Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires étrangères > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires étrangères

Mercredi 4 février 2015

Séance de 11 heures 00

Compte rendu n° 45

Co-présidence de Mme Odile Saugues, vice-présidente, puis de M. Paul Giacobbi,vice-président et de Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques

– Présentation, ouverte à la presse et conjointe avec la commission des affaires économiques, du rapport de la mission d’information sur les investissements étrangers (MM. François Scellier, Président – Philippe Kemel, rapporteur).

Présentation, ouverte à la presse et conjointe avec la commission des affaires économiques, du rapport de la mission d’information sur les investissements étrangers

La séance est ouverte à onze heures.

Mme Odile Saugues, vice-présidente de la commission des affaires étrangères. La mission d’information sur les investissements étrangers que nous avons constituée avec la commission des affaires économiques nous présente son rapport définitif. Je me félicite que nos deux commissions aient été associées dans ce travail, car, de plus en plus, les questions concernant les investissements étrangers sont au cœur des préoccupations de la commission des affaires étrangères.

D’abord, parce ces investissements ne cessent d’augmenter et pèsent de plus en plus dans nos économies. En France, 30 % du chiffre d’affaires de l’industrie est ainsi assuré par des entreprises étrangères ou contrôlées par de telles entreprises. Dans un tel contexte, il est légitime qu’une question comme celle de l’inclusion dans les accords commerciaux de clauses d’arbitrage international privé entre les investisseurs et les États soit centrale. Vous le savez, la question est posée dans le cadre des accords de partenariat avec le Canada et les États-Unis et nous avons donc eu en commission des affaires étrangères plusieurs débats sur ce point.

Par ailleurs, il faut voir que ces investissements proviennent ou sont destinés à des pays de plus en plus variés. Longtemps les flux croisés d’investissements étrangers ont concerné essentiellement les pays industrialisés traditionnels. Mais maintenant, nos entreprises sont de plus en plus présentes dans les économies émergentes et les investisseurs de ces pays commencent aussi à s’implanter chez nous. Cela a notamment pour conséquence que les enjeux politiques se mêlent de plus en plus aux enjeux économiques. Par exemple, il est clair qu’il y a des interférences entre la crise ukrainienne et les intérêts interpénétrés des entreprises françaises et russes, avec la question des sanctions. Il est clair aussi que, quand une entreprise chinoise rachète une entreprise française technologique, il faut se poser la question de la protection de nos brevets et de nos savoir-faire. Nous avons conduit en 2013 une mission d’information sur la Chine et naturellement les enjeux économiques étaient centraux dans ce rapport.

D’ailleurs, l’interpénétration des enjeux diplomatiques et économiques est maintenant clairement prise en compte par le Gouvernement, avec le concept de diplomatie économique et l’élargissement des missions de Laurent Fabius.

Le rapport de Philippe Kemel a l’avantage de nous proposer une large perspective sur l’investissement étranger en France, qu’il présente comme un phénomène naturel pour une économie mature, un phénomène ancien, massif et assez stable. Tout cela permet de dédramatiser une question sur laquelle les inquiétudes sont parfois très fortes et contradictoires, soit que l’on s’afflige d’une baisse des investissements étrangers, soit au contraire que l’on s’inquiète de telle ou telle prise de contrôle étrangère sur l’un de nos fleurons.

Je voudrais interroger le rapporteur sur deux points : pense-t-il que nous avons en France un bon équilibre entre notre ouverture internationale et la protection de nos intérêts nationaux, ou faut-il infléchir cet équilibre ? Sommes-nous assez ouverts aux investissements en provenance des pays émergents, domaine où la France semble un peu en retard sur certains de ses voisins européens ?

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Je tiens à excuser l’absence du président François Brottes et je remercie le président et le rapporteur de la mission d’information pour leur travail. Ils nous présentent leur rapport après la première réunion d’étape que nous avons eue en novembre.

M. François Scellier, président de la mission d’information. Au terme de la mission d’information, je souhaiterais revenir brièvement sur ses travaux. Les auditions que nous avons menées nous ont permis de rencontrer près de cinquante personnes venant d’horizons très divers : administrations, institutions diverses, cabinets spécialisé, économistes, représentants des investisseurs étrangers eux-mêmes. À la suite de notre réunion du 18 novembre, nous avons conduit quelques auditions complémentaires afin de mieux expertiser la dimension européenne et surtout la dimension territoriale de l’accueil des investissements étrangers. J’ai moi-même une certaine expérience de l’importance de cette dimension territoriale, car, comme le département du Val-d’Oise dont j’ai présidé le conseil général accueille l’aéroport de Roissy, nous recevons depuis 25 ans de très nombreuses délégations étrangères, que nous nous efforçons de convaincre d’investir chez nous ; non sans un certain succès, en particulier avec les entreprises japonaises dont plus de soixante se sont installées.

Le rapport de Philippe Kemel a le mérite de montrer que la notion d’investissement étranger est complexe. Il y a des problèmes de définition et donc de quantification, avec de plus d’importantes fluctuations d’une année sur l’autre. Il en ressort qu’il faut garder une certaine distance par rapport aux chiffres que l’on nous assène tous les ans : il ne faut ni hyper-réagir quand on nous annonce un effondrement des flux d’investissements en France, ni dans l’autre sens tirer une satisfaction excessive de chiffres plus positifs.

