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Commission des affaires étrangères

Mardi 16 décembre 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Paul Giacobbi, vice-président

– Audition de Mme Anne Paugam, directrice générale de l’Agence française du développement (AFD).

Audition de Mme Anne Paugam, directrice générale de l’Agence française du développement (AFD).

La séance est ouverte à dix-sept heures trente-huit.

M. Paul Giacobbi, président. Nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi Mme Anne Paugam, directrice générale de l'Agence française de développement (AFD), accompagnée de M. Jacques Moineville, directeur général adjoint. C'est la troisième fois que nous vous recevons cette année, madame la directrice générale, ce qui traduit l'intérêt que nous portons aux questions relatives à l'aide au développement et, par conséquent, à l'activité de l’Agence.

Au mois de mai, vous nous avez présenté le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'Agence pour la période 2014-2016, sur lequel nous avons rendu à l'unanimité un avis favorable assorti toutefois de plusieurs recommandations.

À ce sujet, je ne peux manquer de relever que ce COM, qui a commencé à être discuté entre l'Agence et ses tutelles en octobre 2013, n'a toujours pas été signé par vos tutelles, alors qu'il aurait dû entrer en vigueur le 1er janvier de cette année. Selon les informations que nous avons obtenues ces derniers jours, cette signature serait imminente, ce qui était déjà l'information que Mme Girardin nous avait donnée le 8 octobre... Vous nous direz sans doute votre sentiment sur ces retards. Le cas échéant, nous interrogerons à nouveau la secrétaire d’État.

La commission avait émis le souhait que l'engagement du Gouvernement d'augmenter les fonds propres de l'AFD à hauteur de 840 millions d'euros par l'affectation dès 2014 de 80 % des résultats de l'Agence soit pleinement respecté et qu’il soit intégré dans le COM. Pouvez-vous nous dire si la dernière version du projet tient compte de ce souhait ? Le ratio établi par le Comité de Bâle entre les fonds propres et les engagements de crédits s’applique, j’imagine, à votre agence comme à tous les autres établissements de cette nature.

Nous avions également insisté sur d'autres aspects, notamment sur le fait que la ventilation des moyens mis en œuvre dans les différentes zones géographiques était insuffisamment détaillée, ou encore sur la contribution de l'Agence au rayonnement économique de notre pays, sujet qui figure expressément dans le COM et auquel nous attachons une particulière importance. Bien que le COM ne soit pas encore signé, vous aborderez sans nul doute ces points.

Enfin, 2015 sera une année importante pour la France, qui organisera en décembre la conférence de Paris sur le climat. La conférence de Lima s’est achevée par un accord sur un vague calendrier et sur quelques orientations, c'est-à-dire sur à peu près rien. Cela n’a pas empêché les diplomates de s’en déclarer satisfaits. Quel rôle l'AFD pourra-t-elle jouer en matière de lutte contre le changement climatique ? Ce n’est pas elle, bien entendu qui inversera les choses, mais elle peut privilégier des projets qui, d’une manière ou d’une autre, contribuent à la prévention du risque.

Mme Anne Paugam, directrice générale de l'Agence française de développement (AFD). Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous aviez formulé lors de nos précédentes rencontres le souhait d’être mieux informés de l’activité concrète de l’Agence française de développement en application de la politique du Gouvernement. Nous étions donc convenus de nous revoir plus fréquemment dans ce but.

Comme vous l’avez signalé, cette audition est la troisième devant la commission des affaires étrangères en 2014. Elle est aussi, depuis ma nomination, ma sixième rencontre avec des membres de cette commission. À l’invitation de votre présidente, Mme Élisabeth Guigou, que je remercie, nous devrions nous revoir à intervalles très réguliers – au moins trois fois par an –, ce dont je me réjouis.

Je concentrerai mon propos liminaire sur deux points : le bilan de notre action en 2014 et l’AFD en tant qu’outil bilatéral au service de l’influence française.

Comme vous l’avez indiqué, le contrat d’objectifs et de moyens est en cours de signature. Je ne peux que redire ce que vous ont dit les représentants du Gouvernement, qui sont maîtres en la matière. Sur la question de savoir où ce COM se trouve exactement dans le circuit de signature, je vous invite à interroger directement les ministres concernés.

Ce dont je puis vous assurer, c’est qu’il constitue d’ores et déjà la feuille de route de l’Agence, y compris pour l’année 2014. Les éléments de bilan que je vais vous produire à cet égard répondront largement, je pense, à ces questions, s’agissant en particulier de la ventilation géographique des activités de l’AFD et de notre contribution au rayonnement économique de la France.

Sur le sujet particulier du ratio de fonds propres, je voudrais remercier votre commission de sa vigilance et de son souci de s’assurer que l’Agence continue d’avoir les moyens d’exercer sa mission. Je peux déjà vous dire que la lettre de M. Pierre Moscovici, alors ministre de l’économie et des finances, décrivant les mesures précises et concrètes de renforcement des fonds propres sera annexée au contrat d’objectifs et de moyens. Ces dispositions seront respectées dans la loi de finances pour 2015, nous n’avons pas d’inquiétudes à ce sujet.

L’Agence tiendra dans deux jours son dernier conseil d’administration de l’année 2014. Sous réserve des approbations et des décisions de ce conseil, je souhaite vous communiquer les principales tendances.

L’année 2014 aura vu l’adoption d’une loi d’orientation historique pour l’aide publique au développement et pour notre Agence, qui se voit fixer un cap renouvelé.

L’AFD aura atteint l’ensemble des objectifs qui lui ont été assignés dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens pour l’année 2014, et elle aura soutenu les priorités diplomatiques françaises y compris dans les situations de crise.

Comme il était prévu dans le COM, l’activité dépassera en 2014 les 8 milliards d’euros, pour atteindre 8,1 milliards. Bien entendu, le chiffre n’est pas à saluer pour lui-même mais pour les effets obtenus au bénéfice des populations et de notre activité. Il est un peu tôt pour produire les chiffres d’impact pour 2014 car la collecte est encore en cours. Pour 2013, cependant, je rappelle que les financements de l’AFD ont soutenu près de 900 000 exploitations agricoles familiales, ont permis d’augmenter de 35 millions le nombre de passagers par an dans les transports publics, de donner à plus de 1,5 million de personnes un accès pérenne à une source d’eau potable améliorée.

L’objectif de 8,1 milliards d’euros aura été atteint en dépit d’un gel budgétaire tardif de 70 millions, annoncé en octobre, sur la ressource de bonification permettant d’offrir les conditions d’emprunt les plus favorables notamment aux partenaires africains les moins avancés. Si nous avons pu réussir ce tour de force, c’est principalement pour une raison conjoncturelle : les taux d’intérêt long sont aujourd'hui extrêmement bas. Cette situation ne saurait néanmoins se prolonger durablement. Il importe donc que, dans les trois ans qui restent pour l’exécution du COM, les enveloppes de bonification demeurent stables afin que nous puissions intervenir durablement en Afrique aux côtés des États les plus pauvres. Il faut que les programmes 110 et 853 respectent l’hypothèse de stabilité sous-jacente au COM.

Lors du débat sur ce contrat, vous avez été nombreux à regretter qu’un document détaillant les moyens budgétaires ne lui soit pas annexé, contrairement au COM précédent. Je vous avais indiqué que l’hypothèse de travail retenue était la stabilité de moyens, stabilité sur laquelle j’insiste à nouveau.

