Accueil > Projet de loi de finances pour 2017 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2017) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires économiques

Commission du développement durable
et de l’aménagement du territoire

Commission des affaires étrangères

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mercredi 26 octobre 2016

Présidence de M. Pierre-Alain Muet,
vice-président de la commission des finances,
Mme Frédérique Massat,
présidente de la commission des affaires économiques,
M. Jean-Paul Chanteguet,
président de la commission du développement durable
et M. Paul Giacobbi,
vice-président de la commission des affaires étrangères.

La réunion de la commission élargie commence à seize heures vingt.

projet de loi de finances pour 2017

Écologie, développement et mobilité durables

M. Pierre-Alain Muet, président. Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, avec Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques et Paul Giacobbi, vice-président de la commission des affaires étrangères, nous sommes heureux de vous accueillir pour examiner en commission élargie les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Cette mission regroupe des crédits multiples et considérables suivis par quinze rapporteurs issus de quatre commissions. En accord avec mes collègues, nos débats ont été organisés en deux thématiques distinctes qui seront traitées en deux temps. Nous discuterons d’abord des transports, de la mer et des affaires maritimes, puis de l’écologie et du développement durable en présence de Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Dans chacune de ces deux phases, les rapporteurs des commissions et les orateurs des groupes bénéficieront d’un temps de parole de cinq minutes, les autres députés qui souhaitent s’exprimer disposant, eux, de deux minutes chacun.

Transports aériens, terrestres et fluviaux, et affaires maritimes

M. le président Jean-Paul Chanteguet. S’agissant des transports, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a nommé trois rapporteurs pour avis : M. Rémi Pauvros pour les transports terrestres et fluviaux, M. Jacques Alain Bénisti, pour les transports aériens, et M. Stéphane Demilly, pour les affaires maritimes.

Monsieur le secrétaire d’État, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a donné de nouvelles missions au régulateur, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER). Les moyens dont dispose cette autorité sont-ils suffisants pour qu’elle puisse les remplir correctement ?

La trajectoire de la dette du système ferroviaire, qui s’élève aujourd’hui à 50 milliards d’euros, a fait l’objet d’un rapport publié par le ministère des finances. Que pensez-vous des conclusions de Bercy ? Ne faudrait-il pas que l’État reprenne une partie de cette dette qui pèse sur les comptes de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités ?

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les transports routiers, fluviaux et maritimes, et pour le compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres ». Je présente un rapport spécial qui recouvre le programme 203 « Infrastructures et services de transport », le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », le programme 159 dans son nouvel intitulé « Expertise, information géographique et météorologie », ainsi que le compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres ».

Concernant la politique de transport, les dotations prévues dans le projet de loi de finances pour 2017 sur le programme 203 sont stabilisées. Elles s’élèvent à 3,16 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,18 milliards d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajoute le rattachement de fonds de concours pour près de 1,5 milliard d’euros.

On peut saluer la stabilisation des ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Toutefois, si l’affectation d’une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole a permis de dégager des marges pour la gestion de l’Agence, son budget, porté à 2,2 milliards d’euros pour 2017, ne sera sans doute pas suffisant pour faire face à l’ensemble de ses engagements, parmi lesquels figurent de grands projets d’infrastructures, sans compter les contrats de plan État-région (CPER) qui doivent être honorés.

Sans doute faudra-t-il se pencher sur l’avenir de cette agence créée il y a maintenant douze ans, que la privatisation de nos autoroutes et l’abandon de l’écotaxe ont privée de ressources pérennes et massives qui auraient permis de mener une politique d’infrastructures ambitieuse. Aujourd’hui, de grandes institutions, comme le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou la banque des règlements internationaux de Bâle, appellent l’attention des États sur la nécessité de mener de grands programmes d’infrastructures afin de relancer l’économie européenne, mais également de soutenir la concurrence avec les grands pays émergents, notamment asiatiques.

S’agissant des autoroutes, un effort de rééquilibrage a permis d’améliorer les relations entre les sociétés concessionnaires et l’État, l’allongement de la durée des concessions s’accompagnant de la relance des investissements. Aujourd’hui, un nouveau programme est annoncé, mais il sera financé par une hausse des tarifs qui peut inquiéter les professionnels et les usagers.

La situation financière du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres » a été singulièrement assainie. Nous le devons à la grande réactivité des services de l’Agence de services et de paiement, qu’il faut féliciter. La mutation de notre parc automobile est désormais enclenchée, grâce à la prime augmentée pour l’achat de véhicules présentant d’incontestables qualités environnementales. Le malus permet de financer ces mesures. Ce programme, qui concerne à la fois le véhicule électrique et l’hybride rechargeable, ne pose pas de problème particulier.

Les crédits du programme 113, consacré à la politique de la biodiversité, sont en légère progression. Ils s’établissent à près de 280 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, soit une augmentation de 1,4 % par rapport à 2016. Nous attendons la création définitive de la nouvelle Agence française pour la biodiversité (AFB), sur laquelle nous fondons beaucoup d’espoirs afin que cette politique devienne encore plus cohérente.

Enfin, le programme 159 fait l’objet d’une modification de périmètre. Il comprend désormais non seulement la subvention en faveur de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), mais aussi celle de Météo-France et celle du centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CÉREMA). Si les crédits inscrits à ce programme atteignent le niveau considérable de 500 millions d’euros, les trois opérateurs se trouvent pourtant confrontés à des politiques de rigueur qui pourraient avoir impact sur leurs effectifs.

M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les crédits des transports aériens et de la météorologie, et pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Le projet de budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »pour 2017 confirme que l’activité de la direction générale de l’aviation civile (DGAC) poursuit sa dynamique vertueuse de désendettement et d’investissement. Les recettes, à 2 milliards d’euros, sont maintenues à un niveau suffisant, mais leur croissance est contenue afin de ne pas peser sur le secteur du transport aérien. L’encours de dette diminue : il est désormais inférieur au niveau de 2008, l’année de la crise du transport aérien.

Je m’interroge sur la recette supplémentaire provenant de l’affectation au budget annexe de la totalité du produit de la taxe d’aviation civile, dont une partie allait, jusqu’à l’an passé, au budget général. Ce supplément de recette d’environ 26 millions d’euros figure en « surexécution » dans le budget de l’exercice en cours. Envisagez-vous, monsieur le secrétaire d’État, d’utiliser cette somme pour accélérer encore le désendettement de la DGAC ?

Je souligne le niveau élevé d’investissement, de 250 millions d’euros, conformément à la programmation pluriannuelle de près de 1,4 milliard d’euros. Ces investissements sont nécessaires pour parvenir aux meilleurs standards techniques européens.

Compte tenu du protocole social 2016-2019, signé le 19 juillet dernier avec la majorité des syndicats des personnels de la DGAC, ce budget prévoit également un nouvel investissement dans les ressources humaines. Le protocole demande des efforts importants aux agents de la DGAC. Ils devront adapter leurs modes de travail à la mise en place des nouveaux systèmes informatiques de navigation aérienne ainsi qu’aux nouvelles contraintes du trafic. Les contrôleurs aériens, par exemple, devront modifier leurs cycles de travail afin d’accroître l’offre de navigation en périodes de pointe, particulièrement en été. Cela permettra de diminuer les retards et d’augmenter les recettes de redevances de la DGAC. Les contreparties financières sont importantes, mais elles ne seront pas automatiques. Elles dépendront de la mise en œuvre des réformes selon une approche « donnant-donnant », primes contre productivité. Comme autre contrepartie, le schéma d’emploi prévoit, en 2017, 2018 et 2019, le remplacement de tous les départs en retraite, alors que l’aviation civile a supprimé 10 % de ses effectifs entre 2007 et 2015. Je forme le vœu que l’application du protocole permette à toutes les catégories de personnels de la DGAC de bénéficier de perspectives de progression, car elles contribuent toutes à la chaîne de sécurité de l’aviation civile.

Mes autres interrogations concernent les mesures en faveur de la compétitivité du transport aérien français. De nombreux leviers de redressement sont à la portée des acteurs eux-mêmes, comme l’attestent les efforts importants engagés par la compagnie Air France, mais l’État peut intervenir utilement.

La réussite du projet du Charles-de-Gaule (CDG) Express est un enjeu majeur pour l’attractivité de l’aéroport de Roissy et celle de notre pays. Je salue la détermination sans faille des responsables du projet. Toutefois, la taxe sur les passagers aériens qui serait susceptible de compléter le financement de ce dernier représenterait une charge supplémentaire difficile à absorber pour le secteur. Monsieur le secrétaire d’État, avez-vous défini des financements alternatifs ? À défaut, une compensation peut-elle être envisagée en supprimant ou en réduisant certains prélèvements indus sur le transport aérien ? Le rapport sur la compétitivité du transport aérien français, présenté par notre collègue Bruno Le Roux il y a deux ans, comporte des propositions en ce sens qui me paraissent toujours d’actualité.

La Cour des comptes a récemment proposé de supprimer l’écrêtement actuel de la taxe de solidarité. Au-delà du montant de 250 millions d’euros attribués au Fonds de solidarité pour le développement, le produit de cette taxe est aujourd’hui reversé au budget général. La Cour des comptes propose de diminuer les tarifs de la taxe pour alléger la charge sur le transport aérien. Quelles sont les intentions du Gouvernement à cet égard ?

Enfin, je souhaite alerter sur les risques que présente, pour le transport aérien français, le détournement du droit européen relatif au détachement des travailleurs à des fins de dumping social. Afin d’échapper à notre droit social, certaines compagnies bien connues utilisent massivement des travailleurs détachés pour des activités basées exclusivement en France. Elles invoquent le droit européen pour faire échec aux contrôles des administrations françaises et à des décisions de justice qui les ont pourtant condamnées à acquitter des cotisations qu’elles refusent de payer. Comment le Gouvernement entend-il faire valoir auprès de la Commission européenne la nécessité de lutter contre les détachements abusifs ? La menace ne doit pas être sous-estimée ; elle présente un risque mortel pour toutes les compagnies du pavillon français qui acquittent leurs contributions sociales en France.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes intervenu avec votre collègue allemand, pour engager une stratégie commune contre les détachements frauduleux dans le transport routier. Envisagez-vous la même initiative pour le transport aérien ? Comment entendez-vous peser sur les grands équilibres de la directive européenne en préparation, qui modifiera les textes actuels, sources d’abus ?

M. Olivier Faure, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, et le compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionné de voyageurs ». Alors que nous discutons du dernier budget de la mandature, au cours de laquelle j’ai rapporté les crédits relatifs aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, je souhaite dresser un bilan des actions entreprises par le Gouvernement et remercier singulièrement le secrétaire d’État pour sa disponibilité, son sens du dialogue et son action dans un contexte budgétaire serré.

Le contexte est aussi celui de l’accord de Paris, issu des travaux de la COP21, qui entrera en vigueur d’ici à la fin de l’année. La priorité que le Gouvernement accorde, depuis le début de la législature, aux transports du quotidien s’inscrit dans cette démarche environnementale. En témoignent, parmi d’autres actions, la mise en œuvre des nouveaux contrats de plan État-région pour la période 2015-2020, qui comportent un ambitieux volet intermodal avec pas moins de 7,7 milliards d’euros consacrés au ferroviaire, mais également les appels à projets successifs pour le développement des transports collectifs en site propre. La réalisation des premiers travaux du Grand Paris Express ainsi que la mise en service des premières rames des trains Intercités, en novembre prochain, concourent également à cette nette amélioration des transports du quotidien.

De façon tout à la fois prospective et pragmatique, le formidable travail réalisé par la commission Mobilité 21, dirigée par notre collègue Philippe Duron, a permis de prioriser les opérations de développement et de modernisation du réseau ferré qui devront être réalisées à l’horizon 2020-2030. Le projet de schéma national d’infrastructures de transport (SNIT) du précédent gouvernement, qui entretenait l’illusion sur de potentielles opérations de développement du réseau, a été ainsi définitivement enterré. C’était œuvre utile.

La détermination du Gouvernement a conduit à l’adoption d’une réforme ferroviaire ambitieuse, qui vise à redresser l’équilibre économique d’un système à bout de souffle grâce à la création d’un gestionnaire d’infrastructure unifié et à son intégration dans un groupe ferroviaire stratégique. Nos collègues Gilles Savary et Bernard Pancher ont effectué un remarquable travail de bilan d’application de cette réforme, que je salue. Je rejoins leurs préoccupations concernant la dette ferroviaire et la tentation de l’État de contourner la « règle d’or ». À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite connaître la date de publication du décret d’application de la règle d’or. Quelles en seront les modalités précises ?

Par ailleurs, comme beaucoup d’autres sur ces bancs, je nourris des doutes persistants quant à l’abondement du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). La concrétisation des propositions issues du scénario 2 de la commission Mobilité 21 nécessite un niveau de ressources qui n’est pas atteint aujourd’hui. Ainsi, les besoins en crédits de paiement de l’Agence sont supérieurs à 2,8 milliards d’euros pour 2017 alors que son budget ne sera que de 2,2 milliards d’euros. Ce montant est certes supérieur à ceux de la décennie passée, mais il est inférieur aux besoins de financement des projets déjà engagés.

Lorsqu’en première partie de la loi de finances, j’ai suggéré au Gouvernement de prélever un nouveau centime de TICPE pour sortir de cette impasse financière, il s’y est opposé arguant de la nécessité de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires. J’entends volontiers cet argument que je pourrais faire mien, mais il aurait fallu, alors, s’engager dans l’autre voie possible, celle qui consistait à affecter une partie plus élevée du produit de la TICPE à l’AFITF. Or cette part n’a cessé de diminuer, passant de 1 139 millions d’euros en 2015, à 735 millions dans le présent projet de loi de finances.

Cette situation n’est absolument pas tenable puisqu’elle implique de reporter près de 600 millions d’euros de paiements, et qu’elle porterait à 3,2 milliards d’euros les besoins des exercices suivants pour l’Agence. Cela aurait des conséquences néfastes, tant pour SNCF Réseau, dont la dette ne serait pas remboursée – elle atteindra 800 millions d’euros à la fin de 2017 –, que pour l’activité du secteur des travaux publics. Ce sont ainsi, selon l’AFITF, près de 10 000 emplois qui seraient menacés en 2017. Dans ce contexte, quelles sont les solutions à l’étude pour abonder le budget de l’Agence ? Cette question est récurrente depuis bientôt cinq ans et je déplore qu’elle revienne encore aujourd’hui. Il s’agit d’un sujet de préoccupation majeure pour mes collègues et moi-même.

Les crédits que je suis chargé de rapporter dans le présent projet de loi de finances sont stables par rapport à 2016. Ils s’élèvent à 2,46 milliards d’euros et ils constituent 77 % des crédits budgétaires du programme 203 « Infrastructures et services de transport ».Cette stabilité résulte de la sacralisation du concours versé à SNCF Réseau pour la gestion de l’infrastructure ferroviaire, qui constitue l’exclusivité des crédits que je rapporte.

Je conclus par une question d’actualité relative au site d’Alstom de Belfort. Si la réponse apportée il y a quelques jours par le Gouvernement est satisfaisante puisqu’elle préserve le site, elle n’en laisse pas moins quelques sujets dans l’ombre. Quel sera l’avenir du site une fois la production des quinze rames de TGV achevée en 2020 ? Quelles mesures comptez-vous prendre au sujet du site Bombardier de Crespin, pour lequel le reclassement d’une centaine de personnes est prévu en 2017 ? Quel en est le montage financier précis : qui paie et quand – sur quel exercice et à partir de quel budget ? Quels sont les retours de la Commission européenne sur ce dossier ?

Beaucoup d’avancées et de progrès ont marqué les cinq dernières années, le Gouvernement ayant pris conscience de la nécessité d’inscrire au rang de priorité les transports du quotidien. Des incertitudes demeurent néanmoins dans ce secteur dont les enjeux considérables sont liés à la vie quotidienne de nos concitoyens.

M. Jean-Claude Buisine, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la sécurité et les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture. Le programme 205, qui regroupe les crédits consacrés à la sécurité maritime, à la formation des marins, au développement durable du littoral et aux aides à la pêche et à l’aquaculture, bénéficiera, en 2017, d’une hausse de 9 %, pour atteindre un montant total d’environ 200 millions d’euros en crédits de paiement et autorisations d’engagement.

L’augmentation significative du montant des crédits par rapport au budget 2016 est liée aux dispositions de la loi du 20 juin 2016 pour l’économie bleue, dont l’article 43 a élargi l’exonération des charges dites « non-ENIM » – en référence au régime géré par l’Établissement national des invalides de la marine – à l’ensemble des navires de transport et de services maritimes battant pavillon français, soumis à la concurrence internationale. Je me félicite de cette mesure qui permettra d’améliorer l’employabilité de nos marins et la compétitivité de nos armements. Le marin français a trop souvent été pointé du doigt pour son coût excessif par rapport aux conditions d’emploi des marins étrangers. Dans quelle mesure exactement ces nouvelles exonérations seront-elles bénéfiques aux marins et aux armateurs français ? Je souhaiterais que nous puissions disposer d’éléments de suivi précis de cette mesure adoptée dans le cadre de la proposition de loi portée par notre collègue Arnaud Leroy.

En ce qui concerne le volet « pêche », à l’heure actuelle, la principale difficulté du secteur reste le phénomène de mortalité massive qui touche la mytiliculture pour la troisième année consécutive – on enregistre dans ce secteur un taux de mortalité de 70 % en moyenne. Le Gouvernement a annoncé qu’il compléterait les aides conjoncturelles du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) en mettant en place une exonération des redevances domaniales pour les mytiliculteurs concernés en 2016. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous confirmer cette annonce et nous apporter des précisions à ce sujet ?

Je souhaite appeler l’attention sur les conséquences que pourrait avoir pour la pêche française le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne. Tout dépendra des revendications formulées par le Royaume-Uni une fois qu’il sera libéré des obligations de la politique commune des pêches (PCP). Les conséquences pourraient se révéler considérables et menacer un secteur déjà fragile économiquement. Le premier port de pêche français, Boulogne-sur-Mer, pourrait être fortement touché, sachant qu’en 2015, 44 % des 11 000 tonnes de poissons débarquées sur ses quais provenaient des eaux britanniques. La remise en cause potentielle de tels volumes aura nécessairement un impact sur l’emploi, aussi bien en mer qu’à terre. La plus grande attention doit être accordée au volet « pêche » dans la négociation qui va s’engager avec le Royaume-Uni. Pour éviter des décisions dommageables à l’ensemble de la filière, les sujets de pêche ne devront pas être négociés isolément, d’autres devront probablement être mis en balance. Des discussions sur ce point sont-elles en cours à Bruxelles ? Si tel est le cas, quelle en est la teneur ?

J’en termine avec un sujet qui me tient particulièrement à cœur : le financement de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM). En tant qu’élu du littoral, j’insiste sur l’immense chance qu’a l’État de pouvoir compter sur une association de bénévoles aussi performante, compétente et engagée que la SNSM pour l’accomplissement de la mission pourtant hautement régalienne qu’est la sauvegarde de la vie humaine en mer. J’ai le plaisir de côtoyer fréquemment les sauveteurs en mer et je connais leur grande valeur. Nous devons avoir conscience de la fragilité de ce modèle fondé sur le bénévolat, et, paradoxalement, de la force que cet engagement implique. L’État bénéficie largement de l’existence d’une organisation dont le transfert au secteur public a été évalué, a minima, à une centaine de millions d’euros. Pourtant, la SNSM est actuellement confrontée à une réelle difficulté de financement de ses futurs investissements. En comparaison, les ressources de la Royal National Lifeboat Institution (RNLI) sont presque dix fois supérieures à celles de la SNSM.

La SNSM doit pouvoir disposer des moyens nécessaires à la réalisation du plan de modernisation de ses moyens hauturiers, et à la charge croissante que représente sa mission de formation. Le rapport que notre collègue Chantal Guittet a remis au Premier ministre, au mois de juillet dernier, sur la pérennisation du modèle de la Société nationale de sauvetage en mer, suggère une augmentation de la contribution de l’État à hauteur de 25 % du budget de fonctionnement de la SNSM, soit un peu plus de 7 millions deuros annuels. Nous en sommes loin ! Ce rapport présente également de nombreuses pistes pour un financement sur le long terme, la plupart visant à augmenter la contribution des plaisanciers, premiers bénéficiaires des actions de la SNSM. Sachant que des discussions sont en cours avec les acteurs concernés, je n’ai pas déposé d’amendement sur la délicate question de la pérennisation du modèle de la SNSM. J’insiste néanmoins pour que l’accent soit mis sur la recherche de fonds et regrette qu’aucune mesure n’ait été présentée dans le cadre de ce projet de budget, hormis l’inscription de la subvention supplémentaire d’investissement que l’État a accordée en 2015 et 2016 à la SNSM, portant à 3,7 millions d’euros la dotation accordée sur le programme 205. Les parlementaires doivent être davantage associés au processus décisionnel.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer les principales pistes actuellement à l’étude et nous dire où en sont les réflexions sur ce sujet ? Je sais que vous comptez sur le prochain comité interministériel de la mer (CIMer), prévu le 4 novembre prochain à Marseille, pour effectuer des annonces à ce propos. J’espère que ce CIMer ne décevra pas les attentes et qu’il sera l’occasion d’effectuer les choix politiques urgents qu’il convient désormais de ne plus reporter.

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 205.

M. Rémi Pauvros, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour les transports terrestres et fluviauxLe programme 203 représente 3,16 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, soit une légère baisse de 0,7 % par rapport à 2016, et 3,18 milliards de crédits de paiement – un montant stable. Cela confirme la trajectoire à la hausse ou stabilisée qu’ont suivie les budgets relatifs au transport tout au long de la législature malgré – faut-il le rappeler ? – la diminution générale de la dépense publique.

Ce budget est satisfaisant puisqu’il assure le financement des engagements pris et des projets engagés. Depuis 2012, le Gouvernement s’est efforcé de prendre des mesures importantes dans le domaine ferroviaire, particulièrement en faveur de la sécurisation du réseau. Le projet de loi de finances pour 2017 confirme cette volonté, et je donne d’emblée un avis favorable à l’adoption de cette proposition budgétaire.

L’Agence de financement des infrastructures de transports de France a effectué, ces dix dernières années, 21,25 milliards d’euros de paiements et s’est engagée à hauteur de 35,55 milliards ; c’est dire son importance. La proposition de budget pour 2017 permet de financer la liaison Lyon-Turin à hauteur de 86 millions d’euros, et de consacrer 78 millions au canal Seine-Nord Europe, 106 millions à la ligne à grande vitesse (LGV) Bretagne-Pays de Loire et au contournement de Nîmes-Montpellier, et 100 millions à la nouvelle route du littoral à La Réunion – autant de crédits importants pour des projets qui répondent à l’urgence et aux attentes des populations.