Mais je crois quand même que nous devons faire attention. La plupart des observateurs relèvent que, depuis la crise de 2008, l’Europe et sans doute plus particulièrement la France sont à la traîne dans les flux d’investissements étrangers ; l’Allemagne et la Grande-Bretagne obtiennent de meilleurs résultats que nous. Dans la compétition internationale, la France a des atouts – qualité des infrastructures, qui sont les meilleures du monde, système de formation, qualité de la main d’œuvre… –, mais aussi des points faibles. La première leçon que je tire de cette mission, c’est que ceux que mentionnent les investisseurs étrangers ne sont pas différents de ceux mis en avant par nos entreprises : coûts salariaux, niveau des charges, complexité du système administratif et de la fiscalité, lourdeur et instabilité des réglementations. Les représentants d’entreprises étrangères présentes depuis longtemps en France, avec des sites industriels et des réussites remarquables, comme Toyota ou Mars, ne nous l’ont pas caché : s’ils devaient investir à nouveau en France, ils se poseraient un certain nombre de questions.

Il est clair que les facteurs qui découragent parfois les investisseurs étrangers sont les mêmes qui nuisent à la compétitivité de nos entreprises. Ce que nous avons d’abord à faire, c’est améliorer la compétitivité des entreprises, qu’elles soient françaises ou étrangères implantées chez nous, en leur donnant des charges et des règles moins lourdes, moins complexes et plus stables. Il faut bien voir que certaines de nos particularités peuvent décourager les entreprises étrangères qui arrivent : par exemple, nous affichons des taux élevés d’impôt sur les entreprises et les investisseurs ne savent pas en arrivant, qu’en pratique, il existe divers mécanismes fiscaux qui font qu’en fin de compte le prélèvement est modéré.

Monsieur Philippe Kemel, Rapporteur. Notre objectif, avec le Président Scellier et l’ensemble des collègues qui ont participé à la mission, était de savoir s’il y avait des constantes et des données structurelles dans l’organisation des investissements en France. Nous avons commencé ce rapport à un moment où un certain nombre de médias indiquaient tantôt une croissance des IDE en France, tantôt une décroissance, lançant un message de dramatisation.

L’objectif des premières auditions a été de connaître l’outil de mesure de ces investissements, car étudier les IDE en France nécessite que nous soyons d’accord sur la définition. Chaque fois qu’il y a un flux financier en France provenant de l’extérieur, celui-ci peut être soit un flux qui ne se transforme pas en actif, soit un flux qui transforme en actif apportant de la création de richesse en termes de valeur ou d’emplois. La difficulté vient des flux financiers qui s’investissent dans des placements, ou dans des activités difficiles à cerner comme l’immobilier. Dans ce cas, il est difficile d’en appréhender pleinement la mesure et les effets. D’autant plus qu’un grand nombre de flux financiers venant de l’extérieur ont eu tendance à s’investir dans les sociétés du CAC 40 sous forme de prises de participation. Nous avons donc décidé dans cette mission de nous intéresser aux investissements qui étaient créateurs d’actifs, et porteurs de création de valeur et d’emplois. Plutôt que de raisonner sur les flux, nous avons pris en compte les stocks.

Nous nous sommes rendu compte que la France était un pays qui avait accueilli, et qui accueille, davantage d’IDE que les autres membres européens. Par rapport à la taille de l’économie française, ils représentent en termes de flux 1 800 Mds de dollars, pour un PIB de 2 100 Mds d’euros. Par rapport au stock de capital accumulé dans l’économie française, les IDE représentent un stock de 38 %, alors qu’il est de 29 % en Allemagne, et de 19 % en Italie. Il existe donc un stock important d’IDE en France.

Nous nous sommes ensuite interrogés sur ce qu’étaient ces investissements et ce qu’ils avaient apporté à l’économie française. Pour la plupart, ils ont été vertueux. Par exemple, Toyota, Mars Food et Ikea, qui sont désormais presque reconnus comme des marques françaises. Ils sont reconnus comme tels car initialement les investisseurs étaient porteurs d’un projet industriel et ils ont rencontré dans les territoires une culture industrielle. Une harmonie s’est faite entre le projet industriel et la culture industrielle du territoire. Évidemment, souvent un accompagnement des acteurs institutionnels a été nécessaire pour que l’investissement se réalise et s’accroisse. C’est le premier élément constaté. Ensuite, bien qu’au départ ces IDE fussent davantage industriels, on constate au fur et à mesure de l’adaptation de l’économie française à l’économie mondiale, un changement de la nature des investissements. C’est un deuxième élément que nous avons constaté.

Quelles sont les atouts de la France pour accueillir les IDE ?

Premièrement, ce sont les qualités de l’appareil productif français, la société française, et la qualification des salariés qui mènent et accompagnent les projets industriels.

Le deuxième atout est la capacité des territoires à les recevoir.

Le troisième est l’environnement juridique, social, fiscal. Cet environnement est-il un handicap ? Les personnes interrogées n’ont pas relevé de difficulté. Elles ont seulement exprimé leur souhait d’une lisibilité et d’une stabilité de cet environnement. Dans tous les cas – et c’est une différence que j’ai avec le Président – je n’ai pas entendu des investisseurs se plaindre d’un coût salarial trop élevé en France. Certes, il n’est pas le plus bas. Mais nous avons un taux de productivité en France qui est plus élevé qu’ailleurs. La valeur nominale et le taux de productivité nous donnent sur le fond une équivalence par rapport aux autres pays. L’instauration du CICE et, à partir du 1er janvier, la baisse significative des charges salariales sur les bas salaires devraient nous donner un avantage compétitif. Par ailleurs, le crédit d’impôt recherche a été loué en permanence. Il est sans doute un avantage compétitif unique au monde, et c’est souvent parce que ce crédit d’impôt recherche existe que les entreprises viennent s’implanter dans nos territoires.

