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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 16 octobre 2012

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 10

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition du général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de finances pour 2013.

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

Mme Patricia Adam, Présidente. Je remercie le Général Mercier, nouveau chef d’état-major de l’armée de l’air, de bien vouloir venir devant notre commission s’exprimer à l’occasion du projet de loi de finances pour 2013, en attente des grandes décisions qui découleront du Livre blanc et de la loi de programmation militaire (LPM). À titre d’introduction, je voudrais vous demander de réagir au dernier rapport thématique de la Cour des comptes de juillet 2012, consacré au bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire, qui formulait un certain nombre d’observations sur cette dernière, en particulier sur les contrats opérationnels conventionnels, dont certain objectifs lui semblaient hors d’atteinte pour l’armée de l’air. J’appelle par ailleurs l’attention de mes collègues sur votre proposition de suivre, la semaine prochaine, une belle démonstration d’un exercice aérien européen.

M. le général Denis Mercier. Je vous propose en effet de venir visiter, le 23 octobre prochain, une base aérienne de théatre. Du 15 au 25 octobre 2012, trois exercices majeurs, organisés par le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), vont avoir lieu simultanément à Vouziers, dans les Ardennes. Le scénario va entraîner les forces au commandement et à la conduite des opérations aériennes (AIREX), à partir d’une base aérienne projetable (BAPEX), lors d’une simulation de crise internationale menant à des opérations d’évacuation de ressortissants (VOLCANEX). Nous pourrions accueillir à cette occasion les membres de la commission de la défense qui le souhaiteraient lors d’une journée de démonstration sur le site de cet exercice européen majeur qui illustre bien une des épines dorsales de notre capacité aérienne : le commandement et le contrôle.

C’est avec fierté et plaisir que je m’exprime devant vous pour la première fois en tant que chef d’état-major de l’armée de l’air.

Alors que je viens de prendre mes fonctions depuis un mois, les aviateurs sont au centre de mes préoccupations. Ils mènent les opérations dans lesquelles l’armée de l’air est engagée, sur le territoire national et sur les théâtres extérieurs, tandis qu’ils mettent en œuvre une des réformes les plus importantes que nous ayons jamais conduite. Leurs attentes sont fortes et légitimes. En tant que chef d’état-major de l’armée de l’air, mon objectif principal consiste à les accompagner dans l’aboutissement de la transformation engagée, en leur donnant une direction pour l’avenir, un projet cohérent de la politique qui sera déterminée par le Livre blanc. Un projet qui permette de maintenir le niveau opérationnel pour faire face aux nombreux engagements qui nous attendent et donner un sens aux efforts consentis par ces hommes et ces femmes qui continuent de démontrer au quotidien une motivation profonde pour servir notre défense, notre Nation et ses valeurs.

Je suis convaincu que malgré la conjoncture actuelle, aussi difficile soit-elle du point de vue économique, nous pouvons aller de l’avant et construire une armée de l’air fière de son passé et de son histoire, capable de regarder l’avenir avec confiance.

Je suis conscient qu’au delà d’une vision à moyen terme, il nous faut prendre en compte la situation actuelle et le défi budgétaire que notre pays doit relever. La difficulté de l’exercice réside dans cette adéquation entre préparer le futur et gérer le présent. Nous devons veiller à ne pas occulter l’avenir au seul regard du court terme. Toute rupture irréversible aurait des conséquences à moyen et long terme qui pourraient obérer durablement notre capacité à nous rénover.

Au service de la Nation et de la volonté politique de nos dirigeants, l’armée de l’air possède une expertise unique. Elle est capable d’intervenir à plusieurs milliers de kilomètres sur une zone de crise, par la voie des airs, immédiatement et en toute autonomie à partir de notre territoire national. L’opération Harmattan, l’année dernière, a fait la démonstration de quatre capacités clés dont je considère qu’elles forment le socle de ce domaine d’excellence.

Première d’entre elles, la capacité permanente, armée sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre à assurer la planification, le commandement et le contrôle des opérations aériennes.

