Accueil > Projet de loi de finances pour 2017 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2017) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires économiques

Commission des affaires culturelles
et de l’éducation

Commission du développement durable
et de l’aménagement du territoire

(Application de l’article 120 du Règlement)

Jeudi 27 octobre 2016

Présidence de Mme Marie-Christine Dalloz,
vice-présidente de la commission des finances,
de M. Patrick Bloche,
président de la commission des affaires culturelles,
de M. Jean-Paul Chanteguet,

président de la commission du développement durable

et de M. Henri Jibrayel,
vice-président de la commission des affaires économiques

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.

projet de loi de finances pour 2017

Recherche et enseignement supérieur

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Henri Jibrayel, vice-président de la commission des affaires économiques et moi-même avons le plaisir d’accueillir M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous sommes réunis en commission élargie afin d’examiner les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Recherche et enseignement supérieur ». La conférence des présidents ayant reconduit à l’identique les modalités d’organisation de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances, nous donnerons d’abord la parole aux rapporteurs des commissions. Nous entendrons ensuite la réponse de M. le secrétaire d’État, puis s’exprimeront les porte-parole des groupes, ainsi que les députés qui le souhaitent.

M. le président Patrick Bloche. L’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » nous donne chaque année l’occasion d’un échange riche et ouvert sur l’action publique en matière d’enseignement supérieur et de recherche ; elle concerne de nombreux départements ministériels et, comme on le constate, plusieurs commissions permanentes de l’Assemblée nationale.

Les crédits de la mission interministérielle atteindront 26,7 milliards d’euros en 2017, soit une hausse de 3 % qui bénéficiera en particulier aux actions en faveur de la réussite étudiante et au soutien aux organismes de recherche. Je sais, monsieur le ministre, votre engagement personnel en faveur de l’augmentation significative de ces crédits, cette année encore. Conformément aux engagements pris, 1 000 emplois supplémentaires seront créés dans les établissements d’enseignement supérieur, et l’emploi scientifique sera maintenu.

Pendant la législature, les crédits de la mission auront augmenté de 8 %, confirmant ainsi les priorités fixées par la loi du 22 juillet 2013 sur l’enseignement supérieur et la recherche. L’application de cette loi a fait l’objet d’un rapport d’information, riche d’enseignements, par Mme Sandrine Doucet et M. Benoist Apparu.

La commission des affaires culturelles et de l’éducation a nommé deux rapporteurs pour avis sur cette mission interministérielle : Mme Valérie Corre pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante, M. Vincent Ledoux pour la recherche.

Outre la présentation des crédits prévus pour 2017, chacun s’est attaché à approfondir un thème particulier : la réforme des bourses étudiantes et la modernisation du réseau des œuvres universitaires pour Mme Valérie Corre, la recherche sur la maladie d’Alzheimer et le diabète de type II pour M. Vincent Ledoux. Le débat qui a suivi la présentation de leurs rapports a montré l’intérêt porté par les commissaires à ces questions essentielles. Je remercie nos deux rapporteurs pour ces travaux importants.

Enfin, je me réjouis du vote unanime, hier, au Sénat, d’une proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat. Cette réforme du master avait fait l’objet d’un accord historique entre la conférence des présidents d’Universités, les syndicats de l’enseignement supérieur et les principales organisations étudiantes. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, votre implication personnelle en faveur de la réforme et ce que vous doit cet accord historique. J’espère que nous pourrons examiner la proposition de loi avant la fin de la législature, afin qu’elle s’applique dès la prochaine rentrée universitaire, puisque sont en jeu, dans un dispositif équilibré, la sélection et la poursuite des études. Notre collègue Émeric Bréhier s’était beaucoup investi dans la réponse législative à apporter à l’échec d’un trop grand nombre d’étudiants en fin de premier cycle d’études universitaires.

Je rappelle enfin que la commission des affaires culturelles et de l’éducation se réunira à l’issue de cette commission élargie pour se prononcer sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Henri Jibrayel, président. La commission des affaires économiques, dont le rapporteur pour avis est M. Franck Reynier, se réjouit d’examiner les budgets des grands organismes de recherche qui dépendent des programmes 150, 172 et 193 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2017.

Le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et celui des grands organismes de recherche augmentent : les crédits de paiement sont portés à 26,75 milliards d’euros, pour 25,93 milliards d’euros en 2016. La hausse du budget des grands organismes de recherche est une bonne nouvelle dans un contexte de forte contrainte budgétaire ; elle prouve que la recherche est une priorité du Gouvernement. La France fait partie des quelques grandes puissances scientifiques mondiales ; l’attribution du prix Nobel de chimie 2016 à trois grands scientifiques, dont Jean-Pierre Sauvage, en est l’illustration récente.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous faire le point sur l’état d’avancement du projet Ariane 6 et nous dire si l’objectif d’une exploitation sans soutien financier public est toujours d’actualité ? Face à la concurrence internationale – notamment celle de la société américaine SpaceX qui fabrique des fusées réutilisables – où en est le projet Prometheus qui vise à construire de nouveaux moteurs à très bas coût pour des fusées conventionnelles ou réutilisables, afin de pérenniser l’indépendance de l’Europe pour l’accès à l’espace ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». En son nom, Philippe Plisson a fait rapport sur la recherche dans les domaines du développement durable et M. Charles-Ange Ginesy, qui est empêché aujourd’hui, sur la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources.

J’ai deux questions à vous poser, monsieur le secrétaire d’État. La première concerne les moyens affectés à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). La contribution versée par les exploitants d’installations nucléaires de base ayant été plafonnée à 62,5 millions d’euros par la loi de finances pour 2016, comment l’Institut pourra-t-il remplir les nouvelles missions qui lui ont été confiées par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ?

D’autre part, l’article 18 de la loi de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages d’août 2016 a instauré un dispositif d’accès aux ressources et au partage des avantages. Cela conduira les organismes de recherche à demander à l’État une autorisation de prélèvement de toute ressource génétique préalablement à tout travail. Comment fonctionnera le portail numérique unique destiné à recevoir les demandes d’autorisations ?

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la recherche. Mettant en perspective les budgets que nous avons examinés depuis cinq ans, je me félicite de l’effort de 850 millions d’euros supplémentaires consenti au cours de la législature pour financer l’enseignement supérieur et la recherche, secteur prioritaire. En particulier, les 282 millions d’euros supplémentaires alloués au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » sont une bonne nouvelle. Mes félicitations vont à Mme Geneviève Fioraso, qui vous a précédé dans les fonctions que vous occupez, monsieur le secrétaire d’État, et à vous-même pour le travail que vous avez accompli au long de ces années.

Il me paraît que, au-delà des clivages traditionnels, une réflexion commune est possible sur les sujets qui nous occupent ce soir et les préoccupations qui en découlent. J’évoquerai en premier lieu le recrutement des chercheurs, en illustrant mon propos par l’exemple de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). L’institut recrutait 140 jeunes chercheurs par an il y a quelques années encore, mais le nombre de départs à la retraite prévus jusqu’en 2020 étant faible, il n’a recruté que 44 chercheurs en 2016 et il n’y aura que 60 recrutements en 2017. Comment, monsieur le ministre, amortir la baisse des recrutements ?

Le pilotage de la recherche suscite également l’inquiétude. Mme Valérie Pécresse, puis Mme Geneviève Fioraso et vous-même y avez répondu par différents dispositifs. Ces dispositifs fonctionnent, mais il en résulte que l’État stratège ne se retrouve pas dans l’organisation actuelle de la recherche, éclatée entre l’Agence nationale de la recherche (ANR) – laquelle a quelques problèmes de gouvernance dont atteste le faible taux de réussite des dossiers qui lui sont soumis, ce qui dissuade des chercheurs de se tourner vers elle pour obtenir des financements –, le Commissariat général à l’investissement (CGI) et d’autres financements. Il ressort des auditions que j’ai menées que tous ces outils sont utiles, mais que l’on doit maintenant s’interroger : étant donné l’autonomie des universités et des laboratoires, progrès essentiel, comment l’État peut-il faire valoir sa stratégie ? Le moment est venu, aussi, de redéfinir la place du CGI dans cet ensemble. Doit-on, pour ce qui le concerne, en revenir au droit commun ? Le Commissariat général a été utile et a permis de restructurer certains organismes de recherche, mais le pilotage interministériel ne fonctionne pas. Or il ne saurait y avoir durablement deux ministères de la recherche en France ! Une nouvelle étape s’impose ; quel est l’état de votre réflexion sur la nécessaire évolution à venir ?

Plus ponctuellement, quel sera le contenu du troisième programme d’investissements d’avenir et avez-vous pu le négocier avec le CGI ?

Enfin, l’entrée en service d’Ariane 6 est un enjeu essentiel pour l’Europe, qui doit rester compétitive sur le marché des lanceurs. Les négociations entre le Centre national d’études spatiales (CNES) et l’Agence spatiale européenne (ESA) ont-elles suffisamment progressé pour que l’échéance de 2020 soit tenue ?

M. François André, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. La législature a été marquée par une augmentation de la population étudiante, particulièrement sensible depuis la rentrée 2013. Elle a concerné, à des degrés divers, tous les types d’établissements, même si nous avons davantage parlé des universités parce qu’elles accueillent près des deux tiers des étudiants. À la rentrée 2015, la hausse a été encore plus forte que prévu, avec 61 000 étudiants supplémentaires. À la rentrée 2016, 45 000 étudiants supplémentaires sont attendus.

La massification de l’enseignement supérieur étant souvent présentée comme problématique, je tiens à rappeler à quel point c’est une bonne nouvelle pour notre pays et pour notre jeunesse. La proportion de diplômés de l’enseignement supérieur parmi les 25-34 ans en France est déjà supérieure à la moyenne européenne ; il faut encore améliorer ce résultat.

Ce disant, je ne sous-estime évidemment pas les difficultés que l’arrivée massive de nouveaux étudiants pose aux établissements d’enseignement supérieur ni les efforts qu’elle demande aux personnels de ces établissements et aux étudiants eux-mêmes.

