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Commission des affaires étrangères

Mardi 14 avril 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 69

Présidence de Mme Valérie Fourneyron, secrétaire du Bureau

– Ratification de l'accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique (n° 2657) – Mme Elisabeth Guigou, rapporteure.

Ratification de l'accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique (n° 2657).

La séance est ouverte à dix-sept heures trois

Mme la Présidente Valérie Fourneyron. Nous examinons, sur le rapport de Mme Elisabeth Guigou, le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique (n° 2657). Il s’agit d’un Accord très important car la création de ce Fonds participe de la création d’une union bancaire européenne. Cette union est une grande avancée qui doit permettre de couper le lien entre les dettes bancaires et les dettes souveraines en faisant en sorte qu’à l’avenir se soit des fonds privés et les banques qui financent les défaillances bancaires.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou, rapporteure. L’accord qui nous est soumis aujourd’hui s’inscrit effectivement dans un cadre plus large, celui de l’union bancaire, dont il est un des éléments. Face à la succession de crises bancaires intervenues dans le sillage de la crise financière de 2007, les Etats ont mis au point les mécanismes d’aide aux Etats en difficulté et de sauvetage des banques. Ils ont aussi engagé des réformes pour renforcer la solidité des banques et surtout pour parvenir à couper le lien entre dettes bancaires et dettes souveraines et protéger les déposants. Dans un premier temps, ce sont en effet les Etats, donc les contribuables, qui ont été mis à contribution.

Compte tenu des effets systémiques spécifiques à une zone monétaire unique, il a été convenu dès 2012, notamment sur la base du rapport des quatre Présidents (Herman Von Rompuy, Jose Manuel Barroso, Mario Draghi et Jean-Claude Junker) « Vers une Union économique et monétaire véritable », de travailler concomitamment à la création de mécanismes centralisés de prévention, détection et résolution des crises bancaires en zone euro. Cette union bancaire a pris forme en deux années, c’est-à-dire dans un délai très court, avec :

– un mécanisme de supervision unique des banques ;

– un mécanisme de résolution unique des défaillances bancaire disposant d’un fonds unique.

Seule la garantie unique des dépôts reste à construire. Une directive harmonisant les systèmes nationaux a toutefois été adoptée pour prévoir des fonds de garantie nationaux et un seuil de garantie des dépôts jusqu’à 100 000 euros.

L’Accord qui nous est soumis est une des pièces de cet ensemble qui pour partie s’applique à la seule zone euro, du moins à ce jour, et pour partie à tous les Etats membres. Les caractéristiques du fonds de résolution unique et les principes de son alimentation sont fixés par un règlement européen. L’Accord intergouvernemental définit les modalités de transfert et de mutualisation des contributions. Sa ratification conditionne l’entrée en vigueur du Fonds.

C’est l’Allemagne qui a posé la condition d’un accord intergouvernemental, soutenant que la faculté de transfert des contributions relevait de la compétence des Etats. Au-delà de l’argument de la sécurité juridique, cela permettait de soumettre à l’approbation de son Parlement un élément-clé du dispositif général (les règlements sont d’application directe).

Il me semble utile de rappeler l’architecture de l’union bancaire.

Le premier pilier est le Mécanisme de supervision unique (MSU). Il a été institué par deux règlements du 15 octobre 2013 et est pleinement opérationnel depuis le 4 novembre 2014. Adossée à des exigences règlementaires accrues et affinées et à des bilans assainis et mis à l’épreuve au moyen de tests de résistance réalisés au cours de l’année 2014 avec une extrême rigueur, la création de ce mécanisme permet de disposer d’un arsenal préventif et correctif d’une qualité absolument remarquable.

Cela consiste à transférer vers la Banque centrale européenne la compétence de la supervision bancaire des autorités nationales de supervision. Le mécanisme concerne obligatoirement les membres de la zone euro mais est ouvert aux autres Etats qui souhaiteraient engager une coopération rapprochée avec la BCE (aucune n’a été signée à ce jour). Les établissements importants et au moins trois par Etat sont placés sous supervision directe de la BCE, qui dispose par ailleurs de la faculté de se saisir sur tous les autres. La liste des 120 établissements sous supervision directe a été publiée le 4 septembre 2014, couvrant 85 % de l’ensemble des actifs. 10 établissements français y figurent.