Alimentée par le renseignement, cette capacité représente le véritable « cerveau » qui coordonne et conduit nos opérations aériennes. En Libye, les évacuations de ressortissants menées dès le 22 février, les missions de reconnaissance pré-crise, ou les frappes des premiers jours, ont été dirigées à partir du centre national des opérations aériennes (CNOA) de Lyon Mont Verdun. Maintenu en alerte par une activité quotidienne, due notamment à la surveillance des espaces aériens nationaux, ce centre présente des aptitudes de permanence, d’anticipation, de déclenchement d’alerte, de conduite d’intervention et de gestion de crise ouvertes à l’interarmées, l’international et l’interministériel.

Reliées en permanence à ce centre, nos bases aériennes forment la « colonne vertébrale » de l’armée de l’air. Nos avions de chasse ont frappé à Benghazi en décollant de Nancy, Dijon ou Saint Dizier. L’opération Harmattan a prouvé qu’elles étaient un véritable outil de combat, apte à basculer instantanément du temps de paix au temps de crise. Organisées en pôles de compétences, pouvant accueillir des organismes interarmées ou interministériels, elles sont disponibles en permanence au service des autorités étatiques pour tout cas de crise. Prépositionnées loin du territoire métropolitain, comme à Al Dhafra à Djibouti ou à Cayenne, elles offrent également des possibilités uniques pour déployer des dispositifs importants.

Deuxième capacité clef liée à la première: l’aptitude à recueillir du renseignement avant et pendant une opération.

Notre pays a pu intervenir en premier le 19 mars 2011, de façon autonome, parce qu’une importante campagne de surveillance, de recueil et d’exploitation de l’information avait été menée auparavant. « Yeux et oreilles » de notre dispositif, les satellites, AWACS, Transall Gabriel et avions de chasse ont offert une complémentarité de moyens permettant de reconstituer une grande partie de l’ordre de bataille ennemi. Si on ne voit pas, on ne sait pas, on n’agit pas.

Ce flux d’informations, pouvant être recueilli en temps réel, est le véritable nerf de nos engagements sur le territoire national ou sur les théâtres extérieurs. Cette capacité, cœur de la fonction connaissance-anticipation, se fonde sur des moyens pouvant être utilisés discrètement, la plupart du temps dans les espaces internationaux.

Elle se complète par l’aptitude à recueillir sur un théâtre d’opérations, une fois acquise la maîtrise des espaces aériens, un renseignement continu par une présence permanente que seuls les drones peuvent nous offrir.

Troisième capacité clé : la projection stratégique, nos « jambes ».

C’est elle qui nous donne l’élongation pour agir vite et loin. Nos avions de transport, de ravitaillement, sont la clé de voûte de cette projection. Ils peuvent agir dans tout le spectre des opérations : de l’évacuation de ressortissants au déploiement de moyens de combat en passant par l’assistance à des populations sinistrées. Ce sont eux qui sont allés chercher nos ressortissants au Japon après l’accident de Fukushima, alors que les compagnies civiles avaient suspendu leur desserte.

La réussite des opérations libyennes a reposé sur un effort logistique sans précédent permettant d’acheminer les munitions, les hommes et les matériels vers les bases d’où s’élançaient nos avions de combat. Preuve s’il le fallait que le soutien, à tous les niveaux, est une mission opérationnelle, notre infrastructure, nos systèmes d’information et de communication (SIC), notre soutien vie, ont permis le déploiement des avions de combat sur des bases aériennes où l’empreinte humaine était minimisée. A Souda, en Grèce, le ratio était de 20 aviateurs pour un avion. Cette capacité de projection sous faible préavis offre en plus une réversibilité de l’action toute aussi rapide. Le retour d’Afghanistan de nos drones, en mars dernier, et de nos Mirage 2000D, en juillet, en témoigne.

