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Commission des affaires étrangères

Mercredi 8 juin 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n°78

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Bernard Lapasset, co-président du Comité de candidature Paris 2024, et de M. Philippe Vinogradoff, ambassadeur pour le sport.. 2

– Présentation, ouverte à la presse, du rapport de la mission d’information sur la diplomatie sportive de la France et son impact économique (Mme Valérie Fourneyron et M. François Rochebloine, co-rapporteurs)

– Nouvelle-Zélande : accord concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense (n°3499) – M. Philippe Gomes, rapporteur

– Informations relatives à la commission

*

Audition, ouverte à la presse, de M. Bernard Lapasset, co-président du Comité de candidature Paris 2024, et de M. Philippe Vinogradoff, ambassadeur pour le sport

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous recevons ce matin, pour une audition ouverte à la presse, M. Bernard Lapasset, co-président du comité de candidature Paris 2024, et M. Philippe Vinogradoff, ambassadeur pour le sport. Messieurs, je vous remercie d’avoir accepté le principe de cette audition commune qui doit nous permettre de disposer d’un certain nombre d’informations sur le dispositif mis en place dans le cadre de la candidature de Paris aux jeux Olympiques et paralympiques de 2024.

J’espère, monsieur Lapasset, que vous pourrez nous éclairer sur le rôle éventuel que les parlementaires peuvent jouer, notamment à la faveur des déplacements qu’ils effectuent. Monsieur Vinogradoff, votre présence était importante pour la commission des affaires étrangères, puisque la candidature de Paris est un des éléments, et non des moindres, de la diplomatie sportive dont vous avez la charge. Vous nous indiquerez quelles actions vous entendez conduire pour soutenir cette candidature et, plus largement, pour renforcer l’influence de la France au travers du sport.

Cette audition sera suivie de la présentation du rapport de la mission d’information sur la diplomatie sportive et son impact économique, présenté conjointement par Valérie Fourneyron et François Rochebloine, à laquelle vous pourrez bien sûr assister si vous le souhaitez.

M. Bernard Lapasset, co-président du comité de candidature Paris 2024. Je suis ravi de vous retrouver pour vous présenter le dispositif pour la candidature de Paris 2024. Je suis accompagné de M. Michael Aloisio, directeur général adjoint, et de Mme Sophie Lorant, directrice des relations internationales.

Pour atteindre l’objectif de cette candidature à l’organisation des jeux Olympiques (JO), à savoir gagner, le dispositif a été modifié en profondeur par rapport aux candidatures précédentes. Tirant les enseignements du passé, il répond à trois exigences : le mouvement sportif et les athlètes au cœur et à la tête du projet, l’unité de l’ensemble des acteurs et un soutien politique fort, ainsi qu’une stratégie de promotion internationale. Ces grands principes ont été posés avec Valérie Fourneyron il y a près de deux ans lorsqu’elle était ministre de la jeunesse et des sports. Nous avons mis en évidence les erreurs que nous avions peut-être commises dans le passé pour en tirer les enseignements mais aussi pour donner un élan nouveau au regard des exigences du Comité international olympique (CIO). Je tiens à remercier Mme Fourneyron car c’est grâce à elle que nous disposons des outils nécessaires et que nous pouvons avancer.

Pour réunir les éléments clés d’une candidature réussie, le projet doit d’abord être responsable – c’est-à-dire qu’on ne s’engage pas à la légère, qu’on a pris en compte toutes les données de faisabilité budgétaire ainsi que les contraintes économiques. Le projet doit également délivrer un message sur l’excellence environnementale – alors que la COP21 s’est achevée il y a quelques mois, nous nous devons d’en tenir compte dans la stratégie que nous mettons en place pour donner un sens à une candidature de cette importance. Ensuite, le projet doit être spectaculaire et donner l’image la plus forte possible de ce que porte la candidature de Paris. Celle-ci ne renvoie pas seulement à la ville, mais aussi à la région Ile-de-France, ainsi qu’à l’ensemble des métropoles et des territoires qui vont porter ce projet. Marseille a été retenue pour la partie nautique ; ce choix a été fait par les athlètes, par ceux qui connaissent le mieux les métiers de la voile. Choisir une métropole comme Marseille donne un sens à notre candidature et une force supplémentaire. Enfin, ce projet doit laisser un héritage. Thomas Bach, le président du CIO nous l’a dit, ce qui lui importe, ce n’est pas forcément la période des Jeux – les dix-sept jours de sport olympique et les onze jours de sport paralympique – mais l’héritage que Paris laissera dans l’histoire des Jeux en 2024. Quelle histoire sommes-nous capables de raconter aux jeunes générations dont les pratiques ne correspondent pas à nos références en matière de sport ? Les enfants aujourd’hui, à partir de cinq ou six ans, sont tous connectés. Quelle sera l’image du sport en 2024 ? Que fera-t-on pour convaincre les jeunes de pratiquer le sport à leur façon, y compris en intégrant les nouvelles technologies ? Quelle image pouvons-nous renvoyer du monde de demain dans le projet des JO en France en 2024 ?

Je prends un exemple: 1924 est une date importante puisque c’est la dernière fois que les Jeux ont eu lieu en France. Mais, c’est aussi une révolution dans le monde olympique, car, grâce à la tour Eiffel, les jeux Olympiques ont été radiodiffusés. Pour la première fois, ils ont pu être appréciés par le plus grand nombre. Il faut renouer avec cette histoire. Nous avons conservé les valeurs de l’olympisme, nous sommes déterminés à avancer.

Pour ce faire, nous devons aussi promouvoir la candidature française auprès de chacun des membres du CIO. C’est là que vous pouvez intervenir. Nous avons besoin d’une stratégie internationale forte, qui permet de toucher l’ensemble des membres du CIO individuellement. Ces derniers sont aujourd’hui au nombre de 91 ; après Rio, ils seront 95, représentant une cinquantaine de pays dans le monde. Nous devons pour chacun d’entre eux connaître sa culture, son histoire, son vécu sportif, son activité professionnelle, ainsi que sa façon de ressentir les Jeux et ce qu’il en attend.

Cette démarche fait partie de la compétition avec les quatre villes candidates. Sachons reconnaître les vertus de chacune des quatre villes candidates. Certains font des commentaires, nous n’en ferons pas. Chaque ville candidate est partie pour gagner et cherche à mettre les meilleurs atouts de son côté pour y parvenir. Il est important de savoir comment exprimer cette envie de gagner en mettant en valeur notre diversité, notre force et notre créativité.

S’agissant du calendrier, le 7 octobre, a lieu le dépôt du deuxième dossier de candidature. Le CIO doit rendre aujourd’hui ses conclusions sur le premier dossier. Le deuxième dossier aborde les questions d’organisation, la méthode de travail et les garanties. Nous allons commencer à parler chiffres avec le CIO. Enfin, un troisième dossier de candidature devra être déposé le 3 février 2017. Il comportera des éléments sur les équipements notamment. La date fatidique, c’est le 13 septembre 2017 à Lima. Nous présenterons, avec les autres villes candidates, notre dossier. C’est ce jour-là que le CIO votera pour choisir la ville qui accueillera les Jeux.

Nous travaillons par étapes et dans plusieurs directions. Nous avons commencé par unir le mouvement sportif. C’est fait. Toutes les fédérations nationales et internationales reconnaissent aujourd’hui la valeur du projet de Paris 2024. Deuxième étape, la stratégie politique. J’ai rencontré l’ensemble des partis politiques dotés d’un groupe parlementaire pour leur présenter le dossier ; nous devons aller un peu plus loin aujourd’hui. Troisième étape, l’action auprès des entreprises : nous avons créé un club d’entreprises – le Président de la République est venu lui-même inaugurer le dispositif qui comprend douze chefs d’entreprise parmi les plus grandes entreprises françaises. Le monde économique est partie prenante, pas simplement en termes financiers mais aussi dans la construction du projet. Chaque entreprise doit proposer un projet qui apportera des éléments spécifiques dans la candidature et dans l’héritage. Enfin, nous commençons à travailler avec les maires : nous les avons rencontrés lors du congrès de l’Association des maires de France. 80 % des maires ont déjà répondu favorablement pour soutenir la candidature de Paris 2024. La cinquième étape sera la grande concertation que nous allons lancer auprès des Françaises et des Français dans les différentes métropoles. Nous avons rencontré Jean-Michel Baylet pour commencer à travailler sur les territoires et les régions dans le but de porter un message le plus fort possible.

Enfin, à l’étranger, nous avons besoin du soutien des parlementaires. Nous devons définir une stratégie dans chacun des 56 pays dont sont issus les membres du CIO. Nous devons être présents, montrer ce que nous pouvons faire mais aussi savoir écouter et comprendre quelle image de la France ces derniers souhaitent voir. Qu’attendent-ils de la France ? Quels sont les projets sur lesquels nous pouvons échanger – les projets d’accompagnement économiques, sportifs, culturels ? Tous les éléments comptent. La relation individuelle avec les membres du CIO, fondée sur l’échange et la réciprocité, fait partie du dispositif d’accompagnement international indispensable. Nous élaborons avec Michael Aloisio et Sophie Lorant des supports que nous vous proposerons comportant des éléments d’information afin d’accompagner vos contacts avec chacun des membres. Nous devons travailler en ligne directe de façon à ne pas commettre d’erreurs et à éviter des situations un peu conflictuelles, comme nous en avons connues dans le passé. La stratégie internationale de la France peut aussi, selon des modalités à déterminer, donner une force supplémentaire à la candidature.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous allons nous organiser, avec l’aide de Valérie, pour soutenir, autant que nous le pouvons, dans nos activités la candidature de Paris.

M. Philippe Vinogradoff, ambassadeur pour le sport. Pour mémoire, l’appui à la candidature de Paris s’inscrit dans la diplomatie sportive mise en place depuis deux ans. Je vais essayer de ne pas déflorer le rapport qui va être présenté ensuite.

La diplomatie sportive telle qu’elle est définie par ma lettre de mission, c’est une méthode de travail au service de deux objectifs principaux. Cette méthode consiste à mobiliser, coordonner et mettre à disposition nos réseaux à l’étranger, le réseau diplomatique mais aussi le réseau culturel, les Instituts, les Alliances françaises, les établissements français à l’étranger. Le premier objectif poursuivi est de promouvoir l’accueil par la France de grands événements sportifs internationaux, en étant aux côtés des fédérations et du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) pour définir les stratégies et les objectifs des candidatures, en assurer la publicité et la promotion à l’étranger des candidatures ainsi qu’en faciliter la réalisation – l’octroi de visas pour les athlètes ou les dirigeants. Nous veillons également, avec nos grands opérateurs, notamment Atout France, aux retombées économiques et à la valorisation de nos territoires lors de la tenue de grands événements sportifs.

Second objectif, il s’agit, en sens inverse, de promouvoir le savoir-faire français en matière de grands événements sportifs internationaux – en particulier, les entreprises françaises spécialisées dans l’organisation des grands événements sportifs –, là encore en coopération avec nos grands opérateurs, Business France mais aussi la filière sport, la direction générale du Trésor, le ministère chargé des sports, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) et Expertise France, tous les acteurs qui interviennent dans le savoir-faire français en matière de sport.