Soulignons aussi que la Cour des comptes ne met plus en cause l’existence de l’AFITF qui, en effet, tient un rôle déterminant de récepteur et de mobilisateur des fonds de concours. Quelles sont vos intentions, monsieur le secrétaire d’État, concernant l’évolution de la demande financière de l’AFITF au cours des prochaines années afin de tenir les engagements pris ?

J’en viens aux contrats de plan État-région. Les choix d’investissement qui ont été faits sont importants : ils représentent 22,7 milliards pour les vingt-sept contrats déjà négociés et en cours de renégociation en vertu de la clause de revoyure. Nous savons le travail que vous accomplissez en la matière. Toutes les nouvelles régions sont sollicitées. Je tiens à appeler votre attention sur la négociation engagée – et inachevée – en Île-de-France, qui nous concerne tous. En 2015, cette région bénéficiait d’un engagement de l’État à hauteur de 1,803 milliard d’euros, soit près de 26 % du montant total des engagements de l’État sur l’ensemble du territoire, avec 175 millions en autorisations d’engagement et 342 millions en crédits de paiement. Ces montants sont importants mais, compte tenu des problématiques de transport dans cette région et de l’importance des investissements – Charles-de-Gaulle Express et Grand Paris, par exemple –, il me semble indispensable, monsieur le président de la commission du développement durable, de procéder à une analyse plus complète des relations et des enjeux financiers entre l’État et l’Île-de-France, d’autant plus que celle-ci bénéficiera d’un dispositif spécifique permettant à son conseil régional de délibérer pour majorer les tarifs de la TICPE sur les carburants visés à l’article 11 du projet de loi de finances.

Un mot sur les trains d’équilibre du territoire (TET). La commission présidée par Philippe Duron a diagnostiqué la situation et le Gouvernement en a fait son miel pour décider de conserver la responsabilité des lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Toulouse-Marseille et d’acquérir des rames neuves pour un montant total de 1,5 milliard d’euros. La négociation est en cours dans d’autres régions et trente-quatre nouvelles rames seront déployées moyennant un coût de 510 millions d’euros, conformément à une décision prise dans la dernière loi de finances, dont nous ne pouvons que nous réjouir de l’application. Je serai attentif à ce que la négociation relative aux Hauts-de-France permette à l’ensemble des lignes de cette région de bénéficier du nouveau matériel. Une nouvelle convention concernant l’exploitation des TET doit être signée avant la fin de l’année : où en est la négociation avec l’ensemble des régions ?

La signature des trois contrats stratégiques décennaux et la parution du décret d’application de la règle d’or permettront à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières d’exercer pleinement sa compétence de contrôle sur les dépenses d’investissement de SNCF Réseau. Nous attendons avec impatience la publication prochaine du rapport de l’Autorité sur les concessions de gestion des autoroutes, plus précisément sur l’économie générale des conventions de délégation et sur le suivi annuel des taux de rentabilité interne de chaque société concessionnaire.

Reste à régler la question de la dette de SNCF Réseau. La régénération du réseau, qui était l’une de nos priorités, a fait l’objet d’un investissement de 2,6 milliards pour des travaux de maintenance et de rénovation. Enfin, ce projet de budget modifie les aides à l’acquisition de véhicules propres : c’est l’une des réussites de notre politique, l’impact sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2) étant quantifiable, quantifié et positif.

M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour les transports aériensLe transport aérien est l’un des rares secteurs économiques en expansion depuis plusieurs décennies. Les statistiques de 2015 ont confirmé une hausse globale du nombre de passagers et de marchandises transportés à l’échelle mondiale, même si cette hausse est un peu moins forte sur les marchés arrivés à maturité, comme le marché européen.

En France, cette hausse du nombre de passagers transportés s’accompagne – c’est une bonne nouvelle – d’un tassement, voire d’une baisse du nombre de mouvements d’avions. La raison en est simple : les compagnies utilisent des appareils de plus grande capacité et améliorent constamment leurs taux de remplissage. Ce sont les appareils les plus anciens, bruyants et gourmands en carburant, comme le Boeing 747 et l’A340, qui sont sortis des flottes.

En revanche, les premières estimations pour 2016 sont préoccupantes : le risque sécuritaire, lié notamment aux attentats de novembre puis de juillet, a fait chuter le nombre de touristes. Les manifestations violentes du printemps et les attaques ciblées dont ont été victimes des touristes asiatiques ont contribué à noircir encore davantage l’image de notre pays. Cette année, le trafic aérien se maintiendra peut-être en France, mais au prix d’une chute de la rentabilité, car les compagnies aériennes se livrent à une guerre des prix pour remplir leurs avions au maximum. Sur certaines lignes, la rentabilité aurait baissé de 7 % : c’est sans précédent. Plus que jamais, il faut donc restaurer la sécurité et l’image de notre pays, une tâche dont je conviens qu’elle dépasse votre champ des compétences, monsieur le secrétaire d’État.

Aussi, pour rester dans un domaine qui relève de votre responsabilité, je souhaite vous interroger sur trois points. Les trajectoires aériennes, tout d’abord : les trajectoires d’approche de la région parisienne ont été modifiées en 2016 sans qu’aucune enquête publique n’ait été réalisée pour informer les populations résidant dans les zones nouvellement survolées. C’est notamment le cas de la desserte du Bourget : nous constatons que de nombreux avions, souvent très bruyants, survolent à basse altitude – c’est-à-dire à 1 200 mètres – des zones urbaines denses de l’Île-de-France. Or, il serait possible de modifier ces trajectoires pour survoler des zones moins peuplées moyennant un détour qui rallongerait le temps de parcours de cinq à dix minutes, ce qui n’aurait guère d’incidence pour les compagnies compte tenu du fait que les avions concernés transportent quatre personnes en moyenne. Pourriez-vous demander à vos services d’étudier cette possibilité qui permettrait d’épargner une pollution sonore à des millions de Franciliens qui subissent déjà des pollutions multiples dans leurs secteurs ? De même, les vols de nuit à destination de Roissy sont certes moins nombreux que les vols de jour, mais plus pénalisants pour les populations survolées : serait-il, là encore, possible d’en modifier les trajectoires de sorte qu’ils ne survolent pas les zones les plus denses, comme c’est déjà le cas autour des grands aéroports mondiaux ?

Ensuite, la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), qui est destinée à financer l’insonorisation des habitations des riverains des aéroports, fait l’objet d’un écrêtement, une partie étant injustement reversée au budget de l’État. Cette situation est difficilement compréhensible pour les riverains des aéroports, en particulier Roissy, certains d’entre eux devant attendre jusqu’à deux ans avant que leur logement soit insonorisé. Ne pourriez-vous pas obtenir un arbitrage permettant de déplafonner la TNSA et de la consacrer entièrement à l’insonorisation, comme elle devrait légitimement l’être ?

La taxe de solidarité, dite « taxe Chirac », enfin, rapporte plus qu’il n’était initialement prévu. De ce fait, une partie de son produit est, là encore, écrêtée pour alimenter le budget général, ce qui n’est pourtant pas son objet. Or cette taxe pénalise particulièrement les compagnies françaises puisqu’elle ne s’applique que dans neuf pays au monde, dont la France. Dans ces circonstances, ne pourrait-on pas la plafonner, voire la réduire ? Que penseriez-vous d’un élargissement de son assiette aux transports ferroviaires internationaux ? Comment expliquer, en effet, que les passagers des liaisons ferroviaires entre Paris et Londres, Cologne ou Amsterdam soient exemptés du paiement de cette taxe qui n’est acquittée que par les seuls passagers du transport aérien, d’où une distorsion de concurrence, voire une discrimination ?

M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour les affaires maritimesAlors que le budget consacré aux affaires maritimes est longtemps resté à l’étiage, les crédits de paiement alloués aux actions 01 à 05 du programme 205 augmenteront de près de 13 % en 2017, pour atteindre un montant de 154 millions d’euros. Cette augmentation bénéficiera pour l’essentiel à l’action 03, qui concerne les aides à la flotte de commerce. Elle permettra de financer la compensation à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et Pôle emploi des exonérations de cotisations sociales patronales familiales et de contributions à l’allocation d’assurance contre le risque de privation d’emploi, exonérations dont le champ a été élargi par la loi du 20 juin 2016 relative à l’économie bleue. Cette loi a, en effet, permis l’instauration du net wage, ou salaire net, une mesure qui était très attendue par les professionnels du secteur. Elle doit leur permettre de mieux résister à la concurrence internationale, particulièrement virulente dans le monde maritime. Elle permettra, du même coup, à la France de conserver sa place sur la scène maritime mondiale. Notre pays est, en effet, l’héritier d’un long passé maritime ; la qualité de la formation de ses marins est reconnue dans le monde entier et les savoir-faire développés par les entreprises d’armement maritime permettent à certains groupes d’être des leaders mondiaux.

La France a également de grandes responsabilités. Possédant le deuxième domaine maritime mondial, elle doit assumer d’importantes missions régaliennes dans le domaine de la sécurité et de la sûreté maritimes. Or, la tendance à la contraction des crédits de paiement consacrés à la sécurité maritime dans le cadre du programme 205, si elle n’est certes pas nouvelle, prend cette année une ampleur inédite. Les crédits de l’action 04, qui contribuent au financement des missions de police en mer, comme la police de la navigation maritime ou celle des pêches maritimes, diminuent cette année de près de 16 % ! S’il est indispensable de soutenir la compétitivité de notre flotte de commerce en prenant les mesures adéquates, il ne faut pas pour autant négliger la sécurité maritime. C’est d’ailleurs pour cette raison de principe que je m’abstiendrai de voter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Je conclurai en vous faisant part, monsieur le secrétaire d’État, de mes interrogations sur deux sujets qui intéressent particulièrement nos concitoyens. Tout d’abord, comme M. Buisine, je suis conscient des difficultés financières de la SNSM, association reconnue d’utilité publique qui contribue à plus de la moitié des opérations de sauvetage en mer. Il faut mettre tous les moyens en œuvre pour garantir à cette association, composée de bénévoles dont je salue le dévouement, la possibilité d’assurer ses missions. Notre collègue Chantal Guittet a remis, en juillet dernier, un rapport au Premier ministre qui propose des pistes de réflexion en la matière, et je souhaiterais savoir quelles suites le Gouvernement entend lui donner.

Par ailleurs, si la loi sur l’économie bleue a fourni une palette d’outils permettant d’améliorer la compétitivité de la marine de commerce, il faut désormais réfléchir à la façon de renforcer celle des ports pour donner à la réforme entreprise son effet maximal. Or un grand port maritime n’est rien s’il n’est pas efficacement relié à son hinterland. De ce point de vue, le projet de canal Seine-Nord Europe est très prometteur, en particulier pour le port de Dunkerque. Toutefois, son financement doit être sécurisé. Pouvez-vous nous indiquer si le protocole de financement sera signé par l’ensemble des parties prenantes dans des délais rapides ? Quel sera le montant de la participation de la région Île-de-France ? Si elle ne participe pas à hauteur du montant prévu par le protocole, soit 210 millions d’euros, comment ce manque sera-t-il comblé ?

Enfin, les fonds apportés dans le cadre du protocole de financement et la subvention accordée par l’Union européenne ne permettront pas de financer l’intégralité de la construction du canal. Un emprunt de 700 millions d’euros assumé par la société de projet du canal Seine-Nord Europe est donc prévu. Pour assurer la bonne gouvernance budgétaire et la lisibilité de l’action publique, il est nécessaire de définir au plus vite les moyens de financement complémentaires pouvant être mobilisés, notamment les redevances et taxes affectées prévues par l’article 6 de l’ordonnance du 21 avril 2016. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ? Pour une bonne gouvernance, la société de projet du canal Seine-Nord Europe devra être pilotée par des femmes et des hommes qui connaissent le dossier. Savez-vous à quelle date cette gouvernance sera instituée afin que les choses sérieuses puissent enfin commencer ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Le budget que je vous présente aujourd’hui s’inscrit dans la stratégie de maîtrise des dépenses publiques du Gouvernement et poursuit trois objectifs principaux pour notre politique de transport : l’amélioration de la qualité et de la sécurité de nos réseaux et services de transport, le rééquilibrage entre les différents modes de transport et le respect des règles économiques et sociales, en particulier la lutte contre le dumping social.

Les crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transports » sont reconduits à leur niveau de 2016, c’est-à-dire un montant total de 3,182 milliards d’euros, dont les deux tiers sont consacrés aux concours destinés à SNCF Réseau et représentent un soutien important aux activités de service public et de fret ferroviaire. On rappelle trop rarement que l’État verse ainsi chaque année près de 1,7 milliard d’euros, soit plus de la moitié de ce budget, à SNCF Réseau au titre des droits de passage des trains express régionaux (TER) exploités par les régions, à quoi s’ajoutent plus classiquement 500 millions versés pour les TET, dont l’État a la responsabilité. Les autres postes principaux de dépenses concernent l’entretien du réseau routier national, à hauteur de 10 % du budget, et la subvention pour charges de service public versée à Voies Navigables de France (VNF), le solde étant consacré à l’entretien des ports.

Le plafond de dépenses opérationnelles de l’AFITF est fixé à 2,2 milliards, soit une augmentation de 20 % par rapport au plafond fixé en loi de finances initiale pour 2016. Je rappelle que le budget de l’AFITF s’est établi autour de 1,9 milliard d’euros par an en moyenne depuis le début de la décennie, bien qu’il ait certes connu un creux à 1,7 milliard en 2014. Avec un montant de 2,2 milliards cette année, l’effort de mobilisation des moyens est important.

J’en viens au programme 205. Le montant des autorisations d’engagement s’établit à 203,38 millions et celui des crédits de paiement à 200 millions. Ce projet de budget est en augmentation de 10 % du fait de l’exonération des charges qui découle de l’application de la loi relative à l’économie bleue. C’est, là aussi, un effort important consenti en faveur de nos marins et de la compétitivité des entreprises dans un secteur soumis à une forte concurrence. Ce programme comprend les missions régaliennes de sécurité maritime, de mise en œuvre de la politique commune de la pêche et de contrôle de l’environnement marin. Cette dernière mission connaît une montée en puissance depuis un an et devrait poursuivre son développement. Dans un contexte budgétaire contraint, j’ai attaché un soin particulier à préserver la capacité d’investissement afin d’assurer le maintien des actions de modernisation et d’amélioration du capital technique, vitales pour ce programme. Les opérations suivantes sont donc prévues en 2017 : la modernisation des systèmes d’information des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), y compris l’installation d’un nouveau système de recherche des naufragés ; le renouvellement d’un baliseur pour l’armement des phares, essentiel à l’exploitation des 6 500 phares et balises nautiques ; la poursuite de la modernisation technologique dans le domaine de la surveillance des pêches dans la zone exclusive des terres australes françaises, où l’enjeu économique est majeur ; la modernisation des systèmes d’information des gens de mer ; la réalisation d’un fichier unique pour l’immatriculation des navires de plaisance.

Par ailleurs, le Gouvernement accorde une grande importance à l’enseignement maritime secondaire et supérieur en apportant un soutien très fort à l’École nationale supérieure et aux lycées professionnels maritimes, en particulier avec les premières promotions de technicien supérieur (BTS) maritime. J’ai annoncé, il y a une semaine, le lancement d’un appel à candidatures auprès des lycées professionnels maritimes en vue d’ouvrir une nouvelle section de BTS.

S’agissant de l’accompagnement des secteurs de la pêche et de l’aquaculture, le programme mobilisera les crédits nécessaires pour appeler de nouveaux fonds dans le cadre de l’application de la nouvelle politique commune de la pêche, et la mise en œuvre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche constituera pour nous une priorité. Je précise que, compte tenu des délais de mise en place de ce fonds, le paiement des premiers dossiers interviendra avant la fin de l’année 2016. La montée en puissance effective au début 2017, avec des paiements conséquents, notamment au titre du rattrapage des années 2015 et 2016, est prioritaire. J’ai donc décidé, avec les régions partenaires, de réunir chaque mois plutôt que chaque année le comité État-région pour assurer le paiement effectif de tous les dossiers du FEAMP d’ici à la fin du premier trimestre 2017, et faire le point sur l’avancement de chacun d’entre eux.

Dans le secteur aérien, le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) s’inscrit dans le cadre du deuxième plan de performance. Les recettes d’exploitation perçues par la direction générale de l’aviation civile sont en légère hausse. Grâce à un effort consenti sur les dépenses de fonctionnement, le BACEA poursuit la stratégie d’investissements productifs indispensables, consistant notamment à moderniser les systèmes de navigation. Avec 250 millions d’euros en 2017, ce niveau d’investissement atteint un pic historique. La masse salariale évolue de 3,6 % suite à l’accord social que nous avons négocié, et le schéma d’emploi est stable. Le maintien des effectifs est acquis pour la première fois depuis dix ans ; jusqu’ici, il était constamment marqué par des réductions d’effectifs. C’est le signe de notre volonté de sauvegarder les compétences. Les résultats d’exploitation se maintiennent à un niveau élevé – 364 millions – qui permettent de dégager une marge d’autofinancement des investissements à hauteur de 60 %. De plus, la trajectoire de désendettement est respectée, conformément à la recommandation de la Cour des comptes, puisque le stock de dette s’est réduit de près de 29 % depuis 2014, l’encours de la dette passant désormais sous le seuil de 1 milliard pour s’établir à 993 millions, c’est-à-dire un niveau équivalent à celui d’avant 2009, au début de la crise.

Après ces quelques observations générales, j’en viens aux questions qui m’ont été posées. Les moyens de l’ARAFER, monsieur le président Chanteguet, ont été renforcés : 8 millions sont perçus au titre des droits de sécurité acquittés par les entreprises ferroviaires, 2,6 millions proviennent des sociétés d’autoroutes et 0,25 million d’une nouvelle recette liée aux autocars. Les effectifs de l’Autorité ont été augmentés : avec 75 ETP (équivalent temps plein), soit huit postes supplémentaires, ils correspondent aux moyens envisagés dans le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale des finances que j’ai sollicités. L’ARAFER et son nouveau président eux-mêmes estiment que ces moyens sont satisfaisants pour remplir leurs missions.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur la dette de SNCF Réseau, la règle d’or et le rapport du Gouvernement sur la dette ferroviaire. La réforme ferroviaire a été mise en œuvre, et le récent rapport parlementaire sur le sujet conclut, deux ans après l’adoption de la loi, que les décrets d’application ont été pris. Aujourd’hui, la dette ferroviaire de SNCF Réseau – hors SNCF Mobilités – est supérieure à 40 milliards d’euros. Le Gouvernement s’est naturellement interrogé sur le sort de cette dette, sur son éventuel cantonnement dans une structure de défaisance ou sur l’opportunité de sa reprise. De ce point de vue, la règle d’or est essentielle : elle signifie que SNCF Réseau ne participera plus à aucune opération de financement d’infrastructures nouvelles susceptible d’aggraver son endettement. Cette règle d’or, en réalité, n’est pas nouvelle : c’est la deuxième du genre. Un premier texte datant de 1997 fixait une règle presque dans les mêmes termes, quoique sans doute pas assez précis, puisque la dette de RFF a tout de même bondi après une reprise de dette et surtout suite à des décisions concernant des infrastructures importantes – quatre lignes à grande vitesse simultanées ! L’ancienne règle d’or existait pourtant bel et bien lorsque ces décisions ont été prises. Soyons clairs, elle a été ignorée, comme l’a d’ailleurs relevé la Cour des comptes. Je précise ces faits pour tempérer quelque peu l’enthousiasme des critiques. Tous ceux qui, au-delà des bancs de la seule majorité, ont voté en faveur de la nouvelle règle d’or ont eu raison, parce qu’elle était notamment liée à cet épisode du financement des quatre LGV. Reste que nous devons aujourd’hui gérer la hausse de 5 milliards de la dette de SNCF Réseau qui en a résulté.

Le décret relatif à la règle d’or a été rédigé et soumis au Conseil d’État, qui a estimé qu’il devait recueillir l’avis préalable de l’ARAFER. Celle-ci est saisie du texte et dispose d’un délai de deux mois pour rendre son avis au Conseil d’État. En tout état de cause, je répète très clairement que le Gouvernement s’engage à ce que SNCF Réseau ne participe plus sous aucune forme à un quelconque financement d’infrastructures nouvelles, que ce soit directement ou dans le cadre d’une société de projet. Quant au grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), puisque c’est de lui qu’il s’agit, l’État est en discussion avec les collectivités locales pour envisager les différents moyens de financement possibles dans le cadre d’une société de projet, suite à la déclaration d’utilité publique que j’ai signée.

Que faire de la dette de SNCF-Réseau ? Nous nous sommes évidemment posé la question de savoir si l’État devait la reprendre.

La réponse dépendait, en premier lieu, de la capacité d’investissement de SNCF-Réseau compte tenu de cette dette. Le principal problème de notre réseau, c’est son vieillissement, et j’ai insisté, dès mon entrée en fonction, sur le caractère majeur de sa maintenance et de son entretien. Si le réseau est vieillissant, c’est qu’une part importante du budget de maintenance a été consacrée, non pas aux travaux de renouvellement du réseau mais à son entretien courant, c’est-à-dire à des travaux plus ou moins urgents. Or, mécaniquement, moins on finance le renouvellement, plus le réseau vieillit. Ainsi, en 2005, sur 3 milliards d’euros de budget global, deux tiers étaient affectés à l’entretien et un tiers seulement au renouvellement. C’est cette répartition que nous avons voulu corriger. En 2015, nous avons consacré 2,136 milliards d’euros à l’entretien courant, et 2,5 milliards au renouvellement. En 2016, les 4,9 milliards budgétés se répartissaient de manière équilibrée entre entretien et renouvellement, ce qui faisait de ce dernier la priorité. Aujourd’hui, la dette ne remet pas en cause cette orientation : avec 2,5 milliards de crédits, augmentés des 100 millions supplémentaires annoncés par le Premier ministre, nous sommes en bonne voie pour atteindre l’objectif de 3 milliards affectés au renouvellement.

Dès lors, la seconde interrogation consistait à savoir si nous avions un intérêt financier à reprendre la dette. Sur ce point, je vous renvoie au rapport. Avec 6,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 2 milliards de résultat et 1,5 milliard de charges financières, SNCF-Réseau peut aujourd’hui, compte tenu du niveau des taux d’intérêt, rembourser sa dette tout en finançant les travaux nécessaires ainsi que ses autres obligations. Le rapport précise néanmoins qu’une clause de revoyure s’impose sous trois ans, en fonction de l’évolution des taux. Nous en convenons, la position du Gouvernement sur la dette n’est pas arrêtée par principe mais liée aux circonstances actuelles.