Sur ce dernier théâtre, nous avons la responsabilité, depuis le 1er octobre, de commander l’aéroport international de Kaboul. C’est une vraie mission centrée sur la gestion des flux de matériels entrant et sortant et qui met en œuvre toutes les capacités d’une base aérienne. Une mission lointaine, opérationnelle, complexe mais stimulante. Elle illustre notre capacité à gérer, dans n’importe quelles circonstances, des plates-formes aéroportuaires, le cœur de notre métier.

Enfin quatrième capacité clef : la formation.

Véritable « sang » qui irrigue l’ensemble de nos composantes et nos spécialités, indispensable pour l’acquisition des compétences des aviateurs, elle agit à tous les niveaux. Pour s’imprégner de nos valeurs, pour maîtriser les équipements les plus avancés qui nous sont confiés. Elle s’exprime au quotidien, sur notre territoire ou à l’étranger, lorsque nos hommes et nos femmes s’entraînent et participent à des exercices. Cet ensemble a garanti le succès de nos équipages lors de la mission du 19 mars 2011. Ils ont concrétisé ce jour là des années de préparation opérationnelle.

La formation repose sur nos centres, à l’excellence reconnue, tournés vers l’interarmées, l’interministériel et l’international. Ouverts vers la jeunesse de notre pays, ils peuvent être le creuset d’échanges bénéfiques et offrent des perspectives de coopération européennes étendues.

Ces quatre capacités nous permettent d’agir loin mais aussi de coopérer avec d’autres partenaires : pays amis, industriels ou autres ministères. Elles sont aussi au cœur des missions régaliennes de protection dont l’armée de l’air a la charge.

De protection de nos intérêts vitaux d’abord, avec la mise en œuvre de la composante aéroportée de la dissuasion. Ininterrompue depuis 1964, elle repose aujourd’hui sur la triade, pour partie modernisée et adaptée à la stricte suffisance, Rafale, Boeing C135, ASMP-A.

De protection de notre espace aérien ensuite, avec la posture de sureté aérienne conduite par le Centre national des opérations aériennes (CNOA), permanente, en liaison directe avec le premier ministre.

De protection de nos concitoyens enfin, avec les missions de sauvegarde et d’assistance, missions interministérielles assurées en métropole et dans les DOM-COM. Depuis le début de l’année, 27 opérations de recherche et sauvetage réalisées, 31 personnes sauvées. En engageant régulièrement des moyens, comme l’AWACS E3F, dans la lutte contre les trafics (pirates ou narcotrafiquants), l’armée de l’air contribue activement à tous les types d’engagement.

Vous le constatez : l’armée de l’air est aujourd’hui un outil crédible au service de notre pays, reconnu au niveau international. Le projet de loi de finances 2013 prévoit la livraison et la commande de nouveaux matériels qui s’inscrivent dans ces capacités socles et peuvent apporter une véritable rupture en offrant des possibilités opérationnelles nouvelles et des perspectives d’utilisation génératrices de gains de fonctionnement importants. J’insiste sur ce point qui doit à mes yeux être pris en compte dans le Livre blanc et la future loi de programmation militaire : comment les capacités nouvelles peuvent augmenter nos aptitudes opérationnelles en diminuant les coûts de fonctionnement. Ce que je pourrais résumer de la façon suivante: comment investir pour gagner de l’argent !

Concernant le commandement et le contrôle, le projet de loi de finances 2013 prévoit la livraison aux normes OTAN du centre de commandement, de détection et de contrôle des opérations aériennes. Cette évolution du CNOA permettra de diriger, depuis Lyon, toutes les opérations aériennes menées sur le territoire et à l’extérieur du territoire national. Nous maintiendrons une composante déployable, mais minimum, le but recherché étant d’opérer chaque fois que possible depuis le territoire national. Au standard OTAN, le personnel qui y sera affecté n’aura pas besoin de formation spécifique additionnelle pour être engagé dans une opération de l’Alliance. Le CNOA est déjà une structure ouverte qui offre la possibilité de planifier et conduire des opérations aériennes avec des partenaires européens. Cette évolution permettra de diminuer le nombre de centres de contrôle en France par une automatisation accrue des moyens. Il pourrait enfin servir d’épine dorsale à un dispositif plus large de gestion de crise, en agrégeant des cellules interministérielles, évolution que j’appelle de mes vœux et qui est source de réelles synergies entre défense et sécurité.

