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Commission des affaires étrangères

Mercredi 11 février 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 48

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, présidente

– Compte rendu du déplacement au Cameroun de MM. Philippe Baumel et Pierre Lellouche, dans le cadre de la mission d’information sur l’Afrique francophone

– Albanie : approbation du protocole entre la France et l’Albanie portant sur l’application de l’accord entre la Communauté européenne et la République d’Albanie concernant la réadmission des personnes en séjour régulier (n° 1586) – Mme Marie-Louise Fort, rapporteur.

– Jordanie : approbation de la convention d’entraide judiciaire entre la France et la Jordanie (N° 1180) et la convention d’extradition entre la France et la Jordanie (n° 1181) – M. Didier Quentin, rapporteur.

– Informations relatives à la commission

Compte rendu du déplacement au Cameroun de MM. Philippe Baumel et Pierre Lellouche, dans le cadre de la mission d’information sur l’Afrique francophone.

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous débutons notre réunion de ce matin par un compte-rendu du déplacement qu’ont effectué au Cameroun il y a quelques jours Philippe Baumel, rapporteur de la mission d’information « stabilité et développement de l'Afrique francophone », qui nous rendra ses conclusions dans quelques semaines, et Pierre Lellouche, qui a pu remplacer le président de la mission, Jean-Claude Guibal, empêché.

Vous aviez choisi le Cameroun comme destination car il illustre bien les problématiques que la mission étudie, compte tenu des fragilités internes de ce pays, mais l’actualité a rejoint votre propos avec la crise brutale provoquée par Boko Haram, et c’est sur cette question spécifique que votre compte-rendu portera, car il est important que nous ayons un éclairage à chaud de ce que vous avez pu constater sur place.

Boko Haram, qui se limitait jusqu’à présent au territoire nigérian, est entré depuis quelques jours dans une phase d’expansion régionale très agressive, et il frappe désormais l’extrême Nord du Cameroun, qu’il menaçait auparavant de manière sporadique, ainsi que le Sud-Est du Niger. Le Tchad est également directement menacé et ses forces ont commencé d’intervenir il y a bientôt deux semaines, d’abord sur le terrain camerounais, aux côtés de l’armée camerounaise, puis nigérian. Une réponse régionale est aujourd'hui en train de s’organiser, entre les pays riverains du Lac Tchad, qui sera renforcée par l'Union africaine.

M. Philippe Baumel, rapporteur. Le choix du Cameroun comme destination de notre mission d’information sur le thème « stabilité et développement de l'Afrique francophone », s’était fait initialement parce que ce pays, qui jouit d’une relative stabilité n’est cependant pas exempt de fragilités qu’il importait d’analyser. L’actualité a renforcé l’acuité de la question avec la menace directe que Boko Haram représente désormais pour le Cameroun, ainsi que pour l’ensemble de ses voisins, victimes d’une dérive sectaire extrêmement inquiétante. On a ici un abcès de fixation d’autres crises que l’on a déjà étudiées ici. Les nombreuses rencontres que nous avons eues, à Yaoundé et Douala, nous ont permis d’analyser ces dérives et ces tensions.

Boko Haram existe depuis le début des années 1980. Cette secte est assise sur une vision extrémiste de l’islam, prône l’instauration de la charia et a des revendications tendant à la restauration d’un califat ancien sur le territoire qu’elle occupe. Elle a des ambitions à la fois politiques et religieuses. Il faut aussi rappeler qu’elle s’est développée par ses propres exactions et aussi en réaction à la répression très violente des autorités nigérianes qui n’a fait qu’aggraver l’escalade de la violence et s’est finalement traduite par une succession de massacres répétés au Nord du Nigeria. Jusqu’à une période récente, le Cameroun était exempt de ces troubles et n’était utilisé que comme base de repli. Plusieurs régions du Nord du Nigeria sont en revanche aux mains de Boko Haram qui occupe une superficie équivalant à deux fois le Liban. Cette zone est soumise à ses razzias permanentes. Boko Haram pille, détruit et massacre, fait des incursions sur les zones frontalières à l’étranger pour s’approvisionner, notamment dans le Nord du Cameroun.

On constate une véritable incapacité des autorités du Nigeria à faire face efficacement à la progression de Boko Haram, dont l’emprise territoriale n’a fait que s’étendre. La situation sur le terrain n’a cessé d’empirer, ses recrutements se sont élargis jusqu’aux enfants de cinq ans, qui sont formés aux pratiques les plus barbares. Nous avons eu l’occasion de visionner des images d’égorgements de gendarmes par des enfants d’une dizaine d’années. Cette situation repose aussi sur une situation économique et sociale particulière, dans laquelle la pauvreté est accablante et Boko Haram vient en pourvoyeur de rémunérations, de femmes acquises sans dot, de moyens de locomotion, qu’il fournit aux jeunes désœuvrés. Boko Haram satisfait ainsi, aussi, aux attentes sociales des plus jeunes.

Les capacités militaires et d’organisation de Boko Haram sont remarquables, comme a pu en témoigner leur attaque au début du mois de janvier sur Baga. La secte dispose d’armes lourdes, qu’elle a notamment obtenues par le pillage de stocks militaires nigérians, par des achats aussi auprès de hauts gradés de l’armée nigériane ; elle a des moyens considérables, ses ressources de financements sont variées, « impôt révolutionnaire », trafics en tout genre, de diamants de la République centrafricaine, par exemple aujourd'hui, en quantité significative, commerce de bétail capturé ou autre.

Au Cameroun, la situation s’est fortement détériorée en quelques mois. L’armée n’a pas su endiguer les razzias de Boko Haram et elle n’a pas fait la preuve de son efficacité. Seul le Bataillon d’intervention rapide, le BIR, la garde présidentielle, en fait, a montré sa force, grâce à son entraînement qui est remarquable, et malgré des effectifs réduits. Il est intervenu sur le terrain et a permis de contenir Boko Haram hors du territoire, au prix toutefois de pertes importantes. C’est la raison pour laquelle le président Biya a récemment fait appel au Tchad pour qu’il apporte un soutien militaire et permette de changer la donne. Le Tchad a même effectué des incursions en territoire nigérian et a permis de faire reculer la ligne de front. Cela étant, la population, qui n’a plus de moyens de subsistance, a fui la région, les zones frontalières sont désertées et les habitants se sont réfugiés dans les grandes villes et centres de réfugiés où ils vivent dans des conditions de précarité d'ores et déjà extrêmes. De fortes tensions humanitaires sont à craindre à court terme, d’autant qu’il leur sera durablement impossible de retourner chez eux.

La menace de guerre est très présente dans les esprits à Yaoundé, où l’on se montre très préoccupé, même si la barrière montagneuse de la chaîne des Adamawa fait tampon. A l’encontre de ce que disait le chef d'État-major hier, le trafic entre la République centrafricaine et le Cameroun comme vers le Tchad, est interrompu et la circulation est des plus faible. Des efforts ont été faits mais il y a de nouveau un complet blocage.

A Douala, les préoccupations sont autres. On s’inquiète plus de la détérioration du climat des affaires, de la prévarication ici comme ailleurs, mais particulièrement rapace, aux contrôles fiscaux et administratifs tatillons, qu’à ce qui peut se passer dans le grand Nord, lointain. Nous sommes dans une fin de cycle politique, avec un Président de la République vieillissant, de plus de 80 ans, dont certains profitent. Cette situation générale pèse sur les affaires, malgré les potentialités du pays.

S’agissant du Tchad et du Niger, les voies de communications sont interrompues ou dégradées. Les populations de l'extrême Nord du Cameroun sont les mêmes que celles des pays voisins de la zone, et elles ont des relations transfrontalières privilégiées, des liens familiaux ou ethniques.