Dans le domaine du transport aérien, j’ai été interrogé sur le plafonnement de la taxe de solidarité. Le fait que son rapport soit supérieur au plafond ne lui est pas spécifique, c’est le cas de plusieurs autres taxes. Cela étant, nous devons respecter certaines règles, et le Gouvernement n’entend remettre en cause ni l’assiette ni le taux de cette taxe.

En ce qui concerne la compétitivité du transport aérien, elle passe, d’une part, par la lutte contre le dumping social et les détachements abusifs, et, d’autre part, par la lutte contre la concurrence déloyale. Dans cette perspective, nous avons, avec mon homologue allemand Alexander Dobrindt, obtenu que la Commission européenne engage une négociation avec les compagnies du Golfe, dont le moins que l’on puisse dire est que leur business plan mériterait quelques précisions.

Quant au détachement abusif, il se pratique aussi bien dans les transports terrestres et dans le transport maritime que dans le transport aérien. Dans tous les cas, au-delà des mesures que vous avez votées, ma réponse est la même : on ne peut pas construire l’Europe sans respecter à la fois la libre circulation, la concurrence loyale et les règles sociales. Ceux qui voudraient nous contraindre à choisir se trompent en même temps qu’ils faussent la lecture que peuvent avoir nos compatriotes de la construction européenne.

Monsieur Fruteau, vous m’avez également interrogé au sujet de la taxe sur l’aviation civile et son affectation intégrale au budget annexe, soit un supplément de 26 millions d’euros. Sachez que le Gouvernement est disposé à discuter de cette disposition dans le cadre budgétaire, notamment en ce qui concerne les modalités de restitution de cette ressource au secteur aérien. Je ne doute pas que nos débats nous permettront de parvenir à la meilleure solution possible.

Olivier Faure m’a interrogé sur le budget de l’AFITF, dont je tiens à souligner ici le rôle fondamental et qui permet de surcroît au Parlement d’être associé aux décisions concernant les infrastructures. Ce budget est abondé par des taxes d’aménagement du territoire, des redevances domaniales, une partie des amendes radar ainsi que par une partie de la TICPE, qui s’est substituée à l’écotaxe puis à la taxe de transit acquittées par les poids lourds afin qu’ils contribuent au financement des infrastructures. Ces recettes sont de l’ordre de 2,2 milliards d’euros aujourd’hui – elles seraient de 2,5 milliards si la totalité du produit des taxes était affecté à l’AFITF –, ce qui représente une augmentation de 20 %. Malgré cela, les rapporteurs ont souligné que cela sera insuffisant à partir de 2018 et 2019 compte tenu de nos engagements – qu’il s’agisse du Canal Seine-Nord, du Lyon-Turin ou des CPER. C’est exact.

Deux solutions sont possibles pour boucler le financement de ces engagements, qui nécessiteront probablement 600 millions d’euros supplémentaires par an : soit l’on affecte à l’AFITF toutes les recettes qui lui sont dédiées, ce qui reviendrait à agir comme le sapeur Camember puisqu’on ne ferait que déplacer le trou vers le budget de l’État ; soit l’on augmente la TICPE dans le cadre d’une politique de report modal. Quoi qu’il en soit, une décision doit être prise si l’on ne veut pas se retrouver dans l’obligation de renoncer à ces grands projets d’infrastructures.

Monsieur Faure, vous m’avez également interrogé sur l’avenir d’Alstom et sur les annonces du Gouvernement concernant le site de Belfort. Il s’agissait de pallier la rupture du plan de charge qui mettait le site en difficulté pour les années 2019 à 2021, avant que le TGV du futur ne prenne le relais. Neuf rames ont donc été commandées à Alstom, pour permettre à SNCF-Mobilité de se mettre en conformité avec les nouvelles règles italiennes en matière de signalétique. Des tractations étaient déjà en cours au moment de l’annonce de la fermeture prochaine du site ; les parties se sont rapprochées et, aujourd’hui, l’affaire est conclue.

De nouvelles locomotives ont également été achetées par la RATP. C’était une acquisition pour laquelle, là encore, les négociations étaient déjà en cours.

Enfin, il a été décidé d’acheter par anticipation des rames de TGV pour le futur train d’équilibre du territoire (TET) qui doit relier Bordeaux, Toulouse et Marseille, sachant que, dans le cadre du GPSO, il empruntera la LGV Bordeaux-Toulouse, et que seules ces rames permettaient de nourrir le plan de charge de l’usine de Belfort.

En ce qui concerne l’usine Bombardier à Crespin, elle est dans l’attente de marchés importants, en particulier avec le Regio 2N, en Île-de-France. Elle devrait également pouvoir compter sur les commandes passées dans le cadre des négociations entre l’État et les régions, notamment la région Normandie, sur les TET.

Ces derniers se sont longtemps résumés aux trains qui n’étaient ni des TGV ni des TER, parfois subventionnés à hauteur de 100 euros par voyageur, ce qui pouvait conduire à poser la question de ces services publics, a fortiori quand existaient des solutions alternatives ou qu’ils ne correspondaient plus à l’évolution des modes de mobilités. D’où une explosion du déficit, qui a franchi en 2015 la barre des 400 millions d’euros – les recettes n’excédant pas 320 à 330 millions –, déficit compensé à partir d’un compte d’affectation spéciale, lui-même alimenté par la SNCF et par une taxe sur les TGV.

J’ai donc engagé des négociations avec les régions, car l’État est l’autorité organisatrice des transports pour les TET. La carte des régions ayant été redessinée, il fallait rationaliser l’organisation des TER et des TET. Un premier accord a été conclu avec la Normandie, l’État ayant fait un effort considérable, puisqu’il finance les trains avant d’en transmettre progressivement la gestion à la région. Pour les autres grandes régions concernées, les discussions sont bien entamées. J’espère pouvoir les finaliser prochainement, sachant qu’elles ne pourront se poursuivre raisonnablement au-delà de la fin novembre.

En ce qui concerne le programme 205, vous avez eu raison, monsieur Buisine, de mettre en exergue les exonérations de charges : elles représentent 19 millions, que l’on retrouve dans le budget.

En matière de mytiliculture, je vous confirme que le Gouvernement est favorable au renouvellement des exonérations de redevance domaniale pour les mytiliculteurs dont la production a été touchée par la mortalité en 2016. J’ai reçu les partenaires professionnels, auxquels j’ai indiqué que nous étions prêts à faire un effort important, puisque les crédits consacrés à l’indemnisation, qui s’élevaient à 6,5 millions d’euros pour 2016, pourraient grimper à 8 millions d’euros pour 2017.

Quant aux effets du Brexit sur la pêche, c’est une question majeure et préoccupante. Plus une politique européenne est intégrée, plus le Brexit pose problème. Or qu’avons-nous de plus intégré que la politique commune de la pêche, caractéristique de ce que peut être une politique européenne, puisque, ponctuée par la réunion annuelle du deuxième week-end de décembre où l’on fixe les quotas pays par pays, elle repose sur le partage des eaux et des ressources ? Reste que les Français pêchent dans les eaux territoriales britanniques, et je rejoins le rapporteur sur la nécessité qu’il y aura à mener des négociations globales pour défendre nos pêcheurs.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur la SNSM. Je rappelle que le Gouvernement a augmenté sa subvention, qui s’élève à 3,7 millions d’euros. En outre, la loi sur l’économie bleue offre des perspectives de crédits supplémentaires puisque la SNSM sera alimentée par la taxe éolienne et une partie du produit de la taxe sur les recettes des casinos installés à bord des navires. Nous restons, cela étant, très attentifs aux conclusions du rapport de Chantal Guittet, et le Gouvernement aura l’occasion, lors du prochain comité interministériel de la mer, de renouveler ses engagements.

Rémi Pauvros m’a interrogé sur l’extension du rôle de l’ARAFER. J’indique, puisque c’est la première fois qu’elle se prononçait sur une autoroute, qu’elle vient de rendre, il y a quelques heures, un avis favorable sur l’A45, qui doit relier Saint-Étienne à Lyon.

Monsieur Demilly, je suis très attaché au projet du canal Seine-Nord Europe. L’État a mené à bien toute la procédure, nous avons obtenu 40 % de financements européens et déployé la pédagogie nécessaire à l’attention de ceux qui s’inquiétaient, de façon compréhensible, notamment au Havre, au sujet, entre autres, de la ligne Serqueux-Gisors.Aujourd’hui, reste à publier le décret relatif à la gouvernance. Il est prêt, et il n’y a donc plus qu’à saisir le Conseil d’État.

En ce qui concerne le financement, vous avez noté l’absence de l’Île-de-France au rendez-vous : je ne peux que constater avec vous que la région n’a pas acté sa participation. Dans son excellent rapport, Rémi Pauvros évoque la possibilité de boucler ce financement grâce à un emprunt de 700 millions d’euros, mais personne ne s’y est encore engagé et il faudrait pour cela qu’un accord intervienne entre les collectivités locales et l’État. L’État, pour sa part, remplira ses engagements et paiera, comme il l’a promis, 50 % du montant global, déduction faite de la participation de l’Europe. Pour le reste, force est de constater que, globalement, les collectivités locales ne s’acquittent pas de leurs obligations. Pourtant, la société de projet doit très rapidement être mise en place si nous ne voulons pas perdre les subventions européennes. J’ai donc fait part de mes inquiétudes au président Xavier Bertrand, et je réunirai dans les prochains jours l’ensemble des collectivités locales pour les inciter à clarifier leur position sur ce financement dont chacun doit assumer sa part. J’espère que nous trouverons des partenaires constructifs.

Monsieur Bénisti, le déplacement des trajectoires aériennes pourrait être envisagé s’il ne génère pas de transfert de nuisances et si les modifications considérées s’intègrent dans le dispositif global de la circulation aérienne en région parisienne. Une réunion vous sera proposée par les services du ministère dans les prochains jours, et nous sommes ouverts à la discussion.

En ce qui concerne les vols de nuit, les travaux conduits par le préfet Guyot dans le cadre du groupe de travail sur les vols de l’aéroport Charles-de-Gaulle préconisent, entre autres, la mise en œuvre de procédures particulières, utilisables la nuit et basées sur l’utilisation de données satellites. Dans le cadre du programme européen SESAR, des études sont conduites afin d’étudier les conditions d’extension de ce type de procédures à des périodes nocturnes plus étendues puis, à terme, aux vols de jour.

Vous m’avez également interrogé sur l’utilisation, au-delà du plafonnement, de la taxe sur les nuisances. Ma réponse sera malheureusement la même que pour la taxe de solidarité : ce plafonnement est inscrit dans la loi, et le Gouvernement entend s’y tenir.

M. Pierre-Alain Muet, présidentNous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes ainsi que les députés qui souhaitent s’exprimer.

M. Martial SaddierIl y a quelques jours, nos éminents collègues Gilles Savary et Bertrand Pancher ont remis un rapport d’évaluation et de suivi de la loi sur la réforme ferroviaire. Je ne reviens pas sur la position du groupe Les Républicains au sujet de cette réforme, mais les conclusions du rapport sont assez sévères, deux ans après sa mise en œuvre, sur son efficacité. Or, dans ce budget, rien ne laisse penser que vous ayez tenu compte des préconisations de nos collègues.

J’en viens au CDG Express, car nous aimerions des précisions sur la taxe envisagée pour le financer. Vous avez mis un point d’honneur à rappeler la règle d’or, en réaffirmant que SNCF Réseau n’interviendrait plus dans aucun financement. Je souhaite donc savoir si SNCF Réseau sera impliqué ou non dans le financement du CDG Express et ce qu’il adviendra, dans ce cas, de la règle d’or.

Comme vous, nous sommes très attachés à l’AFITF. S’appuyant notamment sur les travaux de la commission Mobilité 21, le Gouvernement a programmé un certain nombre de grands chantiers, comme la seconde phase de la LGV Est européenne, les LGV Tours-Bordeaux Le Mans-Rennes, le contournement ferroviaire de Nîmes-Montpellier, la modernisation du réseau fluvial ou encore les contrats de plan État-région et les appels à projet en cours pour les transports collectifs urbains. Or les équilibres proposés dans votre budget font apparaître que nous sommes loin du compte, ce qui nous inquiète.

Vous avez également évoqué le canal Seine-Nord, insistant sur le fait que l’État assumerait ses engagements financiers. Quand on connaît le déficit d’attractivité des ports français par rapport à leurs concurrents européens et la nécessité d’engager, pour restaurer cette attractivité, une véritable politique nationale dotée de moyens, on s’étonne de constater des crédits en baisse, à 313 millions d’euros, et l’on comprend mal les données de votre équation budgétaire.

La loi NOTRe a transféré la compétence en matière de transports des départements aux régions. Il semblerait que le transport fluvial de personnes, qui était traditionnellement à la charge des départements, notamment dans les grands lacs, ait été oublié, ce qui créé un certain nombre de difficultés. Pouvez-vous me le confirmer ? Si tel était le cas, le Gouvernement entend-il présenter un amendement pour y remédier ?

Enfin, le projet de loi de finances va a priori aligner la fiscalité du diesel sur celle de l’essence au cours des cinq années à venir. Existe-t-il un chiffrage précis des impacts de cette mesure sur les émissions de polluants et de dioxyde de carbone pour les cinq ans à venir ? Sachant que le diesel émet beaucoup moins de gaz à effet de serre, et alors que la France et le monde ont ratifié l’accord de Paris, il nous semble intéressant de quantifier précisément les gains à attendre de cette mesure en matière d’émissions de polluants – qui seront probablement des pertes pour ce qui concerne le CO2.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le secrétaire d’État, en cette fin de législature, je veux saluer le ministre courtois que vous avez été, respectueux du Parlement et bien engagé dans vos sujets, ainsi que l’homme que vous êtes. Cela ne nous empêche pas d’être très critiques sur la politique qui a été menée.

Personne ne conteste que des erreurs ont été commises dans le passé, et par toutes les majorités. Vous vous étiez engagé à corriger ces erreurs : hélas ! Vous les avez, au contraire, considérablement aggravées. L’importante dette du secteur ferroviaire est passée de 40 milliards d’euros à 50 milliards, mais vos collaborateurs prétendent qu’il ne faut pas s’en inquiéter, qu’elle pourrait même monter jusqu’à 70 milliards d’euros – car il s’agit en fait d’investissement –, et que l’on peut continuer à financer ainsi sans aucune projection. D’ailleurs, le montage des rares investissements, tels que le Charles de Gaulle Express, laisse penser que cela va continuer dans le plus total irrespect de la règle d’or que nous nous sommes fixée. Le problème de compétitivité du secteur ferroviaire n’a pas été réglé, notamment en raison des mouvements liés à la loi El Khomri. L’abandon de l’écotaxe poids lourds sans moyen de compensation des diminutions de recettes attendues rend l’absence de ressources pérennes pour financer nos investissements plus catastrophique maintenant qu’à votre arrivée.

La commission Mobilité 21 devait faire le tri au sein de la pléthore de projets d’investissements, mais aucun n’a été engagé. Les promesses n’engagent vraiment que ceux qui les croient ! La liste est longue des décisions absurdes qui ont été prises : abandon de l’écotaxe, projets pharaoniques dans lesquels le Gouvernement s’embourbe et s’obstine comme le Lyon-Turin, la LGV Poitiers-Limoges ou l’aéroport Notre-Dame-des-Landes. L’AFITF n’est pas à l’agonie, mais presque. Vos collaborateurs indiquaient, il y a quelque temps encore, qu’en 2017 le budget serait abondé de 600 ou 700 millions d’euros ; nous voyons que cet abondement est encore repoussé. Avez-vous au moins une idée précise de la façon dont tout cela sera réglé ?

S’agissant des garde-fous, heureusement que le Conseil d’État est là pour annuler, cette année, la déclaration d’utilité publique de la LGV Poitiers-Limoges. Quant à la règle d’or, ce n’est pas un garde-fou, puisque nous créons des sociétés dédiées faisant peser les risques sur SNCF Réseau qui paiera la facture en cas d’échec. Et nous voyons bien que les analyses d’impact font reprendre les projets chaque fois qu’ils sont en difficulté.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont vos orientations au terme de cette législature ? Avez-vous des conseils à donner à la future majorité ?

Je termine par une question concernant le financement des politiques régionales. Philippe Richert, président de la région Grand Est, avait demandé à Ségolène Royal, qui lui a opposé une fin de non-recevoir, la possibilité d’acquérir des portiques d’autoroutes – ceux que nous avons payés cher et qui pourrissent dans des entrepôts –, en vue de mettre en place les systèmes de péage de demain. Est-ce par péché d’orgueil que Ségolène Royal n’a pas voulu donner suite à cette demande, qui peut pourtant présenter un intérêt pour les régions et nous permettre de régler une petite partie de notre dette à Écomouv ?

M. Joël Giraud. Les TET ont vocation à desservir les territoires les plus reculés, et la somme non négligeable que l’État leur consacre n’en empêche pas pour autant les dysfonctionnements. Alors que la SNCF aimait beaucoup nous faire voyager de Bordeaux à Marseille en passant par Paris, le Gouvernement a heureusement pris la sage décision de maintenir des TET sur les axes transversaux, notamment le TET de nuit Paris-Briançon.

M. Hervé Mariton. Trois quarts d’heure de retard dans le sens Briançon-Paris, hier !

M. Joël Giraud. Attendez la suite !

Des pénalités sont prévues lorsque les autorités organisatrices de transports régionales constatent la non-exécution du service de la part de la SNCF. En est-il de même pour les TET au bénéfice de l’État ?

Depuis le début de l’année, ledit Paris-Briançon de nuit n’a pas circulé ou n’est pas arrivé à destination pour plus de cent jours ! Certes, il y a eu des grèves – mais l’on peut déjà se demander pourquoi ces trains ne circulent jamais dans ce cas, alors qu’ils sont reconnus comme la seule liaison possible sur certains axes et qu’il n’y a pas d’alternative. On se demande aussi pourquoi, après la grève, il a fallu dix jours à la SNCF pour « reconstituer le service » – les wagons étaient peut-être égarés quelque part ?

Cerise sur le gâteau, en raison du refus de la SNCF d’homologuer des conducteurs TER pour faire circuler ce train jusqu’à Briançon, celui-ci s’arrête, en cas de retard important – ce qui est tout de même assez fréquent –, à la dernière gare correspondant à l’heure limite de travail du conducteur homologué grandes lignes, et le voyage se termine en car. Ainsi, le dernier voyage que j’ai effectué a duré seize heures, ce qui est légèrement inférieur à un Paris-Wallis-et-Futuna en avion, correspondance incluse. Je n’ai jamais vu cela ! Connaissant un peu l’Afrique, je peux vous dire que ce n’est jamais arrivé au Dakar-Bamako, qui est en train d’être rénové à grands frais par la Chine. Comment voulez-vous que les gens continuent à emprunter les trains quand on leur explique qu’ils sont débarqués parce que la SNCF a découpé les différents services en métiers ?

Hors la question des pénalités à imposer à la SNCF, est-il possible, à défaut de la moderniser, de ne pas assister au sabotage d’une desserte que l’État a imposée contre la volonté de la SNCF ?

Je vous épargne l’hospitalisation fréquente des voyageurs victimes de punaises de lit dans ce train – jusqu’à 150 personnes ont dû être hospitalisées à une arrivée ! Cela fait l’objet d’une question complémentaire : quand les voitures couchettes antédiluviennes qui composent ces trains de nuit seront-elles modernisées ? Outre qu’elles seront plus faciles à désinfecter, elles permettraient peut-être de regagner des clients fidèles, sans qui ces trains risquent de disparaître.

M. Patrice Carvalho. Nous reviendrons en séance publique sur notre appréciation d’ensemble de ce budget. Aujourd’hui, je m’intéresserai à la politique nationale des transports, en particulier ferroviaires.

Vous vous êtes voulu rassurant, monsieur le secrétaire d’État, mais je n’ai pas été convaincu par vos propos. La réforme, dont la mise en œuvre s’est poursuivie en 2016, a certes modifié en profondeur le système ferroviaire, mais sans lui permettre de sortir de l’ornière et sans apporter de réponse à la question de son financement. Alors que la dérive de la dette du groupe public devait prétendument être maîtrisée, elle atteint aujourd’hui 50 milliards d’euros et croît de 2 à 3 milliards chaque année. Cette hausse tient pour moitié au poids des frais financiers, supportés aux trois quarts par SNCF Réseau, et pour moitié aux besoins de financement non satisfaits en termes de maintenance, de régénération du réseau et d’investissement. Il en résulte, entre autres exemples, que 15 % du réseau subit des ralentissements par manque d’entretien, et que le trafic voyageurs connaît, depuis deux ans, un recul généralisé favorisé par la concurrence routière, le covoiturage et surtout l’autocar.

Dans ce contexte, la tentation est forte, comme le suggèrent nombre d’élus de droite ainsi que notre collègue socialiste, la semaine dernière, de généraliser et d’amplifier la concurrence par une nouvelle dégradation du régime de travail et du statut des cheminots, par la réduction de l’offre ferroviaire et le gel de l’activité TGV, et par des transferts accrus aux régions. Nous ne partageons pas ces orientations, estimant, au contraire, que l’État doit impérativement prendre la mesure des enjeux et des graves carences qui sont les siennes afin de favoriser un véritable rééquilibrage des modes de transport.

Faute d’ambition pour le ferroviaire, l’objectif de 25 % de parts de marché pour les modes alternatifs à la route fixé par le Grenelle de l’environnement ne sera pas tenu. Ce taux n’est que de 12 % aujourd’hui. Les engagements pris à l’issue de la COP21 ne le seront pas davantage. En dix ans, la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises a été divisée par deux. Aujourd’hui, elle ne représente plus que 9,6 % du transport de marchandises, contre 83,6 % pour la route dont on connaît les nuisances sociales et environnementales. La marginalisation du fret représente une perte de capacités de développement pour nos territoires, pour les installations portuaires et pour l’industrie française. Souhaitons-nous collectivement que le transport de voyageurs suive le même chemin ? C’est ce qui adviendra inéluctablement si l’État continue d’offrir pour seule réponse aux défis du développement ferroviaire l’accentuation des réductions de crédit au rail et l’arrêt ou le transfert aux régions des trains d’équilibre du territoire.

À l’aube du renouvellement de la convention concernant ces TET, le bilan 2011-2014 est bien loin des objectifs prévus. Sur les quarante liaisons interrégionales contractualisées en 2011, seules trente subsistent. L’État rationne les investissements. Les rames, dont la SNCF a négligé l’entretien, sont à bout de souffle et réclament un renouvellement urgent. La révision de la convention TET va se traduire, nous le savons, par une réduction forte des liaisons et des dessertes : arrêt de la plupart des trains de nuit, mort annoncée du Cévenol et de l’Aubrac dans le Massif Central, par exemple, et incertitude sur de nombreux tronçons qui font encore l’objet de négociations avec les régions, qui sont déjà sous contrainte financière.