Quatrième atout, la qualité des infrastructures, du système logistique. Nous confondons souvent les infrastructures de transports et le système logistique. Or celui-ci a une organisation, un savoir-faire et des méthodes qui se sont développées depuis une dizaine d’années. Par exemple, quand le Président des chemins de fer russe s’intéresse à l’ancienne filière logistique de PSA, c’est-à-dire à GEFCO, c’est en raison de son savoir-faire logistique.

Dans l’ensemble des approches, nous avons constaté des investissements vertueux. Mais on relève aussi des actions prédatrices (par exemple, Ascométal racheté par Apollo Global, Arcelor racheté par Mittal, Pechiney racheté par Alcan, MetalEurope racheté par Glencore) et nous connaissons les conséquences désastreuses de ces investissements. Cela doit nous servir de fil directeur pour définir ce qu’est la sauvegarde de l’indépendance nationale et des intérêts stratégiques. Au fur et à mesure de notre démarche, nous avons constaté un rôle important joué à la fois par les structures nationales (avant la fusion d’UbiFrance et de l’AFII en Business France) et par les structures régionales. Nous avons auditionné des représentants de la région Rhône-Alpes, du Nord-Pas-de-Calais, de PACA, et d’autres régions, ce qui nous a fait prendre conscience de leur rôle indispensable dans la construction de l’attractivité de la France. En effet, en mettant en avant leurs particularismes, leurs avantages compétitifs, ces régions jouent un rôle essentiel.

Il faut construire une politique des investissements dans notre pays, et pour cela, il faut une vision portée par la France. Désormais, le Ministère des Affaires étrangères s’investit dans une politique d’attractivité et d’échanges autour des investissements avec l’extérieur, et en outre, une coordination nationale est assurée par Business France. Mais nous avons vu que cela doit se faire aussi avec les régions, qui peuvent se positionner en « front office » de la démarche. En arrière-plan, se trouve la volonté du gouvernement de construire une politique générale de reconquête industrielle, avec 34 plans industriels et des filières stratégiques. Comment cette politique générale se combine-t-elle vis-à-vis de l’extérieur ? Par exemple, la région Rhône-Alpes a entretenu son savoir-faire et l’a développé en matière d’attractivité. D’ailleurs, dans nos recommandations, nous formulons l’idée de mettre en place des diplômes d’attractivité afin de former à ce nouvel outil.

Dans cette perspective, nous proposons que les régions jouent un rôle de « front office » et que tous les outils soient à leur disposition pour pouvoir construire l’attractivité. Cette construction doit être faite en liaison avec l’État-nation et avec Business France, dans le cadre des plans industriels et des filières stratégiques.

Après avoir exposé cette grille de lecture – qui nous a permis d’élaborer les différentes recommandations – je souhaiterais évoquer quelques points :

– Les start-ups. Elles existent et sont nombreuses en France, grâce au crédit d’Impôt recherche. Constituent-elles des produits attractifs pour les investissements étrangers ? Oui, mais bien souvent lorsqu’un investissement étranger concerne des start-ups, elles repartent et le savoir-faire repart alors à l’étranger. Nous devons nous pencher avec Business France, la BPI et l’ensemble du système bancaire français sur la question des financements afin que les start-ups restent en France.

– L’Europe. Nous avons rencontré les représentants de l’Union européenne qui appliquent la politique du grand marché. La vision européenne sur les investissements étrangers en France ou dans le reste de l’Europe n’est pas une vision de régulation mais un peu de sanction. La question des investissements étrangers est abordée sous l’angle de l’activité qui va en résulter et ses conséquences sur la concurrence au sein du marché européen. Il n’y a pas de véritable politique industrielle ou de politique d’attractivité construite par l’Union européenne.

– Les paradis fiscaux. Ils désorganisent les circuits financiers, portant une logique d’investissement prédateur plutôt que d’investissement vertueux.

– Les pays émergents. Des politiques particulières doivent être construites avec eux. Ils représentent forcément l’avenir, la diversité et la diversification de notre économie. Pour construire des liens avec ces zones , les relations internationales ont pleinement leur rôle à jouer. Cette construction doit être entreprise dans une optique d’indépendance nationale. L’indépendance nationale, c’est la vision d’avenir que nous pouvons avoir de notre système productif. Si nous avons une vision d’avenir et si nous sommes proactifs, alors nous conserverons notre indépendance nationale. Nous devons avoir les outils pour la protéger. Nous proposons notamment que le décret Montebourg sur les intérêts stratégiques soit un peu élargi. Nous devons avoir une vision de l’État en tenant compte des 34 secteurs industriels, de ces filières et notamment en liaison avec les régions. Aucune décision définitive d’accord ou de non accord de l’État ne doit se faire sans l’avis des régions. C’était hier une proposition d’amendement qui a été faite à la Commission des affaires économique pour la loi NOTRe.

L’ensemble de ces points guident nos recommandations, que nous examinerons tout à l’heure.

