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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 10 octobre 2012

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 7

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement du ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2013

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Mme la présidente Patricia Adam. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement (DGA).

Monsieur le délégué général, nous renouons cette année, en début de législature, avec votre audition dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

Vous allez nous présenter le projet de budget pour 2013 du programme 146 Équipement des forces de la mission « Défense ».

Cette présentation pourra être l’occasion de faire un rapide bilan de la période de programmation 2009-2012 et de nous informer où en est la « bosse » d’investissements non réalisée.

Il s’agira également de décrire les conséquences de la stabilisation des crédits envisagée pour 2013.

Vous pourrez par ailleurs nous indiquer les priorités de la DGA : entre le spatial, le maintien des crédits de recherche et le programme de drones MALE, lesquelles seront retenues ?

Sans plus attendre, je vous cède la parole.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me permettre d’intervenir devant la commission de la défense dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2013.

L’été 2012 a été consacré à préparer la transition vers la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) tout en essayant de préserver la marge de manœuvre la plus grande possible dans un cadre budgétaire contraint. Tous nous participons, à des titres divers, à la définition des orientations stratégiques de la défense dans le cadre des travaux engagés par la Commission du Livre Blanc, qui précédera la nouvelle LPM.

En application des mesures arrêtées en 2012, le niveau d’engagement du programme 146 Équipement des forces de la mission « Défense » a été ramené à quelque 7,3 milliards d’euros en fin d’année au lieu des 10,2 milliards prévus.

Parmi les principales commandes de l’année, on peut citer le lancement du programme CONTACT qui vise à équiper les forces armées en postes de radio tactiques de nouvelle génération, s'appuyant sur une technologie innovante de radio logicielle, en remplacement des postes PR4G qui ont connu un très grand succès à l’exportation.

Nous avons également lancé l’adaptation du sous-marin nucléaire lanceur d’engin Le Triomphant au missile M51, dans la suite logique de la mise en service du Terrible avec ce même missile en 2010, et rénové trois avions ravitailleurs KC135, qui auront bientôt quelque cinquante ans. Nous avons en outre commandé cinq systèmes de drones tactiques intérimaires – SDTI – qui viennent compléter la dotation en drones Sperwer, employés aujourd'hui dans l’armée de terre.

Je tiens aussi à souligner un très faible nombre de demandes en Urgence Opérations : trois nouvelles demandes pour moins de quatre millions d’euros cette année. Cela démontre la flexibilité des matériels que nous avons mis en service, flexibilité qui leur permet de s’adapter aux conditions d’emploi sur les différents théâtres d’opérations, tout en attestant la grande rigueur observée par les armées dans le recours à cette procédure. L’approche suivie par les armées et la DGA est prudente dans la mesure où l’achat de matériels très diversifiés pourrait provoquer des difficultés pour le soutien logistique.

Parmi les livraisons importantes prévues cette année, on peut noter, pour la dissuasion, celles des missiles M51 au rythme prévu. Dans le domaine conventionnel, on notera la livraison d’un bâtiment de projection et de commandement – BPC – à la Marine nationale, d’une première FREMM, de six NH90, de quatre Tigre, de 100 VBCI – véhicules blindés de combat et d’infanterie –, de 200 PVP – petits véhicules protégés de 4 036 équipements FELIN – Fantassin à équipements et liaisons intégrés –, de onze Rafale et de deux systèmes de missiles sol-air moyenne-portée/terrestre – SAMP/T. Les livraisons se poursuivent donc au rythme prévu. La capacité de renseignement est renforcée par la rénovation d’un Transall Gabriel. Ces avions ont été très précieux dans la période de pré-engagement en Libye, car ils ont permis de recueillir un grand nombre de renseignements électromagnétiques très utiles pour la protection de nos forces. Je tiens aussi à mentionner la livraison de sept nacelles de reconnaissance Reco-NG, qui peuvent être emportées par le Rafale.

Les besoins de paiement du programme 146, hors titre 2, sont estimés pour 2012 à 11,6 milliards d’euros pour des ressources envisagées à hauteur de 9,8 milliards, en escomptant la levée des 480 millions d’euros de réserves et en incluant 936 millions de ressources extra-budgétaires issues de la vente de fréquence. Le report de charge s’élèvera donc à la fin de l’année à 1,7 milliard, soit environ deux mois de paiement, en supposant la levée de la réserve réglementaire. Chacun peut donc noter l’aggravation du report de charge de quelque 200 millions d’euros par rapport à la fin de 2011.

