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Commission des affaires étrangères

Mercredi 10 décembre 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 31

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, présidente

– Réunion avec M. Tammam Salam, Président du Conseil des ministres de la République libanaise

Réunion avec M. Tammam Salam, Président du Conseil des ministres de la République libanaise.

La séance est ouverte à seize heures trente.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous avons le plaisir de recevoir M. Tammam Salam, Président du Conseil des ministres de la République libanaise, qui vient accompagné de M. Samir Mokbel, vice-président du Conseil et ministre de la défense, et de M. Gobran Bassil, ministre des affaires étrangères. Je salue également le chargé d’affaires du Liban en France, M. Ghady El-Khoury.

Nous sommes très heureux, Monsieur le Président du Conseil, que vous ayez accepté de rencontrer notre commission à l’occasion de votre visite officielle à Paris. Il est inutile de rappeler les liens exceptionnels qui unissent nos deux pays. La commission des affaires étrangères veille très attentivement à ce que ces liens ne se distendent pas, tout spécialement aujourd’hui, alors que le Liban est à nouveau menacé par les crises qui secouent son environnement régional. Le bureau de notre commission a d’ailleurs décidé ce matin de créer une mission d’information sur le Liban afin que cette réunion ne soit pas sans lendemain.

Nous pouvons commencer par évoquer la succession du Président Sleimane. Votre gouvernement est dépositaire, depuis le 25 mai 2014, des prérogatives de la présidence. Malgré la convocation de multiples sessions électorales au Parlement, les députés ne sont pas parvenus à un accord. Cette situation de vacance, si elle perdure, pourrait remettre en cause les avancées institutionnelles importantes qui ont marqué l’année 2014 au Liban. Vous qui êtes une figure éminente du paysage politique libanais, quelles sont les chances d’aboutir à un accord, alors que les parlementaires libanais doivent à nouveau se réunir, pour la seizième fois ?

Le règlement de la question institutionnelle est d’autant plus urgent que les crises syrienne et irakienne pèsent d’un poids de plus en plus lourd sur la sécurité de votre pays et de ses habitants. Que ce soient les attentats dans la banlieue sud de Beyrouth et à Tripoli ou les incidents sécuritaires à Ersal. Ces tensions, évidemment, nous inquiètent. Daech et Al-Nosra paraissent déterminés à étendre le champ de bataille au Liban, ou du moins à déstabiliser durablement le pays. Le gouvernement d’entente que vous présidez a fait de la lutte contre le terrorisme l’une de ses priorités et a par ailleurs adopté un plan de sécurité pour Tripoli et la plaine de la Bekaa. Peut-être pourriez-vous nous en dire davantage.

Nous mesurons aussi l’impact de la crise syrienne au plan social, économique et humanitaire pour le Liban. Le nombre de réfugiés va croissant – ils seraient aujourd’hui 1,2 million selon le Haut comité des réfugiés (HCR), soit 25 % de la population.

M. Tammam Salam, Président du Conseil des ministres de la République libanaise. Ils seraient même 1,5 million…

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Les autorités libanaises ont annoncé en conséquence fin octobre la fermeture de leur frontière aux réfugiés syriens, hormis pour les cas humanitaires. Quel en est l’impact sur les équilibres parfois fragiles du Liban ? Comment le pays s’organise-t-il pour faire face ?

Notre pays ne ménage pas ses efforts pour mobiliser la communauté internationale en vue de soutenir le Liban, que ce soit en matière d’aide humanitaire, de soutien économique – la France a participé à hauteur de 7 millions d’euros au fonds fiduciaire de la Banque mondiale pour le Liban – ou de soutien à l’armée. Quelle forme peut prendre notre soutien pour être le plus efficace et vous aider dans vos efforts ? Où en est la mise en œuvre de l’accord tripartite entre la France, l’Arabie saoudite et le Liban, qui doit permettre à l’armée libanaise d’améliorer son armement ?

Enfin, en Syrie, la guerre continue à faire des ravages épouvantables, la transition politique espérée au moment des réunions de Genève n’a pas eu lieu et la crise humanitaire s’aggrave de jour en jour. Pensez-vous que l’initiative de Genève est désormais dépassée ? Le « duo » américano-russe étant en grande difficulté, quel pourrait être le rôle des acteurs régionaux ?