Dans le domaine du renseignement, la commande d’un premier système de drone intermédiaire MALE et la livraison d’un Transall C160 Gabriel rénové constituent des avancées significatives. Nous avons acquis de véritables compétences opérationnelles avec le Harfang mais son cœur informatique date du début des années 90. Tous nos principaux alliés européens sont résolument engagés dans l’acquisition de systèmes modernes. Il y a de véritables gisements de coopérations à exploiter avec eux dans des domaines aussi variés que la formation, le soutien, les normes ou même l’emploi.

Nous devons aussi réfléchir à de nouvelles voies dans l’utilisation de ces drones. Conçus pour surveiller de larges zones sur de longues périodes, ils peuvent apporter une aide précieuse à des autorités civiles pour l’évaluation permanente de la situation et la coordination des moyens. A titre d’exemple, l’administration américaine des douanes et des frontières dispose de sept drones MALE. La surveillance des espaces, qu’ils soient aériens, maritimes ou terrestres, sera de plus en plus assurée par des drones qui pourront être opérés à partir d’un centre unique, même s’ils sont engagés hors de nos frontières.

S’agissant de la projection stratégique, nous allons entrer dans une nouvelle ère. Une ère où la rapidité et la capacité de transport des nouveaux vecteurs nous imposent d’imaginer de nouveaux concepts d’emploi plus dynamiques.

L’arrivée des premiers A400M est inscrite dans le projet de loi de finances 2013, marquant une étape importante. Le déficit de notre capacité de transport est critique : le maintien des compétences de nos équipages est de plus en plus difficile et nos capacités sont fragilisées. Si l’A400M devait encore avoir du retard, notre capacité à assurer l’évacuation de nos ressortissants en cas de crise serait remise en cause. L’A400M va démultiplier nos possibilités : il permettra, par exemple, de transporter quatre fois plus de charges qu’un Transall vers Dakar ou N’Djamena en deux fois moins de temps.

La commande des premiers avions ravitailleurs Multi role transporter (MRTT), inscrite dans le projet de loi de finances 2013, ouvre aussi un nouvel horizon à notre capacité de transport stratégique. Les MRTT remplaceront, à l’horizon 2017, nos Boeing C135 dont l’âge avancé fait peser un risque permanent de rupture capacitaire et nous contraint beaucoup en termes de maintenance. Mais ils remplaceront aussi les trois Airbus A310 et les 2 A340 dont ils reprendront la totalité des missions de transport de personnel et d’équipements ; 14 appareils en remplaceront 19. Pilier de notre projection de forces et de puissance, un MRTT sera capable d’amener 4 Rafale et 20 tonnes à 5 000 km, là où un C135 n’amène que 2 avions et 7 tonnes. Vecteur polyvalent, il pourra transporter près de 300 passagers à 5 000 km, là où un C135 n’en transporte que 55.

À partir du territoire national, s’appuyant sur des pôles « (hub) » judicieusement positionnés, A400M et MRTT, parfaitement complémentaires, offriront une capacité d’intervention immédiate et inégalée vers n’importe quel point du globe. Ils pourront servir à d’autres coopérations dans des zones d’intérêt et leur long rayon d’action laisse imaginer l’emport de moyens de reconnaissance banalisés dans l’avenir. Utilisable dans une vaste panoplie de missions, le MRTT pourra par exemple atteindre l’Asie, à coût réduit car c’est un appareil qui est opéré aujourd’hui par la grande majorité des compagnies aériennes.

A400M et MRTT permettront d’assurer des lignes régulières vers les DOM-COM et de mutualiser des capacités de transport avec d’autres ministères qui se tournent aujourd’hui vers des affrètements coûteux et de mieux réagir aux surprises stratégiques. Ils permettront donc de revoir nos principes de prépositionnement de forces et ou d’équipements.