Les connexions internationales de Boko Haram sont fortes et des relations ont eu lieu au Nigeria avec Aqmi et les Shebab somaliens, ce qui traduit une internationalisation de ces mouvements sectaires extrémistes, tout comme avec la République centrafricaine.

Les forces armées du Cameroun ont reçu le soutien de celles du Tchad. Depuis le sommet de Paris en mai 2014, qui a marqué une étape importante, la réponse internationale s’organise. Des patrouilles conjointes ont commencé d’être organisées, au Nigeria et avec son accord, même si ce pays n’a pas tout à fait joué le jeu, notamment en ne communiquant pas tous les renseignements militaires nécessaires à la connaissance des bases de Boko Haram. Fin janvier, une réunion régionale de haut niveau a eu lieu à Niamey sous l’égide de l'Union africaine, à laquelle le Nigeria n’était représenté que par son ambassadeur, ce qui a été mal perçu. Tout dernièrement, l'Union africaine a décidé la constitution d’une force multinationale de 7500 hommes, qui ne sera effective que dans plusieurs semaines ; elle sera basée à N’Djamena et sera sous commandement tournant.

La question des élections au Nigeria est un point sensible. Le scrutin vient d’être reporté de six semaines, mais une grande incertitude demeure sur la capacité du Nigeria à orchestrer la réponse contre Boko Haram qu’il n’a pas su structurer jusqu’à aujourd'hui, même si les pays voisins gardent espoir. Goodluck Jonathan, qui se représente, n’a pas été efficace et s’est désintéressé de la question et on peut donc se demander quelle est sa capacité de contrôle de la situation à ce jour.

Beaucoup de nos interlocuteurs camerounais se sont interrogés sur la place de la France dans la réponse à apporter. Nous avons été stupéfaits de l’interprétation faite de la position de la France qui serait derrière Boko Haram, qu’elle armerait, manifestant ainsi au Cameroun son appétit de déstabilisation de chefs d'Etat africains. Tout cela est absurde et nous l’avons combattu. Cela se produit dans un contexte de fin de règne dans lequel on n’hésite pas à caricaturer la position de la France de crainte qu’elle ne vienne rappeler un certain nombre de principes qui lui tiennent à cœur. On reproche aussi à la France de ne pas être suffisamment aux côtés du Cameroun au moment où il est agressé, alors qu’elle l’a fait au Mali et en République centrafricaine et cela est d’autant moins compris que les Camerounais soulignent à l’envi que leur pays a toujours donné des réponses positives à nos demandes de transit de matériel vers la République centrafricaine, ou en matière de renseignement diplomatique.

M. Pierre Lellouche. Ce voyage a été pour moi l’occasion de prolonger le travail que nous faisons avec François Loncle sur le Mali et la réflexion que j’ai personnellement depuis longtemps sur ces questions, et sur les métastases des califats qui sévissent maintenant sur les pourtours de l’Europe. Il suffit de regarder la carte. Il y a aujourd'hui une dizaine d’endroits, vides stratégiquement, occupés par des califats plus ou moins organisés, qui opèrent tous peu ou prou selon les mêmes modus operandi : contrôle des populations, extrême violence, moyens financiers conséquents, nombreux combattants, souvent étrangers. Il y a ainsi quelques points de fixation : entre le Mali et l’Algérie ; au Nord Nigeria, autour de l'État de Borno occupé par Boko Haram, avec une contamination du Sud Niger, du Nord Cameroun et vers le Tchad ; en République centrafricaine avec la Séléka où cela peut dégénérer ; au Sud-Soudan ; dans le Sinaï ; au Yémen, pour ne pas parler de l’Irak et de la Syrie, ou plus loin, de la zone asiatique, avec le Pakistan, l’Afghanistan, le Waziristân, etc.

C’est quelque chose qui est pour moi sans précédent et extrêmement grave, et c’est la raison pour laquelle j’ai suggéré au bureau de la commission la constitution d’une mission d’information pour surveiller ces pôles de terrorisme qui sont en interconnexion, comme Philippe Baumel l’a indiqué. Il y a des liens entre Boko Haram et Aqmi, sans doute les Shebab, et les modus operandi se rapprochent, ce qui peut faire craindre des risques d’escalade, y compris chez nous.

Boko Haram s’ancre dans une histoire locale, dans un terreau traditionnel fait de confrontations entre populations, de rivalités entre pasteurs et sédentaires, tout cela vient de loin. Des mouvements comme celui-ci croissent sur l’extrême pauvreté, profitent d’une jeunesse disponible car désœuvrée, sans aucun espoir, sur un fond de croissance démographique très forte. D’où le fait que Boko Haram recrute dans les populations nigérianes, camerounaises, tchadiennes probablement, en offrant une moto, une Kalachnikov, qui permettent d’avoir un métier, c'est-à-dire de pouvoir faire des razzias. La lutte est d’autant plus compliquée que le mouvement est dans la population locale même qui renseigne. Ils sont en outre extrêmement mobiles, cf. la contre-attaque spectaculaire sur Fotokol qu’ils ont effectuée la semaine dernière alors même qu’ils étaient attaqués ailleurs !

Il est clair que toute l’économie du Nord Cameroun est totalement désorganisée et paralysée. Il n’y a plus de commerce transfrontalier, et de très nombreux réfugiés. La route vers le Nord Cameroun désenclave aussi le Tchad qui en dépend, et tout cela a aussi des retombées directes sur le plan de la politique interne camerounaise, dans la mesure où cela traduit aussi une résurgence du vieux conflit Ahidjo/Biya, en d'autres termes, de la rivalité Nord/Sud locale. D’où la résurgence aussi de la théorie du complot contre Paul Biya et les accusations contre la France, accusée de soutenir Boko Haram pour le déstabiliser, accusations véhiculées par l’élite de la presse locale.

De son côté, le Nigeria laisse pourrir cette situation, il a totalement renoncé à ses attributions régaliennes. Il n’y a pas d’opérations, pas d’armée, et tout cela est également lié à la confrontation entre le Nord et le Sud du pays dans un contexte de campagne électorale, dans laquelle Goodluck Jonathan n’aurait pas dû se représenter. Goodluck Jonathan est perçu comme ayant instrumentalisé cette crise. Il faudra attendre la tenue des élections pour voir le Nigeria bouger réellement. Une force d’interposition régionale va être constituée, de 7500 hommes, qui vise à redonner à la région du Lac Tchad la stabilité, mais la question de savoir comment se fera la reprise de l'Etat de Borno, et à quel prix, est posée, dans la mesure où les membres de cette coalition régionale sont aussi parmi les plus pauvres et que pour le moment, il n’y a pas de mandat. Un gros point d’interrogation est posé sur le futur immédiat.

S’agissant de la position de la France, le MAEDI et le chef d'État-major nous disent qu’ils ne sont pas preneurs d’une nouvelle guerre en Afrique, ce qui est clair car nous sommes au taquet, mais le Cameroun nous fait sentir que cette position n’est pas compréhensible, même s’il n’y a pas pour le moment de demande officielle. La RFA a été bien plus visible que nous en donnant quelques véhicules qui n’étaient initialement pas destinés au Nord. Nous avons de notre côté quelques avions, le dispositif Barkhane, mais qui est tellement allongé sur un territoire tellement immense que cela complique la donne. Nous transmettons des informations, mais dans des conditions particulières puisque le Nigeria n’ayant pas accordé de droit de suite, nous ne communiquons pas de photos au Cameroun, ce qui peut être quelque peu embarrassant diplomatiquement et me semble en tout cas difficilement compréhensible. Le positionnement du gouvernement est pour le moment de ne pas entrer dans un engrenage, ce qui est parfaitement compréhensible, mais la question est : jusqu’à quand ? Boko Haram n’est pas un épiphénomène, il y a des dizaines de milliers de combattants, des recrutements et une violence extrême sur le terrain, dans une zone qui est loin d’être exclusivement musulmane, ce qui signifie que la secte recrute d'ores et déjà au-delà des seuls critères religieux.

