués par la Chine sur les ressources maritimes autour des Paracel et réfutant l'idée que cet archipel, considéré comme un ensemble de rochers, puisse générer une zone maritime étendue. Ni le tribunal, ni, a fortiori, la sentence n'ont été reconnus pas la Chine.

Si l'attitude chinoise en mer de Chine est, de prime abord, un enjeu régional, avec à la clé le contrôle de l'accès aux ressources, c'est également un enjeu global particulièrement prégnant pour notre pays. En premier lieu, se joue en mer de Chine le contrôle de routes maritimes par lesquelles transite une grande partie du commerce mondial. Plus généralement, le principe fondamental de la libre-circulation maritime est dans la balance. Enfin, ces évènements attestent l'ambition croissante de la Chine – ambition avant tout maritime, comme l'expose clairement le livre blanc sur la défense chinoise paru en 2015 :

« Les mers et océans sont  des zones cruciales pour la stabilité prolongée et le développement durable de la Chine. Il faut abandonner l'idée traditionnelle préférant les terres aux mers, accorder une haute importance à la gestion et à l'exploitation des mers, ainsi qu'à la protection des droits maritimes. La Chine mettra sur pied un système de forces militaires maritimes modernes correspondant à sa sécurité nationale et à ses intérêts du développement, protégera sa souveraineté nationale, ses droits et ses intérêts maritimes, assurera la sécurité de ses lignes de communication maritimes, de ses droits et de ses intérêts d'outre-mer, participera à la coopération maritime internationale, et fournira un soutien stratégique lui permettant de devenir une puissance maritime  (9) »

Cette ambition n'est pas simplement régionale, elle est donc globale. La marine chinoise est ainsi de plus en plus présente, partout dans le monde. Le major général de l'armée de l'air a notamment évoqué avec votre rapporteure la présence chinoise active à Djibouti. Pour le chef d'état-major de la marine, cette ambition maritime mondiale des Chinois, doublée d'une appréciation « souple » du droit international, a de quoi inquiéter la France qui est, avec une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carré, la deuxième puissance maritime au monde. Si le bénéfice de cette zone économique devait lui être ouvertement contesté – il l'est déjà dans le canal du Mozambique, au large de la Nouvelle-Calédonie et de Clipperton – notre pays se trouverait très en difficulté pour y faire face, d'autant plus que les forces de souveraineté et les moyens navals disponibles pour l'action de l'État en mer ont été fortement réduits.

C. LA MENACE CYBER EN PERPÉTUELLE EXPANSION

Le Libre Blanc de 2013 élève l’éventualité d’une attaque informatique d’ampleur contre les systèmes nationaux au rang de menace majeure, à forte probabilité et à fort impact potentiel, juste après les agressions armées contre le territoire national et les attaques terroristes.

De fait, cette menace n’a cessé de s’accroître depuis la parution du Livre Blanc. Elle recouvre en réalité les deux séries de menaces énoncées ci-dessus par votre rapporteure : les cyberattaques sont, de manière avérée, un instrument aux mains des terroristes comme des États conduisant des stratégies de puissance agressive. La menace cyber vient ainsi puissamment renforcer et aggraver les autres menaces.

Les cyberattaques revêtent plusieurs formes. Des actions de déstabilisation peuvent être conduites par le biais de messages hostiles ou de propagande placés sur des sites Internet mal protégés. Des actes de sabotage peuvent être perpétrés pour perturber le fonctionnement d’installations connectées en réseau ; c’est ainsi que des réseaux bancaires américains et coréens ont été rendus inaccessibles en 2013.

Le vol de données est peut-être aujourd’hui la forme la plus préoccupante de cette menace cyber. En effet, d’après le Gouvernement, ce phénomène « est massif et souvent d’origine étatique. En matière industrielle et commerciale, il atteint tous nos secteurs de souveraineté. Les intrusions visant l’État, les opérateurs d’importance vitale (OIV) ainsi que les grandes entreprises du pays sont aujourd’hui quotidiennes. En outre, la récurrence des attaques en provenance d’États peut indiquer que des informations sont méthodiquement collectées afin de rendre possible, dans une situation de conflit, une attaque d’une envergure telle qu’on pourrait la considérer, en elle-même, comme un acte de guerre ».

I. L’OUTIL MILITAIRE FORTEMENT ET DURABLEMENT ENGAGÉ

Pour le général de Saint-Quentin, sous-chef en charge des opérations à l'état-major des armées, nous sommes entrés dans une phase de « vigilance nationale »  (10). Celle-ci se traduit par un engagement soutenu et durable des armées dans tous les milieux : terre, air, mer, espace et cyber.

En réalité, le niveau d'engagement actuel de l'outil militaire français n'est pas sans précédent historique. Le tableau ci-après, extrait d’un récent rapport sénatorial sur les interventions extérieures de la France  (11) , en atteste.

Nombre de militaires français engagés en OPEX

Effectif moyen annuel

En effectif moyen annuel
Théâtre

Opération

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Kosovo

Trident

1 974

1 416

791

424

318

315

106

2

2

Liban

Daman + Baliste

1 501

1 558

1 460

1 354

1 065

886

875

855

890

Afghanistan

Pamir + Héraclès

2 710

3 752

4 096

3 913

3 187

854

310

9

4

Levant

Chammal

 

 

 

 

 

 

186

1 350

1 417

Côte d'Ivoire

Licorne

1 981

1 138

874

868

581

548

546

 

 

BSS

Serval / Barkhane

 

 

 

 

 

4 406

2 068

3 352

3 417

Tchad

Épervier

1 304

1 155

988

959

982

874

1 318

 

 

RCA

Boali / Sangaris

267

239

240

238

241

524

2 236

1 363

948

TOTAL

 

11 685

11 157

9 824

10 644

7 515

9 532

8 748

7 702

7 262

Source : ministère de la défense

Ce qui est plus inhabituel, c'est le caractère intense, simultané et durable de ces différents engagements pour les trois armées, et le choix qui a été fait de recentrer l'effort sur le territoire national tout en maintenant le même niveau d'ambition pour les engagements extérieurs.

A. LA PROTECTION DU TERRITOIRE NATIONAL A NOUVEAU PERÇUE COMME UNE PRIORITÉ

Le lancement de l'opération Sentinelle au lendemain des attentats de janvier 2015 a été vécu comme un retour de l'armée sur le territoire national. En réalité, la fonction de protection du territoire national figurait déjà parmi les cinq priorités stratégiques fixées par le Livre Blanc de 2013 : « Pour réaliser les objectifs fixés par notre stratégie, la protection, la dissuasion et l’intervention structurent l’action des forces de défense et de sécurité nationale. La protection reste première dans notre stratégie de défense et de sécurité nationale ».

Cette fonction de protection était assurée notamment par les postures permanentes de sauvegarde maritime et de sûreté aérienne, mais aussi par la posture de dissuasion nucléaire. Ces postures ont bien évidemment été maintenues. L’opération Sentinelle a donc surtout consisté à faire revenir l'armée de terre sur le territoire métropolitain, alors qu’elle en avait quasiment disparu.

1. Le maintien prioritaire de la posture nucléaire

Selon les termes du Livre blanc de 2013, « la dissuasion nucléaire a pour objet de nous protéger contre toute agression d’origine étatique contre nos intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. (…) Notre dissuasion est strictement défensive. L’emploi de l’arme nucléaire ne serait concevable que dans des circonstances extrêmes de légitime défense. À ce titre, la dissuasion est la garantie ultime de la sécurité, de la protection et de l’indépendance de la Nation. »

La posture de dissuasion nucléaire constitue ainsi le niveau de protection le plus fondamental de la nation, une protection contre les menaces de nature existentielle. Si cette posture ne représente plus l'axe unique de la stratégie de défense nationale comme au temps de la guerre froide, le choix a été fait de la maintenir – et donc d'investir prioritairement pour la modernisation de l'arme nucléaire. Le Livre Blanc précise les contours de l'effort nécessaire pour maintenir cette posture de dissuasion nucléaire :

« Les forces nucléaires comprennent une composante aéroportée et une composante océanique dont les performances, l’adaptabilité et les caractéristiques complémentaires permettent le maintien d’un outil qui, dans un contexte stratégique évolutif, demeure crédible à long terme, tout en restant à un niveau de stricte suffisance. Les capacités de simulation dont la France s’est dotée après l’arrêt de ses essais nucléaires assurent la fiabilité et la sureté des armes nucléaires. »

De fait, les crédits dédiés à la dissuasion nucléaire constituent une masse incompressible du budget de la défense reconduite chaque année, de l'ordre de 3 à 4 milliards d'euros.

2. Le maintien des postures permanentes de sûreté aérienne et maritime

La protection du territoire national est une mission traditionnelle de l’armée de l’air et de la marine, à travers leurs postures permanentes de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime.

La posture permanente de sûreté aérienne

La posture permanente de sûreté aérienne a été définie au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Elle vise à faire respecter la souveraineté nationale dans l'espace aérien français et à assurer la défense du territoire contre toute menace aérienne.

Elle s’appuie sur un dispositif qui mobilise, sous l'autorité du centre national des opérations aériennes (CNOA), cinq centres de détection et de contrôle (CDC), des avions de chasse implantés sur différentes bases aériennes, une capacité de ravitaillement en vol, un système de détection aéroporté E-3F, des hélicoptères spécialisés disposant de tireurs embarqués, éventuellement des moyens sol-air ainsi qu'en permanence, pilotes, mécaniciens, contrôleurs aériens et personnels de toutes spécialités. Au total, ce sont 900 personnels qui sont mobilisés 24 heures sur 24 pour cette mission, 520 autres étant en astreinte pour renforcer ce dispositif en cas de nécessité.

La posture permanente de sauvegarde maritime

La posture permanente de sauvegarde maritime comporte une variété de missions destinées à protéger les côtes et le littoral français contre les atteintes à l’ordre public et à l’environnement. Cette mission englobe à la fois la lutte contre les menaces susceptibles de venir de la mer (terrorisme, narcotrafic, transport illicite de migrants, etc.), la défense de la souveraineté et des droits souverains en mer et la maîtrise des risques liés à l’activité maritime (accidents de mer, pollution, etc.).

Au total, cette posture mobilise quotidiennement plus de 1400 marins, dont l’action se répartit entre les 59 sémaphores le long de nos façades maritimes, les patrouilleurs de la marine, les unités de la gendarmerie maritime et des fusiliers marins et les aéronefs d’alerte chargés de la surveillance et du sauvetage maritime. En dépit des enjeux essentiels qu’elle recouvre, cette mission a fortement pâti des réductions capacitaires opérées au cours des dernières décennies.

Le renforcement de la protection des emprises militaires

S’ils n’ont pas affecté les postures permanentes de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime, les attentats de 2015 et le déploiement subséquent de l’opération Sentinelle ont conduit à renforcer significativement la protection des emprises militaires en France, laquelle tend à devenir une mission de plus en plus lourde pour les armées. Ainsi, dans la marine et dans l’armée de l’air, les spécialités chargées d’assurer la garde des bases navales et aériennes, respectivement fusiliers-marins et fusiliers et commandos de l’air, se trouvent dans une situation de surcharge de travail, ce qui complique l’effort de recrutement actuellement entrepris en dégradant l’image de la profession.

3. La conceptualisation du retour de l’armée de terre sur le territoire national

Pour le général Bosser, « l’armée de terre avait disparu du territoire national, il était nécessaire qu’elle y revienne »  (12). Votre rapporteure partage cette appréciation. Le déplacement de plus en plus prépondérant de l’armée de terre sur la fonction d’intervention extérieure a nui au lien entre la nation et l’armée, qui demeure pourtant l’instrument régalien par excellence. Si les Français ont toujours eu une opinion plutôt favorable de leurs forces armées, cette disparition du territoire national a introduit une forme de méconnaissance et de distance avec l’outil militaire. La concentration sur des engagements extérieurs dont les enjeux pouvaient paraître secondaires aux préoccupations des Français a légitimé la baisse drastique des moyens de la défense au cours des dernières décennies.

L’opération Sentinelle, de la mesure d’urgence à la mission permanente

Déclenchée le 11 janvier 2015 dans la foulée des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, l’opération Sentinelle constituait initialement la mise en application du « contrat opérationnel de protection » prévu par le Livre Blanc de 2008, qui prévoyait « une capacité de déploiement de forces terrestres pouvant si nécessaires monter jusqu’à 10 000 hommes en quelques jours, permettant de contribuer, au bénéfice de l’autorité civile, en priorité à la sécurisation des points d’importance vitale, à celle des flux terrestres essentiels pour la vie du pays, ainsi qu’au contrôle de l’accès du territoire ».

Les modalités de mise en œuvre de ce contrat étaient organisées par une instruction ministérielle de 2010  (13), qui prévoyait que ce déploiement, qui prenait la forme juridique d’une réquisition, devait être décidé par le Premier ministre ou le Président de la République, et relevait du droit commun en matière de sécurité et défense. Il pouvait être décidé dans quatre types de scénarii : attaque terroriste majeure, pandémie massive à fort létalité, catastrophe naturelle ou industrielle de grande ampleur et crise d’ordre public.

Dans les faits, l’activation du contrat de protection a conduit au déploiement de 10 000 militaires sur le territoire national entre le 11 janvier et le 22 février 2015, puis l’effectif a été ramené à 7000 hommes. Ce déploiement prolongé de 7000 militaires constituait un dépassement du contrat opérationnel prévu par le Livre Blanc, selon lequel il ne devait être que ponctuel, intervenant en surplus de la situation opérationnelle de référence.

La loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 a donc rehaussé le contrat opérationnel, en prévoyant que, « face à la hausse et à la continuité dans le temps d’une menace terroriste majeure sur le territoire national, les armées seront en mesure de déployer, dans la durée, dans le cadre d’une opération militaire terrestre, 7000 hommes sur le territoire national, avec la possibilité de monter jusqu’à 10 000 hommes pendant un mois, ainsi que les moyens adaptés des forces navales et aériennes ». En contrepartie, les effectifs déployables de l’armée de terre et les frais de fonctionnement afférents ont été accrus.

Le 14 novembre 2015, au lendemain des attentats de Paris, le conseil de défense a décidé d’activer le contrat de protection des armées dans sa totalité : un renfort de 3000 militaires a été déployé sur le territoire national. Les effectifs ont ensuite été maintenus à 10 000 hommes pendant plusieurs mois, notamment « pour contribuer au dispositif de sécurité spécifique aux fêtes de fin d’année et à la période des soldes d’hiver », ainsi que dans le cadre de l’Eurofoot 2016, où les militaires « contribuent directement au dispositif de sécurisation lié à cette compétition jusqu’au 11 juillet 2016 ». À nouveau, le contrat a été activé dans sa totalité après l’attentat de Nice, le 14 juillet suivant, les effectifs déployés ayant cette fois-ci été rééquilibrés entre Paris et la Province en raison des migrations estivales et pour protéger les lieux de grands rassemblements festifs ou culturels. Après la période de rentrée scolaire, l’effectif déployé a été ramené à 7000 hommes, à parité entre l’Île-de-France et la province.

Une réflexion à poursuivre

Décidée dans l’urgence, la présence massive de militaires sur le territoire national souffrait, lorsqu’elle s’est installée dans la durée, d’un net déficit de conceptualisation. La pérennisation de cette mesure extraordinaire, sans égale chez nos voisins européens, posait pourtant un certain nombre de questions : était-elle efficace et soutenable dans un contexte où l’environnement international requérait un fort engagement extérieur ? Quelles étaient les missions et les modes d’actions des militaires engagés sur le territoire national ? Quel était l’horizon de cet engagement ?

Dans le rapport remis au Parlement  (14) en application de la loi d’actualisation de la programmation militaire du 28 juillet 2015, le ministre de la Défense s’est efforcé d’apporter des réponses. Le rapport souligne les apports potentiels des armées sur le territoire national : capacité à faire un usage modulé de la force, image positive d’efficacité et de puissance, capacités de planification, autonomie y compris dans un environnement dégradé, possibilité de concentration des effectifs non consommés par le maillage territorial, réactivité, capacités de combat, cyberdéfense intégrée et moyens spécialisés rares à leur disposition (par exemple drones).

Le rapport recense les missions possibles des forces armées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme : présence dissuasive, contrôle et surveillance de zones d’intérêt national en appui des forces de sécurité intérieure ; renforcement de la protection des grands évènements, contribution à la protection et à la défense des structures essentielles de l’État et des points d’importance vitale et contribution au rétablissement d’un rapport de forces favorable en cas d’attentats majeurs.

Cet effort de conceptualisation s’est doublé d’une adaptation des modes d’action sur le terrain. Les gardes statiques devant les sites jugés sensibles, prépondérantes dans un premier temps, ont progressivement cédé la place à des modes d’action plus flexibles, en particulier après les attentats de novembre 2015. L’objectif est de rendre les déploiements moins prévisibles et d’autoriser la plus grande couverture possible ; à cette fin, les modes d’action dynamiques sont généralisés.

Votre rapporteure juge plutôt bénéfique le retour d’une plus grande présence militaire sur le territoire national. Elle estime cependant que l’effort de conceptualisation et d’évaluation doit être poursuivi afin d’assurer l’emploi à bon escient des 7000 militaires déployés, dans un contexte de ressource rare. S’il apparaissait qu’un tel déploiement n’était pas pleinement justifié, votre rapporteure est d’avis qu’il faudrait avoir la flexibilité nécessaire pour le revoir à la baisse.

En effet, l’armée de terre n’est pas primo-intervenante dans la mission de protection terrestre, à l’inverse de l’armée de l’air dans leurs postures de protection respectives. Les militaires, qui disposent de savoir-faire complexes, ne peuvent être utilisés en complément des forces de sécurité dans le but exclusif de rassurer la population ; il convient de s’assurer de leur réelle valeur ajoutée.