Le deuxième pilier est le nouveau cadre relatif à la résolution des défaillances bancaires, qui a été créé au travers de trois instruments :

– une directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (BRR) qui s’applique donc dans l’ensemble des Etats de l’Union européenne ;

– un règlement instituant un Mécanisme de résolution unique (MRU) pour les Etats participant au Mécanisme de supervision unique, qui organise donc la centralisation des processus prévus par la directive ;

– un accord intergouvernemental, dont nous sommes saisis.

La directive prévoit dans chaque Etat la mise en place d’une autorité publique en charge de la résolution des défaillances bancaires (en France, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution - ACPR) et précise les outils à sa disposition pour les prévenir et les gérer. Notamment, la directive prévoit un mécanisme de renflouement interne (bail-in), c’est-à-dire l’absorption des pertes d’abord par les actionnaires et créanciers privés, les dépôts étant concernés en dernier ressort et seulement au-delà de 100.000 euros.

La directive prévoit la création de fonds de résolution nationaux, financés par les banques, pouvant intervenir après un renflouement interne d’au moins 8 % du passif d’une banque et pour renflouer au maximum 5 % du passif. Ce fonds doit atteindre 1 % du total des dépôts du pays à l’horizon de dix ans. L’objectif est d’éloigner autant que possible l’utilisation des fonds publics et d’éviter de faire appel aux contribuables.

Le règlement du 15 juillet 2014 crée un mécanisme de résolution unique et un fonds de résolution unique qui se substituent pour partie aux dispositifs nationaux. Le règlement est entré en vigueur au 1er janvier 2015, mais ses dispositions relatives au Fonds de résolution unique ne seront applicables qu’à partir du 1er janvier 2016. Le Mécanisme a compétence sur toutes les banques sous supervision directe de la BCE, sur les autres banques transfrontalières dont la liste reste à établir et sur tout établissement faisant appel aux ressources du fonds de résolution unique. Les autres continuent de relever des Autorités et des Fonds nationaux.

Le mécanisme créé s’appuie sur la directive pour, à partir du 1er janvier 2016, faire en sorte que les défaillances bancaires en zone euro soient traitées dans un cadre prévisible, de façon identique par une autorité unique : le Conseil de résolution unique. Ce Conseil jouira des prérogatives de l'autorité de résolution telles que définies par la directive et selon les mêmes règles, notamment concernant le renflouement interne, puis la possibilité de recourir au renflouement externe par un fonds de résolution unique abondé par les contributions des banques sous les mêmes conditions que les fonds nationaux. La gouvernance est complexe mais la procédure de décision permet d’intervenir en urgence et de résoudre une crise en un week-end.

J’en viens maintenant aux caractéristiques du Fonds de résolution unique alimenté par les banques.

C’est le règlement qui fixe les règles relatives au Fonds unique. L’Accord du 21 mai 2014 a un objet très circonscrit : celui de déterminer les modalités de transfert et de mutualisation des contributions des établissements bancaires au fonds de résolution unique. Les deux ont été négociés en même temps.

Le recours à un accord intergouvernemental a eu un avantage : celui de permettre à la France d’obtenir des avancées sur l’alimentation du fonds de résolution unique et l’utilisation des contributions. Le règlement prévoit ainsi l’abondement du Fonds dès le 31 janvier 2016, sur une période de huit ans pour aboutir au montant-cible au lieu des dix prévus par la directive pour les fonds nationaux et avec une mutualisation progressive des contributions au cours de cette période au moyen de compartiments nationaux se réduisant chaque année et d’une possibilité de transferts entre compartiments.

Pour le reste, le règlement fixe le niveau cible des contributions au 31 janvier 2023 à 1 % du montant des dépôts couverts des entités des Etats participants, ce qui correspond pour la zone euro d’aujourd’hui à 55 milliards d’euros. Il prévoit l’alimentation du fonds par des contributions ex-ante de manière aussi uniforme que possible dans le temps. Le Conseil de résolution unique fixe chaque année un « niveau-cible annuel » de contributions pour atteindre la cible de 1 %. La durée de la période transitoire, de 8 ans, sera prolongée de quatre années si plus de la moitié du montant-cible devait être utilisé pendant cette phase. Le règlement prévoit aussi des contributions ex-post si les ressources disponibles ne sont pas suffisantes. Elles sont prélevées sur les banques selon les mêmes règles et ne peuvent pas dépasser trois fois le niveau-cible annuel des contributions ex ante.