Nous avons été très frappés par le sentiment antifrançais, qui deviendra très inconfortable s’il perdure et il va perdurer. Je ne saurais trop conseiller à Laurent Fabius de s’y rendre au plus vite pour calmer le jeu et renouer le dialogue, prendre le pouls d’une situation mouvante liée aux différents califats existants ou en devenir. Une visite sur le terrain ne rassure pas. Les choses évoluent rapidement. La question est de savoir combien de temps la France pourra tenir sa position de retrait.

M. Jean-Paul Dupré. Quel est votre sentiment sur l’adhésion de la population à Boko Haram ? Vous semblez souligner une adhésion naturelle. C’est aussi ce qui ressort d’une récente note de Caritas, qui montre qu’à l’évidence, Boko Haram est implanté au Cameroun et bénéficie de complicités au sein des populations.

M. André Schneider. J’ai conduit au mois de juin dernier une mission au Cameroun avec mes collègues François Rochebloine et Philippe Baumel. A cette occasion, le Président Biya nous a longuement reçus. Il nous a vanté la maîtrise par l’Etat de la sécurité dans le Nord-Cameroun. Nous avons le sentiment qu’aujourd’hui, la situation est quelque peu différente… Comme président du groupe d’amitié France-Cameroun, j’ai des contacts réguliers avec des interlocuteurs camerounais, qui me permettent de me rendre compte de la montée du sentiment anti-français que vous avez évoquée. Il est aussi tourné contre des personnes d’origine camerounaise qui sont venues en France, à leur retour au pays. Enfin, cette zone d’Afrique centrale est extrêmement importante : pensez-vous que nous puissions y rétablir une paix relative ?

M. François Rochebloine. Je tiens à remercier mes collègues pour leur exposé. M. Baumel est un fin connaisseur du Cameroun. Comment décrire l’évolution de la situation dans ce pays depuis la visite que nous avons effectuée au mois de juin ? Avez-vous évoqué, lors de votre mission, la situation des lycéennes qui avaient été enlevées par Boko Haram à Chibok ? Par ailleurs, notre attention avait été attirée sur les difficultés éprouvées par certaines entreprises engagées dans la construction d’infrastructures au Cameroun : avons-nous pu progresser sur ce dossier ?

M. François Loncle. Nous avons récemment auditionné notre représentant permanent à l’ONU, M. Delattre, qui était effaré par le peu d’intérêt suscité par le problème Boko Haram à l’ONU. Je crois qu’il faudrait vraiment que nos responsables, en particulier le ministre des Affaires étrangères, se mobilisent pour alerter nos partenaires à l’ONU. Nous ne pouvons pas demander à la France de tout faire. Par ailleurs, je me demandais quelle était l’origine du sentiment anti-français que vous avez constaté au Cameroun. Cela tient-il à nos interventions en Afrique ? A des théories du complot sur notre supposé rôle derrière la montée en puissance de Boko Haram ?

M. Philippe Cochet. A combien sont estimés les effectifs de Boko Haram ? Qui arme cette organisation ? Avec quel argent se finance-t-elle ? Trouve-t-on à son sommet des hiérarques, des têtes pensantes ?

M. Jean-Paul Baquet. L’armée camerounaise est inexistante. Les dirigeants africains savent bien qu’entretenir une armée forte, c’est prendre le risque d’un coup d’Etat. Plus ils vieillissent, plus les armées sont faibles. Je souhaiterais que M. Lellouche nous explicite le terme de « califat d’encerclement » employé dans son exposé. Le sentiment anti-français est un problème profond en Afrique. Il s’est beaucoup développé au Sénégal aussi, alors que ce n’était pas du tout le cas auparavant. C’est un problème que nous devons prendre en compte lorsque nous intervenons. Le chef d’état-major des armées, que nous auditionnions hier, disait qu’une opération qui dure n’est pas forcément une opération qui s’enlise. Je lui ai cependant fait observer que nos troupes finissaient toujours par être perçues comme des troupes d’occupation. C’est ce qui se passe actuellement pour Sangaris. Je l’ai mis en garde sur notre implantation à Madama, qui me semble très fragile. C’est un fait que, là où nous allons, nous ne partons pas.

M. Thierry Mariani. Je suis surpris par ce que j’entends sur le sentiment anti-français. Y-a-t-il au Cameroun une demande d’Europe ? Par ailleurs, quelles sont réellement les capacités militaires de Boko Haram ? Serait-il capable d’occuper l’ensemble du Nigéria ? Enfin, comment expliquer l’absence totale du Royaume-Uni au Nigéria, qui était pourtant une de ses colonies ?

M. Benoît Hamon. C’est précisément la question que je souhaitais poser : où donc sont passés les Britanniques ?

M. Jean-Claude Guibal. Vous avez évoqué les liens développés par Boko Haram avec divers mouvements d’opposition dans la région. Mais au-delà, des liens ont-ils été tissés avec Al-Qaïda ou Daech ? Le sentiment anti-français que vous avez évoqué remet-il en cause la politique française en Afrique ? Y-a-t-il dans les rangs de Boko Haram des combattants étrangers, et en particulier français ?

M. Pouria Amirshahi. Le Président nigérian Goodluck Jonathan est allé faire campagne au cœur de la zone occupée par Boko Haram sans éprouver la moindre difficulté : n’est-il pas évident qu’il a des complicités avec cette organisation ? J’imagine que nous devons avoir des renseignements en ce sens. D’après le chiffre cité par M. Baumel, les agissements de Boko Haram auraient déjà provoqué 250.000 réfugiés, et cela va encore augmenter. Sur une zone géographique de cette taille, c’est explosif ! Il faut que nous alertions sur cette situation. Par ailleurs, il nous faut interroger plus profondément le rapport de la France aux pays africains. Il est légitime que ces derniers se tournent plutôt vers la France, en raison de son histoire. Ils attendent de nous une solidarité générale, mais aussi une aide concrète au développement. Or, si nous sommes très investis sur le plan militaire, nous faisons bien peu en matière d’aide au développement. Les pays africains ne le comprennent pas. Pour eux, la France est un pays ami et un pays riche. La zone dans laquelle sévit Boko Haram basculera dans le chaos si nous n’y consacrons pas des moyens que nous n’imaginons même plus investir. Il faut reconstruire de toutes pièces des Etats ! Quant aux solutions militaires, elles doivent aussi être africaines.

M. Michel Terrot. Les forces françaises les plus importantes dans la région sont à N’Djamena, à une centaine de kilomètres des zones contrôlées par Boko Haram. Il s’agit de notre vieux dispositif Épervier. Mais l’opération Barkhane a été conçue pour la zone sahélienne, plus au nord, et rien n’est prévu pour ces régions plus méridionales où populations noires et arabes sont en contact, notamment au Cameroun, ce qui est difficilement explicable à nos amis africains. Bien sûr, nous faisons mieux que les Anglais, qui ont disparu du Nigéria, et nous devons tenir compte de nos contraintes budgétaires, mais, pour conserver notre présence en Afrique, nous ne pouvons pas rester aussi absents de la région dont je parle.