M. Jean-Paul Bacquet. Je félicite les auteurs du rapport – qui est excellent. Je vais citer quelques points qui me semblent importants. Tout d’abord, il existe un grand problème de lisibilité due l’existence de structures qui interviennent et qui se multiplient.

L’attractivité de la France ne peut exister que si nous croyons en notre pays et si nous arrêtons de faire du « bashing » permanent. Business France va dans le bon sens en essayant de changer l’image de la France à l’extérieur.

À propos de régions, nous constatons que lorsque l’AFII dirige une entreprise vers une région, c’est l’ARD se charge de la suite. Nous n’avons aucune notion de ce qui se passe entre l’AFII et la région. C’est un élément que nous ne contrôlons pas.

Le Conseil stratégique de l’attractivité est une nécessité absolue et on ne peut que s’en réjouir.

Quant aux exportations, il est difficile de les évaluer. Dans le cas d’une voiture fabriquée en Roumanie et réimportée en France, qu’est-ce qui est de l’exportation et qu’est-ce qui est de l’importation ? La lisibilité est difficile.

S’agissant de vos recommandations relatives au renforcement des moyens matériels et en personnel, je vous soutiens, le budget de Business France ne représente qu’un 1/3 tiers des moyens anglais et 1/5ème des moyens allemands.

Il y aura désormais deux représentants des régions au conseil d’administration. Je regrette cependant que le patronat n’y soit pas suffisamment représenté. Les représentants du MEDEF n’y sont plus et apportaient une compétence dans le précédent conseil.

Concernant les pays émergents, il faut y aller, c’est une évidence et nous avons besoin des missions économiques et des ambassadeurs. Je tiens à rappeler ce que j’ai dit à M. Laurent Fabius il y a 15 jours en rentrant du Tchad et du Niger. Au cours de ma visite, j’ai rencontré les deux ambassadeurs sur place qui m’ont affirmé que l’attractivité économique de ces pays n’était pas importante. Or, cela n’est pas vrai, la population dans ces pays va doubler dans les 15 ans qui viennent et la Chine et l’Allemagne s’y intéressent. J’ai demandé à M. Laurent Fabius d’étudier la question de l’attractivité de ces pays en liaison avec les ambassadeurs.

Je soutiens le cadre conventionnel entre la région et la nouvelle agence. Nous avons des résultats tout à fait probants en Midi-Pyrénées et en Corse. Concernant ERAI en Rhône- Alpes, il faut faire attention à ces structures parallèles qui se créent et qui ne font qu’un échelon supplémentaire.

À propos des financements, BPI France doit travailler en coordination permanente avec Business France ; c’est le rôle des chargés d’affaires internationaux.

Monsieur Eric Straumann. Vous évoquez dans votre rapport l’Alsace où plus de 50 % des activités sont réalisées par des filiales étrangères. C’est une situation particulière dans notre pays, car nous avons fait un long travail avec des agences d’attractivité locales, notamment envers les entreprises japonaises. C’est pour cette raison que je suis formellement opposé à vos recommandations n° 7 et 8. La région peut être effectivement un élément de « front office » pour l’attractivité, mais à condition que la circonférence de cette région soit pertinente. Comment voulez-vous vendre aux Japonais la Meuse, la Champagne, les Ardennes, les Vosges, et l’Alsace simultanément ? Cela serait compliqué. Hier, une majorité des collègues de la Commission des affaires économiques partageaient cette analyse. Donc, l’intervention de la région, oui, à condition que son périmètre soit pertinent, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Deuxièmement, il faut éviter le « french bashing ». Alcan vient de vendre à Constellium une usine dans ma circonscription. Or Constellium vient d’annoncer un investissement de 200M d’euros à Bischheim, ce qui est une belle opération. Pour cela, nous avions travaillé au plus près du territoire, au sein de la petite région Alsace, pour accueillir cet investissement.

Monsieur Paul Giacobbi. Je voudrais souligner l’excellence du rapport, notamment la rigueur de l’analyse dans la mesure de l’investissement en France et la critique faite aux informations qui années après années sont incohérentes – une année, les investissements progressent, une autre année, ils sont en baisse.

Je suis d’accord sur ce le fait que ce qui arrête l’investisseur étranger en France n’est jamais le niveau de salaire, mais l’instabilité de nos lois et le manque de flexibilité sur le marché du travail.

Par rapport aux années passées, on constate une évolution considérable de la part des pouvoirs publics sur l’attractivité française. C’est une excellente chose.

Un dernier point sur le « french bashing », nous sommes très critiques vis-à-vis de la France, mais il faut reconnaitre que pour faire de l’attractivité il faut renoncer au « world bashing ». Nous passons notre temps en France à critiquer le monde entier, parfois de manière absurde et infondée. Il faut être raisonnable vis-à-vis des gens que l’on veut accueillir. Il appartient aux pouvoirs publics d’y veiller.

Mme Michèle Bonneton. La France est attractive comme l’illustre le nombre des investissements directs étrangers (IDE), mais elle pâtit néanmoins du manque d’harmonisation sociale et fiscale en Europe. Quelles propositions comptez-vous faire pour favoriser cette harmonisation sociale et fiscale dans l’Union européenne et pour lutter contre les paradis fiscaux ?

L’attractivité de la France repose sur de nombreux facteurs. Quels sont ceux qu’il faudrait améliorer en priorité entre l’aménagement du territoire, les infrastructures, les services publics, la formation, la créativité et la productivité des personnels, l’accompagnement administratif ou la stabilité juridique nationale ?

