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N
° 4125

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2017 (n° 4061),

PAR Mme Valérie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

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ANNEXE N° 16

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

ÉNERGIE, CLIMAT ET APRÈS-MINES

SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE

FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L’ÉLECTRIFICATION RURALE

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Rapporteur spécial : M. Marc GOUA

Député

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LE FINANCEMENT BUDGÉTAIRE DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE EN FRANCE 9

I. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DU PROGRAMME 174 ÉNERGIE, CLIMAT ET APRÈS-MINES FINANCENT PRINCIPALEMENT LA POLITIQUE SOCIALE DE L’APRÈS-MINES 9

A. LES CRÉDITS DESTINÉS À GARANTIR LES DROITS COLLECTIFS DES MINEURS POURSUIVENT LEUR BAISSE STRUCTURELLE 10

1. L’action garantit le financement et le versement des prestations de retraite des travailleurs des mines et ardoisières 10

2. L’action assure la gestion économique de l’après-mines pour soutenir les anciens sites en difficultés ou disparus 12

B. LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA POLITIQUE DE L’ÉNERGIE FINANCENT PRINCIPALEMENT L’AGENCE NATIONALE POUR LA GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS 12

1. La subvention de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs finance principalement l’assainissement des sites pollués orphelins 13

2. Le contrôle de la qualité des carburants constitue une obligation européenne financée par l’action 16

3. Le programme interministériel d’extension de la plaque continentale poursuit ses activités jusqu’en 2018 16

C. LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE SOUTIENNENT LES POLITIQUES EN FAVEUR DE LA QUALITÉ DE L’AIR 17

1. L’action participe au financement des missions des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air 17

2. Le Centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique fait face à une réduction significative de la subvention du programme 19

II. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DU PROGRAMME 345 SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE FINANCENT LES CHARGES DU SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE 20

A. LE PROGRAMME FINANCE LA PÉRÉQUATION TARIFAIRE AVEC LES ZONES NON INTERCONNECTÉES AU RÉSEAU MÉTROPOLITAIN 23

B. LES TARIFS SOCIAUX DE L’ÉNERGIE ET LE FUTUR CHÈQUE ÉNERGIE ASSURENT LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS EN SITUATION DE PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE 24

III. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE SOUTIENT LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ D’ORIGINE RENOUVELABLE 25

A. LE PROGRAMME 764 SOUTIENT LE DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES ET DES FUTURS EFFACEMENTS DE CONSOMMATION 28

B. LE PROGRAMME 765 ASSURE LES ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT LIÉS À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE 33

IV. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L’ÉLECTRIFICATION RURALE SOUTIENT L’ENTRETIEN DES RÉSEAUX ÉLECTRIQUES EN ZONE RURALE 35

A. LE COMPTE BÉNÉFICIE D’UNE RECETTE STABILISÉE À 377 MILLIONS D’EUROS EN 2017 35

B. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DU COMPTE SONT INTÉGRALEMENT RECONDUITS ET RÉORIENTÉS EN FAVEUR DE LA SÉCURISATION DES FILS NUS 36

SECONDE PARTIE : LE FINANCEMENT EXTRABUDGÉTAIRE DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE EN FRANCE 39

I. L’AVENIR DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE EST SUSPENDU À LA RÉUSSITE DE LA REFONDATION DE LA FILIÈRE ET DES RECAPITALISATIONS ENGAGÉES 39

A. LA RESTRUCTURATION DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE DOIT ÊTRE MENÉE À BIEN AVEC LA CESSION D’AREVA NP ET LA CRÉATION DU NOUVEL AREVA 40

B. L’ÉTAT DOIT PROCHAINEMENT INTERVENIR FINANCIÈREMENT COMME INVESTISSEUR AVISÉ POUR SOUTENIR LA RESTRUCTURATION DE LA FILIÈRE 41

C. L’ÉTAT S’EST ENGAGÉ À INDEMNISER ÉLECTRICITÉ DE FRANCE POUR LA FERMETURE ANTICIPÉE DE LA CENTRALE DE FESSENHEIM 43

D. LE FINANCEMENT DES AUTORITÉS DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE DOIT ÊTRE CONSOLIDÉ FACE À L’ACCROISSEMENT DES BESOINS D’EXPERTISE ET DE CONTRÔLE DE LA FILIÈRE 44

II. LE RENFORCEMENT DE L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE RESTE UN LEVIER INDISPENSABLE ET COMPLÉMENTAIRE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE 49

A. L’EFFORT FISCAL EN FAVEUR DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DES LOGEMENTS EST PROLONGÉ POUR 2017 50

B. LA TROISIÈME PÉRIODE DES CERTIFICATS D’ÉCONOMIES D’ÉNERGIE EST COMPLÉTÉE PAR LA CRÉATION D’UNE COMPOSANTE SOCIALE 52

III. LA TARIFICATION DE L’ÉNERGIE DOIT PERMETTRE AUX ACTEURS DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DE FINANCER LEURS INVESTISSEMENTS 53

A. UNE TARIFICATION PLUS JUSTE DES EXTERNALITÉS EST IMPÉRATIVE PAR LA MISE EN PLACE D’UN VÉRITABLE PRIX DU CARBONE ET DU MÉCANISME DE CAPACITÉ 53

B. LES MODALITÉS DE DÉTERMINATION DES TARIFS D’UTILISATION DES RÉSEAUX PUBLICS D’ÉLECTRICITÉ DOIVENT ÉVOLUER POUR TENIR COMPTE DE L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ 56

C. L’ACCÈS RÉGULÉ À L’ÉLECTRICITÉ NUCLÉAIRE HISTORIQUE DOIT ÊTRE REPENSÉ POUR TENIR COMPTE DES NOUVELLES RÉALITÉS DU MARCHÉ 58

EXAMEN EN COMMISSION 61

ANNEXE : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 63

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 85 % des réponses relatives au programme Énergie, climat et après-mines étaient parvenues au Rapporteur spécial. En 2015, 67 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial à la même date.

INTRODUCTION

La mission Écologie, développement et mobilité durables rassemble l’ensemble des programmes mobilisés autour de la politique de transition énergétique et écologique. Parmi ces derniers, le programme 174 Énergie, climat et après-mines soutient les politiques relatives à la transition énergétique, amplifie les moyens de lutte contre le changement climatique et la pollution atmosphérique, et garantit les droits collectifs des mineurs ainsi que la gestion économique et sociale de l’après-mines. Il est désormais complété, depuis la réforme engagée par la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, par le programme 345 Service public de l’énergie qui finance une partie des charges du service public de l’énergie.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, les crédits budgétaires mobilisés pour la mission passent de 9,2 milliards d’euros en 2016 à 9,7 milliards d’euros en 2017. Le programme 174 poursuit quant à lui la tendance baissière observée depuis le début du quinquennat, du fait de la diminution naturelle des prestations sociales de l’après-mines, à 457 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de près de 10 % par rapport à l’année précédente. Le programme 345 entame sa première année de fonctionnement complète pour s’établir en 2017 à 2 548 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de près de 24 % par rapport à l’année passée – principalement en raison d’une budgétisation en année pleine du programme. Aux crédits budgétaires de ces deux programmes, il convient d’ajouter 19 dépenses fiscales pour un montant total de 3 898 millions d’euros, en hausse de 6 % par rapport à 2016.

Le projet de loi de finances pour 2017 est également marqué par la mise en place, sur une année pleine, du nouveau compte d’affectation spéciale Transition énergétique (CAS TE) qui a vocation à financer, d’une part, le développement des énergies renouvelables et des effacements de consommation, et d’autre part, les engagements financiers de l’État liés à la transition énergétique – en particulier le remboursement au groupe Électricité de France (EDF) des déficits de compensation accumulés au titre des charges du service public de l’électricité. Le CAS TE – dont l’équilibre entre recettes et dépenses semble assuré – sera doté en 2017 de 6 983 millions d’euros.

Il convient enfin d’ajouter les moyens budgétaires dédiés au compte d’affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (CAS FACÉ) qui finance une partie du coût des travaux de développement et d’adaptation des réseaux ruraux de distribution publique d’électricité pour un montant de 377 millions d’euros en 2017 – soit à un niveau similaire à celui observé en 2016.

Au total, l’effort budgétaire et fiscal en faveur de la politique énergétique – dans le périmètre de contrôle du Rapporteur spécial – s’élève pour 2017 à près de 14 263 millions d’euros.

Pour autant, l’ensemble des crédits et des dépenses fiscales précédemment cités ne reflète qu’une partie des moyens financiers consacrés à la transition énergétique et écologique. Au-delà des crédits budgétaires engagés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, une grande partie du financement de la politique énergétique de notre pays est extrabudgétaire. Les infrastructures de transport d’électricité sont financées en grande partie par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), tandis que la rénovation énergétique est financée tant à travers les certificats d’économies d’énergie (CEE) que par le biais de mesures fiscales incitatives telles que le crédit d’impôt transition énergétique.

Le choix du Rapporteur spécial est néanmoins de fournir, à travers ce rapport spécial, un tour d’horizon de l’ensemble des politiques énergétiques. L’année 2017 sera particulièrement marquée par la mise en œuvre concrète de la transition énergétique et des premiers paliers de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Il s’agit de passer à un mode de production d’énergie plus diversifié et responsable, tout en mettant tout en œuvre pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire la consommation d’énergie, sans pour autant faire supporter la charge de ses politiques sur les consommateurs les plus précaires ou les industries exposées à une forte concurrence internationale et électro-intensives.

*

* *

PREMIÈRE PARTIE : LE FINANCEMENT BUDGÉTAIRE DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE EN FRANCE

Le financement budgétaire des politiques énergétiques est principalement assuré par les programmes budgétaires 174 Énergie, climat et après-mines et 345 Service public de l’énergie au sein de la mission Écologie, développement et mobilité durables, le compte d’affectation spéciale Transition énergétique ainsi que le compte d’affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale. L’ensemble de ces programmes et comptes spéciaux représentent, dans le projet de loi de finances initiale pour 2017, un total de 10 365 millions d’euros en crédits de paiement.

I. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DU PROGRAMME 174 ÉNERGIE, CLIMAT ET APRÈS-MINES FINANCENT PRINCIPALEMENT LA POLITIQUE SOCIALE DE L’APRÈS-MINES

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, le programme 174 Énergie, climat et après mines se caractérise, pour la cinquième année consécutive, par une diminution de ses dotations budgétaires qui passent de 510 millions d’euros à 457 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de près de 10,3 % par rapport à l’année précédente. La baisse des crédits ainsi observée, qui se répercute sur l’ensemble des actions du programme, a conduit à une diminution de près de 231 millions d’euros depuis la loi de finances initiale (LFI) de 2013, soit 33,5 % de moins en cinq années. La baisse s’accentue toutefois avec une diminution des crédits de paiement de 53 millions d’euros en 2017 contre 35 millions d’euros en 2016.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
DU PROGRAMME ÉNERGIE, CLIMAT ET APRÈS-MINES

(en millions d’euros)

 

LFI 2013

LFI 2014

LFI 2015

LFI 2016

PLF 2017

Évolution 2016/2017

Programme 174

687,46

595,79

544,32

509,59

456,97

– 10,3 %

Politique de l’énergie

6,44

6,19

5,80

4,16

4,05

– 2,6 %

Gestion économique et sociale de l’après-mines

594,16

553,42

506,90

476,33

424,28

– 10,9 %

Lutte contre le changement climatique

35,01

34,53

30,44

27,95

27,52

– 1,5 %

Soutien

1,85

1,65

1,17

1,15

1,12

– 2,6 %

Source : projet annuel de performances pour 2017 (PAP).

Dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2017, la baisse des crédits observés est, comme au cours des années précédentes, principalement portée par la gestion économique et sociale de l’après-mines qui représente à elle seule 92,8 % des dépenses du programme. Ainsi, sur les 53 millions d’euros d’économies proposées pour 2017, près de 99 % seront portées par l’action Gestion économique et sociale de l’après-mines. Les autres actions du programme 174 participent dans une moindre mesure à l’effort de maîtrise de la dépense publique. Hors crédits consacrés à l’action Gestion économique et sociale de l’après-mines, les crédits de paiement sont en diminution de 1,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2016, soit à un niveau quasi identique à celui observé l’année passée.

À ces crédits budgétaires, il convient enfin d’ajouter 19 dépenses fiscales sur impôts d’État et locaux. L’ensemble des dépenses fiscales se chiffre en 2017 à 3,898 milliards d’euros, en hausse de 6 % par rapport à 2016 (3,678 milliards d’euros) et de 107 % par rapport à 2014 (1,884 milliard d’euros) et qui représente près de 8,5 fois les dépenses budgétaires du programme 174. La hausse observée les dernières années résulte principalement de la réforme du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) telle que votée par la loi de finances pour 2015, mais également de la montée en puissance des exonérations de taxes intérieures de consommation (TIC).

A. LES CRÉDITS DESTINÉS À GARANTIR LES DROITS COLLECTIFS DES MINEURS POURSUIVENT LEUR BAISSE STRUCTURELLE

Le budget de l’action Gestion économique et sociale de l’après-mines s’élève en 2017 à 424,28 millions d’euros, soit une diminution de 10,9 % par rapport à 2016 (476,33 millions d’euros), l’essentiel du montant étant destiné à l’Agence nationale pour la garantie des droits de mineurs (ANGDM). Deux autres établissements publics sont concernés dans une moindre mesure : la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) et la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG).

1. L’action garantit le financement et le versement des prestations de retraite des travailleurs des mines et ardoisières

L’action Gestion économique et sociale de l’après-mines assure le financement et le versement de prestations diverses aux retraités des mines fermées et de certaines mines et ardoisières en activité. La tendance générale de l’évolution des crédits de paiement est orientée à la baisse, principalement en raison de la baisse démographique de la population des bénéficiaires ou ayants droit.

Les crédits consacrés à l’action sont constitués à hauteur de 91 % par la dotation accordée à l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) pour un montant de 386,6 millions d’euros en 2017 (431,9 millions d’euros en 2016). Les dotations affectées au fonctionnement de l’agence représentent 12,8 millions d’euros en 2017 (13,4 millions d’euros en 2016). L’agence a pour mission de garantir au nom de l’État, en cas de cessation définitive d’activité d’une entreprise minière ou ardoisière, l’application des droits sociaux des anciens agents de ces entreprises et d’assumer les obligations de l’employeur en lieu et place des entreprises minières et ardoisières ayant définitivement cessé leur activité. En outre, elle peut également gérer les mêmes prestations sociales pour le compte d’entreprises minières et ardoisières en activité. Toutefois, les charges totales de l’ANGDM sont supérieures au montant des subventions de l’État et l’agence doit financer cet écart par un recours à ses ressources propres et, en cas de résultat négatif, par un prélèvement récurrent sur son fonds de roulement.

L’ANGDM versait des prestations à 118 800 bénéficiaires en moyenne annuelle en 2015 et devrait en verser à 112 900 bénéficiaires en 2016, soit une diminution de 5 % sur la période. La décroissance des dépenses d’intervention est liée à la baisse régulière du nombre de bénéficiaires en raison d’une moyenne d’âge élevée et de l’absence de nouveaux entrants.

SITUATION FINANCIÈRE DE L’AGENCE NATIONALE
POUR LA GARANTIE DES DROITS DES MINEURS

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Charges

584,9

536,7

484,2

443,1

410,2

Subventions budgétaires

493,9

464,0

416,6

400,0

386,6

Ressources propres

61,3

72,0

51,8

28,8

23,6

Résultat

– 29,7

– 0,6

– 15,8

– 14,3

0

Source : projet annuel de performances pour 2017 (PAP).

En dehors de l’ANGDM, les crédits consacrés à la gestion sociale de l’après-mines sont également affectés au financement :

– des prestations de retraite anticipée servies pour le compte de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) aux anciens mineurs de Charbonnages de France et d’autres entreprises minières disparues, en application de plans sociaux, pour un montant de 10,2 millions d’euros en 2017 contre 14,4 millions d’euros en 2016. Le nombre des bénéficiaires diminue régulièrement, du fait que les sortants sont plus nombreux que les entrants ;

– des pensions de retraite dues pour les services accomplis dans les industries électriques et gazières d’Afrique du Nord versées pour le compte de l’État par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) pour un montant de 9,3 millions d’euros en 2016 contre 9,9 millions d’euros en 2016. La tendance baissière des dépenses reflète également l’évolution du nombre des bénéficiaires.