Notre système d’enseignement supérieur a, d’évidence, besoin de moyens supplémentaires, mais je souhaite rappeler l’effort réel fait depuis 2012. Dans un contexte très contraint par la nécessité de redresser les comptes publics, le budget de l’enseignement supérieur est resté prioritaire. Certains diront sans doute qu’il aurait fallu faire davantage, mais le montant des crédits des programmes 150 et 231 aura progressé, en cinq ans, de 1,3 milliard d’euros en tout.

Pour le programme 150, le projet de budget pour 2017 prévoit une augmentation significative de 2,6 %. Elle permettra notamment de financer l’augmentation du point d’indice, la dernière tranche des 5 000 emplois promis en 2012 – promesse qui aura été tenue au terme de l’exercice 2017 – et surtout d’allouer 100 millions d’euros supplémentaires aux établissements pour accompagner l’évolution de la démographie étudiante.

Les crédits consacrés à la vie étudiante augmentent à nouveau fortement : de 8,5 % pour les aides directes. Par rapport à la loi de finances pour 2012, 550 millions d’euros ont été dégagés pour améliorer la situation sociale des étudiants. Grâce aux réformes des bourses sur critères sociaux, tous les boursiers bénéficient désormais d’une aide financière et un échelon supplémentaire a été créé pour les plus modestes. Les bourses ont été revalorisées, même modestement, tous les ans, et le nombre de boursiers s’est accru de 60 000 depuis 2012. Le dispositif des aides directes a encore été complété à la rentrée 2016 par la création de l’aide à la recherche du premier emploi. La précarité étudiante demeure, mais l’effort a été considérable.

Ma première question, monsieur le secrétaire d’État, porte sur la répartition des 100 millions d’euros alloués aux établissements pour faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants. Pouvez-vous préciser les critères de répartition ? Les établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général pourront-ils en bénéficier, et selon quelle quotité ?

Dans un budget en augmentation, les crédits consacrés à l’immobilier universitaire diminuent alors que, nous le savons tous, les besoins sont très importants. Des raisons conjoncturelles expliquent cette baisse, tel l’achèvement du chantier de la faculté de Jussieu, mais pouvez-vous nous rassurer sur l’engagement et la vigilance de l’État à ce sujet ?

Je souhaite également revenir sur la dévolution du patrimoine immobilier, comme je l’avais déjà fait l’an dernier. Je me félicite de votre volonté de reprendre ce processus sur la base d’un double rapport d’inspection, avec une démarche pragmatique tendant à une sorte de dévolution « sur mesure », en fonction la situation de chaque établissement. Pouvez-vous nous en dire plus sur les modalités envisagées, et sur le nombre d’établissements intéressés et capables d’assumer une dévolution dans des conditions financières moins avantageuses qu’elles ne le furent pour les trois établissements qui en ont bénéficié en 2012 ?

Enfin, en dépit de la forte hausse des crédits du programme 231, je m’interroge sur le niveau du budget prévu pour les aides directes aux étudiants. Le fait que tous les échelons de bourse permettent désormais de toucher une allocation risque de faire augmenter le nombre de demandes de bourses à l’échelon 0 bis. L’aide à la recherche du premier emploi va monter en charge. Une aide, non budgétée à ce stade, a été annoncée pour les participants à la Grande École du numérique. Dans ce contexte, n’y a-t-il pas un risque de sous-budgétisation des aides directes pour 2017 ?

Étant donné l’ensemble des éléments positifs que j’ai soulignés, j’appelle mes collègues de la commission des finances à voter en faveur du projet de budget qui nous est présenté.

Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Comme le rapporteur spécial, je me félicite de ce projet de budget qui traduit la priorité donnée par le Gouvernement à la jeunesse.

Avec près de 350 millions d’euros en plus pour l’enseignement supérieur, soit 2,6 %, c’est une augmentation de près de 7,5 % que l’État assume depuis 2012, pour faire face, en particulier, au ressaut des flux annuels d’entrée dans l’enseignement supérieur.

Je salue à mon tour les moyens nouveaux accordés aux établissements, qui permettront la création de 1 000 emplois et qui abonderont de 100 millions d’euros les ressources des universités. Je tiens aussi à souligner l’exceptionnel effort consenti pour améliorer la vie étudiante, domaine dans lequel les crédits ont progressé de près d’un quart en cinq ans.

Pour répondre au défi de la démocratisation accélérée de l’enseignement supérieur, la majorité a, dès la rentrée 2013, entrepris la réforme des bourses étudiantes la plus volontariste jamais menée à bien depuis leur création. Cette réforme reposait sur le constat de deux défaillances du dispositif alors en vigueur : d’une part, la réussite des étudiants dont les familles disposaient de revenus proches des seuils d’accès aux bourses était compromise par les difficultés financières qu’ils connaissaient ; d’autre part, le montant des bourses de l’échelon 6, l’échelon maximal dont bénéficiaient les étudiants les plus défavorisés, ne suffisait plus à leur permettre de suivre leurs études dans des conditions satisfaisantes.

La réforme ciblait donc ces deux populations. Pour les premiers, un nouvel échelon, dit 0 bis, a été créé, permettant progressivement à 200 000 étudiants supplémentaires de bénéficier d’une aide de 1 009 euros par an. Pour les seconds, la création d’un nouvel échelon 7 a permis que 43 000 étudiants bénéficient d’une bourse augmentée de près de 1 000 euros par rapport à l’échelon 6 pour atteindre 5 550 euros par an. En tout, le nombre des boursiers a augmenté de près de 40 % et l’aide moyenne de 25 % entre 2009 et 2015. C’est un effort budgétaire de près de 500 millions d’euros et, par rapport à 2012, 30 % de plus sont consacrés aux bourses.

De l’avis de tous ceux que j’ai auditionnés, le bilan de la réforme est très satisfaisant, mais l’Observatoire national de la vie étudiante n’en est qu’au stade préparatoire du dépouillement de son étude des conditions de vie pour l’année 2016. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, nous serons très intéressés par les premières informations que vous voudrez bien nous donner sur l’impact de la revalorisation des bourses accordées aux étudiants.

Je suggère dans mon avis de confier aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) la gestion de toutes les bourses, y compris celles qu’accordent les collectivités locales – notamment dans le cadre des formations dans le domaine sanitaire et social –, de réfléchir à la linéarisation de leur montant pour éviter les effets de seuils, et de s’entendre sans tarder sur une définition nationale de l’obligation d’assiduité. Quelle est votre opinion ?

Dans un autre domaine, tout aussi important pour les étudiants, l’objectif de construction de 42 500 logements étudiants sera-t-il atteint ? Comment s’expliquent les débuts bien timides de la caution locative étudiante ?

J’ai pris soin de replacer la question des bourses dans la perspective plus globale de l’action de l’État en direction des étudiants et, en ce domaine, le constat que l’on peut faire sur le caractère redistributif de notre effort est plus nuancé. Outre les 2 milliards d’euros qu’il consacre chaque année aux bourses, l’État dépense 1,5 milliard d’euros en aides au logement pour les étudiants, déconnectées des ressources des familles, et 1,6 milliard d’euros d’aides fiscales induites par le rattachement des jeunes au foyer fiscal de leurs parents. Cela prête à discussion. En effet, l’aide globale de l’État aux études supérieures dessine une courbe en U, et les familles dont les revenus sont situés au milieu de l’échelle – elles constituent 50 % de l’ensemble –, n’étant pas éligibles aux bourses et ne bénéficiant guère des exonérations fiscales, sont celles qui perçoivent le plus faible montant d’aides cumulé.

À plus long terme, on peut s’interroger sur la pertinence de notre système de bourses, aujourd’hui centré sur les ressources des familles et réservé aux jeunes âgés de moins de vingt-huit ans. Demain, nous devrons nous affranchir de la tyrannie du diplôme initial qui veut que tout soit joué à vingt-cinq ans, pour privilégier une alternance permanente et féconde entre le travail et la formation tout au long de la vie. Dans ce cadre, je trace la perspective de « stocks de droits à formation » – formation initiale et formation continue –, sur le modèle des comptes individuels de formation. Cela permettrait que chacun soit aidé au cours de ses études, indifféremment au début de son parcours ou durant sa carrière. Que pensez-vous de cette proposition ? Comment devraient, selon vous, évoluer les principes qui fondent l’octroi de bourses ?

M. Vincent Ledoux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour la recherche. Le dernier budget de la recherche de cette législature offre, comme Janus, un double visage. On aimerait pouvoir n’en retenir que la face riante ; seulement, comme le montre le Prince Sou-Chong quand il chante tristement le fameux air Toujours sourire, c’est à la retenue qu’invite ce budget que je commenterai sans vous infliger une interprétation hasardeuse de l’opérette Le Pays du sourire. À première vue, le budget consacré à la recherche paraît être en hausse : les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » croissent de 3,1 % et, en son sein, les crédits de la recherche augmentent de 3,2 % en autorisations d’engagement et de 2,1 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2016.

Ayant choisi la recherche médicale pour la partie thématique de mon avis, je peux sourire à la vue des crédits alloués à la recherche universitaire. Mais mon sourire perd un peu de son éclat à la lecture du programme 192, qui montre que les crédits affectés aux pôles de compétitivité diminuent. Dans la région Hauts-de-France, nous nous interrogeons sur le portage et l’avenir de nos six pôles majoritairement financés par l’État, les entreprises et les collectivités locales. Créés en 2004 dans le cadre de la nouvelle politique industrielle, ces pôles ont fait la preuve de leur efficacité pour l’innovation et le soutien de la croissance et de l’emploi sur les marchés porteurs. Je serai heureux de vous entendre préciser quel sera le devenir de ce dispositif majeur qui a permis de renforcer le lien entre recherche et industrie – même si l’on ne peut s’exonérer d’une évaluation complète.