Par ailleurs, l’existence d’un Accord intergouvernemental s’est avérée utile à l’automne dernier. Le Parlement français a pu peser au travers de sa compétence de ratification. Envisagée initialement en septembre, la ratification de l’accord a été repoussée, à la demande de votre rapporteure puis des sénateurs, dans l’attente de la fin des négociations sur le calcul des contributions des banques au Fonds de résolution unique. Car il est une chose que le règlement ne prévoit pas : les modalités précises de calcul des contributions. Et l’on sait que le diable se niche dans les détails. L’habilitation donnée au gouvernement à légiférer par ordonnance pour intégrer les modifications apportées par le règlement européen a aussi été réservée après la promulgation de la loi autorisant la ratification de l'Accord intergouvernemental. C’est fort de cette position que le Gouvernement français a conduit les négociations.

La répartition des contributions a fait l’objet d’un compromis qui corrige un peu la charge pesant sur les banques françaises.

Il faut bien comprendre que la définition des paramètres de calcul des contributions a été renvoyée à un acte d’exécution du Conseil, qui se combine avec l’acte délégué de la Commission prévue par la directive. Il est tenu compte de deux variables pour calculer l'apport de chaque établissement : l’une proportionnelle aux dépôts et l’autre fonction du risque.

Les banques françaises disposent d’un montant total de passif important (8 155 milliards d’euros) pour un total de dépôts faibles (1 147 milliards d’euros) compte tenu des sommes placées sur des produits d’épargne règlementée ou en assurance-vie. C’est très singulier. Le Fonds national aurait été de 11,5 milliards d’euros (1 % des dépôts) et son financement réparti entre des établissements au profil de risque proche. En basculant à l’échelle des passifs et dépôts de la zone euro, le montant des contributions des banques françaises est fortement réévalué par rapport au dispositif national. Sur les 55 milliards du Fonds unique, les banques françaises pouvaient être redevables de 17,5 milliards d’euros, c’est-à-dire 32 %, alors même que la part de la France dans les actifs bancaires s’établit à 24 % et sa part pondérée par les risques à 21,5 %.

Les négociations ont été très dures. Un accord a été passé avec l’Allemagne pour que les banques des deux pays contribuent à égalité, à savoir 15 milliards d’euros. Le compromis a été accepté par les Etats le 9 décembre 2014.

L’acte d’exécution du Conseil prévoit une introduction progressive de la cible de financement européenne par rapport à la cible de financement nationale (phasing-in), afin de limiter les variations au passage du régime national au régime européen. Ce mécanisme diminuerait le coût pour les banques françaises d’environ 2 milliards. Il est également prévu qu’une fraction des contributions, comprise entre 15 % et 30 % à la discrétion du Conseil de résolution unique, pourra être acquittée en engagements de paiement hors-bilan, qui n’ont pas d’impact sur le compte de résultat des banques.

Dans l’acte délégué de la Commission qui s’applique dans toute l’Union européenne aux fonds nationaux comme au fonds unique, la France a obtenu des aménagements techniques et l’Allemagne a obtenu une participation forfaitaire des petites banques.

Même si le résultat est un moindre mal, la participation des banques françaises est très élevée par rapport à leur poids réel et leur profil de risque. Les sommes qu’elles devront décaisser sont autant de fonds propres en moins pour le financement de l’économie française. C’est la raison pour laquelle le Sénat a adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, un article additionnel au projet de loi, instituant l’obligation pour le Gouvernement d’informer annuellement le Parlement des conséquences pour les établissements français des nouvelles règles. Sont aussi visées les contributions au fonds de garantie des dépôts qui sont amenées à augmenter en application de la directive européenne dans des proportions encore à déterminer.

Il s’agit de disposer d’un coût global pour les banques et des conséquences qui en résultent, sous la forme d’un tableau de chiffres commenté qui tienne compte de tous les paramètres. Concernant le fonds de résolution unique, le montant de 15 milliards est une évaluation, à périmètre constant, et hors utilisation du fonds. L’impact diffèrera aussi selon la fraction versée en engagements de paiement. Compte tenu de toutes les incertitudes actuelles pesant sur le calcul des contributions et de tous les évènements à venir qui sont susceptibles de les affecter, il est judicieux de prévoir la transmission de données précises actualisées.

Ce contexte rappelé, je vais présenter les dispositions de l’Accord dont la ratification est proposée par l’article 1er du projet de loi.

L’Accord a été signé le 21 mai 2014 par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne à l’exception du Royaume-Uni et de la Suède. Il comporte 16 articles et deux déclarations d’intention.