Nos postes peuvent servir à identifier les opportunités dans les pays étrangers, à faire remonter les informations et à construire des stratégies pour en tirer parti ; ils contribuent à accueillir et à appuyer les entreprises du sport sur place ; ils doivent mettre en valeur, lorsqu’il n’y a pas d’opportunité précise, l’expertise française au travers de séminaires, d’expositions ou de débats.

Dans ce cadre, la candidature de Paris aux JO 2024 occupe évidemment une place très importante. Comment l’ambassadeur pour le sport et le ministère des affaires étrangères et du développement international peuvent-ils aider à cette candidature ?

Comme vous le savez, un référent sport a été nommé dans l’ensemble des postes que nous comptons dans le monde. Dans chaque ambassade, un des agents est notre correspondant. Dès sa constitution, nous avons établi avec le groupement d’intérêt public (GIP) Paris 2024 une relation très étroite afin de mobiliser le réseau diplomatique. En novembre 2015 et à nouveau en mars 2016, nous avons adressé une note diplomatique à l’ensemble des postes pour expliquer la candidature et le calendrier, ainsi que ce qu’il était possible de faire et ce qui ne l’était pas. Comme l’a dit M. Lapasset, avant février 2017, la promotion internationale de la candidature n’est pas permise.

Que peuvent faire les postes ?

Avant février 2017, leur rôle consiste à faire de la veille stratégique. Ils doivent analyser la perception du pays dans lequel ils se trouvent quant à la candidature de Paris et aux autres candidatures – les postes situés dans les pays concurrents ont un rôle tout spécial à jouer.

Ils doivent identifier les réseaux de décideurs, resserrer les liens avec eux, veiller à ce que font sur place les candidatures concurrentes, et faire remonter les informations vers moi et vers le comité. Ceux qui ont sur leur territoire un ou des membres du CIO doivent nous fournir des informations pour nous aider à cerner la personnalité et les centres d’intérêt de ces derniers. Avant février 2017, nous leur avons demandé de veiller à associer les décideurs, et éventuellement les membres du CIO, toujours dans le respect des limites fixées par le comité olympique, aux événements organisés par l’ambassade – expositions, festivals, cocktails, sans lien avec la candidature jusqu’en février 2017. Ils doivent nous signaler les visites sur place des membres du CIO et, pour ceux qui comptent des membres dans leur circonscription, veiller à leur faciliter les déplacements, notamment leur accorder des visas de circulation pour qu’ils n’aient pas besoin de se présenter tous les trois mois à l’ambassade pour obtenir un visa. Ils doivent créer le « buzz », le bruit de fond selon l’expression de Sophie Lorant, c’est-à-dire organiser des débats, des séminaires, des expositions ou des manifestations autour de thèmes comme la France et le sport, les valeurs du sport, la France et l’olympisme, tout ce qui a un rapport mais n’a pas de lien direct avec la candidature. Ils doivent évidemment appuyer les missions de Paris 2024 qui se rendent sur place.

Après février 2017, on change de dimension. En accord avec les règles du CIO, qui seront précisées à ce moment-là, toujours en étroite coopération avec Paris 2024, les postes pourront s’engager plus directement dans l’appui à la candidature de Paris à travers du lobbying, des opérations de sensibilisation, et l’explication du dossier – les atouts de la candidature, sa philosophie, sa vision de l’héritage, sa contribution au développement durable –, mais aussi en mobilisant l'ensemble du réseau français sur place, y compris les communautés françaises. À cet égard, je souligne que l’expérience que nous sommes en train d’acquérir avec l’Euro 2016 nous aidera dans la définition de politiques de communication en faveur de Paris.

Sophie Lorant et moi-même, qui représentons la direction internationale de Paris 2024, nous réunissons régulièrement pour échanger des informations. Je communique au comité l’emploi du temps de nos ministres afin qu’il comité puisse élaborer des éléments de langage pour un déplacement à l’étranger. Nous pouvons suggérer d’inviter ou d’intégrer des sportifs lors de déplacements des autorités. Enfin, nous nous réunissons pour définir des stratégies vers l’étranger. Dernièrement, une réunion a été organisée avec l’Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) pour envisager comment mobiliser le réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger, qui est unique. Nous allons commencer à le faire dès septembre prochain en donnant à la journée du sport une coloration – autant que les règles du CIO le permettent – Paris 2024.

En conclusion, l’Assemblée nationale, et la commission des affaires étrangères en particulier, peuvent nous apporter beaucoup dans la promotion de la candidature de Paris au travers des groupes d’amitié, des missions et des contacts, avant février 2017 pour créer ce « buzz » favorable à la candidature, et ensuite, de façon plus appuyée.

Dans cette optique, il serait utile de nous tenir informés de vos déplacements afin que nous puissions vous fournir des informations et des éléments de langage. Vous aiderez également beaucoup les postes à mobiliser les communautés françaises à l’étranger avec lesquelles vous entretenez un lien tout particulier.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie. Nous organiserons une réunion avec quelques-uns de nos membres pour réfléchir au dispositif à mettre en place dans le calendrier que vous venez de rappeler et éviter ainsi les impairs. Peut-être pourrions-nous refaire le point avant la fin de l’année pour voir à partir de février 2017 comment nous pouvons nous déployer davantage.

M. Jacques Myard. Je suis frappé par l’enthousiasme de M. Lapasset qui met visiblement tout son savoir-faire et son énergie dans cette candidature.

Je m’interroge néanmoins sur le statut juridique du comité de candidature. S’agit-il d’une organisation étatique, d’une association ?

M. Bernard Lapasset. Le comité est un groupement d’intérêt public.

M. Jacques Myard. Seconde question, quel est le coût estimé de l’organisation des jeux Olympiques à Paris ? Quelques mauvaises langues, dont je ne serai pas, affirment que Paris a toutes les chances d’obtenir l’organisation des Jeux puisque plus personne n’en veut compte tenu de son poids sur les finances publiques.

M. Bernard Lapasset. Ce serait trop beau.

M. Jacques Myard. Enfin, pensez-vous qu’il sera possible de circuler à Paris compte tenu de certaines options actuelles ?

Cela étant dit, nous jouerons le jeu en défendant la candidature française au cours de nos déplacements, à condition que la commission soit enfin dotée de moyens pour voyager – notre commission est sans doute celle qui voyage le moins dans le monde. Notre pays fait l’impasse sur la diplomatie parlementaire. Je le regrette vivement.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je souscris pleinement à vos propos. Nous avons réussi à obtenir quelques moyens supplémentaires mais nous sommes encore loin du compte par rapport aux commissions des affaires étrangères des autres parlements, j’en conviens. Je ne manque jamais une occasion d’en faire la remarque aux responsables de l’Assemblée, comme d’autres l’ont fait sous les précédentes législatures. Peut-être arriverons-nous de concert, forts du consensus que nous formons, à obtenir un jour les moyens adéquats.

M. Thierry Mariani. Je rejoins mon collègue Myard, il est rare d’entendre un ambassadeur dire que la diplomatie parlementaire peut servir à quelque chose. On a plus souvent l’impression que le Quai d’Orsay ne nous voit pas arriver d’un bon œil.

Comment envisagez-vous de mobiliser les communautés françaises à l’étranger et de les associer à la candidature française ? Comptez-vous vous appuyer sur les structures habituelles que sont l’Union des Français de l'étranger (UFE) et l’Association démocratique des Français à l’étranger (ADFE) ?

Dans 26 pays, la diplomatie française sera réduite à des postes de présence diplomatique à format très allégé (PPD). Certains autres pays n’ont jamais connu de poste diplomatique français – je pense à huit États du Pacifique. Comment comptez-vous agir dans ces pays dont la voix compte au sein du CIO ? L’ambassadeur du Kazakhstan nous a confirmé que les petits pays peuvent faire la décision lorsqu’il faut choisir une ville pour accueillir une Exposition universelle.

Je termine par une question qui ne se veut pas provocante : quels sont les moyens d’un ambassadeur du sport ? De quels effectifs et de quel budget disposez-vous ?

Je soutiens évidemment la candidature aux jeux Olympiques, comme beaucoup de parlementaires.

M. Kader Arif. Je suis heureux de voir l’énergie que vous déployez. Je connais Bernard Lapasset depuis longtemps, il a su montrer au travers de sa propre histoire, en particulier à l’International rugby board (IRB), tout son talent.

1924 est une date importante pour une autre raison : ce sont les derniers Jeux au cours desquels un champion olympique de rugby à quinze a été désigné, en l’occurrence les Etats-Unis.

Vous avez évoqué le récit autour des Jeux et l’empreinte à laisser. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce récit ? La force d’une candidature réside notamment dans sa capacité à être portée par la plus grande partie de la population. Comment convaincre les jeunes, les quartiers mais aussi les territoires ruraux de soutenir cette candidature ?

Nous avons l’habitude de partir en désordre – c’est aussi vrai pour la diplomatie parlementaire. Il serait utile de préciser les zones d’influence sur lesquelles nous devons concentrer nos efforts plutôt que, dans un souci de bien faire, partir dans toutes les directions, au risque d’obtenir très peu de résultats.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Cette question est très importante. Nous allons essayer d’y travailler avec celles et ceux d’entre vous qui sont les plus concernés.

M. François Rochebloine. Je vous remercie pour le travail qui a déjà été accompli. Avez-vous tiré les leçons de nos échecs précédents ? Il est indispensable que cette candidature soit couronnée de succès. Si, par malheur nous n’obtenions pas l’organisation des Jeux, nous attendrions longtemps avant de pouvoir de nouveau y prétendre.

Le rôle de Sebastian Coe a été prépondérant dans l’obtention des Jeux de Londres. Quels rôles pouvez-vous jouer, vous-même et Tony Estanguet, deux personnalités sportives, auprès des médias, des pays et des instances sportives ?

Je me réjouis que vous ayez réussi à associer l’ensemble des fédérations. En outre, le travail en profondeur qui a été mené pour accroître la présence française au sein des fédérations internationales doit commencer à porter ses fruits aujourd’hui. S’agissant des visas, il semblerait qu’on les obtienne plus facilement aujourd’hui. Je reste toutefois un peu circonspect.

Enfin, quelles sont les oppositions – en nombre limité, je l’espère – que vous rencontrez aujourd’hui ?

Monsieur l’ambassadeur, j’espère que vous obtiendrez des moyens supplémentaires. Concernant la circulation des athlètes, le problème ne se pose pas puisqu’une voie olympique figure dans le cahier des charges des Jeux. En revanche, pour les autres, cela va peut-être poser quelques difficultés.

Je me réjouis de votre volonté d’associer le Parlement. Le groupe d’études en soutien à la candidature de Paris aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, présidé par M. Juanico, travaille d’ores et déjà avec vous.