De même, la stabilité affichée pour certains programmes masque la persistance de la contrainte budgétaire imposée aux organismes considérés. Je pense notamment à IPF Énergies nouvelles et à la recherche duale, dont les crédits reconduits à l’euro près traduisent en réalité la perpétuation d’une diminution de 12 millions d’euros portée par le CNES et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Pour la recherche duale comme pour les pôles de compétitivité, tout un réseau de PME risque de subir les conséquences de la baisse de l’effort de l’État. Une fois encore, c’est un coup porté à une politique mise en œuvre en 2005, qui visait, je le rappelle, à optimiser la recherche technologique militaire de la défense.

Ce budget n’est donc pas satisfaisant. Plus encore, l’exécution budgétaire de l’année passée laisse craindre une augmentation de façade rapidement compensée, en cours d’exercice, par des ponctions opérées sur les crédits des organismes de recherche. Je rappelle en effet que le Gouvernement avait tenté, en juin dernier, de soustraire 256 millions d’euros au budget de la recherche, ce qui avait d’ailleurs soulevé un tollé dans le monde scientifique et avait conduit à ce que la commission des finances donne un avis défavorable sur ce point au décret d’avance qui lui avait été présenté.

Je crains également que ces augmentations ne soient pas tout à fait financées pour l’avenir. Je pense notamment à l’augmentation des crédits de l’Agence nationale de la recherche qui, au sein du programme 172, voit ses crédits augmenter de 118 millions d’euros en autorisations d’engagement, mais de seulement 49 millions d’euros en crédits de paiement. Je m’interroge sur l’existence d’un tel écart entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, qui n’était pas aussi important au cours des exercices passés. On constate ainsi cette année un écart de 64 millions d’euros, contre quelques millions les autres années. Est-il justifié par l’éventuelle pluri-annualité des décaissements de l’ANR ?

Bien que ce budget augmente cette année, il n’efface ni les trois précédents exercices budgétaires, qui ont fait peser d’importantes contraintes sur les organismes de recherche – dont les dépenses, notamment de personnel, augmentent pourtant tendanciellement –, ni les craintes que j’ai exprimées quant à l’exécution future de ces crédits. Aussi, je donnerai un avis défavorable lors du vote des crédits de la mission.

Je souhaiterais enfin m’arrêter un instant sur le budget de la recherche médicale, en particulier sur la maladie d’Alzheimer. Un plan « maladies neurodégénératives » a été récemment engagé, qui prend la suite du troisième plan Alzheimer jusqu’en 2019. Je n’ai toutefois pas eu connaissance de financements supplémentaires accordés à la recherche par ce biais : pourriez-vous nous indiquer si de tels financements sont actuellement engagés ou à l’étude ? Sans cela, il me semble que ce plan ne serait pas à la hauteur des plans précédents, notamment celui lancé par le Président Sarkozy en 2008, qui ont permis à la recherche de faire des progrès considérables et à la France d’être un pays leader dans ce domaine, et non plus le pays du sourire qu’il semble être aujourd’hui devenu !

M. Franck Reynier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les grands organismes de recherche. Monsieur le secrétaire d’État, depuis le début du quinquennat, je l’inquiète du ralentissement continu de l’effort financier de l’État en faveur de la recherche. Le Gouvernement a beau présenter la recherche comme l’une de ses priorités, le compte n’y est pas. En apparence, le budget des organismes de recherche connaît une augmentation. Mon avis budgétaire vous alerte pourtant sur le fait que la subvention accordée aux grands organismes masque une stagnation, voire, pour certains d’entre eux, une baisse des crédits qui leur sont accordés.

Cette situation s’explique par des mesures gouvernementales qui affectent la politique française de la recherche : la hausse du point d’indice des fonctionnaires ; la mise en œuvre de la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) au 1er janvier 2016 pour les grands organismes ; la multiplication des lettres de missions et d’expertises non accompagnées de financements appropriés de la part des ministères

L’ensemble de ces éléments consomme l’essentiel de la hausse des crédits budgétaires demandée pour 2017. Au-delà des discours volontaristes, mettant l’accent sur l’importance de la recherche, vous devriez consacrer les moyens nécessaires à ce secteur.

Si l’on prend en compte les contraintes résultant des obligations de mise en réserve, ainsi que l’impact du glissement vieillesse technicité (GVT) sur leur budget de fonctionnement, nombre d’organismes de recherche voient à nouveau leurs marges de manœuvre réduites au minimum.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, attirer votre attention sur trois organismes qui, à mon sens, trahissent bien l’absence de vision stratégique du Gouvernement : l’INRIA, le CNES et le CEA.

Année après année, depuis 2010, l’INRIA a vu ses marges de manœuvre se réduire. Une fois payée la masse salariale, les sommes disponibles pour le fonctionnement, les investissements et en particulier la capacité de l’INRIA à lancer de nouveaux projets scientifiques ou de mettre en œuvre des actions de transfert, ont chuté de 13,3 millions d’euros en six ans, soit de plus de 26 %. Je regrette profondément la suppression du dispositif postdoctoral, qui pénalise l’attractivité de l’INRIA auprès des jeunes chercheurs. Le succès des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) devrait nous convaincre de faire du numérique une véritable priorité. Monsieur le secrétaire d’État, comment pouvez-vous ainsi réduire la capacité d’investissement d’un organisme comme l’INRIA, qui constitue pour la France un atout considérable en termes de retombées économiques et de croissance ?

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une stabilisation des ressources budgétaires du CNES. En effet, la hausse affichée est essentiellement due aux mesures sociales que j’ai évoquées (point d’indice et GBCP) et à la contribution française à l’Agence spatiale européenne, à hauteur de 74 millions d’euros. Cette stabilisation constitue un réel problème pour la politique spatiale de la France. Il est en effet essentiel qu’un établissement comme le CNES conserve une capacité à mener des dépenses de recherche et de développement significatives et maintienne dans sa programmation des ouvertures de nouvelles missions.

Enfin, pour 2017, le projet de loi de finances prévoit, pour le CEA, une subvention en hausse de 9,9 millions d’euros. Cette hausse correspond à l’annuité prévue par le contrat signé entre le CEA et l’État. Elle est pourtant en trompe-l’œil. Un tel montant de subvention ne permet pas de couvrir les surcoûts liés aux réformes de la hausse du point d’indice et de la GBCP ni le renforcement de la protection des sites civils du CEA, estimé à 18 millions d’euros en 2017.

Ce budget ne permet pas au CEA de pérenniser son activité, car le Commissariat va connaître d’ici à quelques années des besoins d’investissement très importants liés au vieillissement de ses sites nucléaires qui arrivent en fin de cycle et qui devront être remplacées ou rénovées. Le CEA estime ainsi qu’il manque un investissement de 200 à 300 millions d’euros par an supplémentaire pour faire face aux problèmes de soutenabilité de la filière à moyen terme. Avez-vous déjà anticipé cette augmentation significative – mais néanmoins indispensable – des besoins du CEA à partir de 2017 ?

Cetteabsence de vision stratégique met en lumière un manque de pilotage de l’État, que trahissent également une absence de vision de long terme de la politique énergétique – la fermeture annoncée de réacteurs ne s’accompagne pas du développement suffisant de modes de production alternatifs – et une absence de diversification de l’offre nucléaire française qui se concentre sur le développement de réacteurs de type EPR, avec les aléas actuels connus en termes de coûts : il est important que l’État retrouve son rôle de stratège pour l’industrie nucléaire et pousse à une diversification au travers d’une gamme diversifiée de réacteurs, notamment avec des modèles de 1 000 mégawatts.

Au-delà de l’éclairage apporté autour de ces trois organismes, c’est une vision plus globale et plus ambitieuse pour notre recherche que nous sommes en droit d’attendre. Pour ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, j’appellerai à émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Philippe Plisson, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour la recherche dans les domaines du développement durable. Rapporteur pour avis du programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », je souhaite attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité de maintenir à tout le moins la stabilité des subventions qu’il finance.

Les enjeux liés au développement durable dépassent les questions économiques, car ils nous obligent à adapter notre quotidien afin de préserver l’avenir de l’homme. Pour relever les défis liés à la transition énergétique, il faut pouvoir répondre aux questions scientifiques. Aussi, je ne peux que me réjouir de la stabilité des crédits alloués au programme 190 par rapport à 2016 – un peu au-dessus de 1,7 milliard d’euros –, après des années de réduction : il était temps, certaines structures n’avaient plus les moyens de leur action.

Cependant, au cours des auditions que j’ai conduites dans le cadre de mon avis budgétaire, j’ai pu constater que les opérateurs perçoivent comme inévitable la stagnation globale des subventions et, pour certains d’entre eux, les réductions budgétaires. Je me dois cependant de souligner que cette atonie ne pourra qu’entraîner une diminution notable de la part de la recherche fondamentale du fait de la baisse des recrutements dans le domaine de la recherche. Il est même des organismes qui ne reçoivent plus de subventions et doivent trouver par eux-mêmes leurs sources de financement auprès de fonds privés afin de maintenir leurs activités. Cela risque d’occasionner une dérive du modèle français de recherche publique vers un modèle « à l’américaine » et d’autofinancement. Dès lors, ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d’État, que l’État manque à son rôle en n’affirmant pas assez sa volonté d’assurer le financement de la recherche ?

La COP21 en France a constitué une avancée considérable concernant la prise en compte de l’urgence environnementale. La transition énergétique et écologique a été présentée comme une des priorités du quinquennat. Pensez-vous que le Gouvernement a mis des moyens suffisants pour préserver les programmes de recherche en amont nécessaires à la réalisation de cette idée d’avenir ?

Depuis dix ans, j’effectue des auditions pour ces avis, et je suis frappé du nombre d’institutions qui remplissent des missions qui sont souvent voisines et complémentaires. La rationalisation étant un sujet qui vous est cher, monsieur le secrétaire d’État, ne serait-il pas logique de mettre à l’étude quelques rapprochements ?

Après les questions de fond, j’en viens à une question de forme, iconoclaste, puisqu’il s’agit pour moi du dernier exercice : depuis que je réalise ces multiples auditions et présente le rapport d’exécution, à la tribune de l’hémicycle les premières années, et aujourd’hui un jeudi soir devant un parterre clairsemé qui donne l’impression d’un exercice convenu qu’on prend peu en compte, je m’interroge sur son intérêt. Pouvez-vous me rassurer sur ce point ?