Comme le rapport au Parlement le souligne, ces 7000 à 10 000 hommes représentent « une réserve générale à la disposition de la Nation, qu’il importe de ne pas consommer en permanence dans sa totalité ». Votre rapporteure ne peut donc que souscrire à la ligne de conduite fixée par le rapport : « Extraordinaire dans son principe, cet emploi sur le territoire national doit demeurer extra-ordinaire dans le temps – même s’il peut durer – comme dans ses modes opératoires ».

Garde nationale et montée en puissance des réserves, une solution pour alléger la pression sur l’armée ?

L’actualisation de la loi de programmation militaire 2014-2019 a prévu de renforcer l’appel à la réserve opérationnelle du ministère de la défense, en particulier pour assurer la protection du territoire national. Il s’agit d’accroître ses effectifs de 28 000 à 40 000 réservistes, mais aussi d’augmenter l’activité individuelle des réservistes pour passer d’une moyenne de 25 à 30 jours par an. L’objectif fixé est de pouvoir déployer quotidiennement 1000 réservistes sur le territoire national en 2019, contre 450 au moment du vote de la loi. Il s’agit aussi d’assurer la montée en puissance de nouvelles composantes spécialisées, par exemple dans la cyberdéfense.

À cet objectif de renforcement de la réserve s’’est greffé, en juillet 2016, après l’attentat de Nice, celui de création d’une « garde nationale ». En réalité, cette garde nationale, dont la mise en place a été officialisée par le conseil des ministres du 13 octobre dernier, n’est pas une entité autonome, mais une sorte de label destinée à chapeauter les réserves opérationnelles de la défense et de l’intérieur (police et gendarmerie). Ni le fonctionnement, ni les missions de ces dernières ne devraient être modifiés. Au total, cette garde nationale qui repose aujourd’hui sur un vivier de 63 000 réservistes, devrait en compter 85 000 à la fin 2018, ce qui devrait lui permettre de déployer quotidiennement 9250 réservistes de l’armée, de la police et de la gendarmerie sur le terrain. Elle sera sous l’autorité conjointe des ministres de l’Intérieur et de la Défense.

Votre rapporteure trouve utile d’imaginer des solutions pour alléger la pression sur les armées. Elle pense en outre que les initiatives de nature à entretenir un élan citoyen et à renforcer la cohésion nationale sont toujours bienvenues. Les objectifs de recrutement sont néanmoins ambitieux, même avec les mesures incitatives prévues, et il conviendra de rester vigilant à la qualité de ces recrutements. Par ailleurs, cette montée en puissance des réserves n’a de sens que si elle est financée à un niveau suffisant pour qu’elles soient réellement opérationnelles ; il faudra donc veiller à la soutenabilité financière de cette initiative à moyen terme, dans un contexte où le budget de l’armée d’active est soumis à de fortes pressions.

4. Un engagement fort dans le milieu cyber

Au même titre que la terre, la mer, l’air et l’espace, le cyberespace est un milieu à part entière dont la défense est une nécessité permanente. L’engagement du personnel civil et militaire de la défense dans le cyberespace est aujourd’hui une réalité quotidienne dont nos concitoyens peuvent n’avoir qu’une conscience un peu vague. Cela tient au fait que l’action dans ce milieu est, par essence, moins visible, et doit le rester : pour reprendre une image donnée par le chef d’état-major des armées  (15), « on ne donne pas la position de ses soldats sur le terrain ».

Pour ce dernier, après avoir pris le train un peu en retard, en 2008-2009, la France accomplit un effort substantiel et soutenu dans ce domaine. Elle dispose aujourd’hui de capacités rares dans le monde, qui lui sont enviées par d’autres pays. Les Polonais ont ainsi pu exprimer à votre rapporteure leur souhait de bénéficier de l’expérience française dans ce milieu.

Au sein du ministère de la défense, les moyens de la cyberdéfense sont confiés à l’officier général en charge de la cyberdéfense (OG cyber) et à la Direction générale de l’armement, pour les aspects techniques. Le ministère de la défense travaille en partenariat avec l’Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), rattachée au Secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN), chargée de détecter et de réagir en cas d’attaque informatique, de conseiller les administrations et opérateurs d’importance vitale et de développer des produits visant à prévenir cette menace.

L’OG cyber supervise quatre branches d’activités : la capacité de lutte défensive relevant principalement du CALID (centre d’analyse de lutte informatique défensive) et qui comporte aussi une compagnie projetable rattachée à l’armée de terre ; la capacité offensive dont la capacité opérationnelle est hébergée par la DGSE ; l’influence numérique qui s’appuie principalement sur le CIAE (centre interarmées des actions sur l’environnement) ; et la cyberprotection des systèmes d’information du ministère de la défense. Par ailleurs, l’OG cyber peut mobiliser la réserve de cyberdéfense en cas de crise majeure, en vue de renforcer les capacités du ministère de la défense et de l’ANSSI.

Face à la prégnance des menaces en milieu cyber, l’effort en faveur de la cyberdéfense a été considérablement accru au cours des dernières années. La loi du 26 juillet 2015 portant actualisation de la programmation pour les années 2015 à 2019 a prévu que les effectifs dédiés augmenteraient globalement de 1000 personnels civils et militaires entre 2014 et 2019. Cette tendance a été accentuée par les décisions prises lors du Conseil de défense d’avril 2016.

Au total, la défense française est à présent fortement engagée dans le milieu cyber. Cet engagement, au-delà des structures et programmes dédiés, irrigue toutes les opérations des forces armées. À titre d’exemple, les scénarii d’intervention des forces armées sur le territoire national ont été révisés en 2015 pour inclure les menaces cyber. Aux postures permanentes maritimes, aériennes et terrestres, a été adjointe une « posture permanente de cyberdéfense », dont la vocation est d’« anticiper le plus en amont possible les attaques et les crises, de les détecter au plus tôt pour réagir efficacement et rapidement »  (16) .  

A. UNE TENDANCE À LA PÉRENNISATION DES ENGAGEMENTS EXTÉRIEURS

Toutes les armées sont aujourd’hui engagées dans un cycle soutenu d’engagements extérieurs difficiles et durables, mobilisant l’ensemble de leurs moyens.

1. Un engagement dur et à long terme en Afrique

Les armées françaises ont en Afrique un engagement multiforme et de long terme. Il s’agit d’éviter l’extension et l’interconnexion des menaces nombreuses qui ont vu le jour, dans un contexte où notre pays demeure la principale puissance militaire engagée sur le terrain.

La fermeture de Sangaris

L’opération Sangaris, lancée en décembre 2013 pour rétablir la situation sécuritaire en République centrafricaine, alors que des violences à grande échelle avaient éclaté, s’est s’achevée à la fin du mois d’octobre, après avoir progressivement passé le relai à la force des Nations Unies, la MINUSCA.

La France maintiendra, au moins dans un premier temps, une contribution renforcée aux missions internationales présentes sur le terrain. Ainsi, elle mettra en place un détachement de drones SDTI (système de drone tactique intérimaire), comportant 85 militaires, au profit de la MINUSCA, et fournira le commandant de la mission de formation européenne EUTM RCA, ainsi que près de 50% de l’effectif de son premier mandat, soit 80 personnels environ. Elle cherchera par la suite à réduire sa contribution.

Cette opération est présentée comme un modèle du genre, la force Sangaris ayant permis de prévenir des massacres à grande échelle et de relancer un processus politique dans le pays, puis se retirant après avoir passé le relai aux forces locales et internationales. Votre rapporteure partage l’idée que la France n’a pas vocation à se substituer aux forces armées et de sécurité africaines pour assurer la sécurité du pays dans le long terme. Cependant, la précarité persistante de la situation sécuritaire dans le pays constitue un défi de taille pour la MINUSCA qui, à l’image de toutes les opérations de maintien de la paix de l’ONU, n’est pas exempte de faiblesses.

Le renforcement de Barkhane au Mali

Le désengagement de Sangaris devait permettre de libérer des effectifs pour assurer la montée en puissance des Forces françaises en Côte d’Ivoire (FFCI), base opérationnelle pour les interventions militaires dans la région, mais aussi pour renforcer Barkhane, dans un contexte où la situation sécuritaire au Mali tend à se dégrader.

L’opération Barkhane, déployée sur le territoire des pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), avait principalement fait porter ses efforts en 2015 sur la zone refuge de l’Adrar des Ifoghas, au nord-est du Mali, ainsi que sur les flux logistiques des groupes armés terroristes transitant par le nord du Niger, en coopération avec l’armée nigérienne. Dans le même temps, des détachements de liaison opérationnelle de Barkhane ont accompagné les forces armées maliennes (FAMa), notamment lors de patrouilles conjointes avec les pays du G5 Sahel en zone frontalière. Globalement, la stratégie des groupes armés terroristes a été celle de l’évitement ; les flux transitant par le nord du Niger se sont largement réduits, ce qui est un demi-succès, dans la mesure où il y a fort à parier qu’ils empruntent désormais d’autres routes.

En 2016, face à la descente de la ligne de conflictualité vers le centre du Mali et les blocages récurrents du processus de paix dans un contexte de fortes collusions entre groupes armés terroristes et signataires de l’accord de paix, l’opération Barkhane a été recentrée sur le Mali. Au cours du premier semestre 2016, des opérations en coopération avec la MINUSMA et les forces armées maliennes ont été conduites dans le centre du pays. À compter du mois de juin, le dispositif a été réorganisé pour passer d’une logique de fuseaux (fuseau est : N’Djamenah et fuseau ouest : Gao) à une logique de zone (avant-arrière), actant la priorité mise sur l’engagement au nord-Mali. Il s’agit d’agir contre les groupes armés terroristes agissant en particulier à Kidal pour inciter les groupes armés signataires à prendre leurs responsabilités dans la mise en œuvre de l’accord de paix. Barkhane doit par ailleurs appuyer la mise en œuvre des patrouilles mixtes (FAMa/groupes armés signataires) prévues par l’accord de paix de Bamako.

Au total, les balbutiements de l’application de l’accord de paix et l’instabilité récurrente de la situation sécuritaire confirment le caractère inévitable d’un engagement à long terme des forces armées françaises dans cette région. Sur un territoire grand comme l’Europe, les 4000 militaires de Barkhane ne peuvent pas détruire définitivement les groupes armés terroristes mais simplement les empêcher de contrôler un territoire et de mener des actions de grande ampleur. Les évolutions récentes ont montré la vivacité persistante de ces groupes qui se sont adaptés à l’action de Barkhane, laquelle demeure indispensable pour prévenir leur remontée en puissance. À terme, le passage de relai ne pourra se faire qu’avec une occupation effective du terrain par la MINUSMA – dont le mandat a été renforcé à cette fin au mois de juin dernier – et les forces armées maliennes, et des réelles avancées dans la mise en œuvre de l’accord qui, seules, inciteront les groupes armés signataires à se dissocier des terroristes.

Un effort de vigilance en direction de la Libye et de Boko Haram

La vocation régionale de Barkhane s’étend au-delà encore des frontières des pays du G5 Sahel. La force doit en effet intégrer des menaces périphériques susceptibles d’avoir un impact sur la situation dans la bande sahélo-saharienne, soit en renforçant les groupes armés terroristes agissant dans la région, soit en déstabilisant les États partenaires de Barkhane. Le Niger et le Tchad sont ainsi particulièrement vulnérables en raison de l’existence d’une double menace extérieure : au nord, le vide sécuritaire libyen, et au sud, Boko Haram.

La France doit donc rester vigilante à la situation sur ces deux flancs. Côté libyen, l’action de Barkhane a consisté à agir sur les flux de terroristes circulant entre le sud libyen et le nord du Mali, avec la création d’une base avancée temporaire dans le nord du Niger, à Madama. La France conduit par ailleurs un effort de renseignement soutenu sur cette menace via la DGSE dont c’est devenu l’une des zones d’intervention prioritaire.

Sur le flanc sud, où sévit Boko Haram, la France a mis en place une cellule de coordination et de liaison adossée à l’état-major de Barkhane, à N’Djamenah, pour agréger et partager le renseignement entre les pays impliqués. Elle a par ailleurs envoyé deux détachements de liaison et de contact au Niger et au Cameroun et effectué des vols de reconnaissance à la frontière du Nigéria. Enfin, la France apporte un soutien logistique direct (carburant, médicaments, alimentation) aux armées engagées au sein de la force multinationale mixte.

Un déploiement permanent dans le Golfe de Guinée

Le Golfe de Guinée constitue une autre zone de vulnérabilité relativement proche géographiquement de la bande sahélo-saharienne (BSS) où sont engagées les forces françaises. Les militaires français cherchent absolument à éviter une jonction entre les pirates qui y sévissent et les terroristes de la BSS.

Cette crainte renforce la pertinence du déploiement entretenu par la France dans le Golfe de Guinée dans le cadre de l’opération Corymbe. Celle-ci mobilise quasiment en permanence un bâtiment de surface, patrouilleur de haute mer ou bâtiment porte-hélicoptères, afin de conduire des actions de coopération avec les marines des pays riverains, mais aussi de maintenir une posture d’alerte en cas de crise affectant les ressortissants français dans la région. Au 1er septembre 2016, 368 militaires étaient engagés dans l’opération Corymbe.

2. Une implication croissante et durable au Levant

L’engagement de l’armée française n’a cessé de s’accroître depuis le lancement de l’opération Chammal, en septembre 2014. Initialement cantonnée à des frappes aériennes en Irak, cet engagement a progressivement été élargi à des actions de formation et de conseil aux forces armées irakiennes, à des frappes aériennes en Syrie et enfin au déploiement d’une unité d’artillerie.

Cet engagement repose sur quatre piliers principaux : l’appui aux opérations de reconquête conduites par les forces armées engagées contre Daech au sol ; le conseil et la formation ; la volonté de peser dans les décisions de la coalition ; le maintien continu d’une présence à la mer. Au total, au début du mois d’octobre, environ 4000 militaires français étaient engagés dans l’opération Chammal, 1300 si l’on excepte le renfort ponctuel constitué par le groupe aéronaval.

L’appui aux opérations de reconquête par les troupes de sol

L’opération Inherent resolve conduite par la coalition internationale menée par les États-Unis a pour objectif initial d’affaiblir Daech par des frappes aériennes afin de faciliter la reconquête au sol par les forces armées partenaires de la coalition pouvant par ailleurs bénéficier d’un soutien en termes de formation et de conseil : forces armées irakiennes, peshmergas kurdes, coalition des forces démocratiques syriennes agrégeant les milices kurdes, arabes et chrétiennes.

C’est dans ce cadre que s’insère l’opération française Chammal. Elle repose en premier lieu sur une contribution à la campagne aérienne, conduite depuis la base aérienne 104 des Émirats arabes unis et la base aérienne projetée H5, en Jordanie. Environ 500 aviateurs mettent en œuvre 12 avions de chasse Rafale. Ils bénéficient de renforts ponctuels de détachements temporaires mettant en œuvre un ravitailleur C135 Fr, un Awacs E3-F ou un C160G. Ils sont actuellement renforcés, pour la troisième fois depuis le début des opérations, par les 24 Rafale marine décollant du porte-avions Charles-de-Gaulle. Ce dernier doit rester sur zone jusqu’à la mi-décembre. Un tel déploiement ne sera pas appelé à se répéter avant longtemps, le porte-avions devant entamer au mois de janvier 2017 une phase d’arrêt technique majeur qui l’immobilisera pour 18 mois.

Les chasseurs français conduisent des missions de renseignement et de reconnaissance et des missions de combat. Ces dernières peuvent donner lieu à des frappes planifiées sur des points stratégiques pour l’organisation terroriste dans le but de l’affaiblir (dépôt logistique, centre d’entraînement) ou, plus fréquemment, à des frappes d’opportunité sur des cibles dynamiques, dans le but de créer un rapport de forces favorable aux forces partenaires au sol. Au 10 octobre 2016, les chasseurs français avaient frappé 872 fois depuis le début de la campagne aérienne, dont 31 fois en Syrie.

L’appui au troupes au sol a été renforcé au mois de septembre d’une unité d’artillerie mettant en œuvre 4 canon Caesar sur la base – tout juste reprise à Daech – de Qayyarah, à une soixantaine de kilomètres de Mossoul. Au total, environ 150 militaires français – la task-force Wagram – sont déployés dans ce cadre. S’ils sont bien présents au plus près de la ligne de front, le Gouvernement insiste sur le fait qu’il ne s’agit nullement d’un changement de philosophie de l’engagement français. Ces canons ont vocation à appuyer la reconquête de Mossoul par les forces irakiennes, les militaires français ne seront donc pas directement engagés dans les combats contre Daech. Pour le général de Saint-Quentin, il s’agit d’un « enabler » (= facilitateur, levier) au même titre que les frappes aériennes.

Le conseil et la formation aux forces irakiennes

À partir de janvier 2015, la France a renforcé son engagement par des missions de conseil et de formation à destination des forces armées irakiennes et des peshmergas kurdes.

La task force Narvik compte 40 personnels constituant un détachement d’instruction opérationnelle auprès de l’ICTS (Iraqi counter terrorism service), les forces spéciales irakiennes. La task force a ainsi formé 3600 stagiaires entre mars 2015 et juin 2016.

La task force Monsabert mobilise 62 personnels insérés au sein de l’état-major de la sixième division irakienne dont la mission prioritaire est d’assurer la protection de l’ouest du grand Bagdad. Cette task force a notamment pour mission d’assurer la formation d’instructeurs irakiens dans des domaines spécialisés (lutte contre les IED, maintenance, santé, combat antichar, combat rapproché).