2. L’action assure la gestion économique de l’après-mines pour soutenir les anciens sites en difficultés ou disparus

Les crédits de l’après-mines inscrits au programme 174 contribuent également au financement des travaux programmés sur la période 2013 à 2024 qui seront engagés pour la fermeture du site de stockage de déchets ultimes exploité par la société Stocamine, filiale des Mines de potasse d’Alsace (MDPA). Les premiers colis de déchets ont été extraits en 2014. Toutefois, les difficultés constatées depuis le démarrage des opérations de retrait des déchets mercuriels et arséniés, en raison notamment des phénomènes de décollement du toit des galeries souterraines et des risques d’éboulement, entraînent un ralentissement significatif de la cadence de déstockage des déchets et rendent incertaines les prévisions concernant le calendrier des travaux de déstockage. L’évolution des crédits affectés à fermeture du site tient compte du calendrier des opérations nécessaires à la mise en œuvre d’une solution durable pour le traitement du site de stockage de déchets Stocamine, soit 17,5 millions d’euros en 2017 contre 17,7 millions d’euros en 2016. Une montée significative en charge des crédits est à prévoir pour les prochaines années, avec un besoin de financement de 27,6 millions d’euros pour 2018 et 30 millions d’euros pour 2019.

En ce qui concerne le Fonds d’industrialisation des bassins miniers (FIBM), l’évolution des crédits est en relation avec l’extinction programmée du dispositif conçu depuis 1984 comme un dispositif de transition. L’attribution d’aides du FIBM, sous la forme d’aides aux entreprises pour des projets d’implantation ou de développement créateurs d’emplois, et d’aides aux collectivités territoriales pour l’aménagement de zones d’activité, a cessé définitivement depuis le 31 décembre 2013 pour l’ensemble des bassins miniers. La mission FIBM a cessé définitivement son activité au 1er avril 2016. Seule est prévue désormais la couverture en crédits de paiement des autorisations d’engagement restant ouvertes après le 31 décembre 2013, soit 0,73 million d’euros en 2017 contre 2,4 millions d’euros en 2016.

B. LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA POLITIQUE DE L’ÉNERGIE FINANCENT PRINCIPALEMENT L’AGENCE NATIONALE POUR LA GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS

L’action Politique de l’énergie est dotée de 4,05 millions d’euros en crédits de paiement au projet de loi de finances pour 2017, soit une quasi-stabilisation par rapport à 2016 (4,16 millions d’euros).

1. La subvention de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs finance principalement l’assainissement des sites pollués orphelins

L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) joue un rôle d’appui privilégié de l’État pour la mise en œuvre de la politique publique de gestion à long terme des déchets radioactifs. Les missions imparties à l’ANDRA se déclinent de la manière suivante :

– une mission de concepteur ensemblier d’une recherche de haut niveau dans le domaine du stockage de déchets radioactifs notamment à travers le projet CIGEO et le projet de centre de stockage des déchets nucléaires de faible activité à vie longue (FA-VL) ;

– une mission d’exemplarité dans la conduite des projets au regard des exigences de sûreté et de sécurité pour les services rendus à ses clients ;

– une mission d’expert public garant de l’exhaustivité des solutions de gestion des déchets radioactifs en appui aux pouvoirs publics : réalisation de l’inventaire national des matières et déchets radioactifs ; remise en état des sites pollués orphelins ; etc. ;

– enfin, une mission de centre d’information et de diffusion d’une information de référence en France et à l’international sur ses activités et sur ses projets.

Pour assurer la réalisation de l’ensemble de ses missions, les sources de financement de l’agence sont multiples et proviennent :

– de ressources propres d’origine contractuelle issues des rémunérations versées par les producteurs de déchets pour l’accueil des déchets radioactifs dans les centres de stockage en exploitation (environ 130 millions d’euros en 2016) ;

– du produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base (INB) pour le financement des recherches et études sur l’entreposage et le stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs (85 millions d’euros en 2016) ;

– de la contribution des producteurs de déchets pour financer les dépenses de conception du projet CIGEO (136 millions d’euros pour 2016) ;

– des subventions publiques dans le cadre du programme 174 pour la prise en charge de certains déchets, la remise en état de sites pollués radioactifs orphelins et la réalisation de l’inventaire national des déchets radioactifs (2,8 millions d’euros en 2017 et 2,95 millions d’euros en 2016).

ÉVOLUTION DU BUDGET DE L’AGENCE NATIONALE POUR LA GESTION DES DÉCHETS NUCLÉAIRES

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

Évolution

Ressources

274,6

349,5

381,1

+ 9,0 %

Subventions de l’État

4,23

2,95

2,8

– 5,1 %

Ressources fiscales

199,6

219,6

225,4

+ 2,6 %

Ressources propres et autres

70,7

127,1

152,9

+ 20,3 %

Dépenses

260,1

335,5

366,9

+ 9,4 %

Source : projet annuel de performances pour 2017 (PAP).

Le montant de la subvention du programme 174 versée à l’agence représente moins de 1 % de l’ensemble des ressources de l’agence pour la seule réalisation de missions particulières de service public. Elle subit toutefois une baisse significative par rapport à 2015, puisqu’elle passe de 3,87 millions d’euros en 2015 à 2,8 millions d’euros, soit une diminution de 33,8 % en à peine deux années. La subvention finance les missions suivantes :

– la réalisation de l’inventaire national afin d’établir, de mettre à jour et de publier l’inventaire des matières et déchets radioactifs présents en France ainsi que leur localisation sur le territoire national ;

– l’assainissement des sites pollués dont les responsables sont défaillants réalisé à la demande de l’État et piloté par la commission nationale des aides dans le domaine radioactif (CNAR) ;

– la prise en charge aidée d’objets radioactifs anciens tels que des objets au radium à usage médical ou des paratonnerres ;

– la réalisation d’étude dans le cadre du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR).

Le Rapporteur spécial souligne que la baisse significative de la subvention de l’ANDRA depuis 2015 ne lui permettra pas, dans un avenir proche, de poursuivre l’assainissement de certains sites contaminés, de continuer les opérations de diagnostic des sites pollués au radium, ou encore d’achever les opérations de reconditionnement sur le site du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de Cadarache. Il conviendra dès lors, dans les prochaines années, d’anticiper une réévaluation du montant de la subvention versée à l’ANDRA.

Le projet d’un centre de stockage réversible profond de déchets radioactifs

Le projet d’un centre de stockage réversible profond de déchets radioactifs (projet CIGEO) est conçu pour stocker les déchets hautement radioactifs et à durée de vie longue produits par l’ensemble des installations nucléaires actuelles, jusqu’à leur démantèlement, après retraitement des combustibles utilisés dans les centrales nucléaires.

Le principe du stockage profond a été retenu par la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs comme une solution sûre pour gérer à long terme ce type de déchets sans en reporter la charge sur les générations futures. Après préparation des colis, les déchets seront stockés dans des installations souterraines, situées à environ 500 mètres de profondeur, dans une couche de roche argileuse imperméable choisie pour ses propriétés de confinement sur de très longues échelles de temps. L’installation est conçue pour être réversible pendant toute la durée de l’exploitation afin de laisser des libertés d’action aux générations futures qui l’exploiteront.

Entré en phase pré-industrielle en 2011, le projet CIGEO a fait l’objet d’un débat public en 2013 sur la base de l’esquisse du projet. Après la phase d’avant-projet sommaire conduite de 2013 à 2015, la phase d’avant-projet détaillé, ultime étape avant la demande d’autorisation de création du centre, a été lancée début 2016. Enfin, la loi n° 2016-1015 du 25 juillet 2016 précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue est venue préciser la notion de réversibilité du stockage qui doit être pris en compte par l’ANDRA dans ses études : elle est la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l’exploitation des tranches successives d’un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion.

Le projet CIGEO est financé par les producteurs de déchets tels que Électricité de France (EDF), AREVA et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Les dépenses de conception du projet sont financées par une contribution créée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2013 (135 millions d’euros pour 2016). Les dépenses de recherche sur le stockage en couche géologique profonde sont financées par une taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base, dite taxe de recherche (84 millions d’euros pour 2016). L’évaluation complète du coût du projet a été arbitré par la ministre chargée de l’énergie et évalué, en janvier 2016, à 25 milliards d’euros pour la période.

Le Rapporteur spécial rappelle que dans le cadre du programme 174, une subvention de 0,16 million d’euros est attribuée au Comité local d’information et de suivi du laboratoire souterrain de recherche de Bure (CLIS de Bure).

2. Le contrôle de la qualité des carburants constitue une obligation européenne financée par l’action

La directive 98/70/CE relative à la qualité des carburants impose aux États membres de l’Union européenne de mettre en place un système de surveillance de la qualité des carburants au niveau national. Les prélèvements d’échantillons sont effectués sur l’ensemble du territoire national et sur les principaux produits pétroliers. Des prélèvements sont aussi effectués sur le gazole non routier, le fioul domestique, le gazole pêche, le diesel marine léger, les fiouls lourds et les fiouls soutes marines.

À l’issue d’un appel d’offres mené en juillet 2014, un nouveau marché pour la période 2015 à 2018 a été attribué à un prestataire pour la réalisation des prélèvements et des analyses. En 2015, 194 échantillons de combustibles ont été prélevés dans 89 dépôts : 5 205 analyses ont été réalisées et tous les résultats obtenus sont conformes aux exigences réglementaires. À ces analyses en dépôts, il convient d’ajouter 642 échantillons de carburants prélevés dans 222 stations-service : 22 067 analyses ont été réalisées, avec un taux global de non-conformité de 0,03 % pour toutes les caractéristiques contrôlées sur ces carburants. Ce taux est en baisse par rapport à 2014 où il était de 0,11 %.

Le budget prévu pour réaliser les prélèvements et les analyses des carburants et des combustibles s’élève pour 2017 à 0,7 million d’euros, soit à un niveau similaire par rapport à 2016.

3. Le programme interministériel d’extension de la plaque continentale poursuit ses activités jusqu’en 2018

Le programme EXTRAPLAC est un programme interministériel visant à délimiter l’extension du plateau continental dont la maîtrise d’ouvrage a été confiée à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER). Il est financé par le programme 174 à hauteur de 0,1 million d’euros en 2017, soit à un niveau similaire à 2016.

Les objectifs fixés initialement dans le cadre du programme EXTRAPLAC ont été atteints à la date du 13 mai 2009 tout en restant dans l’enveloppe budgétaire qui lui avait été initialement fixée. À cette date, l’ensemble des dossiers de revendications programmés à l’origine a été déposé et la surface totale de l’extension revendiquée est aujourd’hui estimée à 2,5 millions de km2 au lieu des 1 million de km2 initialement envisagés.

Sur les onze dossiers déposés, l’instruction de cinq d’entre eux est complètement achevée (Antilles, Golfe de Gascogne, Guyane, Kerguelen et Nouvelle-Calédonie) et pour quatre d’entre eux la limite extérieure du plateau continental a été publiée au journal officiel de la République française le 27 septembre 2015 (579 000 km2).

Trois dossiers sont en cours d’étude par la Commission des limites du plateau continental (CLPC), à savoir Crozet, La Réunion et Saint-Paul-et-Amsterdam et un est en attente d’examen (Wallis et Futuna). Deux dossiers ont été mis en attente par la CLPC (Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie) du fait d’un désaccord avec les pays voisins de ces régions. Le complément du dossier de Polynésie sera finalisé et déposé au cours de l’année.

C. LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE SOUTIENNENT LES POLITIQUES EN FAVEUR DE LA QUALITÉ DE L’AIR

L’action Lutte contre le changement climatique finance principalement les actions de l’État en matière de mesure et de suivi de la pollution atmosphérique en France, notamment à travers les associations agrées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) ou le Centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique (CITEPA). Les crédits de l’action s’élève à 27,52 millions d’euros en 2017, soit à un niveau quasiment similaire à celui de l’année 2016 (27,95 millions d’euros).

1. L’action participe au financement des missions des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air

L’action participe au financement des associations agrées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) au titre de leurs missions d’intérêt général de surveillance de la qualité de l’air, et au financement du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA), dispositif national chargé d’apporter un appui technique et scientifique aux AASQA. Le réseau national des AASQA constitue un réseau indépendant en matière d’information sur la pollution de l’air, bénéficiant d’un ancrage territorial fort et d’une gouvernance quadripartite entre l’État, les collectivités territoriales, les acteurs économiques et le monde associatif.

Il assure la surveillance de la qualité de l’air par des mesures de terrain et le développement de dispositifs de modélisation. Les AASQA sont tenues d’informer la population lorsque les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées ou risquent de ne pas l’être. Elles réalisent, en outre, des inventaires régionaux spatialisés des émissions et des prévisions sur la qualité de l’air, mais également un suivi des plans de protection de l’atmosphère (PPA). Le dispositif de surveillance de la qualité de l’air en France est constitué de 28 AASQA régionales agréées qui emploient plus de 550 personnes. Le réseau ainsi constitué s’appuie sur un réseau d’appareils de mesure répartis sur 650 stations. La carte régionale des AASQA est amenée à évoluer à la suite de la création des nouvelles grandes régions par la réalisation de fusions de structures avant le 1er janvier 2017, portant le nombre d’AASQA de 19 à 13 sur le territoire métropolitain.

Les AASQA sont financées par des subventions de l’État et des collectivités territoriales ainsi que par les dons des entreprises qui émettent des substances surveillées. Les entreprises qui financent les AASQA bénéficient en contrepartie d’une compensation par une déduction fiscale plafonnée de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Le montant des crédits prévus pour le fonctionnement des AASQA par le programme 174 est de 18,7 millions d’euros en 2017, soit un niveau similaire à celui de 2016. À l’inverse, les subventions versées par les collectivités territoriales s’orientent à la baisse du fait de la diminution progressive des dotations de l’État, rendant plus difficile la situation financière des AASQA. Les versements des entreprises industrielles restent limités pour certaines régions ne bénéficiant pas d’un tissu industriel développé.

Le Rapporteur spécial estime qu’il est nécessaire de conforter le financement des AASQA pour assurer l’adaptation continue du réseau de surveillance de la qualité de l’air aux nouvelles pollutions (pesticides, pollens, particules ultra fines, air intérieur, chauffage urbain, etc.), aux nouvelles méthodes de collecte et de diffusion de l’information (publicité des données et utilisation par des tiers dans le cadre du développements d’applications numériques), à l’appui des plans d’action des collectivités territoriales (Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux, Villes Respirables, Plans de Déplacement Urbains, etc.) ou encore à la réalisation de nouvelles missions (suivi technique des politiques locales en faveur de la qualité de l’air dans la réalisation de plan). La poursuite du renouvellement du parc, l’amélioration des activités de prévision, de modélisation et de caractérisation des particules ou encore la refonte des systèmes d’information national et locaux nécessitent en conséquence d’importants investissements.

Le Rapporteur spécial suggère que soit envisagé un renforcement du principe pollueur-payeur et que participent au financement des AASQA d’autres secteurs tels que l’agriculture, le transport ou le chauffage urbain. Il proposera dans ce cadre un dispositif d’exonération fiscale pour les entreprises concernées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017.

Le LCSQA assure pour sa part la coordination technique de la surveillance de la qualité de l’air. Dans ce cadre il participe à la coordination technique nationale, réalise des études méthodologiques en tant que garant de la qualité des données françaises, et mène des travaux prospectifs de manière à anticiper l’évolution des réglementations. La subvention du programme 174 s’élève à 4,62 millions d’euros en 2017.

2. Le Centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique fait face à une réduction significative de la subvention du programme

L’action participe au financement du Centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique (CITEPA), considéré comme un opérateur du programme. Le centre est une association à but non lucratif qui rassemble plus de 80 adhérents (industriels, fédérations et syndicats professionnels, bureaux d’études, organismes de recherche, associations de mesure de la qualité de l’air et laboratoires de mesure) dont la mission est d’élaborer et de partager une information de référence et indépendante sur la pollution atmosphérique ainsi que sur les émissions de polluants et de gaz à effet de serre.