S’il n'est pas un traité de l'Union européenne, il ne peut s’abstraire du droit de l’Union européenne qui s’impose à ses signataires en qualité de membres de l’Union. Il doit aussi être réintégré dans le droit de l’Union au plus tard dix ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Un certain nombre de dispositions établissent la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne pour l’application et l’interprétation de l’Accord, y compris pour constater le manquement aux obligations.

Concernant le champ d’application, l'accord s'applique aux Etats dont les établissements sont soumis au Mécanisme de supervision unique et au Mécanisme de résolution unique, ce qui est obligatoirement le cas dans l’eurozone. Aucun État n’ayant à ce jour signé de coopération rapprochée avec la BCE, l'accord s'appliquerait au 1er janvier 2016 aux 19 Etats ayant l’euro pour monnaie.

A la demande notamment du Royaume-Uni qui n’a pas signé l’Accord, un mécanisme de remboursement est prévu au bénéfice des non-participants. Le montant qu’ils ont versé sur leurs ressources propres via le budget général de l’Union au titre de la responsabilité non contractuelle, du fait de l’exercice par les institutions de l’Union des pouvoirs conférés par le MRU, leur est reversé avec intérêt.

Certains établissements peuvent être exclus de l’accès au fonds. C’est d’abord le cas des établissements d’un Etat qui n’aurait pas respecté son obligation de transférer les contributions au Fonds. C’est ensuite le cas de certains établissements de pays qui intègreraient le mécanisme, soit par adoption de l’euro, soit par coopération rapprochée. Le fonds ne sera pas mobilisé pour les établissements dont la résolution a été engagée avant, ni utilisable pour ceux qui sont alors jugés défaillants ou susceptibles de le devenir par la BCE.

Concernant le transfert des contributions au Fonds unique, il est fait obligation aux Etats d’y procéder au plus tard le 30 juin de chaque année. La première année, les Etats devront également transférer les contributions perçues au niveau national en 2015 en application de la directive européenne, au plus tard un mois après l’entrée en vigueur de l’Accord.

Lorsqu’une partie des ressources du Fonds a été utilisée dans le cadre d’une procédure de résolution, les parties s’engagent à le reconstituer au moyen de contributions ex ante supplémentaires pour atteindre de nouveau le niveau cible de 1 %.

Un Etat non participant qui rejoint l’euro ou adhère au mécanisme sera tenu de transférer au Fonds les contributions perçues sur son territoire qui équivalent au montant qu’il aurait dû transférer s’il avait participé́ depuis le début. Un Etat non membre de la zone euro peut résilier sa coopération rapprochée et sortir du MRU. La résiliation entraîne la récupération, au profit du fonds de résolution national, des contributions transférées jusqu’à cette date. Néanmoins, la résiliation n’affecte pas les droits et obligations découlant de mesures de résolution décidées pendant la période de la coopération rapprochée.

L’Accord détaille les conditions de la mutualisation progressive des compartiments nationaux. Le Conseil de résolution unique établit, à la date d’entrée en vigueur de l’accord, une liste précisant la taille du compartiment de chaque partie contractante. Cette liste est mise à jour tous les ans pendant la période transitoire

Concernant l’imputation des coûts d’une résolution pendant la période transitoire, on met d’abord à contribution les compartiments des Etats de l’établissement concerné, selon un rythme décroissant au fur et à mesure des années. Ainsi, 100 % des ressources du compartiment national peuvent être utilisées la première année, 60 % la deuxième et 40 % la troisième. Si c’est insuffisant, on utilise les ressources de la partie mutualisée du Fonds, qui augmente dans la proportion inverse de celle des compartiments nationaux. Si c’est toujours insuffisant, on mobilise les sommes restant sur les compartiments nationaux des Etats de l’établissement concerné, par exemple, s'il s'agit de la troisième année de Fonds, les 40 % de ressources qui n'ont pas été utilisés dans un premier temps.

Dans l'hypothèse où le compte n'y est toujours pas, les Etats de l’établissement concerné transfèrent au Fonds les contributions ex-post extraordinaires des établissements agréés sur son territoire. Tant que ces dernières ne sont pas immédiatement mobilisables, l’Accord prévoit que le Conseil de résolution unique peut mobiliser des ressources supplémentaires provisoires en procédant à des transferts temporaires entre compartiments, selon une méthode très précisément décrite, ou en exerçant son pouvoir de contracter des emprunts ou d'activer d'autres formes de soutien pour le Fonds. Les contributions ex-post viennent alors en remboursement.

Concernant les dispositions d’entrée en vigueur, conformément à la Déclaration n°2 annexée à l’Accord, les signataires se sont engagés à s’employer à mener à bien le processus de ratification en temps utile pour que le mécanisme de résolution unique soit pleinement opérationnel d’ici le 1er janvier 2016.