Tous deux offriront des perspectives de coopérations européennes très fortes. En nous adossant au commandement européen du transport aérien, l’EATC, qui a montré sa pertinence lors d’Harmattan, nous pouvons envisager de créer une véritable escadre européenne dont l’A400M sera le fer de lance.

Le projet de loi de finances 2013 confirme la livraison de neuf nouveaux Rafale polyvalents. Je me réjouis de la livraison de ces appareils. Cependant, il m’appartient de m’assurer que nos équipages disposent de suffisamment d’heures de vol pour maintenir leur niveau de qualification et de garantir la formation des plus jeunes. Une capacité de combat bien entraînée et crédible est essentielle au début de chaque opération car elle conditionne la maîtrise des espaces aériens, condition nécessaire pour assurer une liberté de mouvement dans les espaces terrestres et maritimes. Cette capacité d’entrée en premier doit être crédible car il n’y a pas de combat asymétrique dans les espaces aériens où c’est le plus fort qui impose sa loi. Cependant, contrairement à ce que nous avons pratiqué jusqu’ici, il nous faut dimensionner cette capacité initiale et réfléchir à d’autres voies pour l’entraînement et l’équipement du reste de la flotte de combat destiné à assurer, dans une deuxième phase des opérations, l’aptitude à durer et à régénérer le potentiel. Différents niveaux d’entraînements, accroissement de la simulation, utilisation de flottes de complément, ou de flottes à la polyvalence plus limitée, capacité à remonter en puissance sont parmi les pistes que nous explorons dans un souci de maintien de nos aptitudes opérationnelles à coût maîtrisé.

Cependant, la vision à moyen et long terme ne doit pas occulter la gestion du présent. Les efforts budgétaires du court terme pourraient nous imposer des choix aux conséquences irréversibles pour l’avenir. C’est pourquoi j’exprime trois inquiétudes principales.

La première concerne le maintien de l’activité aérienne pour nos équipages. Elle est essentielle pour garder des compétences, préserver un niveau suffisant de sécurité aérienne et garantir le moral de nos aviateurs. Nous sommes confrontés à la difficulté de contenir les coûts de maintien en condition opérationnelle (MCO). En 2012, l’écart entre les ressources disponibles et les besoins d’entretien programmé des matériels aéronautiques de l’armée de l’air a atteint 300 millions d’euros.

Cela se traduit par une pression de plus en plus forte sur la formation et l’entraînement des forces et en conséquence une érosion du capital des savoir faire opérationnels. Malgré les efforts que je salue du ministère sur le domaine, en 2013, le déficit d’activité sera d’environ 20 % par rapport au besoin nominal d’entraînement des équipages. C’est acceptable dans un budget d’attente, mais nous approchons d’un seuil qui pourrait devenir critique. Notre cohérence repose sur notre capacité à trouver le bon équilibre entre notre format et les ressources dédiés à l’entretien programmé de nos matériels.

Ma deuxième préoccupation concerne les hommes et les femmes de l’armée de l’air. Ils consentent depuis de nombreuses années de lourds efforts à des réformes exigeantes. Nous avons fermé douze de nos bases aériennes en quatre ans. À raison de 4 000 départs pour environ 2 000 recrutements annuels, nous conduisons une réduction de format de 25 %, sur le principe du « non remplacement d’un départ sur deux ». Cette politique s’est accompagnée d’une maîtrise de notre masse salariale pour laquelle nous avons conduit une politique rigoureuse en matière d’avancement et d’attribution de primes. Nous avons encore des défis à relever pour mener cette réforme à son terme.

Nous devons anticiper la remontée du recrutement. Nous devrons trouver la bonne formule pour permettre une remontée progressive et réaliste du recrutement tout en amenant à son terme la déflation prévue des effectifs. Car nous avons toujours un besoin essentiel de recruter dans les bonnes compétences.