Il réalise, pour le compte du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer (MEEM), les inventaires nationaux des émissions de gaz à effet de serre et de polluants requis dans le cadre des accords internationaux sur le climat et sur la qualité de l’air, ainsi que les inventaires croisés pour contrôler ceux effectués par les autres parties au traité. Il se voit également confier des études en réponse à des exigences européennes ou internationales et participe aux audits européens et internationaux. À ce titre, il constitue un centre national de référence des émissions atmosphériques dans le cadre du système national d’inventaires d’émissions et de bilans dans l’atmosphère (SNIEBA). L’activité du CITEPA en matière d’inventaires d’émissions revêt un intérêt particulièrement important dans la mesure où elle constitue l’un des éléments indispensables au regard des engagements souscrits par la France, en particulier lors de la COP 21.

Le CITEPA est financé par le programme 174 à hauteur de 1,24 million d’euros en 2017 contre 1,34 million d’euros en 2016 et 1,48 million d’euros en 2015. Il reçoit également une subvention du programme 181 à hauteur de 0,13 million d’euros en 2017 contre 0,15 million d’euros en 2016 et 2015. En brut, la baisse des crédits inscrits en projet de loi de finances pour 2017 est de près de 8,3 % par rapport à 2016 et de 16,2 % par rapport à 2015.

Toutefois, cette variation budgétaire ne rend pas compte de l’effort financier réalisé par le centre en 2017, puisque la ministre en charge de l’environnement avait accepté d’urgence le principe d’une subvention supplémentaire de 126 000 euros en 2016 pour permettre au CITEPA d’accompagner les parties prenantes à la mise en place du dispositif de déclaration des émissions polluantes et de déchets (GEREP). Une revue entre pays dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a également été financée exceptionnellement en 2016 en gestion budgétaire à travers notamment un dégel des réserves de précaution. Ainsi, le résultat net du CITEPA sera négatif pour la seconde année consécutive compte tenu de la baisse de la subvention et des missions croissantes du CITEPA.

La diminution des financements du programme a amené le CITEPA à rechercher d’autres sources de financement, notamment au niveau international dans le cadre de partenariats. L’importance et la brutalité des restrictions budgétaires constatées ne permettent toutefois plus au centre de mobiliser des ressources propres suffisantes et de réaliser l’intégralité de ses missions telles que le suivi de certains travaux internationaux, la réalisation de revues des inventaires étrangers d’émissions de gaz à effet de serre, le renforcement des capacités qui constitue pourtant une obligation internationale issue de la COP 21, ainsi que de nombreux travaux méthodologiques et scientifiques sur la pollution atmosphérique en France et à l’international. La situation budgétaire est désormais non-soutenable, d’autant plus que le centre doit faire face à une augmentation prévisible d’activité pour les prochaines années liée aux négociations en cours sur les émissions de polluants au niveau européen, au renforcement des engagements européens et internationaux à la suite de la signature de la COP 21, ou encore la mise en place de forum de pollution transfrontière. Le Rapporteur spécial constate ainsi que la situation budgétaire du centre, sur des montants pourtant minimes au regard du budget total de la mission, est en décalage avec les objectifs et le volontarisme politiques affichés en matière de lutte contre les gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques.

Le Rapporteur spécial estime qu’une telle situation, alors que la pollution atmosphérique devient un enjeu majeur de santé publique et de qualité de vie, est de nature à diminuer notre influence et notre crédibilité concernant l’engagement de la France dans la lutte contre le changement climatique et l’amélioration de la qualité de l’air. À titre d’exemple, le CITEMA ne participera pas en 2017 à des initiatives internationales majeures en matière de lutte contre la pollution de l’air et pourrait ne pas être en mesure de réaliser certains inventaires internationaux prévus par des accords internationaux. Le Rapporteur spécial s’inquiète de la diminution de la dotation en décalage avec les engagements de la France et appelle une nouvelle fois à un maintien des crédits de centre à un niveau équivalent de celui de 2015.

II. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DU PROGRAMME 345 SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE FINANCENT LES CHARGES DU SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE

La loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a introduit une réforme du financement des charges de service public de l’énergie dont une partie a fait l’objet d’une rebudgétisation au sein du programme 345 qui assure désormais le financement des charges du service public de l’énergie autrefois assuré par la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et par la contribution au tarif spécial de solidarité du gaz (CTSSG).

L’article L. 121-1 du code de l’énergie définit le service public de l’électricité comme ayant « pour objet de garantir, dans le respect de l’intérêt général, l’approvisionnement en électricité sur l’ensemble du territoire national », de contribuer « à l’indépendance et à la sécurité d’approvisionnement, à la qualité de l’air et à la lutte contre l’effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d’énergie, à la compétitivité de l’activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d’avenir, comme à l’utilisation rationnelle de l’énergie » tout en concourant « à la cohésion sociale, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l’environnement ». Pour les entreprises du secteur du gaz, l’article L. 121-32 du code de l’énergie impose également la mise en place d’un tarif spécial de solidarité aux personnes en situation de précarité.

Dans ce cadre, le programme 345 assure le financement des missions suivantes :

– la péréquation tarifaire avec les zones non interconnectées (ZNI) afin d’assurer un même tarif réglementé de vente d’électricité sur l’ensemble du territoire national ;

– la lutte contre la précarité énergétique par la mise en place de tarifs spéciaux de solidarité de l’électricité et du gaz ou du futur chèque énergie ;

– le soutien de la production d’électricité à partir d’installations de cogénération au gaz afin de réaliser des économies d’énergie dans le cadre de la transition énergétique ;

– le financement du dispositif de médiation public dans le secteur de l’énergie assuré par le Médiateur de l’énergie.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 345 SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE

(en millions d’euros)

 

2016

2017

Programme 345 – Service public de l’énergie

2 049,6

2 548

Solidarité avec les zones non-interconnectées au réseau métropolitain

1 072,7

1 380,3

Protection des consommateurs en situation de précarité énergétique

316,1

496,9

Soutien à la cogénération

468,2

565,6

Compensation carbone

93

-

Frais de support

93,9

99,9

Médiateur de l’énergie

5,7

5,3

Source : projet annuel de performances pour 2017 (PAP).

Le Rapporteur spécial rappelle que lors de la création du programme en loi de finances, ce dernier avait été doté des crédits permettant de compenser 80 % des charges financées par la CSPE et 75 % des charges financées par la CTSSG afin de tenir compte de la montée en charge progressive du dispositif. Le programme bénéficie ainsi d’une mesure de périmètre de 527,4 millions d’euros pour 2017 par rapport à la LFI pour 2016.

Les crédits ouverts en 2016 pour les trois premières actions du programme sont déterminés par la délibération du 13 juillet 2016 relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2017 de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Les écarts constatés pour ces trois actions entre les crédits ouverts au programme et les charges évaluées par la CRE résultent :

– à l’action Protection des consommateurs en situation de précarité énergétique par la prise en compte des moyens budgétaires correspondant à l’expérimentation en cours du chèque énergie pour un total de 56,7 millions d’euros ;

– à l’action Soutien à la cogénération par la prise en compte de deux appels d’offres de soutien à la cogénération au gaz naturel qui seront lancés au début de l’année 2017 et qui n’ont pas pu être pris en compte par la CRE au moment de la délibération pour un montant de 60 millions d’euros.

En revanche, le Rapporteur spécial note que le projet de loi de finances pour 2017 n’inclut pas dans le programme le montant relatif à la réévaluation des charges de service public au titre de 2016 effectuée par la CRE pour un montant de 28,1 millions d’euros (périmètre du programme uniquement). Cette situation est d’autant plus préjudiciable que l’article L. 121-19-1 du code de l’énergie dispose que « pour chaque opérateur, si le montant de la totalité des acomptes versés au titre d’une année est inférieur, respectivement supérieur, au montant constaté des [charges de service public de l’énergie], il en résulte une charge, respectivement un produit, qui porte intérêt à un taux fixé par décret. La charge ou le produit ainsi calculé est, respectivement, ajoutée ou retranché aux charges à compenser à cet opérateur pour les années suivantes ». L’action Frais de support du programme devra dès lors faire l’objet d’une réévaluation afin de tenir compte du déficit constaté par la CRE.

ÉVOLUTION DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE
PAR TYPES DE CHARGES COUVERTES PAR LE PROGRAMME 345

(en millions d’euros)

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées

1 198,3

1 296,7

1 422,1

1 651,0

1 616,5

1 470,7

1 380,3

Contrats d’achat cogénération

801,7

743,8

546,9

412,1

499,5

562,0

505,6

Dispositions sociales

68,4

93,8

133,4

350,3

390

417,2

440,2

Source : Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Le programme 345 finance d’autres dispositifs tels que le Médiateur de l’énergie (5,33 millions d’euros pour 2017) ou encore les frais de support du dispositif qui correspondent aux intérêts versés à Électricité de France (EDF) au titre de la dette historique de la CSPE (99,6 millions d’euros pour 2017) ainsi qu’aux frais de gestion de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) (0,3 million d’euros pour 2017).

A. LE PROGRAMME FINANCE LA PÉRÉQUATION TARIFAIRE AVEC LES ZONES NON INTERCONNECTÉES AU RÉSEAU MÉTROPOLITAIN

La péréquation tarifaire permet aux consommateurs des zones non interconnectées (ZNI) de bénéficier de prix de l’électricité comparables à ceux applicables en métropole continentale alors même que les coûts de production de l’électricité dans ces zones sont sensiblement supérieurs à ceux de la métropole. Il en résulte pour les opérateurs historiques, EDF Systèmes énergétiques insulaires (EDF SEI), Électricité de Mayotte (EDM) et Électricité et Eau de Wallis et Futuna (EEWF), des surcoûts qui doivent faire l’objet d’une compensation par l’État.

Les charges liées à la production d’électricité dans les ZNI et compensées par cette action sont constituées, d’une part, des surcoûts de production d’électricité à partir des installations appartenant aux opérateurs historiques entre le coût de production et la part production du tarif réglementé de vente (633,7 millions d’euros pour 2017), d’autre part, des surcoûts d’achat d’électricité dans le cadre de contrats conclus entre les producteurs tiers et les fournisseurs historiques pour les installations thermiques (746,6 millions d’euros pour 2017). Les surcoûts d’achat sont calculés comme l’écart entre le prix auquel le fournisseur historique achète l’électricité à un producteur tiers et la part production du tarif réglementé de vente. Les surcoûts d’achat pour les installations d’énergies renouvelables dans les ZNI sont quant à eux financés par le compte d’affectation spéciale Transition énergétique (298,1 millions d’euros pour 2017).

RÉPARTITION DES CHARGES DE PÉRÉQUATION TARIFAIRE
ENTRE ZONES NON INTERCONNECTÉES

(en millions d’euros)

 

Surcoûts de production des opérateurs historiques

Surcoûts d’achat à des producteurs tiers

Total des surcoûts

Corse

118,5

104,8

223,3

Guadeloupe

83,9

219,4

303,3

Martinique

95,2

147,0

242,2

Guyane

147,4

18,1

165,5

Réunion

47,2

257,3

304,5

Saint-Pierre-et-Miquelon

25,8

 

25,8

Îles Bretonnes

3,4

 

3,4

Mayotte

110,1

 

110,1

Wallis et Futuna

2,3

 

2,3

Total

633,7

746,6

1 380,3

Source : projet annuel de performances pour 2017 (PAP).

B. LES TARIFS SOCIAUX DE L’ÉNERGIE ET LE FUTUR CHÈQUE ÉNERGIE ASSURENT LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS EN SITUATION DE PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE

L’action assure le financement des dispositifs d’aide aux ménages en situation de précarité. Elle assure tout d’abord le financement du tarif de première nécessité (TPN) pour l’électricité (294,4 millions d’euros pour 2017) et du tarif spécial de solidarité (TSS) pour le gaz (108,7 millions d’euros pour 2017). Les personnes bénéficiant du TPN pour l’électricité et du TSS pour le gaz sont celles en situation de précarité titulaire d’un contrat de fourniture d’électricité ou de gaz ainsi que la plupart des résidences sociales. Les bénéficiaires de ces tarifs bénéficient également de la gratuité de la mise en service et d’une réduction de 80 % des frais de déplacement pour impayés. Les pertes et les coûts de gestion supplémentaires liés à la mise en œuvre des tarifs sociaux de l’énergie font l’objet d’une compensation au profit des fournisseurs d’électricité et de gaz concernés pour un montant total de 403,1 millions d’euros pour 2017. Le dispositif des tarifs sociaux représente une aide moyenne de 140 euros par ménage, soit 8 % de la facture d’énergie annuelle d’un ménage.

NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DES TARIFS SOCIAUX DE L’ÉNERGIE

(en millions de bénéficiaires)

 

2011

2012

2013

2014

2015

TPN

0,3

0,7

1,0

1,8

2,1

TSS

0,3

0,5

0,7

0,7

1,1

Source : questionnaires budgétaires.

Malgré la mise en œuvre d’actions volontaristes et largement déployées, le nombre de bénéficiaires effectifs des tarifs sociaux reste très inférieur au nombre de ménages éligibles, qui est d’environ 4,5 millions de ménages. En particulier, l’identification automatique des ayants droit dans les fichiers clients des fournisseurs se heurte à certaines difficultés techniques difficiles à surmonter. Consciente des limites des tarifs sociaux actuels, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a mis en place le chèque énergie dédié au paiement des factures d’énergie du logement.

Il prend la forme d’un titre spécial de paiement permettant aux ménages dont le revenu fiscal de référence est, compte tenu de la composition du ménage, inférieur à un plafond, d’acquitter tout ou partie du montant des dépenses d’énergie relatives à leur logement. La valeur du chèque énergie varie entre 74 euros et 227 euros pour les ménages les plus défavorisés. Le montant moyen d’aide est d’environ 150 euros, soit un montant proche du montant moyen d’aide constaté dans le cadre des tarifs sociaux. L’action finance l’expérimentation en cours du dispositif qui doit progressivement remplacer les tarifs sociaux pour être généralisé au plus tard le 1er janvier 2018 : 173 000 chèques énergie ont ainsi été distribués fin mai 2016 dans les quatre départements concernés. La dépense liée aux chèques émis s’élève à 28 millions d’euros pour 2017 dont 26 millions d’euros pour la valeur des chèques et 2 millions d’euros de frais de gestion de l’Agence de services et de paiement (ASP). Celle liée aux chèques émis en 2016 s’élevait à 28,7 millions d’euros. Le dispositif n’ayant été finalisé qu’en mai 2016, cette dépense n’a pas pu être budgétisée en LFI 2016 : l’inscription de ce montant dans les crédits de l’action permet de régulariser cette compensation dès 2017.

Les opérateurs bénéficient également d’une prise en charge d’une partie de leur contribution aux fonds de solidarité logement (FSL), pour un montant plafonné à 20 % des charges supportées au titre du tarif de première nécessité (28,6 millions d’euros pour 2017). Ces derniers accordent, dans chaque département, des aides financières aux personnes qui rencontrent des difficultés pour assurer les dépenses de leur logement. Les aides des FSL peuvent notamment permettre de financer d’une part, les dépenses liées à l’entrée dans un logement (dépôt de garantie, premier loyer, assurance du logement, frais de déménagement, etc.), d’autre part, les dettes de loyers charges comprises, les factures d’énergies (électricité, gaz), d’eau et de téléphone.

L’action prend également en compte les coûts correspondant au déploiement des afficheurs déportés de la consommation d’énergie qui sont compensés dans la limite d’un montant unitaire maximal par ménage qui est fixé par arrêté du ministre chargé de l’énergie. En effet, les articles L. 337-3-1 et L. 445-6 du code de l’énergie imposent, respectivement aux fournisseurs d’électricité et de gaz naturel, de proposer à leurs clients bénéficiant d’un tarif social de l’énergie et équipé du nouveau compteur communiquant Linky ou Gazpar, une offre de transmission de leurs données de consommation d’énergie, exprimées en euros, au moyen d’un dispositif déporté d’affichage (8,5 millions d’euros).

III. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE SOUTIENT LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ D’ORIGINE RENOUVELABLE

La loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a modifié en profondeur les modalités de financement du soutien de l’État en faveur de la production d’électricité d’origine renouvelable par la création d’un compte d’affectation spéciale Transition énergétique (CAS TE). La disposition mis en place permet une meilleure budgétisation des charges du service public de l’électricité et du gaz, regroupées et désormais dénommées charges de service public de l’énergie, tout en garantissant leur financement par les taxes intérieures sur la consommation finale d’énergie et la suppression des contributions spécifiques antérieures. Le nouveau CAS TE retrace désormais en recettes :

– le produit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) diminué de 2 043 millions d’euros pour 2016, puis de 2 548 millions d’euros pour 2017 ;

– une fraction du produit de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) de 2,16 % pour 2016, puis de 26,64 % pour 2017 (1) ;

– une fraction du produit de la taxe intérieure sur les houilles, les lignites et les cokes (TICC) de 0 % pour 2016, puis de 9,09 % pour 2017 (1) ;

– une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) revenant à l’État de 0 % pour 2016, puis de 7,72 % pour 2017 (1) ;

– le cas échéant, de versements du budget général.

L’article 22 du projet de loi de finances pour 2017 augmente les recettes du CAS TE, ce qui permet d’équilibrer le solde du compte en mettant à contribution les énergies carbonées. La contribution de la TICFE au CAS TE est maintenue au même niveau que celui prévu initialement soit 5 252 millions d’euros. Pour parvenir à équilibrer le compte en 2017, la contribution en année pleine de la TICGN est portée à 373 millions d’euros au lieu de 30 millions d’euros, celle de la TICC est portée à 1 million d’euros au lieu de 11 millions d’euros, et celle de la TICPE à 1 357 millions d’euros au lieu de 368 millions d’euros. Les énergies carbonées contribuent ainsi au financement de la transition énergétique pour un montant représentatif de la hausse du prix de la tonne carbone. Le financement retenu est ainsi conforme à la volonté du Rapporteur spécial de faire financer les charges du service public de l’énergie par l’ensemble des énergies et non pas seulement l’électricité.

ÉVOLUTION DES RECETTES DU COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

(en millions d’euros)

 

2016

2017 (1)

2017 (2)

TICFE

4 357

5 252

5 252

TICGN

17

373

30

TICC

0

1

11

TICPE

0

1 357

368

Subvention État

0

0

0

Total recettes

4 374

6 983

5 661

(1) Niveau de recettes prenant en compte des modifications effectuées par l’article 22 du PLF pour 2017.

(2) Niveau des recettes sans prise en compte des modifications effectuées par l’article 22 du PLF pour 2017.

Source : projet annuel de performances pour 2017 (PAP).

En dépenses, le CAS se divise en deux programmes. D’une part, le programme 764 Soutien à la transition énergétique, qui retrace :

– la compensation aux opérateurs du service public de l’électricité des charges imputables au titre des contrats d’obligation d’achat d’électricité produite à partir d’une source d’énergie renouvelable ou encore des contrats de complément de rémunération ;

– la compensation aux opérateurs des contrats résultant de la mise en œuvre des appels d’offres incitant au développement des effacements de consommation ;

– la compensation des charges imputables aux obligations assignées aux fournisseurs de gaz naturel au titre de l’obligation d’achat de biogaz.

D’autre part, le programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique, qui retrace :

– le remboursement aux opérateurs du service public de l’électricité des déficits de compensation accumulés par le mécanisme de la contribution au service public de l’électricité au 31 décembre 2017 ;

– des versements au profit du budget général correspondant aux montants des remboursements et dégrèvements au titre de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) ;

– des versements au budget de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) correspondant à des demandes de remboursements partiels au titre des consommations des industriels bénéficiaires du plafonnement de la CSPE ;

– le remboursement des dépenses relatives à la réalisation d’études techniques de qualification des sites d’implantation produisant de l’électricité à partir d’une source d’énergie renouvelable (2).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

(en millions d’euros)

 

2016

2017

Programme 764 – Soutien à la transition énergétique

3 650

5 680

Soutien aux énergies renouvelables électriques

3 633

5 630

Soutien à l’effacement de consommation électrique

0

0

Soutien à l’injection de bio-méthane

17

50

Programme 765 – Engagements financiers liés à la transition énergétique

724

1 303

Désendettement vis-à-vis des opérateurs supportant des charges de service public de l’électricité

194

1 228

Versement au profit du budget général correspondant aux montants des remboursements et dégrèvements au titre de la TICFE

0

0

Versements au profit de la CDC correspondant à des remboursements partiels de CSPE

530

75

Total compte d’affectation spéciale

4 374

6 983

Source : projet annuel de performances pour 2017 (PAP).

A. LE PROGRAMME 764 SOUTIENT LE DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES ET DES FUTURS EFFACEMENTS DE CONSOMMATION

Le programme 764 Soutien à la transition énergétique s’articule autour de plusieurs actions dont le soutien au développement des énergies renouvelables représente la quasi-intégralité des crédits budgétaires depuis la mise en place du CAS.

La transition énergétique souhaitée par la loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) passe par une diversification des sources de production et d’approvisionnement en énergie. Elle se traduit par la montée en puissance des énergies renouvelables et par une diminution de la part relative de l’énergie nucléaire, pour atteindre l’objectif de porter à 23 % en 2020 puis 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale en 2030, et de porter la part des énergies renouvelables à 40 % de la production d’électricité en 2030. Cette dernière était de 17,5 % en 2016 avec un objectif de 18,3 % pour 2017.

Depuis le début du quinquennat, les efforts en faveur de la transition énergétique ont été poursuivis et amplifiés permettant d’atteindre des résultats tangibles : la part de l’énergie produite à partir d’énergies thermiques fossiles – charbon, fioul ou gaz – a été diminuée de près de 30 % pour ne représenter plus que 6 % de l’énergie produite en France, alors que celle produite à partir d’énergies éoliennes et solaires a augmenté respectivement de 42 % et de 85 % pour représenter au total 5,3 % de l’énergie produite en France.

ÉVOLUTION DU MIX ÉLECTRIQUE EN FRANCE

(en millions d’euros)

 

2012

2015

Évolution énergie produite

 

Énergie produite (en TWh)

Part de la production

Énergie produite (en TWh)

Part de la production

Nucléaire

404,9

74,8 %

416,8

76,3 %

+ 2,9 %

Thermique fossile

47,9

8,8 %

34,1

6,2 %

– 28,8 %

Hydraulique

63,8

11,8 %

58,7

10,8 %

– 8,0 %

Éolien

14,9

2,8 %

21,1

3,9 %

+ 41,6 %

Solaire

4,0

0,7 %

7,4

1,4 %

+ 85,0 %

Bioénergies

5,9

1,1 %

7,9

1,4 %

+ 33,9 %

Total

541,4

100 %

546,0

100 %

+ 0,8 %

Source : bilan électrique de Réseau de transport d’électricité (RTE).

L’objectif de 23 % de part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale en 2020 est néanmoins ambitieux et l’effort restant à réaliser reste important. Pour atteindre cette objectif, un nouvel outil de pilotage dénommé programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a été mis en place afin de donner une vision d’ensemble de l’évolution souhaitée du système énergétique : maîtrise et pilotage de la demande, équilibre des différents moyens de production, développement des infrastructures de réseau, sécurité d’approvisionnement et compétitivité des prix de l’énergie. Elle doit permettre ainsi de mieux articuler les outils de politique énergétique pour promouvoir une transition énergétique responsable entre les différentes formes de production d’énergie. La PPE doit fixer des objectifs quantitatifs, pour chaque filière renouvelable, sur une période de 10 ans et sera revue tous les 5 ans, à l’exception de la première révision qui interviendra en 2018.

L’actuel projet de PPE se fonde, conformément à la LTECV, sur différents « scénarios de besoins énergétiques associés aux activités consommatrices d’énergie, reposant sur différentes hypothèses d’évolution de la démographie, de la situation économique, de la balance commerciale et d’efficacité énergétique ». Elle tient compte notamment pour le développement des énergies renouvelables des incertitudes techniques et économiques et fixe des options hautes et basses en fonction des hypothèses envisagées. En termes de développement des énergies renouvelables électriques, les objectifs suivants ont été fixés :

OBJECTIFS DE PUISSANCE DES INSTALLATIONS INSCRITS
DANS LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DE L’ÉNERGIE

(en mégawatts)

 

2014

2018

2023

Scénario bas

2023

Scénario haut

Hydraulique

25 300

25 300

25 800

26 050

Éolien terrestre

9 300

14 300

21 800

26 000

Solaire photovoltaïque

5 300

10 200

18 200

20 200

Éolien en mer posé

0

500

3 000

3 000

Énergies marines (éolien flottant, hydrolienne, etc.)

0

0

100

100

Bois-énergie

297

540

790

1 040

Méthanisation

85

137

237

300

Géothermie électrique

0

8

53

53

Déchets, biogaz de décharge et de STEP

1 200

1 350

1 500

1 500

TOTAL

41 000

52 000

71 000

78 000

Source : Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

L’essentiel de la transition énergétique à l’horizon 2023 sera principalement porté en volume par le développement massif de l’éolien terrestre (+ 12,5 GW) et du solaire photovoltaïque (+ 12,9 GW). Pour atteindre cet objectif ambitieux, le développement des énergies renouvelables bénéficie d’un soutien significatif de l’État. Le programme 764 finance les différents dispositifs de soutien au déploiement des énergies renouvelables parmi lesquels l’obligation d’achat ou le complément de rémunération, mobilisés alternativement pour les guichets ouverts ou les appels d’offres en faveur de l’électricité d’origine renouvelable, pour un montant total de 5 630 millions d’euros en 2017 contre 3 633 millions d’euros en 2016 (+ 55 %).

La procédure d’appels d’offres permet de maîtriser la production d’énergie renouvelable qui bénéficie du soutien public : lorsque les objectifs en termes de puissance installée fixés ne sont pas atteints, le ministre en charge de l’énergie a la possibilité de lancer des appels d’offres pour développer de nouvelles capacités de production. Sous cette contrainte globale, des projets sont sélectionnés notamment en fonction du prix d’achat proposé par les candidats. En fonction de la taille de l’installation, les lauréats des appels d’offres pourront bénéficier soit d’un tarif d’achat, soit d’un complément de rémunération. Le soutien au travers d’appels d’offres est particulièrement adapté aux filières renouvelables présentant un besoin de pilotage et avec de fortes asymétries d’information sur les coûts.

Le dispositif à guichet ouvert sous obligation d’achat impose à l’opérateur historique une obligation d’achat de la production d’énergie obtenue à partir de sources renouvelables, à un tarif garanti sur une longue période, en partie révisable et sensiblement supérieur au prix de marché. Par leur plus grande simplicité, les dispositifs en guichet ouvert, et notamment le dispositif d’obligation d’achat, sont plus adaptés aux installations de petites tailles. Le système des tarifs garantis ne permet néanmoins pas de contrôler la quantité d’énergie qui bénéficie du soutien public. Une éventuelle surestimation des coûts de production de la filière par les pouvoirs publics lors de la fixation du tarif assure aux investisseurs une rentabilité très élevée qui peut déclencher une bulle spéculative. Pour éviter une telle situation, les tarifs d’achat de chaque filière ont vocation à assurer une rentabilité normale aux capitaux investis et sont revus périodiquement afin de rester en adéquation avec la maturité de la filière et la baisse des coûts de production.

À la suite de l’adoption de la LTECV, un nouveau mécanisme de soutien, appelé complément de rémunération, se substitue partiellement au dispositif d’obligation d’achat pour certaines filières renouvelables. Le nouveau dispositif consiste en une prime, compensée par le CAS TE, versée à un producteur d’électricité à partir d’énergies renouvelables en complément de la vente sur le marché de l’électricité qu’il a produite. Comme pour l’obligation d’achat, le complément de rémunération est attribué sous deux formes : en guichet ouvert où les installations éligibles concluent directement un contrat de complément de rémunération avec Électricité de France (EDF) ou par appel d’offres. Le dispositif n’est pour le moment pas obligatoire pour les plus petites installations qui peuvent rester sous tarif d’achat, ni pour l’éolien terrestre dans un premier temps. De même que pour l’obligation d’achat, le niveau de la prime est déterminé pour chaque filière de façon à assurer une rentabilité normale des capitaux investis et est revu périodiquement afin de rester en adéquation avec la maturité de la filière et la baisse des coûts de production observée.

Les surcoûts résultant des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables électriques (contrats d’obligation d’achat, complément de rémunération ou appels d’offres) font l’objet d’une évaluation annuelle par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Elle a établi les charges prévisionnelles pour les contrats d’achat d’énergies renouvelables à 5 624 millions d’euros au titre de 2017, soit 71 % des charges de service public de l’énergie. L’augmentation des charges liées aux contrats d’achat des énergies renouvelables en 2017 par rapport à 2016 s’élève à 558 millions d’euros. Elle résulte principalement d’une poursuite du développement des filières de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, associée à une baisse des prix de marché de gros de l’électricité – la CRE estimant qu’une baisse de un euro par MWh des prix de marché de gros se traduit par une hausse des surcoûts de l’ordre de 50 millions d’euros. Le Rapporteur spécial souligne que la hausse observée ces derniers jours sur les prix de marché de gros de l’électricité, si elle venait à se confirmer, pourrait ainsi avoir des effets bénéfiques pour les finances du CAS TE.

ÉVOLUTION DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE PAR TYPES DE CHARGES COUVERTES PAR LE CAS TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

(en millions d’euros)

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Contrats d’achat énergies renouvelables

1 464,0

2 673,4

3 156,1

3 722,4

4 198,8

5 082,1

5 623,9

Complément de rémunération énergies renouvelables

-

-

-

-

-

0,5

5,5

Effacement

-

-

-

-

-

-

-

Obligation d’achat bio-méthane

-

-

-

-

7,1

20,9

49,9

TOTAL CHARGES CAS

1 464,0

2 673,4

3 156,1

3 722,4

4205,9

5103,5

5 679,2

Source : Commission de régulation de l’énergie (CRE).

La LTECV fixe également comme objectif d’atteindre, à horizon 2030, 10 % de renouvelables dans la consommation annuelle de gaz naturel, rendant nécessaire l’injection de 6,1 TWh de bio-méthane dans les réseaux de transport et de distribution de gaz naturel à l’horizon 2023. En 2016, seulement 0,2 TWh de bio-méthane était injecté, tandis que l’objectif affiché pour 2017 est de 0,6 TWh. Le programme 764 finance également le dispositif de tarifs d’achat par appels d’offre dans le domaine de l’injection de bio-méthane depuis avril 2016 pour un montant de 50 millions d’euros en 2017 contre 17 millions d’euros en 2016. Le dispositif repose sur l’octroi, au producteur qui exploite une installation de production de bio-méthane, d’un tarif d’achat garanti du bio-méthane injecté dans les réseaux de gaz naturel. Les tarifs d’achat sont fonction du type et de la taille de l’installation, ainsi que de la nature des intrants utilisés. Ils sont déterminés de manière à permettre la couverture des coûts d’investissement et d’exploitation de l’installation, ainsi qu’une juste rémunération du producteur.

Le programme 764 financera à terme la compensation aux opérateurs des contrats résultant de la mise en œuvre des appels d’offres incitant au développement des effacements de consommation. En effet, la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes a créé un nouveau cadre législatif favorable au développement des effacements de consommation afin de rémunérer les industriels capables de diminuer leur puissance appelée avec un préavis très court.

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a pérennisé et renforcé le dispositif existant. Elle donne une définition légale à l’effacement « comme l’action visant à baisser temporairement, sur sollicitation ponctuelle envoyée à un ou plusieurs consommateurs finals par un opérateur d’effacement ou un fournisseur d’électricité, le niveau de soutirage effectif d’électricité sur les réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité d’un ou de plusieurs sites de consommation ». Elle a également renforcé le dispositif en permettant de relever le niveau de la rémunération pour les sites les plus exposés, potentiellement jusqu’à 120 euros par kilowattheure et d’augmenter le volume de l’appel d’offres. Il s’agit d’un service rendu, contre rémunération, par les sites de consommation qui peuvent interrompre leur consommation d’électricité avec un préavis court, et qui contribue à la réduction du risque de défaillance du système électrique.