L’Accord entre en vigueur au deuxième jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les Etats signataires participant au MSU et au MRU représentant au moins 90 % du total des votes pondérés de ces Etats auront déposé leurs instruments de ratification ou approbation ou acceptation. Il en résulte, d’une part, que l’absence de ratification par les Etats signataires qui ne participent pas aux MSU et MRU n’est pas bloquant. D’autre part, le seuil de 90 % accorde une minorité de blocage à la France et l’Allemagne. Enfin, le délai fixé entre le dépôt des instruments et l’entrée en vigueur impose une ratification avant la fin novembre 2015. A la date du 30 mars 2015, le processus de ratification était achevé en Finlande, en Allemagne et en Lettonie, et il était engagé à Chypre, en République tchèque et aux Pays-Bas.

Enfin, la validité de l’Accord est conditionnée au maintien d’un certain nombre de règles fixées dans la directive et le règlement européens (article 9 et Déclaration n°1 annexée à l’Accord). Il s’agit des règles de procédure relatives à l’adoption d’un dispositif de résolution, des règles relatives au processus décisionnel du MRU, des principes généraux régissant la résolution notamment pour le renflouement interne.

En conclusion, je voudrais insister sur l’importance de la création de l’union bancaire et donc du vote de ce projet de loi qui permet l’entrée en vigueur d’une partie essentielle du dispositif général. La France et ses banques ont toujours soutenu ce projet et il faut souhaiter qu’au 1er janvier 2016 le mécanisme de résolution unique sera pleinement opérationnel. Je vous invite à voter le projet de loi.

Je voudrais aussi souligner que le processus ne s’arrête pas là. J’attire d’abord votre attention sur le fait que la question des filets de sécurité, dans le cas où le fonds de résolution unique serait insuffisant, n’est pas réglée. Or, il faut crédibiliser l’ensemble du Mécanisme, dont je rappelle qu’il est coûteux pour nos banques.

Ensuite, on voit que l’union bancaire consiste en des mécanismes très intégrés, de nature fédérale, complémentaires d’une monnaie unique. Il faudra aller plus loin car l’Union économique et monétaire ne se résume pas à une union et un marché bancaires. L’Union monétaire sort renforcée, mais il reste à faire l’union économique. L’UEM reste unijambiste : il n’y a pas assez de règles sociales et fiscales, ni de mécanismes dimensionnés pour créer de la croissance et de l’emploi. Des améliorations considérables sont nécessaires pour assurer la convergence et la cohérence des politiques économiques des Etats de la zone euro, ce qui devrait inclure l’harmonisation fiscale, la coordination macro-économique, un budget propre de la zone euro et une forme de mutualisation des dettes qui permette d’opérer des transferts et d’assurer la solidarité.

Mme la Présidente Valérie Fourneyron. Merci madame la Présidente pour cette présentation sur le nouveau fonds de résolution unique qui nous a apporté de nombreuses précisions très techniques. Ce mécanisme est important pour le fonctionnement de l’union bancaire et doit permettre d’éviter une contagion des crises bancaires aux dettes souveraines comme cela a pu avoir lieu depuis 2007.

Je vous remercie également de nous avoir précisé le mode de calcul et le niveau des contributions de nos établissements bancaires à ce mécanisme, qui s’élève 15 milliards d’euros à parité avec l’Allemagne. L’information annuelle du Parlement est un élément important qui a été ajouté lors de la lecture au Sénat.

Enfin, il était opportun d’exposer les perspectives d’évolution de ce fonds à la fin de votre présentation. J’ajouterai qu’un fonds européen de garantie des dépôts est nécessaire et qu’il faut aussi sans doute qu’il puisse y avoir, comme nous l’avons fait en France, une séparation entre les activités des banques.

M. Jean-Paul Dupré. Je m’interroge sur l’engagement des 28 pays de l’Union européenne. Les Etats membres ont-ils la possibilité ne pas signer cet accord ?

Concernant la vérification en amont de la qualité de la santé des établissements bancaires concernés. La banque centrale a-t-elle la capacité d’effectuer de façon sérieuse ces vérifications ? Cette question se pose notamment par rapport aux actifs risqués que peuvent détenir ces établissements bancaires.

Aussi, sur un autre sujet, il avait été fortement envisagé de couper les liens entre les banques de dépôt et les banques d’affaires. Où en sommes-nous ?