Le niveau d’engagement des études amont a été préservé en 2012 à hauteur de 720 millions d’euros, dont 53 millions pour le dispositif RAPID et le soutien aux pôles de compétitivité, en faveur des PME dans le cadre du soutien à l’innovation. Les besoins de paiement pour les études amont sont estimés à 756 millions d’euros, ce qui correspondrait à un solde de gestion de l’ordre de 85 millions d’euros dans l’hypothèse de la levée des 40 millions de réserves.

La situation budgétaire se tend donc un peu plus à la fin de l’année 2012. C’était prévisible.

Grâce à Chorus, qui commence à être performant, les intérêts moratoires s’élèvent à ce jour à seulement 5,6 millions d’euros.

Concernant la maîtrise des coûts et des délais dans la conduite des opérations d’armement, en 2011, la hausse moyenne des devis des opérations d’armement dans les indicateurs transmis à la Commission de la défense de l’Assemblée nationale est restée négative – moins 0,07 %. Quant à la moyenne des délais de réalisation, elle se situe à + 1,7 mois pour un plafond de 2,25 mois fixé dans le projet annuel de performance. Les objectifs ont donc été tenus.

Les effectifs de la DGA s’élèvent à 10 500 ETPE – équivalent temps plein employés. Nous aurons donc réduit en 2012 nos effectifs de 4 % par rapport à 2011, ce qui permettra d’alléger presque d’autant notre masse salariale. Ils seront moins de 10 000 d’ici 2014. Les redéploiements de la DGA seront achevés à la fin de l’année, avec la fermeture administrative du Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques – LRBA – de Vernon, celle de l’Établissement technique – ETAS – d’Angers et celle du Groupe d'études sous-marines de l'Atlantique – GESMA – de Brest. Ces fermetures n’entraînent aucune perte de compétence technique irrémédiable. À la fin de l’année 2013, si nous continuons sur notre lancée, la DGA aura atteint le format fixé par la RGPP. La DGA n’aura plus alors de marge d’optimisation sans abandon de capacité.

Nous nous sommes progressivement délestés de l’intégralité des activités de soutien général administratif et sommes dorénavant entièrement dépendants des organismes de soutien du ministère de la défense.

Au plan industriel en 2012, la seule opération a été la création d’une coentreprise commerciale entre Thales et Safran dans la filière optronique.

En termes de coopération, la relation franco-britannique demeure un pilier fort de notre stratégie de coopération. Nous avons engagé plusieurs programmes dont la lutte contre les mines navales et nous bouclons celui qui nous permettra d’évaluer le drone tactique Watchkeeper en 2013. Cette évaluation s’inscrit dans le cadre de la préparation du remplacement du système Sperwer vers 2017.

Nous entamons également un programme de démonstrations technologiques et opérationnelles de drones de combat qui viendront compléter, après 2030, la flotte d’avions de combat qui fera suite au programme nEUROn. Le nEUROn, premier démonstrateur de drone de combat, a été assemblé à Istres. Il est produit par la société Dassault Aviation en coopération avec des industriels européens.

Nous avons également entrepris des recherches de nouvelles coopérations avec l’Italie et l’Allemagne. Sous l’impulsion de M. le ministre de la défense, des initiatives sont prises dans le cadre du Triangle de Weimar ou de Weimar Plus.

Les perspectives à l’exportation sont maussades. Nous n’atteindrons pas le chiffre de l’an dernier non seulement parce que le marché se rétrécit mais également du fait que les Américains, qui préparent avec beaucoup d’activisme le repli de leur budget de la défense, sont présents sur tous les marchés, notamment en Asie.

Le budget pour 2013 est un budget de transition, qui s’inscrit dans l’attente des orientations du Livre blanc et de la nouvelle LPM. À l’instar de l’ensemble de la mission « Défense », le budget de l’équipement des forces est stabilisé en valeur, grâce à des recettes extrabudgétaires, de l’ordre du milliard, qui proviennent de la vente de fréquences à des opérateurs de télécommunications. Ces recettes seront toutefois épuisées à la fin de 2013 et il n’y a aucune perspective de vente de fréquences supplémentaires. Cette stabilisation marque une inflexion dans la trajectoire budgétaire des opérations d’armement, qui s’écarte désormais nettement de la référence de la précédente LPM. L’absence de recettes extrabudgétaires conjuguée à la montée en puissance de l’agrégat nucléaire, dans la perspective du renouvellement des composantes de la dissuasion à l’horizon 2030, peut conduire à des restrictions dans les programmes dits à effets majeurs, c'est-à-dire les programmes classiques.