En outre, des forces spéciales françaises participent à la formation des peshmergas kurdes dans la région d’Erbil.

Un effort pour peser au sein d’une coalition dominée par les États-Unis

Si la France est, d’après le ministre de la défense, le deuxième contributeur de la campagne aérienne de la coalition internationale, avec 5% du total des frappes, les États-Unis sont de très loin en tête, avec 90% du total. Il est incontestable que l’opération Inherent resolve est dominée par les États-Unis. La France veille cependant à se ménager une capacité d’influence sur les décisions prises à tous les niveaux de commandement.

Au total, une centaine de militaires français sont insérés dans les états-majors de la coalition : au niveau stratégique, à l’USCENTCOM de Tampa ; au niveau opératif, au sein du CJTF (combined joined task force) de Koweit city ; au sein du commandant terrestre de Bagdad, le CJFLCC-I (Combined joined forces land compent command) ; ou encore, au centre de coordination interallié des opérations aériennes de Doha.

Une présence à la mer continue

Le déploiement permanent de bâtiments de la marine nationale en Méditerranée orientale et dans le Golfe arabo-persique a un triple objectif : accroître la force de frappe française avec le porte-avions ; être inséré dans les circuits de la coalition ; collecter du renseignement.

La présence du groupe aéronaval autour du porte-avions Charles-de-Gaulle a donné à la France de la visibilité et du poids au sein de la coalition. Le porte-avions a ainsi, à deux reprises, pris le commandement de la task force 50 qui planifie et conduit les frappes dans la zone d’opérations de la 5ème flotte américaine. D’après le chef d’état-major de la marine, l’intégration du porte-avions dans un rôle majeur au sein de la structure de commandement et de contrôle américaine, une première historique, est la preuve de l’exceptionnelle confiance et de la parfaite interopérabilité entre les forces françaises et américaines.

Par ailleurs, la participation de la France aux opérations maritimes se traduit par la présence permanente d’un bâtiment dans le Golfe arabo-persique. Même si les déploiements du porte-avions ne sont que ponctuels, cette présence permanente permet d’entretenir l’interopérabilité avec la coalition afin de pouvoir, en temps voulu, « brancher » des moyens plus lourds (opération Héraclès/mer). En outre, la marine est engagée en permanence en Méditerranée orientale dans une optique d’intégration dans les circuits de la coalition et de recueil de renseignement. Ce positionnement permet à la France d’avoir un avis plus indépendant sur la situation (interceptions de communications, visualisation de raids, appréciation du tempo des opérations conduites en Syrie).

Le maintien d’un contingent important au Liban

Si leur mission n’a aucun lien avec l’opération Chammal, 855 militaires français sont engagés au sein de la force internationale des Nations Unies au Liban (FINUL), à la proximité immédiate du théâtre irako-syrien, dans le cadre de l’opération Daman, présente dans le pays depuis 1978. La grande majorité arme la Force Commander Reserve (FCR), qui est en mesure d’intervenir très rapidement au profit de tous les contingents déployés sur l'ensemble de la zone d’action de la FINUL.

Une unité élémentaire finlandaise (160 militaires) doit relayer une partie des éléments français en 2017 en réponse à l’invocation par la France de la clause de solidarité suite aux attentats de Paris (article 42-7 du traité de l’Union européenne). Ce remplacement a vocation à n’être que temporaire, dans l’attente de la remontée en puissance des effectifs de l’armée de terre.

3. Le maintien de l’effort de réassurance à l’est de l’Europe

En dépit des fortes contraintes qui pèsent sur les armées à l’intérieur et à l’extérieur du territoire national, la France a veillé à toujours maintenir en effort minimal en direction de nos partenaires et alliés baltes et d’Europe orientale, afin de bien marquer la nécessaire solidarité de l’Alliance Atlantique.

Ainsi, en 2016, la France a participé à une vingtaine d’exercices de l’OTAN – mobilisant au total 4300 militaires – sur le territoire des alliés orientaux dans le cadre des missions de certification et d’interopérabilité.

Dans le cadre de la surveillance maritime, elle a contribué à hauteur de 591 hommes pendant un an, engagés sur un chasseur de mine, une frégate, 3 Mirage 2000D et 3 Rafale et 1 élément de soutien national. Cet effectif devrait monter à 621 hommes en 2017.

La France participe actuellement à la mission de police du ciel des États baltes qui mobilise 4 Mirage 2000 pendant 4 mois. Une reconduction de cette participation serait à l’étude pour 2017.

Enfin, elle a déployé ponctuellement des moyens aériens pour des missions de surveillance maritime en mer baltique (Falcon F50-M) et de renseignement et de command and control en Pologne et en Roumanie (Awacs E3F).

Pour 2017, l’effort de réassurance devrait être rehaussé par le déploiement d’un sous groupement tactique à dominante infanterie VBCI en Estonie au sein d’un groupement tactique dont le Royaume-Uni serait la nation cadre. Cet engagement, décidé dans le cadre des mesures de protection avancée renforcée (enhanced forward presence – eFP) adoptées au Sommet de Varsovie de juillet 2016, devrait mobiliser approximativement 200 militaires pendant six mois.

4. L’engagement croissant des armées dans les partenariats d’armement

Les gros contrats d’armement impliquent de plus en plus un engagement de l’État dans un véritable partenariat avec le pays acquéreur. Les armées sont des acteurs importants de ces partenariats. Une partie de leurs effectifs sont ainsi mobilisés au profit du soutien aux exportations (SOUTEX). En 2015 et 2016, ces effectifs ont été globalement stables, avec environ 240 militaires mobilisés.

Cependant, ce nombre est appelé à augmenter significativement dès l’année prochaine compte tenu du besoin d’accompagnement des grands contrats d’exportation signés en 2015 (frégate multi-missions à l’Égypte, Rafale à l’Égypte et au Qatar). Cette « bosse SOUTEX » devrait conduire à mobiliser, pour les années 2017-2019, environ 380 personnels pour le soutien aux exportations et les prospects ayant une chance d’aboutir et 170 personnels pour mettre en œuvre les mesures prises lorsque des contrats d’exportation affectent directement des programmes d’armement nationaux en cours.

En particulier, l’armée de l’air assurera pendant trois ans la formation de pilotes et de moniteurs simulateurs qataris en vue de constituer un escadron ex-nihilo, dans la perspective de l’arrivée des premiers Rafale qataris en 2019.

I. BUDGET 2017 : POURSUITE D’UNE ÉBAUCHE DE RÉVEIL DES CONCIENCES

Le budget de la défense pour 2017 acte le terme mis à la tendance baissière du budget de la défense depuis plusieurs décennies. Cet acquis ne peut être nié.

Ce budget ne permet pourtant pas de compenser l’usure accélérée de l’outil militaire dont le capital se trouve rogné par les coupes budgétaires passées et par un niveau d’engagement excédant les contrats opérationnels.

A. UNE PRIORISATION CROISSANTE DES ENJEUX DE SÉCURITÉ

1. LPM 2014-2019 : la défense tributaire des restrictions budgétaires

« Depuis plus de deux décennies, la défense de la France se dégrade. Elle se dégrade de manière homothétique sans changer de modèle, celui d'une défense globale pour une puissance à vocation mondiale. » Par ces mots, prononcés à la sortie du Livre Blanc de 2013, le général Desportes résume bien la situation de l’outil militaire français.

Pour le général, « la France a fait le choix de ne plus pouvoir qu’un peu, et pas tout le temps ». Il est indéniable que la loi de programmation militaire 2014-2019 intervient dans un contexte où l’outil militaire français a déjà été fortement rogné par les coupes budgétaires passées. La logique adoptée, reconduite par le Livre Blanc de 2013, consiste à préserver toutes les capacités à un niveau parfois échantillonnaire afin de maintenir un modèle d’armée complet, moyennant quelques ruptures temporaires de capacités.

Ce modèle n’était tenable que dans la perspective d’une remontée en puissance rapide. Or, telle n’était pas l’optique du Livre Blanc de 2013. Dans un contexte de disette budgétaire, la défense n’était pas considérée comme un budget prioritaire :

« Dans un contexte délicat pour le ministère de la Défense, confronté aux exigences du renouvellement de la plupart de ses équipements majeurs, et du maintien de l’activité opérationnelle indispensable à l’efficacité des armées, elle doit s’inscrire dans l’objectif du Gouvernement de restaurer l’équilibre des comptes publics en 2017, afin d’engager la réduction de l’endettement du pays et ainsi de préserver sa souveraineté et son autonomie stratégique. Cet objectif nécessite une diminution importante de la progression des dépenses publiques. »  (17)

La LPM 2014-2019 prévoyait ainsi une stagnation théorique du budget, ce qui revenait à le réduire étant donnés le dynamisme spontané des dépenses et la tendance haussière du coût des équipements. En tout état de cause, la part de la défense dans le PIB était appelée à se réduire encore, ce d’autant plus qu’une partie substantielle de ce budget reposait sur la perception de recettes exceptionnelles dont la réalisation paraissait incertaine, et dont le poids avait été accru au cours de l’année 2014.

ORIENTATIONS DE LA LPM 2014-2019

(Mds d’euros courants)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2014-2019

LPM 2014-2019

31,39

31,38

31,38

31,56

31,78

32,51

189,98

Dont recettes exceptionnelles  (18)

2,27

2,3

1,75

1,41

0,28

0,15

8,16

Poids de la défense dans le PIB (en %)

1,48

1,44

1,39

1,35

1,31

1,30

 

Dans le même temps, la LPM prévoyait la suppression de près de 34 000 postes dans les armées et services du ministère de la défense sur la période 2014-2019. Celle-ci venait s’ajouter aux 45 000 postes supprimés au cours des années 2009 à 2013. Cela faisait de la défense le plus gros contributeur aux réductions d’effectifs de l’administration française.

2. Une inversion de tendance progressive à partir de 2015

L’année 2014 a vu s’accroître encore les tensions sur les moyens de la défense, avec notamment l’augmentation de la part des recettes exceptionnelles dans le budget, ce en dépit d’un engagement extrêmement fort de l’armée française sur des théâtres d’opération extérieurs, avec le lancement de l’opération Serval au Mali en janvier 2013 et de l’opération Sangaris en RCA en décembre de la même année.

Il faut attendre les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, en janvier 2015, pour qu’une prise de conscience de la nouvelle priorité à donner aux dépenses de défense soit ébauchée. Celle-ci s’est traduite par le vote, en juillet 2015, de la loi d’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, dont l’objet est de faire face aux urgences budgétaires et opérationnelles les plus criantes. 3,8 milliards d’euros supplémentaires sont mobilisés à cette fin sur la période 2015-2019.

Un effort de fiabilisation des ressources de la défense

La loi de programmation militaire 2009-2013 avait, la première, recouru massivement aux recettes exceptionnelles (3,6 milliards d’euros au total) pour « boucler » le budget de la défense. Dans un contexte de dégradation des finances publiques, la tentation était grande de puiser dans ces ressources exceptionnelles pour résorber le déficit de l'État. Cette tendance avait été poursuivie et accentuée par la LPM 2014-2019 et les décisions prises au cours de l’année 2014, puisqu’au total, 8,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles devaient être trouvées sur la période de programmation.

Ces recettes, par nature aléatoires, mettaient en péril le budget de la défense. Il était donc salutaire que la loi d’actualisation de la programmation budgétaire procède à la rebudgétisation de l’essentiel de ces crédits, selon la cadence suivante :

(Mds d’euros courants)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

REX prévues avant l’actualisation

2,3

1,75

1,41

0,28

0,15

5,89

REX prévues après l’actualisation

0,23

0,25

0,15

0,15

0,15

0,93

Un effort sur les effectifs principalement tourné vers la protection du territoire national

La loi d’actualisation de la programmation budgétaire a mobilisé 2,8 milliards d’euros supplémentaires pour réduire les déflations de postes prévues par la programmation initiale. 18 750 postes étaient ainsi préservés, sur les 34 000 suppressions prévues sur la période 2014-2019. 8007 postes ayant d’ores et déjà été supprimés en 2014, le total des suppressions de postes restant à accomplir s’élevait à 6419 pour les années 2015 à 2019. Les réformes engagées avaient cependant vocation à se poursuivre, les moindres déflations devant ainsi se traduire par des créations de postes jugées prioritaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sur le territoire national.

Ainsi, les effectifs de la Force opérationnelle terrestre devaient être portés de 66 000 à 77 000 hommes afin de permettre à l’armée de terre de maintenir l’opération Sentinelle dans la durée. L’actualisation rehaussait en effet le contrat opérationnel de l’armée de terre en prévoyant qu’elle devait être capable de déployer 7000 hommes sur le territoire national dans la durée, et de monter à 10 000 hommes pendant un mois. Ces créations de postes étaient prévues au cours des années 2015 et 2016, ce qui a conduit l’armée de terre à recruter massivement.

Les moindres suppressions de postes devaient aussi permettre de poursuivre la montée en puissance de certains domaines clés pour la protection du territoire national, où la France avait pris un certain retard. Ainsi, 1000 nouveaux postes étaient destinés à la cyberdéfense et 650 aux services de renseignement.

Enfin, les moindres déflations de postes résiduelles devaient permettre d’alléger la pression sur les armées. Les cibles de déflations de postes qui leur avaient été fixées étaient trop ambitieuses étant données les réductions massives opérées au cours des années précédentes. Elles ne pouvaient plus descendre en dessous d’un certain seuil sous peine de ne plus pouvoir maintenir tout l’éventail des compétences nécessaires aux différentes missions des armées.

Cette forte pression résultait aussi de la nécessité d’assurer la montée en puissance de certaines activités et spécialités. En effet, les armées se trouvaient de plus en plus mises à contribution dans le cadre du soutien aux exportations d’armement (SOUTEX), en particulier l’armée de l’air et la marine. Corollaire de l’opération Sentinelle, elles devaient en outre renforcer substantiellement la protection de leurs emprises sur le territoire national.

Un effort sur les équipements destiné à gérer l’urgence

L’actualisation de la LPM a prévu d’affecter 2 milliards d’euros supplémentaires aux opérations d’équipements sur la période 2015-2019, dont 1 milliard sous forme de crédits budgétaires et 1 milliards redéployés grâce à « l’évolution favorable des indices économiques depuis le vote de la LPM 2014-2019 ». Ces moyens doivent permettre de répondre aux besoins opérationnels les plus urgents, d’une part en acquérant des équipements dont le manque sur le terrain est apparu le plus criant ; d’autre part en renforçant les crédits dédiés à l’entretien programmé des matériels (EPM) pour faire face à leur forte attrition.

Pour améliorer la régénération des équipements fortement sollicités en opération, les crédits dédiés à l’EPM doivent être rehaussés de 500 millions d’euros sur la période 2015-2019.

Les lacunes capacitaires les plus graves sont prises en compte. Sur le plan de l’aéromobilité, ces lacunes sont anciennes et très handicapantes sur les théâtres d’opération.

En matière de ravitaillement en vol, l’actualisation prévoit ainsi d’affermir la tranche conditionnelle de 3 avions ravitailleurs MRTT pour faire en sorte que l’armée de l’air dispose bien de 12 MRTT en 2025.

Il est prévu d’améliorer les capacités de transport stratégique, facteur limitant pour toutes les opérations de l’armée française, d’autant plus en raison des déboires industriels du nouvel avion de transport A400M. Ainsi, l’actualisation prévoit d’« étudier » la mise à disposition de quatre avions C130 supplémentaires, achetés neufs ou d’occasion, dont deux auraient la capacité de ravitaillement en vol des hélicoptères, ainsi que d’armer de deux C130 au profit des forces spéciales.

S’agissant des hélicoptères, l’actualisation affermit la tranche conditionnelle des 7 hélicoptères de combat Tigre et accroît la cadence de livraison des hélicoptères de manœuvre NH90/TTH (version armée de terre).

Ces lacunes capacitaires sont également très prégnantes en ce qui concerne la surveillance maritime, dont les moyens ont été considérablement appauvris. L’actualisation prévoit la livraison d’un quatrième bâtiment multi-mission de type B2M, basé à la Réunion, afin de répondre aux nouveaux défis apparus dans la région du Canal du Mozambique, ainsi que l’acquisition patrimoniale de quatre bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) destinés à assurer la surveillance des approches maritimes métropolitaines.

L’actualisation prévoit en outre d’acquérir certains équipements destinés à renforcer la capacité d’intervention des militaires sur les théâtres d’opérations.

Ainsi, 25 Rafale et Mirage 2000 supplémentaires devraient être équipés de pods de désignation laser, qui permettent de rechercher une cible quelles que soient les conditions, puis de la désigner à une munition guidée par un laser.

Il est aussi prévu de doter les drones MALE Reaper, dont un deuxième système est attendu prochainement, d’une charge utile ROEM (renseignement d’origine électromagnétique) qui renforcerait considérablement leur capacité de détection des cibles. Les images actuellement transmises par les drones portent sur un champ étroit, de sorte qu’ils sont très performants pour suivre une cible préalablement identifiée, mais moins pour la rechercher.

Par ailleurs, l’actualisation prévoit de renouveler le parc de jumelles de vision nocturne des forces spéciales. Cette décision revêt une importance particulière car les opérations de contre-terrorisme ont souvent lieu la nuit, le rapport de forces étant alors plus favorable.

Enfin, la loi d’actualisation compense les effets de la livraison d’une des frégates multi-missions destinée à la marine à l’Égypte. Afin de remplir l’objectif fixé par la LPM de 15 frégates de premier rang opérationnelles en 2030, le programme des frégates de taille intermédiaire (FTI) est avancé, pour une première livraison en 2023.