M. François Loncle. Voyez-vous un risque de concurrence et un excès d’ambition dans la candidature concomitante, parfaitement légitime et compréhensible, de Paris à l’Exposition universelle ? Certains pourraient estimer que la France décidément concourt à beaucoup de prestige. Cette situation n’est-elle pas problématique sur le plan technique ? Ne nuit-elle pas à vos efforts de conviction auprès des pays étrangers ?

Mme Linda Gourjade. Nous en sommes tous convaincus, les jeux Olympiques de 2024 représentent une grande opportunité pour Paris et pour la France. Les atouts de cette candidature sont nombreux. Si Paris a la chance d’organiser ces Jeux, Paris deviendra le temps d’un été la ville mondiale de la promotion des idéaux olympiques et paralympiques. En 2012, les organisateurs ont réussi à faire en sorte que les jeux Olympiques ne soient pas seulement ceux de Londres mais de tout le Royaume-Uni, en associant plus de 1 000 villes au parcours de la flamme olympique. Envisagez-vous de conjuguer cet événement et des initiatives fortes sur l’ensemble du territoire, au-delà de Paris et de Marseille ?

M. Bernard Lapasset. Je vous remercie pour vos remarques pertinentes.

Concernant les enjeux financiers, nous avons pris des engagements très précis. L’agenda 2020 du CIO encadre de manière très claire la dimension financière du projet. Le mot d’ordre est d’en finir avec les « éléphants blancs ». Il ne s’agit plus de transformer un pays à l’occasion des Jeux. On s’attache à la réalité du contenu du projet et à son adéquation avec la dimension économique et sociétale du pays. Dans le cadre de la candidature, nous avons établi notre budget avant 2017 : il s’élève à 60 millions d’euros, financés à parts égales entre public et privé – c’est un équilibre que nous avons voulu. Les 30 millions d’euros sur fonds publics sont répartis entre l’État, la ville et la région. Quant aux 30 millions d’euros de fonds privés, nous avons signé des conventions avec nos partenaires économiques. Avant les Jeux de Rio, nous aurons atteint notre objectif en matière de financement privé. Notre budget est inférieur à celui du comité de candidature de Paris 2012.

Quant au coût des Jeux, nous avons la chance d’avoir 95 % d’équipements déjà construits, à Paris, dans la région Ile-de-France et à Marseille. Il nous en manque trois : la piscine olympique – la France n’a toujours pas de piscine olympique, ce qui est un peu paradoxal pour un pays qui se veut le pays de l’olympisme –, le village olympique – 15 000 athlètes y seront installés pendant deux mois, à l’issue desquels il sera rendu aux collectivités publiques ou au privé pour en faire des logements – ; le centre des médias, pour lequel nous avons aussi une obligation de résultat – sachons traiter les médias correctement, en leur offrant toute la technologie moderne.

Toujours soucieux de l’héritage, nous accordons une grande attention à l’utilisation qui pourra être faite par les Franciliens des équipements. Nous souhaitons rester dans le raisonnable sur le plan financier.

En matière de circulation, nous nous appuyons sur le plan de transport d’Ile-de-France. Ce n'est pas simple. Un projet a été voté. Nous en tenons compte et nous souhaitons que sa mise en œuvre soit accélérée pour 2024 – c’est l’occasion de rénover les lignes qui posent des difficultés. Il reste à le financer ; tout n’est pas encore bouclé. Je compte sur vous évidemment pour améliorer les conditions dans lesquelles nous pourrons nous prévaloir de l’achèvement d’un projet très important pour la région d’Ile-de-France.

M. Jacques Myard. C’est un sacré défi !

M. Bernard Lapasset. À chaque réunion, nous évoquons le projet et nous revenons à la charge. Il en va de même pour le Charles de Gaulle Express.

Je vais laisser la parole à l’ambassadeur pour évoquer la mobilisation de la communauté française à l’étranger.

M. Philippe Vinogradoff. Les communautés françaises à l’étranger sont membres à part entière de l’opinion publique française. Or, l’appui de l’opinion publique du pays candidat est un élément important dans l’appréciation que le CIO porte sur une candidature. Les Français de l’étranger sont autant français que ceux qui vivent en métropole. Ils ont leur mot à dire sur la candidature.

Dans le cadre des discussions avec l’AEFE, nous avons convenu d’associer les établissements français à l’étranger à la consultation qu’a lancée le comité sur la candidature. Les élèves et les parents vont être consultés.

Les communautés françaises à l’étranger peuvent apporter beaucoup, au-delà du soutien à la candidature, puisque ce sont autant de relais locaux pour la France. Elles peuvent aider à créer ce « buzz » favorable à la candidature de Paris.

Je tiens à préciser que chaque pays ne dispose pas d’une voix. Ce ne sont pas les pays qui désignent des membres mais le CIO qui choisit ses représentants dans certains pays, pas dans tous. Cela étant, tous les pays sont importants du fait des réseaux qui y sont implantés.

Dans les pays à PPD – je les connais bien puisque mon dernier poste était dans un pays dans lequel la représentation française sera un PPD – l’ambassadeur est toujours sur place : il a ses réseaux, ses contacts ; il peut contribuer à mobiliser la communauté française, qui est souvent réduite, selon des modalités adaptées à chaque pays, par exemple à travers les associations ; il est vrai que les choses sont plus simples lorsqu’il existe une section consulaire complète. Mais, il y a toujours un ambassadeur et il y aura toujours un numéro deux dans un PPD puisqu’il a finalement été décidé que celui-ci serait un agent de catégorie B et non plus de catégorie C. L’ambassadeur aura ainsi un collaborateur pour l’appuyer, notamment dans sa tâche de mobilisation des opinions.

Je suppose que rares sont les responsables administratifs que vous entendez à être satisfaits des moyens dont ils disposent. Comme eux, je considère qu’avoir un peu plus de moyens serait très utile (Sourires).

M. Bernard Lapasset. L’héritage est un point important. Nous travaillons beaucoup avec Anne Hidalgo. La maire de Paris est un soutien de plus en plus affirmé, structuré et fort. Elle a pris de la distance par rapport à sa position initiale. Aujourd’hui, la relation fonctionne très bien, elle s’exprime avec beaucoup de force et d’intensité.

L’héritage est multiple. Il est d’abord territorial, raison pour laquelle les processus d’aménagement doivent être accélérés. Nous devons aussi faire de la candidature la vitrine de nos savoir-faire en matière de technologies urbaines. Mme Hidalgo évoque l’héritage sur la Seine en proposant de rendre la Seine propre et accessible aux Parisiens. Sur cette question de l’héritage, toutes les innovations sont bienvenues. Il nous appartient toutefois de faire le tri selon leur faisabilité à court ou long terme.

L’héritage économique est un élément clé du dispositif. Mais je veux insister sur l’héritage sociétal. Il est important de donner un sens à la dimension sportive du projet. Que cherche-t-on au travers du sport ? Le vivre ensemble. Nous devons faire du sport une référence sociétale. Le sport a sa place, comme l’éducation, la culture, la santé, l’environnement, pour nous aider à exprimer ensemble notre vision du monde. Il contribue au modèle de société que nous construisons, nous sommes l’une des rares nations à ne pas le reconnaître.

Parfois, je suis un peu malheureux d’être français. La référence du Commonwealth est quelque chose de très fort. J’ai assisté aux jeux du Commonwealth trois fois. Vous ne pouvez pas imaginer la façon dont les gens vivent leur lien à la pratique sportive. La dimension culturelle et sociétale est extrêmement forte. Il faut que nous soyons les gardiens de ce modèle. Nous devons donner au sport cette dimension qu’il n’a pas aujourd’hui dans notre pays. Des tentatives ont été faites en ce sens. Les actions du Gouvernement commencent à porter leurs fruits. Nous devons être très attachés à l’héritage en matière sociétale. C’est la clé si on ne veut pas être demain un peu plus à l’étroit ou en difficulté par rapport à des sociétés qui évoluent très vite. Nous devons développer nos propres modèles et définir une stratégie sociétale qui trouverait une résonance très forte dans les Jeux.

Nous travaillons sur un livre blanc sur l’héritage qui doit sortir en décembre 2016. Le comité emploie 50 personnes ; la parité est respectée – les femmes sont même plus nombreuses que les hommes. Nous essayons de faire vivre le modèle que nous défendons dans le domaine sportif.

Vous l’avez dit, nous avons par le passé peut-être commis l’erreur de choisir une configuration qui n’exprimait pas la force nécessaire. Notre idée première est que les sportifs doivent parler aux sportifs. Nous mettons le sport et le mouvement sportif en avant, les institutions au second plan. Nous souhaitons que les athlètes expriment eux-mêmes leur passion et de leur métier – puisque beaucoup sont professionnels aujourd’hui. Ils sont le moteur de la campagne et de la communication envers les médias et la population. Nous associons bien sûr les membres fondateurs que sont l’État, la région, qui fait un gros travail, et la ville.

Notre méthodologie consiste à placer au premier rang les valeurs exprimées par les athlètes et le regard que ceux-ci portent sur les Jeux. Après sa visite en France, Thomas Bach déclarait dans le Parisien : « j’ai enfin vu une France unie ». Ce n’est pas un fait du hasard. Ce n’est pas une déclaration à la légère. Cette exigence est une nécessité pour le CIO.

Nous devons absolument afficher notre unité. Les désaccords politiques et stratégiques ont le droit de s’exprimer, c’est la vie démocratique. Mais il faut être vigilant car les Jeux appartiennent à tout le monde, à tous ceux qui portent un regard sur la pratique sportive. C’est sur cette dimension de la candidature que nous souhaitons insister.

J’ai initié les études sur la faisabilité de la candidature mais, très vite, il m’a semblé indispensable d’avoir quelqu’un à mes côtés. On ne peut pas représenter uniquement le gouvernement du sport. Il faut aussi représenter les athlètes. Avec Tony Estanguet, trois médailles d’or, trois olympiades gagnantes – chapeau ! –, nous portons le message et nous assumons la même responsabilité. Nous essayons de faire valoir ce que représente la diversité sportive en France ainsi que la richesse qu’elle apporte.

Quant aux oppositions, nous sommes aujourd’hui dans un contexte très favorable. Je ne vous communique pas les chiffres des sondages que nous réalisons régulièrement car ils peuvent évoluer très vite. Vous connaissez mieux que nous la sensibilité des sondages. Nous sommes très vigilants même s’ils sont positifs, parfois à des niveaux extrêmement élevés. Nous essayons de maintenir la confidentialité, nous verrons plus tard lorsque les choses seront stabilisées, lorsque le dialogue direct avec les membres du CIO sera ouvert.