Nonobstant ces considérations, et compte tenu de l’effort du Gouvernement pour maintenir les crédits dans une période difficile, je donne un avis favorable aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la rechercheJe voudrais vous dire tout l’intérêt que cette discussion budgétaire représente pour ceux qui sont convaincus de l’enjeu de l’enseignement supérieur et de la recherche pour l’avenir de notre pays. C’est probablement autour de l’élévation des niveaux de qualification, d’une part, et de la capacité des pays à se projeter, via la recherche, dans les grands enjeux de demain, d’autre part, que se jouent les nouveaux paradigmes de l’affrontement ou de la coopération entre les nations. Partout, les nations redéfinissent le pacte qui les lie à leur système d’enseignement supérieur et de recherche, comme en témoignent les grands débats, aux États-Unis, en France ou en Grande-Bretagne, dans le cadre des échéances électorales.

Contrairement à ce qui a été dit ce soir, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche n’a jamais pâti des contraintes budgétaires au cours de ce quinquennat. Au contraire : de 2012 à 2017, ce budget aura augmenté de 1,4 milliard d’euros. Personne ne peut contester ce chiffre – dont la moitié correspond au budget qui vous est présenté aujourd’hui –, même si certains diront que ce n’est pas assez. Cette forte augmentation est sans précédent depuis les années 2000, ce qui nous place probablement au début d’un nouveau cycle appelé à se prolonger sur trois ou quatre années. Nous avons demandé aux auteurs du Livre blanc de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui sera publié en novembre prochain, de définir le cadre pluriannuel apte à permettre à notre enseignement supérieur et à notre recherche de répondre aux défis dans un environnement international que je viens d’évoquer.

Au sein de cette progression exceptionnelle des moyens, l’effort porte sur les universités, à hauteur de 720 millions d’euros. Nous consacrons également 550 millions d’euros à la réforme des bourses. Nous préparons également l’avenir avec le PIA.

Ainsi, l’effort a été maintenu avant de s’accélérer en deuxième partie de quinquennat, avec un effort tout particulier pour l’année 2017.

Le budget de la recherche est en augmentation de 281 millions par rapport à 2016. L’ensemble des mesures salariales – point d’indice, PPCR – sont financées pour les organismes de recherche. À cela s’ajoute une augmentation des moyens des opérateurs de recherche, de 72 millions d’euros. Pour l’ANR, ce seront 64 millions d’euros en crédits de paiement pour l’année prochaine, ce qui fait passer le taux de sélection des projets de 12 %, contre 9 % auparavant, à une fourchette de 14 % à 20 % l’année prochaine.

Le budget 2017 permettra aussi le recrutement de 400 chercheurs, avec un solde positif d’une cinquantaine de postes – au-delà de la règle « un départ, un remplacement » qui vaut pour les grands organismes depuis le début du quinquennat.

Enfin, notre engagement pour la recherche vise également à amplifier le rayonnement international de la France. Les dépenses relatives aux engagements avec nos partenaires sont très importantes, parce qu’elles permettent à la France de bénéficier de financements extranationaux pour de grandes infrastructures de recherche précieuses pour notre communauté.

Malgré cet effort significatif en faveur de la recherche, le budget 2017 ne réglera pas tous les problèmes. Nous devons collectivement nous projeter sur trois années pour poursuivre l’effort.

S’agissant de l’enseignement supérieur, nous nous donnons les moyens d’accompagner la hausse du nombre d’étudiants.

Je tiens à souligner la progression très forte du nombre d’étudiants à partir des années 2013-2014 : il s’établit aujourd’hui à 30 000 étudiants les mauvaises années, à 50 000 les bonnes années. Cette progression démographique dynamique signe le succès de notre enseignement supérieur et constitue pour la Nation une richesse considérable. Selon l’OCDE, un diplômé de l’enseignement supérieur en France rapportera à la Nation, tous coûts de financement de ses études supportés par le pays déduits, 70 000 euros tout au long de son parcours professionnel.

La démocratisation de notre système est donc un investissement crucial. L’élévation du taux de formation supérieure de catégories sociales qui ne sont pas naturellement tournées vers l’université implique un accompagnement très fort en matière de bourses : 550 millions sur le quinquennat. Parallèlement, il faut aider les acteurs à faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants. Pour ce faire, et pour la première fois, un budget de 100 millions d’euros accompagnera la croissance démographique. Nous avons discuté, lors de la conférence des présidents d’université, de l’attribution de cette somme : elle sera répartie en fonction de la démographie au cours des trois dernières rentrées, rentrée 2016 comprise, à due proportion de la contribution des universités à l’élévation du taux de scolarisation.

Ces moyens supplémentaires s’accompagnent aussi de créations de postes. Ce sont 1 000 postes qui seront créés en 2017, comme au cours des quatre années précédentes. L’engagement pris par le Président de la République de financer 5 000 postes dans l’enseignement supérieur sur la durée du quinquennat a été tenu.

J’entends ceux qui nous disent que cet effort n’est pas suffisant. J’observe aussi que les candidats à l’élection présidentielle qui proposent des réductions massives d’emplois publics veulent épargner la défense, la justice, la police, l’hôpital, mais jamais la recherche !

Monsieur Jibrayel, concernant Ariane 6, nous devons parvenir à diviser par deux en quatre ans le coût du lanceur – de 100 millions d’euros à 50 millions. Si nous réussissons, l’Europe aura été capable d’un exploit industriel sans précédent. Sur le plan technique et industriel, les choses avancent bien, avec, de manière régulière, des programs implementation review (PIR), qui sontdes moments où l’on fait le point sur le dossier. La dernière PIR a eu lieu le 13 septembre et a montré que nous devrions tenir les engagements de 2020 sur la base des financements décidés lors du sommet de Luxembourg. Restent quelques problèmes industriels à régler, notamment du fait des règles européennes, le retour pour certains pays – l’Allemagne et l’Italie – de leur contribution à l’ESA, mais il n’y a pas d’inquiétude à avoir.

Prometheus est un projet de recherche qui va au-delà d’Ariane 6 : il doit encore accroître la compétitivité de nos lanceurs grâce à des moteurs plus légers et qui coûteront environ dix fois moins cher que ceux utilisés actuellement. Le gain sera de 9 millions d’euros par lancement, qui s’ajouteront aux 50 millions dont je viens de parler. Les recherches en matière de prototypes nous permettent d’être optimistes.

Monsieur Chanteguet, deux de vos questions concernent d’autres ministères. Les crédits de l’IRSN sont stables entre 2016 et 2017, à 270 millions d’euros. La mise en place de la contribution acquittée par les exploitants d’installation nucléaire leur permet, disent-ils, d’adapter les ressources à l’activité programmée.

Vous avez raison de rappeler que la loi biodiversité entérine la mise en œuvre du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus des activités de recherche. Le ministère travaille à un portail numérique permettant le dépôt des demandes d’accès. L’élaboration technique et administrative est en cours avec l’ensemble des ministères concernés. Sa mise en œuvre est prévue au début de 2017.

Monsieur Claeys, vous avez posé une première question sur l’évolution des effectifs de la recherche. Je pense qu’il faut réamorcer progressivement la mise en place d’un solde positif de recrutement des chercheurs ; ce sera le cas, je l’ai dit, avec cinquante chercheurs de plus par rapport aux départs à la retraite. Il faudra lever l’incertitude qui pèse sur le financement de moyen terme des outils comme les instituts hospitalo-universitaires (IHU) – financés par les programmes d’investissements d’avenir 1 et 2 – dans lesquels les équipes de l’INSERM sont très nombreuses. La pérennisation de ces financements devra être garantie dans les douze à quinze mois à venir, faute de quoi les grands organismes risqueront d’être tétanisés dans le recrutement de chercheurs.

Sur la structuration des financements, mon sentiment est que le calibrage d’une Agence nationale de la recherche comme la nôtre – 650 millions d’euros pour 2017 – n’est probablement pas suffisant. Dans les trois ans à venir, ce chiffre devra être porté à 1 milliard, à l’image de structures de recherche comparables d’autres pays.

Le Commissariat général à l’investissement a un avantage considérable, avec des financements extrabudgétaires, qui n’entrent pas dans le déficit dit « maastrichtien ». Avant de toucher cet outil, il faut mesurer sa capacité de financement. Je vous rejoins sur la nécessité de mieux articuler l’action de notre ministère et celle du CGI.

Je ne peux que me réjouir des travaux menés ces derniers mois sur la valorisation et sur la redéfinition d’un certain nombre d’outils comme les sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT), les instituts de recherche technologique (IRT)… Une bien plus grande place sera accordée aux acteurs de la recherche et aux universités dans le pilotage de ces structures. L’État a d’ailleurs accepté, de manière stratégique, de se retirer quelque peu pour laisser une plus grande autonomie aux acteurs. Une idée a également fait son chemin, et je m’en réjouis : la recherche publique bénéficiera plus équitablement des fruits de la valorisation. En outre, les entreprises gagnent à travailler davantage avec les organismes ou avec les universités plutôt qu’avec des administrations comme les SATT ou les IRT. Enfin, il convient de développer les synergies avec le CGI en d’autres domaines que la valorisation.

Voilà qui m’amène à votre troisième question concernant le PIA 3. L’enveloppe, vous le savez, est de 6 milliards d’euros pour ce qui est de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, avec quelques lignes de force comme l’innovation pédagogique qui fera l’objet de 250 millions d’euros de crédits – indispensables si nous voulons accueillir plus d’étudiants et, en même temps, personnaliser davantage les contenus des enseignements. Je me rappelle très bien notre discussion de l’année dernière : certains d’entre vous avaient à juste titre évoqué les initiatives d’excellence (IDEX), les initiatives science innovation territoires économie (I-SITE), en en soulignant l’utilité, mais en regrettant qu’elles ne prennent pas en compte la réalité de l’excellence qui peut être très « thématisée » dans une université. Or nous ne disposons pas de ce type d’outils au CGI. Quelque 300 millions d’euros sont donc prévus pour un programme intitulé « École universitaire de recherche », qui permettront de donner à des universités de grande taille ou de taille moyenne, très fortes sur une thématique scientifique donnée, les moyens de poursuivre vers l’excellence.