A. UNE TENDANCE CONFIRMÉE PAR LE BUDGET 2017

Le projet de loi de finances pour 2017 met en œuvre les orientations prévues par la loi de programmation militaire 2014-2019 actualisée en 2015. Il reprend en outre les annonces faites par le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre 2015 et entérinées par le conseil de défense du 6 avril 2016. Au total, le budget de la défense doit s’élever à 32,7 milliards d’euros, soit 1,77 % du PIB en incluant les pensions.

1. Des moyens en hausse de 600 millions d’euros par rapport à 2016

Crédits de la mission « Défense »  (19)

en millions d’euros courants

LFI 2016

PLF 2017

Evolution

CP

CP

CP

144 « Environnement et prospective de la politique de défense »

1 291,3

1 335,9

3%

146 « Équipement des forces »

9 952,9

10 051,4

1%

178 « Préparation et emploi des forces »

7 327,2

7 347,0

0%

212 « Soutien de la politique de la défense »

13 506,6

13 953,1

3%

Total pour la mission

32 078,0

32 687,4

2%

Source : ministère de la Défense

Un net rehaussement de la trajectoire prévue en LPM initiale…

L’actualisation et les mesures adoptés en conseil de défense conduisent à accroître le budget de la défense de 1,1 milliard d’euros en 2017 par rapport à la trajectoire prévue en loi de programmation initiale, et de 600 millions d’euros par rapport à 2016.

Dans le détail, sur ces 1,1 milliards d’euros d’augmentation, 600 millions avaient été octroyés dans le cadre de l’actualisation de la LPM, et 420 millions d’euros supplémentaires ont été alloués pour mettre en œuvre les décisions du Conseil de défense d’avril 2016.

Mission « Défense », CP en Md€ courants, structure courante

LPM 2009-2014

LPM 2014-2019

2013

2014

2015

2016

2017

LPM

33,22

31,39

31,38

31,38

31,56

dont REX hors PIA (20)

1,27

0,27

1,77

1,25

0,91

dont REX PIA

 

1,50

 

 

 

Actualisation

 

 

31,38

31,98

32,26

dont REX

 

 

0,23

0,25

0,15

LFI ou PLF 2017

31,38

31,32

31,40

32,08

32,68

dont REX hors PIA

1,27

0,22

2,40

0,25

0,25

dont REX PIA

 

2,00

 

 

 

Exécution

30,91

30,84

30,85

   

dont REX hors PIA

1,27

0,18

0,20

 

 

dont REX PIA

 

2,00

 

 

 

Ecart LPM/LFI

-1,84

-0,07

-0,02 

   

Ecart LPM/exécution

-2,31

-0,55

-0,53 

   

Source : ministère de la Défense.

Le Conseil de défense d’avril 2016 avait entériné les décisions annoncées par le Président de la République devant le Congrès le 16 novembre 2015 : arrêt des suppressions de postes au ministère de la défense et redéploiement des effectifs vers certaines priorités ; renforcement des unités opérationnelles et de leurs soutiens ; hausse des moyens de la cyberdéfense et du renseignement ; et intensification des frappes dans les opérations de contre-terrorisme, en particulier au Levant.

D’après le ministre de la Défense, le total du besoin financier des armées et des services de la défense pour mettre en œuvre ces orientations s’élevait en 2017 à 775 millions d’euros au-delà de ce qui avait été prévu par la loi de programmation actualisée en 2015. Les 420 millions ne couvrent ainsi qu’une partie de ce déficit. Le solde à financer (358 millions d’euros) doit cependant être couvert par un redéploiement de marges de manœuvre dont bénéficie le ministère de la défense en raison de gains sur les coûts des facteurs (205 millions), de la baisse du cours du pétrole (50 millions) et d’une actualisation des échéanciers financiers des programmes d’armement sans que le contenu physique en soit altéré (100 millions).

Il faut toutefois noter que, sur les 420 millions d’euros supplémentaires versés au budget, 100 millions devront l’être sous forme de recettes exceptionnelles issues de cessions immobilières, portant le total des recettes exceptionnelles à percevoir en 2017 à 250 millions d’euros. Même si ce chiffre est bien moindre que celui prévu en LPM initiale (910 millions d’euros), il conviendra d’être vigilant quant à la perception effective de ces ressources en raison de leur caractère incertain.

…en partie tributaire de la fin de gestion 2016

Le tableau ci-dessus témoigne d’un différentiel annuel de l’ordre de 500 millions d’euros entre les crédits votés en loi de finances initiale et les crédits exécutés. Ce déficit n’est évidemment pas sans effet sur l’exercice budgétaire suivant : les dépenses n’ayant pas pu être financées en fin d’année sont reportées sur l’année suivante, suscitant, année après année, un effet « boule de neige » particulièrement dommageable aux programmes d’armement, qui constituent en général la variable d’ajustement.

Ce différentiel entre la prévision et l’exécution correspond notamment à la contribution du ministère de la défense aux dépenses soumises au mécanisme de financement interministériel, auquel chaque ministère contribue au prorata de son poids dans le budget de l’État (200 millions d’euros en 2015).

La sous-estimation chronique des surcoûts OPEX et OPINT

Une proportion non négligeable de ces dépenses provient du surcoût occasionné par les opérations extérieures, qui n’est budgété qu’à hauteur de 450 millions d’euros en loi de finances initiale, alors qu’il a systématiquement dépassé le milliard d’euros ces dernières années.

Cette année encore, les surcoûts suscités par les engagements extérieurs de la France s’élèvent à 1 milliard d’euros environ ; outre les primes pour les personnels, ils correspondent pour l’essentiel à des frais d’entretien programmé du matériel et de munitions. S’y ajoutent 183 millions d’euros de surcoûts liés à l’opération Sentinelle plus les surcoûts, en cours d’évaluation, liés à la prolongation du déploiement de 10 000 hommes au cours de l’été, pour une provision de 26 millions d’euros en loi de finances initiale. Au total, les surcoûts nets devraient se monter à environ 700 millions d’euros qui devront être soumis au financement interministériel.

Votre rapporteure trouve regrettable que la sous-estimation des surcoûts OPEX soit à présent rentrée dans les mœurs, au point qu’il a été jugé bon de procéder de la même manière pour l’opération Sentinelle. Même si ces surcoûts sont éligibles au financement interministériel, il n’en demeure pas moins qu’ils viennent rogner, année après année, le budget de la défense, alors que celui-ci a été calculé au plus juste. Votre rapporteure estime qu’il n’est pas normal que la défense n’ait pas les moyens des ambitions que se donne la France en intervenant militairement : la moindre des choses serait que cette politique d’engagement soit pleinement assumée pour une réévaluation à la hausse des dotations OPEX et OPINT, en conformité avec le principe de sincérité budgétaire. Cette sous-budgétisation fait chaque année l’objet de critiques de la Cour des comptes ; elle n’a pourtant pas été remise en cause jusqu’à aujourd’hui.

Des dépenses non budgétées qui ne pourront être intégralement compensées

Par ailleurs, d’après les services du ministère de la défense, 1,2 milliards d’euros de dépenses facturées en 2016 n’avaient pas été budgétées en loi de finances initiale. Il s’agit principalement de contrats d’armement qui devaient être passés en 2015 et ont été reportés sur 2016, pour 1,1 milliard d’euros (acquisition de drones, rénovation à mi-vie du Mirage 2000, modernisation du C130, acquisition d’un avion léger de surveillance et reconnaissance). Les reports de crédits de 2015 sur 2016 s’élèvent quant à eux à 598 millions d’euros, et ils sont pour le moment gelés. Leur dégel intégral ne comblera que partiellement ce déficit, puisqu’il manquera 500 millions d’euros. Cela se traduira par un nouveau report des commandes sur 2017.

Le ministère de la défense estime cependant que le report de charges sur l’année 2017 restera à un niveau garantissant la soutenabilité financière de la loi de programmation militaire. À condition que la défense perçoive les crédits de la réserve de précaution (1,6 milliard d’euros), les crédits gelés (600 millions) et bloqués (470 millions), les recettes exceptionnelles issues des ventes immobilières (85 millions) ainsi que la participation des autres ministères aux surcoûts liés aux opérations, ce report de charges devrait se stabiliser à 2,5 milliards d’euros.

2. Un effort particulier sur les personnels

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une augmentation des dépenses de personnel de la défense de la mission défense de 329 millions d’euros pour atteindre 11,4 milliards d’euros en 2017, contre 11,1 milliards en loi de finances initiale pour 2016. Cette augmentation est tirée, d’une part, par le rehaussement de la trajectoire d’effectifs décidé en 2015 et 2016, et d’autre part, par des mesures d’amélioration de la condition du personnel, dans le but de compenser les fortes sujétions pesant sur ces personnels.

Des effectifs en hausse, la confirmation d’une rupture

EVOLUTION DES EFFECTIFS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE (EN ÉQUIVALENT TEMPS PLEIN)

Annuités

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

LPM 2014-2019

(loi du 18 décembre 2013)

-7 881

-7 500

-7 397

-7 397

-3 500

0

-33 675

Trajectoire actualisée

(loi du 28 juillet 2015)

-8 007

0

2 300

-2 600

-2 800

-3 818

-14 925

Trajectoire actualisée

(Conseil de défense du 6 avril 2016)

-8 007

0

2 300

400

200

182

-4 925

Le rehaussement de la trajectoire des effectifs de la défense s’est fait en deux temps. La loi d’actualisation de la programmation militaire a réduit la cible de déflations d’effectifs du ministère sur la période de programmation de près de 34 000 à 15 000 postes. Le Conseil de défense d’avril 2016, prenant acte des annonces faites par le Président de la République, a ensuite supprimé les déflations restant à accomplir sur la période 2017-2019, qui portaient sur 9200 postes (étant donnée la suppression de 8000 postes en 2014 et la création de 2300 postes en 2016). En outre, la création nette de 782 postes sur la période 2017 à 2019 a été décidée.

Ces orientations sont traduites, dans le projet de loi de finances pour 2017, par la création nette de 400 postes, pour un budget de 81 millions d’euros. En réalité, cette création nette recouvre deux évolutions. D’une part, la poursuite des plans de transformation des services du ministère et des armées aboutissant à des suppressions de postes. D’autre part, le redéploiement d’effectifs dans des domaines jugés prioritaires.

Le Président de la République avait en effet exprimé, devant le Parlement réuni en Congrès, sa volonté que 10 000 postes de la défense (dont 9200 postes préservés et 800 autres créés) fassent l’objet d’un redéploiement vers les priorités stratégiques fixées : les unités opérationnelles et leur soutien ; le renseignement et la cyberdéfense.

D’après le Gouvernement, en 2017, la conjugaison des redéploiements d’effectifs et des créations nettes d’emplois devrait aboutir à la création de 600 emplois supplémentaires dans le renseignement et la cyberdéfense, et d’environ 5000 emplois destinés à renforcer la chaine opérationnelle.

Si ces 5000 emplois sont très majoritairement destinés à permettre la montée en puissance de la force opérationnelle terrestre, une partie de ces redéploiements a vocation à renforcer les capacités opérationnelles de la marine et de l’armée de l’air. Dans la marine, l’accent doit être mis sur la densification des forces opérationnelles et les fonctions de cyberdéfense et de protection, notamment en renforçant la capacité de défense maritime du territoire et de réaction d’urgence.

Dans l’armée de l’air, ces redéploiements doivent permettre d’améliorer sa capacité à durer en opération extérieure (renforcement du soutien des bases projetées, des escadres aériennes, de forces spéciales, des capacités de commandement et de contrôle) et de consolider la protection de ses sites.

Améliorer la condition des personnels, un impératif dans un contexte de fortes sollicitations

La hausse des effectifs n’est pas, à elle seule, un gage de l’amélioration des conditions de vie et de travail des personnels de la défense étant donné qu’elle s’accompagne d’un accroissement concomitant des attentes à leur égard.

Les brutales réductions d’effectifs subies au cours de la dernière décennie, les réformes profondes introduites dans l’organisation des services et des armées, notamment dans le soutien, le maintien d’un niveau d’engagement extérieur élevé et le lancement, dans le même temps, d’une opération intérieure de grande ampleur : autant de paramètres qui ont contribué à fortement accroître la pression sur les personnels civils et militaires de la défense au cours des dernières années.

Il était indispensable que ces sujétions croissantes soient mieux prises en compte. Votre rapporteure estime donc que les mesures en faveur de l’amélioration de la condition des personnels incluses dans le projet de budget sont tout à fait nécessaires et bienvenues.

Il s’agit, d’une part, du « Plan d’amélioration de la condition du personnel » décidé lors du Conseil de défense du 6 avril qui comprend un ensemble de mesures catégorielles à destination des militaires fortement sollicités par les opérations : rachat de deux jours de permissions complémentaires planifiées (36 millions d’euros) ; création d’une indemnité d’absence cumulée (38,4 millions) ; revalorisation de l’indemnité pour sujétion d’alerte opérationnelle (18,3 millions) ; extension du bénéfice de cette indemnité aux militaires exerçant des missions internes de sécurité et de protection (12,6 millions) ; mise en œuvre du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations au profit du personnel militaire (37,5 millions) et civil (11,2 millions).

Ces mesures incluent aussi la transposition immédiate aux militaires de la hausse du point d’indice de la fonction publique décidée en deux temps : +0,6 % au 1er juillet 2016 et +0,6 % au 1er janvier 2017. Cette revalorisation aura un coût supplémentaire de 109 millions d’euros en 2017.

Enfin, des mesures ont été prises pour améliorer le cadre de vie des militaires et mieux soutenir leurs familles pendant les périodes d’absence. À cette fin, les crédits de l’action sociale doivent être abondés de 7 millions d’euros en 2017. Cette hausse devrait notamment permettre d’améliorer les locaux, de créer des équipements de confort ou des espaces de loisirs dans les enceintes militaires, de développer des actions pour favoriser l’insertion des familles et de revaloriser la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile.

3. Des opérations d’équipements conformes à la prévision

Les crédits d’équipement doivent globalement augmenter de 300 millions d’euros en 2017, pour atteindre 17,3 milliards d’euros au total.

Ces crédits agrègent les programmes d’armement du programme 146 « Équipement des forces » (10,04 milliards d’euros), mais aussi les crédits du programme 144 dédiés aux études amont des grands programmes d’armement (720 millions), les crédits du programme 178 destinés l’entretien programmé des matériels (3,4 milliards), les crédits du programme 212 dédiés aux opérations d’infrastructures (1,17 milliard) mais aussi les crédits des petits équipements (1,56 milliard).

Un effort particulier sur les petits équipements

Les petits équipements regroupent les investissements dédiés aux systèmes d’information, aux infrastructures de communication et à la cyberdéfense, ainsi que des investissements conduits en propre par les services de renseignement, les armées et les directions et services ministériels. Il est prévu de les financer à hauteur d’1,56 milliard d’euros en 2017.

Ce total inclut un effort particulier en faveur des équipements d’accompagnement et de cohérence nécessaires aux armées pour remplir leurs missions : munitions, matériels d’entraînement et de formation, investissements du service de santé des armées et du service des essences des armées, achat de véhicules, etc. En particulier, en 2017, 60 millions d’euros supplémentaires doivent être consacrés à l’achat de munitions, en cohérence avec l’intensification des opérations.

Un effort est également prévu en faveur de l’entretien programmé du personnel (habillement, effets de protection individuelle, effets de soutien du combattant, restauration collective) afin d’accompagner la montée en puissance des effectifs ; ce poste devrait ainsi bénéficier d’un abondement de 18 millions d’euros en 2017.

Des dépenses d’infrastructure en hausse

Les dépenses d’infrastructures doivent augmenter de 100 millions d’euros pour atteindre 1,17 milliard en 2017. Cette hausse est tirée par trois principaux postes de dépenses :

– Les investissements liés à la montée en puissance des effectifs de la force opérationnelle terrestre et à l’opération Sentinelle (cf supra) ;

– L’adaptation des infrastructures aux nouveaux équipements des armées : ravitailleurs MRTT, hélicoptères, Rafale, A400M, frégates multi-missions, sous-marin Barracuda, système Scorpion.

– Les travaux de renforcement de la protection des emprises militaires.

Maintien de l’effort sur le nucléaire

Les crédits dédiés à la dissuasion nucléaire s’élèveront globalement à 3,9 milliards d’euros en 2017. Ils doivent permettre la poursuite de la modernisation des composantes et la préparation de leur renouvellement. Ainsi, s’agissant de la composante océanique, ces crédits permettront d’adapter le quatrième sous-marin lanceur d’engins (SNLE) au missile M-51 et de poursuivre le déploiement de la tête nucléaire océanique, le développement de la future version du missile et les travaux de conception du SNLE de troisième génération.

S’agissant de la composante aéroportée, les crédits doivent assurer le financement des travaux de rénovation à mi-vie du missile ASMP-A et les études technologiques concernant son successeur. Les transmissions nucléaires doivent faire aussi l’objet de mesures de modernisation touchant principalement les réseaux de longue portée. Enfin, au titre du programme simulation, la montée en puissance du laser mégajoule et la coopération franco-britannique dans le cadre du programme TEUTATES doivent être poursuivies.