Nous avons cette chance aujourd’hui de bénéficier d’un soutien populaire extrêmement fort. Bien sûr, on parle des attentats, des grèves. Tout cela fait partie de la société dans laquelle on vit ; c’est un moment qu’il faut passer. J’attends surtout que l’Euro se passe bien pour pouvoir nous appuyer sur cette expérience qui est portée par de nombreux bénévoles, des entreprises françaises et les institutions – un tissu social s’est structuré autour des compétitions de cette importance. La période est un peu difficile mais nous en avons vécu d’autres dans le passé, ce n’est pas une opposition en soi, c’est un moment dans une histoire. J’aurais l’occasion de voir tous les responsables syndicaux, comme je l’ai fait en 2007 pour la Coupe du monde de rugby. Nous avions signé un protocole d’accord qui recensait les points de vue sur la manière d’organiser la Coupe du monde. Au final, la compétition s’est bien déroulée, en dépit de quelques incidents, venant ainsi apporter une valeur ajoutée aux références françaises en matière d’organisation de grands événements sportifs. Nous essayons d’avoir une lecture qui permet de rester positifs et d’avancer, tout en respectant les règles démocratiques.

Quant à l’Exposition universelle, j’ai souhaité aborder le sujet dès le départ avec M. Fromantin et son équipe parce que j’estimais que nous pouvions faire quelque chose ensemble éventuellement. Une coordination était possible si elle était souhaitée par les parties. Nous leur avons fait une proposition qui n’a malheureusement jamais reçu de réponse. Je suis désolé de le dire ici officiellement. J’ai voulu rencontrer M. Fromantin et son équipe ; je n’ai pas eu beaucoup de succès. Je me suis senti un peu écarté. En outre, j’ai lu des appréciations pas très positives pour les Jeux. Pour ma part, je n’ai jamais critiqué l’Exposition universelle. La promotion d’une France culturelle est importante dans le monde actuel. Je reste dubitatif sur la manière dont s’est construite cette candidature dans la mesure où je n’ai pas pu exprimer un avis personnel.

Les systèmes de décision diffèrent : les Jeux sont rattachés au CIO tandis que l’Exposition universelle dépend du Bureau international des expositions (BIE). Nous attendons de connaître l’avis du BIE puisqu’il semble que la candidature pose quelques difficultés. Nous aurions pu discuter de tout cela avant. Cela ne s’est pas fait. Dont acte. Nous sommes en mesure de continuer notre chemin.

M. Philippe Vinogradoff. Les règles pour les visas sont claires. Comme vous le savez, la compétence en matière de visas ne relève plus du ministère des affaires étrangères mais du ministère de l’intérieur désormais.

Nous pouvons, à partir des postes, faciliter le dépôt des dossiers, les rendez-vous et éventuellement accorder des exemptions de droit à certains passeports.

Pour l’organisation des missions de membres du CIO, le nombre de personnes concernées est limité. Le problème est plus de savoir quand l’un d’eux va se déplacer. En général, ils le font de façon discrète. Pour les JO – cela fait partie du dossier de candidature – tous les gouvernements signent une lettre dans laquelle ils s’engagent à faciliter le déplacement des membres du CIO et du personnel, notamment en accordant l’exemption de droits sur les visas. En outre, il faut évidemment faciliter les visas pour les équipes. En revanche, pour le public, les règles ne changent pas. Toute personne venant aux JO doit remplir les conditions nécessaires pour se voir attribuer un visa.

J’ajoute un dernier point. Il faut être conscient que des grands événements sportifs internationaux se déroulent en permanence sur le sol français. La France sait faire. C’est aujourd’hui l’Euro, mais en janvier, ce seront les championnats du monde de handball – le Tour de France et Roland Garros chaque année –, les championnats du monde de hockey organisés avec les Allemands, la Ryder Cup et les Gay games en 2018, ainsi que la Coupe du monde de football féminin en 2019. La France est ambitieuse mais elle sait faire.

M. Bernard Lapasset. L’ouverture sur les territoires est fondamentale. À cet égard, Londres a été un très bel exemple. 120 événements sportifs ont été organisés pendant les quatre années précédant les Jeux, regroupant 35 villes différentes. Nous sommes dans cette logique de proposer une diversité d’activités avant et pendant les Jeux. 600 sites d’entraînement vont être désignés, ils seront forcément dans nos provinces là où la pratique sportive correspond à la discipline olympique. Nous aurons des contacts avec les différentes familles olympiques présentes pendant les Jeux. Les 600 sites seront mis à la disposition de chacun des pays qui vont nous rendre visite avant les Jeux, notamment lors des « test events » qui permettent aux athlètes de se familiariser avec le pays. Il faut en informer chacune des villes qui veulent participer aux Jeux.

N'oublions pas le summum, le relais de la flamme olympique. Les organisateurs anglais ont réussi l’exploit de faire passer la flamme à moins d'un kilomètre du domicile de 95 % de la population. Les Anglais ont pu voir la flamme olympique sur l’ensemble du territoire. C’est l’une des richesses de notre candidature que de représenter non seulement une capitale mais l’ensemble de la France.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie, monsieur le président et monsieur l’ambassadeur, pour votre engagement. On sent que les intérêts de la candidature de Paris sont excellemment défendus.

Nous allons nous organiser pour pouvoir vous aider. Nous ferons une première réunion technique pour établir les règles entre nous que je diffuserai ensuite à l’ensemble des membres de la commission.

Par ailleurs, je suis persuadé que tous les élus franciliens vont se battre, quelles que soient les alternances éventuelles, pour en faire en sorte que le schéma de transports puisse être réalisé dans les années qui viennent.

*

Présentation, ouverte à la presse, du rapport de la mission d’information sur la diplomatie sportive de la France et son impact économique (Mme Valérie Fourneyron et M. François Rochebloine, co-rapporteurs)

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Nous examinons ce matin le rapport de la mission d’information sur la diplomatie sportive de la France et son impact économique, dont Mme Valérie Fourneyron et M. François Rochebloine sont co-rapporteurs.

M. François Rochebloine, rapporteur. Je voulais commencer par dire que j’avais été très heureux de travailler sur cette mission. Tout le monde connaît ma passion pour le sport, mais l’aborder sous un angle diplomatique aura été très enrichissant. Je suis plus convaincu que jamais que c’est un secteur qui a été trop longtemps négligé, méprisé parfois même. Pourtant le sport est une activité populaire, qui porte des valeurs essentielles et sa pratique augmente dans le monde. C’est donc un élément à prendre en considération.

D’après l’OCDE, l’économie du sport représenterait près de 2 % du PIB mondial soit environ 1 200 milliards d’euros. Les activités sportives ont connu, entre 2000 et 2007, une croissance nettement plus rapide que la croissance mondiale. Malgré un ralentissement, la progression reste sensible, avec une croissance anticipée à 4 % entre 2011 et 2015. Ce dynamisme en fait un des secteurs les plus porteurs de l’économie mondiale, stimulé notamment par deux grands facteurs :

– le développement des classes moyennes, consommatrices (de biens et services, de loisirs, de tourisme etc.),

– le choix effectué par un certain nombre de pays d’investir dans le sport comme moyen de développement économique et de développement international au travers de l’accueil de grands évènements médiatisés.

Le marché des seuls grands évènements sportifs est évalué entre 45 et 50 milliards d’euros par an avec des pays qui investissent massivement dans ce secteur pour les bénéfices en termes d’image et de rayonnement qu’il procure. Vous trouverez dans le rapport des exemples (Qatar, Russie, Chine).

En France, le marché représenterait environ 275 000 emplois et un chiffre d’affaires de 37 milliards d’euros par an c’est-à-dire près de 1,8 % du PIB du pays.

Or, l’ensemble des revenus et emplois générés par le sport constitue un ensemble bien plus vaste que ceux liés aux seules entreprises du secteur sportif : architecture, BTP, énergie, transports, gestion des flux, solutions de sécurité, environnement, télécommunication, assurances, billetterie, restauration collective, gestion des infrastructures, organisation d’événements, formation et encadrement etc.

Cet enjeu économique, il est aujourd’hui bien identifié par de nombreux pays et en France aussi. A cet égard, il était très intéressant d’aller au Japon voir ce qu’il en était de leur stratégie diplomatique sportive et de notre diplomatie économique sur place.

Je veux insister sur la prise de conscience de l’importance du sport par tous les acteurs français, notamment, depuis trois ans, par notre diplomatie d’influence. Un ambassadeur pour le sport a été nommé en octobre 2013. Peu après, le 14 janvier 2014, un plan d’action a été dévoilé pour assoir la place du sport dans la diplomatie économique et d’influence de la France, élaboré et présenté conjointement par la rapporteure alors la ministre des Sports et le ministre des Affaires étrangères.

La mobilisation du secteur diplomatique, coordonnée par l’ambassadeur désigné pour le sport, a cinq objectifs : améliorer l’attractivité du territoire français en matière de grands événements sportifs ; accroître le nombre de représentants de la France dans les instances sportives internationales ; promouvoir le français en tant que langue officielle du mouvement olympique ; diffuser nos positions sur l’éthique dans le sport ; positionner les entreprises françaises sur les marchés liés au sport à l’étranger.

Pour la mise en œuvre, rapidement des instructions ont été données à l’ensemble des ambassadeurs en poste à l’étranger pour qu’ils prennent davantage en compte le sport dans leur pays de rattachement, avec un plan à produire dans les trois mois, et qu’un référent sport soit systématiquement désigné. Ce réseau de référents existe désormais. Un vade-mecum pour les postes diplomatiques pour renforcer leurs connaissances du monde du sport a été élaboré avec le ministère des Sports et le mouvement sportif et il est régulièrement mis à jour. Les opérations conduites dans les postes sont de plus en plus nombreuses, en lien notamment avec l’Euro 2016.

Le lien avec le secteur économique s’est construit, à l’étranger comme en France. Au Qatar, la communauté d’affaires française s’est fédérée autour de l’initiative de French Team 4 Sport au Qatar pour proposer une offre d’excellence dans le domaine du sport, en prévision notamment de la Coupe du monde 2022. Parallèlement, un premier club Sport, public cette fois, a été installé au Japon en mars 2014 pour réunir les entreprises de la filière dans ce pays qui accueillera les Jeux olympiques et paralympique en 2020 (et la coupe du monde de rugby en 2019). Des conventions bilatérales ont été conclues.

Toutes ces évolutions peuvent s’appuyer sur un dispositif national de diplomatie économique restructuré et porté désormais par un ministère des Affaires étrangères ET du développement international. Une démarche « sport à l’export », visant à fédérer les entreprises et les partenaires de l’export sur des marchés cibles, se traduit par l’organisation annuelle des Rencontres Internationales Grands Événements Sportifs par Business France. Depuis le 24 avril 2015, les ministres de l’Économie, des Sports et du Commerce extérieur, ont lancé la préfiguration d’une filière sport dans l’objectif de structurer le secteur afin de permettre aux entreprises françaises de prendre pleinement part à la croissance générée par l’économie du sport au niveau mondial. Le contrat de filière a été élaboré entre les mois d’avril 2015 et de mars 2016 sous la responsabilité d’un groupe projet composé d’entreprises du secteur et des acteurs du mouvement sportif. Ces onze mois de travaux ont mobilisés plus de 110 acteurs, dont 76 entreprises, 12 fédérations et ligues sportives et 10 opérateurs publics.

Ce contrat prévoit quatre axes : le renforcement des coopérations entre les acteurs de la filière ; le renouvellement de l’écosystème du financement des équipements sportifs ; la promotion de l’innovation au sein de la filière sport ; la structuration de l’offre française à l’international.