M. André m’a interrogé sur les crédits immobiliers. Le projet de loi de finances pour 2017 maintient les moyens de mise en sécurité au même niveau que l’année dernière et augmente les dotations au titre du contrat de plan État-région – 44 millions d’euros. Surtout, votre question portait sur le nouveau programme de dévolution des biens immobiliers aux universités. Ce programme est indispensable : l’autonomie de l’université est insuffisante, en tout cas en matière immobilière. Le 15 décembre prochain, à Bordeaux, j’annoncerai, après les travaux remarquables réalisés par l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) et par l’inspection générale des finances (IGF), un nouveau programme de dévolution qui concernera cinq ou six universités françaises avec lesquelles nous travaillons pour être sûrs que les nouveaux modèles que nous allons mettre en place soient pérennes et permettent à ces universités de financer dans la durée l’entretien des bâtiments et, dans le même temps, la rénovation de leur parc.

Vous vous êtes en outre inquiété de l’éventuelle sous-budgétisation des aides directes aux étudiants. Il n’y a aucun risque en la matière. Depuis le début du quinquennat, jamais nous n’avons dû compléter le financement des bourses étudiantes, les sommes prévues au budget initial ayant été dépensées conformément aux prévisions. Quelque 70 millions d’euros sont prévus pour financer la nouvelle aide à la recherche du premier emploi (ARPE), somme qui devrait être suffisante pour couvrir les demandes. Je rappelle qu’en 2012, Mme Fioraso m’avait expliqué avoir trouvé une situation l’obligeant à ajouter au budget l’équivalent de deux mois de bourses qui n’avaient pas été financées l’année précédente.

Madame Corre, votre rapport m’a passionné. Il ne serait néanmoins pas sérieux de ma part de vous dire ce que je pense des nombreuses suggestions qu’il contient. Certaines méritent en effet une étude très précise par mes services tant elles me semblent intéressantes – je pense notamment à votre réflexion sur la fameuse courbe en U. Je vous propose de nous réunir avant la fin de l’année afin d’examiner quelle suite concrète donner à votre travail.

Vous m’avez par ailleurs interrogé sur le plan « 40 000 logements ». À la fin de l’année 2016, 27 000 logements seront livrés et, à la fin de 2017, ce sera la totalité. Il faudra alors probablement réfléchir à un nouveau plan logement du fait de la poursuite de la démocratisation et de l’accentuation de la mobilité étudiantes.

En ce qui concerne la caution locative étudiante (CLE), vous avez raison de constater que la mise en œuvre du dispositif a été lente, mais il commence à être connu et devrait se développer assez rapidement : ainsi, en 2015, on comptait 5 000 CLE pour 16 000 aujourd’hui.

Monsieur Ledoux, le budget consolidé des soixante-dix pôles de compétitivité s’élève à 110 millions d’euros, dont 47 millions de ressources privées.

J’en viens au plan « Alzheimer ». Il comprend plusieurs mesures dont certaines, nouvelles, seront financées pendant cinq ans à hauteur de 4 millions d’euros, soit 0,8 million d’euros par an. Les chercheurs peuvent par ailleurs obtenir des financements dans le cadre de l’ANR. En 2015, plus de 21 millions d’euros ont été donnés aux chercheurs dans le cadre de projets sur les maladies neurodégénératives, contre une moyenne annuelle trois fois inférieure les années précédentes. Bref, ce plan bénéficie de crédits spécifiques et permet aux chercheurs d’obtenir auprès de l’ANR des crédits en forte progression. Il convient d’y ajouter le soutien de l’État à l’IHU du cerveau et de la moelle épinière, financé par le PIA.

En ce qui concerne le plan « Diabète », vous connaissez l’IHU de cardiométabolisme. Je vous rappelle, même si vous êtes expert en la matière, que, dans le cadre du plan « France médecine génomique 2025 », la cinquième mesure est consacrée à l’étude de cohortes de patients diabétiques, enquête qui disposera d’un financement spécifique de 8 millions d’euros et devrait permettre d’importants progrès. Là aussi, les programmes habituels de l’ANR permettront de compléter les financements.

Monsieur Reynier, vous pouvez certes juger la progression des efforts budgétaires insuffisants, mais il n’y a pas de ralentissement. Vous avez évoqué trois organismes : l’INRIA, le CNES et le CEA. Toutes les mesures salariales, je l’ai dit, seront financées, les départs à la retraite pris en compte et les financements des postes de remplacement garantis.

Pour ce qui concerne l’INRIA, un effort de l’ordre de 2 millions d’euros sera fait en 2017 pour financer les mesures salariales, mais aussi pour soutenir l’activité scientifique. L’INRIA mérite d’autant plus d’être soutenu qu’il s’agit de l’une de nos pépites, certes de petite taille par rapport à de grands organismes de recherche, mais, je l’ai constaté, les représentants d’entreprises américaines ou chinoises qui se sont installées en France ou y ont développé des centres de recherche s’intéressent beaucoup aux travaux de l’INRIA.

Pour le CNES, les crédits sont suffisants : ils nous permettent de couvrir les engagements pris pour le financement d’Ariane 6 ou de l’ESA, et de maintenir un niveau de recherche fondamentale. Nous devrions, me semble-t-il, créer des projets à même de « muscler » l’Europe en matière de recherche fondamentale dans le domaine spatial, et, à cette fin, développer des coopérations internationales tant il est vrai que l’espace est un secteur concurrentiel sur le plan industriel, très compétitif entre les nations – y compris au sein de l’Europe. Or, j’y insiste, la recherche en amont gagnerait à être menée et financée beaucoup plus largement par la puissance publique européenne – je me réjouis d’ailleurs que la stratégie spatiale européenne, révélée il y a quarante-huit heures, place cet objectif au premier rang. Je rappelle par ailleurs que l’Europe consacre 8 milliards d’euros aux enjeux spatiaux, toutes agences publiques confondues, alors que les États-Unis leur consacrent 50 milliards d’euros. Près de 19 milliards d’euros sont dévolus à la NASA, soit 2 milliards supplémentaires – autrement dit l’équivalent du budget total du CNES. Nous sommes confrontés ici à un problème d’échelle. On peut certes bonifier les crédits du CNES si l’on en a les moyens, mais cela coûte cher. Aussi, il y a là un besoin d’Europe – et je sais que vous partagez cette idée.

Pour ce qui est du CEA, vous avez vous-même répondu à votre question. Ses dirigeants ont signé l’année dernière un nouveau contrat avec l’État. Dès lors, ils ont cherché à définir les moyens dont ils avaient besoin et se sont projetés dans les années à venir. La question des investissements lourds pour les années 2017-2018 devra être traitée.

J’espère avoir convaincu M. Plisson, par ces quelques éléments de réponse, de l’intérêt de nos discussions : nos échanges de l’année dernière trouvent une traduction dans les décisions que nous prenons dans le cadre du présent PLF. En ce qui concerne la COP 21, le souci d’une meilleure lisibilité des crédits pour la recherche est une importante question. Les crédits consacrés à l’environnement sont reconduits à l’identique – vous vous en êtes du reste réjoui : il s’agit du programme 190. La vérité oblige néanmoins à admettre qu’au CNRS, au CEA, dans de très nombreux organismes ou universités, il manque un outil d’agrégation des sommes allouées à la recherche environnementale en application de la COP 21.

Dans un souci de simplification, nous avons mis en place un outil extraordinaire baptisé ScanR – « R » pour recherche – qui permet de savoir quelles sont les équipes travaillant sur une thématique donnée dans toutes les universités et tous les organismes français.

Un point m’a frappé au cours de notre discussion : l’aller et retour permanent entre les enjeux universitaires et ceux de la recherche. Nous entrons dans une nouvelle période : compétition internationale, nécessité pour les nations de refonder le socle qui les relie à leur appareil d’enseignement supérieur et de recherche… Il faut aller encore plus loin et chercher à beaucoup plus intégrer, dans l’organisation même de mon ministère, les équipes qui travaillent à l’université et celles qui travaillent dans les organismes de recherche. La ministre de l’éducation nationale et moi-même avons ainsi demandé à Mme Simone Bonnafous, directrice générale de l’enseignement supérieur, et à M. Alain Beretz, directeur général de la recherche et de l’innovation, de travailler à ce rapprochement, au renforcement des synergies entre enseignement supérieur et recherche.

En effet, démocratiser, accueillir plus d’étudiants, les accompagner socialement, veiller à la qualité des études – au prix de certaines réformes comme celle du master –, tout en insufflant partout de l’excellence pour tirer ce système vers le haut et permettre à la France de demeurer compétitive, passe probablement par le renforcement des liens entre la recherche et l’enseignement supérieur. D’ici à la fin de l’année, nous devrons examiner ensemble les moyens de constituer ce môle de l’excellence que doivent devenir, plus encore qu’ils ne le sont, l’enseignement supérieur et la recherche.

M. le président Patrick BlocheJe voudrais remonter le moral de M. Plisson que je sentais quelque peu déprimé par la procédure des commissions élargies, en remerciant les onze députés de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, toutes tendances confondues, qui sont présents ce soir.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Dans le droit fil des considérations du président Bloche, je précise que c’est demain matin, un vendredi, que se réunira la commission élargie examinant les crédits de la mission « Sécurités », qui est également très importante.

Mme Martine Faure. Les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont conformes aux engagements pris par le Président de la République et par le Gouvernement. Les moyens en ont été renforcés de plus de 852 millions d’euros. Entre 2012 et 2017, les moyens alloués par l’État à l’enseignement supérieur et à la recherche auront donc augmenté de plus de 1,4 milliard d’euros, soit une hausse de 6,25 %.