M. Tammam Salam. Je vous remercie de l'opportunité que vous m'offrez de m'entretenir avec vous au cours de cette visite en France, pays si cher entre tous, et dont les relations avec le Liban font corps avec la destinée de mon pays.

Le Liban traverse aujourd'hui l'une des phases les plus dangereuses de son histoire, du fait de cette accumulation de crises qui se nourrissent l'une l'autre, et dont une seule aurait suffi à fragiliser n'importe quel pays.

En effet, à la crise politique et institutionnelle que nous essayons de contrôler en préservant la cohésion du Gouvernement, s'ajoutent des difficultés économiques et sociales majeures, que vient compliquer l'afflux, soudain et massif, de près d'un million et demi de Syriens, soit plus du tiers de la population du Liban. Un poids impossible à porter lorsqu'il se traduit en besoins scolaires, soins de santé et services publics divers.

La dégradation de la situation n'a pas manqué d'affecter le volet sécuritaire interne. Des opérations terroristes meurtrières contre l'armée sont menées de concert par Daech et Al-Nosra. En même temps, le Liban tout entier vit au rythme de la prise d'otages et du chantage ignoble que nous subissons et qui vise à déstabiliser le pays. Les ravisseurs en ont déjà décapité deux, abattus deux autres de sang-froid, et continuent de manipuler cruellement les parents des 25 soldats qui restent détenus.

Mais les défis auxquels le Liban doit faire face dépassent le cadre économique, politique ou sécuritaire. Ils sont d'ordre existentiel. Ils menacent le fondement même du pays, reconnu comme un modèle de coexistence.

Tout cela nous impose de maintenir une cohésion absolue et de poursuivre nos efforts pour contenir ces différents pôles de tension.

La pierre angulaire de cet effort demeure la préservation du bon fonctionnement des institutions, seules garantes des libertés. C'est pour cela que je ne cesse de rappeler à leurs responsabilités les factions politiques libanaises, afin que l'élection d'un Président de la République soit tenue dans les plus brefs délais. Un État doit avoir un chef qui remplisse ses obligations constitutionnelles, à plus forte raison lorsqu'il représente un élément aussi crucial de l'équilibre exigé par l'entente nationale. C'est là une action primordiale pour renforcer l'État et faire face à tous les extrémismes et à leurs conséquences.

La montée de l'extrémisme contribuera à fragiliser la situation, tant au Liban qu'ailleurs. On ne peut y apporter qu'une seule réponse, qui est le renforcement du camp de la modération. Lequel, à son tour, passe forcément par la réparation de ce qui est perçu comme la plus grande injustice de la région, à savoir le règlement sur une base durable du conflit israélo-palestinien – idéalement dans le cadre des résolutions internationales et de l'Initiative de paix arabe, présentée par le roi d'Arabie saoudite et approuvée à l'unanimité au Sommet de Beyrouth en 2002.

Je dois ici louer tous les efforts qui s'exercent dans cette direction, notamment l'appel à la reconnaissance de l'État palestinien.

C'est par la voie de la paix et de la correction des injustices que nous donnerons espoir à ces jeunes en un avenir possible – dont ils n'entrevoient actuellement les contours qu'à travers la violence et l'adhésion à une version corrompue de croyances.

C'est précisément d'avenir qu'il s'agit, lorsque dans mon pays un faisceau d'inquiétudes quotidiennes nous engage à œuvrer pour la coexistence, l'entente et le dialogue. De l'avenir du Liban, certes, mais aussi de l'avenir de l'ouverture, de la démocratie, de la modération, de la tolérance et du « vivre ensemble », que le Liban a su symboliser au cours du temps. C'est tout cela que la communauté internationale doit s'atteler à préserver, sans quoi une faute morale et politique majeure sera commise à rencontre de tous ces symboles.