L’État doit impérativement se doter d’une vision stratégique de long terme. Les retards pris dans la signature des contrats décennaux, le bricolage suite à l’annonce de la fermeture du site d’Alstom à Belfort, l’évitement de la question du traitement de la dette, le sous-financement chronique du rail, sont autant de symptômes d’un abandon et d’un renoncement préoccupants.

Le ferroviaire représente, à nos yeux, un formidable atout industriel, social, territorial et environnemental. Aussi attendons-nous de votre ministère, dans les prochaines semaines, des propositions fortes. Que ce soit la création d’une structure ad hoc pour loger la dette du système ferroviaire, le redéploiement des produits d’épargne ou la taxation des concessions autoroutières ou des gros chargeurs, comme la grande distribution, les pistes ne manquent pas pour garantir l’avenir de notre service public ferroviaire. Elles n’attendent que la mobilisation de l’exécutif et du Parlement.

M. Gilles Savary. Ce projet de budget nous paraît rassurant. Pour une fois, il y a un peu de continuité et d’équilibre dans des domaines qui le requièrent, notamment le ferroviaire. Les crédits de l’AFITF augmentent même de façon non négligeable. Vous avez été très honnête, monsieur le secrétaire d’État, en indiquant que cela nous permettrait de passer cette année avec des ambitions supplémentaires, notamment en matière de régénération, qui est un chantier considérable.

Vous avez fait prendre un virage à la politique ferroviaire de ce pays, en pointant les très graves carences qui existaient sur le réseau classique, après les accidents de Brétigny et de Denguin. Ce virage est extrêmement coûteux, et il monte en puissance. Ces efforts devront se poursuivre pour une durée beaucoup plus longue, hélas ! Que celle que nous présumions. Nous avons encore dû ralentir près de 400 kilomètres de réseau ferroviaire structurant l’année dernière, ce qui signifie qu’en dépit de la hausse des crédits à la régénération et à l’entretien, le réseau classique continue de vieillir.

Si le diagnostic que nous avons fait est nuancé, il ne porte pas sur la loi ferroviaire – elle n’est mise en œuvre que depuis un an et demi, et l’ensemble des productions réglementaires est en cours –, mais sur l’état du système ferroviaire dans ce pays. Nous avons très clairement pointé du doigt le jeu de massacre auquel le tout-TGV a donné lieu ces dernières années. Il en découle 10 milliards de dettes requalifiées non-maastrichtiennes, qui devraient donc être reprises par l’État, 12 milliards de dépréciations d’actifs, en d’autres termes de perte de valeur pour la SNCF, et un effondrement considérable du réseau ferroviaire. On ne peut pas se satisfaire de ce bilan.

Certains, tentés par l’amalgame, attribuent ce bilan au gouvernement actuel plutôt qu’au précédent. Reste que c’est là l’état des lieux sur lequel nous devons travailler, et qui est pour nous source de soucis et de préoccupations pour l’avenir.

Nous pensons qu’il faut stabiliser les investissements, donner de la visibilité à la SNCF, avoir des choix clairs et continus. Il ne faut pas replonger dans les errements qui conduisaient à distribuer des TGV à qui en voulait. Il faut une politique inscrite dans la durée, telle que la mènent les Allemands et les Suisses, appuyée sur des master plans et une programmation suffisamment claire et durable, avec les recettes et les financements nécessaires. C’est la raison pour laquelle nous sommes attachés à la règle d’or. Nous ne sommes pas des obsédés anti-TGV ni des opposants aux nouveaux développements. Nous considérons simplement qu’aujourd’hui les financements doivent aller aux investissements utiles au plus grand nombre. C’est pourquoi nous attendons avec beaucoup d’impatience le contrat d’objectif de SNCF Réseau : il ne s’agira pas de lui assigner des objectifs d’investissement qui déréguleraient complètement ses finances tout en mettant en place des indicateurs complètement découplés des investissements.

Nous attendons également la règle d’or, avec d’autant plus d’exigence – et pour autant sans nous faire d’illusions – que nous nous souvenons du sort qu’a connu la précédente, attachée au décret de création de Réseau ferré de France : elle a été pulvérisée par le projet de ligne Tours-Bordeaux, qui n’était pas financé, avec pour résultat 700 millions de dette supplémentaire pour RFF et un risque de déficit pour la SNCF. Nous attendons donc une rationalisation de la politique d’investissement, ce qui est l’affaire de l’État. De son côté, la SNCF doit se préoccuper de l’augmentation de la productivité interne.

C’est donc un virage extrêmement important qui a été négocié en matière de politique ferroviaire, et je forme le vœu que les actes réglementaires qui s’y rattachent soient pris dans les mois qui viennent. J’espère aussi qu’une éventuelle alternance ne donnera pas lieu à une nouvelle rupture. J’ai entendu dire, lors du débat entre les candidats aux primaires de la droite, qu’il faudrait casser ce qui a été fait : le ferroviaire n’en peut plus, il a besoin de continuité.

Ma deuxième question concerne Air France. Tout comme mes collègues, je m’inquiète que l’on fasse financer le Charles-de-Gaulle Express par une taxe sur les usagers d’Air France. On commence par une petite taxe, mais on finit par une variable d’ajustement si les choses se passent mal. On connaît l’imprévision qui caractérise nos grands investissements – tout commence toujours très bien, mais finit beaucoup moins bien, comme l’illustre encore le projet Perpignan-Figueras. On connaît l’état de fragilité du groupe Air France, qui demande lui-même à être allégé d’un certain nombre de taxes, notamment des taxes d’aéroport. On connaît aussi l’opulence d’Aéroports de Paris, qui se traduit pour l’essentiel par une valorisation boursière, certes très honorable, et des investissements dans des aéroports étrangers. Quand la compagnie nationale est en crise, il faut être capable d’équilibrer les choses. Nous pensons qu’aujourd’hui, Air France ne peut pas payer plus de taxes, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’efforts de productivité à faire.

Enfin, concernant Alstom, le groupe a profité de vingt ans d’un âge d’or formidable : équipement en tramways et en métro de toutes nos villes de province, tout-TGV, marché des TER bloqué à dix ans. Jamais Alstom ne retrouvera ce plan de charge. L’entreprise doit définir une autre politique industrielle et ne plus prendre régulièrement en otage la classe politique pour obtenir des commandes très coûteuses par rapport aux besoins et qui plombent la SNCF.

M. Patrick LebretonDepuis le 1er janvier 2013, la réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État est entrée en vigueur. Quatre nouveaux grands ports maritimes ont vu le jour en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique et à La Réunion. Il s’agit de projets d’infrastructures particulièrement nécessaires pour des territoires isolés de l’hexagone et trop peu connectés avec leur aire régionale, dont les capacités d’accueil du tourisme de croisière étaient insuffisamment développées. Ces ports sont donc un facteur essentiel de développement.

Après trois années d’existence, quelle évaluation de ce fonctionnement rénové est-il possible de présenter ?

Concernant la zone océan Indien, qu’en est-il du projet, porté par l’Agence française de développement (AFD), de créer un hub maritime régional ? En mai 2014, au sein de la délégation aux outre-mer, j’avais soulevé devant le directeur outre-mer de 1’AFD le manque de cohérence des stratégies régionales de cet opérateur qui consacrait dans le même temps 47,5 millions d’euros à l’extension du port à containers de La Réunion et près de 43 millions de dollars, soit un niveau comparable, à l’extension du port à containers de l’Île Maurice. Il m’avait semblé étonnant que la France finance un projet dans un de ses départements tout en soutenant à la même hauteur le projet d’un État voisin, certes ami mais néanmoins concurrent.

Êtes-vous en mesure de nous préciser l’évolution de ce projet de hub maritime régional ? Avez-vous la volonté de faire du port de La Réunion une véritable plateforme à même de répondre en partie aux difficultés économiques et sociales de notre territoire ?

Mme Valérie Lacroute. Le programme « Infrastructures et services de transport » peut être considéré comme le bras armé de l’État en matière d’aménagement du territoire. Malheureusement, le budget qui nous est présenté aujourd’hui manque d’ambition et s’avère même décevant à plusieurs titres, notamment parce qu’il connaît sa quatrième année de baisse.

L’AFITF a déjà fait l’objet d’un certain nombre de commentaires de la part de mes collègues. Je joins mon inquiétude à la leur, en particulier s’agissant des TET. Le dossier est en cours de discussion, l’État se chargeant de l’achat du matériel et les régions reprenant les lignes et leur déficit. Les discussions avec la région Normandie sont en cours, certes, mais qu’en est-il des autres lignes ? Si la stratégie d’achat du matériel est retenue, comment l’AFITF interviendra-t-elle dans le financement ?

Ce budget est également décevant en ce qui concerne la SNCF. L’EPIC (établissement public industriel et commercial) de tête tel qu’instauré par la réforme ferroviaire devait employer 500 agents, mais il semblerait qu’il en compte 10 000. Quelle est votre stratégie vis-à-vis de ce nombre d’agents anormalement élevé ?

La baisse sensible des autorisations d’engagement et des crédits de paiement sur le réseau fluvial constitue le troisième élément inquiétant de ce projet de budget. Les inondations que nous avons connues au mois de juin imposent des réparations très importantes sur le réseau de Voies navigables de France, où des digues ont lâché. Comment allons-nous y faire face ? Malheureusement, en cas d’inondation, l’automatisation des écluses à laquelle procède VNF rend celles-ci inutilisables lorsque le poste électrique est dans l’eau. Il me semble donc important de revoir la stratégie d’investissement de VNF – au regard des baisses de crédit, je suis inquiète.

M. Philippe Duron. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous remercier pour les propos très positifs que vous avez portés sur l’AFITF et pour l’effort important que vous avez consenti cette année en faveur de son financement, faisant en sorte qu’il augmente de 20 %. Cette agence participe largement au transfert modal, puisque 70 % de ses autorisations d’engagement sont consacrées à des modes de transport alternatifs à la route. Mais comme l’ont rappelé mes collègues, elle souffre encore d’un déficit de financement. Cette année, nous aurions pu être à la bonne hauteur sans l’écrêtement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques voté par le Parlement en 2015. En effet, au lieu de 1,139 milliard comme en 2015, nous n’aurons que 735 millions d’euros.

Les études de soutenabilité conduites par l’Agence font apparaître un besoin de financement proche de 3 milliards d’euros dans les trois années à venir, en raison des engagements nouveaux de l’État. Il ne s’agit pas d’un dérapage suite aux recommandations de Mobilité 21 – je trouve que le Gouvernement a été plutôt rigoureux dans ce domaine –, mais plutôt de dépenses nouvelles induites par le volet mobilité des contrats de plan État-Région, le remplacement de trains corail, les loyers des deux contrats de partenariat pour la LGV Loire-Bretagne et le contournement Nîmes-Montpellier, qui arrivent à terme en juillet prochain, ainsi que la montée en puissance du Tunnel Euralpin Lyon-Turin. C’est un sujet d’inquiétude, mais vous y avez largement répondu.

Quand arriveront les premiers décaissements pour le financement des trains corail qui ont été négociés pour la Normandie et pour les rames TGV Alstom décidées par le Gouvernement entre Bordeaux et Marseille ?

On me dit que la proposition de Michel Destot et Michel Bouvard pour le financement du tunnel Lyon-Turin, ne serait pas compatible avec les taxes prélevées sur les autoroutes que sont la taxe d’aménagement du territoire et la redevance domaniale. Qu’en est-il ?

M. Jean-Marie SermierLe projet Charles-de-Gaulle Express constitue un atout considérable pour Paris, mais aussi pour la France. Si le groupe Les Républicains soutient ce projet, il s’interroge sur son financement sur lequel le projet de loi est totalement muet.

Le coût de cette infrastructure est évalué à 1,4 milliard d’euros auxquels s’ajouteront 280 millions pour le matériel roulant. Les promoteurs du projet envisagent l’instauration d’une taxe sur les passagers aériens dès 2017, soit six ans avant la mise en service de la liaison ferroviaire. Cette taxe, qui devrait être d’environ 1 euro par billet, pourrait rapporter entre 35 et 40 millions d’euros. Or les dirigeants d’Air France-KLM s’opposent à cette taxe, notamment en raison de ses conséquences négatives sur les marges de l’entreprise. Chacun connaît ici les difficultés d’Air France. Nous ne sommes donc pas favorables à cette charge supplémentaire qui serait imposée à la compagnie. Avez-vous réalisé une étude d’impact pour vérifier que celle-ci pourra maintenir sa compétitivité par rapport à ses concurrents ?

M. Régis JuanicoMa question porte sur les possibilités de soutien financier de l’État au projet de prolongement de la troisième ligne de tramway à Saint-Étienne, dont la mise en service est prévue à partir de 2019 et le coût estimé à 80 millions d’euros. À l’occasion de sa venue à Saint-Étienne, le 10 octobre 2015, la ministre de l’environnement avait annoncé que ce projet porté par la communauté urbaine de Saint-Étienne Métropole pourrait être soutenu par des crédits nationaux. L’an dernier, j’avais interrogé à ce sujet Ségolène Royal, ici même, en commission élargie. Dans sa réponse, la ministre indiquait avoir demandé au Commissariat général à l’investissement l’obtention d’une dérogation pour ce projet d’extension du tramway « dès lors qu’il présentera une dimension expérimentale et avant-gardiste qui pourrait par la suite être étendu à d’autres villes de même dimension », dans le cadre de l’appel à projet « transports collectifs et mobilité durable ».

Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser l’état d’avancement de la demande de l’agglomération stéphanoise concernant cet appel à projet ?

M. Jean-Louis BricoutPendant plusieurs années, voire décennies, l’entretien de certaines routes nationales a été délaissé. Depuis deux ans, des programmes de maintenance lourde ont été engagés pour des tronçons routiers très abîmés. La route nationale RN2, qui traverse ma circonscription, a ainsi pu bénéficier de ces crédits spécialement fléchés, mais il reste beaucoup à faire pour retrouver un axe routier digne de ce nom, dans l’attente d’un véritable projet de désenclavement de la Thiérache. Quels sont les crédits consacrés à ces opérations de maintenance lourdes ? Avez-vous déjà identifié d’autres chantiers à venir ? Sinon, vous pouvez dès à présent inscrire la RN2.

Une concertation est engagée entre les collectivités sur la remise en navigation du canal de la Sambre à l’Oise. Deux conventions sont déjà formalisées, l’une entre VNF et les intercommunalités traversées sur les besoins en fonctionnement, l’autre entre la région Hauts-de-France et les départements du Nord et de l’Aisne sur les projets d’investissement. Cette remise en navigation est importante pour le développement de la Thiérache et de son projet touristique. Pouvez-vous me confirmer que 6 millions d’euros de crédits sont fléchés vers cette opération ?

M. François RochebloineJ’ai entendu avec satisfaction vos propos sur l’autoroute A45. L’État participe, en effet, à hauteur de 50 %, mais la région Auvergne-Rhône-Alpes, le département de la Loire et Saint-Étienne Métropole financent l’autre moitié.

Peut-on espérer la publication du décret en Conseil d’État avant la fin de l’année ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Rochebloine, avant de saisir le Conseil d’État, il fallait recueillir l’avis de l’ARAFER. Nous allons le faire le plus rapidement possible – nous ne l’avons pas fait entre hier soir et ce matin, je le confesse.

Monsieur Bricout, je connais l’attention que vous portez au désenclavement de la Thiérache. Je vous adresserai une réponse écrite précisant nos projets pour l’année qui vient, notamment pour la RN2.

S’agissant du Charles-de-Gaulle Express, j’ai déjà répondu sur la règle d’or. Je vous renvoie au rapport de l’ARAFER qui considère que la règle d’or n’est pas en cause puisque SNCF Réseau ne participe qu’à la construction de l’infrastructure et non pas à l’exploitation qui fera l’objet d’un appel d’offres. J’ajoute que l’engagement est de l’ordre de 200 millions d’euros.

Quant au financement, la société de projet réunit SNCF Réseau et Aéroports de Paris. Il est envisagé de faire appel à une ressource supplémentaire, sur laquelle le Parlement sera amené à se prononcer dans le cadre de la loi de finances rectificative – une décision doit impérativement être prise dans cette échéance. Le travail se poursuit afin de trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties. Le Gouvernement est attentif à la situation d’Air France, en particulier pendant la période des travaux pendant laquelle la compagnie ne bénéficiera pas encore de l’infrastructure. Nous prenons en compte l’ensemble des observations.

Monsieur Saddier, pour le canal Seine-Nord Europe, le problème ne vient pas du financement de l’État – celui-ci s’est engagé à prendre en charge 50 % de la facture, déduction faite de la part de l’Europe – mais de celui des collectivités territoriales. Je vais tenir la concertation que j’ai annoncée.

Nous allons examiner le problème qui a été soulevé sur le transport fluvial de personnes dans la loi NOTRe. Il s’agit probablement d’un oubli, car nous n’avions jamais été alertés sur ce point.

La question de la fiscalité sur le diesel et l’essence sera abordée par la ministre, dans quelques instants.

Monsieur Pancher, vous ne pouvez pas dire que rien n’a été fait après l’arrêt de l’écotaxe. Nous avons mis en place une fiscalité spécifique pour les poids lourds qui rapporte 350 millions d’euros par an. Des projets ont été arrêtés – j’ai cité l’autoroute A831. Lorsqu’on impose aujourd’hui, pour les infrastructures nouvelles, la création de sociétés de projet et l’application de la règle d’or, cela signifie qu’on ne sollicitera pas SNCF Réseau. L’État et les collectivités devront trouver les moyens budgétaires de les financer.

Je pense avoir répondu sur la dette ferroviaire.

Les portiques sur les autoroutes ne sont pas, à ce stade, utilisables techniquement par les régions. L’idée peut paraître séduisante mais sa mise en œuvre l’est moins.

Concernant la SNCF, nous n’avons pas réussi à trouver trace d’un engagement de limiter à 500 personnes les effectifs de l’EPIC de tête. Il ne peut en être ainsi dès lors que l’EPIC de tête comprend la surveillance générale (Suge) qui compte 3 000 agents. L’EPIC de tête a vocation à mutualiser les services communs. Les services immobiliers en font aussi partie puisque cette politique est commune à l’EPIC de tête et à ce qu’on appelle les « EPIC filles ». Reste la question du statut de la branche « gares et connexions ». Deux solutions sont envisageables : créer un troisième établissement public industriel et commercial ou en faire une filiale de SNCF Réseau.

Monsieur Giraud, j’ai entendu vos protestations. C’est mon travail de tous les jours que d’essayer d’y répondre. Chacun doit avoir conscience que la SNCF fait circuler quotidiennement 15 000 trains. Je sais que, sur les réseaux sociaux, les voyageurs se plaignent. Cela n’en reste pas moins une réussite technologique, avec des dysfonctionnements, je le reconnais. Le manque de conducteurs n’est pas normal ; ce sont des erreurs de gestion. Quant au programme de rénovation des trains, notamment des trains de nuit, il débutera dès l’année prochaine.

M. Carvalho est parti, mais je le dis pour la troisième fois – ma parole est de peu de poids, mais quand même ! –, le Cévenol ne sera pas abandonné, une exploitation ferroviaire sera maintenue.

Monsieur Savary, j’ai déjà répondu à un certain nombre de vos observations. Le travail sur le contrat de performance de SNCF Réseau est en train d’être finalisé. Il pourrait être présenté dès le 15 novembre au conseil d’administration, sachant qu’il doit être soumis à l’avis de l’ARAFER.

S’agissant de la taxe sur Air France, aucune décision n’a encore été prise.

Concernant la liaison Lyon-Turin, nous étudions les conséquences de la création d’une eurovignette. Deux difficultés doivent être soulignées : le risque de perte de recettes au titre de la taxe d’aménagement du territoire ; la révision en cours de la directive « Eurovignette ». Le travail se poursuit avec la Commission.

Pour ce qui est de la troisième ligne de tramway à Saint-Étienne, puisque le caractère innovant du projet n’a pas été reconnu, le Commissariat général à l’investissement n’a pu le retenir parmi les projets éligibles. Il n’est pas prévu de lancer prochainement un quatrième appel à projets sur les transports urbains bénéficiant aux tramways, car de nombreuses opérations du précédent appel n’ont pas encore fait l’objet d’une convention avec l’AFITF, ayant pris du retard. La date limite de démarrage des travaux, fixée initialement à fin 2017, est reportée à fin 2018. Le Gouvernement ne souhaite pas lancer un quatrième appel à projets pour se voir reprocher ensuite d’avoir lancé trop d’investissements.

Monsieur Lebreton, le Gouvernement est attentif aux différentes fonctionnalités du port de La Réunion et de celui de l’île Maurice. À La Réunion, les choses se passent bien, le trafic est en augmentation. La participation de l’Agence française de développement au projet de l’île Maurice est une décision ancienne que nous n’avons pas pu remettre en cause. Cela étant, le modèle portuaire est assez différent. Je vous ferai parvenir une réponse écrite détaillée sur ce sujet. Compte tenu du travail des élus locaux, en concertation avec l’État, les perspectives sont positives, voire enthousiasmantes, sur la puissance économique de la France dans l’océan Indien et sur le développement de La Réunion.

Écologie

M. Pierre-Alain Muet, présidentMadame la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, je suis heureux de vous accueillir, avec Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et M. Paul Giacobbi, vice-président de la commission des affaires étrangères, pour cette deuxième partie de notre commission élargie consacrée aux politiques de l’écologie et de développement durable.

Mme la présidente Frédérique MassatComme chaque année, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », plus particulièrement du programme 174 « Énergie, climat et après-mines », dont la rapporteure est Mme Béatrice Santais.

Près de 457 millions d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2017 dans le programme 174, mais il convient de préciser que 93 % des crédits de cette enveloppe sont consacrés à la gestion économique et sociale de l’après-mines. L’essentiel de la dépense publique liée à notre politique énergétique est donc ailleurs. Plus de 2,5 milliards d’euros sont inscrits dans le programme 345, qui comprend les charges liées à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées, au soutien à la cogénération et aux dispositifs sociaux en électricité et en gaz. Près de 7 milliards sont également inscrits dans le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ». Cette année, Mme Santais s’intéresse particulièrement, dans son rapport, à l’autoconsommation.

Ce matin a été dévoilé, devant les commissions des affaires économiques et du développement durable, le rapport de la mission d’information sur l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ce rapport passionnant dresse un bilan positif, mais il soulève un certain nombre d’interrogations. Madame la ministre, à la suite de cette réunion de plus de trois heures, nous souhaiterions – cette demande est portée par l’ensemble des parlementaires de droite et de gauche – que vous puissiez, avant la fin de l’année, venir devant nous pour faire le point sur l’application de la loi mais aussi pour réagir aux propositions présentées dans ce rapport. J’espère que vous répondrez positivement à cette demande.