Point sur les principaux programmes d’armement

PRINCIPALES COMMANDES D’ÉQUIPEMENTS PRÉVUES EN 2017

Système de forces

Commandes 2017

Commandement et maitrise de l’information

1 système d’entraînement au combat CERBERE déployé au CENZUB 

1 station sol de communication haut débit par satellite COMCEPT

1 système de chiffrement électronique SELTIC NG 

des systèmes de sécurité de l’information dans le cadre de la cyberdéfense

55 modules projetables du système d’information des armées (SIA)

1 radar fixe d’approche SCCOA 4

un centre de commandement, de détection et de contrôle des opérations aériennes

Engagement et combat

12 000 fusils d’assaut de nouvelle génération, arme individuelle future (AIF)

1 sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda 

45 rénovations d’avions Mirage 2000D

15 pods de désignation laser nouvelle génération (PDL-NG)

20 engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar

319 véhicules blindés multi-rôles lourds Griffon

des véhicules blindés légers régénérés

23 véhicules lourds pour les forces spéciales

120 véhicules de type Fardier pour les forces spéciales

Projection mobilité soutien

3 000 ensembles parachutistes du combattant

des véhicules légers tactiques polyvalents  (21)

PRINCIPALES LIVRAISONS ATTENDUES EN 2017

Système de forces

Livraisons 2017

Commandement et maitrise de l’information

2 radars rénovés « haute et moyenne altitude » SCCOA 4, ainsi que 2 radars d’atterrissage

1 centre de commandement, de détection et de contrôle des opérations aériennes SCCOA3

des systèmes de sécurité de l’information dans le cadre de la cyberdéfense

18 stations de communication tactique ASTRIDE 

61 stations sol de communication haut débit par satellite COMCEPT 

37 modules projetables du système d’informations des armées (SIA)

4 réseaux navals RIFAN étape 2

une mise à niveau d’un avion de guet aérien Hawkeye

Engagement et combat

1 avion Rafale et 2 Rafale Marine F1 rétrofités au standard F3 

1 frégate multi-missions (FREMM)

6 hélicoptères de combat Tigre

des véhicules blindés légers régénérés  (22)

12 kits pour missiles Exocet SM39

5 340 fusils d’assaut de nouvelle génération, arme individuelle future (AIF) 

150 munitions et 50 postes de tir du système de missile moyenne portée (MMP)

un lot de missiles de croisière navals (MdCN)

Protection et sauvegarde

3 avions de transport A400M 

1 avion de transport tactique C 130 J 

9 hélicoptères NH90 (2 en version navale et 7 en version terrestre) 

5 hélicoptères Cougar rénovés 

379 porteurs polyvalents terrestres (PPT) 

1 350 ensembles parachutistes du combattant

Projection mobilité soutien

1 usine SECOIA (site d'élimination de chargements d'objets identifiés anciens)

2 bâtiments multi-missions (B2M) 

1 patrouilleur léger guyanais (PLG)

4 missiles ASTER 30 B1

Source : ministère de la défense

4. La montée en puissance du renseignement et de la cyberdéfense

Le renseignement

La montée en puissance des services de renseignement était déjà érigée en priorité par le Livre Blanc de 2013 :

« Le renseignement joue un rôle central dans la fonction connaissance et anticipation. Il irrigue chacune des autres fonctions stratégiques de notre défense et de notre sécurité nationale. Il doit servir autant à la prise de décision politique et stratégique qu’à la planification et à la conduite des opérations au niveau économique. Un effort particulier doit donc lui être consacré pour la période à venir, qui devrait concerne à la fois les ressources humaines et les capacités techniques de recueil et d’exploitation des données ».

Cette montée en puissance a été accélérée graduellement après les attentats terroristes de 2015 et 2016 (cf I.A.3). Ces attentats ont fait ressortir le caractère indispensable et central du renseignement pour détecter et prévenir la menace terroriste. Deux conséquences pouvaient en être tirées : il fallait accroître les capacités humaines et techniques des services de renseignement ; et l’on devait améliorer le partage du renseignement issu des différents capteurs entre les différents services, notamment entre le renseignement extérieur et le renseignement intérieur.

Le ministère de la défense dispose de trois services de renseignement dans son périmètre.

La direction du renseignement militaire (DRM) fournit du renseignement d’intérêt militaire aux forces en opération et éclaire la prise de décisions des hauts responsables politiques et militaires. Elle compte environ 1800 agents.

La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) est un service de renseignement extérieur qui a pour mission de rechercher à l'étranger des informations secrètes relatives aux enjeux géopolitiques et stratégiques ainsi qu'aux menaces et aux risques susceptibles d'affecter la vie de la Nation. Elle compte actuellement environ 5400 personnels hors service action.

Enfin, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), qui remplace la direction de la protection et la sécurité de la défense, est le service de renseignement du ministère de la défense dédié à la contre-ingérence ; sa mission principale est de déceler puis d’entraver les menaces visant les armées et les entreprises en lien avec la défense. Elle compte quant à elle environ 1200 agents.

Le projet de budget pour 2017 prévoit de poursuivre l’accroissement des moyens humains et techniques dont disposent ces services. Ces moyens sont inscrits au programme 144 pour les budgets de fonctionnement et d’investissement de la DRSD et de la DGSE. La sous-action « renseignement extérieur » prévoit ainsi une hausse de 6 % des moyens des affectés à la DGSE – hors crédits de personnels – pour arriver à 244 millions d’euros. Cet effort doit permettre, entre autres, de démarrer un programme d’infrastructures de 60 millions d’euros sur trois destiné à accueillir les nouveaux effectifs et répondre à la vétusté de certains locaux.

La sous-action « renseignement de sécurité et de défense » bénéficie quant à elle d’une hausse de crédits de 35 % pour arriver à 13,5 millions d’euros. Cette hausse est liée à l’élargissement des missions de ce service, dont le récent changement d’appellation rend compte. Selon son directeur, le général Jean-François Hogart, si les missions historiques du service perdurent (protection du personnel, des installations et des systèmes d’informations du ministère), « le volet « renseignement » de notre mission prend une nouvelle dimension et devient prépondérant. Cette évolution est symbolisée par la part accordée aux métiers liés à la recherche et à l’analyse au sein de la direction. L’essor du « cyber » est également une manifestation de cette transformation »  (23) . L’espionnage et le terrorisme sont au cœur de la mission de renseignement de ce service.

Les crédits de fonctionnement et d’investissement de la DRM sont portés par la sous-action « renseignement d’intérêt militaire » du programme 178. Ils devraient s’élever à 44,6 millions d’euros en 2017, en hausse de 23 % par rapport à 2016. On observe ainsi un net rééquilibrage de l’effort en faveur du renseignement militaire, dont les moyens avaient stagné au cours des années précédentes.

Les moyens des services de renseignement incluent également les dépenses de personnels portées par le programme 212. Celles-ci sont nécessairement dynamiques puisque les trois services doivent bénéficier de nouvelles créations de postes en 2017 : 600 créations de postes sont effet prévues au total dans le renseignement et la cyberdéfense. Ainsi, la DGSE aura bénéficié de plus de 1000 nouveaux postes sur la période 2014-2019, ce qui portera ses effectifs à plus de 7000 en 2019.

Enfin, les moyens du renseignement englobent aussi des crédits portés par le programme 146 s’agissant des grands programmes d’équipement.

La cyberdéfense

Les moyens de la cyberdéfense sont éclatés sur plusieurs programmes et font parfois l’objet de pilotages distincts, d’où la difficulté de les apprécier de manière agrégée.

L’officier général cyber supervise les dépenses de cyberdéfense de l’unité opérationnelle cyber du programme 178, mais aussi les dépenses cyberdéfense dans le domaine des équipements du programme 146, des infrastructures sur le programme 212 et des études amont cyber sur le programme 144. Sur la période 2014-2019, les effectifs correspondant devraient s’accroître de 591 personnels, pour arriver à un total de 891 agents.

D’autres dépenses dans le champ du cyber ne sont pas incluses dans ce périmètre. C’est le cas des experts cyber de la Délégation générale à l’armement (DGA), qui devraient être renforcés de 400 personnels sur la période 2014-2019, pour atteindre 656 agents.

Enfin, une partie des crédits du cyber est aux mains des services de renseignement, singulièrement de la DRSD et de la DGSE. Au total, le budget pour 2017 conforte la réelle montée en puissance de ce champ depuis plusieurs années.

A. UN EFFORT POURTANT INSUFFISANT POUR GARANTIR LA PÉRENNITÉ DU MODÈLE D’ARMÉE

En mai 2014, un focus stratégique de l’IFRI  (24) faisait de l’outil militaire français le diagnostic suivant : « Il ne s’agit pas de parler d’un outil irrémédiablement délabré, mais plutôt, et ceci est plus pernicieux, d’une lente érosion des capacités opérationnelles et d’une réduction du spectre couvert. Précisément, la nature évanescente de la glissage ne permet pas forcément de détecter le point de rupture ».

Et d’en conclure qu’« au final, la cohérence du modèle d’armée est tout juste préservée, alors que plusieurs vulnérabilités (capacités au seuil critique, volume global restreint) pourraient le mettre en défaut, en cas d’effort prolongé ou de confrontation à une menace d’un niveau supérieur à celui auquel nous avons été habitués ces vingt dernières années ».

Nous nous trouvons aujourd’hui précisément dans cette situation. Alors que l’outil militaire français était déjà fragilisé par le sous-investissement accumulé, la dégradation brutale de l’environnement international a conduit à le surengager sur les fronts intérieur et extérieurs, rognant son potentiel de régénération. Cette situation recèle une très grande vulnérabilité et un risque de rupture que le projet de budget pour 2017 ne peut suffire à écarter.

1. Des capacités fortement érodées

La note de l’IFRI distingue plusieurs stades d’érosion des capacités militaires : « la rupture capacitaire franche (capacité inexistante), le déficit capacitaire (capacité présente mais à un seuil insuffisant, voire échantillonnaire), la gériatrie capacitaire (la capacité existe encore, mais s’exerce par le biais de matériels en voie d’obsolescence) ».

Des lacunes capacitaires bien identifiées

L’armée française se trouve aujourd’hui dans la situation où ses lacunes capacitaires ont été bien identifiées et sont progressivement traitées dans le cadre des programmes d’armement prévus par la loi de programmation actualisée, mais à un rythme trop lent : drones MALE, avions ravitailleurs, flotte logistique et pour l’action de l’État en mer, transport tactique, hélicoptères de manœuvre, blindés médians, etc.

Une gériatrie capacitaire inhérente à l’étalement des programmes…

Par ailleurs, l’étalement des programmes d’armement et la réduction de leurs cibles a conduit à prolonger la durée de vie de nombre d’équipements, suscitant effectivement une gériatrie capacitaire prégnante s’agissant par exemple des hélicoptères, des véhicules de l’avant blindés (VAB) ou encore des Mirage 2000 de l’armée de l’air.

À l’évidence, cette gériatrie a un coût : coût du maintien en condition opérationnelle et du traitement des obsolescences, coût de l’indisponibilité en raison de pannes plus fréquentes, coût humain potentiel en raison des protections parfois insuffisantes de ces équipements anciens.

La combinaison de ces appareils anciens dont la durée de vie a été prolongée et d’équipements modernes arrivant au compte-goutte contraint les armées à gérer des parcs parfois très hétérogènes, ce qui a pour effet de multiplier les spécialisations à entretenir. Le major général de l’armée de l’air  (25) regrette ainsi l’absence d’une flotte de chasse homogène : chaque avion doit avoir son mécanicien et la bombe que l’on met sous le Rafale n’est pas la même que sous le Mirage 2000.

…accentuée par l’usure accélérée des équipements en opération

Le rapport de l’IFRI met en évidence « les conséquences délétères que peuvent avoir des interventions récurrentes sur un outil à ce point affaibli qu’il lui est difficile de se régénérer. (…) Plus un outil est étriqué en volume, moins il a cette faculté de régénération ».

Cette faiblesse en volume résulte de la diminution des cibles de programmes d’armement. À titre d’exemple, la marine, qui devait être dotée de 15 frégates multi-missions au titre de la précédente loi de programmation, n’en aura finalement que 8.

De même, le major général de l’armée de l’air a pu dire à votre rapporteure à quel point le sous-dimensionnement de la flotte de chasse était patent dans la situation d’engagement actuelle. Si l’armée de l’air doit percevoir encore trois Rafale cette année, il est prévu qu’elle entre ensuite dans des « années blanches » jusqu’en 2021-2022, où les Rafale produits seront exclusivement dédiés à l’export.

Dans cette situation, « nous manquons de muscle, nous n’avons pas la capacité à durer ». Les engagements faisant cependant peser un niveau d’exigences élevé sur les armées, celles-ci sont conduites à sur-utiliser les équipements disponibles. Ainsi les Mirage 2000 volaient-ils 100 heures par semaine dans le cadre de l’opération Chammal alors qu’ils sont conçus pour 300 heures de vol annuelles ; l’armée de l’air les a donc remplacés par des Rafale afin de permettre leur régénération.

Ce suremploi des équipements est une réalité généralisée dans le contexte du niveau d’engagement actuel de l’armée française. Il est aggravé par une surintensité d’emploi liée aux conditions difficiles de certains théâtres d’opérations, en particulier la RCA et la bande sahélo-saharienne.

Ces deux facteurs entrainent un vieillissement accéléré des capacités militaires dont le potentiel technique se trouve prématurément consommé.

Le rehaussement de l’effort en faveur de l’entretien programmé des matériels ne suffit pas à régénérer le potentiel consommé en opérations. Premièrement, cet effort demeure insuffisant au regard des besoins. Deuxièmement, cette régénération peut être freinée par l’absence des maintenanciers, souvent déployés sur les théâtres d’opération. Troisièmement, les capacités industrielles pour assurer l’entretien programmé des matériels sont parfois saturées.

L’usure accélérée des capacités militaires en opération vient donc aggraver les gériatries capacitaires acceptées comme hypothèses de base de la loi de programmation.

Des ruptures capacitaires en perspective

Le spectre de la rupture capacitaire, qui condamnerait la France à renoncer à un modèle d’armée complet, ne doit pas être considéré comme improbable ou même hypothétique. Comme le chef d’état-major des armées l’a lui-même rappelé  (26), « les principales ruptures capacitaires acceptées lors de la construction de cette LPM sont encore devant nous ».

En effet, le remplacement des nombreux matériels vieillissants utilisés par les armées n’a pas encore été intégralement programmé, certains programmes ayant été repoussés à la prochaine loi de programmation. Même s’ils étaient effectivement lancés à ce moment-là, ces programmes mettraient du temps à produire leurs effets, ce qui fragiliserait certaines capacités des armées, en particulier les capacités de projection, l’équipement des forces terrestres, les bâtiments assurant la protection des approches maritimes et la présence dans les zones économiques exclusives et les munitions.

L’amiral Rogel, l’ancien chef d’état-major de la marine, avait, à plusieurs reprises, évoqué la situation des patrouilleurs outre-mer : « Il faudra se pencher sur le programme BATSIMAR (…). En effet, si nous attendions 2024, nous serions en rupture globale temporaire de capacité, car tous les patrouilleurs outre-mer vont s’éteindre les uns après les autres  (27)  ». Or, si la marine n’est pas présente dans l’ensemble de la zone économique exclusive, « d’autres viendront l’occuper à notre place ».

La question des munitions est également préoccupante car elle montre l’impact des réductions temporaires de capacités sur le tissu industriel et la difficulté à remonter en puissance par la suite. Ainsi, devant la forte consommation d’armements air-sol en Irak et en Syrie, l’armée a été contrainte de se tourner vers les Américains pour son approvisionnement, l’industriel français n’étant pas en capacité de redémarrer sa production dans les délais impartis.

2. Un capital humain fragilisé

Le haut niveau d’engagement combiné aux effets des restrictions budgétaires successives qui ont touché la défense a des effets tout aussi dangereux sur les hommes.

Surengagement et altération des savoir-faire militaires

En réalité, les opérations extérieures ont des effets ambivalents pour les militaires. D’un côté, elles permettent de faire de l’armée un outil d’emploi, stimulant les hommes qui peuvent pratiquer le métier pour lequel ils se sont engagés et suscitant un réel aguerrissement individuel et collectif. Le chef d’état-major des armées, le général de Villiers, estimait ainsi avoir besoin d’un « socle minimal d’opex » pour motiver ses hommes et entretenir les savoir-faire opérationnels.

Cependant, lorsque le niveau d’engagement devient si élevé qu’il nuit à la régénération des personnels, les effets négatifs prennent le pas sur les effets positifs, surtout si cette situation s’installe dans la durée.

Premier effet négatif, la consommation intensive du capital technique en opération dégrade des parcs d’équipements disponibles en France. En conséquence, les entrainements ne peuvent avoir lieu qu’en mode dégradé en l’absence des matériels adéquats ; cette situation est prégnante pour les manœuvres aux tirs combinés des forces terrestres, la défense aérienne, les frégates anti sous-marines ou encore les avions de patrouille maritime Atlantique 2, tous fortement sollicités en opération.

Cette dégradation de l’entraînement est encore accrue par la limitation des plages de temps qui y sont dédiées dans un contexte où les engagements s’enchaînent. Le déploiement de l’opération Sentinelle a ainsi fortement perturbé la préparation opérationnelle des militaires de la force opérationnelle terrestre, même si la remontée en puissance de ses effectifs devrait permettre d’y remédier.

Au total, les niveaux de préparation opérationnelle des militaires se sont nettement dégradés avant de se stabiliser à un niveau cependant largement inférieur aux normes prescrites par l’OTAN.

PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE DANS L’ARMÉE DE TERRE

(en journées de préparation opérationnelle et heures de vol)

 

2013

Réalisation

Objectifs
LPM 2014- 2019

2014

Réalisation

2015 Réalisation

2016

2017

Nombre de JPO par homme

83

90

84

64

objectif : 83

réalisé S1 : 37,6

estimé pour 2016 : 75

objectif : 81

Nombre d’heures de vol (HdV) par pilote

157

180

156

146

objectif : 159

réalisé S1 : 71,9

objectif : 164

Source : ministère de la Défense

ACTIVITÉ DANS LA MARINE

     

2013

2014

2015

2016

Nombre de jours de mer par bâtiment marine (bâtiments de haute mer)

Objectifs LPM

100

(110)

Réalisé

90
(97)

83
(92)

91

(104)

-

Prévision PAP

88

(97)

86

(94)

86

(94)

90

(99)

Heures de vol par pilote de chasse marine (qualifié appontage de nuit)

180

(220)

Réalisé

154
(207)

136
(194)

193
(236)

-

Prévision PAP

180
(220)

150
(180)

150
(180)

180

(220)

Heures de vol par pilote d’hélicoptère marine

220

Réalisé

187

218

218

-

Prévision PAP

220

180

180

195

Heures de vol par équipage de patrouille maritime

350

Réalisé

409

360

336

-

Prévision PAP

350

288

288

330

Source : ministère de la Défense

ACTIVITÉ DANS L’ARMÉE DE L’AIR

TYPE D'ACTIVITÉ

2013

2014

2015

2016

Prévision

actualisée PAP 2017

Recommandations
OTAN

Objectifs LPM

Heures de vol

par pilote de chasse

157

153

154

168

180

180

Heures de vol

par pilote de transport

276

235

239

235

NA  (28)

400

Heures de vol

par pilote d'hélicoptère

191

174

159

172

NA

200

Source : ministère de la Défense

Il convient de noter que, outre l’entrainement, la formation initiale des jeunes militaires peut être affectée par le surengagement. C’est le cas dans l’armée de l’air, où « la faible présence en unité du personnel expérimenté limite la formation des plus jeunes et obère la transmission des savoir-faire ».

Les chefs d’état-major ont unanimement souligné le risque d’altération du seuil de compétences créé par cette situation. En effet, si les armées ont pu jusqu’alors maintenir « un seuil de compétences correct, malgré un nombre de jours d’entraînement réduit, c’est grâce à l’acquis de l’expérience opérationnelle cumulée. Si le système respire, c’est donc en vivant, en quelque sorte, sur ses réserves. Ce capital de compétences en apnée doit nécessairement bénéficier à court terme d’une dynamique de redressement du niveau d’activité sans quoi la plus-value opérationnelle dont ont bénéficié les armées se paupérisera rapidement. D’ailleurs, les trois chefs d’état-major évoquent tous la période 2016-2017 comme étant celle à partir de laquelle il sera indispensable de rehausser le niveau d’entraînement ». Ce diagnostic avait été posé en 2014, avant le lancement des opérations Chammal et Sentinelle.

Des déséquilibres croissants entre sujétions et compensations

Le surengagement suscite un déséquilibre croissant entre les sujétions et les compensations propres à la situation militaire.

Plusieurs unités et spécialités particulièrement en tension connaissent en effet un niveau d’engagement tel qu’il devient difficile à concilier avec une vie de famille. Cette situation s’est généralisée dans la force opérationnelle terrestre avec la pérennisation de l’opération Sentinelle. Ainsi, lors du premier semestre 2016, ces militaires avaient été déployés en moyenne 76 jours, soit plus de 150 jours en moyenne annuelle. L’augmentation des effectifs de l’armée de terre devrait permettre un certain rééquilibrage.

Cela ne sera pas le cas pour les forces spéciales qui comptent parmi les unités les plus sollicitées. S’agissant des forces spéciales terre, les spécialités les plus en tension connaissent un taux de projection autour de 150 jours par an et jusqu’à 200 pour les spécialités critiques. Dans les commandos des forces spéciales marine, la durée moyenne d’engagement en 2015 était de 125 jours mais, pour certains marins très spécialisés (groupes spécialisés des commandos d’assaut, commando Hubert, cellules du commando d’appui spécialisé Kieffer), l’engagement est en moyenne de 154 jours par an avec des pics à 180 voire 250 jours par an pour certains individus. À cela s’ajoutent les contraintes des stages, formations ou exercices qui éloignent souvent les militaires de leur lieu de résidence. Quant aux forces spéciales air, le taux d’absence moyen du lieu de résidence lié à l’activité avoisine en moyenne les 50 %, mais monte jusqu’à 81% pour les membres du commando parachutiste de l’air (CPA 10).

Le major général de l’armée de l’air a exprimé à votre rapporteure les difficultés importantes qu’il éprouvait pour assurer la régénération de ses personnels en quantité insuffisante pour répondre dans la durée aux sollicitations pesant sur eux en raison de la durée et de l’intensité des opérations, en particulier de Chammal. À titre d’exemple, les pilotes de Rafale connaissent ainsi un taux d’absence du domicile de 58 %, ceux de Mirage 2000 de 45 %, ceux de l’escadron drones de 56 %. Ce fort engagement concerne aussi les fusiliers commandos et les mécaniciens.

Au-delà des difficultés familiales et de la fatigue physique, ces absences engendrent une surcharge de travail pour le personnel demeurant en métropole qui doit faire face, à effectif réduit, aux tâches quotidiennes de l’unité, dans un contexte sécuritaire qui accroît l’engagement sur le territoire national (renforcement de la protection des bases et des sites).

I. POUR UNE STRATÉGIE D’ALLIANCE ET DE PUISSANCE PLUS AFFIRMÉE

« Le projet de loi de finances pour 2017 permet d’éviter le décrochage de nos moyens par rapport à nos missions et à la menace, c’est une base crédible pour amorcer la remontée en puissance de l’outil militaire » (29). Ces mots prononcés par le chef d’état-major des armées sont sans ambiguïté : l’inversion de la tendance budgétaire est une bonne chose, mais la remontée en puissance reste à accomplir. Et de fixer la barre à atteindre : 2 % du PIB en 2020, soit 41 milliards d’euros, « la seule solution pour compenser l’usure accélérée de notre modèle d’armée ».

Cet effort, qui nécessite des choix politiques engagés, est nécessaire si la France ne veut pas se retrouver avec « une armée certes aguerrie et rustique, mais paupérisée, faisant bonne figure contre des adversaires non robustes, un système enfin conjuguant quelques belles niches capacitaires avec de nombreuses carences nuisant à la cohérence d’ensemble » (30). À l’évidence, dans l’environnement géostratégique que nous connaissons, cette armée présenterait de fortes vulnérabilités qui pèseraient tant sur la sécurité de notre pays que sur son rang international.

Votre rapporteure partage l’avis que cette situation nécessite une réponse politique très forte. Elle pense cependant que cette réponse n’est pas exclusivement budgétaire, et que la France doit combiner une stratégie de puissance et une stratégie d’alliance renforcées.

A. POUR UNE REMONTÉE EN PUISSANCE PERMISE PAR UNE RÉÉVALUATION DE LA DEPENSE PUBLIQUE

1. Assurer la remontée en puissance de l’outil militaire en recentrant la dépense publique sur le domaine régalien

Les contours d’une remontée en puissance

En dépit des efforts consentis ces dernières années, l’armée française se trouve encore aujourd’hui dans une dynamique de paupérisation. Si cette armée a vocation à rester un outil d’emploi – ce qui paraît indispensable étant donnée la conjoncture – il faut lui redonner les marges de manœuvre lui permettant de régénérer le capital englouti par les opérations tout en continuant à investir pour préparer l’avenir. Ce dernier point est indispensable dans le contexte de course technologique que nous connaissons, où tout décrochage peut s’avérer fatal.

Plutôt que de remontée en puissance, certains préfèrent parler de « réinvestissement d’urgence (31) » dans les capacités et savoir-faire que la France a su préserver mais qui sont aujourd’hui menacés. En effet, la remontée en puissance suggère un effondrement qui n’a pas eu lieu mais pourrait se produire si ce réinvestissement n’intervenait pas rapidement.

Il semble y avoir une certaine unanimité autour de l’idée que 2 % du PIB correspond à la masse nécessaire pour assurer ce réinvestissement. Ce réinvestissement devrait permettre :

– de rendre le niveau d’engagement actuel soutenable dans la durée en garantissant la régénération des matériels et des hommes.

Il conviendrait pour cela de renforcer certaines unités trop faibles en volume (par exemple, escadres aériennes), d’acquérir en plus grand nombre ou d’accélérer l’acquisition de certains équipements (drones, aviation de chasse, blindés…), ce qui permettrait d’abandonner les anciens, dont la prolongation est coûteuse, voire d’envisager l’acquisition d’un second porte-avions afin de d’assurer la permanence à la mer. En effet, le porte-avions s’avère être un outil formidable pour conduire des opérations et agréger des partenaires au sein du groupe aéronaval ; il contribue en outre au rayonnement de notre pays.

Par ailleurs, ce réinvestissement permettrait de réévaluer les dotations budgétées pour les surcoûts associés aux opérations extérieures et intérieure en fonction d’estimations réalistes. Il est en effet urgent de rompre avec le cercle vicieux des surcoûts financés par des annulations sur les programmes d’équipements, lesquelles viennent rogner le capital des armées, entamant ainsi leur capacité future d’intervention.

– de maintenir la France dans le haut du spectre pour les missions conventionnelles.

Les engagements extérieurs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, où l’armée française a un net ascendant sur l’adversaire, ne constituent certainement pas l’alpha et l’oméga des engagements auxquels elle devra faire face à l’avenir. Avec le développement de la défense solaire, l’armée de l’air devra être en capacité d’intervenir dans des conditions de déni d’accès. Avec la montée des enjeux maritimes et de la territorialisation des mers, la marine devra pouvoir réagir à des entorses croissantes à notre souveraineté nationale en mer. La France doit donc rester dans le haut du spectre, et elle doit pour cela conserver son avance technologique, ce qui suppose un investissement permanent. C’est un défi d’autant plus grand que nombre de pays investissent massivement dans leur outil de défense.

– d’assurer le renouvellement de la dissuasion nucléaire.

Au cours de l’université d’été de la défense, le délégué général à l’armement, M. Collet-Billon, a annoncé qu’un quasi-doublement du budget de la dissuasion nucléaire, à hauteur de 6 milliards d’euros par an, serait nécessaire à l’horizon 2030 pour assurer le renouvellement des composantes. Il est inenvisageable que ce renouvellement ait lieu à budget constant, ce qui conduirait à littéralement saborder les capacités conventionnelles. Les menaces de la puissance sont encore bien réelles, aussi votre rapporteure juge-t-elle essentiel de maintenir la dissuasion nucléaire, même si les modalités de ce maintien devront faire l’objet d’un débat.

– de préserver la capacité d’influence de la France.

Votre rapporteure juge dommageable la perte d’influence de la France liée à l’amaigrissement de son réseau d’attachés de défense et à la fonte des crédits de la coopération militaire structurelle.

Ces deux outils sont de formidables leviers qui rapportent beaucoup plus en termes d’influence qu’ils ne coûtent. En agissant auprès des cadres politiques et militaires de nos partenaires, ces outils permettent d’influer sur les politiques de défense des États, d’entretenir une connaissance mutuelle entre les forces armées, de dispenser, par des formations, la langue française, les savoir-faire français et la façon de penser à la française. Notre pays a beaucoup à en tirer : un rayonnement international, des coopérations facilitées sur les théâtres d’opération, mais aussi des contrats pour son industrie d’armement.

Votre rapporteure n’a pu que déplorer la perte d’influence de la France lors d’un déplacement en Pologne. La réduction du réseau des attachés de défense s’y est traduite par la fusion des missions de défense des quatre pays du groupe de Visegrad : Pologne, Hongrie, République Tchèque et Slovaquie. Par ailleurs, la baisse des crédits de la coopération structurelle l’a réduite à un niveau symbolique : il n’y a plus aucun coopérant permanent, et quelques rares formations en France sont octroyées au compte-goutte aux militaires polonais. Dans le même temps, la présence des militaires allemands en Pologne s’est massivement accrue.

Votre rapporteure estime donc qu’il conviendrait de faire un effort substantiel pour rehausser le niveau de notre réseau d’attachés de défense et assurer la remontée en puissance de notre coopération structurelle. Les crédits de la coopération structurelle sont cependant en dehors du périmètre de la défense, puisqu’ils relèvent de l’action extérieure de l’Etat conduite par le ministère des affaires étrangères.

Les moyens 

Pour votre rapporteure, la montée en puissance du budget de la défense ne pourra s’opérer, dans un contexte de disette budgétaire durable, qu’à condition de redéployer significativement le budget de l’Etat. Ce pas devra être franchi si l’Etat veut préserver la sécurité des Français à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières et sa conserver son statut sur la scène internationale. Votre rapporteure estime que la dépense publique doit absolument être remobilisée en faveur du domaine régalien : l’armée, la police, la justice et les affaires étrangères. Il s’agit là d’un projet politique fort mais qui constitue une rupture nécessaire pour notre pays.

Par ailleurs, la problématique de l’endettement risque de plomber durablement les finances publiques de la France. Aussi votre rapporteure est-elle d’avis que des dispositifs novateurs, à l’image du fonds européen de sécurité et de défense proposé par M. Thierry Breton, sont des pistes à explorer. Mais elles ne permettront pas de faire l’économie d’un débat de fond sur le périmètre de la dépense publique.

2. Intégrer la politique de défense dans le cadre d’une approche globale dûment institutionnalisée et financée

Votre rapporteure estime que la remontée en puissance de l’outil militaire doit s’intégrer dans le cadre plus large d’une remontée en puissance de l’action extérieure de la France en faveur de la sécurité internationale.

En cette matière, une approche globale des questions de gouvernance, de sécurité et de développement est indispensable, tant ces dimensions sont solidaires les unes des autres. Ce concept, théorisé et promu depuis de longues années, n’a pas encore été réellement mis en œuvre autrement que de manière partielle, butant en outre sur l’insuffisance des financements.

Le Livre Blanc de 2013 faisait pourtant de cette approche globale le principe directeur des efforts de consolidation de la paix de la France :

« La consolidation de la paix nécessite donc une approche globale, qui intègre dans une stratégie politique cohérente tous les leviers dont dispose la communauté internationale pour venir en aide à des pays en crise ou menacés par la crise. Elle peut, selon des proportions qui varient en fonction des situations, comporter des volets militaire, policier, judiciaire, d’administration civile et d’aide au développement ».

Une approche militaire globale ?

Force est de constater que la France a surtout investi le volet militaire de l’effort en faveur de la paix.

Ces actions militaires portent sur un spectre assez large qui conjuguent les actions de combat de haute intensité, les actions de formation pour appuyer la reconstruction des forces armées locales, le soutien au processus DDR (démobilisation, désarmement, réintégration : accompagnement des patrouilles mixtes par Barkhane), mais aussi des actions civilo-militaires destinées à faciliter l’acceptation de la présence militaire par la population civile.

Ces dernières ne sauraient faire office d’approche globale. Ces actions reposent essentiellement sur des projets à impact rapide destinés à rétablir des services de base, qui n’ont pas d’objectif de développement à long terme. Elles bénéficient par ailleurs d’un financement extrêmement modeste. Ainsi le commandant de la force Barkhane dispose-t-il de 300 000 euros annuels pour conduire ces actions sur l’ensemble de la bande sahélo-saharienne (32) .

En outre, l’existence d’une approche militaire globale, c’est-à-dire qui prenne en compte, au-delà de la seule intervention en contexte de crise, les impératifs de prévention et de reconstruction, butte sur la réduction drastique des moyens de la coopération structurelle conduite par la direction de coopération de sécurité et de défense (DCSD), que votre rapporteure a déjà eu l’occasion de regretter. Le budget de la DCSD s’élève à 88 millions d’euros pour 2016, avec des crédits d’intervention d’à peine 20 millions d’euros, en baisse de 19% par rapport à 2015. C’est à comparer au milliard d’euros annuel des surcoûts liés aux opérations extérieures.

La baisse brutale des crédits de la DCSD, alors même que l’environnement international se faisait plus dangereux, en dit long sur l’absence d’enracinement d’une stratégie globale interministérielle. Intégrée au ministère des affaires étrangères, cette direction n’a pas réussi à faire valoir le caractère prioritaire de son action de prévention en matière de sécurité.

Une approche nécessairement interministérielle qui butte sur l’absence de structure et de moyens dédiés

Le rapport des sénateurs (33) relate l’abandon quasi-immédiat de la « stratégie interministérielle de gestion civilo-militaire des crises extérieures » élaborée en 2009. Dès lors, la mise en œuvre de l’approche globale repose sur un pilotage au cas par cas conduit par le Secrétaire général pour la défense et la sécurité nationale.

Celui a notamment en charge la mise en œuvre des stratégies région, dont la stratégie Sahel constitue l’exemple le plus achevé. D’après le rapport des sénateurs, l’approche globale mise en œuvre, qui couvre le spectre de la sécurité, du développement et de la gouvernance, « a contribué à mobiliser de nombreux partenaires sur l’ensemble des sujets et à affirmer la spécificité de la région saharo-sahélienne qui n’avait aucune reconnaissance jusqu’alors (…) ».

Cependant, une telle approche, d’une part, n’est pas reproduite de manière systématique pour toutes les régions où la France intervient, et d’autre part, « manque de muscle » : « la coordination stratégique par le SGDSN est conceptuelle et peu opérationnelle, elle a besoin d’un bras armé. Elle ne dispose pas de moyens financiers autonomes sur lesquels s’adosser et repose donc sur le bon vouloir des départements ministériels ». Elle finit ainsi par « s’étioler au rang des priorités secondaires avant de disparaître par absence de moyens ».

Un facteur limitant systématique : l’incapacité à canaliser les crédits de l’aide au développement vers nos priorités stratégiques

Ce chiffre est à présent bien connu, tant il a de quoi surprendre : le « plan d’action pour un engagement renouvelé au Sahel 2015-2020 » de l’Agence française de développement prévoit des engagements à hauteur de 61 millions d’euros annuels à répartir entre six pays. Quand on connaît les défis considérables que ces pays doivent surmonter et les surcoûts occasionnés par l’opération Barkhane, ces sommes paraissent bien modiques.