Dans cette lutte, l'appui de la communauté internationale reste largement insuffisant au regard des besoins. J'en appelle à vous pour que le monde agisse avec un esprit de responsabilité.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Pensez-vous que la nouvelle tentative de rapprochement du secrétaire d’État John Kerry puisse aboutir ? Quel est votre avis sur les initiatives prises par le Président de l’Autorité palestinienne à l’ONU ? Nous espérons à cet égard que le projet de résolution en cours de discussion puisse faire l’objet d’un consensus pour éviter que la situation ne se tende davantage.

Par ailleurs, les responsables politiques libanais réfléchissent à l’abolition du confessionnalisme et à l’éventuelle création d’un Sénat, conformément aux dispositions de l’accord de Taëf, qui a mis fin à la guerre du Liban en 1990. Selon mes informations, l’ancien Président Sleimane y était favorable, Michel Aoun aussi : pensez-vous que ces réflexions puissent aboutir ?

M. Jean-Luc Bleunven. Quelle est la situation de l’eau au Liban ? La France peut-elle vous aider en la matière ?

M. Jacques Myard. Vous vivez en effet dans un environnement très violent. Comment sortir du piège de la Syrie, dans lequel de multiples mouvements terroristes – Al-Nosra, qui est lié à Al-Qaïda, ou Daech – se battent dans le cadre d’alliances mouvantes. A-t-on une solution politique ? Pourrait-on amener autour de la table toutes les parties de la région, y compris l’Iran, l’Arabie saoudite et la Turquie, pour essayer de trouver une solution ?

M. Philippe Baumel. Vous avez accueilli 1,5 million de réfugiés en quelques mois, ce qui déstabilise l’économie du Liban et pèse sur l’ordre politique. Des restrictions d’entrée sur le territoire ont d’ailleurs été annoncées par les autorités libanaises. Sur le court terme, alors que le pays enregistre des difficultés importantes pour l’approvisionnement en eau et en électricité, que les écoles publiques et les hôpitaux sont aujourd’hui saturés, quelles mesures souhaitez-vous voir mettre en place rapidement pour répondre à cette demande croissante en services publics ?

Sur le moyen terme, compte tenu des risques d’instabilité politique et alors que des camps informels voient le jour sur le territoire national, quelles sont les pistes envisagées par votre gouvernement sur le traitement des réfugiés syriens au Liban dans les prochaines années pour sortir de cet état de fait ?

Enfin, des risques d’infiltration de l’État islamique liés à l’afflux de migrants au cours des trois dernières années existent-ils ? Quelles actions envisagez-vous pour éviter cet éventuel impact ?

M. François Rochebloine. Je suis un ami du Liban : mon premier voyage dans ce pays remonte d’ailleurs à octobre 1989, où une trentaine de députés s’y étaient rendus. Nous avons aussi reçu il y a quelques années le général Aoun ici, à l’Assemblée nationale, alors qu’il était en exil en France.

En octobre 1989, la population libanaise manifestait pour un Liban libre, indépendant et souverain. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Par ailleurs, quel rôle joue M. Saad Hariri dans la vie politique libanaise ?

Quelle organisation est mise en place pour l’accueil des réfugiés ? Quel est le financement prévu et d’où provient-il ?

Enfin, comment s’effectue le déminage des mines antipersonnel dans votre pays ?

M. Benoît Hamon. Comment accueillez-vous la proposition française d’une conférence internationale pour mettre à la table des négociations les différentes parties ?

Quelle est l’implication du Hezbollah dans le conflit syrien et quel est son impact sur le terrain ?

Enfin, estimez-vous qu’une partie des réfugiés syriens restera au Liban ? À combien les évaluez-vous ?

M. Axel Poniatowski. Je voudrais réaffirmer combien les liens entre la France et le Liban sont forts et ceux liant nos deux peuples plus forts encore. Ce qui se passe dans votre pays nous inquiète donc.

Pensez-vous que les missions de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) correspondent à la problématique actuelle du Liban ? Que se passerait-il si elle était retirée ?

M. François Loncle. S’agissant de la lutte contre Daech, deux approches prévalent : celle selon laquelle il faut intervenir en Syrie, considérant qu’on ne peut renvoyer dos à dos Daech et la gouvernance syrienne, et celle selon laquelle il ne faut pas le faire. Quelle est l’appréciation du Liban sur ces deux stratégies ?