Je souhaite vous interroger sur la mise en place des territoires à énergies positives (TEPOS), qui est très attendue et très appréciée. Pouvez-vous nous apporter des précisions, d’une part, sur l’abondement du fonds de financement de la transition énergétique et, d’autre part, sur le système de financement de ces 500 territoires qui, grâce aux sommes importantes qui leur sont allouées, sont de véritables moteurs de la transition énergétique ?

M. le président Jean-Paul ChanteguetComme l’année dernière, la commission du développement durable a désigné comme rapporteurs MM. Jacques Krabal, Michel Lesage, François-Michel Lambert et Guillaume Chevrollier, respectivement sur les programmes « Protection de l’environnement et prévention des risques », « Paysages, eau et biodiversité », « Transition écologique » et « Politiques de développement durable ».

Madame la ministre, vous savez l’intérêt que je porte aux sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA). Le Gouvernement a annoncé récemment un troisième plan de relance autoroutier qui porte sur un montant d’investissement de 1 milliard d’euros. Dans le cadre du protocole d’accord signé avec l’État en avril 2015, les SCA s’étaient engagées à créer des aires de covoiturage. La création de telles aires figure dans le troisième plan. Seront-elles financées directement par les sociétés concessionnaires ou par les usagers, à travers une augmentation des péages ?

Pouvez-vous confirmer l’intention du Gouvernement de réserver le bonus pour l’achat de véhicules électriques et hybrides rechargeables aux véhicules dont le prix est inférieur à 40 000 euros ?

L’article 174 de la loi relative à la transition énergétique prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur le financement de la transition énergétique. Pourrons-nous disposer prochainement de ce qu’il est convenu d’appeler le « jaune » pour 2017 ?

M. Paul Giacobbi, vice-président de la commission des affaires étrangèresLa commission des affaires étrangères suit depuis l’origine les négociations internationales relatives au climat, puisqu’elles comportent une dimension diplomatique que vous connaissez parfaitement. Nous sommes à une date charnière, la COP22 se tenant dans quelques jours à Marrakech. Notre rapporteur, Pierre-Yves Le Borgn’, présente un avis très complet sur le bilan des négociations ainsi que sur les enjeux de la COP22.

Forte de votre expérience, madame la ministre, quel bilan dressez-vous de la préparation de la COP22 et de l’évolution de la COP21, au-delà des formalités de ratification ? Êtes-vous satisfaite au regard des objectifs qui étaient les vôtres lors de l’aboutissement de la COP21 ?

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la prévention des risques, et le pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la merL’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a prescrit, le 18 octobre dernier, à EDF des contrôles complémentaires de certains générateurs de vapeur. Cette demande va se traduire, au moins pour quelques semaines, par l’arrêt opérationnel de réacteurs en plus grand nombre que ne le prévoyait la planification de production d’EDF.

Il est important que l’ASN puisse prendre des décisions de cette nature puisqu’il y va de son rôle de garant de la sûreté nucléaire. Mais il est tout aussi important que ces décisions ne posent pas de problème insurmontable au système électrique français. L’ASN se pose depuis longtemps une question de principe : si un jour elle devait prendre une décision de nature à perturber gravement l’approvisionnement électrique, quelle serait sa latitude pour prendre cette décision. En d’autres termes, quelle est la réalité de son indépendance par rapport à la situation matérielle du pays ?

La logique de la transition énergétique, qui est de considérer que l’arrivée de nouvelles composantes de production devrait se traduire par la suppression d’autres capacités, est-elle bien raisonnable ? La décision de l’ASN, par son caractère systémique, ne montre-t-elle pas, quel que soit l’objectif d’évolution du mix électrique, la nécessité de maintenir des capacités de production de réserve ?

Le président Chanteguet a été modeste. Dans le rapport sur l’application de la loi relative à la transition énergétique qu’il a présenté ce matin, il regrette que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne joue pas son rôle programmatique en détaillant mieux comment la France entend réduire de 75 à 50 % d’ici à 2025 la part du nucléaire dans la production d’électricité. Peut-être cette réunion est-elle l’occasion pour vous de répondre à cette question, y compris en conservant un chemin de sureté et de sécurité d’approvisionnement que je viens d’évoquer.

Le Gouvernement souligne, comme d’autres l’avaient fait précédemment, l’importance de la simplification – un principe ayant largement vocation à s’appliquer en matière d’écologie. Pouvez-vous nous indiquer les principales mesures de simplification que vous avez décidé de mettre en œuvre dans le domaine de l’écologie, et nous préciser leur impact ?

M. Marc Goua, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour l’énergie, le climat et l’après-mines, et les comptes spéciaux « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » et « Transition énergétique ». Le programme « Énergie, climat et après-mines » n’échappe pas à l’effort global de maîtrise des dépenses publiques et s’établit pour 2017 à 467 millions d’euros, ce qui représente une baisse de 10 % par rapport à l’année passée. La baisse des crédits observée est, comme au cours des années précédentes, principalement portée par la gestion économique et sociale de l’après-mines, en raison de la diminution naturelle du nombre des ayants droit.

Les autres actions du programme participent également à l’effort de maîtrise de la dépense publique, en particulier les crédits destinés à la lutte contre le changement climatique. Une telle diminution a des conséquences, en particulier pour le Centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique (CITEPA). Ce centre est un acteur majeur de la lutte contre le changement climatique, car il réalise pour le compte du ministère les inventaires nationaux des émissions de gaz à effet de serre et de polluants requis dans le cadre des accords internationaux sur le climat et sur la qualité de l’air. L’importance et la brutalité des restrictions budgétaires constatées ne permettent plus au centre de réaliser l’intégralité de ses missions, pourtant au cœur des enjeux de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ou de lutte contre la pollution atmosphérique. Tel est le cas de la réalisation des revues des inventaires étrangers d’émissions de gaz à effet de serre, pourtant imposées par les traités en vigueur, ainsi que de nombreux travaux méthodologiques dans le cadre de la réalisation des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET).

Une telle situation, sur des montants pourtant minimes, est en décalage avec les objectifs et le volontarisme politiques affichés par votre ministère lors de la loi sur la transition énergétique et la COP21, que j’ai soutenue à titre personnel. C’est pourquoi, à moins de recevoir des assurances de votre part sur ce point, madame la ministre, je défendrai un amendement de rétablissement des crédits du Centre – étant précisé que l’année dernière, je n’avais obtenu que l’engagement consistant à dégeler des crédits gelés.

Au-delà du programme 174, j’ai l’honneur de vous présenter cette année deux nouveaux programmes : le programme « Service public de l’énergie » et le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », qui financent les charges du service public de l’énergie, autrefois assuré par la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Ils représentent à eux deux près de 9,5 milliards d’euros en 2017, dont 5,6 milliards d’euros pour le soutien aux énergies renouvelables (EnR) électriques. Il s’agit d’un effort sans précédent en faveur de la transition énergétique de notre pays, puisque le montant des subventions de soutien aux EnR s’élevait à seulement 1,5 milliard d’euros en 2011.

En revanche, je note que le projet de loi de finances pour 2017 n’inclut pas dans le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » le montant relatif à la réévaluation des charges de service public au titre de 2016 effectuée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour près de 400 millions d’euros. De quelle manière sera financée la réévaluation des charges au titre de 2016 ?

J’aimerais, enfin, appeler votre attention sur la situation financière actuelle d’EDF et sur les difficultés industrielles du parc de production nucléaire. En juillet 2016, j’ai réalisé avec Hervé Mariton un rapport spécifique sur ce sujet. Je me félicite qu’un accord ait été trouvé sur la fermeture anticipée de la centrale de Fessenheim, même si des incertitudes demeurent sur le montant final de l’indemnisation, puisqu’une part variable devra être calculée à l’avenir en fonction des évolutions du prix de l’électricité et des capacités de production de la centrale. J’appelle toutefois votre attention sur la fermeture d’un nombre significatif de réacteurs nucléaires décidée par l’Autorité de sûreté nucléaire : quatorze réacteurs sont aujourd’hui à l’arrêt. Pouvez-vous nous préciser les conséquences de cette situation sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, notamment si l’hiver se révélait particulièrement long et rigoureux ?

De plus, l’arrêt soudain des réacteurs a conduit à une envolée du prix de l’électricité, qui est passé de 30 euros à 80 euros le mégawattheure en moins d’une semaine. Dans ce contexte, doit-on envisager une suspension de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), comme vous l’a demandé l’électricien ?

Mme Béatrice Santais, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour l’énergie. La transition énergétique représente un défi considérable en termes de financement, dans un contexte marqué par la crise économique. Il s’agit de se donner les moyens de réaliser les objectifs ambitieux fixés tant dans l’accord de Paris, qui entrera en vigueur dans quelques jours, que dans la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte du 17 août 2015.

Le projet de loi de finances pour 2017 va dans le bon sens. Au-delà des crédits du budget général, la pérennisation des engagements de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), du crédit d’impôt transition énergétique et le soutien à la production d’énergie renouvelable, désormais retracé sur un compte d’affectation spéciale dédié, sont à même d’accompagner la transition énergétique. Je forme le souhait que le troisième volet du programme d’investissements d’avenir renforce encore la place du développement durable et de la croissance verte, et que la volonté de donner un prix au carbone pour orienter dans la durée les investissements vers les énergies bas carbone soit abordée dans un cadre européen.

L’avis budgétaire que je présente se concentre sur le programme 174, constitué à 93 % par les dépenses de l’après-mines, et sur le programme 345, « Service public de l’énergie », qui comprend les charges liées à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées, ainsi que celles liées au soutien à la cogénération et aux dispositifs sociaux en électricité et en gaz. Les crédits figurant dans ces programmes sont en continuité avec ceux qui figuraient dans la loi de finances de 2016. On peut toutefois noter l’augmentation de 190 millions d’euros des dépenses fiscales en faveur des entreprises soumises au régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre ou exerçant une activité considérée comme exposée à un risque important de fuite carbone. Ces mesures permettront à certaines entreprises fortement consommatrices en énergie et soumises à une forte concurrence internationale de pérenniser leur activité en France.

Sur le programme 345, je m’interroge sur le niveau de l’aide dont bénéficient les ménages chauffés au gaz naturel, qui cumulent tarif de première nécessité et tarif social du gaz naturel, et les autres, qui ne bénéficient que du tarif de première nécessité.

J’ai choisi de m’arrêter, dans la partie thématique de cet avis budgétaire, sur la question passionnante de l’autoconsommation électrique. L’autoconsommation est le fait pour un producteur de consommer lui-même tout ou partie de l’électricité produite par son installation. L’opération d’autoconsommation peut être individuelle, en particulier dans le logement, ou collective. Elle est pratiquée depuis de nombreuses années dans l’industrie : c’est le cas de la métallurgie dans les sites alpins, souvent approvisionnée en hydroélectricité, ou encore de l’industrie papetière alimentée par des systèmes de cogénération. En comparaison avec celles de ses proches voisins européens, la part de l’autoconsommation en France reste faible, mais je suis convaincue qu’elle connaîtra un essor dans les prochaines années du fait du développement des politiques énergétiques des collectivités locales, qui suppose de réfléchir à différentes formes d’optimisation énergétique sur le territoire – c’est ce que nous faisons avec les territoires à énergies positives ; du fait de la volonté de plus en plus grande des citoyens de devenir acteurs de la question énergétique ; en raison de la baisse des prix de certains équipements, en particulier les panneaux photovoltaïques ; enfin, du fait du développement du compteur communicant Linky et d’autres compteurs capables de comptabiliser les kilowattheures soutirés du réseau et ceux qui y sont injectés.

L’autoconsommation, notamment collective, facilite l’intégration des énergies renouvelables décentralisées et peut réduire les coûts de réseau si l’autoconsommateur diminue sa puissance maximale souscrite, c’est-à-dire si la production et la consommation sont relativement synchrones.

Un texte est passé relativement inaperçu cet été : la publication de l’ordonnance du 27 juillet 2016 prévue par la loi relative à la transition énergétique, dont le rapport d’application a été présenté ce matin en commission. Cette ordonnance définit l’autoconsommation individuelle et collective et précise les conditions dans lesquelles les autoconsommateurs d’électricité – photovoltaïque pour l’essentiel – pourront bénéficier d’un droit d’accès au réseau.

Bref, les prémices d’un cadre réglementant l’autoconsommation sont bien là. Elles méritent désormais d’être complétées pour que soit mis en place un cadre légal pérenne et vertueux. Nous ne devons pas reproduire l’erreur résultant d’une mauvaise anticipation qui avait conduit, en 2010, à modifier en profondeur la politique de soutien au photovoltaïque. Il faut aussi éviter la situation que connaît l’Allemagne aujourd’hui. Le programme allemand de subventions au stockage résidentiel associé à une installation photovoltaïque a été instauré pour la première fois en 2013, interrompu de janvier à mars 2016, avant d’être reconduit pour trois ans avec un budget divisé par deux, puis suspendu jusqu’en janvier 2017.

Les acteurs de terrain ont besoin de visibilité et de stabilité pour réaliser les investissements nécessaires et développer au mieux le potentiel prometteur de l’autoconsommation. Il faut également anticiper la réforme de la tarification d’accès au réseau. Cette tarification fixée par la Commission de régulation, qui représente environ 30 % de la facture d’un consommateur domestique, est actuellement surtout basée sur la quantité d’électricité soutirée du réseau. Demain, la structure du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) devra évoluer et la partie fixe basée sur la puissance souscrite en kilowatts augmenter sensiblement. Il est légitime que les autoconsommateurs paient pour rester connectés, même s’ils ne soutirent pas d’électricité pendant les périodes d’autoconsommation.

Enfin, madame la ministre, je souhaite connaître votre avis sur le net metering, mis en place dans nombre de pays qui pratiquent l’autoconsommation et qui, à mon sens, n’incite pas à une démarche vertueuse puisque cela consiste à compenser des kilowatts injectés par des kilowatts soutirés, même quand ces deux opérations se font à des moments différents.

M. Pierre-Yves Le Borgn', rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Je suis heureux de présenter pour la troisième année, au nom de la commission des affaires étrangères, un avis sur le budget de l’écologie, du développement et de la mobilité durables. Trois années, c’est aussi, par coïncidence, le temps que vous aurez passé à la tête de ce grand ministère, madame la ministre. Nous nous connaissions déjà avant cela et avions, dans le cadre de nos fonctions respectives – vous à la tête d’une région, moi-même dans l’industrie – eu l’occasion d’échanger sur les moyens de sauver notre planète de la catastrophe climatique malheureusement possible.

Aimer la Terre, lutter pour sa survie, c’est se battre tous les jours pour des solutions durables, c’est refuser le déversement des boues rouges dans les calanques de Méditerranée ou la destruction de dunes sous-marines dans la baie de Lannion. Notre planète n’est pas sans limites, chaque année qui passe nous rappelle toujours plus vivement l’urgence de réagir. L’avenir de l’humanité requiert que la sobriété, les choix de long terme et le courage politique guident nos décisions publiques.

À Paris, à la toute fin de l’année 2015, un accord universel a été conclu, qui vise à contenir à 1,5 degré Celsius l’élévation de la température moyenne de la planète par rapport aux niveaux préindustriels. Excellente nouvelle, cet accord entrera en vigueur dans quelques jours, puisqu’il a été ratifié par plus de cinquante-cinq parties représentant plus de 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’impulsion politique donnée par la présidence française de la COP a conduit à ce résultat majeur. D’autres bonnes nouvelles sont également intervenues dans le courant de l’année 2016 : l’amendement de Kigali au Protocole de Montréal sur les chlorofluorocarbures, qui conduira à l’interdiction progressive des hydrofluorocarbures, dont l’effet de serre est 14 000 fois supérieur au CO2, et la création par l’Organisation de l’aviation civile internationale d’un mécanisme de compensation des émissions, dont l’objectif est de parvenir, pour 2035, à compenser jusqu’à 93 % du total des émissions du transport aérien mondial.

Ces développements positifs interviennent cependant dans un contexte très préoccupant. Août 2016 a été le mois le plus chaud jamais observé. Deux catastrophes naturelles ont retenu l’attention. Au printemps, à Fort McMurray, dans la forêt boréale canadienne, un incendie lié à l’exploitation intensive des sables bitumineux a duré plus de deux mois et détruit l’équivalent de 1 % de la superficie de la France. L’autre catastrophe est la fonte du permafrost en Sibérie, qui libère des souches d’anthrax et contamine l’élevage. Au regard de la quantité de CO2 qu’il est possible d’émettre avant d’atteindre la limite de 450 ppm (partie par million), considérée comme le seuil à ne pas dépasser pour rester dans la limite de l’objectif des 2 degrés Celsius, il restait en 2012 environ 1 000 gigatonnes de CO2 à émettre. Si les émissions ne baissaient pas drastiquement dans les années qui viennent, ce budget serait épuisé avant 2040, c’est-à-dire avant que l’économie ne soit décarbonée, ce qui conduirait l’humanité au désastre.

L’urgence climatique, ce n’est pas dans dix ou vingt ans, c’est maintenant ! Il est essentiel de rompre avec le paradigme énergétique actuel, qui repose encore à hauteur de près de 80 % sur le recours aux trois combustibles fossiles que sont le pétrole, le charbon et le gaz naturel. J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de votre ministère pour 2017, et je souhaite également vous poser les questions suivantes.

Que seront les propositions de la France durant la COP22 sur la diffusion des technologies matures, l’émergence des technologies de rupture et le soutien à l’innovation pour décarboner l’économie ?

Que fera la France pour obtenir, dès 2018, une révision des contributions nationales pour réduire davantage les émissions de CO2 ?

Quels efforts la France consentira-t-elle pour le développement de projets solaires, éoliens et hydrauliques de très grande ampleur à l’étranger – je pense en particulier à l’Afrique ?

Mettrez-vous en place le « corridor carbone » recommandé par le rapport Canfin-Mestrallet-Grandjean afin de redresser le prix du carbone et donner aux investisseurs le signal prix qu’ils attendent ?

Enfin, pourquoi les décrets d’application de la loi Brottes et de la loi de transition énergétique réduisent-ils à néant les bénéfices de l’effacement diffus de la consommation électrique, pourtant soutenu par le législateur ?

M. Jacques Krabal, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, pour la protection de l’environnement et la prévention des risquesLes crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », représentent une enveloppe de 8,93 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 8,98 milliards d’euros en crédits de paiement. À périmètre constant et dans un contexte budgétaire extrêmement difficile, le budget 2017 de cette mission est donc globalement stable par rapport à celui de l’année dernière. Cela prouve que l’écologie reste une priorité pour le Gouvernement, en cohérence avec le succès de la COP21, qui a permis de relancer une dynamique internationale en matière de réchauffement climatique.

Ayant été désigné rapporteur pour avis au nom de la commission du développement durable de notre Assemblée sur le programme 181 « Prévention des risques », je tiens à saluer les efforts entrepris dans ce domaine par le Gouvernement durant toute cette mandature. Je citerai un exemple parmi tant d’autres, les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) : leur taux d’approbation avoisine 92 % en 2016, ce qui n’aurait pas été possible sans les plans successifs d’accélération du processus, qui ont été engagés par le Gouvernement depuis 2013. À présent, ces plans doivent entrer rapidement dans leur phase de mise en œuvre afin d’assurer une maîtrise des zones à risques.

Au regard des événements récents qui ont défrayé la chronique, je concentrerai mes questions sur le domaine du nucléaire. Pour ce qui est de la sûreté nucléaire, alors que nos partenaires européens ont fait le choix de confier à leurs autorités de régulation des compétences en matière de sécurité, pensez-vous, madame la ministre, qu’il serait possible, sinon souhaitable, d’accorder de nouvelles prérogatives à l’ASN en matière de sécurité nucléaire ? Le contexte d’hyperterrorisme ne doit-il pas conduire les pouvoirs publics à renforcer la sécurité autour de nos centrales ?

Par ailleurs, le budget pour 2017 octroie des emplois supplémentaires à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et à l’ASN – respectivement vingt et trente ETP supplémentaires – afin de répondre à l’accroissement de leurs tâches dans le contexte post-Fukushima en matière d’expertise, recherche, sûreté, et prolongement des réacteurs. Dans le prolongement d’une demande ancienne, je souhaiterais connaître votre position sur l’idée consistant à rationaliser le financement de ces deux opérateurs, en assurant un financement unique sur la taxe sur les installations nucléaires de base (INB). Si cette disposition n’a pu aboutir en première lecture malgré un avis positif de notre commission, je redéposerai des amendements dans ce sens en seconde lecture.

Comme chacun le sait, l’ASN a demandé dernièrement à EDF de mener sous trois mois des contrôles sur cinq réacteurs à la suite des anomalies découvertes. Au total, vingt et un réacteurs sont à l’arrêt sur les cinquante-huit exploités en France. Quelles sont les options envisagées pour compenser la perte de production nucléaire afin d’éviter des pannes de courant si l’hiver est rude ? L’hypothèse consistant à activer les centrales à charbon et à recourir éventuellement aux importations n’entre-t-elle pas en contradiction avec les objectifs de la loi relative à la transition énergétique ? Quel est le manque à gagner pour EDF, qui connaît une situation financière fragile, et quelle incidence cela aura-t-il sur la facture d’électricité des ménages ? Enfin, quel sera l’impact sur la restructuration de la filière, alors qu’EDF s’apprêtait à formaliser une offre d’achat sur Areva NP d’ici à fin novembre ?

Au-delà de ces questions, je tiens à remercier l’ensemble des acteurs que nous avons pu rencontrer pendant toute la durée de ce mandat, avec une mention particulière pour l’ASN et l’IRSN, qui montrent beaucoup de sérieux et une compétence hors pair, et sont une référence dans le monde entier, ce dont nous devons être fiers.

Même si le programme 170 n’est plus de mon ressort, je tiens également à relayer ici les craintes exprimées par les syndicalistes de Météo France, reçus la semaine passée, qui se demandent comment ils vont pouvoir mener à bien leurs tâches.

Si nous vivons dans une société anxiogène où la peur est omniprésente, je crois pouvoir dire que ce ne sont pas les risques industriels qui doivent nous empêcher d’avoir confiance en l’avenir, bien au contraire. Si les agences de notations devaient évaluer la prévention des risques, la France obtiendrait la note AAA ou bien A+ ! Oui, l’expertise française dans le domaine de la gestion et la prévention des risques est un modèle dans le monde. La prévention des risques est à la fois une exigence de notre société et une tâche exaltante mais ingrate pour ceux qui en ont la charge, car les enjeux seront toujours supérieurs aux moyens, et les échecs dramatiquement plus visibles que les succès. Soyons-en conscients collectivement.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, pour les politiques de développement durable. Je commencerai par m’étonner d’un certain nombre de paradoxes que soulève le programme 217, que j’ai eu le loisir d’observer depuis trois ans que j’ai été désigné comme rapporteur pour avis.