L’Agence a confirmé en 2014 sa priorité africaine. Durant cette année, elle a engagé dans les grandes masses 2,5 milliards d’euros en Afrique subsaharienne, 1 milliard en l’Amérique latine, 1 milliard en Asie, 1 milliard en Méditerranée et 1,5 milliard dans les outre-mer français. Il faut ajouter à ces montants 1 milliard utilisé par Proparco, dont la moitié de l’activité est réalisée en Afrique.

La priorité africaine se retrouve dans les volumes globaux. Sur le continent africain au sens du sommet de l’Élysée, c'est-à-dire la zone concernée par l’engagement du Président de la République et incluant le Maghreb, notre activité représente 3,5 milliards d’euros en 2014, conformément au rythme d’accroissement des volumes de financement que nous nous sommes engagés à mettre en place sur cinq ans pour atteindre l’objectif annoncé par le Président de 20 milliards pour le continent entre 2014 et 2018.

La priorité africaine apparaît également dans l’usage de la ressource budgétaire allouée à l’Agence. En 2014, 90 % de l’effort financier de l’État aura été consacré à l’Afrique et au pourtour méditerranéen, soit plus que l’objectif de 85 % qui nous avait été assigné. En d’autres termes, la quasi-totalité des euros qui viennent du contribuable français sont mis au service de cette priorité.

Une autre priorité que vous rappelez à juste titre est celle des dons en direction des pays les plus pauvres. L’objectif fixé, en l’occurrence, était que deux tiers de ces dons aillent aux seize pays pauvres prioritaires. Il sera atteint en 2014. Les premiers bénéficiaires sont des pays sahéliens. Le volume des financements, dons et prêt bonifiés hors Proparco au bénéfice des seize pays pauvres prioritaires a augmenté en 2014 par rapport à 2013, passant de 677 à 773 millions d’euros.

La vision du continent africain est souvent binaire : les « afro-optimistes » insistent sur la croissance et le potentiel de l’Afrique tandis que les « afro-pessimistes » ne voient que des pays en crise. L’optique de l’Agence et de l’ensemble de ses collaborateurs est plutôt de mobiliser tous les leviers de développement disponibles, publics comme privés, qu’il s’agisse d’accompagner les stratégies de croissance ou qu’il s’agisse de prévenir ou de réduire les facteurs de crise.

Je voudrais évoquer plus particulièrement notre action au Sahel. Nous avons engagé dans cette zone près de 500 millions d’euros en 2014. Nous prévoyons de maintenir cette tendance en 2015 et 2016. L’Agence travaille dans le cadre d’une stratégie définie par le Gouvernement, qui inclut d’autres dimensions que vous connaissez, notamment en matière de défense. Elle s’emploie à fournir des services de proximité aux populations de manière à restaurer la confiance ; à restaurer ou renforcer la légitimité des pouvoirs publics – cette légitimité est parfois entamée, ce qui est une cause d’instabilité – ; à favoriser des dynamiques de développement endogène.

Nous avons par exemple mis en place au Mali une « facilité ONG » de 8 millions d’euros en 2014, avec la Croix-Rouge française, Médecins du monde et Handicap international, pour la mise à niveau de soins de base dans les régions de Gao et de Tombouctou. Le conseil d’administration qui se tiendra après-demain examinera un projet financé par la taxe sur les transactions financières dans le cadre de l’ « Initiative  Santé Sahel », pour un montant de 13 millions d’euros. Ce projet vise à étendre le dispositif à la région de Mopti.

Notre effort vise également à mieux exploiter les potentiels d’activité économique licite. La sécurité des territoires est liée à leur occupation par les habitants et cette occupation dépend de la possibilité, pour les populations, de valoriser économiquement lesdits territoires. Nous accompagnons donc des projets d’agriculture irriguée, de développement de villes secondaires pour absorber le surplus démographique des campagnes, d’élevage pastoral et des filières associées. Au Tchad, notre appui au pastoralisme pendant trente ans est reconnu comme un des facteurs clés de l’apaisement des conflits entre agriculteurs et éleveurs nomades. Concernant le Mali, nous proposerons au conseil d’administration un projet d’une ampleur inédite – 33 millions d’euros – de soutien aux filières agro-pastorales dans les régions de Ségou et de Tombouctou, qui mobilisera l’ensemble des acteurs, y compris locaux.

Je veux souligner à cet égard que l’Agence et ses collaborateurs travaillent de plus en plus en zone rouge, ce qui n’est pas sans poser des défis quant à la réalisation des projets et la sécurité de nos personnels. Nous essayons de tirer les enseignements des opérations d’urgence que nous avons réalisées notamment au Nord-Mali en 2013, soit via des ONG, soit en collaboration avec le dispositif Serval. Je pense par exemple à la réhabilitation d’installations de distribution d’eau ou d’électricité à Mopti, à Gao et à Tombouctou.

Nous aurons aussi confirmé en 2014 l’importance de la question du climat dans l’activité de l’Agence. L’objectif qui nous est fixé, vous ne l’ignorez pas, est de consacrer plus de la moitié de nos financements à des projets ayant simultanément un impact de développement et un bénéfice en matière de climat. Quand un projet reçoit un label « climat », c’est qu’il est relatif aux infrastructures, à l’eau, au développement rural, etc., tout en engendrant un « co-bénéfice » soit par atténuation du changement climatique, soit par adaptation au changement climatique. Cet objectif qui nous est fixé par le Gouvernement est très fort. À ma connaissance, nous sommes la seule agence de bailleurs de fonds à le pratiquer. Nous l’atteindrons et le dépasserons même légèrement, ce qui est important dans une année qui nous mène à la vingt et unième conférence sur le climat. Il illustre ce que l’on appelle « l’agenda des solutions », qui comprend des projets de transports collectifs favorisant l’activité économique et atténuant l’impact carbone, des projets d’électrification rurale recourant aux énergies renouvelables, des projets de géothermie, d’aménagement urbain, etc. Il est possible de concilier climat et développement !

Plus généralement, l’Agence est très engagée sur différents thèmes, en particulier le sujet de la ville durable et celui du développement et du climat. Nous nous efforçons d’avoir un rôle moteur pour entraîner les autres bailleurs de fonds à prendre des engagements aussi forts que le nôtre.

Comme vos questions avaient été nombreuses sur ce sujet, je me permets de suggérer que nous lui consacrions une séance dédiée.

Vous m’aviez également interrogée sur la manière dont nous travaillons avec l’Europe. En 2014, nous aurons mobilisé 137 millions d’euros de ressources de l’Union européenne en complément ou en appui de nos financements, soit à travers les « facilités européennes », qui sont des facilités régionales, soit à travers des délégations de fonds, l’Union nous déléguant la mise en œuvre de certains projets ou programmes. Le total des financements européens que l’Agence a mobilisés depuis 2007 est ainsi porté à 718 millions d’euros. Il sera important de conserver dans le schéma de fonctionnement de la Commission 2014-2020 ce dispositif permettant l’articulation entre un bailleur européen – l’AFD, la KfW, la Banque européenne d’investissement, etc. – et les fonds européens pour produire des effets de masse ou des effets de levier, et pour conserver le leadership européen s’agissant de la mobilisation de ces facilités.

Je terminerai en évoquant quelques secteurs d’intervention.

En 2014, les financements de l’AFD se sont principalement répartis en 23 % pour le secteur de l’énergie, 20 % pour la gestion urbaine, 11 % pour les secteurs sociaux, 9 % pour l’eau et l’assainissement et 8 % pour le secteur privé.