M. Jean-Louis Destans. Ce dispositif veut répondre à la crise de 2008 au cours de laquelle les Etats ont dû venir au secours des banques. Il cherche à y répondre tout d’abord en organisant un contrôle par la BCE, puis en sécurisant, c’est l’objet des fonds, et enfin en mutualisant sur l’ensemble du système bancaire les éventuelles défaillances pouvant survenir.

Je voudrais me placer dans le cadre d’un scénario quelque peu catastrophe. Imaginons que la Grèce n’honore pas ses dettes et que la population grecque, très inquiète, se décide à retirer tout son argent des banques de dépôt. Le mécanisme de mutualisation, au-delà même des éventuelles décisions du gouvernement grec sur le remboursement de sa dette nationale, s’appliquerait-il pour venir au secours des banques de dépôt grecques ? Il pourrait alors y avoir une forme d’aspiration via le système bancaire privé par rapport à la sécurisation des dettes publiques. On voit bien les enchaînements qui pourraient s’en suivre.

Mme Estelle Grelier. Ma question porte sur la nature du contrôle exercé par les différents Parlements. Les dispositifs dont nous traitons aujourd’hui sont de conception et d’intention intergouvernementales et nous n’avons quasiment pas notre mot à dire. Nous devons mendier une information annuelle des conséquences de ce mécanisme sur les établissements bancaires français malgré ses fortes incidences sur l’économie réelle. J’estime que cette information annuelle n’est pas à la hauteur des enjeux qui sont portés par ce mécanisme. De plus, cet accord étant d’essence intergouvernementale, le Parlement européen est lui aussi exclu de toute forme de contrôle.

Nous ne pouvons pas d’un côté nous féliciter que ce fonds soit fantastique car il répondrait à une attente et de l’autre affirmer que ni les parlements nationaux et ni le Parlement européen n’ont à peser sur sa mise en application. C’est un vrai sujet démocratique. Les sujets techniques, lorsqu’ils sont tranquillement expliqués, peuvent intéresser les citoyens et donc leurs représentants. Je suis inquiète de constater qu’à chaque fois ce type de dispositifs échappe ou organise le fait d’échapper au contrôle des peuples.

En conséquence, nous ne pouvons pas nous satisfaire de l’amendement du Sénat. Il débouchera sur le même type de présentation que nous connaissons aujourd’hui avant chaque conseil européen lorsque les ministres viennent brièvement nous exposer ce qu’ils vont y dire trois jours plus tard. Ces exposés n’ont pas du tout une valeur de contrôle, ils n’ont qu’une valeur informative. C’est une vraie préoccupation pour l’avenir.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou, rapporteure. Pour répondre à Jean-Paul Dupré, je précise que 26 pays ont signé l’accord ; seuls le Royaume-Uni et la Suède ne l’ont pas fait. Je rappelle que cet accord est obligatoire pour tous les Etats membres du mécanisme de supervision unique, donc aujourd’hui de la zone euro, et que par conséquent, les 19 Etats membres de la zone euro y ont souscrit et devraient respecter leur engagement de ratification. Seule leur ratification conditionne l’entrée en vigueur.

Les tests de résistance qui ont été organisés sous l’égide de la Banque centrale européenne sont unanimement reconnus comme ayant été d’une très grande qualité. Les banques ont été soumises à de fortes exigences. Sur les 130 établissements qui ont été testés, 25 ont échoué au test. Parmi eux, il n’y avait qu’un établissement français, la Caisse de refinancement de l’habitat. Elle avait un déficit de fonds propres d’environ 130 millions d’euros, selon les données de décembre 2013, mais des mesures de recapitalisation avaient été prises avant même les résultats des tests. Les autres banques sont principalement italiennes, chypriotes, grecques et portugaises. Un établissement allemand, la Münchener Hypothekenbank, a également échoué au test.

Il ne faut pas oublier que ces tests, comme la revue des actifs bancaires effectuée dans le même temps, ont un objet préventif, précisément pour éviter les sinistres et l’intervention de mécanismes de résolution. Je vous confirme que le Mécanisme de supervision unique dote la BCE des pouvoirs lui permettant d’exercer une surveillance de qualité et de contrôler les exigences et les pratiques prudentielles.

Concernant la séparation des activités des banques, je rappelle d’abord qu’une loi a été votée en France pour séparer les banques de dépôt et les banques d’affaires. Elle avait été votée rapidement pour pouvoir aussi peser sur le dispositif européen sur lequel le commissaire au marché intérieur travaillait. Personnellement, j’aurai souhaité que nous allions plus loin dans le dispositif français, mais cela se heurtait aux intérêts de nos banques, notamment au regard de leurs activités de tenue de marché. Le projet européen n’a pas abouti à ce jour.