Les premiers appels d’offres seront organisés à partir de 2018 : le montant est par conséquent nul pour 2017, année pendant laquelle l’ancien dispositif de soutien aux effacements perdure, celui-ci étant financé par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE).

Enfin, dans le cas d’une adoption de l’actuel article 22 du projet de loi de finances pour 2017, le programme 764 sera amené à financer pour 1 million d’euros les dépenses relatives à la réalisation d’études techniques de qualification de certains sites d’implantation. Cela vaudra en particulier pour le développement de certaines filières de production telles que l’éolien en mer, pour lequel les zones propices à l’implantation des installations sont rares et les risques de conflits d’usage importants.

B. LE PROGRAMME 765 ASSURE LES ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT LIÉS À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Le programme 765 est principalement mobilisé pour rembourser la dette résultant du déficit de compensation des charges de service public de l’énergie (CSPE) vis-à-vis d’Électricité de France (EDF). Le déficit de CSPE s’était historiquement constitué par différence, sur la période allant de 2002 à 2015, entre le montant des charges de service public effectivement supportées par EDF et le montant de CSPE qui lui était attribué.

Le déficit de compensation accumulé doit désormais être remboursé dans le cadre d’un échéancier détaillé par l’arrêté du 13 mai 2016 pris en application de l’article R. 121-31 du code de l’énergie par les ministres chargés des finances et de l’énergie. Le montant total du déficit de compensation accumulé représentait 5 772 millions d’euros au 31 décembre 2015. La prise en compte de l’échéancier pour l’évaluation des charges à compenser en 2017 conduit à inclure les montants prévus par l’échéancier au titre du remboursement du déficit précité et des intérêts associés, soit respectivement 1 228 millions d’euros et 99 millions, pour un montant total de 1 327 millions d’euros. Le CAS TE ne finance toutefois que le remboursement du principal, les intérêts étant portés par le budget général de l’État au programme 345.

ÉCHÉANCIER PRÉVISIONNEL DE COMPENSATION DU DÉFICIT ET DES INTÉRÊTS CORRESPONDANTS AU TITRE DES MONTANTS DUS À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total

Déficit de compensation restant dû

5 772

5 579

4 351

2 730

891

0

-

Remboursement en principal du déficit par le CAS

0

194

1 228

1 622

1 839

891

5 772

Paiement des intérêts associés par le budget général

0

99,3

99,3

87,1

62,4

40,4

388,5

Source : Arrêté du 13 mai 2016 pris en application de l’article R. 121-31 du code de l’énergie.

À la suite de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), l’arrêté et l’échéancier doivent être amendés afin de prendre en compte le montant exact du déficit de compensation à fin 2015 et ainsi modifier légèrement l’annuité 2020 de remboursement du principal. En effet, la CRE estimait que le déficit cumulé de compensation pour EDF était au 31 décembre 2015 de 5 439 millions d’euros. Le Rapporteur spécial rappelle l’importance de respecter les engagements pris dans le cadre de l’échéancier. En effet, la situation actuelle est préjudiciable à l’opérateur historique dans une période où ce dernier est confronté à d’importants besoins de financements.

En revanche, le Rapporteur spécial note que le projet de loi de finances pour 2017 n’inclut pas dans le CAS TE le montant relatif à la réévaluation des charges de service public au titre de 2016 effectuée par la CRE pour un montant de 365,5 millions d’euros (CAS TE uniquement). Cette situation est d’autant plus préjudiciable que l’article L. 121-19-1 du code de l’énergie dispose que « pour chaque opérateur, si le montant de la totalité des acomptes versés au titre d’une année est inférieur, respectivement supérieur, au montant constaté des [charges de service public de l’énergie], il en résulte une charge, respectivement un produit, qui porte intérêt à un taux fixé par décret. La charge ou le produit ainsi calculé est, respectivement, ajoutée ou retranché aux charges à compenser à cet opérateur pour les années suivantes ».

Enfin, le programme 765 retrace également deux autres dépenses :

– les remboursements et dégrèvements de CSPE à verser au budget général. En effet, ces remboursements et dégrèvements sont intégralement imputés sur la mission Remboursements et dégrèvements du budget général de l’État tandis que les trop-perçus de CSPE seront mécaniquement affectés au présent compte d’affectation spéciale. Ces trop perçus, s’ils aboutissent à dépasser la prévision de recettes inscrites au CAS, pourront donner lieu à une majoration des crédits de la présente action en cours de gestion afin de permettre les compensations au budget général ;

– les remboursements liés aux régimes d’exonération de l’ancienne CSPE pour 75 millions d’euros en 2017 contre 530 millions en 2018 : les entreprises consommant plus de 7 GWh pouvaient demander le remboursement de la CSPE payée au-delà de 0,5 % de leur valeur ajoutée. Cette disposition s’appliquant aux consommations réalisées jusqu’au 31 décembre 2015, des demandes de remboursements, soumises à la validation de la Commission de régulation de l’énergie, auront lieu jusqu’en 2018.

IV. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L’ÉLECTRIFICATION RURALE SOUTIENT L’ENTRETIEN DES RÉSEAUX ÉLECTRIQUES EN ZONE RURALE

Le compte d’affectation a été créé par la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 et retrace :

– en recettes : les contributions dues par les gestionnaires des réseaux publics de distribution en application du I bis de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales ;

– en dépense : les aides liées au financement d’une partie du coût des travaux de développement et d’adaptation des réseaux ruraux de distribution publique d’électricité, prévues aux septième et huitième alinéas du I du même article L. 2224-31, ainsi que les frais liés à la gestion de ces aides.

A. LE COMPTE BÉNÉFICIE D’UNE RECETTE STABILISÉE À 377 MILLIONS D’EUROS EN 2017

Les règles de gestion d’un CAS imposent que les dépenses, en termes d’autorisations d’engagement (AE) et de crédits de paiement (CP), suivent le rythme et le niveau des recettes constatées dans l’année. En recettes, l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales définit les modalités de calcul de la contribution due par les gestionnaires de réseaux publics de distribution de l’électricité. Cette contribution est assise sur le nombre de kilowattheures (kWh) distribués à des clients finals à partir des ouvrages exploités en basse tension l’année précédant celle du versement de la contribution.

Pour 2016, la contribution doit venir abonder le CAS FACÉ pour un montant de 377 millions d’euros, soit à un niveau similaire aux années précédentes. Le Rapporteur spécial rappelle que les contributions du CAS FACÉ sont assurées à environ 94 % par Enedis.

En dépense, le CAS FACÉ s’organise en deux programmes : le programme 793 Électrification rurale pour un montant de 369,6 millions d’euros (soit 98 % des dépenses du compte), et le programme 794 Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d’utilité publique et intempéries pour un montant de 7,4 millions d’euros (soit 2 % des dépenses du compte).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L’ÉLECTRIFICATION RURALE (CAS FACÉ)

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

Programme 793 Électrification rurale

369,6

369,6

369,6

Renforcement des réseaux

184

184

172

Extension des réseaux

46,7

46,7

42,7

Enfouissement et pose en façade

55,5

55,5

44,5

Sécurisation des fils nus

39

39

51

Sécurisation des fils nus de faible section

42

42

55

Fonctionnement

1,4

1,4

1,4

Déclarations d’utilité publique

0,5

0,5

0,5

Intempéries

0,5

0,5

2,5

Programme 794 Opérations de maîtrise de la demande d’électricité (…) (1)

7,4

7,4

7,4

Sites isolés

2

2

2

Installations de proximité en zone non interconnectée

4

4

4

Maîtrise de la demande d’énergie

1,4

1,4

1,4

Compte d’affectation spéciale FACÉ

377

377

377

Source : projet annuel de performances pour 2017 (PAP).

(1) Programme 794 Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d’utilité publique et intempéries.

En conséquence, l’équilibre budgétaire semble assuré pour 2017, sous réserve que les crédits mobilisés soient effectivement dépensés en exécution budgétaire. Pour l’exécution 2016, la tendance pourrait conduire à une exécution budgétaire en hausse par rapport à celle de 2015, qui était déjà une année de forte croissance des montants d’aides versées.

B. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DU COMPTE SONT INTÉGRALEMENT RECONDUITS ET RÉORIENTÉS EN FAVEUR DE LA SÉCURISATION DES FILS NUS

Le CAS FACÉ s’organise en deux programmes : le programme 793 Électrification rurale et le programme 794 Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d’utilité publique et intempéries.

Le programme 793 Électrification rurale est la traduction financière du soutien aux actions de renforcement du réseau d’électrification rurale prévues au septième alinéa du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Il se répartit au sein de diverses actions visant des finalités spécifiques : renforcements des réseaux ; extensions des réseaux ; enfouissement et pose en façade ; sécurisation des fils nus et sécurisation des fils nus de faible section ; déclarations d’utilité publique très haute tension (DUP-THT) concernant les aides versées en contrepartie des contraintes liées à la création d’une ligne très haute tension ; et intempéries concernant le renforcement anticipé de réseaux altérés par d’éventuelles intempéries.

Pour 2017, les crédits du programme 793 Électrification rurale, principal programme du compte, s’élèvent à 369,6 millions d’euros comme les années précédentes. Le Rapporteur spécial note toutefois que les crédits pour 2017 sont réorientés pour un montant total de 27 millions d’euros en faveur de la sécurisation des fils nus au détriment du renforcement, de l’extension ou de l’enfouissement des réseaux.

Le programme 794 Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d’utilité publique et intempéries finance les actions ponctuelles intervenant sur le réseau de distribution d’électricité, menées au titre du huitième alinéa du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. L’objectif premier de ce programme est le financement d’unités de production décentralisées d’électricité, notamment dans les départements et régions d’outre-mer (DROM). Il favorise également la production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables, pour éviter des extensions trop coûteuses des réseaux.

Par ailleurs, ce programme permet également d’encourager diverses actions, dont le bien-fondé fait l’objet d’un examen au cas par cas : installation de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables au bénéfice de sites isolés hors DROM ; ou encore des actions de maîtrise de l’énergie permettant de différer voire d’éviter une solution classique d’extension ou de renforcement des réseaux.

Pour 2017, les crédits du programme 794 s’élèvent à 7,4 millions d’euros comme les années précédentes.

SECONDE PARTIE : LE FINANCEMENT EXTRABUDGÉTAIRE DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE EN FRANCE

Le financement de la politique de l’énergie ne se traduit pas uniquement à travers les dépenses budgétaires des programmes et comptes d’affectation spéciale dont le Rapporteur spécial a la responsabilité. Au-delà des crédits budgétaires engagés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, une grande partie du financement de la politique énergétique de notre pays est extrabudgétaire. Les infrastructures de transport d’électricité sont financées en grande partie par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), tandis que la rénovation énergétique menée par certains énergéticiens est financée à travers les certificats d’économies d’énergie (CEE). De même, la rénovation énergétique et la maîtrise de la consommation passe principalement par des dispositifs d’exonération fiscale tels que le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) ou l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). L’État s’engage enfin dans la politique énergétique du pays en s’investissant dans la refonte de la filière nucléaire du pays et en assumant son rôle d’actionnaire majoritaire par d’importantes recapitalisations financières.

I. L’AVENIR DE L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE EST SUSPENDU À LA RÉUSSITE DE LA REFONDATION DE LA FILIÈRE ET DES RECAPITALISATIONS ENGAGÉES

L’industrie nucléaire française a été en mesure de construire près de 58 réacteurs nucléaires – soit près de huit réacteurs mis en service chaque année dans les années 1980, d’acquérir une expérience d’exploitation de près de 2 000 années sans accident majeur de sûreté tout en se positionnant sur l’ensemble du cycle de l’atome, de la mine au recyclage en passant par l’enrichissement.

La filière nucléaire semble pourtant aujourd’hui dans une situation de crise sans précédent dont les symptômes majeurs sont connus : la défaillance industrielle et financière d’AREVA, les dérives financières et temporelles des grands projets du nouveau nucléaire avec Olkiluoto 3 (OL3) et Flamanville 3 (FL3), les irrégularités majeures constatées dans le processus de fabrication de composants lourds du parc nucléaire, ainsi que les insuffisantes capacités de financement du groupe EDF pour faire face aux investissements à venir. Pour autant, la situation actuelle ne doit pas masquer que les fondamentaux de la filière sont encore solides et ne remettent pas en cause la pérennité et les atouts de groupes qui jouent et peuvent continuer de jouer un rôle de leader sur le marché de l’énergie en France et à l’international. Il est nécessaire pour cela de mener à bien la restructuration de la filière nucléaire engagée par le Président de la République en juin 2015, tout en faisant subir à EDF et au Nouvel AREVA un saut de compétitivité, face à une concurrence nationale et internationale de plus en plus intense, afin que la filière renoue avec sa tradition d’excellence. Une telle restructuration doit enfin être accompagnée d’un renforcement des moyens de contrôle des autorités sur lequel repose le système français de sûreté nucléaire et de radioprotection.

A. LA RESTRUCTURATION DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE DOIT ÊTRE MENÉE À BIEN AVEC LA CESSION D’AREVA NP ET LA CRÉATION DU NOUVEL AREVA

La feuille de route du 3 juin 2015 prévoyait qu’EDF avait vocation à devenir actionnaire majoritaire de la filiale AREVA NP, qui rassemble les activités industrielles de construction de réacteurs, d’assemblage de combustible et de services à la base installée. L’État s’engageait pour sa part à recapitaliser le groupe à la hauteur nécessaire pour consolider, en tant qu’investisseur avisé, ses fonds propres. EDF et AREVA ont ainsi signé le 30 juillet 2015 un protocole d’accord non engageant formalisant l’état d’avancement des discussions relatives à la refondation de leurs relations. Ce protocole comporte trois volets :

– l’acquisition par EDF de la société AREVA NP avec un contrôle majoritaire par EDF (au moins 51 %), une participation d’AREVA à hauteur d’un maximum de 25 % dans le cadre d’un partenariat stratégique, et la participation éventuelle d’autres partenaires minoritaires. Un tel rapprochement doit permettre de sécuriser la réalisation du « Grand carénage » pour le parc existant et d’améliorer l’efficacité des prestations d’ingénierie, de gestion de projets et de certaines fabrications grâce à un partage de l’expérience ;

– la création d’une société dédiée, dénommée NICE et détenue à hauteur de 80 % par EDF et de 20 % par AREVA NP, destinée à optimiser les activités de conception et de gestion de projets des nouveaux réacteurs. La société doit améliorer la préparation et la gestion des projets et les offres de la filière française à l’export grâce à une meilleure coordination stratégique pour l’élaboration des offres et à l’harmonisation et l’élargissement de la gamme de réacteurs, tout en assurant la poursuite des partenariats avec les grands industriels au Japon et en Chine ;

– la conclusion d’un accord de partenariat stratégique et industriel global, couvrant la promotion d’offres intégrées en cas de vente de nouveaux réacteurs à l’export, la coopération dans le domaine du démantèlement et dans celui de l’entreposage des combustibles usés et la coopération dans les études sur les réacteurs de quatrième génération.

Lors de sa réunion du 27 janvier 2016, le conseil d’administration d’EDF a marqué son accord sur la valorisation définitive des activités destinées à être acquises par EDF, qui ressort à 2,5 milliards d’euros pour 100 % du capital d’AREVA NP, ce montant étant susceptible de faire l’objet, en fonction de l’atteinte de certains objectifs de performance mesurés postérieurement à la date de réalisation, d’un éventuel complément de prix d’un montant pouvant atteindre au maximum 350 millions d’euros. Une offre engageante sera formulée par EDF une fois que le dispositif d’immunisation totale d’EDF contre les coûts et les risques du projet OL3 aura été finalisé par AREVA et qu’une décision de l’ASN aura été prise sur la conformité des calottes de l’EPR de Flamanville 3.

Le 15 juin 2016, le groupe AREVA a également présenté une feuille de route pour la période 2016 à 2020 qui prévoit la poursuite de la restructuration du groupe avec la création d’une nouvelle entité recentrée sur le cycle du combustible nucléaire. Inversement, les filiales AREVA TA, AREVA Énergies renouvelables et AREVA NP resteraient détenues par AREVA SA jusqu’à la date de leur cession respective ou de leur abandon.