M. Alain Marsaud. J’étais il y a quelques jours à Ersal, près de la frontière syrienne, et j’ai constaté que les agents de l’État islamique étaient à portée de fusil alors qu’il n’y avait quasiment pas d’armée libanaise pour contrôler la région.

Nombreux ici étaient inquiets de voir que, malgré les déclarations faites sur la mise en œuvre du contrat d’armement entre la France, l’Arabie saoudite et le Liban, rien ne se passait, alors que cette armée avait besoin d’équipements. On nous a dit que les premiers approvisionnements militaires allaient être livrés. Qu’en est-il ? Quels sont les besoins les plus urgents de votre armée et quand escomptez-vous les voir satisfaits ?

M. Philippe Goujon. Le Liban ajoute à une crise économique et sociale une crise institutionnelle majeure, qui sans l’empêcher complètement de fonctionner, paralyse beaucoup d’évolutions, qu’il s’agisse de l’élection des députés ou d’un Président de la République. Quel est votre avis sur la possibilité de sortir de cette crise institutionnelle dans des délais acceptables ?

M. Jean-Paul Dupré. Quelles sont les incidences pour le Liban de la situation en Syrie et en Irak ? Peuvent-elles conduire à une déstabilisation des institutions ?

Quelle est la situation de l’armée libanaise dans la région d’Ersal et de Tripoli vis-à-vis des djihadistes ?

M. Jean-Jacques Guillet. Quel est l’avenir du pacte national revu et corrigé à Taëf, alors que certains évoquent, y compris dans la presse libanaise, la possibilité de recréer un État chrétien ?

M. Tammam Salam. Vos nombreuses questions révèlent beaucoup d’inquiétudes au sujet du Liban.

S’agissant de la situation interne du pays, nous avons connu des moments difficiles, entre onze mois de paralysie pour constituer un gouvernement et la formation d’un gouvernement de coalition, conçu comme un filet de sécurité pour une période critique.

Mais nous avons rétabli l’ordre et la sécurité dans le pays en deux à trois mois et renforcé l’administration en nommant 45 directeurs généraux, ce qui a créé un climat positif. Puis nous avons eu la vacance de la présidence de la République et la situation a traîné à nouveau. Notre Parlement a été encore une fois presque paralysé et, alors que le Gouvernement allait connaître le même sort, nous avons trouvé un modus vivendi entre les factions politiques – qui sont presque toutes représentées dans le gouvernement de coalition.

Le Gouvernement travaille de son mieux, mais reste confronté à une crise politique, qui empêche d’élire un nouveau Président de la République. Cette question très importante se pose à nous chaque semaine. À cet égard, l’aide internationale et régionale reste toujours très importante.

Si les Libanais ont parfois échoué, nous avons un système démocratique qui, malgré quelques faiblesses, a plusieurs fois sauvé le pays. Nous tenons à notre démocratie et l’accord de Taëf est toujours de rigueur. Nous n’avons pas d’autre alternative pour le moment que de le maintenir.

Je pense que nous arriverons prochainement à élire un nouveau Président de la République, car les factions politiques sentent combien cette vacance constitue un danger.

Même nos amis, notamment la France, ont commencé à bouger dans le cadre régional et international pour favoriser une situation de nature à nous aider.

De façon traditionnelle, notre pays a d’ailleurs profité de l’aide internationale et régionale en la matière. Sur les douze présidents de la République depuis notre indépendance en 1943, une majorité a été appuyée et influencée par des forces étrangères – le dernier Président a été élu à Doha, au Qatar, dans le cadre d’une conférence d’aide au Liban. Nous avons donc besoin d’une aide extérieure à cet égard.

Je ne crains ni pour notre souveraineté ni pour notre indépendance. Nous ne sommes pas dans la situation que nous avons connue il y a une vingtaine ou une trentaine d’années, où le Liban était au bord de l’implosion. Une coexistence forte demeure malgré les problèmes politiques.