Nous avons consacré 1,9 milliard d’euros à l’énergie, dont 700 millions en faveur des énergies renouvelables. Ce secteur est à la confluence des sujets sociaux, économiques et climatiques. L’agenda que se fixe l’Agence cherche à répondre simultanément à tous ces défis.

Ces tendances de 2014 seront poursuivies en 2015 et mises au service, notamment, des négociations menées par le Gouvernement sur différents sujets : la conférence sur le climat, bien entendu, mais aussi la conférence qui se tiendra en juillet à Addis-Abeba sur le financement du développement, ou encore la finalisation de la redéfinition des objectifs de développement, en particulier les objectifs de développement durable.

Conformément aux objectifs du COM, nous ferons des efforts supplémentaires de lisibilité et de communication, notamment par des publications aux normes dites « IATI » (International Aid Transparency Initiative). Les informations relatives aux seize pays pauvres prioritaires seront publiées selon ces normes d’ici la mi-2015. De manière plus générale, l’Agence organisera des événements en direction du grand public. Une exposition interactive sur les enjeux du développement durable et de la lutte contre le changement climatique démarrera à l’occasion de la conférence de Paris sur le climat et partira sur les routes de France tout au long de 2016 et 2017. Nous assurerons également une présence forte au Salon de l’agriculture, dont le thème sera « agriculture et climat ». En partenariat avec le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), nous avons lancé un concours sur l’innovation dans ce domaine. Le prix sera attribué lors du Salon.

Si nous mettons l’accent sur la communication en direction du grand public, c’est que le sondage annuel financé par l’Agence a montré en 2014 encore que les sondés sont très désireux de connaître dans le détail ce que l’Agence et la France font en matière d’aide au développement.

J’en viens à la deuxième partie de mon propos, qui se trouve en filigrane de tout ce que je viens de dire précédemment : l’Agence est un outil bilatéral au service des priorités françaises en matière de développement. Elle sert cet agenda de différentes manières.

Je viens d’évoquer son action en matière de diplomatie climatique.

Mais l’Agence sert aussi les priorités diplomatiques en matière de réponse aux crises, par exemple quand elle se mobilise pour faire face à la situation en Centrafrique. Dans ce pays où plusieurs d’entre vous se sont rendus cette année, l’Agence n’a pas cessé de travailler, même au plus fort de la crise. Elle a poursuivi ses activités et financé différents travaux à haute intensité de main-d’œuvre. Elle soutient quatre centres de santé dont l’opérateur est la Croix-Rouge française et tente d’en développer hors de Bangui. Elle a été à l’origine d’un fonds multibailleurs, le fonds Bêkou, repris et porté ensuite par l’Union Européenne. D’ores et déjà, ce fonds nous a délégué la mise en œuvre de nouveaux projets, en particulier un projet à haute intensité de main-d’œuvre pour la réhabilitation de quartiers détruits par les violences du début de l’année.

Nous nous mobilisons également aux côtés des réfugiés syriens, notamment au Liban et en Jordanie, en appui des collectivités qui accueillent cet afflux de population.

Mobilisation également pour lutter contre le virus Ebola en Guinée. Pour faire face à l’urgence, l’AFD a préparé le financement, le montage et la mise en place du centre de traitement de Macenta, géré par la Croix-Rouge française et inauguré par Mme Annick Girardin à la mi-novembre. L’AFD assure également un accompagnement dans le long terme : les financements qu’elle apporte à l’institut Pasteur, notamment à Conakry, renforcent les capacités locales de détection et de traitement.

En matière de diplomatie économique, l’AFD et ses tutelles ont élaboré une feuille de route approuvée par son conseil d’administration, qui cadre la contribution de l’Agence à l’influence économique française – ceci à l’intérieur de son mandat qui est le financement du développement.

Cette feuille de route définit trois axes.

Premièrement, renforcer et organiser de manière systématique les échanges d’informations et la veille avec la communauté d’affaires française, à Paris mais aussi dans les agences, dans le but d’éclairer le choix des secteurs d’intervention de l’AFD. Chaque fois que cela est possible, l’Agence, en réponse à la demande des pays partenaires, finance des secteurs d’intervention où il existe une expertise française et des entreprises françaises détenant des savoir-faire qui leur donneront la possibilité de répondre aux appels d’offres.

Il y a bien sûr une déclinaison, dans l’esprit des partenariats différenciés que vous avez approuvés par la loi et dans l’esprit du COM. Dans un pays sahélien francophone très pauvre et en crise, où la France est présente dans le secteur de l’éducation depuis vingt ou trente ans, je doute que l’on nous demande de cesser le financement de l’éducation au motif qu’il n’y a pas à la clé des contrats avec des entreprises françaises. Dans d’autres secteurs en revanche, nous aurons une nette préférence pour ceux où il existe des entreprises françaises, pour peu que cela réponde aux priorités du pays concerné.

Cette dimension est centrale dans nos activités dans les pays émergents, où nous intervenons sans coût pour l’État, c'est-à-dire sans bonification, et où les sujets ne sont pas l’éducation ou la lutte contre la pauvreté. Nous travaillons à la bonne identification de l’offre française avec nos collègues d’Ubifrance, de la Banque publique d’investissement (BPI) et des services économiques. Des mémorandums d’entente (memorandum of understanding ou MOU) seront bientôt signés avec Ubifrance et la BPI. Il est essentiel pour nous de disposer de l’ensemble de ces informations et de partager celles que nous détenons sur les grands programmes d’investissement des acteurs publics avec la communauté d’affaires française.

Ce travail est complété par l’élévation des exigences formulées dans les appels d’offres – point sur lequel vous aviez appelé mon attention lors d’une audition précédente. Pour certains projets à forte dimension environnementale et sociale, notamment des gros marchés de travaux dont on sait qu’il est très difficile d’y faire valoir des valeurs ajoutées en dehors de technologies de pointe et où le risque est fort que des entreprises peu respectueuses des normes environnementales et sociales l’emportent en cassant les prix, nous avons mis en place des clauses de préqualification ou de qualification renforcées. La dizaine de pilotes que nous avons mis en place ont tous donné des résultats à ce jour.

En matière de financement de l’expertise, je rappelle que nous ne jouons pas dans la même catégorie que nos camarades allemands ou japonais, qui bénéficient, pour ce seul financement, d’au moins un milliard d’euros de budget annuel en dons, à comparer avec la vingtaine de millions dont est doté notre FEXTE (fonds d’expertise technique et d’échanges d’expériences). Il nous faut être très agiles pour obtenir des résultats avec si peu de moyens !

Néanmoins, ce plan d’action mis en œuvre depuis un an porte d’ores et déjà ses fruits. Le travail sur les normes et le renforcement des exigences environnementales et sociales dans la préqualification ou la qualification des entreprises ont permis d’écarter des entreprises, , qui ne peuvent se conformer à ces exigences. Peut-être s’adapteront-elles un jour, ce dont il faudra se réjouir : nous aurons alors atteint notre objectif de convergence par le haut des normes environnementales et sociales. Aujourd'hui, en tout cas, nous évitons le dumping par le bas.