M. Noël Mamère. Je suis président du groupe d’amitié France-Nigéria, que je n’ai réussi à réunir qu’une seule fois. Cela montre que l’intérêt entre les deux pays n’est pas très grand. En fait, le Nigéria n’intéresse en France que les compagnies pétrolières, qui y exploitent le pétrole en entretenant ce que l’on appelle le « cauchemar nigérian » : ce pays a 150 millions d’habitants, en aura 400 millions en 2050 et est caractérisé par un niveau effrayant d’inégalités, lesquelles sont largement à l’origine du succès de Boko Haram.

La question de savoir si la France doit ou non intervenir me paraît irresponsable quand on voit quelle est notre politique dans cette région : nous soutenons au Tchad un régime dont les forces armées se sont fait connaître pour leur brutalité et dont nous sommes pourtant devenus l’obligé du fait de son aide au Mali ; au Cameroun, nous soutenons un président qui n’est pourtant guère présent dans son pays ; quant au Nigéria, il n’y a pas de liens. Nous allons nécessairement vers une révision de notre politique. Je suis d’accord avec ce qu’a dit Pouria Amirshahi : il y a de toute évidence une forme de connivence entre le président Goodluck Jonathan et Boko Haram ; il semble même que des militaires chargés de traquer ce groupe le rejoignent parfois. C’est une situation incontrôlable pour la France. Il faut une action africaine avec un cadre de l’ONU.

M. Jacques Myard. J’ai servi pendant trois ans au Nigéria et c’était déjà la même situation qu’aujourd’hui : chaos, corruption et violence généralisée. Les Anglais n’ont eu de cesse de se retirer de ce pays qu’ils n’aimaient pas.

La seule question qui compte maintenant – le reste n’est que littérature – est de savoir où nous mettons nos moyens. Allons-nous continuer à les mettre à disposition de Bruxelles, pour 7 milliards d’euros par an, dans le cadre d’une Europe où nos positions sont de plus en plus minoritaires ? Ou bien allons-nous reprendre nos billes pour mener la politique de nos intérêts ? Notre ennemi n’est pas Vladimir Poutine, mais au sud, où tout part à vau-l’eau.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Les choses ne sont pas si simples ! Mais il est vrai qu’à la conférence internationale sur la sécurité à Munich où je me suis rendue, j’ai été frappée par la domination des discours atlantistes et la présence américaine. Et effectivement l’Afrique était presque totalement absente des débats. La seule à l’avoir évoquée a été la chancelière Angela Merkel, qui a mis en avant l’aide financière apportée. Mais, quand je l’ai interrogée sur ce que pourrait faire son pays, elle a exclu toute intervention militaire compte tenu des traditions de son pays, de la responsabilité particulière qu’elle attribue à la France en Afrique et du risque, quand on s’engage dans une zone, de devoir y rester longtemps.

Les priorités me paraissent donc les suivantes : d’abord obtenir des Européens qu’au moins ils sortent leur carnet de chèques ; ensuite, exiger des Africains qu’ils se prennent davantage en main. Il faut que l’on parvienne enfin à avoir des forces communes africaines et que l’aide au développement se perde un peu moins dans certains circuits. Au sommet de la francophonie à Dakar, le Président de la République s’est exprimé clairement sur la question.

M. Philippe Baumel. Lors des derniers sommets de la francophonie, le Président de la République a effectivement pointé clairement un certain nombre de comportements, notamment en matière de démocratie s’agissant des velléités de modifier les constitutions pour permettre la réélection indéfinie des dirigeants. Cela explique en partie le climat peu aimable qui domine dans certains pays africains lorsque l’on y parle de la France. Dans le cas du Cameroun, s’ajoute un poids historique lié au souvenir de la décolonisation, qui a été difficile ; le personnel politique camerounais est globalement très âgé, y compris dans l’opposition, et se souvient donc de ce moment, où il a été formé. Pour les opposants, critiquer la France est aussi un moyen de s’assurer une popularité à bon compte.

Pour ce qui est du Nigéria, il faut d’abord dire que personne ne sait ce que sont devenues les lycéennes enlevées. L’espoir de leur libération est de plus en plus illusoire.

Goodluck Jonathan s’est effectivement rendu dans le Nord du Nigeria pour une réunion électorale et il a fait l’objet d’une menace d’attentat. Je ne saurais dire si elle était destinée à le dédouaner d’accusations de liens particuliers avec Boko Haram. Son inaction est cependant troublante. Il y a un abandon durable d’une partie du territoire, ce qui a facilité la propagation de Boko Haram.

L’Union africaine a décidé de porter une résolution aux Nations Unies, en demandant à la France de l’appuyer. Laurent Fabius, en réponse à une question que je lui ai posée la semaine dernière, a confirmé notre soutien. Il s’agit de favoriser l’agglomération des forces africaines et de faciliter leur mise en place rapide.

En ce qui concerne les infrastructures et notre action en faveur du développement, j’ai pu visiter un magnifique chantier à Douala, celui du pont sur le Wouri, qui est financé à 85 % par la France, pour 380 millions d’euros, selon des critères environnementaux et sociaux exigeants. Tous les éléments du pont vont être fabriqués au Cameroun, ce qui implique une réorganisation complète des filières de la métallurgie et du béton dans ce pays. J’ai été troublé de voir qu’il n’y avait pas un seul panneau indiquant l’origine des financements et la vocation de ce projet.

Les évolutions sont significatives depuis la dernière mission du mois de juin dernier. La situation économique et politique s’est considérablement dégradée et je crains que nous n’allions vers de graves difficultés si une initiative politique déterminante n’est pas engagée.

A aucun moment nous n’avons constaté de demande particulière à l’égard de l’Union européenne, même au plan financier. Les membres du gouvernement camerounais ne voient manifestement pas l’Europe comme une puissance politique active et utile.

M. Pierre Lellouche. Sur la résolution à l’ONU, il était assez surprenant de constater que le gouvernement camerounais n’avait absolument pas bougé. L’Union africaine a été saisie et tout se passe en dehors de l’ONU, ce qui ne me paraît pas tenable, en particulier sur le plan des réfugiés. Sans vouloir engager une polémique, je n’ai pas l’impression que la diplomatie française ait décidé de passer à l’initiative.

Il y aurait jusqu’à 40 000 hommes, soit l’équivalent de Daesh. De la même façon, des armes ont été saisies dans les stocks de l’armée locale. L’argent, qui n’a pas l’air de manquer, vient des trafics, des enlèvements, du commerce des diamants et peut-être de fondations. Nous devrions nous mobiliser contre les financements de telles organisations, comme nous le faisons contre la fraude fiscale internationale. Avec François Fillon, j’ai demandé à Laurent Fabius que la Cour pénale internationale soit saisie. Nous n’avons pas eu de réponse du ministère des affaires étrangères.

Il y a malheureusement une sorte d’encerclement. Je suis frappé par les liens qui existent avec différents groupes, notamment AQMI et la Seleka, peut-être aussi des groupes somaliens, les Shebab. Il y a surtout le Net !

J’ai passé la matinée d’hier à Fresnes, avec certains de nos compatriotes qui reviennent d’excursions, si j’ose dire, d’Irak et de Syrie. Nous voulions voir dans quelles conditions ils sont incarcérés, notamment en ce qui concerne la question du prosélytisme. J’ai terminé la soirée avec ceux qui les combattent, en dînant avec Massoud Barzani, le président du Gouvernement régional du Kurdistan. M. Barzani nous a dit qu’il n’y a jamais eu autant d’étrangers qui arrivent. Son fils évoquait le chiffre de 40 000 combattants en septembre ; il y en aurait aujourd’hui 50 000, dont 10 000 étrangers, venus de partout – Asie, Europe, Etats-Unis, Canada.