Dans l’hypothèse actuelle, le report de charges à la fin de 2013 atteindra 1,9 milliard d’euros. Les besoins d’engagement sont de 12,3 milliards. Les capacités de paiements pour les études amont passeront en 2013, sur décision personnelle du ministre, à 750 millions d’euros, ce qui représente une hausse de 10 % par rapport à 2012.

S’agissant des commandes, nous prévoyons la réalisation du programme d’avion multirôles de ravitaillement en vol et de transport – MRTT –, la commande de 4 400 postes de radio tactiques CONTACT, le premier système de drone MALE intermédiaire et la réalisation du missile moyenne portée – MMP – de combat terrestre, qui succédera au Milan. La rénovation de l’Atlantique 2 est également prévue, ainsi que l’acquisition par un contrat de service de bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers – BSAH – pour la marine, la préparation de l’arrêt technique majeur n° 2 à l’horizon 2015 du porte-avions Charles-De-Gaulle, comprenant le renouvellement du combustible du cœur nucléaire et la refonte du système de combat pour l’adapter aux conditions modernes et, enfin, quelque 220 armements air-sol modulaires (AASM).

Les livraisons se poursuivront sur le même rythme qu’en 2012, avec notamment onze Rafale, quatre Tigre, quatre-vingt-trois VBCI, 4 036 FELIN. L’année 2013 verra également l’arrivée du premier A400M et la livraison de douze NH90 dont 8 à l’armée de terre. Cet hélicoptère est actuellement évalué à la section technique de l’armée de terre à Valence : les opérationnels le jugent remarquable.

Certains des programmes en cours sont très lourds. Ils ont été établis sur une prévision de croissance très forte des ressources attribuées aux programmes classiques, prévision qui ne sera pas tenue. Il faudra donc recadrer les contrats en réajustant les priorités en matière d’équipement des forces.

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur. Quelle est la place des PME dans les commandes de l’État ? J’ai reçu le Comité Richelieu, qui est l'association française des PME innovantes : les entreprises de défense ont l’impression d’être les variables d’ajustement de la politique d’achats coordonnée par la DGA. Elles ont 25 % des parts de marchés pour 50 % des emplois – 100 000 emplois dans les PME et 100 000 dans les grands groupes. Nous dirigeons-nous vers un small business act à la française pour défendre les PME alors que nous ignorons toujours si une telle loi serait compatible avec le droit européen, ce qui est tout de même étonnant ? Inscrire dans la loi que l’administration et les services publics réservent une part de leurs achats aux PME ne me semblerait pas, quant à moi, incompatible avec le droit européen.

Les PME se plaignent également d’être les principales victimes des clauses de transfert de technologie, sans bénéficier en revanche des clauses de compensations.

Par ailleurs, quelles technologies de rupture notre pays doit-il développer ?

Je vous trouve en outre très optimiste sur les drones, qui ont été l’objet d’une politique erratique ces dernières années. Combien le projet Talarion a-t-il coûté avant d’avoir été abandonné ? Qu’en est-il de la coopération avec les Britanniques en la matière ? D’aucuns avancent qu’il faudrait acheter du matériel américain, ce qui ne serait pas sans poser des problèmes de codes sources, que les Américains ne livrent jamais, pas même aux Britanniques.

Je me félicite enfin de l’augmentation des crédits de paiement en matière de recherche – la présidente de la commission y a contribué –, même si je regrette l’abandon de certains programmes. L’augmentation de la partie dissuasion ne risque-t-elle pas de creuser des trous capacitaires dans d’autres secteurs importants de la défense ?

M. Nicolas Dhuicq. Si la nation veut continuer de réaliser un effort de défense crédible et substantiel, elle devra y consacrer beaucoup d’argent. Ne serait-il pas possible de mobiliser des fonds structurels européens à l’horizon de 2020, dans le cadre de project bonds ?