Il est vrai que les réfugiés syriens pèsent lourd sur notre pays. Les Libanais les ont accueillis librement dans leurs maisons, leurs quartiers, leurs villages ou leurs villes. Je pense que lorsque la guerre aura cessé en Syrie, ils retourneront chez eux. Mais, en attendant, nous avons besoin d’un soutien régional et international.

Un groupe de soutien pour le Liban – auquel la France a participé – a été formé en septembre 2013 à New York et un fonds a été constitué pour soutenir le pays. J’ai appris aujourd’hui que celui-ci a reçu hier 21 millions de livres de la Grande-Bretagne. Mais si ce fonds bénéficie aujourd’hui de 60 à 70 millions de dollars, selon la Banque mondiale, la perte pour le Liban liée aux réfugiés syriens est estimée à 7,5 milliards de dollars. Nous sommes donc encore très loin de couvrir les besoins : si ce fonds était doté de 500 millions à 1 milliard de dollars, on pourrait avancer dans la résorption de la situation.

Concernant les extrémismes, je puis vous dire que l’ordre est assuré dans toutes les régions du pays. Il y a deux mois, une opération militaire a permis de mettre fin au terrorisme à Tripoli et, maintenant, tous les Libanais sont unis contre l’extrémisme et le terrorisme.

Reste que nous avons des attentats de Daech et Al-Nosra à nos frontières est, ainsi que des prises d’otages. Nous avons besoin d’armes et d’aides militaires pour lutter contre ces attaques terroristes. Si l’accord avec la France et l’Arabie saoudite a pris du temps à être mis en œuvre – conçu au début de 2014, il a été signé il y a seulement un mois environ –, il devrait nous permettre de recevoir des armes. Nous aimerions en tout cas qu’elles nous soient livrées très vite. Il nous manque notamment des hélicoptères munis de missiles, même si les Américains nous ont déjà livré des missiles. Pour l’instant, nous n’avons que deux hélicoptères.

Si nous avons une armée de 80 000 hommes prêts à remplir leurs missions, leur combat n’est pas pour demain, mais pour maintenant. Les terroristes nous attaquent chaque semaine, chaque jour presque. Ils ont récemment tué un otage et nous lancent chaque semaine des ultimatums en menaçant d’en tuer un autre si nous ne leur restituons pas des prisonniers : ils en veulent cinq pour chaque otage, ont des exigences extrêmes, manipulent les familles de leurs détenus et essaient de prendre tout le pays en otage.

Vous avez réussi à régler la question de vos otages avec discrétion et professionnalisme, tandis que chez nous la liberté de la presse et la crise politique ne favorisent pas les négociations avec Daech et Al-Nosra – ce qui ne nous empêche pas d’essayer de trouver des solutions.

Je précise que nous n’avons pas fermé nos frontières. Mais face à l’afflux de migrants économiques, nous les avons régulées en cherchant à distinguer les véritables réfugiés. D’ailleurs, les Turcs et les Jordaniens ont instauré des contrôles depuis un ou deux ans, sans que personne ne leur demande pourquoi.

Jusqu’ici, la participation de la communauté internationale et de la France a été limitée dans ce domaine. La semaine dernière, le programme d’aide alimentaire international pour les réfugiés a été interrompu, ce qui a créé immédiatement une situation sécuritaire difficile. Heureusement, des démarches ont été mises en œuvre pour relancer ce programme.

S’agissant de la situation en Syrie, pour mettre fin à l’extrémisme, il faut encourager les modérés dans la région, ce qui suppose de rétablir la paix. Sans celle-ci, notamment entre les Palestiniens et les Israéliens, les extrémistes continueront à jouer un rôle important.

Mais on ne peut mettre fin à Daech et à Al-Nosra seulement par des attaques aériennes : il faut une intervention sur le terrain, avec une concertation entre la coalition et tous les pays de la région pour trouver une solution à la violence. À cet égard, le conflit entre Américains et Russes n’aide pas, que ce soit en Ukraine ou en Syrie. Si les Nations unies proposent des solutions, tant qu’Américains et Russes ne se mettront pas d’accord, on ne règlera pas la situation, malgré tous nos efforts. La France essaie à cet égard de jouer un rôle de médiation, qui n’est pas facile.