Notre action bilatérale consiste aussi dans l’accompagnement d’autres acteurs français du paysage de l’aide, tels que les ONG et des centres de recherche comme le CIRAD et l’IRD (Institut de recherche pour le développement), ainsi que des partenariats renforcés avec la coopération décentralisée. L’AFD est bien réellement un outil bilatéral : ce n’est pas une Banque mondiale en modèle réduit. Elle respecte les priorités qui lui sont fixées par le Gouvernement, qu’elles soient géographiques ou qu’elles concernent la mobilisation de l’euro du contribuable. Elle essaie de contribuer aux priorités diplomatiques de la France soit dans les pays en crise, soit en matière d’influence économique, soit en matière de diplomatie écologique ou d’accompagnement des autres acteurs publics à l’étranger.

Mme Nicole Ameline. Quel degré de priorité donnez-vous au soutien aux pays en crise du pourtour méditerranéen comme l’Égypte ou la Tunisie, qui ont une importance directe pour la stabilité de notre pays ? On a souvent l’impression que les britanniques font preuve de plus de flexibilité que les français. Un redéploiement rapide de l’aide vers ces pays en grande difficulté semble nécessaire.

Dans mes fonctions internationales, je constate que l’indice de développement humain est particulièrement faible en Afrique de l’Ouest : beaucoup de pays se situent entre le 170e et le 180e rang. À cet égard, les questions de gouvernance sont centrales. On voit bien, par exemple, que la pauvreté engendre le terrorisme. Comment parvenir à soutenir les politiques publiques ? Votre démarche ne devrait-elle pas intégrer davantage le renforcement des capacités des États, la lutte contre la corruption sous toutes ses formes et le respect des droits fondamentaux, notamment les droits des femmes ?

M. Philippe Baumel. Vous soulignez que l’AFD est un outil bilatéral de développement et évoquez la situation dans différents pays, dont la Centrafrique. Or l’Agence n’oriente directement que 30 millions d’euros vers la République centrafricaine, ce qui peut paraître faible au regard de l’état de délabrement général d’un pays qui, depuis que l’armée française est intervenue, n’a malheureusement pas retrouvé de structures étatiques et administratives. L’AFD soutient-elle des programmes de formation de cadres qui pourraient aider à restructurer un État particulièrement déficient ?

Vous avez également mentionné l’action menée par l’AFD, notamment en coopération avec l’Institut Pasteur, contre l’épidémie de fièvre Ebola en Guinée. Au-delà de ces actions qu’il convient de saluer, comme le Président de la République l’a d’ailleurs fait sur place, l’Agence consacrera-t-elle un programme spécifique à la recherche d’un vaccin susceptible d’éradiquer la maladie ?

Vous avez enfin souligné l’importance de l’accès à l’énergie sur le continent africain et les enjeux climatiques qu’il emporte. Quelles grandes orientations souhaitez-vous privilégier face à l’explosion de la demande énergétique que provoque l’activité économique ? Comment aider plus particulièrement certaines formes de production ? Comment accompagner le développement plus marqué de certaines zones que les plus optimistes appellent « corridors de développement » ?

M. Thierry Mariani. Il est normal d’accorder la priorité à l’Afrique mais, dans la zone Asie-Pacifique dont je suis l’élu, on a l’impression d’être réduit à la portion congrue en matière de financements de l’AFD. Que reste-t-il exactement pour les pays de cette zone ? Je vous invite, si vous le voulez bien, à m’adresser une note sur ce que l’Agence y a réalisé en 2014.

M. Jean-René Marsac. Les deux tiers des dons accordés par l’AFD vont aux seize pays pauvres prioritaires, avez-vous indiqué, étant entendu que ces dons représentent une capacité d’intervention relativement faible. Par ailleurs, 8 % de votre intervention concerne le secteur privé. Compte tenu de la faiblesse des dons et de la difficulté à prêter à des pays peu solvables, comment aider le développement d’une activité privée ? En particulier, que représente l’intervention de Proparco dans les seize pays mentionnés ?

Nous comprenons que l’intervention de l’Agence vise essentiellement les infrastructures, les équipements et les investissements, mais qu’en est-il de la formation professionnelle, levier important de développement dans les pays les plus pauvres ?

Les mouvements d’économie sociale et coopérative s’internationalisent de plus en plus. Travaillez-vous avec eux ? De quelle manière ? Ne conviendrait-il pas d’élaborer une stratégie d’échanges coopératifs plus forte ?

Nous avons récemment approuvé ici même le 11e Fonds européen de développement (FED). Vous jugez satisfaisante la coordination entre l’AFD et le FED. Comment voyez-vous cette articulation sur le terrain ? Selon vous, la budgétisation envisagée de ce fonds facilitera-t-elle le travail ?

M. Jean-Pierre Dufau. Nous sommes très heureux de vous voir plus souvent, madame la directrice générale ! Maintenant que ces rencontres périodiques sont institutionnalisées, j’espère que nous continuerons d’être mieux informés en quantité et en qualité. En améliorant l’écoute réciproque, nous pourrons faire évoluer les choses.

La loi d’orientation et de programmation que nous avons votée distingue les subventions et les dons. Pourriez-vous expliquer quelle est la différence entre ces deux notions ?

Le même texte évoque longuement les « financements innovants », lesquels ne semblent pas trouver de traduction concrète à ce jour. La taxe européenne sur les transactions financières fait un peu figure d’Arlésienne et les premières discussions ne nous incitent guère à l’optimisme.

La priorité que l’AFD accorde à l’Afrique est incontestable, même si les chiffres que vous produisez agglomèrent des montages financiers et des formes d’intervention très divers. Les dons, auxquels vous savez que nous tenons tout particulièrement, ne sont manifestement pas à la hauteur de la situation. Ils ont considérablement baissé au fil des ans, ne s’élevant plus aujourd'hui qu’à environ 200 millions d’euros.

Face à l’épidémie de fièvre Ebola, la réaction de la France et de l’AFD a été remarquable et remarquée, étant entendu que l’effort de 70 millions d’euros correspond par ailleurs à un gel budgétaire.

Je considère moi aussi que la gouvernance doit être la priorité des priorités en matière de développement. Sans ce préalable, nous ne contrôlons plus rien et les dispositifs d’aide se transforment en tonneau des Danaïdes. Je veux parler des exigences démocratiques mais aussi, avec l’explosion démographique, de questions d’état-civil. Certaines informations concernant des pays africains sont tout à fait ahurissantes !

L’AFD, indiquez-vous, intervient en « zone rouge ». Intervient-elle pour autant en Libye ?

Mais j’en reviens à l’introduction de mon propos : qui peut faire bouger les choses ? Le Gouvernement en a assurément la capacité. Qu’en est-il du conseil d’administration de l’Agence et des députés, qui votent pourtant le budget ?

M. Jean-Paul Dupré. Comment s’assurer de la bonne utilisation des dons aux pays les plus pauvres, en particulier au Mali et à la Centrafrique ?

Selon certaines informations, des sociétés françaises seraient en contact avec certains gouvernements africains pour développer la production d’énergie renouvelable à partir des déchets domestiques et ménagers. Quelles sont vos propres informations à ce sujet ?

M. Jean-Paul Bacquet. Je vous remercie pour cette intervention moins technocratique et plus réaliste que les précédentes, madame la directrice générale.

L’opposition entre « afro-optimistes » excessifs – on en a vu diriger l’AFD – et « afro-pessimistes » – voir René Dumont – n’est pas nouvelle. Cela dit, alors que des pays africains sont en grande difficulté, d’autres sont très riches même si les richesses y sont très mal réparties : l’Algérie, le Nigeria, le Gabon, l’Angola, par exemple. L’AFD intervient-elle dans les pays riches ?