Il faut avoir en tête que, sur un budget d’aide publique au développement de 3 milliards d’euros, la France en confie environ 1,7 milliards aux institutions multilatérales et européennes. Par ailleurs, comme l’explique bien le rapport des sénateurs H. de Raincourt et H. Conway-Mouret (34) , « l’AFD incarne une vision plus neutre et technique de l’aide au développement, construite en partie contre l’image de la françafrique (…). Adossée aux grands objectifs internationaux de l’aide publique au développement, elle est désormais autant une banque de prêts aux pays émergents qu’une agence de coopération à destination des pays pauvres d’Afrique subsaharienne. Les nouvelles tendances de l’aide publique au développement au niveau mondial, développement durable et biens publics mondiaux, impliquent d’emblée une action quasi-universelle, non des interventions concentrées sur des pays (…) » qui représentent pour la France des priorités stratégiques.

Votre rapporteure partage donc l’idée qu’une stratégie de défense ambitieuse ne pourra pas faire l’impasse de l’institutionnalisation d’une approche globale, laquelle devra pouvoir compter sur une politique d’aide au développement réformée en profondeur.

A. POUR UNE STRATÉGIE D’ALLIANCE PLUS FORTE ET PRAGMATIQUE

Même avec un budget de défense rehaussé, la France ne pourra pas rester dans le peloton de tête des puissances militaires mondiales en comptant uniquement sur ses propres forces. La course aux armements de niveau technologique toujours plus poussé, le caractère inégal de la partie étant donnée la taille des économies de certaines puissances émergentes ; autant de paramètres qui nous obligent à adopter un principe de réalité : nous avons besoin de nos alliés et partenaires, et en particulier des Européens qui partagent avec nous une culture, des valeurs et de nombreux intérêts de sécurité.

Notre pays en a déjà partiellement pris acte en s’engageant dans des partenariats stratégiques relativement structurants, notamment avec le Royaume-Uni et l’Allemagne. Votre rapporteure estime cependant que nous pouvons et devons pousser davantage ces partenariats dans les cadres institutionnels et en dehors.

1. Exploiter le potentiel de la complémentarité OTAN-UE en travaillant sur les perceptions

Votre rapporteure est convaincue que la France ne peut être forte que dans une Europe forte. Les institutions susceptibles d’accroître la puissance militaire de l’Europe ne doivent donc pas être regardées avec défiance. La France doit considérer avec pragmatisme les apports respectifs de l’OTAN et de l’Union européenne et puiser autant de forces que possible de cette double appartenance. Cela implique un réel travail sur les perceptions de nos alliés et partenaires.

L’OTAN, ultime garante de la sécurité collective et creuset d’interopérabilité

L’OTAN est une alliance nucléaire, garante ultime de la sécurité collective de ses membres. C’est donc elle qui prémunit l’Europe contre des menaces de nature existentielle. Ce rôle justifie l’importance fondamentale que les pays baltes et d’Europe orientale accordent à cette appartenance. Les Français ont oublié ce que pouvait représenter cette crainte existentielle. Tel n’est pas le cas de ces pays qui considèrent encore avec inquiétude le grand voisin russe. Depuis l’annexion de la Crimée, celui-ci conduit une politique étrangère de plus en plus agressive et multiplie les provocations à l’égard de ses voisins. Dans ce contexte, on peut concevoir l’angoisse légitime de certains pays qui, à l’image des Baltes, ne disposent d’aucune profondeur stratégique face à une éventuelle agression armée. Et l’on peut comprendre le caractère fondamental de l’appartenance à l’OTAN dans leur stratégie de défense nationale.

Si la France n’a pas de crainte immédiate de nature existentielle – le caractère incertain du contexte stratégique incite cependant à la prudence – elle trouve dans l’OTAN un formidable creuset d’interopérabilité dont elle se sert en permanence. L’interopérabilité conquise au sein de l’OTAN est en effet la base pour toutes coopérations, institutionnalisées ou non, avec les alliés et partenaires de l’OTAN. Et l’interopérabilité n’est pas un fait éternel. En raison des évolutions technologiques rapides, elle doit être actualisée en permanence. Le chef d’état-major de la marine, l’amiral Prazuck  (35), a eu l’occasion de dire à votre rapporteure à quel point, de ce point de vue, l’OTAN était pour les marins une réalité quotidienne et indispensable. En effet, il y a très peu de missions dans lesquelles les marins français sont seuls à la mer, en dehors, bien sûr, des missions de la force océanique stratégique (FOS).

L’OTAN est donc une force pour la France. Notre pays a tout à gagner à renforcer son investissement dans cette alliance dont 22 membres font partie de l’Union européenne. C’est nécessaire dans un souci de sécurité collective et d’interopérabilité, mais aussi pour renforcer la cohésion avec les Européens de l’est pour qui l’appartenance à l’OTAN est une donnée fondamentale. Votre rapporteure pense qu’il est important, dans la perspective d’une Europe forte, que la France réinvestisse son partenariat avec les pays d’Europe orientale et balte.

Du point de vue de la solidarité avec le flanc est, la France n’est pas en reste : en dépit de son fort engagement en Afrique et au Moyen-Orient, elle a contribué avec constance aux mesures de réassurance (cf. II.B.3) et renforcera cette contribution en 2017 par l’envoi d’une compagnie dans le cadre de la présence avancée rehaussé en Estonie.

Il ne s’agit donc pas forcément de faire beaucoup plus, même si une participation accrue aux exercices de l’OTAN, lorsque l’armée de terre aura retrouvé une marge de manœuvre sur les effectifs, serait sans doute bénéfique. Cela répondrait d’ailleurs à un souhait exprimé par le chef d’état-major de l’armée de terre. Au-delà de l’aspect quantitatif, votre rapporteure pense qu’il est essentiel que la France valorise mieux son investissement au sein de l’OTAN. Elle doit pour cela donner beaucoup de place au dialogue avec ses alliés, notamment est-européens et baltes. L’Assemblée parlementaire de l’OTAN constitue une enceinte particulièrement utile et adaptée.

L’UE, un cadre adapté pour des initiatives industrielles et opérationnelles conformes à nos intérêts

Votre rapporteure pense que l’Union européenne est une échelle adaptée pour porter nombre de projets dans le domaine de la défense. Ce point de vue n’est pas contradictoire avec l’attachement exprimé à l’égard de l’OTAN. Il s’agit de renforcer le pilier européen de l’OTAN en mutualisant et accroissant les capacités au sein de l’Union européenne. Cela répond d’ailleurs à une demande de nos alliés américains.

Il est évident que les intérêts de sécurité des Américains et des Européens ne sont pas les mêmes. L’histoire, la géographie, l’énorme différence de poids entre les États-Unis et les pays européens sont autant de facteurs de divergence. Pour développer et conduire des coopérations industrielles et des opérations conformes à nos intérêts, l’Europe est incontestablement une échelle pertinente.

La dégradation de l’environnement international sur toutes les frontières de l’Europe – au sud, au sud-est et à l’est – crée un relatif réveil stratégique des Européens. La tendance à la baisse des dépenses de défense est progressivement enraillée (cf. tableau ci-après). Cependant, ces évolutions ne se traduisent pas encore par des initiatives de coopération fortes pour rehausser les capacités militaires européennes et accroître l’engagement extérieur des Européens.

Si l’on ne constate pas encore d’avancées substantielles en matière de politique de sécurité et de défense commune (PSDC), quelques frémissements ont pu être observés. Au niveau des institutions européennes, la publication en juin dernier d’une Stratégie globale de politique étrangère et de sécurité élaborée par la Haute représentante Federica Mogherini et dans l’ensemble conforme à nos intérêts va dans le bon sens. De même, la proposition faite par la Commission européenne au mois de juillet afin de faire avancer l’initiative CBSD (capacity building in support of security and development) afin de financer des équipements militaires au profit des forces armées formées dans le cadre des missions de PSDC constitue un développement très positif.

Enfin, les pays européens ont, dans l’ensemble, répondu présent à la demande de solidarité formulée par la France au titre de l’article 42-7 du traité de l’Union européenne, au lendemain des attentats de novembre 2015.

Les germes d’un potentiel réveil stratégique européen existent donc. Mais le risque est que la culture reste résolument et exclusivement nationale, alors qu’une réponse collective serait nécessaire dans une perspective de défense de l’Europe plus que d’Europe de la défense.

C’est particulièrement prégnant s’agissant des capacités de défense et de la base industrielle et technologique de défense, dont l’échelle pertinente est incontestablement celle de l’Europe. Etant donnée la course technologique dans laquelle elles sont engagées, les industries de défense ne peuvent être financées par le seul marché étatique intérieur. Elles se heurtent à une concurrence croissante à l’exportation, laquelle ne pourra qu’augmenter encore avec la montée en gamme des pays émergents. Des solutions à l’échelle européenne sont incontestablement celles qui correspondent le mieux à nos intérêts.

De ce point de vue, votre rapporteure appuie la démarche franco-allemande portée par le ministre des Affaires étrangères, consistant à proposer un ensemble de mesures à court terme, concrètes et pragmatiques, susceptibles, le cas échéant, d’être conduites en effectif réduit (coopérations structurées permanentes), pour relancer l’action de l’Union européenne dans le champ de la défense. Le Conseil européen de décembre prochain fournira l’occasion d’avancer vers la constitution de coopérations structurées permanentes sur une ou plusieurs de ces propositions.

Par ailleurs, il est ressorti d’un entretien avec le chef d’état-major de la marine que le Golfe de Guinée serait un champ de travail en commun très adapté pour les membres de l’Union européenne. Il est dans l’intérêt de tous de maintenir un niveau de sécurité acceptable dans cette région qui constitue une route maritime majeure pour le commerce européen. Les actions conduites dans cette région pâtissent actuellement d’un défaut criant de coordination. Nous pourrions exploiter la diversité linguistique de l’Union européenne dans nos relations avec les pays riverains, dont la multiplicité constitue une source de complications difficile à surmonter par nos propres moyens.

Votre rapporteure pense cependant que, si nous voulons entrainer avec nous nos partenaires européens, notamment dans des opérations, nous devons accepter de les associer à la réflexion en amont. Ainsi, il n’est pas juste que nous nous plaignions de l’absence des Européens sur le terrain en Afrique si nous prenons les décisions tout seuls. La décision d’intervention a été une décision souveraine de la France dans le cas du Mali comme dans celui de la RCA ; il est donc normal que les Européens ne soient pas en première ligne. Et dire qu’ils sont absents est inexact : les trois principaux contingents d’EUTM Mali sont la Belgique, l’Espagne et l’Allemagne, et son commandement est belge, pour ne citer que cet exemple. Par ailleurs, certains Européens y font beaucoup en matière d’aide au développement.

2. Pousser le développement de partenariats structurants en érigeant le pragmatisme en norme d’action

A côté de ses efforts pour tirer un meilleur parti des synergies au sein de l’OTAN et de l’Union européenne, votre rapporteure estime que la France gagnerait à pousser davantage le développement de partenariats stratégiques avec certains pays partageant avec le nôtre une forme d’ambition et des moyens. S’agissant de l’Allemagne et du Royaume-Uni, ces partenariats existent et sont déjà forts. Votre rapporteure pense pourtant que nous pourrions avancer mieux et plus vite en laissant de côté certains a priori et en érigeant le pragmatisme en norme d’action. Elle partage l’avis exprimé par l’attaché de défense britannique (36) à propos des relations des Européens dans le domaine de l’armement : « c’est trop souvent une compétition entre alliés ».

Avec le Royaume-Uni

La coopération militaire franco-britannique se développe dans le cadre de deux traités signés lors du sommet de Lancaster House, en 2010. Le premier est relatif aux installations radiographiques et hydrodynamiques communes ; il engage la France et le Royaume-Uni à coopérer dans les technologies liées à la gestion des arsenaux nucléaires, afin de garantir leurs capacités de dissuasion nucléaires indépendantes respectives. Dans ce cadre, nos deux pays coopèrent pour l’établissement d’installations communes à Valduc et Aldermaston.

Le second traité formalise une coopération en matière de défense et de sécurité. Son volet opérationnel est centré sur le développement d’une force expéditionnaire commune interarmées, la CJEF. Conceptuellement opérationnelle depuis avril 2016, elle doit être apte à tous types de scénarios, y compris des opérations de haute intensité. C’est un vecteur clé de l’interopérabilité franco-britannique à travers un rapprochement doctrinal, capacitaire et opérationnel. Elle a vocation à être employée dans des cadres bilatéraux et institutionnels.

Le volet armement s’attache à renforcer la coopération afin de livrer des systèmes militaires de la manière la plus efficiente possible, développés par une industrie de défense à la compétitivité améliorée pouvant s’appuyer sur une relation de dépendance mutuelle assumée. Trois projets emblématiques sont développés dans ce cadre : le programme FCAS (future combat air system), dont l’ambition est de préparer les technologies des futurs systèmes aériens de combat ; la mise en place d’une filière missile commune sous l’égide de la coentreprise MBDA ; et le projet de guerre des mines navales qui ambitionne de créer un système de drones navals pour le renouvellement des capacités anti-mines actuellement en service.

En dépit de ces projets concrets, le partenariat franco-britannique butte régulièrement sur des intérêts nationaux divergents, alors même que nos deux pays partagent beaucoup : une vocation mondiale, une proximité géographique, un diagnostic sécuritaire largement similaire et une même culture stratégique. Comme l’attaché de défense britannique l’a formulé à votre rapporteure, « la défense est le lien clé entre nos deux pays » Il existe entre les armées une bonne connaissance mutuelle et une vraie relation de confiance, en particulier dans la marine. Votre rapporteure pense donc que nous devons surmonter certains a priori et faire en sorte de pousser plus loin notre coopération avec le Royaume-Uni.

Ce volontarisme sera d’autant plus nécessaire dans le contexte du brexit, qui va introduire des complications supplémentaires : questions douanières à régler (par exemple pour l’installation des centres d’excellence MBDA), risque d’accaparement du Royaume-Uni sur des problématiques intérieures, mais aussi de défiance mutuelle dans le contexte d’un brexit vécu comme un divorce de part et d’autre de la Manche.

Votre rapporteure estime que la France a une exceptionnelle proximité avec le Royaume-Uni sur les questions stratégiques. C’est chose rare en Europe et nous aurons besoin de pouvoir nous appuyer dessus à l’avenir. Aussi faut-il faire preuve d’un très grand pragmatisme dans le contexte du brexit afin de continuer à faire vivre ce partenariat et même de le pousser davantage encore dans le sens de réelles mutualisations. Votre rapporteure ne juge pas crédible l’hypothèse d’une remontée en puissance de la « relation spéciale » entre les États-Unis et le Royaume-Uni qui évincerait la France, et pense donc que notre partenaire outre-manche serait prêt à soutenir une dynamique franco-britannique.

Avec la Pologne

La décision polonaise de rompre le contrat qui avait été conclu en 2015 avec Airbus Helicopters pour l’achat d’hélicoptères Caracal a été une déconvenue pour la France, alors que le ministre de la Défense, M. Le Drian, s’était fortement investi pour soutenir ce contrat. Elle résulte sans doute en partie de la distance qui s’est creusée entre nos deux pays en raison des récentes évolutions politiques en Pologne, mais aussi et peut-être plus fondamentalement dans le contexte de la crise russo-ukrainienne.

Votre rapporteure s’est rendue à Varsovie quelques jours avant l’annonce de la rupture de ce contrat. Elle a pu mesurer cette incompréhension grandissante, mais aussi, paradoxalement, l’immense potentiel de coopération encore inexploité entre nos deux pays.

La Pologne investit fortement dans son outil militaire ; il s’agit d’une tendance largement antérieure aux évolutions récentes, puisqu’elle avait voté dès 2001 une loi sanctuarisant le budget de la défense à 1,95% du PIB de l’année précédente. Ce niveau avait été rehaussé à 2% après le sommet de l’OTAN de Newport, en septembre 2014, qui avait consacré cet objectif à l’échelle de l’Alliance. 20% de ce budget, qui s’élève aujourd’hui à 9 milliards d’euros, soit le cinquième budget européen, est consacré à des dépenses d’investissement.

L’effort de défense polonais est entièrement déterminé par ce que les Polonais considèrent être leur « seule menace militaire directe » : la menace russe. Ainsi, les priorités de cet effort sont la défense aérienne, la cyberdéfense, les blindés, l’acquisition de sous-marins pour assurer une présence en mer baltique et la création d’une défense territoriale qui doit être positionnée à l’est du pays.

L’exposition à la menace russe est jugée très forte dans ce pays qui conçoit encore sa défense comme un rempart. A l’inverse, les Polonais se projettent très peu au-delà de leur étranger proche. Cela tient à leur histoire, mais aussi à un certain déficit de culture des militaires polonais, déficit accru par le faible engagement extérieur actuel. Leur exposition à la menace terroriste est jugée faible et la Pologne reste largement en marge des flux migratoires importants que connaissent les pays européens.

Ces perceptions bien particulières conduisent les Polonais à n’accorder d’importance qu’à l’OTAN et aux États-Unis, ainsi qu’aux alliés qui acceptent de déployer des troupes en Pologne. Ce dernier point est en effet une priorité absolue. Ils sont prêts, pour cela, à renoncer à des aspects importants de leur souveraineté nationale. À titre d’exemple, dans le cadre de son plan de modernisation, la Pologne affiche l’ambition de relancer son industrie de défense nationale : c’est l’objectif de « polonisation ». L’offre proposée par Airbus helicopters était exemplaire en cela : l’industriel s’était engagé à venir installer une unité de production en Pologne, ce qui impliquait de nombreux bénéfices en termes de transferts de compétences et de créations d’emplois. Ce contrat a pourtant été rompu, et il est probable que les Polonais achèteront le modèle américain à des conditions bien moins favorables.