Ce récapitulatif des changements intervenus au cours des trois dernières années atteste de cette prise de conscience collective qu’il faut désormais ancrer dans la durée. La démarche est nouvelle, elle s’appuie sur de très nombreux acteurs, ce qui pose évidemment des grandes difficultés, et elle essaie d’établir une continuité entre le territoire national et la diplomatie à l’étranger, ce qui en pose évidemment aussi. Le rapport fait donc état aussi bien des choses très positives à consolider que des fragilités à corriger.

Mme Valérie Fourneyron, rapporteure. Je sais que grand nombre d’entre vous, à titre personnel, s’intéressent au sport. Mais le sport n’a jamais été l’objet d’étude au sein de cette Commission. Pourtant, et les exemples historiques sont légion, le sport est un révélateur de la marche du monde. Il permet aux Etats de se mettre en scène. Il fait depuis longtemps - et fait encore - l’objet d’une forte exploitation au service de doctrines d’Etat. On pense naturellement aux JO de Berlin en 1936, utilisés par le régime nazi pour valoriser son idéologie totalitaire de la supériorité aryenne. Mais pensons, plus proches de nous, à la « diplomatie des muscles », la « diplomatie virile » d’un Vladimir Poutine, qui a voulu les Jeux de Sotchi en 2014 et a veillé à leur mise en scène et à leur gigantisme pour illustrer le réveil de la Grande Russie. Ou aux tentatives des Etats-Unis de faire aujourd’hui le ménage dans les instances « corrompues » du sport mondial, fidèles en cela à leur idéologie de la « destinée manifeste », mélange de doctrine interventionniste, de volonté de se poser en justiciers du monde et de diffuser un modèle de démocratie libérale. Pensons également au Qatar qui a fait du sport l’un des piliers de sa stratégie nationale « Vision 2030 », pour exister sur la carte du monde en tant que grande puissance régionale.

Les illustrations ne manquent pas et justifient que l’on pose, au sein de cette Commission, la question de la place du sport dans l’effort diplomatique de la France et de l’utilisation qu’elle peut en faire pour renforcer ses positions au sein du concert des nations.

Tel fut le point de départ et l’ambition de notre travail.

Avant de vous présenter les grands axes et les préconisations de notre rapport, je voudrais insister sur le contexte particulier dans lequel il vous est présenté : Roland Garros s’est achevé dimanche. 3 milliards de personnes en audience cumulée ont suivi le tournoi dans le monde. Le Tour de France, véritable vitrine de notre pays, part du Mont-Saint-Michel dans quelques semaines. 190 pays dans le monde le rediffuseront. L’Euro 2016 débute dans 2 jours, dans le contexte particulier que nous connaissons. Et nous venons d’entendre Bernard Lapasset, Président de Paris 2024, nous parler très éloquemment de l’impact que pourrait avoir l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques en France, sur notre image dans le monde.

Autant d’occasions où les yeux du monde entier sont braqués sur la France, où l’on parle de la France, où l’on dissèque sa réalité contemporaine, où l’on évalue sa côte d’amour ou de désamour, où nous pouvons mesurer voire exercer la capacité d’influence et le pouvoir d’attraction de la France sur la scène internationale ! Qui peut encore croire dès lors que le sport n’a pas toute sa place dans les travaux de cette Commission, qu’il n’est pas à la fois un baromètre et un vecteur à part entière de la politique extérieure française ?

Il nous a donc semblé important de prendre la mesure de cet enjeu et de ne pas s’en tenir à des politiques ponctuelles. Il existe, c’est ce que ce rapport tend à démontrer, un intérêt à structurer une diplomatie sportive et à donner au sport une place autre que le simple commentaire des résultats ! Nous soutenons avec ardeur la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, mais l’histoire nous a appris, avec les candidatures infructueuses de 2008 et 2012, qu’une candidature ne saurait à elle seule constituer une stratégie globale et pérenne. Elle peut en revanche être un puissant catalyseur d’une telle stratégie.

Ce terme de stratégie peut paraître fort aux membres de cette Commission, dont l’agenda est rythmé par les crises profondes auquel le monde fait face. Néanmoins, si le ministère des Affaires étrangères a étendu en 2014 son champ de compétence au développement international, c’est bien que la puissance de la France au XXIème siècle résultera de la conjugaison intelligente des différents leviers de l’influence. Nous en sommes convaincus : le sport est un de ces leviers, dont il faut se saisir pleinement pour au moins quatre grandes raisons.

La première est que la tenue de grands évènements sportifs internationaux contribue au rayonnement et à l’attractivité de notre pays et recèle des potentiels énormes de développement économique, social et environnemental pour les territoires et les entreprises. Le rapport présente longuement cette dimension dite d’héritage des évènements sportifs, qui légitime que l’accueil de grands évènements sur notre sol soit une priorité, mais qui requiert de se donner les moyens d’inscrire cette stratégie dans une dynamique de long terme.

La deuxième raison est que dans un certain nombre de pays, souvent pour des raisons d’image mais aussi de développement économique et territorial, on observe des investissements massifs dans le secteur sportif : infrastructures, réaménagement urbain, politiques publiques, sites touristiques... Vous trouverez dans le rapport plusieurs exemples, les plus évidents étant le Qatar, la Russie, le Brésil, mais ce ne sont pas les seuls. Ces marchés à conquérir offrent des perspectives de croissance considérables pour nos entreprises. Pour être au rendez-vous de cette opportunité, l’offre française a besoin d’être structurée et offensive face à la concurrence.

La troisième raison est que le levier sportif a un impact économique qui déborde très largement la seule filière sportive. Se positionner sur les marchés sportifs génère des effets d’entrainements sur de nombreuses filières et ouvre des gisements importants d’emplois, en matière de BTP, mais aussi de mobilité, de gestion des sites et des flux, de conseil, de formation. La filière de la ville durable et le secteur de la sécurité sont particulièrement sollicités.

Par ailleurs, tout cet écosystème est propice à l’innovation technologique, qui est un marqueur de plus en plus distinctif de puissance. Equipements sportifs, vêtements connectés, applications numériques, etc. Ces marchés offrent des possibilités de niches intéressantes pour les PME françaises et des volumes de marchés qui rentabilisent les efforts de recherche et développement des grandes entreprises.

La dernière raison est qu’il est essentiel d’inscrire le sport dans une réelle perspective diplomatique, et pas uniquement économique et commerciale. Je n’ai pas besoin d’expliciter ici les raisons pour lesquelles une diplomatie économique fait sens. Nous avons tous soutenu la tutelle du ministère des Affaires étrangères sur les opérateurs Business France et Atout France et l’organisation d’une synergie et d’une action coordonnée de l’ensemble des acteurs à l’étranger sous l’autorité des ambassadeurs. Ce qu’il me semble important de souligner, c’est que la diplomatie économique elle-même s’intègre dans une diplomatie globale d’influence. La diplomatie d’influence de la France, c’est l’économique, le culturel, le technologique, le scientifique et le stratégique. C’est un tout. Le sport est un outil de cette diplomatie globale, en concourant au redressement économique de notre pays mais aussi plus largement à son rayonnement, à sa renommée.

D’une part, l’évènementiel sportif modélise et diffuse l’image de la France. Et d’autre part, le sport occupe une place particulière dans toutes les sociétés car c’est l’activité humaine à la fois la plus répandue, la plus partagée et la plus fédératrice. Faire vibrer cette corde c’est faire directement vibrer le cœur des populations, en application du concept du « public diplomacy », comme avoir accès au cœur du pouvoir, au plus haut niveau décisionnel. C’est un moyen privilégié de conforter et d’élargir la présence française à l’étranger. Cet atout mérite d’autant plus d’être exploité dans des pays où la présence française est en-deçà de son potentiel.

Le rapport formule un certain nombre d’orientations en ce sens, pour structurer notre diplomatie économique sportive et pour intégrer de manière pertinente et variée le levier sportif au sein de notre diplomatie globale.

Le premier niveau de structuration est sans aucun doute celui de l’accueil des grands évènements sportifs.

La France est très loin d’être novice à ce niveau mais des marges d’amélioration existent. Notre pays a une grande tradition d’accueil de grands évènements sportifs, des politiques publiques sportives bien ancrées et des entreprises relativement performantes. Elle doit néanmoins se battre pour conserver son rang de grande puissance d’accueil et, pour cela, il convient de lever l’hypothèque du coût de l’accueil, qui prime aujourd’hui sur l’approche de long terme. Or il y a un piège de l’évaluation chiffrée.

Il est assez facile de quantifier les retombées économiques directes des grands événements : elles concernent le marché de la restauration, de l’hôtellerie, de la sécurité, du luxe, des transports, du tourisme. En revanche, quantifier l’impact à long terme d’un évènement, est bien plus malaisé, sans même parler de son héritage immatériel, social, sociétal, médiatique, ou des gains en points de renommée ou en termes d’amélioration de l’image de marque du pays-hôte. Parce que les marchés liés au sport relèvent d’une multitude de domaines, il est difficile de quantifier l’incidence réelle sur notre tissu économique. Nous avons été confrontés au cours de nos travaux à la difficulté même de dresser une radiographie exhaustive des entreprises et secteurs d’activité concernés.

Cette difficulté à objectiver les retombées produit un terreau favorable aux préjugés : des budgets prévisionnels minorés, des retombées économiques surestimées, une dérive vers le gigantisme, et une impression persistante que les devis initiaux ne sont jamais respectés.

Objectiver les retombées est donc un axe fort de structuration. Le rapport rappelle sur ce champ l’existence d’études françaises, notamment l’expertise du Centre de Droit et d’Économie du Sport (CDES) de Limoges, qui a par exemple réalisé une étude pour le compte de l’UEFA sur l’impact économique de l’Euro 2016 sur la croissance et l’emploi. On peut également saluer l’existence de l’étude d’impact réalisée par la candidature de Paris 2024 que Bernard Lapasset nous a présentée. Une direction de l’économie du sport a également été créée au sein du ministère des Sports et un Observatoire de l’économie du sport sera lancé demain. La mise au point de référentiels et de méthodologies est indispensable.

En tout état de cause, l’enjeu essentiel d’un grand événement sportif demeure de faire approcher le résultat du potentiel. L’impact économique d’un évènement est fonction de son inscription dans un projet de développement de long terme de telle sorte qu’il en accélère et en amplifie les effets. C’est toute la différence entre les Jeux olympiques d’Athènes et ceux de Londres. C’est le très bon exemple du développement de la Plaine Saint-Denis autour du Stade de France.

Un grand événement doit aller au-delà d’années de préparation et de quelques semaines de compétition et de liesse populaire, aussi réussies soient-elles. Il doit être l’occasion pour une ville ou un État de (re)structurer économiquement une filière, de mettre en place des politiques publiques en faveur du sport, d’accélérer des projets en matière de déplacements, d’urbanisme ou de logement, de mettre en place des politiques d’attractivité à partir de l’évènement et des infrastructures en legs. Cela ne concerne pas que les capitales comme on le voit dans le rapport avec les exemples de Turin, Vancouver ou Barcelone. Une telle ambition nécessite un pilotage public transversal.