Les crises qui ont secoué le Mali et la Centrafrique ont donné lieu à une intervention militaire immédiate, comme ce fut le cas en Côte-d’Ivoire. Mais nous avons constaté avec les États-Unis, en Afghanistan et en Somalie notamment, que le moment le plus délicat est celui de l’« après-crise », celui où les troupes envoyées deviennent pour les populations des troupes d’occupation. Au Nord-Mali, par exemple, la présence française est devenue à ce point insupportable qu’elle est un argument de recrutement pour le terrorisme.

Une jonction immédiate est donc indispensable. L’AFD est-elle en mesure de l’assurer ?

Dans le cas de la Centrafrique, les habitants, qui ne vouent pourtant pas un amour immodéré au personnage, considèrent que c’est sous Bokassa qu’ils ont eu un État pour la dernière fois. On n’attend pas de la France qu’elle intervienne militairement, mais qu’elle assume ses responsabilités notamment en matière de coopération et d’aide technique, ce qu’elle ne fait plus depuis vingt-cinq ans. Comme les ONG ne pourront certainement pas endosser ce rôle, ne devrions-nous pas engager une révision stratégique à ce sujet ?

De la même façon, l’aide que nous apportons à des pays en difficulté est souvent vécue comme une aide aux dictateurs en place ou, à tout le moins, au pouvoir en place. Aviez-vous prévu ce qui allait se passer au Burkina Faso ? Avez-vous idée de ce qui se passera au Cameroun après l’adoption de la loi contre le terrorisme, qui ouvre le droit d’appliquer la peine de mort à toute personne s’opposant au pouvoir en place ? Des informations vous parviennent-elles et modifiez-vous vos actions en conséquence ?

Détestant l’hypocrisie, je suis très attaché aux aides liées. J’ai donc bien noté vos propos sur la nécessité de favoriser le mieux-disant dans les appels d’offres. On pourrait, dans ce cadre, fixer des critères en matière de respect de droits de l’homme. Au Mali, où je me suis rendu dernièrement, de l’argent va arriver – dont 280 millions d’euros de la part de l’AFD – et des opérations vont être engagées. Or, ce que l’on m’a dit sur place, c’est que les Français arrivent toujours trop tard. Les Chinois, les Canadiens et d’autres sont présents, eux, dès la période d’élaboration du cahier des charges. En outre, dans beaucoup de pays d’Afrique, la Chine assure le préfinancement de ses projets. La France est-elle capable d’en faire de même ? Qui, de Proparco ou de la banque publique d’investissements (BPI), pourrait jouer un rôle à ce stade ? Un tel dispositif serait d’un intérêt considérable non seulement en matière d’aide, mais aussi en matière de diplomatie économique.

Sachant que la situation financière de notre pays est plus difficile que celle de certains États africains, ne conviendrait-il pas de recentrer quelque peu nos financements ?

On connaît le virus Ebola depuis les années 1970. Or, jusqu’à la dernière explosion de la maladie, il ne s’est strictement rien passé. Fallait-il vraiment que nous nous sentions hors de danger ! Seule la crainte pour nous-mêmes nous fait réagir : les habitants de la Guinée forestière n’intéressent manifestement pas grand monde !

La démographie me semble être également un sujet explosif. Alors que la population du Niger et celle du Mali doubleront dans les quinze prochaines années, on va répétant que l’Afrique est le continent émergent de demain. Selon Jean-Michel Severino, le fait que l’Afrique compte 2 milliards d’habitants en 2050 est une chance extraordinaire. Le pensez-vous également, sachant que, dans la plupart de ces pays, l’ossature économique et industrielle fait défaut ?

À un moment où le débat sur l’immigration en Europe s’amplifie, parfois de manière nauséabonde, il ne serait pas inintéressant de réfléchir à l’action à mener en matière de démographie.

Enfin, en dépit de toutes vos explications, je n’ai toujours pas compris qui décidait de la politique de l’AFD et quelle politique l’AFD menait. La France a-t-elle une politique d’aide au développement ?

Mme Anne Paugam. Je vous remercie pour ces nombreuses questions. Peut-être le temps manquera-t-il pour répondre de façon détaillée à toutes, auquel cas nous apporterons volontiers des compléments écrits.

Vous avez raison d’insister sur l’importance déterminante des pays du sud de la Méditerranée pour notre propre stabilité, madame Ameline. Nous seulement leur grande proximité en fait une priorité géographique de la France, mais le Maghreb est inclus dans l’engagement du Président de la République de consacrer 20 milliards d’euros à l’Afrique. Dans cette zone, l’AFD fait le maximum de ce qui lui est possible. Notre apport aura été de presque 900 millions d’euros en 2014. C’est un peu plus que l’année précédente, où nous avons été quelque peu limités par la question des fonds propres : il fallait la régler si nous voulions poursuivre notre action au Maroc et en Tunisie. Nous sommes donc repartis sur un rythme plus adéquat pour toute la durée du contrat d’objectifs et de moyens.

L’emploi, dans ces pays, est pour nous un sujet prioritaire et une condition de stabilité. Les « printemps arabes » ont mis en évidence les problèmes de la jeunesse, des zones rurales et de l’insertion. Nous nous attachons donc à soutenir une croissance créatrice d’emploi en mettant l’accent sur la formation professionnelle et l’insertion sur le marché de l’emploi.

L’autre axe majeur est d’aider ces pays à croître tout en s’adaptant au stress hydrique et en maîtrisant la question de l’énergie, ces deux conditions étant déterminantes pour le maintien d’une croissance économique durable.

Pour plus de précisions sur notre action dans tel ou tel pays, nous pourrons vous fournir des réponses écrites ou organiser une rencontre avec nos équipes géographiques.

Je répondrai de façon générale aux nombreuses questions portant sur la gouvernance des pays où nous menons notre action.

Notons au préalable que l’on peut débattre du degré de nécessité de la relation entre bonne gouvernance et croissance. Nous avons des contre-exemples – certes peu recommandables – en Asie, où des pays très corrompus ont atteint des niveaux importants de développement, souvent au prix de soubresauts et de fortes inégalités sociales. L’évaporation de l’argent a des effets différents selon qu’on le place dans des paradis fiscaux ou qu’on le réinvestit localement…

Quoi qu’il en soit, notre rôle à nous est de nous assurer que l’argent que nous apportons ne s’évapore ni sur place ni ailleurs. Dans les zones où nous savons que de tels risques existent, nous adoptons des méthodes de type « aide projet » avec des vérifications à chaque décaissement. Nous n’apportons pas d’aides budgétaires sectorielles dans un pays où le risque dit « fiduciaire » est élevé.

Le sujet central, beaucoup d’entre vous l’ont souligné, est de renforcer les capacités des acteurs. Nous le faisons dans tous les secteurs où nous sommes présents, soit en recourant à de l’expertise résidente, soit en faisant venir ponctuellement une expertise extérieure. En revanche, la compétence générale en matière d’aide à la gouvernance publique relève du ministère des affaires étrangères, qui est responsable des projets financés par le fonds de solidarité prioritaire (FSP). Il n’appartient pas à l’AFD de discuter avec un État des sujets de finances publiques, d’autorités de régulation, d’autorités administratives indépendantes, de programmes de formation des fonctionnaires, etc.

Mme Nicole Ameline. C’est très préjudiciable !