La mission « Écologie, développement et mobilité durables », composée de neuf programmes, est créditée de 9,1 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2017. Le programme 217 est le deuxième programme le plus important de la mission en volume de crédits mobilisés, puisqu’il regroupe plus de 2,2 milliards d’euros. Ce programme assure le financement des activités nécessaires à la conduite des politiques de développement durable et porte les effectifs et la masse salariale du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer.

Premier paradoxe, et non le moindre, les crédits de la mission augmentent. La seule prise en compte de la hausse du point d’indice de la fonction publique suffirait d’ailleurs à justifier cette hausse. En revanche, les crédits du programme 217 relatifs aux dépenses de personnel sont en baisse de plus de 7 %, ce qui est incompréhensible pour un programme support dont l’objectif est justement de mettre en œuvre de nouvelles ambitions environnementales.

Paradoxe encore, l’hétérogénéité structurelle du programme. Dénoncée chaque année – on pourrait presque parler de programme « fourre-tout » –, cette hétérogénéité en rend la lecture quasiment impossible pour la représentation nationale. Hétérogénéité et illisibilité sont d’ailleurs renforcées par des changements de périmètre constants.

Paradoxe, enfin, les baisses les plus significatives touchent les secteurs liés à la transition écologique ainsi que les outils nécessaires pour développer la démocratie participative – qui vous est pourtant si chère, madame la ministre. Ainsi, les nouvelles missions de la Commission nationale du débat public ouvertes par l’ordonnance du 3 août 2016 ne sont pas véritablement budgétées, et les crédits de l’École nationale des Ponts et Chaussées, cheville ouvrière de la transition écologique du fait de son rôle dans la formation des ingénieurs de demain, baissent. Ce paradoxe s’explique d’autant moins que les priorités environnementales sont prégnantes et que votre administration, tant dans les services déconcentrés qu’en administration centrale, fait preuve d’un professionnalisme et d’un enthousiasme certains dans la réalisation de ses missions – j’ai pu le constater dans le cadre des auditions que j’ai menées pour rendre cet avis budgétaire.

Œuvrer au développement de demain, dessiner un monde écologiquement plus juste, créer un nouveau modèle de croissance durable, ce sont là des missions qui fédèrent et expliquent l’adhésion de votre administration aux réformes déjà entreprises. La rationalisation de certaines actions au sein de l’administration centrale et du Commissariat général au développement durable, la fusion de la DREAL des régions Hauts-de-France et Picardie sont autant d’exemples réussis. J’ajoute que le projet de regroupement des personnels sur un seul site, à la Défense, y participe également.

En outre, les changements constants de périmètre ne permettent pas de véritablement contrôler les efforts de rationalisation entrepris, puisqu’ils sont mouvants. C’est pourquoi, malgré un satisfecit, ce programme traduit, à mon sens, toutes les ambiguïtés de la politique que vous menez avec votre majorité, résultant du décalage entre l’affichage et la réalité.

Le programme 217 est en baisse dans un contexte d’ambitions environnementales renouvelées ; il est en baisse alors qu’il est censé développer les outils de la démocratie participative ; il est en baisse alors qu’il doit financer la transition écologique. Madame la ministre, comment pouvez-vous justifier cela ?

Pouvez-vous également expliquer à la représentation nationale pour quelles raisons l’hétérogénéité de ce programme perdure alors qu’elle est dénoncée tous les ans ?

Pouvez-vous, enfin, nous dire quels efforts votre administration entend poursuivre pour rationaliser le périmètre des actions qu’elle entreprend ?

Je ne voterai pas ce budget, parce qu’il ne me semble pas assez ambitieux. Ce que nous attendons, c’est de la lisibilité, de la prévisibilité, de la simplicité, de la rationalité, en un mot, un engagement durable et fiable.

M. Michel Lesage, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour les paysages, l’eau et la biodiversitéJ’ai examiné, pour la troisième année consécutive, les crédits des programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité » et 159 « Expertise, information géographique et météorologie ».

Le programme 113 finance des actions de préservation des sites, des paysages et des espaces naturels, ainsi que la restauration et la valorisation de la biodiversité, afin de parvenir à un développement équilibré et durable de nos territoires. Il est doté de 279 millions d’euros en autorisations d’engagement, et autant en crédits de paiement : cela représente par rapport à 2016 une progression de 1,4 % dont il faut se féliciter.

Ces crédits sont consacrés à plus de 95 % à l’action « Gestion des milieux et biodiversité », dont la dotation est supérieure à 267,37 millions d’euros. Les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs du programme 113 représenteront en 2016 un montant de 137,67 millions d’euros en 2017. Ces organismes, aux statuts divers, sont très nombreux : c’est une bonne chose pour nos territoires, mais cet éclatement peut compliquer l’évaluation de nos politiques publiques.

Je tiens à insister sur l’augmentation de ces crédits. La France doit, en effet, être capable de respecter ses multiples engagements européens et internationaux ; en cas de manquement, les risques financiers seraient importants. Ce programme traite d’enjeux essentiels pour l’aménagement de notre territoire : emploi, bien sûr, mais aussi cadre de vie et santé, la biodiversité et l’eau en particulier étant cruciales en ce domaine. Enfin, face au dérèglement climatique et à l’érosion de la biodiversité, après le succès de l’accord de Paris en décembre 2015, la France doit être exemplaire.

La grande nouveauté de ce programme 113, c’est la création, au 1er janvier 2017, de l’Agence française pour la biodiversité, issue de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, promulguée le 8 août 2016 après deux ans et demi de riches débats parlementaires. Elle rassemblera, je n’y reviens pas, quatre opérateurs, qui représentent en tout 1 200 agents.

L’année dernière, madame la ministre, j’avais fait état d’inquiétudes sur le financement de cette nouvelle agence. Le projet de loi de finances pour 2017 apporte des éléments de réponse : l’Agence percevra une subvention pour charges de service public de 34,55 millions d’euros, résultat du transfert des subventions des quatre opérateurs fusionnés ; s’y ajouteront une contribution des agences de l’eau, de 150 millions, versée auparavant à l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), et un prélèvement annuel sur le produit de la redevance pour pollutions diffuses perçue par les agences, plafonné à 41 millions d’euros et destiné à financer le plan Écophyto 2018. À l’avenir, nous devrons être vigilants pour que l’Agence continue de recevoir les moyens humains et financiers dont elle aura besoin.

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » est, quant à lui, doté de plus de 502 millions d’euros, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Le périmètre change cette année, puisque ce programme regroupe maintenant trois opérateurs qui travaillent sur des politiques transversales : le Centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et Météo-France.

Les missions confiées à ces opérateurs sont de plus en plus importantes, et ils connaissent de fortes tensions budgétaires – mon collègue Jacques Krabal vient d’évoquer les inquiétudes de Météo-France : à périmètre constant, la dotation diminue, alors que les enjeux sont de plus en plus importants.

J’ai consacré une partie de mon avis aux aspects institutionnels des politiques en faveur de la biodiversité, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ayant créé un véritable big-bang territorial. Elles donnent des compétences nouvelles aux communes et aux intercommunalités ; elles simplifient et rationalisent, en unifiant notamment la conduite des politiques en faveur de l’eau, qui y gagneront en cohérence.

Comment entendez-vous accompagner les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de leurs nouvelles compétences, notamment en matière de politique de l’eau ?

Comment pensez-vous introduire les questions de l’eau et de la biodiversité dans les prochaines négociations internationales sur le climat, où elles sont trop peu présentes ?

Pouvez-vous, madame la ministre, rassurer les opérateurs qui s’inquiètent de voir leurs moyens se réduire alors que leurs missions se développent ?

Pouvez-vous également nous assurer que la nouvelle AFB recevra les moyens nécessaires ? Sous quelle forme sera-t-elle présente sur les territoires ?

M. François-Michel Lambert, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour la transition écologiqueJ’interviens ici sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines », qui porte sur la transition écologique mais aussi sur la gestion sociale et économique des anciens mineurs.

Député élu dans le bassin minier de Provence, je commencerai par ce dernier aspect. Le bassin minier de Provence a compté jusqu’à 8 000 mineurs ; il n’y en a aujourd’hui plus aucun. Il est essentiel de continuer d’accompagner les anciens mineurs, même treize ans après la fermeture de la mine, qui a constitué un véritable traumatisme territorial. Je m’étais inquiété l’année dernière des difficultés du rapprochement entre les Caisses sociales minières et celles du régime général, ainsi que des problèmes rencontrés par l’Agence nationale de gestion des droits des mineurs (ANGDM). Cette année, il faut plutôt donner un satisfecit, malgré la baisse tendancielle des budgets.

Je concentrerai donc mes questions sur les autres volets du programme 174. Les crédits consacrés à la lutte contre le réchauffement climatique sont modestes, mais stables, à 456 millions d’euros. J’insisterai plutôt sur le montant des dépenses fiscales : celles-ci ont quasiment doublé entre 2015 et 2017, en raison notamment de la montée en charge du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). Mais, dans le même temps, le montant des exonérations ou réductions de TICPE, notamment pour les entreprises de valorisation de biomasse et des installations intensives en énergie, a été multiplié par cinq en trois ans. Il faudrait, madame la ministre, que le Gouvernement s’interroge sur l’utilité de telles dépenses fiscales : ne serait-il pas plus judicieux d’aider les entreprises à améliorer leur efficacité énergétique et à engager une véritable mutation énergétique ?

Par ailleurs, je salue la réorganisation de l’ADEME, destinée à rendre cet organisme beaucoup plus efficace. Toutefois, avec le plafonnement, depuis 2013, du reversement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à 449 millions d’euros, l’ADEME risque de se trouver, d’ici à 2018, en situation de cessation de paiement. Afin de ne pas en arriver à une telle extrémité, le Gouvernement envisage-t-il de relever ce plafond ou le rétablissement d’une subvention pour charges de service public ?

S’agissant du prix plancher du carbone, nous ne pouvons tout simplement pas continuer cette politique de stop and go. Nous devons, au contraire, être leaders et envoyer au monde le signal clair que nous entendons faire face à la production de gaz à effet de serre des centrales thermiques électriques. Nous devons être tout aussi clairs avec nos industriels pour les pousser à avancer et transformer leurs modèles. Mais cela ne pourra pas se faire sans prendre en compte les réalités sociales locales. C’est pourquoi nous devons nous engager dans une « transition juste », prévue par l’accord de Paris : « personne ne doit rester en marge de ce qui est une course contre le temps », selon les mots de Sharan Burrow, secrétaire général de la Confédération syndicale internationale. J’aimerais donc, madame la ministre, que vous nous précisiez votre approche sur ce prix plancher du carbone.

Je terminerai en abordant la question de l’économie circulaire. Nous avions placé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte un titre entier qui donnait à la France une avance remarquable. Au moment où l’Europe prépare un paquet sur ce sujet et estime que 2 millions d’emplois peuvent être créés à l’échelle européenne, au moment où l’Afrique, qui s’apprête à accueillir la COP22, affirme que son développement doit s’appuyer sur l’économie circulaire, la France doit maintenir un pilotage clair pour accompagner les entreprises – comme Altéo, bien loin en réalité de la mauvaise image des boues rouges – et les collectivités locales – comme Paris et sa métropole – qui s’engagent dans cette économie circulaire. Or l’État semble ne pas avoir de vision d’avenir. La stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire que prévoyait la loi relative à la transition énergétique n’est même pas esquissée. Madame la ministre, l’économie circulaire, ce n’est pas seulement un meilleur traitement des déchets ; c’est une philosophie globale de meilleure gestion et de meilleure utilisation des ressources. Quand cette stratégie sera-t-elle définie ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Merci de ces très nombreuses et passionnantes questions.

Je suis extrêmement heureuse de vous présenter aujourd’hui un budget en hausse de 7 %, puisqu’il s’élève 35,7 milliards d’euros, dont plus de 14 milliards consacrés à la transition énergétique. Notre objectif, c’est que ces sommes servent de levier pour soutenir les nouvelles filières et créer les emplois de la croissance verte, dans le domaine de l’énergie comme dans celui de la biodiversité. Pour cela, ce budget met en place une nouvelle ingénierie budgétaire et financière : notre préoccupation commune – car j’ai moi-même été pendant vingt-cinq ans une élue de territoire comme vous – est bien de veiller à l’articulation entre l’impulsion nationale et l’intelligence des territoires.

Nous sommes également responsables de la COP21, dans laquelle de nombreux parlementaires, dont votre rapporteur Pierre-Yves Le Borgn’, se sont beaucoup impliqués. Cette réussite diplomatique française a aussi des débouchés économiques, puisque nos entreprises sont en première ligne pour agir et mettre en valeur leurs savoir-faire, qui permettront à la planète de mieux se protéger.

Notre budget articule donc à la fois les dimensions internationale, nationale – avec en particulier la loi relative à la transition énergétique – et territoriale – avec le concept de territoire à énergies positives, prolongement de ce que j’avais pu réaliser dans ma région. Beaucoup d’entre vous, voire la plupart, ont accueilli dans leur circonscription de tels projets ; je m’en réjouis et je veux saluer ici l’ingéniosité, la créativité et la joie d’agir que je vois dans nos territoires. L’effet levier est très important : 1 euro dépensé apporte 3 à 10 euros en co-financements, en engagements publics et privés – évidemment, cela permet des créations d’emplois, notamment dans le secteur du bâtiment.

Nous voulons mettre en mouvement les territoires, mais aussi les entreprises : ce budget soutient les filières de la croissance verte, avec une augmentation de 1 milliard d’euros des sommes consacrées aux énergies renouvelables, notamment sous forme de remboursement des tarifs d’achat. Au total, nous consacrons 7 milliards d’euros au soutien aux énergies renouvelables. Nous poursuivons également les investissements d’avenir, qui ne dépendent pas de ce budget mais qui soutiennent fortement la transition énergétique dans les entreprises. Les énergéticiens contribuent à la transition énergétique grâce aux certificats d’économie d’énergie, pour environ 1 milliard d’euros par an. Nous encourageons la mobilité propre par le doublement de l’amortissement fiscal pour les véhicules électriques de société, comme par le rapprochement des avantages fiscaux de l’essence et du diesel.

En ce qui concerne les citoyens, le CITE est maintenu à 30 %, et il est cumulable avec un éco-prêt à taux zéro ; aujourd’hui, plus d’un million de foyers en bénéficient. Ces dispositifs ont permis la création de 30 000 emplois non délocalisables. Le bonus de 10 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique est prolongé, et complété d’un nouveau bonus de 1 000 euros pour les deux-roues électriques, afin d’améliorer la qualité de l’air.

C’est donc un budget pour tous et par tous. C’est un budget cohérent, car les actions internationales, nationales et locales se renforcent mutuellement : nous dessinons ainsi une vision claire de l’avenir ; partout, une action de circuit court, d’économie circulaire, de transport propre permet à chacun d’être citoyens du monde. Cela est parfaitement compris aujourd’hui. Enfin, c’est le budget des emplois verts et des nouvelles filières industrielles : j’ai l’ambition d’accélérer le passage à la nouvelle économie. Nous sommes dans une période de mutations, comme toujours un peu inquiétantes, mais elles sont également porteuses d’espérances puisqu’il s’agit d’accompagner la fin des anciennes industries polluantes. Nous en sommes capables grâce à l’émergence de nouvelles filières, de nouveaux emplois, de nouveaux métiers, de nouveaux services qu’il faut fabriquer, construire, élaborer, structurer.

Plus ces transitions sont rapides, plus elles sont fructueuses, j’en suis convaincue. C’est une idée difficile à faire comprendre sur les territoires, comme le montre le débat sur le charbon – encore un peu, encore un peu, encore un peu… En réalité, attendre coûte plus cher et rend plus difficile de motiver les gens. Or il y a des perspectives considérables. Nous devons le montrer, et ce budget doit nous le permettre.

Vous avez posé de très nombreuses questions.

Je suis, bien sûr, prête, madame la présidente, à répondre à l’invitation des deux commissions des affaires économiques et du développement durable pour débattre de l’application de la loi relative à la transition énergétique : vous avez souligné certains aspects positifs ; je serai heureuse d’apporter des compléments d’information s’ils sont nécessaires.

Lorsque je suis arrivée à la tête de ce ministère, tous les textes d’application du Grenelle de l’environnement n’étaient pas sortis. Je ne donnerai pas de chiffre pour éviter les polémiques. Au moment où je vous parle, non seulement c’est fait, mais nous avons également fait paraître – en un an ! – plus de 90 % des textes d’application de la loi relative à la transition énergétique. Il faut saluer l’efficacité des services du ministère, qui ont travaillé sans relâche. Certains textes posent problème ou sont encore soumis aux procédures de consultation : ils seront signés dans les semaines à venir. Nous arriverons ainsi à la COP22 forts de la quasi-totalité des textes d’application, et nous pourrons également faire valoir les actions d’accompagnement menées dans nos territoires, dans les filières industrielles et auprès des citoyens.

Madame la présidente, vous m’interrogez également sur la mise en place des territoires à énergies positives pour la croissance verte (TEP-CV). Une dotation de 250 millions d’euros était prévue en 2015, et le montant sera identique en 2016. Leur gestion est confiée à la Caisse des dépôts et consignations. La procédure est très rapide, comme vous le constatez dans vos territoires : 40 % des fonds sont versés dès la signature du contrat de transition énergétique. Par la suite, une communauté de travail se met en place, sous l’impulsion des préfets, des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), de l’ADEME : les compétences sont ainsi rassemblées pour simplifier et éviter la bureaucratie et la multiplication des guichets. Les actions opérationnelles ont été pensées pour être aussi claires et simples que possible, de manière à ce que l’application de la loi assure en même temps la transition énergétique et la création d’emplois.

Monsieur le président de la commission du développement durable, vous m’interrogez sur le financement des aires de covoiturage qui doivent être installées au bord des autoroutes. C’est une bonne question, et j’espère bien, moi aussi, qu’elles seront financées par les sociétés d’autoroute, qui ont elles-mêmes fait cette proposition ! Mais vous les connaissez comme moi : il faut toujours être très vigilant. Je vous promets de l’être.

S’agissant du bonus, il existe un projet pour le réserver aux véhicules coûtant moins de 40 000 euros ; c’est une idée qui présenterait des avantages et des inconvénients. Chaque fois que l’on crée un dispositif fiscal d’encouragement, on sait que le ministère des finances sera tenté de le modifier – et il a fallu, cette année, résister à ces tentations. Les services fiscaux ont toujours énormément d’imagination… Or, à mon sens, la stabilité est essentielle : on croit économiser un peu en changeant légèrement le dispositif, mais les conséquences psychologiques d’une modification chaque année frappent directement les filières industrielles concernées. Remettre en cause ce dispositif enverrait un mauvais signal et je n’y suis pas favorable.

Il vaudrait mieux, je crois, négocier l’implantation en France d’une usine construisant des véhicules haut de gamme. C’est, en tout cas, ce que j’ai répondu à l’entreprise que chacun a en tête, et qui n’est pas encore installée en France, lorsqu’elle m’a contactée pour soulever le problème : je suis favorable à la stabilité fiscale, mais montrez que vous pouvez investir en France, construire aussi des véhicules moins chers et des batteries avec une plus forte autonomie. J’ai donc plaidé, dans la région de Fessenheim d’ailleurs, pour l’accompagnement industriel des mutations énergétiques et pour l’installation d’industries du futur.

Le « jaune » sur le financement de la transition énergétique est prêt : il est à Bercy. Il devrait vous parvenir très rapidement.

Monsieur Giacobbi, vous me demandez ce qui a avancé depuis la COP21. Tout d’abord, personne n’aurait pensé que la ratification se ferait si rapidement ! Je rappelle qu’il avait fallu sept ans pour ratifier le protocole de Kyoto ; en neuf mois, nous avons réussi la ratification de l’accord de Paris. C’est l’Europe qui a permis le basculement vers la ratification, ce qui n’était pas évident : la complexité des procédures était telle qu’il a fallu, jour après jour, heure après heure, lever les objections une à une, comprendre que nous n’étions pas obligés de disposer de la répartition des efforts pour pouvoir ratifier ou que nous pouvions déposer les ratifications individuellement au lieu d’attendre les vingt-huit ratifications… Il a fallu une ingénierie juridique très fine. C’est pour nous une grande fierté que ce soient les ratifications des sept premiers pays de l’Union européenne qui aient permis le basculement vers les 55 % des émissions de gaz à effet de serre.

Je crois profondément que la COP21 a fait émerger une conscience universelle, maintenant irréversible : que les pays du monde entier puissent, dans un monde de guerre et de malheur, parler le même langage quel que soit leur niveau de développement, leur taille, leur modèle énergétique, c’est tout à fait remarquable. Nous vivons un moment extraordinaire, et nous avons le devoir de prolonger cette dynamique historique en passant à l’action – ce que nous avons commencé, ce que l’engagement des entreprises, des scientifiques, des citoyens a commencé.

Nous devons maintenant accélérer la mise en place des coalitions et des actions, mais aussi des financements. Je suis heureuse de rappeler que nous sommes proches des 100 milliards de dollars mobilisés pour le climat promis à la COP21, comme l’a montré un récent rapport de l’OCDE.

J’invite d’ailleurs ceux d’entre vous qui le souhaitent à la conférence des parties qui se tiendra à Marrakech. Vous vous êtes déjà beaucoup impliqués, et cela vous permettra d’accompagner les différentes actions mises en place.

M. Mariton demandait des exemples de simplification administrative : je citerai le permis unique, désormais généralisé et qui devrait permettre de réduire les délais de contentieux ; la simplification du contentieux pour les EnR marines, avec un seul degré de recours ; enfin, les appels d’offres pluriannuels pour les EnR, lisibles et stables, qui répondent à une très forte attente des entreprises.

Monsieur Goua, vous m’interrogez sur l’ARENH, qui permet au consommateur de bénéficier d’un prix de l’électricité faible. Il n’est évidemment pas question de suspendre l’ARENH. Je l’ai écrit à EDF qui m’avait interrogée : ce dispositif figure dans la loi, et il est favorable aux consommateurs ; et puis, vis-à-vis de la Commission européenne, nous ne pouvons pas improviser une suppression. Mais certains craignent l’apparition de comportements spéculatifs abusifs, liés notamment au différentiel de prix sur les marchés de gros ; pour mettre fin à ce problème, la Commission de régulation de l’énergie va proposer une révision de l’accord-cadre, en amont du prochain guichet de souscription, le 16 novembre 2016. J’ai également proposé, pour limiter les risques de spéculation causés par un arbitrage semestriel, de modifier le décret ARENH, afin d’y préciser les conditions d’application de la « clause de monotonie » du dispositif.