Concernant un défaut grec, il faut souligner qu’une partie de la dette des créanciers privés a déjà été restructurée. La question posée aujourd’hui est celle du remboursement de la dette constituée des prêts publics, du FMI et des Etats européens.

Dans le cas où une banque grecque serait en difficulté prochainement, le système de garantie des dépôts repose sur des fonds nationaux qui sont progressivement abondés et l’abondement du Fonds de résolution unique est lui aussi progressif et seule une partie est mutualisée au cours de la phase transitoire. Après renflouement interne, si le seuil de 8 % des passifs ainsi renfloués était atteint, ce qui est très élevé, le fonds de résolution unique pourrait être activé mais pour un montant faible de fonds et essentiellement sur le compartiment national grec. Un recours aux fonds publics ou au mécanisme européen de stabilité serait donc nécessaire. La question de la solidarité européenne serait à nouveau posée.

M. Jean-Louis Destans. Ma question ne portait pas sur la dette publique mais sur l’éventualité d’un retrait des Grecs de leurs dépôts à la suite d’un défaut de paiement de la dette publique grecque.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou, rapporteure. J’avais bien compris et je vous ai indiqué que si une banque grecque devait défaillir prochainement, que ce soit à la suite de retraits liés à un défaut ou pour quelque autre motif, le Fonds de résolution unique, qui n’existe pas encore, ne serait peut-être pas activé et que s’il l’était, il pourrait ne pas suffire, obligeant à recourir à des fonds publics.

C’est pour éviter des sauvetages qui font appel au budget des Etats membre, qu’un mécanisme de résolution a été créé pouvant sous condition recourir à un fonds de résolution. Il s’agit de mettre en place des mécanismes de prévention et ensuite de résolution des défaillances bancaires qui font essentiellement appel aux actionnaires, puis aux créanciers privés et enfin, sous conditions, au fonds de résolution unique alimenté par les banques. Mais dans le cas d’un défaut, c’est la question de l’appartenance à la zone euro qui serait à nouveau posée.

Au-delà du cas cité, je n’ai pas caché que 55 milliards d’euros ne seront pas suffisants face à des sinistres de grande importance et encore ce montant ne sera-t-il atteint qu’au terme d’une période de huit ans, d’où la question des filets de sécurité publics. Nous avons cependant intérêt à soutenir la création du Fonds car c’est un élément utile d’un mécanisme qui constitue un véritable progrès.

Estelle Grelier a parfaitement raison de dire que le Parlement européen est privé de compétence s’agissant d’un accord intergouvernemental et ne contrôle pas le mécanisme tant qu’il ne sera pas intégré dans le droit de l’Union européenne.

Concernant les Parlements nationaux, d’abord ils ont la responsabilité de la ratification de l’Accord. Ensuite, l’article 2 inséré à la demande du Sénat est judicieux et obligera chaque année le gouvernement à dresser un état des lieux des répercussions de ce mécanisme sur nos banques.

Il n’en demeure pas moins que le contrôle démocratique dans l’Union économique et monétaire est de manière générale très insuffisant. Pour l’instant, nous avons un système a-démocratique extrêmement insatisfaisant. Les Grecs, en votant pour le parti Syriza, ont voté contre la Troïka, c’est-à-dire contre des gens que personne n’a élus, qui prennent des décisions majeures et qui ne rendent de comptes à personne.

Le sauvetage durable de l’Union Economique et Monétaire passe par un renforcement de l’union économique, par l’achèvement de l’union monétaire à travers l’union bancaire et par des mécanismes de contrôle démocratiques plus étroits.

Un mécanisme parlementaire spécifique pour la zone euro, au sein du Parlement européen, s’avère de plus en plus nécessaire. Du moins, j’espère qu’il ne sera pas complètement distinct du Parlement européen car cela représenterait un affaiblissement de celui-ci et nous n’y ayons pas intérêt.

Concernant les Parlements nationaux, les marges de progrès sont considérables en matière de contrôle de nos Gouvernements. L’ensemble des commissions, et pas uniquement par la commission des finances, doivent exercer un contrôle sur des sujets qui ont des implications aussi larges pour nos concitoyens. La commission des Affaires étrangères est associée à travers la ratification des accords, mais, par exemple, il est dommage que la haute autorité des finances publiques n’ait pas été logée auprès du Parlement. Il est vrai que notre tradition constitutionnelle et institutionnelle ne place pas le Parlement au centre névralgique de nos institutions.