Mme Anne Paugam. S’agissant de la difficulté à rétablir des structures administratives dans un pays en post-crise comme la Centrafrique, je ne peux que partager votre constat. Une telle tâche n’est pas directement à la portée de l’Agence. Et l’on imagine mal revenir à une situation où des coopérants techniques prendraient en main l’ensemble des manettes d’un État défaillant ! L’effet boomerang que vous évoquiez au sujet des interventions militaires, monsieur Bacquet, ne risquerait-il pas de s’étendre alors à la coopération civile ? Très sincèrement, j’ignore jusqu’à quel point on peut envisager de remettre une administration sur pieds via une forme de coopération résidentielle de substitution.

Ce que je puis affirmer, en revanche, dans les secteurs où nous intervenons, c’est que nous essayons de travailler non seulement avec les ONG mais aussi avec les administrations. C’est un des principes d’intervention de l’AFD tels que définis par le Gouvernement : travailler à reconstituer la légitimité des États. Au Mali, par exemple, notre objectif est également de renforcer la légitimité des acteurs publics, qu’ils soient nationaux ou locaux. On ne peut se contenter de réaliser des actions à leur place ou de les faire réaliser par des ONG : ce serait manquer la cible ! Si nos programmes sont parfois difficiles à mettre en œuvre, c’est justement parce qu’ils ne font pas l’impasse sur les acteurs publics et essaient de les impliquer dans la reconstruction des États.

Nous pourrons revenir plus longuement sur la question de l’énergie si nous consacrons une réunion spécifique à l’action en matière de climat. Il y a bien sûr des orientations importantes à faire avancer, en particulier en Afrique où le mix énergétique est déjà composé à 50 % d’énergies renouvelables alors que la moyenne mondiale n’est que de 20 %. Il existe un fort potentiel de production d’énergies « propres ». Certaines sont déjà rentables et nous participons à leur financement : géothermie, éolien, centrales photovoltaïques assorties de moyens de stockage de l’électricité… Mais il faut faire plus. On sait à quelles distorsions sont soumis les prix de l’énergie qui, en particulier, ne reflètent pas le vrai prix des énergies fossiles. En conséquence, il me paraît justifié d’apporter de la subvention ou de la bonification pour corriger cette myopie, d’autant que le sujet, en Afrique, est l’augmentation de la capacité énergétique et pas seulement le « verdissement » du mix. Beaucoup d’initiatives très intéressantes sont prises dans ce domaine, au profit desquelles nous pourrions mobiliser davantage les fonds européens dans le cadre général de l’initiative « Une énergie renouvelable pour tous » des Nations unies.

En matière d’énergie, il conviendrait que l’Afrique fasse comme pour la téléphonie, où elle a sauté l’étape du réseau filaire pour aller directement à la technologie d’avenir. L’adoption d’énergies durables la mettra à l’abri de la variation des prix des énergies fossiles, qui ne cesseront d’augmenter à moyen et à long terme.

Je répondrai par écrit à M. Mariani sur l’action de l’AFD dans la zone Asie-Pacifique. Nos financements s’y élèvent à 1 milliard d’euros. Certes, nous y mobilisons très peu de dons, ce qui explique peut-être l’emploi de l’expression « portion congrue ». La plupart des pays sont soit à revenus intermédiaires, soit à revenus intermédiaires supérieurs, et nous y intervenons avec des prêts peu ou pas bonifiés.

M. Jacques Moineville, directeur général adjoint de l’AFD. Nous n’avons eu recours aux dons qu’au Laos, en Birmanie et en Afghanistan, ainsi qu’au Vietnam dans une faible mesure. Cela dit, il faut ajouter au milliard d’euros d’engagements de l’Agence les engagements de Proparco en Asie, à hauteur d’environ 150 millions.

M. Paul Giacobbi, président. L’ensemble n’est pas négligeable. En Inde, les financements de l’AFD peuvent paraître marginaux et leurs taux élevés. Mais, dans un contexte de rareté du crédit, une intervention sur un grand projet, même partielle, peut rendre sa réalisation possible.

M. Jacques Moineville. Dans ce pays, de telles actions sont très porteuses en termes d’influence économique. L’intervention de l’AFD au travers des cahiers des charges des appels d’offres a eu des effets positifs pour les entreprises françaises.

Mme Anne Paugam. L’exemple de l’Inde est très éclairant. Nous y apportons une aide déliée car, si nous travaillions en aide liée, nos partenaires de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement en Europe) seraient fondés à contester la qualification de nos financements comme aide publique au développement, ou à exiger qu’ils soient bonifiés quatre à cinq fois plus qu’ils ne le sont actuellement. Et, de toute façon, il y a longtemps que les Indiens ne veulent plus d’aide liée. C’est une des raisons pour lesquelles l’aide déliée est venue succéder à ce l’on appelait alors les protocoles du Trésor – aujourd’hui RPE, ou « réserve pays émergents ». Ces financements nous permettent de rendre le jeu plus ouvert en matière de spécifications. Cela est clairement apparu pour le secteur du métro, où des entreprises françaises nous avaient révélé qu’elles ne soumissionnaient même plus aux appels d’offres en Inde : les spécifications étaient telles que c’était toujours le même consortium asiatique qui l’emportait. Or, parce que nous sommes financeurs de certains projets – le métro de Kochi par exemple –, les spécifications ont été ouvertes, les entreprises françaises et européennes sont venues soumissionner et, en l’espèce, c’est une entreprise française qui a remporté un très gros marché.

Moyennant une mobilisation très forte des équipes, nous avons donc une influence indirecte au bénéfice d’un jeu plus égal. Il n’est bien entendu pas dans nos procédures de fixer des spécifications pour faire gagner une entreprise particulière : il ne s’agit que d’ouvrir la concurrence pour que les entreprises françaises et européennes puissent faire valoir leurs propositions.

Concernant le volume global des dons, je ne serais pas dans mon rôle si je vous indiquais que le montant d’un peu plus de 200 millions d’euros est suffisant pour répondre à tous les besoins. Nous aimerions évidemment disposer de plus. Notons que l’enveloppe a été stabilisée depuis deux ans, certes à un niveau qui est un étiage historique, après une baisse continue depuis le milieu des années 2000.

M. Jean-Pierre Dufau. Dans quelles proportions ?

Mme Anne Paugam. Alors qu’elle atteignait 400 millions d’euros, elle a été divisée par deux. La liste des pays pauvres prioritaires, elle, a toujours été d’une quinzaine. Et il faut y ajouter les pays complémentaires qui ne sont pas dans cette liste. Des dons ont par exemple été faits en Birmanie au titre des pays en crise. Nous allons désormais y travailler en prêts, ce qui est une bonne nouvelle.

Bref, il est exact que nous souhaiterions que l’enveloppe soit plus élevée. En même temps, je salue l’effort qui consiste à la stabiliser dans un contexte où d’autres budgets se réduisent.

M. Jean-Pierre Dufau. Quelle différence faites-vous entre don et subvention ?

Mme Anne Paugam. Dans mon vocabulaire, je ne fais pas distinction. L’AFD emploi ces mots de manière équivalente.

M. Jean-Pierre Dufau. Il y a eu pourtant un débat à ce sujet lors de la discussion du projet de loi. Selon le destinataire, on n’emploiera pas le même mot.

Mme Anne Paugam. Pour moi, les 217 millions d’euros annoncés avant gel pour 2015 constituent une « enveloppe de subventions ».