Ces chiffres témoignent de la mise en place d’une véritable politique volontariste pour accompagner tous les étudiants, les accueillir dans des établissements fonctionnels et, si possible, mieux entretenus. À la rentrée 2016, le nombre d’étudiants s’élevait à 2,5 millions, soit 45 600 de plus qu’à la rentrée 2015. Les moyens supplémentaires engagés répondent à cette forte augmentation : ils permettent la création de nouveaux emplois, l’amélioration des carrières des personnels et la réhabilitation, la construction et l’entretien du parc immobilier, même s’il reste beaucoup à faire.

Les aides personnelles en faveur des étudiants sont également renforcées, les bourses revalorisées, les droits d’inscription et le prix du ticket restaurant gelés ; enfin, le plan garantissant la construction de logements étudiants à caractère social est lancé.

Le Gouvernement entend également guider davantage les étudiants pour une meilleure insertion professionnelle, avec la mise en place d’une aide à la recherche du premier emploi (ARFE). Il s’agit d’une excellente initiative : ce sont 126 000 jeunes diplômés d’origine modeste entrant sur le marché du travail qui sont éligibles à l’ARPE à la rentrée 2016. Quelque 92 millions d’euros sont prévus à cet effet dans le PLF pour 2017.

Le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » voit les crédits consacrés à l’enseignement supérieur s’élever à 13,2 milliards d’euros, soit une hausse de 335 millions d’euros par rapport à 2016. Les crédits consacrés à la recherche augmentent pour leur part de 281 millions d’euros. Cela va permettre de poursuivre la politique de recrutement de chercheurs et maintenir l’emploi scientifique. Nous ne pouvons que nous réjouir d’une telle perspective même si l’on se demande ce qui adviendra demain. Ces moyens assureront également l’amélioration des carrières des personnels grâce à la revalorisation du point d’indice. Ainsi, 400 nouveaux chercheurs seront recrutés dans la sphère publique en 2017.

En matière de recherche, malgré ce qu’on peut entendre ici ou là, la France est reconnue comme une grande nation. La recherche fondamentale est préservée dans tous les domaines. Il y a toutefois toujours un « mais ». J’assure depuis quelque temps la présidence du groupe d’études « Cancer pédiatrique ». Ses membres ont décidé d’orienter leurs travaux sur la recherche oncopédiatrique et, à cette fin, ont organisé de nombreuses auditions, interrogeant les associations de parents, les chercheurs, les médecins, les institutionnels, les laboratoires. Il s’agissait de comprendre, d’être informés sur le développement et le financement de la recherche. Les éléments qui nous ont été apportés nous conduisent à un constat inquiétant : la recherche n’a que très peu étudié la spécificité pédiatrique des cancers et les adaptations thérapeutiques ne sont que très peu tournées vers les enfants. Or quelque 500 enfants meurent chaque année d’un cancer et 2 500 cas nouveaux sont répertoriés. De nombreux chercheurs regrettent vivement le manque de moyens financiers pour mener à bien leurs projets. Aussi un meilleur fléchage et un montant garanti pleinement consacré à la recherche oncopédiatrique seraient-ils précieux. Chercheurs et médecins pourraient ainsi se consacrer à la seule recherche et les jeunes étudiants et chercheurs seraient encouragés par de nouvelles perspectives en matière de recherche spécifique des maladies de l’enfant.

Le principal regret formulé par l’ensemble des acteurs est la complexité et les difficultés à retracer les financements au regard du grand nombre d’organismes concernés parmi lesquels on retrouve l’ANR, bien sûr, l’INSERM, l’Alliance nationale pour les sciences de la vie, l’Institut national du cancer (INCA), le CNRS… La pyramide des responsabilités ne permet pas toujours de saisir le champ de compétences, d’intervention et d’action de chacun. Le plan « Cancer 2014-2019 » s’inscrit parmi les grands défis liés à la santé et fait partie intégrante de la stratégie nationale de recherche. Le Président de la République a insisté tout particulièrement sur la priorité donnée aux jeunes malades. Aussi pensons-nous que l’ANR pourrait consacrer une part identifiée de son budget au financement de la recherche sur le cancer, les leucémies et les maladies graves chez l’enfant. Cette agence verse une subvention de 38 millions d’euros à l’INCA au titre du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques ». Le groupe d’études demande qu’une part de cette subvention soit exclusivement consacrée au cancer de l’enfant. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous répondre sur ce point ?

Je tiens, pour finir, à souligner l’engagement du Gouvernement, et en particulier le vôtre, monsieur le secrétaire d’État, en faveur des domaines fondamentaux que sont l’enseignement supérieur et la recherche. Les signaux donnés sont très encourageants et les députés du groupe Socialiste, écologiste et républicain voteront les crédits de la présente mission en toute confiance.

M. Frédéric Reiss. À l’approche de l’élection présidentielle, le Gouvernement présente un budget de l’enseignement supérieur en hausse de 852 millions d’euros. En outre, 25 000 étudiants boursiers passent de l’échelon 0 à l’échelon 0 bis ; est prévu le financement des 1 000 postes annuels depuis 2012, ainsi que le recrutement de 400 nouveaux chercheurs, mais aussi le financement des progressions salariales et la prise en compte de la hausse démographique à hauteur de 100 millions d’euros.

Ces quelques annonces ne sauraient masquer une dure réalité. Avec l’arrivée massive de 40 000 nouveaux étudiants, cette année encore, les photos d’amphithéâtres bondés ont abondamment circulé sur les réseaux sociaux. Le boom démographique était prévisible, mais le Gouvernement a préféré procrastiner.

La question du modèle économique de l’université est restée taboue et n’a pas été posée en cinq ans. Aussi, au lieu de lancer l’acte II de l’autonomie des universités pour donner à ces dernières les moyens d’avancer, la majorité a adopté la loi Fioraso qui a créé de vraies usines à gaz, notamment en matière de « gouvernance » et des regroupements qui ont fait perdre la dynamique créée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.

Je rappelle que la question de l’augmentation et de la meilleure répartition des bourses a été entamée bien avant 2012. Pour mémoire, près de 115 000 nouveaux boursiers sur critères sociaux, provenant principalement des classes moyennes à revenus modestes, ont bénéficié du dispositif d’aides en 2010. En outre, plus de 110 000 étudiants les plus défavorisés ont bénéficié en 2012 du sixième échelon de bourse créé le 1er janvier 2008.

En ce qui concerne logement, là encore, on constate une grande déception de la part des étudiants, car, sur les 42 500 logements promis par François Hollande, seuls 26 500 seront livrés d’ici à la fin de l’année. Je vous trouve bien optimiste, monsieur le secrétaire d’État, d’affirmer que vos objectifs sont atteints.

En ce qui concerne la recherche, là encore, le Président de la République a déçu. Il avait promis de valoriser la recherche, mais le quinquennat va s’achever sur un bilan sévère. Nous avons la chance d’avoir des chercheurs français parmi les meilleurs au monde, comme l’a encore montré le prix Nobel de chimie décerné à Jean-Pierre Sauvage – ce qui prouve une fois encore l’excellence de l’université de Strasbourg. « On a un appareil de recherche, en France, qui est de très grande qualité, mais qui est en train de souffrir, déclare Alain Fuchs, président du CNRS. Si cela dure trop longtemps, il y a un risque de décrochage de la recherche française. »

Comment garantir la confiance entre l’État et les chercheurs lorsqu’on annonce des coupes budgétaires en plein milieu d’année, comme ce fut le cas au printemps dernier ? Face à la bronca des chercheurs, le Gouvernement a rétropédalé et a prélevé sur les grands organismes de recherche « seulement » 122 millions d’euros. Le rapporteur pour avis Vincent Ledoux a raison de mettre l’accent sur la stagnation de l’effort national et sur le fait que les crédits restent insuffisants pour que la France scientifique et industrielle reste compétitive.

Ma première question porte par conséquent sur les actions que le Gouvernement compte entreprendre pour redonner à la recherche française de meilleures perspectives. L’augmentation des crédits de la présente mission, la dernière année du quinquennat, ne doit pas masquer la baisse constante des crédits dévolus à la recherche au cours des quatre derniers exercices. Nos chercheurs ont besoin de visibilité et le signal qui leur a été envoyé a été plutôt brouillé.

Ma seconde question porte, elle, sur les moyens de réconcilier la recherche avec le droit du travail. Les personnes interrogées par le rapporteur pour avis Ledoux ont unanimement dénoncé les effets négatifs sur la recherche publique de la loi du 12 mars 2012. Par crainte de devoir transformer des contrats à durée déterminée (CDD) en contrats à durée indéterminée (CDI), les organismes de recherche limitent la durée des contrats à cinq ans, voire à trois ans, ce qui a un effet désastreux sur la performance de la recherche avec une rotation très importante et des projets non aboutis. Quelles actions le Gouvernement compte-t-il mener pour allier la sécurité de l’employé et de l’employeur avec une recherche de qualité ?

Enfin, monsieur le secrétaire d’État, depuis l’école primaire jusqu’au monde de la recherche, en passant par l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, je milite pour la reconnaissance et la valorisation du mérite. À l’image d’un étudiant recevant une bourse plus importante pour récompenser ses réussites académiques, les équipes de chercheurs ayant fait leurs preuves devraient voir leurs crédits récurrents renforcés. Cela libérerait l’esprit des chercheurs des contraintes administratives liées aux recherches de financement et leur permettrait de se consacrer pleinement à leurs travaux. Quelle est la position du Gouvernement sur cette remarquable suggestion du rapporteur pour avis Vincent Ledoux ?

M. Franck ReynierMonsieur le secrétaire d’État, puisque je me suis déjà exprimé sur les aspects techniques de ce budget, je souhaiterais à présent vous exposer la position politique du groupe Union des démocrates et indépendants.