Je suis également attentif à la perspective, en 2013, d’une réduction significative des tableaux d’avancement qui risque de fragiliser le moral des aviateurs, notamment dans les catégories de personnel qui portent la réforme. Au lieu d’un effort ponctuel peu bénéfique, il me semble nécessaire d’inscrire notre action dans une logique globale et pluriannuelle de révision des avancements prenant en compte l’allongement des carrières.

Je suis enfin très à l’écoute des problèmes d’identité que me font remonter les nombreux aviateurs qui sont dans les structures interarmées. C’est une vraie demande de leur part et nous développons un plan d’action spécifique qui proposera, par exemple, la mise en place de « bases aériennes virtuelles » dans lesquelles les aviateurs pourront se retrouver au sein d’espaces numériques participatifs.

Ma dernière crainte concerne la construction budgétaire. Les trajectoires financières actuellement envisagées nous amènent à court terme sous le seuil des engagements déjà passés. En poursuivant dans cette direction, nous serons amenés à annuler certaines commandes, avec des pénalités à la clé, et nous serons dans l’impossibilité de procéder aux nouvelles acquisitions, celles qui nous permettront de mettre en place des modes de fonctionnement source d’économies.

Les drones, les MRTT, qui n’entrent pas encore dans la construction budgétaire, sont en position de vulnérabilité.

La phase 2 de la quatrième étape du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) n’est pas prévue dans le projet de loi de finances 2013. Ses reports successifs fragilisent notamment nos capacités de détection sur le territoire national.

Le report de nombreux programmes d’équipement, décidés en amont des travaux du projet de loi de finances, pourrait aussi s’avérer préjudiciable à notre capacité opérationnelle. C’est le cas par exemple de ceux liés aux obsolescences du missile Aster30, du pod RECO NG, du simulateur Mirage 2000C, de la mise aux normes civiles des hélicoptères Puma et Fennec, de la rénovation des C130 et de la flotte de Mirage 2000D. Sur ce dernier point, je souligne que le Mirage 2000D au potentiel de vie encore élevé nous permettrait de disposer d’un avion, dont il nous faut déterminer le niveau de rénovation et le format, capable d’effectuer à moindre coût une large gamme de nos missions en complément du Rafale.

Il existe un véritable risque de perte de capacités opérationnelles, mais aussi de capacités industrielles nationales dont les conséquences pourraient être irréversibles. Je milite pour l’étude de solutions de court terme qui permettent de conserver la réversibilité nécessaire à la préparation d’un avenir qui pourra être différent de celui d’aujourd’hui. Un avenir qui sera porté par le personnel s’il n’est pas tourné vers une simple diminution des formats mais bien vers un véritable projet.

Après un mois passé à la tête de l’armée de l’air, je vous ai présenté ma vision de l’armée de l’air au regard des moyens que la Nation lui consacre. Je vous ai fait aussi part de mes inquiétudes. Notre outil est remarquable. Il est résolument tourné vers l’avenir. Il repose sur un équilibre complexe et fragile. Le projet de loi de finances 2013 est un projet de transition sur lequel nous devons être vigilants dans son application. Toute mesure irréversible prise pour gérer le court terme pourrait de façon irrémédiable compromettre l’avenir. Il doit nous permettre par ailleurs de lancer les programmes indispensables à notre capacité opérationnelle.

Notre richesse repose sur des aviateurs remarquables, à la motivation exemplaire qui sont engagés sur de nombreux théâtres d’opérations. Des citoyens français, fiers de leur engagement au service de leur pays dont ils portent haut les couleurs. Nous leur devons des moyens et des conditions de travail à la hauteur des efforts qu’ils consentent depuis de nombreuses années.

Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Mme la Présidente. Je relève en effet les changements importants que l’armée de l’air a connus à la suite du Livre blanc et de la LPM. Vous avez raison d’insister sur la question de la formation des jeunes aviateurs et sur la nécessité d’assurer la relève. À ce titre, il est intéressant d’étudier le coût des heures de vols pour l’entrainement pour en diversifier les supports.