M. Jean-Pierre Dufau. Pour le coup, on peut geler aussi bien les dons que les subventions ! (Sourires.)

Mme Anne Paugam. Nous avons par ailleurs une enveloppe de subventions destinée à financer les initiatives des ONG françaises, pour un montant de 71 millions d’euros. Le Président de la République s’étant engagé à la doubler sur la durée du quinquennat, nous sommes partis de 45 millions et nous l’augmentons chaque année pour atteindre 90 millions.

Pour en revenir à l’enveloppe de 217 millions, elle est utilisée aux deux tiers pour les seize pays pauvres prioritaires et à hauteur de 15 % pour les pays en crise. Dans un monde idéal, je souhaiterais qu’elle soit plus élevée. Je ne crois pas néanmoins qu’il faille déshabiller Pierre pour habiller Paul.

M. Jean-Pierre Dufau. Il faut les habiller tous les deux !

Mme Anne Paugam. Oui, mais sans opposer le don et le prêt.

Je veux souligner par ailleurs que beaucoup de ces questions ne relèvent pas de la directrice générale de l’AFD, mais des choix des gouvernements successifs. L’AFD ne fait pas la politique française d’aide au développement, elle met en œuvre les orientations du Gouvernement qui, lui-même, agit en fonction des décisions prises par le Parlement.

M. Jacques Moineville. Il faut inclure dans les subventions les contrats de désendettement et développement (C2D), répertoriés comme des dons dans le budget de l’État.

Mme Anne Paugam. Il s’agit en effet de crédits de paiement assimilable à de la subvention en effort budgétaire, puisque l’État qui a emprunté rembourse la France, laquelle lui reverse immédiatement l’échéance en plaçant la somme sur un compte où elle sera utilisée conformément au programme de développement agréé par convention entre les deux pays.

M. Jean-Paul Dupré. Ne parlera-t-on pas de subventions pour le secteur public et de dons pour le secteur privé ?

Mme Anne Paugam. Je n’ai pas la réponse.

Pour en revenir au montant de l’enveloppe de dons, je ne crois pas que la bonne cible soit de prélever sur notre capacité à faire des prêts très concessionnels à l’Afrique car celle-ci en a aussi besoin pour se développer. Aucun État n’a réussi à se développer uniquement avec de la charité et du don : les effets de levier économique que procurent des prêts très longs – vingt ou trente ans – et très bonifiés sont nécessaires.

En revanche, il me semble que l’on a insuffisamment examiné la question de l’équilibre entre bilatéral et multilatéral. Je sais que le sujet est un peu tabou et que je donne l’impression de prêcher pour ma paroisse. Mais, en flux de trésorerie, c'est-à-dire dans ce que l’on appelle l’aide programmable, la part du multilatéral est très importante. S’il fallait chercher 10 ou 20 millions d’euros supplémentaires pour les subventions bilatérales, peut-être la taxe sur les transactions financières pourrait représenter l’amorce d’un rééquilibrage en faveur du bilatéral.

M. Jacques Moineville. L’enveloppe budgétaire des C2D est de l’ordre de 80 à 90 millions d’euros ces dernières années, ce qui n’est pas négligeable par rapport aux 217 millions de dons « projet ».

Mme Anne Paugam. La différence est que l’existence des C2D et le montant du financement sont liés à l’histoire des flux de surendettement, de désendettement, etc. Ils ne sont pas programmables au même sens que l’enveloppe de dons.

La formation professionnelle est un axe très fort de notre action en Méditerranée, je l’ai dit, mais aussi et de plus en plus en Afrique subsaharienne : notre effort, qui concernait principalement le primaire, englobe désormais le primaire, le secondaire et la formation professionnelle. Nous développons notamment des centres qui associent les entreprises et les branches, l’objectif étant de réunir des univers qui ne communiquent pas toujours. Nous avons financé une étude sur laquelle s’appuient aujourd'hui le CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique) et plusieurs entreprises françaises pour développer une stratégie de formation professionnelle en lien avec les besoins des entreprises au sud du Sahara.

La formation et l’insertion dans l’emploi sont pour nous absolument prioritaires. Comme vous le soulignez à juste titre, monsieur Bacquet, il n’est pas encore dit que la transition démographique produira des effets bénéfiques. Certains pays, du reste, n’ont pas entamé leur transition. Les questions de santé et d’accès à la santé reproductive y restent des priorités, dans le Sahel en particulier. Par ailleurs, ce moment où la population est composée d’un très grand nombre d’actifs jeunes, avec un rapport très favorable, sur le papier, entre les actifs et les inactifs, doit être mis à profit en faveur de la croissance africaine. Il ne doit pas devenir une source de tensions, avec des jeunes qui se lanceraient dans des activités illicites faute d’avoir trouvé une insertion dans l’emploi. Vous savez du reste que Mme Girardin a fait de la jeunesse sa priorité. Elle a demandé à l’AFD et à tous les acteurs d’intégrer cette dimension, ce que nous faisons dans tous nos secteurs d’intervention.

Nous avons bien avancé dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, monsieur Marsac. Au début de l’année 2015, nous serons en mesure de proposer un ensemble d’actions d’« investissement à impact social » ou d’« entreprenariat social », pour éviter l’anglais social business. Nous avons eu beaucoup de discussions avec les entreprises, les associations et le secteur mutualiste. Il ne s’agit nullement de développer ces actions en substitution de l’aide classique. Nous ne tenons pas là l’alpha et l’oméga du développement : il faut aussi renforcer les États et les acteurs publics. Mais il existe d’importantes zones d’innovation pour des acteurs privés qui souhaitent réaliser des actions dont l’impact ne serait pas seulement économique, mais aussi social et environnemental. Nous aurions bien tort de ne pas travailler avec eux !

Nous avons parlé du secteur privé lors de l’audition précédente. Nous y consacrons plus que les 8 % de financements que j’évoquais, puisqu’il faut y ajouter Proparco qui est notre principal vecteur dans ce domaine.

M. Jean-René Marsac. Quelle part de son activité Proparco consacre-t-il aux seize pays pauvres prioritaires ?

Mme Anne Paugam. Je n’ai pas le chiffre en tête. La nouvelle stratégie que Proparco vient d’adopter fixe comme priorité l’augmentation de la part de son activité dans les pays fragiles. Cette activité est déjà réalisée pour moitié en Afrique et concerne, pour une part, les seize pays en question.

M. Jacques Moineville. Sur ces 50 % d’activité en Afrique, la moitié se fait en Afrique occidentale et centrale, là où se situent la plupart des pays pauvres prioritaires. Cela étant, on trouve dans cette zone de grands pays comme le Cameroun, la Côte-d’Ivoire, le Congo ou le Gabon, qui ne figurent pas dans cette liste. Nous vous ferons parvenir des chiffres plus précis.

M. Jean-Paul Dupré. Qu’en est-il de l’activité d’entreprises françaises dans la transformation des déchets en énergie renouvelable ?

Mme Anne Paugam. À ma connaissance, au moins une entreprise française, Veolia, est présente dans ce secteur. Sans doute y en a-t-il d’autres. Des entreprises françaises travaillent dans le domaine des déchets, mais pas nécessairement sur le recyclage en énergie. Nous pourrons consulter les spécialistes de l’AFD pour vous donner une information plus complète.

M. Jacques Moineville. Nous avions financé un projet de valorisation des déchets pour produire de l’énergie en Afrique du Sud. Un des problèmes qui se posent est que les déchets des villes les plus pauvres ne permettent pas cette production. Mais d’autres entreprises françaises interviennent en matière de stockage. Nous avons notamment remporté des succès en Éthiopie.