M. Christophe Guilloteau. Qu’en est-il du programme franco-britannique des missiles anti-navire léger (ANL) ?

M. Laurent Collet-Billon. S’agissant du nombre de salariés travaillant pour la défense, les chiffres que vous avez avancés me paraissent au-dessus de la vérité. Le nombre des emplois directs et indirects tourne autour de 165 000, mais les PME sont beaucoup plus nombreuses dans les emplois indirects que dans les emplois directs.

Elles bénéficient par ailleurs directement de 5 % à 8 % des études amont selon les années et pèsent, en contrats directs, 3 % du programme 146.

Les crédits liés à l’innovation augmentent de manière continue via le dispositif RAPID et le soutien aux pôles de compétitivité – 53 millions d’euros à l’heure actuelle. Je souhaite que la tendance se confirme. C’est le meilleur moyen de soutenir les PME. S’agissant de l’exportation, les PME doivent s’organiser pour avoir des représentations pertinentes à l’international sans attendre que les grands groupes les défendent. Elles ne sauraient compter sur la charité des grands intégrateurs. Elles commencent d’ailleurs à s’organiser. Leur présence sur place est nécessaire pour négocier des partenariats et des clauses de compensation avec les industriels locaux et pour toucher des royalties sur les définitions des équipements qui pourraient être réalisés à l’étranger.

Nous travaillons actuellement à un small business act à la française, en proposant de recourir à une instruction ministérielle. Nous finalisons le dispositif qui sera très prochainement proposé au ministre.

Les technologies de rupture à développer sont notamment liées à la robotique. Elles profiteront tout d’abord, dans l’aérien, aux drones de combat : j’ai déjà évoqué dans le cadre d’une coopération entre Dassault et des partenaires européens le démonstrateur nEUROn. Nous lançons également une coopération entre Dassault et BAE. Il ne faut pas omettre non plus des projets très poussés dans le domaine de la robotique terrestre : utilisation de robots pour l’ouverture des itinéraires ou déminage. Les activités de la DARPA – Defense Advanced Research Projects Agency –, l’agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense, portent du reste sur la robotique terrestre, la poursuite de la robotique aérienne et la furtivité.

Il faut également suivre l’évolution des nanotechnologies, qui permettront peut-être de trouver des matériaux de substitution pour la protection du combattant ou des blindés ou le stockage de l’énergie, question de plus en plus aiguë : ainsi le système FELIN, doté de moyens optroniques et de communication individuelle, exige du fantassin qu’il embarque ses propres sources d’énergie. Nous travaillons en partenariat avec le CEA qui intervient massivement sur ces technologies.

S’agissant des drones, le ministre de la défense ne manquera pas de faire connaître ses options en matière de drones MALE. Si nous voulons doter nos forces très rapidement de moyens opérationnels, la seule source, ce sont les États-Unis, avec tous les inconvénients que vous avez mentionnés en matière de maîtrise des logiciels et de certains capteurs. C’est pourquoi nous travaillons sur la possibilité de distinguer la chaîne de pilotage de la chaîne de mission, de manière à doter ces drones de capteurs ou d’armements européens. Nous avons entamé à cette fin des discussions informelles avec l’industriel américain General Atomics, qui ne produit ni les capteurs ni les armements. Toutefois, la période électorale aux États-Unis ne favorise pas un aboutissement immédiat de cette démarche. Le Royaume-Uni et l’Italie possèdent déjà des drones de General Atomics. L’Allemagne a déposé en janvier 2012 une demande de FMS – Foreign Military Sale – pour l’acquisition de Predator. L’Allemagne et la France ont du reste engagé une réflexion, en cohérence avec nos travaux avec le Royaume-Uni, sur la possibilité d’entreprendre en commun une démarche d’européanisation des équipements et, progressivement, du drone. À plus long terme, c'est-à-dire au-delà de 2020, le calendrier dépendra de nos capacités budgétaires et des priorités que nous aurons définies.

Les crédits dépensés dans le cadre du programme Talarion se sont élevés à quelque 30 millions d’euros. L’opération a été arrêtée parce qu’elle conduisait à un objet trop volumineux qui ne correspondait pas aux besoins de l’armée française. La première partie du travail sur Talarion portait sur la création d’un porteur. Or cette opération, qui aurait été intégralement réalisée en Allemagne, nous aurait conduits jusqu’en 2017. Se posait aussi la question de la participation de notre industrie à la réalisation des capteurs. Nous n’avons donc pas poursuivi cette opération. Cela n’a d’ailleurs laissé aucune séquelle dans les relations entre l’Allemagne et la France.