Dans ce domaine, la France s’est dotée d’une délégation interministérielle aux grands évènements sportifs, qui est très active pour rationaliser le travail des différents ministères et standardiser les lettres de garantie, mais qui souffre d’un manque de visibilité auprès des entreprises et des fédérations sportives, et n’a pas les moyens en ressources humaines pour être force de proposition. La DIGES est une petite délégation interministérielle placée auprès du ministère des Sports et elle est donc perçue comme un appendice de ce ministère. Une des clés de l’amélioration du dispositif national en termes d’efficacité serait de la positionner auprès du Premier ministre. Cela faciliterait l’amplification des retombées directes par la mise en œuvre de procédures standardisées incluant un socle de services diversifiés (notamment culturels). Pour le mettre au point, il faut que la délégation ait autorité sur les autres ministères, surtout lorsqu’ils sont peu sensibles au sport.

Cela permettrait aussi à la sphère publique de « garder la main », élément essentiel de toute stratégie politique. La DIGES devrait avoir autorité pour engager l’organisateur dans un contrat relevant de plusieurs ministères (ville, sport, économie, transports, affaires étrangères, tourisme …) au regard de la pluralité des bénéfices attendus d’un tel événement. La préparation de l’accueil se doublerait d’un contrôle du respect des engagements.

Le périmètre de la délégation interministérielle ainsi crédibilisée pourrait couvrir les évènements sportifs ou l’ensemble des grands évènements.

Dans tous les cas, la DIGES doit devenir la mémoire de l’évènement sportif et capitaliser sur les expériences acquises. Cette question d’absence de transfert des compétences est centrale. De nombreuses personnes à différents échelons, dans le public comme dans le privé, ont participé à l’organisation de grands évènements et leur savoir-faire n’est pas suffisamment exploité pour les suivants.

Le deuxième niveau de structuration de la diplomatie sportive est à parfaire dans l’orbite du ministère des Affaires étrangères.

Le sport est un outil à manier partout mais avec des degrés et des formes variées. Il faut intégrer le sport dans l’influence globale de la France, non pas uniquement comme un élément de cette influence, aussi puissant soit-il, mais surtout comme devant être activé en fonction de la politique d’influence définie et exercée dans telle ou telle région du monde. Etablir une cartographie exhaustive est nécessaire, afin de croiser le paramètre « sport »avec les stratégies développées notamment à l’égard des puissances émergentes.

Partout, une analyse d’opportunité doit être effectuée dans le cadre des conseils d’influence mis en place dans nos postes à l’étranger, sous l’autorité du référent sport et du chef de poste. Partout des réflexes méritent d’être développés, notamment pour favoriser nos candidatures, ouvrir des portes commerciales, monter des opérations de valorisation en lien avec les évènements accueillis en France et associant les sportifs, capitaliser sur les valeurs associés à un pays qui valorise le sport. Le rapport formule plusieurs recommandations en ce sens.

Partout le sport est pratiqué, et partout il y a des marchés pour notre diplomatie économique. Il ne s’agit pas dire que le sport doit dominer notre diplomatie d’influence partout ! C’est au ministère des Affaires étrangères de déterminer les conditions dans lesquelles ce levier doit être utilisé en fonction des pays et des moments pour en maximiser les effets, aux côté des autres leviers de la diplomatie. Deux grandes catégories de pays peuvent être définies comme méritant une attention particulière.

Les premiers sont les énormes marchés bien établis pour la filière sport. Les grands pays organisateurs des futurs événements planétaires (Russie, Corée du Sud, Japon, Chine, Qatar) sont identifiés. Il s’agit avant tout de conforter le rôle des opérateurs et services du champ économique pour leur permettre de bien articuler les besoins locaux et une offre française encore insuffisamment structurée, d’identifier les entreprises, d’identifier des réseaux, de les entretenir sur le long terme, d’appuyer et piloter des clubs sport entreprises, s’assurer le partage d’informations et le recours à l’appui politique de nos chancelleries ou des ministères à Paris à chaque fois que c’est opportun.

C’est globalement le même travail que sur n’importe quelle filière, sous réserve des spécificités liées à l’organisation de grands évènements sportifs, à savoir que l’ampleur de tels évènements oblige à se positionner très tôt avec une concurrence très vive ; le pays organisateur aura tendance à privilégier d’une manière ou d’une autre ses entreprises et il faut donc identifier des niches mais surtout des partenaires locaux auxquels s’associer .Le nombre d’acteurs dans la chaîne de décision et l’éclatement des compétences sont souvent très élevés. A contrario une personnalité de niveau très politique peut parfois être la véritable et seule autorité décisionnaire et il convient alors que la mise en contact soit appuyée au plus haut niveau.

Comme toujours, il est très important que l’offre française soit structurée, qu’il y ait une organisation collective et offensive. Cette organisation s’installe en France et la création de la filière sport est une avancée majeure à traduire désormais dans les faits. Il est très important qu’elle puisse s’appuyer sur l’existant, notamment sur le travail conduit dans d’autres familles, puisque l’écosystème du sport et de l’évènement sportif embrasse à peu près tous les secteurs ! Ville durable, sécurité, French Tech et tourisme sont des exemples donnés dans le rapport. Il ne faut pas se disperser en cloisonnant excessivement les politiques.

Une deuxième catégorie de pays requiert aussi une grande attention. Ce sont des pays qui offrent des opportunités de marché liées au développement de la pratique du sport de masse, dans le cadre de politiques de cohésion sociale, de réduction des inégalités sociales ou de santé publique notamment, comme en Inde, en Afrique du Sud ou en Arabie Saoudite. Outre un effet d’entrainement non négligeable sur les autres filières, le sport est un levier qui renforce la présence française et sa visibilité, indépendamment du calendrier des grands évènements sportifs.

Cela peut être lié à la place du sport dans le développement d’un pays ou dans sa politique d’intégration sociale, comme par exemple en Colombie qui est pour de multiples raisons un pays identifié dans la cartographie d’influence. Cela peut aussi être parce que le sport fait jouer d’autres leviers d’influence contribuant au rayonnement de la France que l’on a besoin de renforcer, tels que la langue ou l’architecture. Cela peut enfin être parce que le sport est un bon moyen de mettre en place des coopérations qui touchent directement la jeunesse. L’exemple de la Tunisie est notamment développé dans le rapport.

Pour cette diplomatie, il faut un ambassadeur pilote dans l’avion. Nous savons à quel point le principe d’ambassadeurs thématiques fait l’objet de critiques, parfois à raison. Néanmoins, l’ambassadeur pour le sport a un rôle essentiel dans la dynamique du réseau, car à défaut d’un acteur central la mobilisation existe uniquement au coup par coup, de manière opportuniste et saupoudrée lors de l’accueil de l’évènement sportif dans le pays en question, lorsque celui-ci construit sa diplomatie d’influence autour du sport ou lorsque les diplomates en poste ont été sensibilisés à l’enjeu dans le cadre d’une précédente affectation. Autant dire sans efficacité ni ligne directrice. Dans la plupart des pays, le réseau culturel qui est chargé de la diplomatie sportive doit assurer de multiples missions, y compris celles relevant du tourisme et de la gastronomie. Il est souvent trop démuni face à un secteur qu’il connaît mal.

L’Ambassadeur pour le sport est cet acteur central qui peut dialoguer avec les postes, les solliciter dans le cadre d’une stratégie globale cohérente, être à l’écoute et au service du réseau autant qu’il le met sous tension. Il peut dès lors devenir l’interlocuteur privilégié de tous les acteurs pour construire et piloter la diplomatie sportive. Je remercie la présidente de la commission de l’avoir convié ce matin et je salue Philippe Vinogradoff, dont l’enthousiasme et la proactivité depuis qu’il a pris ce poste ont été souvent salués au cours de nos auditions.

L’Ambassadeur pour le sport est également l’intermédiaire entre les postes, notre territoire national et les stratégies internationales des collectivités, qui sont très importantes. Une diplomatie globale d’influence suppose une architecture de décision, mais doit aussi irriguer l’ensemble du système. Une fois identifié un pays comme prioritaire pour la diplomatie sportive, il est essentiel de recenser les initiatives en cours autant qu’en susciter et de les coordonner, voire les canaliser. La segmentation est toujours le risque. Le Medef a une liste de pays cibles. La filière sport va définir des stratégies collectives par pays. Sans compter le GIP Paris 2024 qui constitue ses groupes de travail, élabore ses thématiques économiques et développe également une approche pays par pays. L’absence de coordination fait courir le risque de manquer des opportunités, ou de rendre perplexes ou dubitatifs des interlocuteurs à l’étranger qui sont parfois –voire souvent – les mêmes !

Le dernier point concerne l’association des entreprises et des fédérations.

Il ressort de nos auditions que les entreprises du secteur et les fédérations sportives sont demandeuses d’une organisation des acteurs nationaux et d’un pilotage par l’Etat. Les entreprises de la filière sport sont beaucoup plus ouvertes à des collaborations que dans d’autres filières et se sont fortement impliquées dans le projet de développement de la filière sport. Il convient cependant, côté Etat comme côté entreprises, que le principe collaboratif ne s’en tienne pas aux discours. Nous avons été peu convaincus par le club sport au Japon par exemple, qui semble peu actif. Or, la diplomatie sportive française ne peut exister sans parvenir à susciter cette alchimie. C’est très difficile et l’Etat ne peut pas tout, mais il reste des marges à exploiter.

Trois types d’actions pourraient être développés.

Le premier concerne l’exploitation des évènements sportifs, à l’étranger comme en France. Leur organisation doit intégrer une dimension de véritable valorisation des savoir-faire français au moyen notamment de salons, de vitrines, d’opérations de promotion, d’accueil de délégations étrangères, comme ce devrait être le cas pour la 1ère fois à l’occasion de cet Euro 2016. La puissance publique doit aussi identifier les décideurs économiques, politiques étrangers présents sur chaque manifestation, voire inviter des passionnés de sport pour organiser, en marge, des rencontres non protocolaires. L’autorité en charge de cette politique pourrait être Business France mais son fonctionnement sur recettes propres est problématique. Vous verrez dans le rapport les approches très différentes, à cet égard, des Jeux équestres mondiaux de 2014 et de la Ryder Cup de 2018.

La seconde action concerne la méthode d’association des différents acteurs à la réflexion globale de la définition et de la mise en œuvre de la diplomatie sportive. En 2014, en parallèle de la nomination du premier Ambassadeur au Sport et de la feuille de route pour structurer la filière sport, avait été installée une structure : le Comité Français du Sport International(CFSI). Placé auprès du CNOSF et dirigé par Bernard Lapasset, il rassemblait l’Etat, le mouvement sportif, les collectivités, les entreprises, et avait pour mission d’assurer la cohérence globale et la conduite de la stratégie française sur le temps long en matière de relations internationales sportives, autour de trois axes : consolider l’influence des fédérations françaises dans leur environnement international ; renforcer l’influence et le rayonnement du sport français sur la scène internationale ; élargir le champ d’action du sport français en créant des synergies avec des acteurs d’autres secteurs.