Par ailleurs, le crédit d’impôt recherche (CIR) est fortement apprécié comme j’ai pu le constater lors de ma participation à la commission d’enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes. Mais le CIR, qui coûte 5Mds d’euros par an, bien que constituant un appui important pour la recherche française, ne bénéficie pas toujours à la France. Quelles conditions pourrait-on modifier pour que les entreprises étrangères procèdent au développement des résultats de leur recherche sur notre territoire ?

Enfin, du point de vue législatif, aurez-vous des propositions concernant le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives, ainsi que sur les enjeux internes d’infrastructures ?

M. Jean-Claude Guibal. Je voudrais aborder deux points que je n’ai pas trouvés dans le rapport. D’une part, les investissements étrangers en France sont importants, mais quelle est la part des investissements français à l’étranger ? Comment se fait la balance entre ces deux flux ?

D’autre part, avez-vous constaté un lien entre la détention du capital et la stratégie des entreprises, au regard de critères de cohérence, de politique économique nationale, ou des intérêts généraux économiques de notre pays ?

M. Kléber Mesquida. Parmi les 21 recommandations ou commandements du rapport, je mettrai l’accent sur la formation à l’attractivité qui est fondamentale afin d’éviter le trop fréquent « nombrilisme français ». Par ailleurs, la douzième recommandation met la priorité sur la recherche d’investissements croisés par la nouvelle agence issue de la fusion d’Ubifrance et de l’AFII. Il faut trouver de nouvelles voies d’implantation en France, mais aussi renforcer les achats auprès des fournisseurs français. Aujourd’hui, la Coface, qui est incontournable pour obtenir l’assurance de prospection à l’export n’est pas adaptée, puisque j’ai été confronté à une attente de 16 mois dans ma circonscription pour obtenir un certificat de cette agence, qui est éloignée du terrain. Comment, dès lors, la nouvelle agence pourrait-elle apporter un gage pour les exportations, en remplacement de celui de la Coface, dès lors qu’elle semble plus à même de réaliser l’articulation avec les régions ? La facilitation de ces formalités d’export permettrait de renforcer l’attractivité de la France.

M. Jacques Myard. C’est un excellent rapport, mais il ne faut pas oublier que la France est en première position pour les exportations nettes en stocks de capitaux, devant les États-Unis. Pourquoi ces capitaux et l’épargne des Français -qui représentent 17 % du revenu national net-, partent-ils vers la Bulgarie ou la Roumanie ? Il est nécessaire de mettre en parallèle l’apport de capitaux étrangers à la France, mais aussi la fuite des capitaux français vers l’extérieur.

Par ailleurs, comment coordonner la politique industrielle française et l’aménagement du territoire ? Vous soulignez qu’il faut renforcer le rôle des régions en matière d’accueil des investissements, mais il y aura forcément un déséquilibre entre les territoires riches qui pourront attirer les IDE et les autres. II est nécessaire de coupler les deux aspects, et cela ne figure pas dans le rapport même si la proposition n° 14 s’en rapproche.

Enfin, les jeunes pousses nous échappent car elles sont pillées par les multinationales. Le problème est qu’il nous manque les moyens de contrôle et d’application de la réciprocité, comme en disposent tous les grands États étrangers. En conclusion, nous n’avons pas de politique industrielle ni de politique d’aménagement du territoire actuellement. Il faut donc absolument changer la cohérence et la politique économique de notre pays.

Mme Chantal Guittet. Les investissements étrangers apportent des retombées importantes en capitaux et d’emploi et la France est plutôt bien placée en matière d’attractivité des entreprises. Tout d’abord, vous encouragez la création d’une politique industrielle européenne. Mais cette politique industrielle, qui est par nature dirigée, ne serait-elle pas en contradiction avec les exigences du marché de libre concurrence européen ? En outre, les capitaux étrangers sont un avantage pour la France. Mais pour garder son attractivité, la France doit aussi renforcer le budget de la mission interministérielle pour la recherche et l’enseignement supérieur (MIRES) concernant la recherche et l’innovation et inciter les entreprises à investir dans la recherche pour aboutir à des innovations attractives.

M. Pierre Lellouche. J’approuve la contractualisation avec les régions en matière économique et d’exportation, mais avec la réserve évoquée par Éric Straumann, car l’efficacité ne sera peut-être pas la même, en raison de la nouvelle taille des régions.

Je dénonce également la perte d’énergie et de temps que constitue la surprenante fusion entre Ubifrance et l’AFII qui correspondent à deux métiers complètement différents. Concernant les propositions du rapport, je placerais en première position les propositions n° 6 et n° 14 qui correspondent à la fiscalité et à la réflexion sur les critères de l’attractivité.

Enfin, il faut instaurer une réflexion d’ensemble pour créer un plan stratégique d’investissements étrangers, en lien avec la Banque publique d’investissement.

En conclusion, je suis sceptique sur deux aspects du rapport : les fonds d’investissement mixtes avec d’autres pays dont les exemples montrent qu’ils n’ont jamais fonctionné, et la création de la chambre de commerce franco-chinoise, car il n’y a aucun investissement chinois proprement dit en France, mais seulement des milliers de très petites entreprises. La Chine cherche des proies et non des lieux pour investir. C’est en ce sens que je redoute la situation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac où la Chine aura une vision très fine des tests d’Airbus alors que demain, elle sera notre compétiteur dans le domaine aéronautique. Enfin, en matière d’investissements, évitons absolument de recommencer les désastres industriels qui ont touché Péchiney, Arcelor-Mittal ou Alstom plus récemment.