Quant au Hezbollah, il est toujours en Syrie, ce qui n’aide pas le Liban. Nous avons essayé au début – ce mouvement participant à notre gouvernement – d’adopter une politique de dissociation vis-à-vis de la guerre en Syrie, mais on n’est pas parvenu jusqu’ici à l’appliquer complètement – ce qui ne nous empêche pas de poursuivre l’effort.

Je confirme que Saad Hariri est un des principaux acteurs de la politique libanaise, même s’il est hors du pays. Il représente une faction confessionnelle à presque 90 % et le Courant du futur, qu’il préside, a récemment décidé d’engager un dialogue avec le Hezbollah pour apaiser le climat confessionnel, notamment entre les chiites et les sunnites. Cela peut aider dans la résorption des problèmes politiques.

Quant à la situation à nos frontières sud, grâce à la FINUL et à l’aide internationale, la situation tient bien et nous remercions la France pour son effort.

S’agissant du déminage, les Belges, qui nous ont apporté l’aide principale, se sont retirés de la FINUL, mais souhaitent continuer à nous soutenir dans d’autres domaines. La France nous apporte toujours de son côté son soutien dans le cadre de la FINUL et pour le déminage.

Concernant la question de l’eau, nous essayons d’avancer. Nous avons cette année connue une crise liée à une sécheresse, mais j’espère que ce problème ne se posera pas l’an prochain, d’autant qu’il a commencé à pleuvoir très tôt. Le code de l’eau est actuellement en débat au Parlement : je souhaite qu’il aboutisse et que nous puissions ainsi régler la question.

La question de l’abolition du confessionnalisme pourra être traitée plus tard, dans un climat politique plus favorable.

Si nous parvenons à rétablir la paix en Syrie, je pense que 90 % des réfugiés syriens rentreront chez eux. Je rappelle que ce pays est riche, quinze fois plus grand que le Liban et a des moyens plus importants : sa reconstruction nécessitera l’action non seulement des Syriens, mais aussi d’autres personnes. Je n’ai pas d’inquiétude à ce sujet.

Mais, pour le moment, un grand nombre de réfugiés restera au Liban, pour un, deux ou trois ans.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci, Monsieur le Président du Conseil, pour la précision de vos réponses.

Nous sommes particulièrement touchés et honorés que vous ayez accepté de venir devant nous avec vos ministres et votre chargé d’affaires. Nous avons bien entendu votre souhait d’une aide accrue, de la France notamment, à la fois pour l’accueil des réfugiés et sur le plan militaire, et nous ferons le meilleur usage de tout ce que vous nous avez dit. Nos pays et nos peuples sont unis par des liens si étroits que nous ferons le maximum, ici à l’Assemblée nationale, pour vous aider à sortir au mieux de cette difficile situation.

M. Tammam Salam. Les relations entre nos deux pays sont en effet historiques. J’en veux pour preuve par exemple que le français dans lequel je m’exprime m’a été enseigné en classe de septième au lycée français, il y a une soixantaine d’années. La France est très présente dans notre pays. Nous y sommes attachés, de même qu’au lycée français et à tous les liens que les Libanais gardent avec votre nation. Notre peuple fonde beaucoup d’espoir en l’avenir avec vous. Merci beaucoup de votre accueil.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie.

La séance est levée à dix-sept heures quarante.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 10 décembre 2014 à 16 h 30

Présents. - Mme Nicole Ameline, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Gérard Charasse, M. Guy-Michel Chauveau, M. Michel Destot, M. Jean-Paul Dupré, Mme Valérie Fourneyron, M. Jean Glavany, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, M. Benoît Hamon, M. Patrick Lemasle, M. François Loncle, M. Alain Marsaud, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. François Rochebloine, Mme Odile Saugues, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Pouria Amirshahi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Gwenegan Bui, Mme Chantal Guittet, M. Serge Janquin, M. Armand Jung, M. Pierre Lequiller, M. Lionnel Luca, M. Patrice Martin-Lalande, Mme Marie-Line Reynaud, M. René Rouquet, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Guy Teissier, M. Michel Vauzelle