Pour des raisons budgétaires, le CFSI s’est transformé en GIP pour la candidature aux Jeux 2024 et nous avons pu constater le vide laissé aussi bien pour la diplomatie, que pour les entreprises, les collectivités ou pour le mouvement sportif. Notre recommandation est de restaurer une telle enceinte, sous une forme à définir. Le CNOSF a créé une division internationale qui pourrait remplir cette fonction à moyen terme, auquel cas il faudrait fortement la développer. L’autre option serait de recréer le CFSI. Cette structure garantirait une circulation de l’information, clarifierait les responsabilités des différents acteurs et conforterait la place de l’ambassadeur pour le sport et du DIGES.

La troisième action pourrait être une réflexion sur une « Marque France » du sport, un label du savoir-faire français dans ce domaine, qui permettrait utilement de définir et valoriser les atouts concurrentiels distinctifs de l’offre française.

Pour résumer et en conclusion, à notre sens, une diplomatie sportive efficace reposera sur deux axes :

– la mise en œuvre d’une stratégie générale, universelle, de prise en compte et de documentation des enjeux liés au sport, y compris en France. Cette stratégie devra s’appuyer sur une cartographie de l’activation du levier du sport, au regard des opportunités économiques ou de l’impact multiplicateur d’influence que peut produire ce levier dans tel ou tel pays ;

– la rationalisation du paysage décisionnaire et une mobilisation mieux pensée de l’ensemble des acteurs, qui garantisse une stratégie globale lisible, fluide et offensive reposant sur les principes suivants : des portes d’entrée bien définies (ambassadeur pour le sport et DIGES), un continuum national et international (intégration verticale), une association des mondes sportifs, économiques et politiques systématiques (intégration horizontale) et une capitalisation de l’expérience (procédures et ressources humaines).

M. Jacques Myard. J’ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre exposé, et c'est exact, les relations internationales et transnationales se sont développées à la vitesse grand V et à ce titre, le sport fait très certainement partie d’une stratégie d'influence. Cela dénote qu'il nous faut une politique publique dans ce domaine, comme l'ont déjà fait un certain nombre d'États, et je vous suis totalement sur vos propositions.

Néanmoins, vous avez rappelé, en propos liminaire, l'impact et la concurrence parfois déloyale d'un certain nombre d'États dans ce domaine. J'irai même plus loin, mon père, qui était un simple ouvrier, me disait toujours que c’est en mettant les gens dans les stades que l’on peut entraîner des violences. Ces violences se jouent également au niveau international. En ce sens, la France ne devrait-elle pas prendre une initiative au plan international sur une sorte de code de déontologie, qui ne serait pas du droit “dur” mais du droit “mou” ? Cela mettrait un peu de l'ordre dans les dérives que nous constatons sur le plan international, notamment par exemple au Qatar. La situation dans ce pays m’a particulièrement révolté car nous le savons, il y a eu mort d'homme pour arriver à construire des stades et autres facilités sportives. Bien sûr, il faut mettre de l'ordre sur le plan interne, mais il faut qu’on ait également une cohérence dans l'action sur le plan international afin de pacifier les relations concurrentielles, et parfois excessives, entre les États.

M. Lionnel Luca. Merci madame la présidente, ce rapport a un intérêt car il fait un bilan et ouvre une perspective. Néanmoins, je reste quand même dubitatif sur la notion de diplomatie sportive. Je ne pense pas que ce soit une expression idoine, car c'est réduire le sens même de la diplomatie. Il y a une diplomatie et puis il y des relations et des orientations qui sont données. Le terme d'ambassadeur du sport n'a pas non plus de sens. On peut être commissaire, haut-commissaire ou fonctionnaire chargé du sport.

Nul ne conteste bien sûr que le sport joue un rôle essentiel sur le plan de la politique intérieure et extérieure, César le disait déjà. Ainsi, il était souvent question de la diplomatie du ping pong en 1971, mais cela n’avait aucun sens. En effet, il y avait avant tout une diplomatie chinoise qui se servait du sport comme paravent.

Ainsi, après avoir dédaigné le sport et son utilisation arbitraire et totalitaire par les États, on en ferait une idole incontournable du monde médiatique dans lequel nous sommes ? Je ne crois pas qu’il faille céder à l’injure d’hier ni à la fascination d'aujourd'hui.

M. Thierry Mariani. J’ai trois remarques. Premièrement, un collègue a mentionné les marchés que le sport pourrait nous apporter, mais il faut le faire dans le cadre d’une diplomatie globale. S’agissant par exemple de la Russie, je fus ministre des transports et nous étions particulièrement bien avancés dans les négociations concernant les trains à grande vitesse Moscou-Kazan. En plus, celui qui co-présidait avec moi le dialogue franco-russe était le président de la SNCF. Mais au moment où les sanctions sont tombées, nous avons perdu le contrat et les Russes sont allés voir les Chinois. Le sport peut être un élément mais il doit s’inscrire dans un ensemble cohérent.

Deuxièmement, je regarderai votre rapport avec attention, mais il est vrai qu’aujourd’hui certains États se servent du sport de manière encore plus prononcée que la Russie ou les États-Unis, et c’est notamment le cas du Qatar. Le Qatar prend par exemple la suprématie concernant la retransmission sportive. Le pays a maintenant son propre club dans la plupart des divisions footballistiques européennes, il y a par exemple un club qatari dans la première division française et espagnole. Je crois que cet État, omniprésent sur tous les événements sportifs, représente politiquement plus de danger que la Russie ou les États-Unis. En parlant avec les dirigeants qataris, on se rend compte qu’ils ont clairement identifié le sport comme l'un des de éléments clés de leur stratégie à l’international, en plus du domaine des transports aériens.

M. François Rochebloine. Je suis un peu perplexe s’agissant de la question de M. Luca sur la diplomatie sportive. La diplomatie se décline. Nous nous sommes félicités d’avoir parlé de diplomatie parlementaire lors de l’audition de MM. Lapasset et Vinogradoff. Je ne partage pas non plus sa position concernant l’ambassadeur du sport, il est important aujourd’hui de prendre plus en considération ce domaine. Nous avons des ambassadeurs sur d’autres sujets alors pourquoi pas le sport ? Au lieu de jouer petit bras, nous avons tout intérêt à avoir cet ambassadeur et à reconnaître une meilleure place au sport. Enfin, je note que certaines analyses mentionnées par M. Mariani sont bien présentes dans le rapport.

Mme Valérie Fourneyron. Je crois que l’objectif du rapport était de montrer notamment l’impact économique de l’ensemble du sport dans l’environnement international, et l’atout que le sport peut représenter pour les entreprises françaises dans des domaines extrêmement variés. Il suffit de regarder pour cela le nombre de nos entreprises qui ont gagné des marchés aux Jeux olympiques de Rio, qu’il s’agisse notamment de la construction du métro, de l’hôtellerie ou de la gestion des équipements sportifs.

Il est extrêmement important que nous puissions être très attentifs à la structuration de cette filière sportive. Nos leaders du BTP vont notamment emmener des PME qui travaillent sur des niches précises, où nous avons des marchés à conquérir. En effet, l’ensemble de ces marchés connaissent, selon les analyses, une croissance deux fois supérieure à la croissance mondiale du PIB.

Je n’ai pas négligé la stratégie sportive du Qatar, j’ai quasiment commencé mon propos liminaire par cette stratégie 2030, comme ils la nomment.

S’agissant de l’intégrité, je suis particulièrement soucieuse de la prise en compte de cette problématique, car la question ne se pose pas seulement en termes de coûts et de corruption, mais c’est aussi la gouvernance du mouvement sportif international qui est décriée. Il me semble que l’ensemble des mesures qui ont été prises récemment par le mouvement sportif international, à commencer par le nouveau président du CIO et son agenda 2020, sont positives. Son agenda n’est pas simplement une approche différente des candidatures des jeux olympiques, mais une approche totalement différente de l’ensemble des enjeux d’intégrité. En effet, l’image d’un mouvement sportif qui fait défaut sur le plan de l’intégrité pèse aujourd’hui très lourd.

L’éthique du sport, qu’il s’agisse du droit du travail ou du dopage ne peut pas se faire sans les instances internationales. L’Union européenne s’engage d’ailleurs de plus en plus à ce niveau. Pour la première fois, un commissaire européen a dans son portefeuille le sport et commence à véritablement s’intéresser à la diplomatie sportive.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Merci beaucoup, j’ai trouvé ces deux présentations absolument passionnantes, ainsi que vos propositions, qui sont très éclairantes.

La Commission autorise la publication du rapport de la mission d’information à l’unanimité.

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Nouvelle-Zélande : accord concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense (n°3499)

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Nous allons maintenant procéder à l’examen de l’accord concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense. Je donne la parole au rapporteur, M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes, rapporteur. J’ai été chargé par la commission de présenter un projet de loi qui vise à l’approbation de l’accord signé avec la Nouvelle-Zélande sur le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense. Il a été signé à Singapour à l’occasion du Shangri-La Dialogue le 31 mai 2014. Sur le plan juridique, cet accord vise à combler une lacune : il n’y a avait pas de cadre juridique global pour la coopération militaire avec la Nouvelle-Zélande jusqu’à ce jour, alors même qu’elle se développe beaucoup. Il fallait donc obtenir des autorisations spécifiques pour chaque action entreprise. Le principal enjeu était de donner un statut protecteur aux militaires français présents sur le territoire néo-zélandais dans le cadre de ces actions de coopération. Sur le plan politique, cet accord a une portée bien plus large. Il permet, en renforçant notre relation bilatérale avec la Nouvelle-Zélande, de mieux asseoir la légitimité de la France comme nation du Pacifique.

La Nouvelle-Zélande est en en effet un partenaire essentiel pour la France dans le Pacifique Sud. Car la France est un acteur du Pacifique ; cet aspect est bien trop souvent négligé ou mal connu de nos compatriotes. Elle y a trois de ses territoires et près de 700 000 de ses ressortissants. La région du Pacifique concentre des enjeux fondamentaux pour la sécurité internationale : protection des routes maritimes essentielles pour le commerce international, gestion des ressources maritimes – ressources halieutiques et ressources du sous-sol, lutte contre les trafics et la piraterie, enjeux liés au réchauffement climatique dont les effets sont particulièrement graves pour les petits États insulaires du Pacifique. Ces derniers ont d’ailleurs fait entendre leur voix lors de la COP 21 et la France les y a aidés en organisant le quatrième sommet France-Océanie quelques jours auparavant.

Les moyens sont limités pour faire face à ces enjeux. Les capacités militaires de la France sont, pour l’essentiel, celles des forces armées françaises en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, lesquelles n’ont pas été épargnées par les mesures de restriction budgétaire. Nous avons actuellement 1500 militaires environ en Nouvelle-Calédonie, entre un régiment d’infanterie de marine, la base navale de Nouméa et la base aérienne de Tontouta. En Polynésie française, nous avons environ 1000 militaires, dont la plupart sont affectés à la base navale de Papeete, mais aussi au sein d’un détachement terre et d’un détachement air.