En ce qui concerne le Net, on nous a remis hier à Fresnes un petit livre de 100 pages, très didactique, intitulé « la restauration du califat islamique », qui circule à destination des jeunes Français qui voudraient rejoindre l’Etat islamique. On vous explique que contrairement à tous les Etats créés par les musulmans depuis la fondation de celui de Médine par le prophète, « l’Etat islamique est le seul à avoir été créé par l’immigration des musulmans d’Orient et d’Occident ». On vous explique aussi comment on vit quotidiennement là-bas.

La rencontre entre les technologies modernes et le Moyen-Age est le véhicule de coordination. Tout est maintenant très structuré. Tous ceux qui ont étudié la Révolution française savent que les comités de salut public faisaient exactement de même. Quand on envoyait un commissaire de la République dans une région, il prenait le contrôle de la population, organisait des comités qui allaient faire du porte-à-porte pour identifier les suspects, distribuait de la nourriture et imposait une nouvelle règle.

M. Pouria Amirshahi. On ne peut tout de même pas faire de comparaison avec la Révolution française !

M. Pierre Lellouche. Je compare les méthodes de prise de contrôle des populations. Relisez Fouché ! Vous ne serez pas déçu. Ce sont des modes de contrôle totalitaires qui fonctionnent.

Concernant l’attentat, il y a bien eu attentat, juste après notre départ, si bien que je ne sais pas ce qui se passe au nord du Nigéria.

Je suis d’accord avec Noel Mamère lorsqu’il invite à un exercice de réflexion. Je suis aussi d’accord avec Jacques Myard sur la nécessité de renationaliser l’aide publique au développement et j’y ajoute la nécessité d’en finir avec l’aide déliée ; nous finançons des centrales électriques construites par la Chine, avec l’argent du contribuable français !

Je suis désolé d’avoir heurté notre collègue Amirshahi, mais je dis avec beaucoup de gravité que jamais depuis des décennies – quatre décennies que je connais la région – je n’avais vu une situation aussi inquiétante. Nous avons tous tendance à ne pas vouloir voir en face ce qui est en train de nous arriver. L’absence de discussions à la Conférence de Munich au sujet de l’Afrique en est d’ailleurs une illustration. La poussée est forte et rejaillit sur une partie de notre pays qui ne se retrouve plus dans la République. L’unité nationale doit désormais céder la place à des actions fortes sur toute la chaîne, en matière de politique pénale, d’immigration, de défense et de sécurité. Il faut passer d’une approche en temps de paix à celle, je le crains, en temps de guerre. Si nous ne le faisons pas, nous serons rattrapés par ce que nous avons vu là-bas. Les gens bougent, circulent, il n’y a qu’à se rendre à trois quarts d’heure de Paris pour entendre avec effroi les personnes revenant du Jihad.

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Albanie : approbation du protocole entre la France et l’Albanie portant sur l’application de l’accord entre la Communauté européenne et la République d’Albanie concernant la réadmission des personnes en séjour régulier (n° 1586) – Mme Marie-Louise Fort, rapporteure.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous examinons, sur le rapport de Mme Marie-Louise Fort, le projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre la France et la République d'Albanie portant sur l'application de l'accord entre la Communauté européenne et la République d'Albanie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (n° 1586).

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Le projet de loi qui nous est soumis autorise l’approbation d’un protocole signé par la France et par l’Albanie, le 8 avril 2013 à Tirana, en vue de faciliter l’application d’un accord précédemment conclu par la Communauté européenne et par l’Albanie, le 14 avril 2005, en matière de réadmission des personnes en séjour irrégulier.

Comme le protocole d’application de 2013 a pour fondement juridique direct l’accord de 2005, je commencerai par vous présenter l’économie générale de ce premier accord, puis son articulation avec le protocole dont nous sommes saisis, et enfin les enjeux migratoires qui sous-tendent la coopération bilatérale dans ce domaine.

A l’instar d’autres accords de réadmission signés avec divers pays de l’Europe balkanique, notamment la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM) et la Serbie, l’accord de 2005 avec l’Albanie vise à établir des procédures rapides et efficaces pour l’identification et le rapatriement des personnes qui ne remplissent pas, ou ne remplissent plus, les conditions d’entrée, de présence ou de séjour sur le territoire de l’Albanie ou de l’un des Etats membres de l’Union européenne, et de faciliter le transit de ces personnes. Cet accord de réadmission est entré en vigueur dès le 1er mai 2006.

Il s’applique à toute personne dont il est prouvé ou valablement présumé qu’elle est un ressortissant de l’une des Parties à l’accord. L’annexe 1 établit une liste commune de documents dont la présentation est considérée par les Parties comme une preuve de la nationalité, sans qu’il soit besoin d’une enquête complémentaire. L’annexe 2 fixe une seconde liste commune, très large, de documents dont la présentation est considérée comme un « commencement de preuve de la nationalité », reconnu comme valable à moins qu’il ne soit possible de lever la présomption. Il peut notamment s’agir d’une photocopie de permis de conduire ou d’un extrait de naissance, d’une carte de service d’entreprise ou d’une déclaration d’un témoin.

Sauf quelques cas limitativement prévus, l’obligation de réadmission concerne également les ressortissants de pays tiers et les apatrides, lorsqu’ils sont entrés sur le territoire de la Partie requérante en possession d’un visa ou d’une autorisation de séjour délivré par la Partie à laquelle la réadmission est demandée, ou bien si ces ressortissants étrangers ont séjourné ou transité sur le territoire de cette Partie.

En vertu de l’article 10 de l’accord communautaire, une demande de réadmission doit recevoir une réponse dans un délai maximal de 14 jours à compter de la réception de la demande. Tout refus d’une demande de réadmission doit être motivé. En l’absence de réponse dans le délai de 14 jours, le transfert de la personne concernée est réputé approuvé.

Sous certaines conditions destinées à protéger les droits des personnes concernées, l’accord de 2005 comporte aussi des stipulations relatives au transit vers un Etat tiers de destination finale – un Etat qui n’est ni le pays requérant la réadmission ni le pays requis. Un tel transit n’est autorisé que si la poursuite du voyage dans d’autres Etats de transit éventuels et la réadmission par l’Etat de destination sont garanties. L’Etat requis peut refuser le transit dans certaines conditions, notamment en cas de risque de persécutions ou de torture ou d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Au plan financier, il est prévu que tous les frais de transport engagés jusqu’à la frontière de l’Etat de destination finale sont à la charge de l’Etat qui demande la réadmission.

Conformément à l’article 19 de l’accord de 2005, l’Albanie et tout Etat membre de l’Union européenne ont la faculté de conclure des protocoles bilatéraux d’application afin de préciser un certain nombre de règles relatives à leurs relations bilatérales. Le champ de ces protocoles bilatéraux d’application, dont fait partie celui qui nous est soumis, couvre les domaines suivants :

- la désignation des autorités compétentes pour l’application de l’accord de réadmission, les points de passage frontaliers et l’échange des points de contact ;

- les conditions applicables au rapatriement sous escorte, y compris le transit vers un autre Etat de destination finale que l’une des Parties à l’accord ;

- les moyens et les documents complémentaires de preuve qui doivent être utilisés à l’appui d’une demande de réadmission.

Telle est la portée, somme toute assez restreinte, du protocole qui nous est soumis. L’Albanie a signé d’autres protocoles bilatéraux avec l’Italie, l’Allemagne, la Suède, la Hongrie, ou encore la Grande-Bretagne.

Il faut noter qu’il n’existe aucune automaticité entre la signature d’un accord communautaire de réadmission avec un pays tiers et la signature, par la France, d’un protocole bilatéral d’application. Tout dépend de l’évaluation qui est faite de l’apport potentiel d’un tel outil juridique, notamment au regard des enjeux migratoires entre les deux pays et de l’état de la coopération consulaire. J’en viens à ces deux aspects.