Mme Anne Paugam. Vous évoquez aussi, monsieur Bacquet, le préfinancement par les Chinois de leurs projets. Je ne crois pas que nous disposions des outils auxquels vous songez. Cela étant, des financements conjoints sont possibles par le biais de la BPI pour la partie française et de Proparco pour les investissements dans le pays concerné, en cas de joint-venture par exemple. Ce point fera l’objet d’un mémorandum d’entente que je signerai la semaine prochaine avec le directeur général de la BPI, Nicolas Dufourcq. L’idée est de permettre à des projets privés identifiés de faire état de financements en France et, si besoin est, sur place via Proparco.

En revanche, le financement clés en main de type « crédit export » ne fait pas partie de notre palette. Si la France n’a plus de banque d’import-export, elle dispose de certains outils en matière de commerce extérieur. Mais cela ne fait pas partie du mandat de l’AFD.

L’AFD n’intervient pas en Libye, monsieur Dufau.

Concernant votre question sur les financements innovants, j’ai indiqué que c’était une source complémentaire utile pour financer les projets de développement. La taxe sur les billets d’avion et la taxe sur les transactions financières, par exemple, ont été conçues pour être pérennes et prévisibles. Pour cette raison, on les a « fléchées » sur des emplois très sociaux et pérennes, comme l’accès aux médicaments dans le cadre de la lutte contre le sida. Ces « filets sociaux mondiaux » doivent assurer une ressource durable, à l’abri des à-coups budgétaires. Ils restent des sources de financement complémentaires de ce que font les États. Il serait bon que chaque pays adhérant à ce système apporte une contribution supplémentaire.

Cela dit, j’aimerais que la part bilatérale soit un peu plus importante. Il y a quelques années, par exemple, il a été décidé que 5 % de la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme seraient mis en œuvre à titre bilatéral, notamment pour aider des pays jugés prioritaires par la France à mieux utiliser et absorber les montants alloués par le Fonds. J’avais à l’époque encouragé fortement l’initiative, indépendamment de la question de savoir qui la gérerait : en l’occurrence, ce n’est pas l’AFD mais France expertise internationale qui s’en est chargée. Si cela s’avère acceptable pour toutes les parties prenantes, je suggère que l’on passe de 5 à 10 %, soit la même proportion que les États-Unis.

Il existe assurément quelques marges dans ces domaines pour accroître l’action bilatérale en complément de l’action multilatérale. La France verse 360 millions d’euros par an au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, montant à comparer aux 217 millions de dons répartis entre les seize pays pauvres prioritaires et les autres pays en crise.

Notre pays a eu un rôle moteur dans la création du Fonds et nous devons en être fiers. À l’époque, les Anglo-Saxons excluaient l’idée de prodiguer des traitements au sud du Sahara : dans leur idée, il ne pouvait y avoir que de la prévention. La France s’est employée à démontrer le contraire, avec succès. Maintenant que nous avons joué ce rôle de pionnier, peut-être pourrions-nous déplacer un peu les curseurs.

Mais ce n’est pas moi qui en décide : les grands paramètres de la politique d’aide au développement sont essentiellement entre les mains des responsables politiques. Le Conseil d’administration de l’AFD s’exprime, il peut rejeter telle ou telle disposition, mais ce n’est pas lui qui fait la politique de l’AFD. Il approuve des orientations stratégiques qui lui sont proposées en application du contrat d’objectifs et de moyens. Les grands choix politiques reviennent, bien entendu, au Gouvernement et au Parlement.

M. Jean-Pierre Dufau. Accessoirement, l’AFD applique la loi que nous avons votée.

Mme Anne Paugam. C’est bien pourquoi j’ai mentionné la loi de 2014 au début de mon propos. Je ne crois pas que mes prédécesseurs aient eu aussi souvent l’occasion d’échanger avec votre commission. Pour ma part, je crois que nos rencontres sont un très bon signe pour la politique du développement et j’y vois un effet de l’adoption de cette loi et de l’intérêt que les parlementaires portent à cette politique.

M. Paul Giacobbi, président. Il arrive en effet que les parlementaires aient la naïveté de croire que la loi peut servir à quelque chose et même, parfois, qu’ils essaient de s’assurer de son application. C’est suffisamment rare pour être relevé !

J’ai bien entendu que les fonds propres de l’AFD seraient renforcés par intégration de 80 % du résultat. S’agit-il simplement de combler une insuffisance de ratio ou cela donne-t-il à l’Agence une nouvelle capacité d’engagement ?

Mme Anne Paugam. Cela nous permettra d’atteindre 8,5 milliards d’euros d’engagements en 2016, contre 7,5 milliards en 2012 et 7,8 milliards en 2013. Par la suite, l’hypothèse est de rester à ce niveau de 8,5 milliards.

Je rappelle que je me suis engagée à améliorer la maîtrise des charges et à augmenter le résultat sur la période du COM. Les 80 % en question sont donc calculés sur un résultat qui devra croître grâce à un effort très conséquent.

Il ne faut pas omettre non plus le changement de statut de 840 millions d’euros de dette que nous avons vis-à-vis de l’État. Ce montant est aujourd’hui une « ressource à condition spéciale » du Trésor, et c’est un des moyens par lesquels nous pouvons bonifier les prêts. Il sera considéré comme « fonds propres » au regard de Bâle III. Notre modèle financier prévoit bien entendu la poursuite de notre remboursement à l’État, mais, s’il nous arrivait de rencontrer un problème de respect des ratios, le régulateur bancaire nous imposerait de suspendre en tout premier lieu ce remboursement.

Tous nos calculs, néanmoins, prennent en compte la nécessité de respecter les ratios jusqu’à 2020 et plus, en stabilisant nos financements à 8,5 milliards d’euros. Nous n’avons pas la perspective d’aller au-delà. Pour l’heure, notre structure sera tout à fait conforme aux ratios, ce qui est très important pour un organisme qui emprunte sans la garantie de l’État. L’AFD est très bien notée en matière de risque et la qualité de sa signature est très proche de celle de la France, mais nous payons quand même un peu plus cher notre crédit, faute de la garantie explicite de l’État qui est accordée à d’autres bailleurs de fonds. Il est donc impératif que nous respections les ratios et que nous ayons une vue de long terme.

M. Paul Giacobbi, président. Vous avez donc une structure financière saine qui vous permet d’emprunter à un niveau proche de celui de l’État. C’est d’autant plus appréciable qu’il faut, en dépit de toutes les précautions sémantiques de Mme Yellen, se préparer à une remontée des taux d’intérêt.

Merci, madame la directrice générale, d’avoir répondu avec patience aux très nombreuses questions qui vous étaient adressées.

La séance est levée à dix-neuf heures treize.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 16 décembre 2014 à 17 h 45

Présents. - Mme Nicole Ameline, M. Jean-Paul Bacquet, M. Philippe Baumel, M. Gwenegan Bui, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Hervé Gaymard, M. Paul Giacobbi, M. Bernard Lesterlin, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Patrice Martin-Lalande, Mme Marie-Line Reynaud, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Pouria Amirshahi, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Bocquet, M. Gérard Charasse, M. Jean-Louis Destans, Mme Valérie Fourneyron, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, Mme Chantal Guittet, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. François Loncle, M. Lionnel Luca, Mme Odile Saugues, M. Michel Vauzelle