Pour autant, l’échec constaté des négociations entre AREVA et la compagnie finlandaise Teollisuuden Voima Oyj (TVO) a pour conséquence de rendre plus délicate la cession d’AREVA NP à EDF, puisque les clauses contractuelles de la construction du réacteur de troisième génération Olkiluoto 3 (OL3) imposent que tout transfert à une entité tierce du projet nécessite l’accord de l’exploitant finlandais. En l’absence d’accord, il est donc nécessaire de maintenir le contrat OL3 au sein des actifs d’AREVA NP et de transférer l’ensemble des actifs cédés à EDF au sein d’une filiale ad hoc. Cette solution ne nécessite pas théoriquement l’accord de l’exploitant mais s’avère plus complexe à réaliser : elle impose le transfert de tous les actifs et contrats commerciaux en cours et de nouvelles autorisations d’exploitation pour toutes les installations concernées. Le transfert d’AREVA NP pourrait ainsi être retardé de 18 à 24 mois, repoussant d’autant la réalisation de la cession vers EDF, ainsi que l’apport de liquidités pour le groupe.

Le Rapporteur spécial juge particulièrement préoccupante la situation actuelle compte tenu des besoins de financement à très court terme de l’entreprise, qui rendent la recapitalisation annoncée par l’État d’autant plus nécessaire. Il estime également qu’une approche amiable entre TVO et AREVA aurait été préférable pour solder tant l’arbitrage que l’avenir de la cession d’AREVA NP, et reste persuadé que tous les moyens n’ont pas été mobilisés pour parvenir à un tel accord.

B. L’ÉTAT DOIT PROCHAINEMENT INTERVENIR FINANCIÈREMENT COMME INVESTISSEUR AVISÉ POUR SOUTENIR LA RESTRUCTURATION DE LA FILIÈRE

Dans l’attente de la cession d’AREVA NP et de la restructuration du groupe AREVA, ce dernier continue de faire face à des besoins de financement significatifs notamment en raison d’un endettement de près de 6,3 milliards d’euros pour un excédent brut d’exploitation (EBE) de seulement 685 millions d’euros, et devra assurer à court terme le respect d’un échéancier de remboursement serré : sur la période allant de 2015 à 2017, le groupe a ainsi indiqué que ses besoins de financement étaient de l’ordre de 7 milliards d’euros.

La continuité d’exploitation sera dès lors assurée par la réalisation des mesures prévues dans le plan de financement du groupe, qui comprend un plan de cessions incluant la cession d’une partie d’AREVA NP ainsi que de Canberra et d’AREVA TA, une augmentation de capital de près de 5 milliards d’euros à laquelle l’État doit souscrire, et la réalisation d’un plan d’économies de près de 1 milliard d’euros et 2 700 suppressions d’emploi en France.

Le nécessaire renforcement des fonds propres induit une augmentation de capital à hauteur de 5 milliards d’euros, à laquelle l’État a annoncé sa participation en tant qu’actionnaire du groupe, dans le respect de la réglementation européenne. L’allocation de l’enveloppe de 5 milliards d’euros entre les deux entités reste à définir précisément, bien qu’il soit a priori envisagé de recapitaliser AREVA SA à hauteur de 2 milliards d’euros et NEW CO à hauteur de 3 milliards d’euros. De même, le niveau de la participation effective de l’État, pour le moment estimé à 4 milliards d’euros, pourrait être amené à évoluer en fonction des participations d’actionnaires extérieures.

Le Rapporteur spécial estime qu’il est essentiel d’assurer la réalisation effective des augmentations de capital d’AREVA le plus tôt possible avec le support de l’État et des investisseurs tiers. En effet, le glissement prévisible du calendrier de la cession d’AREVA NP et les conclusions à venir sur l’état des cuves de Flamanville 3 conduisent à renforcer les incertitudes financières et industrielles concernant tant la continuité d’exploitation que la réalisation de la recapitalisation elle-même. Le Rapporteur spécial estime que, en l’absence d’une décision rapide sur le sujet, il sera nécessaire pour faire face aux premières échéances de janvier 2017, soit d’entamer des négociations pour allonger la durée du prêt-relais actuellement mobilisé, soit de faire appel aux pouvoirs publics afin qu’ils consentent éventuellement au groupe une nouvelle aide au sauvetage pour une durée inférieure à six mois, dans le respect du droit de l’Union européenne. Un tel scénario ne pourrait toutefois être réalisé qu’en cas d’extrême urgence.

De son côté, le groupe Électricité de France (EDF) fait aujourd’hui face à de nombreux défis dont une grande partie est exogène de la conduite des activités de l’opérateur historique et conduisent à modifier l’environnement dans lequel il évolue : un marché de l’électricité en plein bouleversement avec des prix historiquement bas en Europe et une ouverture à la concurrence croissante sous l’influence des directives européennes ; un volontarisme politique fort qui conduit à modifier grandement la composition du marché de l’électricité français vers un mix davantage décentralisé et diversifié ; la mise en place d’un programme ambitieux d’investissements avec la réalisation du « Grand carénage » ou encore du projet ambitieux d’Hinkley Point C au Royaume-Uni ; et enfin, un État stratège qui n’a pas toujours tenu ses engagements en matière de tarifs réglementés de vente ou de versements des dividendes.

Dans ce contexte difficile pour l’exploitant, le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique annonçait le 22 mars 2016, deux mesures visant à assurer la soutenabilité de la trajectoire financière et à garantir le succès de la stratégie industrielle d’EDF (3: d’une part, la participation de l’État à une augmentation du capital comprise entre 7 et 8 milliards d’euros dans laquelle l’État prendrait sa part à hauteur de 3 à 4 milliards d’euros ; d’autre part, la perception des dividendes dus pour l’exercice 2015 sous forme de titres pour 1,8 milliard d’euros, et la reconduction d’une telle mesure pour les deux exercices suivants. Avec la recapitalisation et le renoncement à un versement en numéraire des dividendes dus au titre des exercices 2015 à 2017, l’État consent un effort financier de près de 8 milliards d’euros.

Une telle recapitalisation s’accompagne d’un plan d’action visant à inscrire la gestion et le développement du groupe dans une nouvelle trajectoire dénommé « Stratégie CAP 2030 », qui comprend trois objectifs :

– l’optimisation et la sélectivité des investissements : EDF prévoit une réduction des investissements du périmètre existant de près de 2 milliards d’euros entre 2015 et 2018 ; le montant total des investissements devrait ainsi être compris entre 12,5 milliards et 13,5 milliards d’euros par an au cours des trois prochaines années ;

– la réduction des charges opérationnelles : EDF se fixe un objectif de réduction des coûts, par rapport à 2015, de 700 millions d’euros en 2018 et d’au moins 1 milliard d’euros en 2019, et la réalisation d’un plan de départs volontaires de près de 3 500 emplois ;

– la conduite d’un plan de cessions d’actifs pour financer les nouveaux développements du groupe : EDF projette de céder des actifs pour un montant de 10 milliards d’euros entre 2015 et 2020, y compris la cession à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) de la moitié du capital de Réseau de transport d’électricité (RTE) dont la valeur est estimée pour 100 % du capital à 8,45 milliards d’euros.

Au total, c’est donc un effort financier de l’ordre de 12 milliards d’euros que l’État effectue en tant qu’investisseur avisé au sein de la filière nucléaire, afin de redonner à cette dernière les fondements nécessaires pour assurer sereinement l’avenir du parc nucléaire en France.

C. L’ÉTAT S’EST ENGAGÉ À INDEMNISER ÉLECTRICITÉ DE FRANCE POUR LA FERMETURE ANTICIPÉE DE LA CENTRALE DE FESSENHEIM

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte impose la fermeture d’une centrale nucléaire lors du raccordement au réseau du la centrale nucléaire de troisième génération de Flamanville 3 au dernier trimestre 2018. En effet, l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie dispose que « l’autorisation mentionnée à l’article L. 311-1 ne peut être délivrée lorsqu’elle aurait pour effet de porter la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 63,2 gigawatts ». Le plafond de 63,2 gigawatts correspond à la capacité de production d’électricité d’origine nucléaire actuelle. Il résulte de ces dispositions qu’EDF devra demander le déclassement de capacités existantes pour mettre en service de nouvelles centrales nucléaires, soit lors de la mise en service de la centrale de Flamanville 3 envisagée à la fin de l’année 2018.

Il est désormais prévu qu’EDF dépose une demande d’abrogation de son autorisation d’exploiter les deux réacteurs de Fessenheim avant fin 2016, après la consultation du comité central d’entreprise. Sur cette base, le décret d’abrogation sera pris avant la fin de l’année, avec une date d’entrée en vigueur à la mise en service de la centrale de Flamanville 3. La phase de démantèlement se déclenchera à la suite de la mise à l’arrêt définitif de la centrale et devrait s’étaler sur une période de 20 ans environ.

Concernant le montant de l’indemnisation, le Conseil constitutionnel a confirmé, dans la décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, qu’EDF pouvait prétendre à une indemnisation du préjudice que le groupe subit du fait des lois. Le principe d’une indemnisation ayant été définitivement acté, des négociations ont été menées entre l’État et l’entreprise afin d’établir un protocole d’indemnisation pour la fermeture de la centrale de Fessenheim. L’étendue du caractère anormal du préjudice subi par EDF est appréciée à la lumière de la jurisprudence existante, en prenant en compte la spécificité de la production d’électricité d’origine nucléaire, le caractère fortement réglementé de cette activité, et les caractéristiques propres de la centrale de Fessenheim.

Les premiers éléments de la négociation font étant d’un accord sur le montant de l’indemnisation qui comprendrait deux parts distinctes : une part fixe qui correspond à l’anticipation des dépenses de fermeture de la centrale pour 400 millions d’euros ; une part variable qui correspond au manque à gagner économique et qui dépendrait des prix futurs du marché de l’électricité et du coût de production de la centrale jusqu’en 2041. Le Rapporteur se félicite que le principe d’une indemnisation ait été définitivement acté et que cette dernière tienne compte des bénéfices futurs de la centrale. Il note toutefois que l’indemnisation peut être bien supérieure au montant annoncé qui ne correspond qu’à la seule anticipation des dépenses liées à la fermeture. L’ordre de grandeur évoqué dans le rapport de 2014 reste ainsi d’actualité. (4)

D. LE FINANCEMENT DES AUTORITÉS DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE DOIT ÊTRE CONSOLIDÉ FACE À L’ACCROISSEMENT DES BESOINS D’EXPERTISE ET DE CONTRÔLE DE LA FILIÈRE

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) forment le dispositif dual sur lequel repose le système français de sûreté nucléaire et de radioprotection. L’ASN est une autorité administrative indépendante (AAI) qui assure le contrôle des activités nucléaires, mais également la délivrance de certaines autorisations ayant trait aux installations nucléaires et l’édiction de prescriptions techniques nécessaires pour un fonctionnement à un niveau optimal de sûreté. L’IRSN est un établissement public industriel et commercial (EPIC) en charge des activités d’expertise et de recherche en matière d’évaluation des risques et de sûreté nucléaire. Il assure un appui technique aux pouvoirs publics et à l’ASN.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, les moyens dont dispose l’IRSN proviennent essentiellement de la subvention pour charges de service public (SCSP) inscrite principalement au programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables de la mission Recherche et enseignement supérieur pour une subvention totale de 176,4 millions d’euros pour 2016. Elle est complétée par une contribution des exploitants d’installations nucléaires de base (INB) pour 62,5 millions d’euros en 2016. Les moyens dont dispose l’ASN proviennent quant à eux de près de cinq programmes. Le principal d’entre eux est le programme 181 Prévention des risques dont les crédits s’élèvent à 62,8 millions d’euros en 2017 contre 57,8 millions d’euros en 2016. L’ASN bénéficiera également d’une évolution positive de son plafond d’emplois de 30 ETPT. Ainsi, le budget dévolu pour le financement du contrôle de la sûreté nucléaire est en légère augmentation pour l’ASN mais à un niveau encore insuffisant au regard des besoins répertoriés.

En effet, l’activité d’expertise et de contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection connaît un accroissement des besoins depuis plusieurs années avec des enjeux d’importance. L’ASN et l’IRSN constatent d’un commun accord que le dispositif de contrôle va devoir être confronté dans un avenir très proche à des enjeux de sûreté et de radioprotection sans précédent, notamment par :

– le renforcement de la sûreté nucléaire à la suite de l’accident nucléaire de Fukushima dans le cadre des évaluations complémentaires de sûreté (ECS) ;

– le vieillissement des centrales nucléaires avec l’apparition de risques génériques de fabrication et l’instruction de la demande de prolongation de la durée de fonctionnement au-delà du quatrième réexamen décennal de sûreté ;

– la mise en fonctionnement d’une nouvelle génération de réacteur dit Réacteur pressurisé européen (EPR) en particulier sur le site de Flamanville 3 et la supervision des évaluations complémentaires à la suite des défauts constatés sur les cuves et les soupapes de sécurité ;

– le développement d’un EPR dit nouveau modèle prenant en compte les retours d’expériences des constructions actuelles et le développement à plus long terme d’une nouvelle génération de réacteurs ;

– la montée en puissance de la problématique du démantèlement avec la planification de la première fermeture d’une centrale de 900 MWe à la suite du plafonnement de la capacité de production nucléaire ;

– le développement du projet CIGEO dans sa phase industrielle et l’assistance technique au législateur pour saisir les enjeux de réversibilité et de sûreté liés au projet.

Dans ces conditions, le Rapporteur spécial s’inquiète de l’insuffisance des moyens budgétaires mobilisés au regard des enjeux auxquels devront faire face à l’avenir tant l’ASN que l’IRSN. Il émet le souhait qu’une consolidation des moyens de financement des deux entités soit sérieusement envisagée, notamment par une réforme du financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Le Rapporteur spécial propose dans ce cadre une augmentation du plafond et de l’assiette de la taxe affectée à l’IRSN pour 2017, et portera un regard attentif aux budgets des deux opérateurs pour les prochaines années.

Anomalies de ségrégation positive en carbone constatées sur le parc nucléaire à la suite des investigations menées sur l’EPR de Flamanville 3

Les écarts de ségrégation en carbone découvert fin 2014 sur la cuve et le couvercle de l’EPR de Flamanville ont conduit à mettre à jour d’importants défauts de contrôle qualité sur des composants nucléairs lourds forgées au sein de Creusot Forge. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a ainsi estimé, dans le cadre de la construction de l’EPR de Flamanville, que « l’exigence de qualification technique n’était pas respectée et qu’AREVA n’a pas fait le choix de la meilleure technique disponible pour la réalisation des calottes de la cuve ». L’ASN a dès lors demandé à AREVA et à EDF la réalisation d’un programme d’essais afin de terminer les conséquences pour la sûreté nucléaire de la non-conformité des callottes de la cuve. Le programme d’essais est en cours de réalisation et devrait s’achever à la fin de l’année 2016. L’ASN devrait en prendre connaissance prochainement pour rendre, le cas échant, un avis de conformité au plus tôt le premier semestre 2017.

Parallèlement, une revue de la qualité de la fabrication des composants de l’usine de Creusot Forge a été engagée en avril 2015 par AREVA à la demande de l’ASN. Celle-ci a jugé en janvier 2016 que « les actions d’audits menées par AREVA jusqu’à présent ne sont pas suffisantes (…) [pour] obtenir une vision d’ensemble de la pertinence de l’organisation et des pratiques de Creusot Forge, de la qualité des pièces produites (…) et de la culture de sûreté ». L’ASN a dès lors demandé à AREVA de compléter la revue de la qualité en remontant au moins jusqu’en 2004, date des premières fabrications destinées à l’EPR, alors que le premier audit s’arrêtait à 2010.