M. Jean-Paul Dupré. Le rapport souligne les particularismes qui subsistent dans l’Union européenne avec l’absence d’harmonisation de la fiscalité et l’existence de paradis fiscaux, qui faussent les règles du jeu et nuisent aux IDE. Où en est la question de cette harmonisation fiscale et sociale au sein de l’Union européenne voire de la zone euro, souvent évoquée mais jamais engagée ?

M. Alain Suguenot. Les investissements directs à l’étranger en France ont diminué de 77 % en 2013 pour atteindre 5,7 Mds de dollars, alors que ce chiffre est en progression en Europe. Cette évolution est inquiétante et me conduit à revenir sur la question de la fiscalité. On parle de paradis fiscal mais rarement d’enfer fiscal. Or, la vérité est entre les deux : s’il existe des comportements de dumping fiscal de la part de certains pays, la France a un problème d’attractivité dans ce domaine. À l’instar de Pierre Lellouche, ce problème me paraît être le plus important et doit nous inciter à faire progresser l’idée de fiscalité européenne pour que nous puissions avoir, entre partenaires européens, les mêmes atouts. Vous avez parlé tout à l’heure des start-up. Il est essentiel de donner la priorité à ces pépites françaises. La France possède des créateurs à qui il manque souvent des financements au-delà du million d’euros. Or se pose aujourd’hui le problème de la spécialisation de l’épargne afin de l’orienter vers ces entreprises. La question de l’attractivité englobe cet aspect du financement. Un, deux ou trois millions d’euros, cela peut paraître minime par rapport aux grosses entreprises américaines, mais nos start-up en ont besoin. Enfin la question de la protection juridique me paraît fondamentale, protection sans laquelle ces entreprises ne pourront pas plus prospérer.

M. Hervé Pellois. Lors de la présentation de votre rapport d’étape, la question du formidable réseau d’expatriés français à l’étranger avait été mentionnée mais ne semble pas traitée dans le rapport final. Pourquoi ne pas avoir étudié cette question ? Par ailleurs, j’étais membre de la mission d’information sur la candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025 à laquelle le Président de la République a annoncé être favorable. Pourquoi ne pas l’avoir évoquée dans votre rapport alors même qu’elle pourrait favoriser l’entrée d’investissements étrangers dans notre pays ?

M. Dino Cinieri. Il est souvent difficile de savoir quelle idée les investisseurs étrangers se font réellement de la France. La fusion de l’AFII et d’Ubifrance, effective en 2015, doit renforcer l’attractivité de la France. Permettra-t-elle d’attirer davantage d’IDE ? Comment la nouvelle entité va-t-elle s’articuler avec les outils dont disposent actuellement les chambres de commerce et d’industrie ou les conseils régionaux ? Par ailleurs que sont devenus les Ambassadeurs des régions lancés par le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius en 2012 ? Leur action a-t-elle été évaluée ? Seront-ils étendus à toutes les régions ?

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Je voudrais réagir aux propositions de nos rapporteurs, bien sûr en tant que parlementaire, mais aussi à la lumière de mon expérience passée d’investisseur ayant travaillé dans une société germano-américaine dans le domaine des énergies renouvelables. Cette société avait un projet d’investissement visant à créer 420 emplois nets. Pour implanter cet investissement, elle devait arbitrer entre la France et d’autres pays européens concurrents. Ce que je vais dire n’est pas très agréable mais reflète bien les difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises étrangères lorsqu’elles veulent investir en France. Pour accueillir les entreprises, il faut d’abord les écouter et savoir lire leurs cahiers des charges, ce qui n’est pas toujours le cas. Du côté français, il faut aussi savoir jouer collectif, c’est-à-dire jouer France et non pas région contre région. J’entends l’appel lancé aux régions, mais s’il s’agit de voir les régions se concurrencer, à l’arrivée c’est la France qui perd. Par ailleurs, le colbertisme n’est pas compréhensible à l’étranger. Or il teinte toutes nos décisions. Ma société, dont le siège se trouvait dans l’Arizona, n’a jamais compris pourquoi on l’invitait ou au contraire on lui interdisait certains endroits pour l’implantation d’un site industriel. Enfin, si la France est attractive par le crédit impôt-recherche, elle est profondément dissuasive par l’illisibilité et l’instabilité de son régime fiscal et administratif. C’est tragique ! Quand vous construisez un projet d’investissement sur le long terme et qu’en parallèle le cadre fiscal change à chaque loi de finances, vous partez en courant ! Le projet que je portais mettait en concurrence la France avec l’Espagne et l’Italie. Je me suis battu en interne pour que notre pays s’impose et puisse accueillir ces 420 emplois nets et près du double en emplois indirects. Or si finalement notre pays n’a pas été retenu, c’est parce que le gouvernement avait changé le cadre fiscal de rachat de l’électricité solaire. N’oublions jamais cette idée : lorsqu’un investisseur part, il ne revient jamais !