S’agissant des 750 millions d’euros consacrés annuellement à la recherche, s’il convient d’en retrancher 50 millions qui sont consacrés au dispositif RAPID et au soutien aux pôles de compétitivité, il faut en revanche y adjoindre les subventions à l’ONERA, le centre français de recherche aérospatiale, et les crédits du programme 191 de recherche duale de la mission « Recherche », dont une partie – quelque 30 millions d’euros – va au CEA et le reste – 160 millions – au CNES. Vers 2015, une partie importante sera consacrée aux études amont liées à la dissuasion, ce qui aura un effet d’éviction sur le reste. D’autres actions de soutien, notamment à des bureaux d’études de Thales, dans le domaine de la détection aéroportée et de la guerre électronique aéroportée, seront également très significatives, dans la mesure où contrairement à nos attentes il n’y a que peu de perspectives de développement associé à l’exportation du Rafale et ce soutien des bureaux d’études est fondamental pour l’évolution du Rafale pour nos besoins. Nous avons il y a peu testé la qualité du premier avion doté d’une antenne active : c’est une modernisation très importante du système d’arme du Rafale. Nous ne devons pas non plus omettre les recherches sur les missiles. Enfin, l’achèvement de la phase 1 de nEUROn permettra d’effectuer un vol d’ici à la fin de 2012. Ces opérations sont, je le répète, très lourdes et donc couteuses.

En termes de maturité technologique, 15 % des études amont correspondent au plus bas niveau – c’est peu –, environ 50 % à l’adaptation des technologies aux besoins militaires et le reste aux démonstrateurs.

Toutefois, les crédits consacrés aux études amont sont très inférieurs au montant qui y est consacré outre-atlantique. Avec la France et le Royaume-Uni, qui y consacrent en les budgets les plus importants, la recherche de défense en Europe reste néanmoins très loin derrière les Etats-Unis. Il faut savoir en outre que, si le budget des États-Unis baisse sur les dix années à venir, le montant consacré à la R & D, en revanche, ne baisse pas. En particulier les budgets alloués à la Defense advanced research project agency (DARPA), qui s’occupe des technologies de très bas niveau de maturité. Or ses orientations sont très claires : la furtivité, la robotique et les missiles hypersoniques. Si nous voulons rester un acteur important de la défense, nous devrons nous interroger, aux plans français et européen, sur nos orientations en la matière. Cette interrogation peut évidemment inclure l’utilisation éventuelle de fonds structurels européens à des fins de défense : cela impliquerait d’élargir à la défense le spectre d’utilisation de fonds aujourd'hui essentiellement dédiés à la sécurité. Ce serait une évolution majeure.

Enfin, s’agissant du programme ANL, nous attendons que le ministre indique de manière officielle sa position.

M. Alain Chrétien. Pouvez-vous nous présenter un rapide bilan du programme Caesar – camion équipé d’un système d’artillerie –, dont la livraison s’est étalée jusqu’en 2011 ? Qu’en est-il par ailleurs du programme Scorpion ? Les échéances seront-elles respectées et les contrats à venir honorés ?

M. Jean-Michel Villaumé. Pouvez-vous dresser un premier bilan de l’accord franco-britannique de Lancaster House signé en 2010 ?

M. Philippe Nauche. Combien Chorus a-t-il coûté à la DGA en intérêts moratoires ?

Par ailleurs, s’agissant du rapprochement raté entre Thales et Safran, ne conviendrait-il pas d’invoquer également des problèmes de dimension ? Ce rapprochement ne risquait-il pas de faire passer ces deux entreprises d’une logique industrielle à une logique financière ?

Enfin, comment la DGA perçoit-elle l’intervention de l’État actionnaire dans l’industrie de défense, notamment en vue d’éviter la concurrence à l’exportation entre des entreprises où l’État est acteur ou des délocalisations qui ne seraient pas justifiées par des contrats de vente ? L’État actionnaire doit-il se comporter comme un actionnaire ordinaire ?

M. Laurent Collet-Billon. Le canon automoteur Caesar est développé par Nexter Systems. Le programme, ouvert en 2004, s’est achevé en 2011 avec la livraison complète des soixante-dix-sept canons commandés par l’armée de terre. Huit d’entre eux ont été déployés en Afghanistan et d’autres au Liban. Le retour opérationnel est excellent. Ce canon a connu un succès certain à l’exportation. D’autres prospects sont envisagés pour des quantités importantes. Nous invitons Nexter Systems à déployer tous ses efforts en cette direction.