Au regard des défis que doit relever notre pays – la croissance, l’emploi et l’avenir des jeunes de notre pays –, l’enseignement supérieur et la recherche sont des éléments clés. Nous devons, en effet, non seulement avoir la capacité d’innover, mais aussi renforcer le lien qui existe entre notre recherche et l’industrie et les services, qui contribuent à la croissance française. Au-delà de la recherche fondamentale, il nous faut avoir une véritable vision stratégique : l’État doit définir de grandes orientations et faire de la recherche dans les secteurs du numérique, de l’énergie, de l’espace – qui a bien entendu une dimension européenne –, de la santé et de l’environnement de véritables priorités. Nous estimons également qu’une plus grande place doit être faite à l’alternance, pour favoriser la perméabilité de nos modèles, et qu’il est nécessaire de réfléchir à un nouveau type de contrat de travail qui permette d’introduire plus de souplesse dans nos politiques publiques.

Vous avez souhaité interroger à votre tour les candidats à l’élection présidentielle. Mais permettez-moi de vous rappeler que, si un bilan doit être dressé aujourd’hui, c’est bien celui du quinquennat. Nous devons évaluer lucidement la pertinence de l’action menée au cours des cinq dernières années – dans laquelle vous avez une part de responsabilité – ainsi que ses résultats. Or le nombre des chômeurs a augmenté de plus d’un demi-million depuis 2012 ; le désespoir d’une grande partie de la société, en particulier de nos jeunes, doit vous inquiéter. Il faut donc faire montre de la plus grande modestie. Au demeurant, l’enseignement supérieur et la recherche ne sont pas des causes partisanes, mais de grandes causes nationales pour lesquelles nous devons tous nous mobiliser.

L’heure est au jugement, non pas des candidats, mais de la politique qui a été menée au cours de cette législature, et la dernière année est importante à cet égard. En tout état de cause, dans quelques mois, les Français jugeront.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, répondant à une question de M. Claeys sur le pilotage de la recherche, vous nous avez donné de celui-ci une vision très prospective, sans nous indiquer l’orientation que vous souhaitiez donner à la recherche. Je souhaiterais donc savoir si vous avez défini des axes précis et quels sont les opérateurs et, le cas échéant, les ministères autres que le vôtre qui doivent, selon vous, intervenir en ce domaine.

Je me souviens d’un rapport dont les conclusions, qui mettaient à mal le crédit impôt-recherche, nous avaient inquiétés. Nous estimons en effet nécessaire de soutenir la recherche dans l’industrie. Cette nécessité est, du reste, reconnue puisqu’une disposition du projet de loi de finances qui revenait sur le crédit d’impôt-recherche dont bénéficient les entreprises pour développer leurs exportations a été supprimée par la commission des finances, contre l’avis du Gouvernement. Pouvez-vous nous dire dans quelles perspectives vous inscrivez ce dispositif ?

Par ailleurs, je suis, comme Franck Reynier, très inquiète des crédits alloués et des missions nouvelles confiées au CEA. Au printemps, lorsqu’elle a examiné le décret d’avance, la commission des finances a d’ailleurs rejeté à la quasi-unanimité la baisse des crédits de ces opérateurs. Je souhaiterais donc connaître la vision que vous avez de l’avenir du CEA.

Enfin, le Gouvernement ayant lancé un plan de lutte contre la maladie de Lyme, pouvez-vous nous dire si des programmes de recherche sont spécifiquement consacrés au traitement de cette maladie ?

M. Gabriel Serville. Monsieur le secrétaire d’État, j’aurais tant aimé que la jeunesse guyanaise et les étudiants de la toute nouvelle université de Guyane fassent l’objet d’une attention plus soutenue de la part de votre ministère que je ne puis me satisfaire du budget que vous nous présentez aujourd’hui. Force est de constater, en effet, que la croissance des fonds alloués à la Guyane ne connaît pas la même embellie que celle observée au niveau national.

Toutefois, je veux vous remercier à nouveau d’avoir entendu l’appel des parlementaires guyanais concernant la sombre affaire du CEREGMIA, du nom de ce laboratoire de recherche de l’ancienne université des Antilles et de la Guyane qui a détourné des crédits européens. L’ancien Pôle universitaire guyanais risquait de devoir assumer une part des errances budgétaires dont se sont rendus coupables des décideurs étrangers au PUG, qui font désormais l’objet de poursuites pénales. En effaçant cette dette illégitime de 500 000 euros, vous avez adressé un signal fort à l’ensemble de la communauté universitaire guyanaise. Je regrette cependant que cela ne se traduise pas dans le projet de budget pour 2017, même si je dois saluer l’augmentation de 12 % des crédits alloués aux étudiants guyanais au titre du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ».

En ce qui concerne le budget de la recherche lui-même, je limiterai mon intervention au champ qui intéresse plus particulièrement la Guyane, c’est-à-dire le programme 193 « Recherche spatiale », dont les crédits sont maintenus au niveau de ceux de l’année 2016, soit 93 millions d’euros. Si ce programme représente à lui seul 5 % de l’effort budgétaire global consacré à la Guyane, je regrette qu’il ne traduise pas autrement la volonté de la France et de l’Europe de rester un opérateur autonome et majeur en matière de conquête spatiale. Je déplore également que ces 93 millions d’euros ne représentent que 4,5 % des efforts consentis en faveur du spatial pour 2017. La Guyane aurait en effet gagné à une plus grande concentration des activités de recherche sur le site du Centre spatial guyanais de Kourou, qui permettrait à la région de mieux profiter de l’effet d’entraînement que produisent de telles activités.

Nonobstant ces bémols et compte tenu des arbitrages que vous avez su opérer notamment dans l’affaire du CEREGMIA, j’émettrai, à titre personnel, un avis favorable lors du vote de cette mission budgétaire ; quant aux autres membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ils s’abstiendront.

Mme Sandrine Doucet. Monsieur le secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur les chiffres cités ni sur l’augmentation du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui témoigne des actions que nous avons menées au service de la jeunesse et des chercheurs au cours des dernières années.

En évoquant, dans son rapport, l’augmentation des bourses d’études, notre collègue Valérie Corre nous a apporté un éclairage particulier sur la vie étudiante et sur l’effort consenti en faveur de la démocratisation de l’enseignement supérieur. Faut-il rappeler que, ce faisant, nous investissons pour l’avenir puisque, cela est démontré, le fait que les jeunes soient de plus en plus diplômés contribue à la croissance du PIB ? Cette démocratisation n’est possible que parce que les frais d’inscription demeurent modestes. On sait, en effet, les conséquences néfastes qu’a eues, à cet égard, leur augmentation en Espagne et au Royaume-Uni, où les jeunes se sont éloignés de l’enseignement supérieur. Nous voulons également que les étudiants soient autonomes et qu’ils ne s’installent pas dans la précarité dès leur entrée dans la vie professionnelle. C’est pourquoi nous refusons qu’ils recourent à l’emprunt pour financer leurs études, d’autant plus que ceux qui empruntent viennent de familles elles-mêmes déjà endettées où le seul capital que l’on se transmet est constitué de dettes…

Démocratisation et autonomie, donc, mais aussi méthode. En témoignent, d’une part, la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, qui permet de construire un parcours d’orientation dûment balisé en créant des passerelles entre les filières et, d’autre part, l’accord conclu il y a quinze jours, au terme d’une longue et méticuleuse concertation, entre l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et la recherche sur l’entrée en master.

Monsieur le secrétaire d’État, comment concevez-vous, pour la prochaine rentrée et les années à venir, la préparation à l’orientation et l’accompagnement des étudiants du baccalauréat au master ?

M. Vincent Ledoux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour la recherche. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais revenir sur le plan de lutte contre la maladie d’Alzheimer, car je suis tout de même un peu inquiet de l’insuffisance des moyens qui y sont consacrés. N’oublions pas que, toutes les trois secondes, dans le monde, une nouvelle personne est atteinte de cette maladie terrifiante. En 2015, alors que l’on admettait un besoin de financement de 200 millions d’euros pour soutenir le centre national de recueil et d’analyse de l’imagerie cérébrale et le programme « Memento », ces structures n’ont bénéficié que de 0,8 million. Nous sommes donc vraiment très loin du compte, et je ne suis pas le seul à le dire puisque les chercheurs que nous avons longuement auditionnés partagent cette analyse. Nous risquons de perdre ainsi la visibilité internationale que nous avons acquise grâce aux plans précédents. Le Royaume-Uni, je le rappelle, consacre 220 millions de livres, dont un quart provient du privé, au financement de la recherche sur la maladie d’Alzheimer, et Hillary Clinton a annoncé un financement à hauteur de 2 milliards de dollars !

Sans vouloir prolonger nos débats – qui furent très intéressants, grâce notamment à la qualité de vos réponses –, je tiens à dire que certains candidats aux primaires de la droite évoquent la nécessité de soutenir la recherche et d’améliorer le dispositif du mécénat, qui doit encore pouvoir progresser dans les années qui viennent.

Je souhaiterais savoir si, dans le cadre de l’ANR, donc des crédits français, des appels à projets très spécifiques concerneront les maladies neurodégénératives.

M. Patrick Lebreton. Monsieur le secrétaire d’État, je veux profiter de l’examen des crédits de l’enseignement supérieur pour appeler votre attention sur la situation des établissements d’outre-mer, en particulier de l’université de La Réunion. La dernière enquête publiée par votre ministère en février 2016 fait en effet apparaître à nouveau les résultats très faibles de nos établissements. Dans les universités des Antilles et de La Réunion, par exemple, on constate, premièrement, que le taux de passage en licence 2 est de 16,3 % pour la première et de 21,2 % pour la seconde, quand la moyenne nationale est de 39,7 %, et, deuxièmement, que le taux de réussite en licence 3 est de 11,7 % pour les Antilles et de 12,3 % pour La Réunion, quand la moyenne nationale s’établit à 27,2 %.