Depuis le 15 décembre 2010, les ressortissants albanais titulaires d’un passeport biométrique sont exemptés de visa pour entrer dans l’espace Schengen. Cette levée de l’obligation de visa a fortement modifié les flux migratoires en provenance de l’Albanie.

En ce qui concerne l’immigration régulière, la délivrance des premiers titres de séjour à des ressortissants albanais a augmenté de 57,7 % entre 2010 et 2013. La communauté légale albanaise était estimée en 2013 à environ 8 600 personnes, principalement installées dans trois régions : Rhône-Alpes (un peu plus de 2 500 personnes), la Lorraine (près de 1 000 personnes) et l’Ile-de-France (environ 870 personnes).

Les indicateurs sont également à la hausse en ce qui concerne l’immigration irrégulière. Le nombre des mesures d’éloignement prononcées à l’encontre des ressortissants albanais en situation irrégulière a crû de 271,9 % entre 2009 et 2014. Une large majorité des interpellations est réalisée à la frontière franco-italienne, dans le Sud-Est du pays, ainsi que dans le Nord et le Pas-de-Calais, à proximité des liens Transmanche vers le Royaume-Uni.

La question des flux migratoires originaires de l’Albanie peut aussi être abordée sous l’angle des déboutés du droit d’asile. Bien que l’OFPRA ait reclassé en 2013 l’Albanie dans la liste des « pays d’origine sûrs », la demande d’asile albanaise demeure élevée, avec 2 995 demandes enregistrées en 2014, contre 3 338 l’année précédente. Le pourcentage des déboutés est également élevé. En 2013, sur 2 132 décisions prises à l’égard de ressortissants albanais, l’OFPRA n’a reconnu une protection internationale qu’à 87 personnes, c’est-à-dire dans 4,1 % des cas. Au total, si l’on prend en compte les décisions de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), seuls 179 Albanais se sont vu reconnaître le droit d’asile en 2013.

Afin de bien prendre en compte les enjeux migratoires, il faut aussi rappeler que l’Albanie n’est pas seulement une source d’immigration vers la France, mais aussi une zone de transit majeure pour les ressortissants des Balkans, de Syrie, de Turquie, d’Afghanistan, du Pakistan et plus récemment d’Afrique (Maghreb, Somalie, Nigeria), qui cherchent à rejoindre l’espace Schengen illégalement.

Des passages ou tentatives de passage de la Grèce vers l’Albanie ont lieu quasiment chaque jour. Selon les autorités albanaises, les transits de migrants ont augmenté en 2013, avec environ 145 interpellations mensuelles. Ils sont ensuite revenus, au 1er semestre 2014, à une moyenne de 100 interpellations par mois.

Deux routes sont privilégiées afin de rejoindre l’espace Schengen : la première, au départ de la Grèce, transite par l’Albanie puis par le Monténégro, la Croatie, la Slovénie pour rejoindre l’Italie, la France ou la Grande-Bretagne ; la seconde, toujours au départ de la Grèce, transite par l’Albanie puis par le Kosovo, la Serbie, la Hongrie et l’Autriche pour atteindre, entre autres destinations, la France.

A la nécessité de lutter contre les filières d’immigration clandestine – 8 filières impliquant des ressortissants albanais ont été démantelées en 2014, contre 9 en 2013 –, s’ajoute celle de lutter contre la traite des êtres humains. Il existe en effet des réseaux conduisant de jeunes femmes albanaises, parfois mineures, à quitter leur pays, légalement ou clandestinement, afin d’être ensuite intégrées à des réseaux de prostitution. Ce développement de la traite des êtres humains, qui concernait d’abord le Kosovo, la Macédoine et l’Italie, s’est étendu depuis 2012-2013 à la France, à la Belgique, à la Suisse, à l'Allemagne et à la Grande-Bretagne.

En réponse à cette situation assez préoccupante, à bien des égards, l’Albanie tente de mettre en œuvre un meilleur contrôle des frontières et une gestion plus efficace des flux migratoires, en appliquant diverses mesures que je présente plus en détail dans mon rapport. Malgré une volonté de se mettre au niveau européen, le bilan reste assez contrasté.

En ce qui concerne la coopération avec l’Albanie, il faut noter que ce pays accepte déjà les réadmissions. En 2014, plus de 1 300 Albanais ont été réadmis dans leur pays d’origine, contre environ 900 en 2013. L’Albanie donnerait « toute satisfaction » dans sa coopération avec la France en matière de délivrance de laissez-passer consulaires (LPC), le taux de délivrance étant supérieur à 80 % depuis plusieurs années.

Au plan juridique, l’Albanie applique déjà l’accord de réadmission de 2005, de même que le protocole bilatéral d’application qui nous est soumis. A ce stade, il n’a pourtant été ratifié que par l’Albanie, dès le 5 mai 2013, et il n’est donc pas entré en vigueur.

Mes chers collègues, tels sont les enjeux du protocole qui nous est soumis : d’une part, des enjeux migratoires importants, qui nécessitent une action coordonnée efficace entre la France et l’Albanie ; d’autre part, une coopération déjà satisfaisante, qu’il convient de conforter en autorisant l’approbation du présent protocole. Nous sécuriserons ainsi des mécanismes utiles dans la relation bilatérale.

Au bénéfice de ces différentes observations, je vous propose d’adopter le projet de loi qui nous est soumis.

M. Jean-Pierre Dufau. Je remercie la Rapporteure pour la précision de son exposé. Je n’ai pas de question sur l’accord lui-même, mais souhaite aborder un sujet connexe : le droit d’asile et la loi que nous venons de voter en la matière. L’Albanie est tantôt considérée en Europe comme un pays sûr, tantôt comme un pays non sûr. Il en est de même avec la liste française. Il y a de quoi s’y perdre. Comment pourra être appliqué le protocole si l’Albanie change ainsi de situation?

M. Jean-Paul Bacquet. Les demandeurs d’asile albanais en France produisent généralement comme seule pièce un permis de conduire. Ces documents sont souvent des faux et je m’étonne qu’ils figurent parmi les pièces considérées comme des documents officiels d’identité. Par ailleurs, sur tous ces Albanais qui font l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière, combien sont-ils à être réellement reconduits ? Je continue à les voir dans ma circonscription, qui est proche de la région Rhône-Alpes où ils sont nombreux.

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Pour répondre à la question de Jean-Pierre Dufau, il est effectivement surprenant de constater que l’Albanie a été maintenue par le Conseil d’Etat sur la liste des pays d’origine sûrs en France au moment où la Belgique faisait sortir ce pays de sa propre liste, en octobre 2014. Le protocole ne porte pas sur le droit d’asile, mais il peut concerner en effet des déboutés du droit d’asile. C’est la liste française qui est prise en compte.

Le permis de conduire est souvent un faux et je pense que les cartes d’entreprises, considérées comme un commencement de preuve en vertu du protocole, peuvent être encore moins fiables.

L’écart entre le nombre de mesures d’éloignement prononcées et le nombre de celles exécutées est le suivant : 2 360 mesures d’éloignement ont été prononcées en 2013 et 1 384 exécutées ; 2 964 ont été prononcées au cours des 3 premiers trimestres 2014 et 1 700 exécutées.

Il est évident qu’il faudrait être plus cohérent et mener en particulier un travail sur l’espace Schengen. Il a le mérite d’exister, mais on pourrait améliorer son fonctionnement. Je vous livre là un sentiment personnel.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1586).

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Jordanie : approbation de la convention d’entraide judiciaire entre la France et la Jordanie (N° 1180) et la convention d’extradition entre la France et la Jordanie (n° 1181) – M. Didier Quentin, rapporteur.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Nous examinons enfin, sur le rapport de M. Didier Quentin, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la Jordanie (n°°1180) et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre la France et la Jordanie (n°°1181).