L’accord franco-britannique de Lancaster House a permis de lancer différents programmes : systèmes antimines, évaluation du Watchkeeper, première phase des études relatives aux drones de combat, réflexion sur la création potentielle de centres de compétences uniques pour la société MBDA, études amont communes pour plus de 50 millions d’euros par an par pays –, défrichement de nouveaux champs éventuels de coopération,…. Nous avons également passé en revue tous les programmes de missiles futurs, dont l’ANL ou des missiles air-sol en vue de remplacer par un missile entièrement européen les Hellfire, dont sont actuellement dotés nos hélicoptères Tigre et qui pourraient également doter nos futurs drones.

L’évolution des rapports franco-britanniques est réaliste et pragmatique. On ne sent aucun coup de froid. Les Britanniques sont dans une phase attentiste au regard de nos choix budgétaires.

Le programme Scorpion, qui a été reporté à 2014, comprend différentes facettes, dont la numérisation du champ de bataille, indispensable à la structuration de l’armée de terre, qui suppose le développement autour du poste de radio CONTACT de systèmes d’information communs à l’ensemble des armes de l’armée de terre en vue de communiquer aisément avec les sites de l’état-major des armées. Ce programme comporte également un volet véhicules, avec au premier chef la création d’une vétronique et d’un ensemble d’organes mécaniques communs pour les véhicules : le véhicule blindé multi-rôles (VBMR), qui doit rapidement remplacer le véhicule de l’avant blindé (VAB), à bout de souffle – le VBMR offre de plus l’avantage de présenter une protection balistique supérieure à celle du VAB –, et l’engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC), qui sera réalisé sur une base commune avec le VBMR – il sera le principal engin de combat aux alentours de 2020. Le programme Scorpion est donc structurant pour l’armée de terre, en termes d’organisation des forces déployées et de logistique. Le programme Scorpion est nécessaire au passage de l’armée de terre à l’ère moderne, lui permettant de rester une armée de premier plan s’imposant comme leader auprès de ses alliés.

Le rapprochement entre Safran et Thales reposait sur la volonté de ne financer qu’une seule source de technologie en matière d’optronique, les deux sociétés présentant des gammes complémentaires tout en étant parfois en concurrence frontale. La situation s’est crispée autour des savoir-faire de certains établissements des deux sociétés.

Je ne crois pas que ce rapprochement aurait livré la direction du nouveau groupe à des financiers, compte tenu de la persistance d’une très forte mentalité « ingénieur » dans les deux sociétés : les ingénieurs continuent d’avoir la primauté à Safran comme à Thales.

De plus, en cas de rapprochement entre EADS et BAE, il conviendrait également de s’interroger sur l’avenir des différents champions de notre industrie de défense : Thales, Nexter, DCNS, Safran. Les partenariats possibles en Europe sont peu nombreux.

DCNS est le seul fabricant de navires de combat européen qui produise l’intégralité des gammes, navires de surface et sous-marins. La construction des sous-marins nucléaires à Cherbourg a permis de développer une gamme export qui se porte relativement bien. Quant aux FREMM, qui sont d’excellentes frégates, elles ne présentent, à l’exportation, qu’un seul inconvénient, que nous n’avions pas anticipé : c’est leur technicité, qui nécessite des équipages de très haut niveau, qui ne sont pas d’emblée accessibles à toutes les marines du monde. Nous avons volontairement réduit le nombre de membres d’équipage à quatre-vingt-dix.

À mes yeux, l’État, actionnaire ou non, doit avoir la capacité d’intervenir au sein des sociétés de défense sur les orientations et les ventes d’avoirs stratégiques. Cette capacité entre dans le cadre des actions spécifiques, dont certaines ont été mises en place lors des privatisations de sociétés de défense – c’est le cas de Thales. La France possède également une action spécifique au sein d’EADS. C’est l’outil absolu, alors que l’État actionnaire est trop souvent un État qui met trop de temps à prendre ses décisions.