Cette décision est quelque peu décourageante pour notre pays, et pourtant, nous aurions tout à perdre à renoncer à un partenariat ambitieux avec la Pologne. C’est un grand pays d’Europe centrale qui dispose d’un outil de défense en plein renouvellement, avec lequel nous avons des liens historiques et culturels forts.

La France ne peut espérer relancer la défense européenne en comptant simplement sur le moteur franco-allemand. Celui-ci peut être adapté pour les initiatives capacitaires et industrielles mais connaîtra encore des limites durables sur le plan des interventions, en dépit des évolutions ébauchées ces dernières années. Votre rapporteure pense donc que le triangle de Weimar – France-Allemagne-Pologne – reste le cadre le plus crédible et souhaitable pour faire monter en puissance la défense en Europe.

Pourtant, dans l’état actuel des choses, la France aura des difficultés à trouver en Pologne un soutien actif à des initiatives de relance de la défense européenne. Leur focalisation exclusive sur l’OTAN est en cause. L’Europe ne fait pas partie de la réflexion stratégique des Polonais, alors même qu’ils sont les premiers bénéficiaires des politiques de l’Union européenne à hauteur de 10 milliards d’euros par an. Ce paradoxe est une nouvelle illustration de l’incapacité de l’Europe à exister en tant que puissance.

Quelles synergies trouver sur le plan bilatéral dans un contexte où les intérêts de sécurité sont perçus très différemment ? S’agissant des opérations, il est certain que les Polonais auraient le potentiel de déployer davantage de militaires en Afrique. Cela aurait des effets bénéfiques sur leur armée qui est actuellement en train de perdre les savoir-faire opérationnels acquis lors de ses engagements dans les Balkans et en Afghanistan.

Il existe par ailleurs un vrai potentiel en matière industrielle, mais il est certain qu’il faudra pour cela que les dirigeants polonais prennent des décisions rationnelles du point de vue de leur intérêt national. La décision de rompre le contrat sur les hélicoptères Caracal a occasionné une vive polémique en Pologne, signe qu’elle est loin de faire l’unanimité. Le député Michal Jach, rapporteur du budget de la défense au Sejm polonais, a d’ailleurs manifesté à votre rapporteure sa vive admiration pour l’industrie de défense française et son souhait de voir progresser l’industrie polonaise dans cette direction. Il a par ailleurs exprimé la volonté de pouvoir coopérer en matière de cyberdéfense, afin de tirer parti de l’expérience française dans ce domaine. Exprimant sa volonté de pousser plus loin notre partenariat stratégique, il a jugé « important que les pays qui pèsent le plus sur les questions de défense unissent leurs forces ».

À l’évidence, il faudrait que le partenaire polonais donne des signes de sa volonté d’avancer en ce sens. Votre rapporteure estime que nous devons, de notre côté, nous garder de toute susceptibilité inopportune, et nous tenir prêts à accompagner cette volonté.

Par ailleurs, notre pays doit veiller à ne pas de désinvestir excessivement de l’Europe centrale et orientale aujourd’hui laissée à l’Allemagne. Nous devons maintenir le dialogue afin d’expliquer nos positions et de comprendre les perceptions de ces États sans lesquels nous ne ferons pas de défense européenne. Enfin, votre rapporteure a déjà exprimé la nécessité que notre pays s’attache à renvoyer une meilleure image au sein de l’OTAN afin d’éviter que des problèmes de perceptions ne viennent compliquer inutilement nos relations avec nos alliés, notamment en Europe centrale et orientale.

3. Renforcer résolument et sans tarder le partenariat avec la rive sud de la Méditerranée

La Méditerranée est un espace où se jouent de nombreux enjeux essentiels pour la sécurité de l’Europe. Les défis auxquels sont confrontés les pays de la rive sud de la Méditerranée – terrorisme, trafics, migrations, difficultés économiques et sociales pouvant mettre en danger la stabilité des États – nous concernent ainsi directement.

Votre rapporteure a déjà eu l’occasion d’exprimer son inquiétude sur la situation sécuritaire en Libye, dans un contexte où le processus politique piétine. Cette situation bénéficie aux terroristes et trafiquants en tous genres, notamment aux trafiquants d’êtres humains. Elle a un impact direct sur l’Europe, par le biais des flux migratoires massifs dirigés vers elle, mais aussi et surtout sur les pays de la région.

A cet égard, la Tunisie est dans une situation particulièrement préoccupante. La menace terroriste est élevée dans ce pays qui a notamment subi les attaques de Sousse, du Bardo et de Ben Gardane. En réalité, la menace terroriste émane d’un triple front : à l’ouest, dans les monts Chaambi à la frontière avec l’Algérie ; à l’est, à la frontière avec la Libye, zone de fragilité majeure en raison de sa grande porosité ; et une menace diffuse sur le territoire nationale, du fait de Tunisiens radicalisés et de « combattants étrangers » de retour au pays. Cette dernière menace risque en outre de s’accroître avec la dispersion de Daech en Libye, qui risque de voir de nombreux terroristes traverser la frontière.

La situation en Libye présente des risques pour l’Egypte aussi, qui partage 1200 km de frontière avec elle. Les Égyptiens doivent en outre faire face à une forte instabilité dans le nord du Sinaï, où sévit le groupe Ansar Beit Al-Maagdis, rebaptisé « Province du Sinaï » depuis son allégeance à Daech. Ce groupe, qui bénéficie d’un soutien en provenance de la bande de Gaza, a frappé à plusieurs reprises le reste du pays.

Le terrorisme n’est pas le seul défi pour la stabilité des pays de la rive sud de la Méditerranée. Outre leur dimension politique, les printemps arabes avaient vu l’expression d’aspirations économiques et sociales qui peinent à trouver un point d’aboutissement, dans un contexte où ces pays rencontrent de réelles difficultés économiques, en raison notamment de la chute du cours de pétrole et du manque de diversification des économies. En Tunisie, l’insécurité liée au terrorisme a fait chuter le tourisme, qui constituait la principale source de revenus du pays : c’est une situation dramatique pour cette jeune démocratie.

Face à ces enjeux considérables et urgents, qui la concernent directement, l’Europe ne s’est engagée encore que de manière timide et partielle en faveur de la sécurité et du développement de ces pays. Votre rapporteure pense qu’elle doit, de toute urgence, soutenir massivement et résolument les pays de la rive sud, en particulier la Tunisie, l’Égypte et la Libye, à travers l’établissement de partenariats globaux.

L’opération européenne EUNAVFOR MED Sophia lancée en 2015 a vocation à lutter contre les trafics qui prospèrent en méditerranée orientale et apporter une réponse aux flux de migration massifs dirigés vers l’Europe. Son mandat initial est d’identifier, de capturer et de neutraliser les embarcations des passeurs et trafiquants de migrants afin de contribuer au démantèlement de leur modèle économique. Ce mandat a été élargi en juin 2016 pour inclure la formation des garde-côtes et de la marine libyenne et le contrôle de l’embargo sur les armes. Votre rapporteur estime que cette opération, un modèle du genre, constitue une mobilisation salutaire des Européens, complémentaire de l’action de l’OTAN en Méditerranée orientale. Elle ne doit cependant être qu’un élément d’une approche globale sur la question des migrations prenant également en compte les causes profondes.

Cette approche globale est pour le moment encore insuffisante. Son bras financier est la politique de voisinage de l’Union européenne, qui concerne la Méditerranée et l’est de l’Europe. Initialement centrée sur des enjeux commerciaux, cette politique s’est avérée en décalage avec les besoins de ces pays et proportionnellement insuffisante par rapport aux crédits dédiés au voisinage est de l’Europe. Cette politique de voisinage est actuellement en cours de révision afin de donner la priorité à la stabilisation des pays de la rive sud. Elle ne doit pas se limiter au champ de la sécurité mais embrasser toutes les autres causes d’instabilité : faible développement, absence de perspectives, corruption, déplacements incontrôlés de population, etc.

Ce changement de perspective est absolument nécessaire et urgent. Les pays de la rive sud de la méditerranée sont en demande et en attente de l’Europe ; ils souhaitent qu’à travers des partenariats globaux et d’égal à égal, nous les soutenions pour les réformes difficiles qu’ils doivent entreprendre. Votre rapporteure estime en effet que notre approche ne doit pas être purement sécuritaire ou commerciale. Elle ne doit pas non plus être moralisatrice. Ainsi notre positionnement sur la question des droits de l’homme doit prendre en compte les contraintes de l’environnement sécuritaire et le chemin parcouru afin d’accompagner au mieux ces pays vers plus de démocratie.

L’absence d’organisation régionale éprouvée entre les pays de la rive sud et avec eux demeure un obstacle à la mise en place de cette approche globale dont la dimension transfrontalière est forte. La question du Sahara occidental demeure un facteur bloquant majeur qui empêche toute initiative d’intégration du nord de l’Afrique. L’Union pour la Méditerranée (UpM), fondée pour rassembler les États de toutes les rives de la méditerranée autour de projets d’intérêt commun concrets, n’est pas parvenue à dépasser les clivages géopolitiques traditionnels. Face à ce relatif échec, le pragmatisme est de mise. Il doit nous inciter à privilégier comme enceinte de dialogue le format 5+5 qui a fait ses preuves (Cinq pays de la rive sud : Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye ; et cinq pays de la rive nord : Portugal, Espagne, France, Italie, Malte). Ce format de dialogue doit permettre d’identifier des projets qui pourront, dans un deuxième temps, galvaniser les énergies et permettre de dépasser ces clivages, selon une approche « des petits pas ».

CONCLUSION

Les évolutions portées par le projet de budget pour la défense pour 2017 attestent une prise de conscience – certes tardive, mais nos voisins s’y sont aussi laissé prendre – du caractère central des enjeux de sécurité. L’époque des « dividendes de la paix » qui a vu les budgets de défense fondre au lendemain de la guerre froide est définitivement révolue.

L’effort consenti en 2017 permet de parer au plus urgent. Mais il ne garantit pas l’avenir. De plus en plus de voix s’élèvent pour demander que le budget de défense soit rehaussé à 2% du PIB. C’est très ambitieux mais nécessaire. C’est un défi de taille qui impliquera, dès 2018, des décisions politiques difficiles et engagées. Le vote d’une nouvelle loi de programmation militaire sera nécessaire pour acter ce changement de paradigme.

Consciente de l’effort réalisé mais préoccupée par la prise en compte encore trop timide de l’urgence des besoins de notre défense, votre rapporteur s’en remet à la sagesse de la commission sur le budget proposé pour l’année 2017.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, le mercredi 2 novembre 2016 (37) , la commission des affaires étrangères, contrairement à l’avis de la rapporteure, a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 29 du projet de loi de finances pour 2017.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

PAR LA RAPPORTEURE

A Paris

Mardi 6 septembre 2016

– M. Bernard Bajolet, directeur général de la sécurité extérieure (DGSE)

Lundi 19 septembre 2016

– M. Jay Dharmadhikari, conseiller pour les affaires européennes et Mme Christine Mounau-Guy, conseillère parlementaire au cabinet du ministre de la défense

Mercredi 5 octobre 2016

– Général Grégoire de Saint-Quentin, ancien commandant du COS et sous-chef opération à l’état-major des armées, accompagné du Capitaine de Vaisseau Jean Hausermann, assistant militaire du GCA de Saint-Quentin

Jeudi 6 octobre 2016

– Amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la marine, accompagné du Capitaine de Vaisseau Dominique Caille, responsable des liaisons parlementaires auprès de l’amiral Prazuck, du Capitaine de Vaisseau Eric Vernet, chef du bureau « soutiens finances » et du Capitaine de frégate Julien Lalanne de Saint-Quentin, rédacteur de l’amiral Prazuck

Lundi 10 octobre 2016

– Général Philippe Adam, Major général de l’armée de l’air, accompagné du Colonel Jean-Luc Moritz, adjoint de l’officier général synthèse de l’état-major de l’armée de l’air et du Colonel Fabrice Dougnac, chef du bureau finances de l’état-major de l’armée de l’air

Mercredi 12 octobre 2016

– Général de brigade aérienne Paul Lyall, attaché de défense britannique, accompagné de M. Aurélien Gamet, conseiller affaires politiques et Parlement à l’ambassade.

Jeudi 13 octobre 2016

– Général Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre.

En Pologne – à Varsovie (les 20 et 21 septembre 2016) :

Son Exc. M. Pierre Levy, Ambassadeur de France en Pologne, Colonel Delawarde, Attaché de Défense, Lieutenant-colonel Philippe Abraham, Attaché de Défense adjoint, M. Martial ADAM, conseiller politique de l’ambassade, M. Sylvain Guiaugue, Premier conseiller.

Au Ministère de la Défense : Colonel Krzysztof Zielski, Chef du département de planification pour l’équipement, Mme Anna Czarnecka, Conseiller général du Département du budget du MON, Kmdr Artur Pierzyński, Chef monde occidental du DWSZ, au Département des relations extérieures.

M. Malek Opiola (PiS), Député au Sejm, chef de la délégation polonaise à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.

M. Michal Jach (PiS), membre de la commission de la Défense nationale au Sejm, de la sous-commission coopération internationale et OTAN, sous-commission industrie d’armement et modernisation technique des forces armées, rapporteur du budget de la Défense.

© Assemblée nationale

1 () Ces termes ont été empruntés au Général, major général de l’armée de l’air, auditionné par votre rapporteure le 10 octobre dernier.

2 () Réponse apportée par le Gouvernement au questionnaire budgétaire soumis par votre rapporteure.

3 () Ces statistiques sont issues du rapport de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 (n°3922).

4 () Audition du 6 septembre 2016

5 () C’est ce qu’a souligné M. Patrick Calvar, Directeur général du renseignement intérieur, devant la commission d’enquête précitée (rapport n°3922).

6 () L’Amiral Prazuck a été auditionné par votre rapporteure le 6 octobre 2016.

7 () Réponse apportée par le Gouvernement au questionnaire budgétaire soumis par votre rapporteure.

8 () Ibid.

9 () Stratégie militaire de la Chine, mai 2015, édition en langues étrangères consultable sur le site http://french.beijingreview.com.cn/alaune/txt/2015-05/27/content_689776.htm

10 () Le Général de Saint-Quentin a été auditionné par votre rapporteure le 5 octobre 2016.

11 () Rapport d'information « Interventions extérieures de la France : renforcer l'efficacité militaire par une approche globale coordonnée » de MM. Jacques GAUTIER, Daniel REINER, Jean-Marie BOCKEL, Jeanny LORGEOUX, Cédric PERRIN et Gilbert ROGER paru le 13 juillet 2016.

12 () Votre rapporteure s’est entretenue avec le Général Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, le 13 octobre 2016.

13 () Instruction ministérielle relative à l’engagement des armées sur le territoire national en cas de crise majeure du 3 mai 2010.

14 () « Conditions d’emploi des armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population », rapport au Parlement, 2016.

15 () Audition par la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, 12 octobre 2016.

16 () « Conditions d’emploi des armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire nationale pour protéger la population », rapport au Parlement, 2016

17 () Extrait du Livre Blanc de 2013 sur la sécurité et la défense nationale.

18 () Le montant des recettes exceptionnelles indiqué tient compte des décisions prises au cours de l’année 2014, qui ont conduit à l’accroître de 2 milliards d’euros, dont 500 millions d’euros mobilisés au cours de l’année 2014 en vertu de l’article 3 de la loi de programmation militaire dispose que « le montant des recettes exceptionnelles peut être augmenté de 0,5 milliards d’euros afin de sécuriser la programmation des opérations d’armement jusqu’à la première actualisation de la programmation », et 1,5 millions d’euros retranchés au budget de la défense par le budget triennal 2015-2017 et réintégrés sous forme de recettes exceptionnelles.

19 () Programme d’investissements d’avenir.

20 () Programme d’investissements d’avenir.

21 () Les quantités précises commandées en 2017 seront connues au lancement de la réalisation de l’opération.

22 () Les quantités précises livrées en 2017 seront connues au lancement de la réalisation de l’opération.

23 () Citation extraite du site Internet du ministère de la défense : http://www.defense.gouv.fr/drsd/breves/dpsd-devient-drsd

24 () « Les chausse-trapes de la remontée en puissance : défis et écueils du redressement militaire », focus stratégique de l’IFRI (n°52), lieutenant-colonel Guillaume Garnier, mai 2014.

25 () Audition du 10 octobre 2016.

26 () Audition du général De Villiers par la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, 12 octobre 2016.

27 () Audition de l’Amiral Rogel par la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, 15 octobre 2015.

28 () Comparaison des performances non applicable, les recommandations OTAN ne prévoient pas de chiffres pour les aéronefs de transport et les hélicoptères. La LPM est cohérente avec les standards OTAN et leur respect est nécessaire à l’efficacité de l’arme aérienne, à la sécurité des moyens et à leur interopérabilité.

29 () Audition du Général de Villiers, chef d’état-major des armées, par la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, 12 octobre 2016.

30 () IFRI, focus stratégique n°52, mai 2014.

31 () Ibid.

32 () Rapport d’information du Sénat n°794, « Interventions extérieures de la France, renforcer l’efficacité militaire par une approche globale coordonnée, juillet 2016, p. 186 et suivantes.

33 () Ibid., p.186

34 () « Sahel : repenser l’aide publique au développement », rapport d’information du Sénat n°728, 29 juin 2016.

35 () L’amiral Prazuck a été auditionné par votre rapporteure le 6 octobre dernier.

36 () Votre rapporteure a reçu l’amiral Paul Lyall, attaché de défense à l’ambassade du Royaume-Uni, mercredi 12 octobre 2016.

37 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2017/commissions_elargies/cr/c013.asp