Il y a peu de partenaires sur lesquels la France peut s’appuyer dans la région : l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Il faut d’ailleurs noter que la France est le seul pays de la région à être à la fois un acteur mondial et un acteur régional. La Nouvelle-Zélande est ainsi un partenaire clé pour nous dans le Pacifique sud. Elle est située à proximité immédiate de la Nouvelle-Calédonie : 1700 km, une distance particulièrement raisonnable dans le Pacifique. Elle partage nos préoccupations et nos valeurs. Le général Léonard, commandant supérieur des forces armées en Nouvelle-Calédonie, que nous avons contacté au sujet de cet accord, a indiqué que la Nouvelle-Zélande était un allié incontournable en Océanie avec laquelle nous partageons « les mêmes visions et préoccupations en matière de risques sécuritaires, notamment maritimes ». Elle est intervenue à plusieurs reprises dans la région, souvent en partenariat avec l’Australie, aux Salomon de 2003 à 2013 pour une opération de sécurité intérieure dans le cadre de ce qu’on appelle la RAMSI, à Tonga en 2006 et au Timor Oriental de 2007 à 2012. La Nouvelle-Zélande est un partenaire à notre taille dans cette région. Elle a une ambition essentiellement océanienne. Rappelons-le, il s’agit d’un petit pays de 4 millions d’habitants. Elle a un outil de défense dimensionné à cet ambition – 9000 militaires d’active – mais rénové et cohérent. En outre, ses capacités sont complémentaires aux nôtres. Par exemple, les avions des forces armées françaises en Nouvelle-Calédonie (FANC), des Casa, peuvent atterrir sur des aérodromes auxquels les forces aériennes néo-zélandaises ne peuvent accéder. Enfin, la page un peu négative des relations entre la France et la Nouvelle-Zélande – avec les essais nucléaires français dans le Pacifique et la regrettable affaire du Rainbow Warrior – est aussi bel et bien tournée.

Nous avons développé avec la Nouvelle-Zélande une coopération de défense de large spectre, et qui ne cesse de se renforcer. C’est d’abord un dialogue politico-militaire. Nos deux pays participent au dialogue de sécurité conduit dans le cadre du Shangri-La Dialogue qui se réunit chaque année à Singapour. Sur le plan bilatéral, nos ministres de la défense et chefs d’état-major se réunissent chaque année ; la dernière rencontre a eu lieu à Wellington au mois de mars dernier. Enfin, un dialogue de sécurité des ministres de la défense du Pacifique Sud a été mis en place en 2013. Il réunit la France, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Tonga et le Chili. Sur le plan opérationnel, la coopération est surtout mise en œuvre par les FANC dans le cadre de deux dispositifs essentiels dans cette région. L’accord FRANZ rassemble l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la France et vise à coordonner les interventions en réponse aux catastrophes naturelles, fréquentes dans cette région. Ce mécanisme a été activé pour les cyclones à Tonga en 2014, au Vanuatu en 2015 et à Fidji en 2016. Le dispositif QUAD réunit les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la France depuis 2002 ; il a trait aux problématiques de sécurité maritime. Notre coopération avec la Nouvelle-Zélande porte également sur le renseignement ; nous avons signé en 2013 un accord de sécurité bilatéral qui nous permet d’échanger des informations classifiées. Nous avons une coopération d’armement : la Nouvelle-Zélande a acheté 9 hélicoptères NH90, il s’agit du plus gros contrat d’armement jamais conclu par ce pays. Enfin, notre coopération porte aussi sur la commémoration de la Première guerre mondiale. Notre Premier ministre, en visite officielle en Nouvelle-Zélande le mois dernier, a rendu hommage aux 18 500 soldats néo-zélandais qui y ont laissé leur vie ; près de 100 000 d’entre eux sont venus défendre les libertés dans notre pays. La commémoration du centenaire de la bataille de la Somme sera un moment fort pour nos deux pays cette année.

Quels sont les apports de l’accord de coopération soumis à l’examen de la commission. C’est un accord au fond assez classique, dont la première partie est relative au champ et aux modalités de la coopération. Ce champ est vaste ; il exclut simplement les escales des bâtiments de la marine militaire française qui doivent faire l’objet de demandes spécifiques. Il en va de même pour la quasi-totalité des marines de la planète. La deuxième partie de l’accord instaure un statut protecteur et réciproque en cas de visite d’une force sur le territoire de l’autre partie. Traditionnellement, sont abordées les questions juridictionnelles, facilités opérationnelles, questions relatives aux soins médicaux, au règlement des dommages etc. Concrètement, ce texte offre un statut plus protecteur aux forces françaises en visite sur le territoire de la Nouvelle-Zélande. En outre, l’organisation et la planification des actions de coopération bilatérales s’en trouveront facilitées, en particulier dans les contextes d’urgence. C’est d’ailleurs la spécificité de cet accord que de prévoir un article dédié à la problématique de l’aide d’urgence (article 13). Il prévoit la manière dont la Nouvelle-Zélande et la France interviennent en situation de catastrophe naturelle, soit sur le territoire de l’une ou l’autre partie, soit conjointement sur celui d’un Etat tiers qui les a sollicitées en ce sens. Enfin, ce texte donne une nouvelle visibilité politique à notre partenariat avec la Nouvelle-Zélande dont on peut attendre quelques retombées positives, en matière d’armement par exemple. Le Livre Blanc de la défense néo-zélandaise doit paraître aujourd’hui et devrait prévoir des renouvellements qui pourraient bénéficier aux industriels français : renouvellement de la flotte d’avions de transport et rétrofit des frégates, par exemple.

Sur le plan politique, cet accord nous permet, en approfondissant notre coopération avec la Nouvelle-Zélande, de renforcer notre ancrage dans le Pacifique Sud. Le rythme de nos échanges avec cette région s’est intensifié. Manuel Valls était à Wellington début mai et John Key sera à Paris le 14 juillet. Le ministre de la défense participe désormais systématiquement au Shangri-La Dialogue. Par ailleurs, la France a engagé des négociations en vue de conclure des accords de coopération militaires avec plusieurs États de la zone : Tonga, Fidji et le Vanuatu, qui sont des États importants dans la région. Il faut à présent entretenir cette dynamique. Nous pourrons profiter de la mise en œuvre du contrat signé avec l’Australie pour les sous-marins, qui donnera l’occasion aux dirigeants français de se rendre plus fréquemment dans la région pour y défendre les intérêts de notre pays. Nous pourrions aussi envisager de donner une dimension politico-militaire au format FRANZ, par exemple en marge du prochain sommet France-Océanie qui se tiendra en 2018 en Polynésie française et qui pourrait permettre de rassembler les trois chefs d’Etat et de gouvernement français, australien et néo-zélandais. Par ailleurs, il serait bon de faire en sorte qu’un ministre français participe au Forum des îles du Pacifique ; ça a rarement été le cas et suscite la frustration des États du Pacifique. Hillary Clinton s’est elle-même déplacée en 2012, signe que les États-Unis accordent une attention renouvelée à cette région. Alain Juppé est le dernier ministre des affaires étrangères français à s’être déplacé à cette occasion, en 2011. Nous ne devons pas donner l’impression que la France se désintéresse de cette région.

La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont un rôle à jouer dans cette dynamique d’affirmation de la France, par leurs compétences et leurs apports propres à la stabilité de la région. J’ai saisi le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au sujet de cet accord ; il a marqué son intérêt pour une coopération économique et politique renforcée avec la Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont engagé depuis 2010 des démarches pour devenir membres à part entière du Forum des îles du Pacifique, qui est la principale organisation politique régionale, dont elles ne sont pour l’instant que membres associés. Elles bénéficient du soutien des premiers ministres australien et néo-zélandais ; John Key l’a affirmé lors de la conférence de presse tenue avec Manuel Valls à Wellington le mois dernier. Le nouveau Premier ministre du Vanuatu, un francophone, appuie également cette démarche. Il me semble donc que cette appartenance pleine et entière des collectivités françaises au Forum serait une bonne chose pour l’affirmation de la France dans le Pacifique.

En conclusion, cet accord ne présente que des avantages, sur le plan militaire comme sur le plan politique. La procédure est aujourd’hui à son terme : il a été ratifié par la Nouvelle-Zélande dès le mois d’octobre 2014. Conformément aux lois organiques, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ont été consultées sur ce projet qui a été soumis à leurs assemblées en avril et mars 2015, lesquelles ont donné des avis favorables. Enfin, le Sénat a approuvé cet accord au mois de février. Il est temps pour l’Assemblée de finaliser cette procédure.

Mme Elisabeth Guigou. Merci beaucoup pour ce rapport. Cette région du monde est en effet très importante et nous avons tendance à ne pas mesurer à leur juste valeur les liens que nous avons avec beaucoup de ces pays.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 3499) sans modification.

Informations relatives à la commission

Au cours de sa réunion du mercredi 8 juin 2016, la commission a nommé les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2017 :

Au cours de sa réunion du mercredi 8 juin 2016, la commission a procédé à la nomination d’un membre de la commission pour siéger au conseil d’administration de l’Institut Français, à la place de M. Jean-Marc Ayrault :

– M. François Loncle

D’autre part, la commission a également nommé des rapporteurs sur les projets de loi suivants :

– M. Thierry Mariani, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses Etats membres et la République de Moldavie (n° 1884) ;

– Mme Valérie Fourneyron, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 3745) ;

– M. Gabriel Serville, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil concernant les transports routiers internationaux de voyageurs et de marchandises (n° 3746) ;

– M. Gabriel Serville, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil en vue de l’établissement d’un régime spécial transfrontalier concernant des produits de subsistance entre les localités de Saint-Georges de l’Oyapock (France) et Oiapoque (Brésil) (n° 3747) ;

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 8 juin 2016 à 9 h 30

Présents. - M. Kader Arif, M. Patrick Balkany, M. Christian Bataille, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Bocquet, M. Guy-Michel Chauveau, M. Édouard Courtial, M. Jean-Louis Destans, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Jean-Paul Dupré, M. Éric Elkouby, M. François Fillon, Mme Marie-Louise Fort, Mme Valérie Fourneyron, M. Jean-Marc Germain, M. Jean Glavany, M. Philippe Gomes, Mme Linda Gourjade, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, M. Benoît Hamon, Mme Marylise Lebranchu, M. Patrick Lemasle, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Patrice Prat, M. Didier Quentin, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, M. André Santini, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Gabriel Serville, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Gérard Charasse, Mme Seybah Dagoma, Mme Cécile Duflot, M. Hervé Gaymard, M. Paul Giacobbi, Mme Chantal Guittet, M. Meyer Habib, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Pierre Lequiller, M. Noël Mamère, M. Boinali Said, M. Guy Teissier

Assistait également à la réunion. - M. Jean Launay