À la suite d’un audit conduit en 2016 sur l’inventaire des gaz à effet de serre (GES), un avenant à la convention pluriannuelle d’objectifs du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique permettra de débloquer une dotation supplémentaire de 50 000 euros. Un travail sera conduit en 2017 avec le CITEPA pour préciser les priorités et pour adapter le programme de travail aux contraintes budgétaires. Dans le cadre des redéploiements et de la rationalisation de la dépense publique, on regarde très attentivement l’ensemble des organismes et on les traite tous de la même façon. Il convient parfois de rationaliser le fonctionnement de certaines structures, mais lorsque les avenants sont clairs par rapport aux objectifs des différentes actions, il n’y a pas de raison de ne pas les adapter.

Madame Santais, vous avez évoqué l’importante question de la différence entre les ménages chauffés au gaz et les autres dans les tarifs sociaux, à laquelle la loi sur la transition énergétique a répondu par l’instauration d’un chèque énergie qui donnera le même montant d’aide quel que soit le mode de chauffage. Une expérimentation en cours dans quatre départements donne satisfaction, et, tout en analysant les retours d’expérience, nous préparons la généralisation du dispositif dans l’ensemble du pays.

J’attache beaucoup d’importance à l’autoconsommation, qui fait partie de la citoyenneté énergétique. J’ai mis en place plusieurs mesures pour favoriser le développement de l’autoconsommation : une évolution du cadre légal destinée à la faciliter, une augmentation des soutiens financiers par le lancement d’un appel d’offres et un encouragement aux projets relatifs à l’autoconsommation dans les territoires à énergies positives. L’ordonnance relative à l’autoconsommation de juillet 2016 met en place un cadre légal pour faciliter son développement en définissant la notion d’autoconsommation collective, qui pourra concerner un projet d’approvisionnement de logements collectifs ou de centres commerciaux par une installation solaire implantée. J’ai, par ailleurs, imposé aux gestionnaires de réseau l’obligation de faciliter les opérations d’autoconsommation individuelles et collectives. Signalez-nous les résistances que vous pourriez constater ici ou là. La CRE devra établir une tarification d’usage du réseau adaptée aux installations d’autoconsommation, afin de tenir compte des réductions de coût d’utilisation des réseaux que peuvent apporter ces opérations. Un décret d’application de cette ordonnance est en cours de préparation, le projet de loi de ratification ayant déjà été déposé. J’ai lancé un appel d’offres, le 2 août dernier, pour des projets d’autoconsommation. Il faut vous en saisir dans vos territoires. Toutes les EnR – solaire et petite hydroélectricité notamment – sont admises, et il y aura entre 100 et 400 projets lauréats qui pourront concerner les secteurs agricole, industriel et tertiaire, et qui seront bientôt sélectionnés. Ils trouveront, bien entendu, toute leur place dans les territoires à énergies positives, car là où les citoyens se mobilisent pour l’autoconsommation, ils agissent dans tous les domaines de la loi de transition énergétique.

Monsieur Le Borgn’, parmi les nombreuses propositions de la France pour la COP22, j’aimerais mettre en avant l’initiative « Énergies renouvelables en Afrique », pour laquelle j’ai déposé un rapport la semaine dernière au secrétariat des Nations unies en tant que présidente de la COP21, ou l’Alliance mondiale pour la géothermie, qui regroupe à ce jour quarante et un pays membres et vingt-six institutions partenaires. Lors de la COP21, seules la France et l’Islande défendaient cette idée, mais l’Alliance compte maintenant dans ses rangs des pays africains comme l’Éthiopie, qui ont découvert au cours de nos réunions qu’ils disposaient de ressources en géothermie dont ils ne soupçonnaient pas l’existence. C’est grâce à la mise en commun des savoir-faire pour conduire des recherches dans ce domaine que ces pays en grande difficulté ont accédé à ces gisements d’énergie. Le potentiel de la géothermie s’avère très fort. L’Inde et la France ont également lancé l’Alliance solaire internationale, dont le statut juridique vient d’être finalisé après un long et difficile travail et sera déposé lors de la COP22. Les premiers projets de l’Alliance porteront sur l’irrigation en milieu rural à partir d’énergie solaire et sur l’éclairage public approvisionné par l’énergie solaire, ce projet étant porté par notre pays. Les 121 pays du pourtour de l’Équateur vont pouvoir lancer des appels d’offres collectifs, faire baisser considérablement le prix d’accès aux énergies solaires et mettre en commun leurs expertises pour contrôler le sérieux des études et des entreprises industrielles ainsi que les prix.

Ont également été mises en place la mission Innovation, la déclaration sur la mobilité électrique, l’Alliance mondiale sur le bâtiment, l’Alliance mondiale sur le transport propre, l’Alliance mondiale sur le prix du carbone, cela toujours à partir d’une union des États, des villes et des entreprises. La présence d’acteurs non étatiques dans ces alliances en fait la richesse et la productivité, et assure le caractère judicieux du choix des projets financés.

Dans une déclaration franco-chinoise de novembre 2015, nous avions proposé le principe d’un dialogue facilitateur sur la révision des contributions nationales pour réduire les émissions de CO2, qui se tiendra en 2018, lors de la COP24. Nous le préparons dès maintenant sur la base des contributions des scientifiques, notamment le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur le 1,5 degré qui sera adopté en 2018, des stratégies de réduction des émissions à l’horizon de 2050, qui relèvent de l’article 4-19 de l’accord de Paris et que plusieurs pays se sont engagés à présenter dès cette année, et des meilleures pratiques identifiées par la recherche, les acteurs de terrain et les gouvernements. Ce rendez-vous de 2018, très proche, sera crucial pour la mise en œuvre de l’accord de Paris. Nous en attendons le relèvement significatif de l’ambition globale de nos engagements avant 2020, car nous devons limiter la hausse des températures à 2 degrés pour éviter le cortège de catastrophes, de souffrances et de désespoir. Or le cumul actuel de l’ensemble des contributions décidées au niveau national (INDC) conduit à une hausse de la température comprise entre 3 degrés et 3,5 degrés. J’ai confiance : les technologies progresseront beaucoup plus vite qu’on ne le croit ; les entreprises ont compris les enjeux et ont identifié les potentiels de gains attachés au défi de la lutte contre le réchauffement climatique. Une compétition mondiale positive s’est enclenchée et aucun pays ne souhaite rester à la traîne. J’ai créé la Green tech pour encourager les startups dans tous ces domaines, et j’y vois beaucoup de potentiel ; les très grandes entreprises se mobilisent également pour innover, ce qui est très encourageant.

La mise en place du corridor du prix du carbone s’avère lente dans l’Union européenne. La ratification a eu lieu et il s’agit maintenant de répartir les efforts. J’ai bon espoir de faire progresser ce dossier, car le prix du carbone constitue un signal majeur. Certaines entreprises ont adopté un prix interne du carbone pour calculer la rentabilité supplémentaire de l’investissement dans les économies à basse utilisation de carbone, ce qui constitue un élément novateur. Je remettrai prochainement le premier prix du meilleur reporting climatique, opération imposée par la loi sur la transition énergétique que les entreprises perçoivent non comme une contrainte, mais comme un atout, une chance et un argument commercial, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Là aussi, les choses avancent très vite, et il faut valoriser les bonnes pratiques pour inciter tout le monde à les adopter.

Avant de venir à cette réunion, j’ai eu le bonheur de me rendre au Centre national d’études spatiales (CNES) et de dialoguer avec l’astronaute français Thomas Pesquet, qui partira dans quelques jours vers la station internationale d’où il observera la terre jusqu’au mois de mai 2017. Une telle mission suppose un caractère, une énergie et un engagement exceptionnels, et il est extraordinaire qu’un astronaute français y participe. Un film, projeté récemment à la Géode de la Villette et montrant la planète depuis une station orbitale, nous a rappelé que l’examen de la terre depuis l’espace invalidait toute contestation de la réalité du réchauffement climatique et de ses effets. Les vingt-six faits prouvant les dégâts issus du dérèglement climatique et de l’activité humaine sont observables depuis l’espace. Il est spectaculaire de constater la simultanéité de l’acidification de l’océan, la déforestation, l’assèchement et la diminution des cours d’eau. Nous pouvons, en tout cas, nous montrer fiers de l’action de notre pays dans l’espace, dans la recherche et dans l’étude de la planète. L’expédition reviendra sur terre au mois de mai avec des informations qui nourriront la mobilisation pour la protection de cette toute petite planète, qui nous est chère, qui est si fragile, mais que nous pouvons protéger et même reconstruire et réparer.

Monsieur Krabal, j’ai affecté des moyens supplémentaires à la sûreté nucléaire. La cuve et le générateur de vapeur sont des composants essentiels des réacteurs nucléaires. La cuve protège le cœur du réacteur contenant le combustible, et le générateur de vapeur permet d’échanger la chaleur entre le circuit primaire chauffé par le réacteur nucléaire et le circuit secondaire pour produire l’électricité. Les cuves et les générateurs sont constitués de diverses pièces métalliques en acier forgé, celui-ci contenant un taux de carbone réparti de manière hétérogène ; un taux excessif de carbone peut affaiblir la résistance mécanique des pièces. EDF a donc lancé des investigations depuis 2015, qui ont montré que des éléments de générateurs de vapeur, produits il y a plus d’une quinzaine d’années et installés dans le parc français entre 1995 et 2007, étaient susceptibles de présenter une concentration en carbone particulièrement élevée. Voilà pourquoi l’ASN a demandé à EDF, le 18 octobre dernier, de réaliser des contrôles sur cinq réacteurs nucléaires, des vérifications ayant déjà été réalisées sur sept autres réacteurs.

Je me montre extrêmement exigeante sur la sûreté nucléaire. J’ai décidé de renforcer les moyens de l’ASN et de l’IRSN, structures indépendantes dont la charge augmente compte tenu de l’avancée en âge des centrales. Dans le même temps, certains réacteurs se trouvent à l’arrêt, et il faut assurer la continuité de l’approvisionnement en énergie en produisant de l’énergie autrement ou en renforçant le potentiel de production des réacteurs qui fonctionnent. Cette exigence s’inscrit complètement dans la dynamique de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, puisque l’on sort d’un schéma mono-industriel en diminuant la part du nucléaire dans la production d’énergie du fait de la fin prochaine de l’activité des centrales construites il y a quarante ans. On stimule ainsi la montée en puissance des EnR, qui produisent aujourd’hui en France l’équivalent de six réacteurs nucléaires. Enfin, nous devons agir dans le domaine de l’efficacité énergétique et des économies d’énergie où il reste énormément à faire. Outre l’incitation aux travaux d’économies d’énergie dans le bâtiment, nous devons lancer des opérations de sensibilisation auprès des citoyens et des entreprises pour réaliser des économies, par exemple en éteignant les appareils en veille.

Monsieur Chevrollier, nous réalisons des économies de fonctionnement pour renforcer les investissements, même dans le cadre d’un budget qui augmente. Nous y parvenons grâce à la mutualisation de services, structures et directions du ministère, et à la suppression de doublons de compétences et d’activités. Un ministre doit veiller à ce que la dépense publique soit toujours justifiée, et je remercie les efforts consentis par les administrations sous la houlette du secrétariat général du ministère, qui gère parfaitement ces sujets en me faisant des propositions d’économies de fonctionnement. Je m’étonne qu’il s’agisse là de votre principal reproche, alors que vous appartenez à une formation politique qui propose la suppression d’un nombre inconsidéré de fonctionnaires ; j’ai du mal à comprendre votre contradiction. En tout cas, je garde le cap des économies de fonctionnement pour mieux investir dans la croissance verte.

Monsieur Lesage, le CÉREMA, l’IGN et Météo France accomplissent des missions très importantes, mais nous regardons, là aussi, les moyens de mutualiser des missions, de faire évoluer les modèles économiques de ces structures et de leur assigner des objectifs de performance, le tout dans une démarche partenariale avec leur tutelle.

Les moyens alloués aux opérateurs du programme 113 augmentent, et 138 millions d’euros leur seront versés sous la forme d’une subvention pour charges de service public, cette enveloppe progressant de 4 millions d’euros par rapport à 2016. En outre, soixante postes équivalents temps plein seront créés pour accompagner l’installation de l’Agence française pour la biodiversité, dotée de moyens importants mais contrôlés par la tutelle. Je suis extrêmement vigilante sur l’utilisation des fonds publics, ces structures devant rendre des comptes et rechercher en permanence l’efficacité.

L’AFB naît du regroupement de plusieurs opérateurs. Son budget s’élèvera, en 2017, à 220,5 millions d’euros, ce montant s’avérant supérieur à la somme des crédits alloués aux anciennes structures en 2016. Les soixante nouveaux ETP s’occuperont notamment de la création des nouveaux parcs naturels marins. Je viens de signer le décret d’extension de l’aire marine protégée dans les terres australes françaises, mesure de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ce texte d’application nécessitait la tenue de nombreuses consultations, mais j’ai accéléré le processus à la suite de ma participation à la conférence de Washington sur l’océan et par cohérence avec l’initiative de la France d’avoir fait figurer l’océan dans l’accord de Paris. Par ailleurs, j’ai créé une aire marine autour de l’atoll de Clipperton, malgré certaines protestations ; il était temps, après plus de quinze ans d’atermoiements, de protéger cet atoll – le projet se trouve en consultation sur le site du ministère.

Le sujet des relations entre la biodiversité et l’eau, inscrit à l’ordre du jour de la COP22, est très important pour les Marocains. Les pays africains souffrent énormément des effets du réchauffement climatique au regard de la désertification. La France a souhaité que la Journée d’action sur les océans soit consolidée à la COP22. Le 13 novembre prochain, j’organiserai un événement sur la protection de la Méditerranée avec les vingt et un pays du pourtour méditerranéen. On réfléchira notamment à la façon dont les villes méditerranéennes peuvent s’entraider pour mettre leurs stations d’épuration aux normes, empêcher les industriels de considérer cette mer comme une poubelle gratuite, et développer les EnR. La France est le premier pays du pourtour méditerranéen à installer des éoliennes flottantes au large de ses côtes.

Le lendemain, je rassemblerai, à la COP22, la coalition de lutte contre les sacs plastiques, dont nous avons voté le principe et qu’il nous faut maintenant organiser pour interdire les déchets plastiques. Depuis que j’en ai lancé l’idée, plus d’une dizaine de pays ont rejoint cette coalition visant à mettre fin à l’une des principales sources de pollution de l’océan. Là aussi, les mentalités évoluent très rapidement, et j’ai le plaisir d’inaugurer dans deux jours, en Lorraine, une usine de fabrication de sacs plastiques biodégradables.

Monsieur Lambert, la France défend la nécessité de fixer un prix plancher pour le carbone, mais nous devons agir en coopération avec les autres pays européens. La programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit la fermeture des centrales à charbon en France à l’horizon de 2023 – et si possible avant cette date. Notre pays a été le premier à supprimer les subventions au charbon, et il nous faut maintenant accompagner la mutation industrielle, qui permettra de maintenir les emplois et même d’en créer de nouveaux.

Le prélèvement de 90 millions d’euros sur le fonds de roulement excédentaire de l’ADEME ne sera pas reconduit en 2017, et les besoins pour 2018 seront couverts. Les aides de l’ADEME sont bonifiées dans les territoires à énergies positives, sur la subvention de trois fois 250 millions qui leur est dédiée, et je signerai plus de cent bonus de 50 % à des projets soutenus par l’ADEME. L’Agence constitue le principal opérateur des investissements d’avenir et gère, à ce titre, 3 milliards d’euros. Elle mettra en œuvre l’an prochain le troisième programme d’investissements d’avenir, qui consacrera 60 % de ses crédits à la transition énergétique. Jamais cet opérateur n’aura autant été mis en valeur, tant au niveau domestique qu’à l’extérieur, car il appuie également certaines coalitions internationales. Il relève du ministère et de l’État, et il importe que les citoyens et les entreprises sachent que son budget est voté par les parlementaires et qu’il ne s’agit pas d’une structure autonome. Je rappelle régulièrement à l’ADEME que chacune de ses actions doit être estampillée « ministère de l’environnement », pour faire savoir que ce sont des fonds publics qui alimentent une dynamique, articulée avec les autres ministères, les territoires et les filières industrielles concernés, visant à l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

M. le président Jean-Paul ChanteguetNous allons maintenant entendre les orateurs des groupes, suivis des orateurs inscrits.

M. Christophe Bouillon. À l’heure où l’on célèbre le centenaire de la naissance d’un homme d’État dont la parole reste forte, je ne résiste pas au plaisir de le citer : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin ». De la volonté, il en fallait pour réussir la COP21, qui représentait une entreprise telle qu’aucun pays ne voulait l’accueillir. La France a relevé le défi et a remporté un formidable succès diplomatique. De la volonté, il en fallait aussi pour que l’accord de Paris entre en vigueur le 4 novembre prochain. Vous avez réussi, madame la ministre, à entraîner l’Europe, y compris les pays les plus récalcitrants. De la volonté, il en faudra pour que le financement climatique de 100 milliards d’euros soit disponible en 2020.

C’est aussi la volonté qui a permis de doter notre pays de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, grâce à laquelle la France va tenir ses engagements. Elle apporte un nouveau mix énergétique, plus vert, plus décentralisé, plus digitalisé et plus démocratique, qui donne à notre pays les moyens d’honorer sa signature de l’accord de Paris.

On a beaucoup cité le rapport sur l’application de la loi de transition énergétique présenté ce matin à l’Assemblée. Ce rapport indique que l’urgence, en 2014 et 2015, était de voter cette loi, et qu’en 2016 et 2017, elle est de la mettre en œuvre. Les choses, à cet égard, sont plutôt bien parties : vous répondez, avec votre ministère et les services de l’État, à cette urgence. Le rapport dit aussi que tout est là. Si l’on considère que la loi est une boîte à outils, chacun – entreprises, citoyens, collectivités locales –, petit à petit, peut se saisir des outils. S’il se manifeste de l’impatience, elle témoigne d’une prise de conscience, et je vois mal remettre en cause des outils figurant en bonne place dans ce texte.

Ce rapport remarque également une différence entre ce qui a pu se faire jusqu’alors et ce qui se fait à partir de cette loi. Vous avez eu raison de rappeler l’exemple du Grenelle 2, de la loi dite d’engagement pour l’environnement : plus de 204 décrets étaient attendus, dont la publication s’est révélée une véritable course de lenteur, alors qu’ils étaient nécessaires. A contrario, vous avez rappelé que, depuis la promulgation de la loi sur la transition énergétique en août 2015, plus de 90 % des décrets ont d’ores et déjà été publiés ; c’est là toute la différence entre les méthodes à l’ancienne et la volonté que vous avez affichée, dans une logique de co-construction.

Cette volonté existe, elle est forte, mais le chemin est-il encore long ? De quelle façon allez-vous poursuivre ces actions pour tenir les engagements de la France et faire en sorte que la prise de conscience ne s’efface pas, face à certains conservatismes ou reniements ?

M. Alain Leboeuf. Vous avez donné comme orientation à la politique énergétique une baisse drastique de la part du nucléaire dans notre mix. Comme l’a souligné Hervé Mariton, nos inquiétudes portent surtout sur la sécurité de l’approvisionnement, entre les objectifs affichés et ce dont nos entreprises et nos concitoyens auront besoin demain, ainsi que sur le coût à venir de l’énergie, à court, moyen et long termes. L’affolement actuel des marchés est un premier signe.

Comment pensez-vous gérer, cet hiver, les pics de consommation ? Allons-nous utiliser une fois de plus des énergies fossiles ? Ou bien allons-nous davantage recourir à l’importation, en particulier en provenance de nos amis allemands, qui utilisent à outrance les centrales à charbon ?

En ce qui concerne la politique de l’eau, en lien avec l’Agence française de la biodiversité, le groupe Les Républicains condamne les prélèvements sur nos agences de l’eau. Ces prélèvements auront un véritable impact sur la politique d’assainissement, en particulier dans nos zones rurales, et sur la restauration du milieu aquatique. Quelle est la part de ces prélèvements réellement affectée à l’Agence française de la biodiversité et celle qui retourne au budget général de l’État ?

S’agissant de la rénovation énergétique des bâtiments, que nous souhaitons tous car elle représente une source d’économies, vous avez fixé un objectif de 500 000 logements. Nous aurons du mal à l’atteindre. J’aurais d’ailleurs aimé avoir des chiffres un peu plus précis pour 2016. Comment le Gouvernement compte-t-il financer ces travaux d’amélioration énergétique dans la mesure où l’on constate déjà une baisse de l’enveloppe consacrée à ces aides ? Les collectivités territoriales devraient montrer l’exemple, avec des travaux de rénovation des bâtiments publics, mais la baisse des dotations freine énormément leur lancement.

En ce qui concerne le bonus sur les véhicules électriques, je me félicite que vous ayez osé un bonus sur les deux-roues. Vous êtes également revenue sur le sujet des bonus des 10 000 euros en précisant qu’était actuellement en discussion le critère supplémentaire d’un plafond de 40 000 euros. Vous avez plaidé pour la stabilité des dispositifs et cela est juste, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres. Simplement, vous évoquez les véhicules haut de gamme – ceux qui aimeraient ce plafond pensent évidemment à de tels véhicules –, mais cela concerne aussi des véhicules plus volumineux qui ne sont pas nécessairement haut de gamme, ainsi que les véhicules à hydrogène ou mixtes avec hydrogène, qui dépassent très rapidement les 40 000 euros et pourraient, dès lors, être privés du bonus. Par ailleurs, avez-vous prévu une politique de soutien à la filière des véhicules électriques d’occasion, sachant que la filière des véhicules électriques neufs en sera très dépendante ?

M. Bertrand Pancher. Ça doit faire du bien, madame la ministre, de se trouver géniale ! Tout est bien, tout est beau, sauf que les crédits de votre mission, s’ils sont un peu moins catastrophiques que les précédentes années, n’en restent pas moins bien en deçà de ce qu’attend notre pays.

Derrière de grands discours, vous avez réussi, en quelques années, à détricoter l’esprit du Grenelle et à démobiliser la plupart des acteurs, désorientés par une politique environnementale faite de soubresauts et de contradictions. Nous sommes passés d’une recherche de consensus entre acteurs à une opposition très vive : les agriculteurs, les chasseurs, les chefs d’entreprise rejettent en bloc des mesures considérées comme technocratiques et inadaptées, alors qu’ils ont tous conscience de l’importance des enjeux.