Ces mauvais résultats placent une fois de plus nos établissements au dernier rang du tableau national. Le contexte social particulier des outre-mer ne peut à lui seul expliquer ce désastre, car j’observe que le taux de passage en licence 2 est de 33 % à Mayotte et de 27,6 % en Polynésie. Mes collègues et moi-même sommes très préoccupés par cette situation, car, au-delà du fait regrettable et avéré que de nombreux bacheliers ne réussissent pas, elle incitera, au cours des prochaines années, les meilleurs étudiants à quitter nos territoires pour étudier ailleurs et y construire leur carrière. La formation d’une véritable élite locale étant une impérieuse nécessité pour que nos départements puissent enfin connaître une réelle phase de développement économique, la piètre qualité de nos universités est dramatique.

Je sais que l’université des Antilles a connu des tumultes ces dernières années, mais celle de La Réunion souffre également de lourds dysfonctionnements. Entre manœuvres électorales permanentes, intrigues pour l’obtention de postes ou d’autres avantages et népotisme, l’université de La Réunion est à la dérive. L’enseignement et la réussite des étudiants y sont une préoccupation secondaire, pour ne pas dire plus. Ma question est donc simple, monsieur le secrétaire d’État : face à ce constat, que comptez-vous faire pour trouver une solution qui offre à nos étudiants une chance de réussir chez nous ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la rechercheEn ce qui concerne la progression de la démographie étudiante, on ne peut pas nous accuser de procrastination, monsieur Reiss. Tout le monde a été impressionné par la progression très importante, à partir de 2014, du nombre des étudiants, progression qui n’a rien à voir avec la démographie lycéenne. Il s’agit en effet d’un mouvement très profond de la société : un certain nombre de jeunes, appartenant à des catégories très larges de la population, considèrent désormais – ce qui nous réjouit, par ailleurs – qu’ils seront mieux armés pour les années qui viennent s’ils suivent une formation de l’enseignement supérieur.

Cette évolution est due, non pas à une simple translation des lycéens vers les universités, mais à un changement du rapport culturel que les jeunes générations ont à l’enseignement supérieur. De ce fait, elle ne pouvait pas être prédite. En revanche, vous avez raison, le système est soumis à une tension très forte qui nous oblige à repenser non seulement les moyens attribués à l’université – d’où l’effort consenti en 2017, qui devra probablement être prolongé durant deux ou trois années –, mais aussi la pédagogie, car, face à des étudiants très nombreux et très différents, les programmes doivent être plus personnalisés.

À ce propos, il n’y avait aucune malice dans mon interpellation, qui exprimait plutôt un regret, regret que je réitère, car il ne faut pas masquer nos désaccords lorsqu’ils existent. J’entends des candidats à la primaire nous annoncer qu’ils vont opérer des coupes drastiques dans les dépenses publiques, supprimer plusieurs centaines de milliers d’emplois. Or aucun d’entre eux ne précise que ces mesures ne toucheront ni l’école, ni l’enseignement supérieur, ni la recherche, où se trouvent, chacun le sait, les principaux bataillons de l’emploi public. Je suis donc inquiet. Quels que soient les reproches que vous puissiez nous faire, nous avons veillé, au cours de ce quinquennat, à ne jamais supprimer de postes dans ce secteur. Au contraire, nous en avons créé, tant à l’université que, même si cela a été plus difficile, dans la recherche. Ainsi, je me félicite que, cette année, nous recrutions plus de chercheurs qu’il n’en part à la retraite, ce qui n’était pas le cas les années précédentes puisque nous compensions simplement les départs. Encore, une fois, nous n’avons jamais touché aux effectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche, et ce qui s’annonce – sous réserve, évidemment, des résultats des élections – m’inquiète, et il est bien naturel que j’exprime cette inquiétude dans le cadre de la discussion prospective que nous avons. Lorsque j’entends un certain nombre de personnes nous critiquer sur ce point alors que les formations auxquelles elles appartiennent préparent des plans sociaux de grande ampleur dans l’université et la recherche, je m’interroge sur la cohérence de leurs positions.

Madame la présidente, les thématiques et les priorités de la recherche ont fait l’objet d’une discussion qui a abouti à la publication, l’an dernier, de la stratégie nationale de la recherche ; ce document est accessible à tous et il est bien connu de vous. J’ajoute que le choix a été fait de répartir les financements à parts égales entre la recherche fondamentale et la recherche applicative. Quant au crédit d’impôt-recherche, le Président de la République avait indiqué qu’il le sanctuariserait sur la durée du quinquennat. C’est ce qui a été fait : les règles n’ont pas été modifiées. Les crédits, en revanche, ont évolué. À ce propos, je dois vous dire ma perplexité. Je me souviens en effet que, lorsque j’en étais membre, au début de la législature, la commission des finances avait voté un crédit d’impôt-recherche qui s’établissait à 3,6 milliards d’euros. Aujourd’hui, il s’élève à 5,8 milliards. Or on constate qu’au cours de cette période, le taux des dépenses privées consacrées à la recherche n’a absolument pas évolué. Je ne comprends pas que la puissance publique, alors qu’elle a doublé ses financements, ne parvienne pas à déclencher une accélération du taux de financement de la recherche privée par les acteurs privés. J’ai donc décidé de commander à un laboratoire indépendant une étude sur ce sujet. Je le fais sans aucun esprit polémique ; je souhaite simplement comprendre pourquoi, plus les efforts de l’État sont importants, plus les dépenses privées stagnent.

Sur la maladie de Lyme, je vous répondrai par écrit, car je ne dispose pas des éléments nécessaires pour apporter une réponse à vos questions.

M. Serville m’a interrogé sur Kourou et sur l’université de Guyane. Le véritable enjeu, pour Kourou, est la réussite d’Ariane 6 ; or c’est bien parti. J’ai visité le futur pas de tir, qui est en cours de préparation, j’ai pu constater les efforts consentis pour renforcer les synergies entre Airbus Safran Launcher – ASL – ex-Arianespace, et le CNES : si Ariane 6 parvient à être aussi fiable qu’Ariane 5 – soixante-quatorze lancements successifs réussis – pour un coût deux fois moindre, la plateforme aura de très beaux jours devant elle. Aussi, je vous rassure : ces 93 millions d’euros suffisent largement à offrir un bel avenir à la plateforme de Kourou.

Par ailleurs, nous avons consenti un effort considérable en faveur de l’université de Guyane – qui en avait vraiment besoin – puisque soixante-quatre postes supplémentaires ont été financés entre 2013 et 2016. Elle bénéficiera en outre, en 2017, d’affectations supplémentaires au titre des 1 000 emplois. Enfin, cette université, dont j’ai pu constater le succès sur place, bénéficiera, selon les mêmes règles que celles qui s’appliquent aux universités métropolitaines, d’une partie de l’enveloppe de 100 millions réservée au financement de la progression démographique.

Mme Doucet, que je sais attachée à cette cause, m’interroge sur la manière dont nous pourrions mieux préparer les bacheliers à réussir à l’université. La stratégie que nous devons mettre en œuvre dans ce domaine repose, selon moi, sur deux piliers. Premièrement, nous devons renforcer l’innovation dans le premier cycle universitaire. Certaines universités qui ont créé des troncs communs ou des orientations en fin de première ou de deuxième année, obtiennent des résultats stupéfiants : le taux d’échec en première année de licence y baisse considérablement. Nous devons donc nous inspirer de ces dispositifs et les transférer à une plus grande échelle en utilisant les crédits du PIA 3 consacrés à l’innovation pédagogique. Il faut repenser le déroulement des premiers cycles universitaires. Je crois également, à titre personnel, que l’année de césure – qui permet aux étudiants qui le souhaitent d’interrompre leurs études durant un an pour accomplir, par exemple, un service civique – pourrait se situer entre le baccalauréat et l’université, car les étudiants français ont la particularité d’être très jeunes. On leur demande ainsi de faire des choix définitifs pour leur carrière professionnelle à un âge où il peut être prématuré de prendre de telles décisions.

Second pilier : l’orientation. Je me réjouis que la nouvelle procédure d’Admission post-bac – APB – et les efforts que nous avons faits cette année aient commencé à produire leurs premiers résultats, mais je suis convaincu qu’en matière d’orientation, tout reste à faire. Au lycée, elle doit devenir presque une matière à part entière.

M. Ledoux est revenu sur les maladies neurodégénératives, thème qu’il avait abordé lors de sa première intervention, ce qui signifie que ma réponse ne l’a pas satisfait, peut-être à juste titre. Je lui propose donc que nous nous rencontrions prochainement, avec ceux de mes services qui sont spécialisés dans ce domaine, afin que nous comprenions bien les critiques qu’il nous adresse – et dont il n’y a pas lieu de considérer a priori qu’elles sont injustifiées – et que nous puissions examiner la manière dont nous pouvons renforcer et mieux adapter les financements consacrés à la lutte contre ce type de maladies. Mon sentiment est que les travaux sont très épars et qu’il y a donc peut-être un problème de visibilité. En tout cas, ce thème mérite que nous lui consacrions une séance de travail, car il est absolument majeur.

Enfin, M. Lebreton m’a interrogé sur l’avenir de l’université de La Réunion, dont l’attractivité est très forte, puisque le nombre de ses étudiants a augmenté de 793 au cours des trois dernières années, pour atteindre un total d’environ 12 500. Elle sera donc, bien évidemment, bénéficiaire d’une partie de l’enveloppe de 100 millions et du financement des 1 000 emplois prévus. Là encore, un effort assez important a été fait ces dernières années en matière de créations de postes – mais je suis tenu à une certaine réserve puisque des élections auront lieu, je crois, à la fin du mois de novembre.

M. Patrick LebretonLes élections sont terminées !

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherchePardonnez-moi. Je pensais en effet à l’université des Antilles, dont vous avez également évoqué la situation. En janvier, cette université aura donc à sa tête une nouvelle équipe qui, je l’espère, la stabilisera, car elle en a besoin. Ses effectifs commencent à augmenter à nouveau. Je me rendrai sur place en janvier ou en février prochain, une fois que cette équipe sera installée, pour étudier la façon dont nous pouvons accompagner le redémarrage de cette université très importante pour les Antilles.

Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, pour vos contributions et vos questions.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Quant à nous, monsieur le secrétaire d’État, nous vous remercions pour la précision de vos réponses.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures.

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