Malheureusement, la France ne possède pas de dispositif législatif ou réglementaire d’intervention aussi efficace que les États-Unis. Si l’État peut interdire la vente de sociétés à des investissements étrangers, le dispositif est insuffisant du fait que l’alerte n’est pas toujours donnée à temps, ce qui amoindrit notre capacité de réaction. Les Américains, eux, ont mis en place un comité, le CFIUS – Committee on Foreign Investment in the US –, qui examine tous les investissements étrangers sur les sociétés américaines. En fonction des secteurs jugés stratégiques, il existe plusieurs régimes de protection : le proxy agreement ne permet à l’investisseur que d’être associé à la rentabilité financière, sans avoir aucune part au développement technique ou technologique de la société ; le special security agreement autorise l’investisseur étranger à avoir des administrateurs dans la société sans leur permettre de rapatrier les techniques développées. Il nous faudrait débattre à l’échelon européen de l’introduction d’un tel dispositif, qui nous fait défaut, l’Europe étant aujourd'hui sous le régime de la porte ouverte. Il faut savoir que les conditions posées par le CFIUS sont sans appel.

La dégradation constatée des intérêts moratoires imputables à Chorus l’année de la mise en place du logiciel peut être évaluée à quelque 15 millions d’euros sur les 24 millions versés. L’outil présente des qualités certaines, mais il est loin d’être universel. Ses flexibilités de gestion nous ont permis d’afficher à la fin de l’année 2011 un non-emploi des crédits de paiement de seulement quelques euros, ce qui n’est rien au regard des milliards dépensés. Il nous permet également de reprendre la gestion aux premiers jours de janvier alors qu’il fallait attendre auparavant la fin du mois d’avril. Nous pouvons donc rattraper des retards de paiement à des PME dès le début de l’année.

M. Damien Meslot. Le 1er régiment d’artillerie attend la livraison de treize lance-roquettes unitaires – LRU – en 2013 et de treize autres un peu plus tard. Pouvez-vous nous le confirmer ?

M. Yves Fromion. Vous avez évoqué l’incertitude sur le programme ANL, ce qui ne sera pas sans conséquences pour MBDA et, plus généralement, pour le traité franco-britannique. De plus, la rénovation à mi-vie du scalp E/G Storm Sahdow était liée à cette opération et c’est Sagem qui avait été choisi pour l’autodirecteur infrarouge : la décision ne sera donc pas sans incidence sur l’optronique. A-t-elle été suffisamment mûrie ?

Pouvez-vous, par ailleurs, sur le plan militaire, nous donner votre sentiment sur le rapprochement entre BAE et EADS ?

M. Daniel Boisserie. Des inspecteurs généraux élaborent, au sein de la DGA, des rapports : sont-ils confidentiels ou la représentation nationale peut-elle y avoir accès ?

M. Laurent Collet-Billon. Monsieur Meslot, nous avons commandé en septembre 2011 treize lanceurs et 516 roquettes par l’intermédiaire du Bundesamt für Wehrtechnik und Beschaffung. Le premier lanceur sera livré au début de l’année 2014. Une série de treize autres est prévue : la décision de confirmer leur livraison appartient au ministre. Aujourd'hui, 55 % des engagements sont effectués et 25 % des crédits de paiement ont été dépensés. Le programme se déroule donc de la manière prévue.

Il est vrai que le programme ANL est important dans le cadre de la relation franco-britannique. Ainsi que l’est également la rénovation à mi-vie du scalp E/G Storm Shadow. Nos amis britanniques comprennent que nous prenions le temps de la réflexion. Ils ont également leurs propres contraintes. Français et Britanniques souhaitent rester arrimés les uns aux autres.

M. Yves Fromion. Il ne s’agirait donc pas d’un report sine die mais d’une reconfiguration de l’accord…

M. Laurent Collet-Billon. La décision appartient au ministre français de la défense. Il est important à nos yeux de disposer le plus rapidement possible d’une famille de missiles franco-britanniques.

Nos intérêts de défense au sein d’EADS, dans le cas d’un rapprochement avec BAE, ont été intégralement pris en compte par la direction du groupe, avec laquelle les discussions ont été positives. Nous pouvons regarder d’un œil serein l’évolution de la société en matière de préservation de nos avoirs stratégiques, au premier rang desquels se trouvent les missiles balistiques.