Au-delà de ces nombreux progrès à réaliser en matière de contrôle sur notre gouvernement, il faut également parvenir à faire fonctionner la conférence interparlementaire prévue à l’article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Cette conférence ne fonctionne pas, en grande partie car le Parlement européen ne souhaite pas que les Parlements nationaux empiètent sur ses prérogatives.

Mme Estelle Grelier. Je ne crois pas en la conférence interparlementaire, même si nous l’avons souhaitée, car il n’existe pas de représentation permanente des Parlements nationaux au niveau européen, ce qui est un vrai sujet.

En France, concernant le contrôle de l’Assemblée nationale sur les actes de gouvernement, je regrette que toute la partie relative à la subsidiarité échappe à notre vigilance ; le Sénat étant nettement plus performant sur ces sujets.

Mon affliction provient du fait que certains ministres vont négocier à Bruxelles sur un mandat qu’ils ne connaissent pas toujours trois jours avant la réunion. Lorsque nous rencontrons les ministres avant les réunions du Conseil,  que ce soit en commission des Affaires européennes ou en commission des Affaires étrangères, il n’est pas possible de discuter avec eux sur le fond. Nous sommes responsables de l’absence de prise en main des sujets européens par le Parlement.

La discussion que nous avions eue sur l’organisation et le missions de la commission des Affaires européennes était quelque peu torride. Je pense qu’il faut traiter les sujets européens de manière transversale sur l’intégralité des commissions, mais c’est un débat un peu interdit à ce stade à l’Assemblée nationale.

Or, au-delà de ce projet de loi, la question du traitement des sujets européens monte en pression, notamment sur des questions comme l’union bancaire qui ont un impact pour nos banques et le financement de notre économie. Que des mesures importantes soient prises, c’est positif, mais que cela se passe forcément à l’extérieur des représentations nationales, c’est plus discutable. Je veux vous redire tout l’appui que je porte à votre analyse.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou, rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Du côté du gouvernement on nous répond que dans ces mécanismes il n’y a pas de fonds publics engagés, et il est vrai que c’est précisément ce que ce mécanisme cherche à éviter. C’est aussi la raison pour laquelle il en serait de même avec un mécanisme purement national : si une autorité compétence en France mettait en résolution une banque avec des fonds des banques françaises elles-mêmes, le Parlement ne serait pas consulté.

Mais en pratique, à partir du moment où l’on exige des banques un certain niveau de fonds propres, qu’on élabore une règlementation plus pesante, qu’on leur impose de contribuer à des mécanismes de sauvetage, on obère une partie de leur capacité de financement de l’économie. Il est donc logique que le Parlement puisse avoir un droit de regard.

Plus nous avançons vers une Union économique et monétaire et plus les parlementaires doivent être impliqués. Cette implication du Parlement peut aussi être un poids d’appui pour les gouvernements ; il n’y a qu’à constater la manière dont l’Allemagne utilise en permanence la nécessité de passer devant le Parlement.

Cette nécessité de renforcer le contrôle se heurte il est vrai aux moyens humains de nos Commissions, qui devraient être plus importants et appuyés par un recours plus fréquent aux experts extérieurs, comme c’est le cas dans les Parlements d’Europe du Nord.

Mme Valérie Fourneyron, secrétaire du bureau. Merci madame la Présidente, à la fois pour la qualité de ce rapport, pour la précision et la clarté de vos réponses et pour les propos sans concessions que vous avez exprimés sur les améliorations que nous pourrions porter collectivement au regard de ces enjeux européens.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 2657).

La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 14 avril 2015 à 17 heures

Présents. - M. Jean-Paul Bacquet, M. Philippe Baumel, M. Gwenegan Bui, Mme Seybah Dagoma, M. Jean-Louis Destans, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, Mme Valérie Fourneyron, M. Hervé Gaymard, M. Jean Glavany, Mme Estelle Grelier, Mme Élisabeth Guigou, M. Benoît Hamon, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Bernard Lesterlin, M. François Rochebloine, M. Boinali Said, M. Michel Terrot

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Kader Arif, M. Guy-Michel Chauveau, Mme Cécile Duflot, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Pierre Lellouche, M. Patrick Lemasle, M. Noël Mamère, M. Jean-René Marsac, M. Axel Poniatowski, M. Didier Quentin, Mme Odile Saugues

Assistait également à la réunion. - Mme Chantal Guittet