M. Didier Quentin, rapporteur. Ces deux accords ont été signés à Paris, le 20 juillet 2011. Le 17 avril 2012, les autorités jordaniennes ont officiellement fait connaître l’accomplissement des procédures exigées par leur ordre juridique interne. Ils visent à renforcer la coopération judiciaire en matière pénale entre les deux pays sur une base plus prévisible et contraignante que ce que prévoit la courtoisie internationale.

Les présentes conventions sont les premières du type signées par le Royaume avec un pays de l'Union européenne, et ont ouvert la voie, puisque leur signature a été suivie par la conclusion d’accords similaires avec le Royaume-Uni en 2013.

Comme en témoigne la régularité de nos contacts bilatéraux à haut niveau, le dialogue entre la France et la Jordanie repose sur de solides liens d’amitié et de confiance, doublés d’une grande proximité de vues sur les dossiers régionaux et internationaux.

Le Roi Abdallah II de Jordanie a effectué une visite de travail en France, les 17 et 18 septembre 2014, au cours de laquelle il a été reçu par le Président de la République, le Premier ministre, ainsi que par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ce déplacement a été l’occasion d’un dialogue approfondi sur les crises régionales et a fait l’objet d’un communiqué conjoint.

La France et la Jordanie ont ainsi rappelé leur soutien conjoint à la mobilisation internationale contre le terrorisme, ainsi qu’au nouveau gouvernement irakien ; la nécessité de relancer les efforts de paix israélo-palestiniens ; leur condamnation unanime de la violence en Syrie et l’urgence de la mise en place d’une transition menant à une solution politique globale.

De son côté, M. Laurent Fabius, qui a reçu son homologue M. Nasser Joudeh, le 8 janvier dernier, a salué la stabilité de la Jordanie et son rôle essentiel dans la région, et rappelé que le Royaume hachémite devait pouvoir compter sur l’appui de la France pour faire face aux effets déstabilisateurs des crises syrienne et irakienne, non seulement sur la scène intérieure, mais aussi à l’étranger. Après l’exécution par Daech le 3 janvier 2015, d’un officier de l’armée jordanienne, Maaz Al-Kassasbeh, qu’elle avait capturé en décembre après avoir abattu son avion de combat dans la province de Rakka, en Syrie, le Président François Hollande a marqué sa solidarité avec la Jordanie en condamnant « un assassinat barbare ». Il a également rappelé que « la France et la Jordanie continueront d’agir ensemble contre les terroristes et pour la paix au Moyen-Orient. »

Notre coopération en matière de sécurité avec la Jordanie a pour objectif de contribuer à la stabilité intérieure du pays, en vertu de son rôle de modérateur régional mais aussi de conforter nos intérêts sécuritaires et économiques. Elle privilégie une stratégie d’influence visant des secteurs essentiels pour la stabilité du royaume hachémite, notamment les forces spéciales, pilier du régime et cœur de notre relation de défense, ou qui correspondent à des domaines d’excellence reconnue à la France.

L’engagement de la Jordanie dans la coalition internationale contre Daech, véritable tournant dans la diplomatie de ce pays qui ne s’était pas engagé sur un théâtre extérieur depuis les années 1970, a accéléré le rythme de notre coopération militaire opérationnelle : la France a déployé, fin 2014, en Jordanie un détachement de guerre électronique, ainsi qu’un C-160 Gabriel et un plot chasse composé de 6 Mirage-2000. Les échanges dans le domaine du renseignement d’intérêt militaire avec la Jordanie sont, par ailleurs, prometteurs.

S’agissant de la sécurité intérieure, notre coopération connaît un fort développement sous l’impulsion du conseiller de la Gendarmerie nationale mis en place auprès de la gendarmerie royale et au travers d’actions de formation dans les domaines privilégiés du maintien de l’ordre et de la lutte anti-terroriste.

La France et la Jordanie sont, enfin, tous deux membres fondateurs du Forum global contre le terrorisme qui regroupe 29 Etats depuis 2011. Les objectifs de ce forum sont de promouvoir la mise en œuvre de la stratégie mondiale des Nations Unies contre le terrorisme, faciliter les coopérations régionales, interrégionales et globales, et encourager une approche civile de la lutte contre le terrorisme. Nous participons activement avec la Jordanie aux échanges d’expertise au sein des groupes de travail.

Trois axes majeurs de coopération devraient, à long terme, être renforcés entre nos deux pays, visant notamment à lutter contre :

– le terrorisme. Il s’agit indiscutablement du type de criminalité le plus sensible. L’augmentation générale de la menace et le positionnement géostratégique de la Jordanie au cœur de la zone de crise renforcent plus que jamais l’intérêt des échanges dans ce domaine ;

– l’immigration illégale. La multiplication des conflits au Moyen-Orient se traduit notamment par une nette augmentation des flux d’émigration vers la France et l’Europe. La Jordanie constitue un point de départ possible pour les Palestiniens, les Syriens et les Irakiens. Sans être massif, ce flux migratoire illégal, par voie aérienne, concerne déjà vraisemblablement plusieurs centaines de personnes chaque année ;

– le trafic de stupéfiants. La Jordanie se présente comme un pays de transit pour le trafic de différents produits. Les conflits qui déstabilisent la région confortent le pays dans ce rôle.

C’est dans ce contexte de resserrement des liens entre nos deux pays que s’inscrivent les deux projets de loi qui sont aujourd’hui soumis à notre approbation.

La première convention a été signée, à la demande expresse de la Partie jordanienne, sur la base de la convention d’extradition en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Etat des Émirats arabes unis signée à Paris, le 2 mai 2007, et entrée en vigueur le 1er septembre 2009.

Les autorités d’Amman attachaient une grande importance au fait de pouvoir signer en premier lieu, au sein de l’Union européenne, avec la France avec laquelle elle entretient depuis plusieurs années d’excellentes relations dans le domaine de la coopération technique. La Jordanie espérait aussi que le texte signé avec la France puisse ensuite servir de modèle, de référence pour les négociations ultérieurement conduites par le Royaume avec d’autres pays européens. C’est d’ailleurs la convention franco-jordanienne qui a été utilisée comme base dans le cadre des discussions conduites avec les autorités britanniques.

Le texte s’inspire largement des conventions européennes d’entraide judiciaire en matière pénale respectivement du 20 avril 1959 et du 29 mai 2000. S’agissant de l’entraide, la France a en réalité davantage obtenu de contreparties qu’elle n’a concédé d’avantages. L’économie générale du texte prévoit de :

– limiter le champ et la finalité de l’entraide à la seule collecte des éléments de preuves ;

– établir des obligations de coopération en matière de recherche et d’identification des produits d’infractions pénales, de saisie, de confiscation, de restitution des produits du crime ;

– mettre en place certaines formes particulières d’entraide telles que : la comparution de témoins (y compris de personnes détenues), la remise d’actes judiciaires, la transmission d’extraits de casier judiciaire et l’audition par vidéoconférence ;

– préciser le contenu, la forme et les modalités de transmission des demandes d’entraide

– instituer les règles d’exécution des demandes d’entraide

– établir des garanties traditionnelles dans les conventions bilatérales de coopération judiciaire conclues par la France, qui reposent pour l’essentiel sur l’introduction : 1) de motifs de refus d’exécution et de report des demandes d’entraide, assortie d’une obligation de motivation et de notification à la partie requérante, 2) de règles relatives à la confidentialité et à l’utilisation de la demande et des éléments de preuve communiqués, et la possibilité d’émettre des conditions et restrictions à l’utilisation par la partie requérante des éléments de preuve transmis.