En avril 2016, AREVA a informé l’ASN des premiers résultats de cette analyse complémentaire qui mettent en évidence des irrégularités dans le contrôle de fabrication d’environ 420 pièces produites depuis 1965, dont une partie est en service sur le parc électronucléaire français ou sur des installations situées à l’étranger. Ces irrégularités consistent en des incohérences, des modifications ou des omissions dans les dossiers de fabrication portant sur des paramètres de fabrication ou des résultats d’essais. L’ASN a dès lors décidé de mener une instruction technique sur la base des éléments transmis et de s’assurer avant chaque redémarrage de réacteur que les irrégularités détectées ne remettent pas en cause la sûreté. Le 15 juin 2016, EDF a indiqué à l’ASN avoir terminé la caractérisation de 79 des 80 irrégularités identifiées à ce stade comme affectant ses réacteurs en exploitation. EDF conclut que ces irrégularités n’ont pas de conséquence sur la sûreté des réacteurs concernés. L’irrégularité encore en cours de caractérisation concernait un générateur de vapeur du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Afin de réaliser des investigations complémentaires, EDF a procédé à la mise à l’arrêt du réacteur et a transmis des premiers éléments d’analyse à l’ASN le 15 juin 2016. Le 16 juin 2016, l’ASN indiquait que « les investigations se poursuivent et sont susceptibles de mettre en évidence de nouvelles irrégularités » et que le processus de revue sera conduit à son terme « afin d’apprécier l’ensemble des anomalies qui ont pu affecter les fabrications passées et en tirer les conséquences éventuelles sur la sûreté des installations ». Enfin, le 23 juin 2016, l’ASN a indiqué que « les analyses menées par EDF depuis 2015 concluent que certains fonds primaires de générateurs de vapeur, [fabriqués par Areva Creusot Forge et Japan Casting and Forging Corporation (JCFC)], pourraient présenter une zone de concentration importante en carbone pouvant conduire à des propriétés mécaniques plus faibles qu’attendues » et a demandé à l’exploitant « de justifier la résistance mécanique de ces fonds primaires qui ont été fabriqués par Creusot Forge ».

Le 18 octobre 2016, l’ASN indique que les générateurs à vapeur concernés équipent 18 réacteurs de 900 MWe ou 1450 MWe. Parmi les réacteurs concernés, 12 sont équipés de fonds primaires fabriqués par JCFC susceptibles de présenter « une concentration en carbone particulièrement élevée ». Elle précise que « EDF a apporté des éléments visant à justifier la sûreté du fontionnement des 12 réacteurs concernés » mais estime qu’il convient « de réaliser des contrôles supplémentaires sous trois mois, sans attendre les arrêts programmés des réacteurs pour renouvellement du combustible » afin de vérifier que « chacun des fonds primaires concernés s’inscrit dans les hypothèses du dossier transmis par EDF ». Ces contrôles étant déjà réalisés ou en cours pour 7 des 12 réacteurs concernés, l’ASN a prescrit la réalisation immédiate de contrôles sur les 5 réacteurs encore en service.

Le Rapporteur spécial, sans remettre en cause le bien-fondé de la décision en matière de sûreté nucléaire, s’inquiète néanmoins des conséquences de tels arrêts de tranche pour la sécurité d’approvisionnement énergétique en cas d’hiver rigoureux, ainsi que des conséquences pour la situation financière et industrielle d’EDF. Il s’interroge également sur l’urgence d’une telle décision d’arrêts de tranche, alors que la situation semble connue de l’ASN depuis juin 2016, et que l’ensemble des tranches concernées auraient été naturellement mises à l’arrêts au cours de l’été 2017.

II. LE RENFORCEMENT DE L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE RESTE UN LEVIER INDISPENSABLE ET COMPLÉMENTAIRE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

La maîtrise de la consommation d’énergie constitue l’un des principaux piliers de la politique énergétique, réaffirmé dans la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). L’article premier de la LTECV spécifie que l’objectif quantitatif en matière de consommation finale de l’énergie est « de réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030. Cette dynamique soutient le développement d’une économie efficace en énergie, notamment dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’économie circulaire, et préserve la compétitivité et le développement du secteur industriel ».

La tendance est déjà amorcée puisqu’après deux décennies de croissance, la consommation finale énergétique de la France – corrigée des variations climatiques – a diminué entre 2005 et 2015, traduisant tout à la fois les mutations de l’économie française et l’efficacité des politiques publiques en faveur de l’amélioration de l’efficacité énergétique de la France. La consommation finale énergétique est ainsi de 149,2 Mtep en 2015 alors qu’elle était de 157,6 Mtep en 2005, soit une baisse de 5,3 % en 10 ans. À l’inverse, la consommation finale d’électricité corrigée de l’aléa météorologique est en hausse sur la même période de 455,5 TWh en 2006 à 476,3 TWh en 2015.

CONSOMMATION ÉLECTRIQUE EN TÉRAWATTHEURES CORRIGÉE DE L’ALÉA MÉTÉOROLOGIQUE ET HORS SOUTIRAGE DU SECTEUR ÉNERGIE

Sources : Bilan électrique 2015 de Réseau de transport d’électricité (RTE).

Dans ce cadre, un plan d’action en matière de l’efficacité énergétique a été mis en place en vue d’atteindre les objectifs ambitieux que la LTECV a fixés à l’horizon 2050 qui impliquent une baisse annuelle moyenne de la consommation d’énergie de 1,2 %. La mise en œuvre et le renforcement des mesures prévues dans le cadre de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte doivent permettre de contribuer à atteindre cet objectif

A. L’EFFORT FISCAL EN FAVEUR DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DES LOGEMENTS EST PROLONGÉ POUR 2017

Le plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH) a été mis en place en septembre 2013 afin de répondre aux objectifs fixés par le Président de la République de rénovation de 500 000 logements par an d’ici 2017, dont 380 000 pour le parc privé. La dynamique générée par la mise en place du PREH est accélérée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui fixe des objectifs ambitieux pour le secteur du bâtiment notamment celui de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes, visant ainsi une baisse de 15 % de la précarité énergétique à l’horizon 2020.

Pour parvenir à cet objectif ambitieux, les dispositifs existants ont été renforcés et/ou prolongés pour atteindre les objectifs de rénovation énergétique du parc privé : le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) et le taux réduit de TVA pour les travaux d’amélioration de la performance énergétique.

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) (5) a été simplifié par la loi de finances pour 2015 et permet désormais de bénéficier d’un taux de crédit d’impôt de 30 % quel que soit le type d’action réalisé et sans condition de réalisation d’un bouquet de travaux ni condition de ressources. Le dispositif a également été élargi à de nouveaux équipements tels que les compteurs individuels pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire dans les copropriétés, les bornes de recharge des véhicules électriques en métropole, les protections solaires des parois opaques et vitrées ainsi que le raccordement au réseau de froid et les brasseurs d’air fixes dans les régions et départements d’outre-mer uniquement. L’augmentation du CITE est en conséquence particulièrement forte en 2016 puisque la dépense fiscale augmente de 874 millions d’euros en 2015 à 1 670 millions d’euros en 2016, soit une hausse de 91 % en à peine une année. La période d’application du dispositif devrait être prolongée jusqu’au 31 décembre 2017 par l’article 10 du projet de loi de finances pour 2017 sans modification de l’assiette ou du taux.

Par ailleurs, le principe de l’éco-conditionnalité du CITE est désormais effectif puisque pour être éligibles à ces deux dispositifs, les travaux doivent être réalisés par des entreprises possédant le label Reconnu garant de l’environnement (RGE) afin que les particuliers soient plus assurés de la qualité des prestations d’efficacité énergétique en rénovation. Au 31 août 2015, près de 47 000 entreprises étaient qualifiées RGE.

ÉVOLUTION DU CRÉDIT D’IMPÔT TRANSITION ÉNERGÉTIQUE (CITE)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Coût du CITE

(en millions d’euros)

2 625

2 015

1 110

673

619

874

1 670

1 670

Nombre de bénéficiaires

(en millions)

1,558

1,512

1,269

0,77

0,73

0,66

1,12

-

Source : Voies et Moyens, Tome II.

L’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) (6) a pour objectif d’aider au financement des travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements anciens construits avant le 1er janvier 1990 et utilisés comme résidence principale. Il est accessible à tous, sans condition de ressources, et finance jusqu’à 30 000 euros de travaux. Il est disponible auprès des établissements de crédit ayant signé une convention avec l’État et peut être cumulé, sous certaines conditions, avec le CITE. Par ailleurs, l’article 10 du projet de loi de finances pour 2017 supprime la condition de ressources permettant de bénéficier du cumul du CITE et de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), pour les offres d’avances émises à compter du 1er mars 2016, afin de favoriser l’accès de tous les ménages au dispositif et d’enrayer la baisse mécanique du dispositif observé et dans un environnement de taux bas.

ÉVOLUTION DE L’ÉCO-PRÊT À TAUX ZÉRO (ECO-PTZ)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Coût de l’éco-PTZ

(en millions d’euros)

30

70

90

100

120

110

75

65

Nombre de bénéficiaires

(en milliers)

80

41

34

34

31,2

31,2

-

-

Source : Voies et Moyens, Tome II.

Enfin, depuis le 1er janvier 2014, les travaux d’amélioration de la performance énergétique éligibles au CITE, ainsi que les travaux induits qui leur sont indissociablement liés, bénéficient du taux réduit de TVA à 5,5 %.

ÉVOLUTION DU TAUX RÉDUIT DE TVA
POUR LES TRAVAUX DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE

(en millions d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

Coût de l’application du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique

730

1 080

1 100

1 120

Source : Voies et Moyens, Tome II.

Au total, les trois principales dépenses fiscales en faveur de la rénovation énergétique du parc résidentiel privé représentent près de 2,9 milliards d’euros en 2017 contre 1,5 milliard d’euros en 2015. L’effort engagé par les pouvoirs publics en faveur de l’efficacité énergétique du parc résidentiel se traduit par un quasi-doublement des dépenses fiscales.

Le Rapporteur spécial insiste sur le fait que l’efficacité des dispositifs incitatifs pour le parc privé existants est désormais conditionnée à la stabilité des aides à la rénovation énergétique, elle-même réclamée par l’ensemble des acteurs impliqués.

B. LA TROISIÈME PÉRIODE DES CERTIFICATS D’ÉCONOMIES D’ÉNERGIE EST COMPLÉTÉE PAR LA CRÉATION D’UNE COMPOSANTE SOCIALE

Le dispositif de certificats d’économies d’énergie (CEE) repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie. Ces derniers choisissent librement les actions qu’ils mettent en place afin d’atteindre leur objectif d’économies d’énergie et reçoivent en contrepartie des certificats d’économies d’énergie qu’ils peuvent acheter ou vendre de gré à gré. Un objectif triennal de CEE est défini, puis réparti entre les opérateurs en fonction de leurs volumes de ventes. Les vendeurs d’énergie ne remplissant pas leurs obligations dans le délai imparti doivent payer une pénalité financière qui s’élève à 0,02 euro par kilowattheure (kWh) cumulés actualisés (cumac) (7).

Les CEE sont attribués en fonction des économies d’énergie engendrées par les opérations réalisées, couvrant l’ensemble des secteurs afin d’assurer un ciblage prioritairement vers les actions les plus rentables. Depuis la deuxième période, les CEE sont également attribués en contrepartie de la participation des vendeurs d’énergie à des programmes de réduction de la consommation énergétique des ménages les plus défavorisés ainsi que d’information, de formation et d’innovation en faveur de la maîtrise de la demande énergétique.

Face au succès du dispositif, il a été décidé la mise en œuvre d’une troisième période d’obligations d’économies d’énergie du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 avec un objectif de 700 TWh cumac, soit un doublement de l’objectif de deuxième période. Elle a été complétée au 1er janvier 2016 par une obligation au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique avec un objectif de 150 TWh cumac sur la période 2016-2017. Ces actions viendront contribuer à réduire la facture énergétique des ménages les plus précaires.

III. LA TARIFICATION DE L’ÉNERGIE DOIT PERMETTRE AUX ACTEURS DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DE FINANCER LEURS INVESTISSEMENTS

Au-delà des crédits budgétaires affectés aux programmes et comptes d’affectation spéciale, la politique énergétique est également financée par des mécanismes de tarification de l’énergie tels que les tarifs réglementés de vente (TRV) ou les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). Ainsi, il revient à l’État régulateur d’assurer un environnement juridique qui garantisse la rentabilité des investissements de long terme des exploitants pour permettre à ces derniers d’entretenir et de renouveler leurs capacités de production tout en respectant les engagements pris dans le cadre de la transition énergétique. L’État doit ainsi envisager de nouveaux dispositifs conformes aux exigences d’investissements de long terme du secteur.

A. UNE TARIFICATION PLUS JUSTE DES EXTERNALITÉS EST IMPÉRATIVE PAR LA MISE EN PLACE D’UN VÉRITABLE PRIX DU CARBONE ET DU MÉCANISME DE CAPACITÉ

La forte baisse des prix moyens constatés au cours des derniers mois sur les marchés de gros européens a fortement diminué la rentabilité des investissements dans de nouveaux moyens de production. Dans ce contexte économique, le principal défi pour l’ensemble des producteurs d’électricité porte sur le financement de leurs investissements de long terme et l’amélioration de la compétitivité de l’offre énergétique dans un marché en surcapacité. Il est en effet paradoxal que les seuls moyens de production pour lesquels l’investissement reste attractif en période de prix bas soient les centrales à charbon, en contradiction totale avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cela impose donc de faire la démonstration de la viabilité de l’équation économique de l’électricité d’origine non-carbonée, dans un contexte où le coût des énergies ne doit pas s’arrêter au seul coût marginal de production mais devrait davantage prendre en compte les externalités (prix du carbone, coûts des mécanismes de capacité, coûts des réseaux et du stockage, coûts du démantèlement et de gestion des déchets, etc.).

Le Rapporteur spécial estime donc qu’il est nécessaire d’internaliser dans la détermination des prix de marché certaines externalités (prix du carbone ou marché de capacité). Afin d’internaliser le coût pour la société des émissions de dioxyde de carbone, le système European Union Emission Trading Scheme (EU ETS) devait inciter les principaux émetteurs de gaz à effet de serre à réduire leurs émissions en les obligeant à les compenser par des quotas alloués ou achetés sur le marché. Or ce marché est confronté à de profonds dysfonctionnements : avec des cours qui oscillent depuis 2012 entre 4 et 9 euros par tonne de dioxyde de carbone (CO2), il ne permet pas d’influencer les décisions des énergéticiens en faveur des énergies bas-carbone.

ÉVOLUTION DU PRIX D’AUTORISATION EUROPÉENNE D’ÉMISSION
DE DIOXYDE DE CARBONE EN EUROS PAR TONNE

Source : European Energy Exchange (EEX).

Le Rapporteur spécial estime qu’il est dès lors essentiel de réformer le système actuel de fixation du prix au carbone pour que les coûts de production de l’électricité reflètent davantage cette externalité négative. Dans cette optique, à l’occasion de la quatrième conférence environnementale, le Président de la République a annoncé la mise en place d’un prix-plancher du carbone sur l’électricité au niveau national, avec l’objectif de donner plus de visibilité aux investisseurs tout en privilégiant, dans la production d’électricité, l’utilisation du gaz par rapport au charbon. Ce dispositif sera complémentaire de la contribution climat énergie (CCE) dont la loi a fixé l’évolution de 22 euros par tonne de dioxyde de carbone en 2016 à 56 euros en 2020 puis à 100 euros en 2030.

L’annonce du Président de la République vient renforcer l’action entreprise par le ministère en charge de l’environnement au niveau européen qui a engagé une discussion en vue de mettre en place un corridor de prix sur le marché du carbone européen. Un tel mécanisme, en encadrant l’évolution du prix du marché entre un minimum et un maximum, améliorerait la prévisibilité du prix du carbone, créant une incitation forte en faveur des investissements bas-carbone. Dans un communiqué en amont du Conseil européen des ministres chargé de l’environnement du 4 mars 2016, le ministère indiquait que dans le cas d’un échec de la mise en place d’un prix-plancher du marché européen, il serait envisagé de mettre en place, à titre transitoire, un mécanisme complémentaire de taxation des énergies fossiles consommées pour produire de l’électricité touchant en particulier le charbon. Une telle mesure serait inspirée de la décision du Royaume-Uni qui a institué un prix-plancher du carbone pour le secteur électrique au moyen d’une taxe différentielle qui s’ajoute au prix des quotas européens de CO2 lorsque ce dernier est inférieur à la cible visée.