Certains points de votre budget, s’ils arrivent beaucoup trop tard, semblent cependant de bon sens. Le PLF prolonge le crédit d’impôt pour la transition énergétique jusqu’au 31 décembre 2017, ce qui montre que le Gouvernement commence à comprendre qu’il faut cesser de changer régulièrement nos systèmes d’incitation fiscale. Ces changements ont causé beaucoup de dégâts ces dernières années, notamment dans le logement. Dans le domaine environnemental, la stabilité fiscale est nécessaire pour entraîner l’ensemble des acteurs de la transition énergétique.

Dans la série des bonnes mesures qui arrivent trop tard, on notera que le projet n’affiche plus de plafonds de ressources pour cumuler l’éco-prêt à taux zéro et le CITE, ainsi que la modification des avantages fiscaux pour les entreprises achetant des véhicules peu émetteurs de CO2. Mieux vaut tard que jamais, me direz-vous, mais ces nouvelles modalités entraîneront vraisemblablement des reports d’investissement, en attendant qu’elles deviennent effectives – c’est toujours ainsi que cela se passe.

Nous nous félicitons aussi de la hausse des crédits, de l’ordre de 4 millions d’euros, pour la protection de la biodiversité. Toutefois, cette hausse est entachée par une nouvelle ponction exorbitante de 175 millions d’euros – une sacrée différence – sur les agences de l’eau, pourtant grandes actrices dans le domaine de la biodiversité.

Enfin, il aura fallu attendre le scandale du « dieselgate » pour que le Gouvernement se penche sérieusement sur la neutralité fiscale entre l’essence et le diesel. Nous saluons l’adoption d’un amendement prévoyant la suppression en cinq ans de ces avantages fiscaux. Le Gouvernement n’aura eu de cesse de freiner les choses alors qu’il y avait urgence. Il aurait fallu développer des stratégies beaucoup plus en amont.

Venons-en aux grandes inquiétudes que suscitent les chiffres flous de cette mission. Il est inquiétant que le PLF ne nous apporte toujours aucune visibilité sur le Fonds de financement de la transition énergétique (FFTE), qui devait être doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans. Les ressources ne figurent toujours pas dans le PLF 2017. Quid également du doublement du Fonds chaleur, qui était prévu à l’horizon 2017 ? Il est vrai que les mécanismes des projets de production de chaleur sont tellement complexes qu’ils découragent tout le monde. Parallèlement, la reculade du Gouvernement sur le prix plancher du CO2 pour le secteur électrique est encore un mauvais signal.

On le voit, les chiffres de cette mission sont, hélas ! Dans la lignée de ceux des PLF précédents. Ils sont loin de faciliter la transition énergétique que nous souhaitons tous. J’indiquais ce matin, dans mes commentaires sur la loi de transition énergétique, que la peur d’un changement de modèle nous paralyse et ne nous met pas au rendez-vous de l’histoire face à la quasi-certitude d’un emballement climatique catastrophique.

Pour terminer, je souhaite relayer une question de notre collègue François Rochebloine, qui relève des craintes pour la santé du fait de l’impact des infrasons et des basses fréquences sonores émis par les parcs éoliens. Il souhaite savoir si votre ministère, qui était à l’origine de la cosaisine en 2013 de l’ANSES, avait des informations à ce sujet, et notamment à quelle échéance l’ANSES pourra rendre ses conclusions.

M. Serge Bardy. Je vous remercie, madame la ministre, pour la cohérence de votre stratégie, de l’international au local, et de votre engagement pour le changement.

La loi de transition énergétique prévoyait d’étendre la responsabilité élargie du producteur (REP) papier à la presse écrite. Ce sujet étant fort épineux, vous m’avez confié, ainsi qu’au sénateur Gérard Miquel, la rédaction d’un rapport parlementaire en amont du décret. Le décret est désormais paru et reprend les préconisations du rapport. Cela montre que le Gouvernement et le Parlement peuvent travailler ensemble.

Ce rapport a mis en exergue un besoin urgent de réformer certaines filières REP, notamment celle du papier-carton. Plus le papier est recyclable et recyclé, plus l’éco-contribution est élevée. Ne sommes-nous pas là dans de l’écologie punitive plutôt que dans une écologie positive ? Quelles sont vos intentions à ce sujet ?

En ce qui concerne la politique des déchets et l’économie circulaire, le Gouvernement a annoncé que le projet de loi de finances rectificative (PFLR) comprendrait un volet « fiscalité verte », avec notamment des dispositions relatives à la TGAP. Il va sans dire que nous y serons très attentifs. Afin de continuer à tendre vers les objectifs de la loi de transition énergétique, pouvez-vous nous en dire davantage sur ce à quoi nous devons nous attendre dans le PLFR ?

Enfin, vous avez déclaré vouloir faire de Paris la future capitale de la finance verte, et je partage pleinement cet objectif. L’article 173 de la loi de transition énergétique va dans ce sens, de même que le label public « transition énergétique » que vous avez lancé il y a un an. Avez-vous d’autres mesures en préparation pour contribuer encore davantage à cet objectif ?

Mme Martine Lignières-CassouSous votre impulsion, la France a pris des engagements forts en matière de biodiversité, notamment vis-à-vis d’espèces à fort enjeu communautaire. Je pense en particulier à l’ours. Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer le montant des pénalités que la France devrait payer si elle ne respectait pas ses engagements communautaires s’agissant de la réintroduction de l’ours, en particulier dans les Pyrénées occidentales ? De même, avez-vous effectué une évaluation des montants d’aides communautaires qui ne seraient plus versés aux éleveurs si la France ne respectait pas ces mêmes obligations ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je remettais ce matin, avec mes collègues rapporteurs, le rapport d’information sur l’application de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, en exprimant ma satisfaction de voir de nombreux programmes de développement des énergies renouvelables démarrer à la suite des appels d’offres que vous avez lancés. Ma satisfaction également de voir émerger un grand nombre de territoires labélisés TEPOS, avec un financement allant jusqu’à 2 millions d’euros par territoire, ce qui crée une dynamique locale en faveur du développement de filières. Satisfaction aussi de constater la modification des comportements, la prise de conscience collective, mais également des attentes réaffirmées, notamment concernant l’orientation claire du développement de l’hydrogène. À cet égard, le rapport du Gouvernement sur le stockage par hydrogène, objet de l’article 121, n’a pas été, à ce jour, remis au Parlement. Pouvez-vous, sur ce point, nous apporter des informations concernant le calendrier ?

Même chose pour le rapport du Gouvernement sur les mesures à prendre en faveur des entreprises soumises à un risque de fuite de carbone. Le programme 174 prévoit une hausse de 190 millions d’euros de dépenses fiscales en leur faveur ; la remise de ce rapport aurait permis d’expliquer le bien-fondé de ces mesures.

S’agissant du programme 345 sur la précarité énergétique, comment faire en sorte que le nombre de bénéficiaires des tarifs sociaux se rapproche au plus près du nombre de bénéficiaires potentiels ? Pensez-vous que le chèque énergie le permettra ?

Enfin, s’agissant de l’effacement, il reste quelques décrets à prendre. Pouvez-vous nous donner des informations à ce sujet ?

Madame la ministre, vous êtes très attendue à la fois par la commission des affaires économiques et la commission du développement durable pour parler de ce rapport, mais vous avez confirmé votre venue et je vous remercie.

M. Gabriel Serville. Je salue l’augmentation des crédits de cette mission par rapport à l’exercice 2016. Ma question porte sur la prise en charge des véhicules hors d’usage (VHU). Il y a quelques jours, j’ai adressé la même question à notre collègue Delphine Batho, lors de la remise de son rapport sur l’offre automobile française.

On recense entre 15 000 et 30 000 VHU à l’abandon sur le territoire guyanais. On ne sait pas quoi en faire et le taux de collecte est largement inférieur aux objectifs que vous avez vous-même annoncés l’an dernier, madame la ministre. Ces VHU sont de vrais fléaux qui enlaidissent notre environnement et créent des risques de santé publique en se transformant en gites larvaires pour les moustiques transmetteurs de dengue, chikungunya et zika. Comme pour aggraver la situation, les centres guyanais de dépollution font face à de graves difficultés et la filière peine à remplir ses missions.

Pourtant, l’économie circulaire basée sur le traitement et le recyclage des déchets est porteuse d’espoir. Force est de constater, cependant, que les appels à la responsabilité n’ont pas été suivis des effets attendus sur le terrain, puisqu’aucun programme de destruction de ces VHU n’est envisagé. Par ailleurs, les finances exsangues de nos mairies ôtent toute effectivité au renforcement du pouvoir des maires consacré par la loi de transition énergétique en matière de lutte contre l’abandon des VHU. Où en est-on aujourd’hui, et comment entendez-vous, madame la ministre, mobiliser les moyens budgétaires afin de mieux accompagner cette filière dans les territoires qui en ont le plus besoin ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Le chemin, monsieur Bouillon, est encore long mais le processus s’accélère. Une conscience universelle et même un vocabulaire commun sont nés. Quelle que soit la latitude, la taille, la richesse des pays, tout le monde a fini par parler le même langage. Les pays les plus vulnérables, comme les petits États insulaires, ont été les premiers à s’engager, à signer, à ratifier. De même, les pays africains sont très mobilisés, alors qu’ils subissent le réchauffement climatique sans en être à l’origine. Derrière ce combat climatique, il y a un combat pour la paix, car beaucoup de conflits ont une dimension climatique : émeutes de la faim, flambée des prix alimentaires, guerres pour le contrôle de l’accès à l’eau potable… C’est pourquoi les trois valeurs qui doivent nous guider dans ce combat sont le sens de l’urgence climatique, le sens de la justice climatique – une très forte attente existe sur ce point, notamment en matière de transfert de technologies – et le sens de l’efficacité climatique, qui implique que les actions doivent produire des résultats.

Le développement des énergies renouvelables, monsieur Leboeuf, contribue à la sécurité de l’approvisionnement. Sur la pointe de midi, par exemple, 600 mégawatts de plus que l’an dernier ont été produits. J’accélère la montée en puissance par les appels d’offres et la simplification administrative. Le développement de l’effacement apportera une contribution d’au moins 3 gigawatts à la suite de ma décision récente d’augmenter le volume des appels d’offres pour l’effacement et l’interruptibilité. Le développement des interconnexions contribue également à la couverture de la consommation, avec une capacité d’importation de 11 gigawatts, en hausse de 2 gigawatts grâce à la mise en service d’une nouvelle liaison France-Espagne, pays où il fait en général moins froid l’hiver.

J’ai mobilisé EDF et son PDG en demandant la disponibilité maximale du parc de production. J’ai également rencontré le président de RTE, qui mobilise ses équipes pour anticiper tous les scénarios possibles. J’ai demandé à Météo France de renforcer ses capacités de prédiction des températures pour cet hiver, et j’aurai prochainement un rapport sur le sujet. Sans oublier, comme je l’ai dit, les économies d’énergie : si nos concitoyens éteignaient systématiquement les appareils en veille, cela économiserait la capacité d’au moins un réacteur.

Profitons de la prise de conscience qui monte pour modifier les comportements à la fois collectifs et individuels, en renforçant, d’un côté, l’efficacité énergétique des bâtiments, de l’autre, la pratique des économies d’énergies. L’expérience soutenue par l’ADEME des « familles à énergie positive » a montré que l’évolution des comportements individuels pouvait, à elle seule, permettre d’économiser 40 à 50 % de la consommation d’énergie, sans aucune modification des bâtiments.

Les pics de chauffage, notamment avec des appareils électriques non performants, continuent toutefois de poser un véritable problème pour des foyers souvent modestes, en particulier dans les logements qui sont encore des passoires énergétiques. Il faut agir plus rapidement en la matière.

Monsieur Leboeuf, il n’y a pas de recul des aides en faveur des travaux d’isolation. J’ai fait le point sur le sujet ce matin même, avec l’ANAH et la ministre du logement et de l’habitat durable Emmanuelle Cosse : l’ANAH dispose de reliquats de crédits non dépensés pour l’année 2016. Je lui ai conseillé de demander à tous les préfets d’organiser des conférences de presse afin de sensibiliser la population et de faire savoir que des crédits étaient disponibles. En 2017, un complément de financement de 50 millions d’euros sera apporté à l’ANAH sur le Fonds de transition énergétique pour la croissance verte, afin de garantir une montée en puissance des travaux d’économie d’énergie.

Les agences de l’eau, que vous avez évoquées, disposent encore d’un budget de 2 milliards d’euros par an pour financer l’assainissement, mais aussi la biodiversité. Des prélèvements ont bien été effectués sur la trésorerie excédentaire : il s’agit d’un acte de bonne gestion des fonds publics. Dans ce domaine, chacun est mis devant ses responsabilités pour lutter contre les gaspillages et rationaliser la dépense publique, sans en rabattre s’agissant de la qualité et de l’efficacité des actions conduites.

Il n’est pas prévu de mettre en place une aide à l’achat des véhicules électriques d’occasion. Au fond, lorsque vous achetez un véhicule neuf, il a déjà bénéficié d’une aide de 10 000 euros : si vous le revendez, et qu’il bénéficie à nouveau d’une aide de 10 000 euros, le même véhicule aura bénéficié de 20 000 euros d’aides…

M. Alain Leboeuf. Ce n’est pas cela. La question est de savoir ce que l’on fera des véhicules électriques en circulation alors qu’arrivent sur le marché de nouveaux modèles qui ont une autonomie de 400 kilomètres. Les voitures électriques en circulation risquent de ne plus avoir aucune valeur et de casser le marché des véhicules neufs.

M. François-Michel Lambert. Vous pouvez changer la batterie des Zoé déjà en circulation !

M. Alain Leboeuf. Mais une fois que vous aurez changé la batterie de votre véhicule électrique, qui l’achètera ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. C’est une bonne question, d’autant que le coût de la batterie représente plus de 50 % du coût du véhicule. Une startup, que soutient le ministère de l’environnement, a mis au point un système qui permet d’utiliser la carcasse d’un véhicule thermique pour la transformer en voiture électrique. Au fur à mesure des progrès technologique et des évolutions des batteries, il faudra, en tout cas, réfléchir aux moyens d’inciter les conducteurs à s’équiper.

Ce qu’il faut surtout, c’est déployer des bornes électriques. J’ai annoncé que 5 millions d’euros seront mobilisés à cet effet dans le programme d’investissements d’avenir géré par l’ADEME. Un million de bornes seront également déployées dans les territoires à énergies positives. Je rappelle que le crédit d’impôt s’applique aux bornes de recharge – en faisant jouer ce dispositif, il en coûte 500 euros à un particulier qui ferait installer une borne dans son pavillon. L’information doit être diffusée, car, plus il y aura de bornes, plus leur prix baissera.

Sachez, en tout cas, que je suis très attentive au soutien aux véhicules électriques, et que je retiens votre objection judicieuse à l’idée, que certains ont pu défendre, d’une diminution de la prime en fonction du coût du véhicule. Vous avez eu raison de rappeler qu’au-delà des véhicules haut de gamme visés par une telle mesure de plafonnement, les véhicules utilitaires et les véhicules mixtes à hydrogène, souvent onéreux, pourraient être concernés. Je ne me priverai pas d’utiliser ces excellents arguments auprès de qui de droit !

Monsieur Pancher, votre approche est toujours très nuancée, mais je suis heureuse de vous entendre dire, pour la première fois, quelque chose de positif : à vous écouter, j’aurais du bon sens ! Cette journée est à marquer d’une croix verte !

J’ai saisi l’ANSES au sujet de l’impact sanitaire du bruit des éoliennes et du cas des infrasons. Je m’empresserai de vous communiquer le rapport qui devrait nous être remis avant la fin de l’année.

Vous avez, une nouvelle fois, critiqué le Fonds de financement de la transition énergétique pour la croissance verte. N’y a-t-il pas de territoires à énergies positives dans votre circonscription ?

M. Bertrand Pancher. Il y en a partout !

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Vous savez donc que cela fonctionne bien, et que les élus sont satisfaits ! Et vous pensez que c’est une bonne chose puisque vous avez soutenu la création de tels territoires, par exemple dans le pays barrois et dans le pays Cœur de Lorraine, qui doit prochainement signer une convention en ce sens. Je vous invite à accompagner les élus de ce territoire – je me réjouis d’avance de la belle photo qui immortalisera cette cosignature avec vous !

Monsieur Bardy, je vous remercie une nouvelle fois pour le rapport sur l’extension à la presse de la responsabilité élargie du producteur de la filière papier, que vous nous avez remis au mois de février dernier. Vous avez effectué un travail extrêmement fin, en particulier sur les modalités de la contribution en nature de la presse. Il fallait trouver un système astucieux, sans céder sur tout ni remettre en cause la viabilité de la presse écrite. Ce travail a directement inspiré le décret du 5 juillet 2016. Il met en place un cadre réglementaire qui doit permettre la participation de la presse au dispositif à compter du lancement de la prochaine période d’agrément, au début de l’année 2017.

J’ai prévu de faire figurer dans le prochain projet de loi de finances rectificative un article relatif à la TGAP déchets, ce qui a été confirmé par le secrétaire d’État chargé du budget. Les derniers ajustements en la matière sont en cours, avant la transmission du projet au Conseil d’État. Les dispositions en vigueur conduisent à prolonger un statu quo qui existe depuis 2015, alors que l’objectif national vise la réduction de moitié de la mise en décharge pour 2025. Cet objectif est énoncé dans l’article 70 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le Comité pour la fiscalité écologique relatif à l’évolution de la fiscalité des déchets a adopté une proposition de trajectoire de la TGAP qui est cohérente avec cet objectif. Il vous appartient désormais de voter sur cette trajectoire qui s’effectuerait à fiscalité constante, compte tenu de la diminution de l’assiette.

Votre expertise sera très précieuse pour finaliser ce dispositif. J’ai constaté que plusieurs amendements ont été déposés en ce sens. Pour ma part, je souhaite que nous puissions proposer des modulations afin d’encourager la récupération et la valorisation de déchets sous forme énergétique ou de matière. J’observe que les territoires « zéro déchet, zéro gaspillage » ont fourni un travail extraordinaire. Sur un territoire intercommunal, le passage des bennes de ramassage des ordures qui était quotidien est même devenu mensuel !

Vous avez évoqué la finance verte. En 2017, la France sera le premier pays à émettre des obligations vertes souveraines. J’ai, par ailleurs, créé deux labels qui contribuent à la transition énergétique : l’un, « Transition énergétique et écologique pour le climat », est décerné à des fonds d’investissement contribuant à la transition écologique, l’autre « Financement participatif pour la croissance verte », lancé en septembre 2007, valorise tous les projets de financement participatif qui remontent des territoires. En matière de reporting extra-financier, j’ai valorisé les meilleures pratiques en créant le prix international du meilleur reporting climatique, qui sera remis vendredi prochain au siège de l’OCDE. Un guide des bonnes pratiques du reporting environnemental a aussi été rédigé.

Je tiens enfin à votre disposition le rapport sur la finance climat, que j’ai rédigé en tant que présidente de la COP21. Je l’ai remis la semaine dernière au secrétaire général des Nations unies.

Mme Lignières-Cassou a soulevé la question difficile de la réintroduction de l’ours brun dans les Pyrénées. Le comité de massif a émis un vote partagé à parts à peu près égales, ce qui témoigne d’une spectaculaire progression de l’idée de la réintroduction, mais il reste une très forte opposition sur le terrain. Il ne m’appartient pas de prendre d’autorité une décision unilatérale et d’imposer un diktat afin que l’ours soit réintroduit ; c’est aux acteurs locaux de s’entendre. Les pénalités sanctionnant le non-respect de la directive européenne peuvent être élevées. Encore faut-il prouver que la réintroduction de l’ours est possible, sachant qu’il faut aller chercher les ours en Slovénie et les transférer à une période déterminée. Le feu vert des scientifiques et, surtout, le consensus local sont indispensables. Il faudrait que le comité de massif s’exprime à la quasi-unanimité en faveur de la réintroduction. En attendant, certains craignent les attaques d’ours, d’autres de perdre les primes. C’est certes une question de biodiversité, mais j’invite les élus locaux à se mettre d’accord et je me rangerai à la solution opérationnelle qu’ils auront retenue.

Mme Martine Lignières-CassouSuffirait-il que les communes sur le territoire desquelles l’ours doit être réintroduit y soient favorables ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Non, il faut l’accord du comité de massif, car le risque d’attaque concerne aussi les communes qui ne perçoivent pas les aides européennes à l’élevage. Les ours, en effet, ne s’arrêtent pas à la limite administrative des territoires constituant le périmètre défini par l’Union européenne pour le versement des primes à l’élevage. Certains craignent donc de subir des attaques sans pour autant percevoir des aides, tandis que d’autres sont favorables à la réintroduction de l’ours pour les percevoir alors même qu’ils ne se trouvent pas dans des territoires exposés à un risque d’attaque.

Le rapport sur l’hydrogène, madame Battistel, n’est pas encore achevé, mais nous avons lancé un appel à projets de territoires à hydrogène qui remporte un succès extraordinaire : il devrait se constituer prochainement vingt à trente de ces territoires.

Par ailleurs, nous avons mis en œuvre la mesure de compensation préconisée par le rapport sur les entreprises exposées au risque de fuite de carbone ; autrement dit, ce rapport est appliqué avant même d’avoir été remis.

S’agissant du rapport d’information sur l’application de la loi relative à la transition énergétique, je répète que je suis à la disposition des deux commissions concernées pour apporter toutes les précisions sur les impacts positifs – que vous n’avez pas forcément tous vus – de ce texte dans un certain nombre de filières, notamment sur les créations d’emploi que les opérateurs économiques constatent déjà.

M. Serville a soulevé la question très importante des véhicules hors d’usage dans les départements d’outre-mer : les constructeurs avec lesquels nous sommes en contact vont s’engager à résoudre cette difficulté par un accord-cadre concernant le recyclage. Les maires commencent à utiliser pleinement les pouvoirs de police que je leur ai donnés pour qu’ils puissent interdire le stockage de véhicules hors d’usage en fond de jardin. Sans doute faut-il accompagner davantage les élus afin qu’ils soient en mesure de remettre en cause l’habitude ancienne de conserver de tels véhicules pour y prélever, en cas de besoin, une pièce détachée – cette forme d’économie circulaire, en effet, n’est pas toujours bénéfique pour la santé, notamment, en raison de la stagnation d’eau. De plus, ces filières recèlent un potentiel de création d’emplois ; reste à en régler l’organisation. Je vous communiquerai le projet d’accord-cadre, dont j’espère qu’il sera finalisé d’ici à quelques semaines et auquel je vous invite à apporter votre contribution dans le cadre d’une co-construction.

Pour terminer, je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, de votre contribution à l’effort de vigilance, d’attention et de créativité que requiert la gestion d’un budget de plus de 37 milliards d’euros.

M. Pierre-Alain Muet, président. Nous vous remercions également, madame la ministre.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt et une heures dix.

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