Quant à la convention d’extradition, les négociations se sont effectuées sur la base d’un projet français qui n’a subi que peu d’amendements.

La convention comporte les dispositions classiques de conventions bilatérales en la matière, tant en ce qui concerne les dispositions de fond (champ d’application et détermination des infractions donnant lieu à extradition, motifs de refus, peine capitale, principe de spécialité et exceptions, etc.), que les dispositions de procédure (contenu, formes et transmission des demandes, compléments d’informations, ré-extradition vers un Etat tiers, arrestation provisoire, concours de demandes, décision et remise, remise ajournée ou conditionnelle, information sur les résultats des poursuites pénales). Depuis 2000, seules deux demandes d’extradition ont été présentées, il y a plus de treize ans, entre 2001 et 2002, à l’initiative des autorités françaises. Les autorités jordaniennes n’ont pour leur part pas émis de demandes.

A la différence de certains États, qui ne coopèrent en matière pénale que sur le fondement d’une convention internationale, la France accepte de donner suite à une demande d’entraide étrangère même en l’absence de convention à condition que l’autorité étrangère, au titre de la réciprocité, offre ses services dans des affaires comparables, ce qui était le cas de la Jordanie. L’adoption de ces deux projets de loi ne devrait donc pas avoir d’impact juridique majeur en droit français, mais elle permettra de poursuivre sur des bases solides notre coopération en matière de justice et de sécurité avec un pays, dont la stabilité est chère à la France et dont le rôle est crucial dans une région aujourd’hui marquée par les crises et la menace terroriste.

Sous ces observations, j’invite la commission à adopter les deux projets de loi de ratification de ces accords.

M. Jean-Pierre Dufau. Je remercie le rapporteur pour son double rapport et je le rejoins dans ses conclusions qui soulignaient les liens qui unissent la France et la Jordanie et l’importance de ce dernier pays pour la stabilité de la région. Cet accord concerne des Français et des Jordaniens, mais concernent-ils aussi des ressortissants d’Etats tiers sur le sol Jordanien ? Nous savons l’importance du nombre de réfugiés dans le Royaume et le poids qui en résulte pour le régime.

M. Didier Quentin. Nous verrons quelle application est faite de l’accord, mais cela me semble possible que des ressortissants de pays tiers soient concernés. La réextradition vers un Etat tiers est d’ailleurs visée.

M. Jean-Paul Bacquet. Je félicite à mon tour le rapporteur pour son rapport et sa façon dynamique d’exposer la situation. La Jordanie est un pôle de stabilité, mais c’est un pôle que nous devons maintenir stable dans une région totalement instable. C’est la raison pour laquelle, quel que soit l’accord conclu, il faut le soutenir. Nous connaissons la stratégie d’influence du pays, la lutte contre Daech et l’accueil des réfugiés qui constituent peut-être aujourd’hui 50 % de la population, dont 800 000 Syriens, dans des conditions difficiles, avec une pression sur la nappe phréatique qui est une des priorités de l’AFD et une déstabilisation du marché du travail. Effectivement, la Jordanie devient en plus une plaque tournante du trafic de stupéfiant, trafic facilité par les crises.

Je suis le président du groupe d’amitié France-Jordanie. Lorsque le Roi est venu à Paris, il a demandé au cours d’un échange nourri que la France soit plus présente dans son pays. J’ai demandé à pouvoir effectuer une mission avec le groupe d’amitié. Je me suis vu opposé un refus systématique. Cela n’intéresse personne à la Présidence. J’apprécierai que la Présidente de la Commission puisse intervenir pour exprimer le soutien de la Commission à une telle initiative, car il s’agit à nos yeux d’un pays fondamental pour la stabilité et la paix. Les parlementaires peuvent jouer un rôle et le Parlement est trop souvent oublié par l’exécutif.

M. Didier Quentin.. Je vous rejoins sur la nécessité que des députés se rendent en Jordanie pour marquer notre soutien au pays. Je pars la semaine prochaine en Birmanie avec le groupe d’amitié et, si ce pays s’ouvre et que nous devons accroître notre présence, nous n’avons pas des liens de la même densité qu’avec la Jordanie. Il s’agit en outre d’un appel du Roi auquel il faut répondre.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Je vais saisir la Vice-Présidente chargée des relations internationales et joindre ma voix à la demande d’une mission. Je suis moi aussi préoccupée par le fait que les parlementaires ne sont pas systématiquement associés, d’une manière ou d’une autre, aux déplacements à l’étranger. Je vais écrire un courrier à ce sujet au Président de la République et au ministre des Affaires étrangères.

M. Jean-Paul Bacquet. L’audition du général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, a encore démontré que l’association des parlementaires est utile. Nous pouvions échanger en connaissance de cause. Nous étions avec Valérie Fourneyron autour du jour de l’an sur le terrain avec nos troupes et nous savons ce qu’est l’opération Barkhane. Le déplacement de plusieurs d’entre nous en République centrafricaine a joué un rôle important et nos impressions n’ont pas laissé insensible le général, notamment s’agissant de la perception de l’armée française comme force d’occupation.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. J’ai pour ma part noté qu’il s’y rendait très régulièrement. On pourrait envisager qu’un membre de notre Commission l’accompagne une fois de temps en temps.

M. Didier Quentin, rapporteur. Cette association de moins en moins fréquente des parlementaires concerne aussi les invitations aux manifestations culturelles. Ce sont désormais les grandes entreprises qui nous convient. Cela participe pourtant du rayonnement de la France.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (n° 1180 et n° 1181).

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Informations relatives à la commission

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Je vous informe que je vais réfléchir à la manière de rattraper notre énorme retard en matière de ratification des accords internationaux. Le ministre m’a d’ailleurs transmis un tableau récapitulatif faisant état des textes prioritaires, ce qui nous sera utile. Des rapports très courts notamment pourraient être envisagés. Je reviens vers vous prochainement avec une proposition.

Au cours de sa réunion du mercredi 11 février à 9h30, la commission des affaires étrangères a nommé :

– M. Philippe Baumel, rapporteur, sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat économique d'étape entre la Côte d'Ivoire, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, (n° 1163) ;

– M. Jean Glavany, rapporteur, sur le projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République d’Afrique du Sud, d’autre part, modifiant l’accord sur le commerce, le développement et la coopération (n° 1239) ;

– M. Michel Destot, rapporteur, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant application du protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France, signé à Vienne le 22 septembre 1998 (n° 1222) :

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 11 février 2015 à 9 h 30

Présents. - Mme Nicole Ameline, M. Pouria Amirshahi, M. Kader Arif, M. François Asensi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Bocquet, M. Gwenegan Bui, M. Gérard Charasse, M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean-Louis Christ, M. Philippe Cochet, Mme Seybah Dagoma, M. Jean-Louis Destans, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Jean-Paul Dupré, M. François Fillon, Mme Marie-Louise Fort, Mme Valérie Fourneyron, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Marc Germain, Mme Linda Gourjade, Mme Estelle Grelier, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, Mme Chantal Guittet, M. Benoît Hamon, Mme Françoise Imbert, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Pierre Lellouche, M. Patrick Lemasle, M. Pierre Lequiller, M. Bernard Lesterlin, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Didier Quentin, Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, M. André Santini, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Jean-Marc Ayrault, M. Patrick Balkany, M. Jean-Christophe Cambadélis, Mme Cécile Duflot, M. Paul Giacobbi, M. Philippe Gomes, M. Meyer Habib, M. Serge Janquin, M. Armand Jung, M. Jean-Claude Mignon, M. Jean-Luc Reitzer, M. Boinali Said, M. Guy Teissier, M. Michel Vauzelle