M. Thierry Mariani. J’ai une question sur les titres de séjour. Ne faut-il pas envisager d’accompagner les candidats aux investissements en France pour l’obtention de titres de séjours ? Il existe bien des dispositifs du type « carte de séjour compétences et talents » mais la situation devient vraiment compliquée. Le ministère y répond mais ayons le courage de dire que les personnes qui viennent en France pour investir doivent être mieux traitées que les autres. Par ailleurs, je souscris à ce qui a été dit sur la nécessité de s’appuyer sur les réseaux d’expatriés et des chambres de commerce à l’étranger. Dans ma circonscription, les chambres de commerce de Chine ou de Singapour sont des véritables relais, avec des personnels qui sont présents depuis de nombreuses années. Cette remarque ne remet pas en cause le travail de l’AFII ou d’UbiFrance mais il convient véritablement d’intégrer ces réseaux dans notre réflexion sur le commerce extérieur. Enfin, contrairement aux critiques formulées par mes collègues de l’opposition sur la réforme de la carte régionale, cette dernière agrandit la taille de nos régions, ce qui est un avantage afin d’éviter le saupoudrage que l’on peut observer aujourd’hui.

Mme Marie-Lou Marcel. Comme vous le rappelez dans votre rapport, la notion d’attractivité du territoire demeure complexe. Vous soulignez l’importance de l’action de terrain au plus près des territoires, en particulier les efforts de marketing territorial qui associent les professionnels et l’appareil de formation professionnelle. Les rencontres entre l’Éducation nationale, les universités et les personnels consulaires sont primordiales pour mieux adapter les offres universitaires aux qualifications attendues. Vous évoquez également le problème récurrent du financement des entreprises. Je rejoins vos recommandations n° 7, 8 et 9 relatives à la nécessaire clarification des compétences poursuivie par la loi NOTRe, en particulier celle relative à la compétence exclusive des régions qui permettrait d’associer pour chaque projet d’investissement les acteurs les plus proches du territoire. Pourriez-vous préciser, dans votre recommandation n° 9, comment s’opère l’articulation entre les régions et l’association des régions pour la mise en œuvre des règles de protection ?

M. Jean-Pierre Le Roch. L’attractivité d’un pays renvoie à de nombreux déterminants : la qualité des infrastructures et des institutions, l’éducation et la formation qui jouent un rôle primordial. Aussi pensez-vous qu’il faut aller plus loin dans le soutien de l’innovation et de nos start-up ? Quel bilan tirez-vous des bénéfices du crédit impôt-recherche pour les entreprises ? Vous abordez la réforme territoriale en cours qui donne la compétence exclusive de la promotion économique des territoires aux régions en les associant au bloc communal, en particulier les métropoles. Pouvez-vous expliciter cette proposition ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Dans votre recommandation n° 15, vous proposez d’ajuster l’offre et la demande de formation au potentiel d’emplois. Pensez-vous qu’il serait nécessaire d’établir un état des lieux dès l’arrivée de l’entreprise sur le territoire pour ajuster réellement l’offre de formation aux besoins des entreprises ? L’idée est de limiter le nombre de formations ne débouchant sur aucun emploi. La recommandation n° 18 propose de développer les métiers de l’attractivité et de l’organisation logistique. Pouvez-vous préciser vos intentions, notamment en termes de formations universitaires ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’objectif de la fusion entre l’AFII et UbiFrance, effective depuis le 1er janvier 2015, réside dans le renforcement de l’attractivité de notre territoire. Cette fusion permettra-t-elle attirer davantage d’IDE ? Comment la nouvelle entité va-t-elle s’articuler concrètement avec les outils dont disposent les chambres de commerce et d’industrie et les conseils régionaux à l’étranger ? Cette question est la clé de la réussite du projet de fusion. Lors de la réunion du Conseil stratégique de l’attractivité le 19 octobre dernier, la présidente de l’AFII, Mme Muriel Pénicaud, a rappelé que la perception de la France est plus souvent négative que la réalité. Votre rapport confirme cette idée. Comment améliorer la communication de la France pour faire changer cette image négative ? Les IDE sont utiles au développement de l’économie dans nos territoires. Quelles sont vos préconisations pour protéger nos intérêts stratégiques, en particulier s’agissant du risque de perte de brevet ou d’imbrication trop forte des économies dans certains secteurs ?

M. François Scellier, Président de la mission d’information. Notre travail n’est bien entendu pas exhaustif et vos nombreuses remarques viennent utilement compléter les observations que nous faisons dans ce rapport. L’intervention la plus importante à mes yeux est celle du récit de notre collègue sur son expérience de tentative d’investissement en France. Il a rapporté de façon concrète ce qu’il y a lieu de changer dans notre comportement. Pour répondre aux nombreuses questions de nos collègues sur la compétence principale dévolue aux régions, je pense que cette réforme vise à une plus forte cohérence entre les régions. Actuellement, certaines régions, comme Nord-Pas-de-Calais ou Rhône-Alpes, sont très investies dans la diplomatie économique à la fois pour attirer des IDE et pour aider les petites et moyennes entreprises à exporter. Ce n’est pas le cas dans toutes les régions et cette réforme pourra les inciter à le faire. Il faut en tout cas favoriser les accords de terrain. L’exemple cité tout à l’heure de l’entreprise Mars est frappant. Le siège de l’entreprise avait initialement décidé de réaliser un projet d’extension en Pologne. Or c’est grâce à la mobilisation de tous les acteurs autour du site alsacien de Mars, qu’il s’agisse des dirigeants de Mars France, des élus locaux ou encore des services préfectoraux, que l’investissement a finalement été réalisé en France. Les dirigeants américains du groupe ont été convaincus par la cohérence du projet et la cohésion entre tous les acteurs. À ce titre, j’estime que le rapprochement entre les organismes et la création de Business France, que certains collègues ont critiquée, peut avoir des effets bénéfiques. Des critiques ont également été formulées quant aux capitaux français qui partaient à l’étranger. Dans l’exemple de la Chine, il apparaît certain qu’il faut parfois aller implanter une unité en Chine pour gagner des parts sur un marché en pleine expansion et pour encourager des investissements en retour.