Il serait néanmoins préférable que la mesure soit mise en place au niveau européen afin d’éviter d’éventuelles « fuites carbones » au sein même de l’Union européenne : en effet, l’introduction d’un prix-plancher unilatéral en France pourrait avoir un impact sur l’équilibre du marché électrique en Europe du fait des interconnexions existantes et conduire à substituer à la production thermique française à des importations d’électricité d’origine carbonée de l’étranger, principalement en provenance d’Allemagne.

Dans un rapport publié en mars 2016, Réseau de transport d’électricité (RTE) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie(ADEME) estiment qu’avec « le parc de production actuel, les simulations réalisées montrent qu’il faudrait retenir un prix autour de 30 euros par tonne de CO2 au niveau européen pour diminuer de façon significative – de l’ordre de 100 millions de tonnes par an, soit 15 % – les émissions du secteur électrique européen » avant d’ajouter qu’un « signal prix plus élevé, de l’ordre de 100 euros par tonne, permettrait d’atteindre une réduction des émissions de l’ordre de 30 % » (8). L’étude conclut également que « la mise en place d’un prix élevé du CO2 donnerait un signal favorable à l’investissement dans les énergies renouvelables et pourrait faciliter le développement de la flexibilité et du stockage ».

La mise en place d’un prix-plancher du carbone permettrait ainsi d’assurer la rentabilité d’énergies peu ou non carbonées, telles que les énergies renouvelables ou l’énergie nucléaire, tout en décourageant l’utilisation de centrales thermiques au charbon. Elle permettra un rééquilibrage des moyens de production à partir de gaz, plus récents et moins polluants, par rapport aux moyens de production fonctionnant à partir de charbon. La mesure serait toutefois limitée pour la France puisque seules quatre centrales alimentées par du charbon sont en fonctionnement sur le territoire national, exploitées par EDF ou E.ON France, pour une capacité installée de 3 GW (2,3 % de la capacité totale installée). L’État devra en conséquence prendre ses responsabilités en soutenant la reconversion à venir des sites et des employés.

Les prix de l’électricité doivent également tenir compte de ce que les énergéticiens nomment « le marché de la capacité ». En effet, la situation actuelle fait peser un risque non négligeable sur la rentabilité des moyens de pointe, ce qui pourrait générer des tensions importantes sur l’approvisionnement en période de forte demande et rend nécessaire l’établissement en France comme en Europe d’un marché de capacité. La loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME), codifiée aux articles L. 335-1 et suivants du code de l’énergie, établit un dispositif d’obligation de capacité qui prévoit que « chaque fournisseur d’électricité contribue, en fonction des caractéristiques de consommation de ses clients, en puissance et en énergie, sur le territoire métropolitain continental, à la sécurité d’approvisionnement ». Le mécanisme de capacité doit stimuler les investissements dans les moyens de production et d’effacement de consommation pour sécuriser l’alimentation électrique à moyen terme. Les coûts engendrés par le dispositif seront répercutés par les fournisseurs sur leurs offres aux consommateurs finals. Un arrêté du 22 janvier 2015 est venu en préciser les règles pour une mise en œuvre effective au 1er janvier 2017.

Le mécanisme de capacité institué par la loi NOME

Les fournisseurs se verront attribuer une obligation qui dépend de la consommation effective de leurs clients lors des pointes de consommation et devront, en contrepartie, détenir un certain montant de garanties de capacité, soit du fait de moyens détenus en propre, soit en acquérant ces garanties de capacité auprès de ceux qui les détiennent. Le système permettra d’apporter, dans les cas où les moyens d’effacement ou de production sont insuffisants pour satisfaire la demande, une rémunération complémentaire pour mettre en service des capacités d’effacement ou de production supplémentaires le moment venu.

Cette rémunération soutiendra le développement de l’offre d’effacement et pourra, dans certains cas, éviter que des installations existantes soient mises sous cocon au détriment de la sécurité d’approvisionnement en électricité.

B. LES MODALITÉS DE DÉTERMINATION DES TARIFS D’UTILISATION DES RÉSEAUX PUBLICS D’ÉLECTRICITÉ DOIVENT ÉVOLUER POUR TENIR COMPTE DE L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ

Les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), définis aux articles L. 341-2 et suivants du code de l’énergie, ont pour but de couvrir l’ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de ces réseaux. Ils visent à garantir à l’ensemble des consommateurs et des producteurs d’électricité un accès transparent et non discriminatoire aux réseaux publics, afin de permettre une concurrence non faussée entre les fournisseurs d’électricité. Pour ce faire, des opérateurs indépendants des fournisseurs d’électricité – les gestionnaires de réseaux publics – sont chargés de l’exploitation et de l’entretien de ces réseaux. Ils perçoivent pour se rémunérer, auprès des utilisateurs du réseau, les TURPE. L’article L. 341-3 du code de l’énergie dispose que les méthodologies utilisées pour établir les TURPE sont fixées par la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité actuels, appelés TURPE 4 HTB (haute tension B) pour le réseau de transport, et TURPE 4 HTA-BT (haute tension A - basse tension) pour les réseaux de distribution, sont entrés en vigueur respectivement le 1er août 2013 et le 1er janvier 2014 pour une durée d’application de quatre ans. Les tarifs suivants, dits TURPE 5, devraient donc entrer en vigueur à l’été 2017, pour une durée de quatre ans également. La délibération finale de la CRE sur le TURPE 5 est prévue pour novembre 2016 et l’entrée en vigueur TURPE 5 est fixée au 1er août 2017.

Le CRE a transmis un rapport au Parlement en juin 2016 rendant compte de ses orientations pour le TURPE 5. La CRE précise dans ce cadre que le TURPE prendra en compte les prévisions des gestionnaires de réseaux concernant leurs investissements et l’évolution des schémas de flux d’électricité sur les réseaux. Le TURPE 5 permettra donc aux gestionnaires de réseaux de mener à bien l’ensemble de leurs programmes d’investissements, en lien avec les transformations induites par la transition énergétique, notamment en raison d’un fort développement de la production renouvelable décentralisée ou de l’installation de 7 millions de points de charges de véhicules électriques, ou encore en lien avec la transformation numérique et la gestion des données dans le cadre du déploiement du compteur communiquant Linky.

La structure du TURPE 5 évoluera également pour renforcer l’horo-saisonnalité des tarifs, c’est-à-dire la variation à la hausse ou à la baisse du tarif de réseau en fonction des périodes de pointe ou de faible utilisation. Les auto-consommateurs verront ainsi leur tarif de réseau diminuer plus fortement s’ils sont en mesure de réduire leur soutirage sur le réseau pendant les périodes de forte charge, ce qui favorisera le développement du stockage d’électricité couplé à la production décentralisée. Enfin, le TURPE 5 donnera la possibilité aux gestionnaires de réseaux d’obtenir des budgets supplémentaires en cours de période tarifaire pour financer des smart grids.

En revanche, la CRE a choisi de ne pas augmenter la part puissance des recettes tarifaires, au motif qu’une telle solution pourrait entraîner des hausses de facture significatives pour certains consommateurs et réduirait l’incitation à la maîtrise de la consommation. Elle indique vouloir poursuivre ses réflexions sur cette question avec l’ensemble des acteurs et envisage d’introduire une clause de rendez-vous après deux ans de TURPE 5 (soit à l’été 2019) permettant d’adapter la structure du TURPE si cela était nécessaire. En effet, certains gestionnaires de réseaux de distribution souhaitent que le modèle de rémunération de leurs investissements évolue pour l’adapter aux objectifs majeurs de la transition énergétique. Il accuse notamment la structure actuelle du tarif de ne pas prendre en compte l’essor des nouveaux usages du réseau, comme l’autoconsommation, et de conduire à une répartition des coûts inadaptée entre les clients. Ces derniers sont en conséquence partisan de la mise en place d’une clause de rendez-vous afin de mener une réflexion sur les évolutions de la structure du tarif vers une part forfaitaire plus importante basée sur la puissance – au détriment de la part variable assise sur la consommation – correspondant à l’essor des nouveaux usages de l’électricité.

C. L’ACCÈS RÉGULÉ À L’ÉLECTRICITÉ NUCLÉAIRE HISTORIQUE DOIT ÊTRE REPENSÉ POUR TENIR COMPTE DES NOUVELLES RÉALITÉS DU MARCHÉ

Une autre conséquence des bouleversements du marché de gros de l’électricité est le passage des tarifs de l’électricité sous la barre symbolique de celui de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH). La loi du 7 décembre 2010 a instauré le dispositif ARENH qui donne le droit à tout fournisseur alternatif d’acheter de l’électricité d’origine nucléaire à EDF à prix régulé et déterminé sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Le niveau du prix doit assurer une juste rémunération à EDF et être représentatif des conditions économiques de production d’électricité par les centrales nucléaires. L’électricité achetée dans ce cadre ne peut excéder un volume global maximal qui est déterminé en fonction du développement de la concurrence sur les marchés de la production d’électricité et de la fourniture de celle-ci à des consommateurs finals. Il ne peut dans tous les cas excéder le volume de 100 térawattheures par an.

L’ARENH est une option pour les fournisseurs alternatifs qui peuvent décider d’avoir recours à un prix régulé lorsque les prix de marché sont supérieurs au niveau de l’ARENH, soir 42 euros par MWh. Il convient toutefois de signaler que, pour la première fois depuis le démarrage du dispositif, aucun volume d’ARENH n’a été livré aux fournisseurs alternatifs sur le premier semestre 2016, dans la mesure où les prix en gros de l’électricité se sont établis sur cette période sous la barre des 42 euros par MWh.

ÉVOLUTION DES PRIX EN GROS DE L’ÉLECTRICITÉ
ET DE LA QUANTITÉ D’ARENH CÉDÉE

Source : commission des finances.

Toutefois, la hausse soudaine des prix de l’électricité, observée depuis l’annonce de la fermeture de plusieurs réacteurs nucléaires pour des raisons de sûreté, rend de nouveau fonctionnel le dispositif de l’ARENH. Dans un communiqué daté du 21 octobre 2016, le groupe EDF indiquait en conséquence que « compte tenu de ces circonstances, de leur répercussion sur le marché de gros de l’électricité et des effets spéculatifs qui en résultent, EDF sollicite concomitamment le Ministre de l’Économie et des Finances et la Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer afin qu’ils prennent, pour éviter ces effets, toutes les mesures nécessaires, dans le cadre du mécanisme d’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), incluant, le cas échéant, la suspension temporaire du dispositif ».

Dans ce contexte, le Rapporteur spécial s’interroge sur la pertinence du maintien du dispositif. L’objectif de l’ARENH est de permettre une ouverture effective du marché de l’électricité afin de garantir aux fournisseurs alternatifs des conditions économiques équivalentes à celles résultant pour le fournisseur historique de l’utilisation des centrales nucléaires historiques. Or si l’ARENH joue le rôle d’un prix-plafond, protégeant les consommateurs, il prive le fournisseur historique des bénéfices qu’il pourrait retirer de prix de marché à la hausse, tandis qu’en l’absence de prix-plancher, ce dernier est contraint de supporter les effets d’une baisse des prix. Un tel dispositif semble dès lors inéquitable dans la mesure où les hausses récentes des prix découlent des difficultés de maîtrise de production de l’exploitant. Le Rapporteur spécial suggère d’étudier les évolutions possibles à apporter au dispositif de l’ARENH pour le rendre plus équitable ainsi que la question de son devenir après 2025.

EXAMEN EN COMMISSION

Après les auditions de Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et la mer, et de M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche (voir le compte rendu de la commission élargie du 26 octobre 2016 à 16 heures 15 (9)), la commission examine les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables et l’article 64, rattaché.

Suivant l’avis favorable de M. Marc Goua, M. Jean-Claude Buisine, M. Jean-Claude Fruteau, M. Alain Rodet et M. Olivier Faure, rapporteurs spéciaux, et malgré l’avis défavorable de M. Hervé Mariton, rapporteur spécial, la Commission adopte les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

La commission adopte ensuite, suivant l’avis favorable de M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur spécial, le budget annexe contrôle et exploitation aériens, puis suivant les avis favorables de MM. Marc Goua, Alain Rodet et Olivier Faure, rapporteurs spéciaux, elle adopte les crédits des comptes spéciaux Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale, Transition énergétique, Aides à l’acquisition de véhicules propres et Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs.

*

* *

ANNEXE :
LISTE DES AUDITIONS
RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)*

• M. Fabrice Boissier, directeur général délégué

• M. Jean-Marc Ambrosiani, directeur des affaires financières

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA)

• M. Pierre-Marie Abadie, directeur général

• Mme Gaëlle Saquet, secrétaire générale

• M. Matthieu Denis-Vienot, responsable des relations institutionnelles

Syndicat des énergies renouvelables (SER)

• M. Jean-Louis Bal, président

• M. Damien Mathon, délégué général

• Mme Delphine Lequatre, responsable du service juridique

• M. Alexandre de Montesquiou, consultant, directeur associé d’Ai2P*

Union française de l’électricité (UFE)

• Mme Audrey Zermati, déléguée générale adjointe

• Mme Christine Goubet-Milhaud, présidente

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)*

• M. Daniel Verwaerde, administrateur général

• Mme Marie-Astrid Ravon-Berenguer, directrice financière

• M. Jean-Pierre Vigouroux, chef du service des affaires publiques, chargé des relations avec le Parlement

Agence des participations de l’État (APE)

• M. Alexis Zajdenweber, directeur de participations Énergie

Électricité de France (EDF)*

• M. Xavier Girre, directeur financier

• M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

• Mme Charlotte Leca, chargée de mission

New Areva*

• M. Philippe Knoche, directeur général

• Mme Morgane Augé, responsable des affaires publiques France

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer

• M. Laurent Michel, directeur général

• M. Frédéric Boudier, sous-direction des affaires générales et de la synthèse

Enedis

• M. Philippe Mouloubou, président

• M. Pierre Guelman, directeur des affaires publiques

• Mme Corinne Fau, directeur finances achat assurance

Commission de régulation de l’énergie (CRE)*

• M. Philippe de Ladoucette, président

• M. Jean-Yves Ollier, directeur général

• M. Christophe Leininger, directeur du développement des marchés

• M. Mathieu Morin, chef du département surveillance des marchés de gros

• Mme Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles

Fédération ATMO France

• M. Bernard Garnier, président et vice-président Air Pays de la Loire

• M. Guy Bergé, trésorier et président d’Air Lorraine

• Mme Anne Laborie, secrétaire générale

Institut de radioprotection et de sûreté (IRSN)

• M. Jean-Christophe Niel, directeur général

• M. Matthieu Schuler, directeur de la stratégie, du développement et des partenariats

• Mme Guillemette de Durfort, chargée des relations parlementaires

Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA)

• M. Jérôme Boutang, directeur général

• M. Julien Vincent, responsable département et ingénieur

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

• M. Jean-Jacques Dumont, commissaire

• M. Pascal Ambroise, directeur de cabinet

• Mme Evangelia Petit, chef de bureau

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () Modifications apportées par l’article 22 du projet de loi de finances pour 2017.

2 () Modifications apportées par l’article 22 du projet de loi de finances pour 2017.

3 () Audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, sur la situation d’Électricité de France (EDF) par la commission des affaires économiques au cours de la réunion du mardi 22 mars 2016.

4 () Rapport d’information sur le coût de la fermeture anticipée de réacteurs nucléaires : l’exemple de Fessenheim présenté par MM. Marc Goua et Hervé Mariton le 30 septembre 2014.

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i2233.pdf

5 () Crédit d’impôt pour dépenses d’équipements de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et du développement durable.

6 () Crédit d’impôt au titre d’une avance remboursable ne portant pas intérêt destinée au financement de travaux de rénovation afin d’améliorer la performance énergétique des logements anciens.

7 () Les économies d’énergie sont cumulées sur l’ensemble de la durée de vie de l’opération et exprimée en wattheure cumulés actualisés (Wh cumac).

8 () Réseau de transport d’électricité (RTE) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), Signal prix du CO2 Analyse de son impact sur le système électrique européen, mars 2016.

http://www.rte-france.com/sites/default/files/etude_signal_prix_du_co2.pdf

9 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2017/commissions_elargies/