Il existe plusieurs types d’inspecteurs généraux. Les inspecteurs généraux des armées, au nombre de six – terre, air, mer, gendarmerie, armement et service de santé des armées –, sont directement rattachés au ministre, qui ne nous diffuse leurs rapports que s’il le juge nécessaire. Il existe par ailleurs au sein de la DGA une inspection de l’armement, composée de cinq inspecteurs, qui couvre des secteurs techniques – terre, naval, aéronautique, poudre et explosifs – et surveillent la sûreté nucléaire. Il faut savoir que, dans leur phase de construction, la DGA est l’exploitant des sous-marins nucléaires qui ne sont pas encore livrés à la marine nationale. À côté des inspections à caractère technique ou des audits organisationnels, existent des missions d’audit de régularité. Autant les rapports d’inspections techniques et des audits organisationnels peuvent être communiqués à la représentation nationale, autant les audits de régularité relèvent avant tout du commandement et donc de mesures internes à la DGA.

M. Jean-Jacques Candelier. Onze Rafale seront livrés en 2013. Leur exportation étant au ralenti, le pays est-il contraint vis-à-vis de Dassault de respecter un quota annuel ?

Le projet de loi de finances permettra-t-il de couvrir nos besoins en matière de munitions. Serons-nous obligés d’en commander à l’étranger, alors que des emplois sont en jeu ?

M. Gilbert Le Bris. Les programmes mort-nés coûtent très cher, surtout dans une période budgétaire contrainte : le programme deuxième porte-avion (PA2) a coûté entre 200 et 250 millions d’euros, Talarion 30 millions, l’ANL 40 millions.

La masse salariale de la DGA a diminué en 2012 de 4 %. La direction « stratégie » et la direction « développement international » fonctionnent-elles de manière satisfaisante ?

M. Philippe Folliot. Nos forces ont aujourd'hui à faire face à des problèmes d’aéromobilité. Où en est l’A400M ? Sa livraison pourra-t-elle être accélérée, ne serait-ce que pour éviter de devoir prolonger la vie de nos vieux Transall ?

M. Laurent Collet-Billon. Le contrat stipule la livraison annuelle de onze Rafale. C’est la cadence minimale fixée au regard de la continuité industrielle et de la capacité des fournisseurs de Dassault à produire les équipements nécessaires. Si elle se produit, l’exportation du Rafale permettra d’alléger la charge à partir de 2017.

Les munitions sont correctement dotées. Nous continuerons d’acheter des munitions de 5,56 à l’étranger, comme nous l’avons fait aux États-Unis – plus de 100 millions à la société ATK via une procédure FMS.

Monsieur Le Bris, je vous répondrai par écrit sur le fonctionnement des directions « stratégie » et « développement international » de la DGA.

Monsieur Folliot, je suis partisan d’augmenter la série d’A400M si on m’en donne les moyens budgétaires, ce qui n’est pas le cas. Il conviendra de faire un arbitrage entre les capacités de transport logistique et d’intervention sur le terrain. Il est important de livrer le premier appareil en 2013 à l’armée de l’air française pour qu’elle puisse commencer à former des équipages et à planifier des pré-capacités opérationnelles. Le premier A400M devrait être opérationnel en juin 2013.

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie, monsieur le délégué général.

La séance est levée à 11 heures 5.

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Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, M. François André, M. Olivier Audibert Troin, M. Jean-Pierre Barbier, M. Nicolas Bays, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Laurent Cathala, M. Nathalie Chabanne, M. Guy Chambefort, M. Alain Chrétien, M. Catherine Coutelle, M. Nicolas Dhuicq, M. Marianne Dubois, M. Richard Ferrand, M. Philippe Folliot, M. Yves Fromion, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Geneviève Gosselin, M. Jean-Claude Gouget, M. Serge Grouard, M. Edith Gueugneau, M. Christophe Guilloteau, M. Danièle Hoffman-Rispal, M. Patrick Labaune, M. Jacques Lamblin, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Christophe Léonard, M.  Maurice Leroy, M. Jean-Pierre Maggi, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, M. Philippe Nauche, M. Sylvie Pichot, M. Émilienne Poumirol, M.  Daphna Poznanski-Benhamou, M. Joaquim Pueyo, M. Marie Récalde, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Jean-Michel Villaumé, M. Michel Voisin, M. Paola Zanetti

Excusés. – M. Ibrahim Aboubacar, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-David Ciot, M. Lucien Degauchy, M. Yves Foulon, M. Francis Hillmeyer, M. Éric Jalton, M. Bruno Le Roux, M. François de Rugy