M. Philippe Kemel, rapporteur. Mes réponses s’inscriront dans la continuité des propos de M. le président. En nous faisant part des difficultés rencontrées pour une seule implantation, notre collègue Pierre-Yves Le Borgn' illustre tous les obstacles que doivent franchir les investisseurs. Aujourd’hui, il nous faut donc simplifier les procédures, ce qui nécessite, contrairement à ce qui a été avancé par certains, je pense à M. Myard, de la coopération à tous les étages : département, région, État. Lorsque nos amis alsaciens soulignent que leur région dispose de nombreux savoir-faire, je les encourage à partager autant que possible, entre tous les échelons territoriaux. C’est le sens de nos recommandations relatives à la création de structures permettant aux acteurs de se rencontrer et de coopérer. Pour coopérer il faut avoir une ligne très claire, et nous préconisons de travailler en termes de filières, de chaînes de valeurs, conformément aux trente-quatre plans industriels, qui constituent une colonne vertébrale solide.

Oui, reconnaissons-le, il y a davantage d’investissements directs à l’étranger depuis la France vers l’étranger que l’inverse. Mais au lieu de blâmer, réfléchissons en termes de complémentarité. Si je prends l’exemple du groupe PSA, que je connais bien, je rappelle qu’il est présent en Chine car une partie de son capital a été exportée vers ce pays, via une alliance avec un investisseur chinois qui lui permet de vendre des voitures en Chine. Or, une partie du moteur de celles-ci est fabriquée par l’entreprise la Française de Mécanique, et 2 000 salariés du site de Douvrin, dans ma circonscription, ont l’assurance d’être employés durant deux ou trois ans grâce justement à cette coopération avec la Chine. À terme, du fait de l’évolution des technologies de motorisation par exemple, il y aura nécessairement des investissements en France. C’est ce type de raisonnement qui nous amène à recommander la création d’une chambre de commerce franco-chinoise. Ce n’est pas parce que les investissements directs d’origine chinoise visent aujourd’hui avant tout à rassembler les capitaux déjà présents sur notre territoire et que les niveaux ne sont pas si importants qu’il faut rejeter cette idée. Au contraire, une chambre de commerce franco-chinoise peut permettre de conforter ces investissements et de les rendre plus lisibles. Nous plaidons pour le renforcement de la coopération à tous les échelons afin de reconquérir du terrain dans un système industriel qui est forcément celui de l’économie-monde.

Il nous faut être plus efficients, et en attirant des investissements de l’extérieur tout en poursuivant les nôtres, nous construirons la chaîne de valeur et nous nous positionnerons sur les segments d’activité au plus fort retour sur investissement, ce qui nous permettra, in fine, de parvenir à un rééquilibrage entre les territoires. En effet, il s’agit d’une démarche globale qui touche tant à la politique d’aménagement du territoire qu’à celle de l’indépendance nationale. Au cœur de notre rapport il y a le message suivant : nous sommes passés d’un échange de marchandises à un échange de capitaux, et il faut agir pour que ce dernier ait un impact positif sur l’économie réelle. Pour ce faire, nous devons développer les outils de coopération et de protection pertinents – à ce titre, le décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, dit décret « stratégique » pris par M. Arnaud Montebourg, présente un intérêt et nous pensons possible d’élargir son champ. Chers collègues, voilà la ligne de force de notre rapport, je vous remercie de vos interventions qui permettront de l’enrichir.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous remercie Monsieur le rapporteur. Nous devons procéder maintenant à un double vote. J’interroge d’abord les membres de la commission des affaires économiques pour savoir s’ils autorisent la publication du rapport.

M. le président Paul Giaccobi. J’interroge à mon tour les membres de la commission des affaires étrangères pour savoir s’ils autorisent la publication du rapport.

Les commissions autorisent la publication du rapport d’information.

La séance est levée à midi vingt-cinq.

_____

Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 4 février 2015 à 11 heures

Présents. - M. Jean-Paul Bacquet, M. Philippe Baumel, M. Gwenegan Bui, M. Guy-Michel Chauveau, M. Philippe Cochet, M. Jean-Paul Dupré, Mme Marie-Louise Fort, Mme Valérie Fourneyron, M. Paul Giacobbi, M. Jean-Claude Guibal, Mme Chantal Guittet, Mme Françoise Imbert, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Pierre Lellouche, M. Bernard Lesterlin, M. François Loncle, M. Thierry Mariani, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Didier Quentin, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Pouria Amirshahi, M. Christian Bataille, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Gérard Charasse, Mme Cécile Duflot, M. Jean Glavany, M. Philippe Gomes, M. Meyer Habib, M. Serge Janquin, M. Pierre Lequiller, M. Lionnel Luca, M. Noël Mamère, M. Alain Marsaud, M. Jean-Claude Mignon, M. Boinali Said, M. Guy Teissier, M. Michel Vauzelle