M. Serge Grouard, rapporteur. Je tiens à féliciter les personnels militaires pour l’excellence de leur travail dans le cadre de l’opération Harmattan, une opération complexe qui a duré de longs mois. Nous pouvons en être fiers.

Vous avez évoqué le risque de ruptures capacitaires potentiellement irréversibles concernant les personnels, la formation, mais également les systèmes d’armes. Qu’en est-il des capacités de maîtrise aérienne s’agissant de la défense sol-air de moyenne et longue portées ?

En ce qui concerne la sécurité aérienne, qu’en est-il de nos systèmes de détection et d’acquisition de l’information ? Quels seraient vos besoins ?

Enfin, la situation internationale pourrait demeurer dangereuse durablement. Pourriez-vous nous éclairer sur nos capacités à remonter en puissance rapidement ? À rebours de la tendance que nous avons naturellement à raisonner de façon quantitative pour les seuls équipements militaires, le nombre de pilotes ne compte-t-il pas davantage que celui de nos avions ?

M. le général Mercier. Les opérations en Libye étaient interarmées. Elles ont bien illustré un type d’opérations aériennes que l’on retrouvera à l’avenir. On occulte trop souvent les phases de transport logistique et de reconnaissance pré-crise. Cette dernière permet précisément de pénétrer les défenses sol-air. Si nous devions intervenir sur d’autres théâtres, ce travail serait indispensable : il faudrait connaître parfaitement les systèmes d’armes de grande qualité qui pourraient nous être opposés. C’est une des raisons de notre attachement au programme de capacité de renseignement électromagnétique spatiale (Ceres).

Lorsque nous avons commencé les opérations en Libye, nous ne connaissions que 60 % de l’ordre de bataille adverse. Je note qu’au niveau européen nous ne disposons pas des capacités permettant de supprimer les défenses par missiles à détection électromagnétique. C’est une capacité dont seuls les Américains disposent. Le Rafale est cependant capable, grâce à son système de détection électromagnétique et du missile A2SM, qui peut être tiré à plusieurs dizaines de km de distance, de disposer d’une certaine capacité de destruction des batteries de missiles sol-air.

La maîtrise de l’espace aérien suppose des combats symétriques donnant une prime à l’armée disposant de la force la plus importante. À cet égard, disposer de la capacité d’entrer en premier est fondamental. Il faut donc concentrer nos efforts pour conserver une partie de notre flotte de combat particulièrement bien équipée et entraînée pour cette mission spécifique. Nous allons devoir mettre fin à une conception maximaliste de l’entrainement au profit d’un entrainement différencié, sachant qu’il nous faut pouvoir entrer en premier et ensuite tenir dans la durée en assurant les « missions de deuxième jour ». Mais nous pouvons repenser l’entraînement des pilotes sur l’ensemble du spectre d’intervention.

S’agissant du théâtre national, 10 à 15 000 avions survolent chaque année le territoire national. Notre mission est d’identifier chacun d’entre eux au titre de la surveillance générale et d’assurer une surveillance particulière de certains points sensibles, tels les centrales nucléaires. Cela suppose de rénover tous nos radars, touchés par l’obsolescence. Les effets du décalage de SCCOA IV ont pu être atténués dans la région sud-est grâce au maintien de la mise à niveau du radar de Nice et à l’acquisition d’un radar mobile.

M. Nicolas Dhuicq. L’armée de l’air a été engagée dans toutes les opérations interarmées et interalliées. Dans le cadre de l’Europe de la défense, que pensez-vous du projet d’escadre européenne ?

N’êtes-vous pas inquiet sur le maintien des compétences des opérateurs de ravitailleurs en vol (ORV), communément appelés « boomers » ? Ils courent de grands risques, surtout si des missiles S300 ou S400 sont tirés par des artilleurs russes.

M. Daniel Boisserie. Vous placez beaucoup d’espoirs dans l’Europe de la défense. Les faibles efforts consentis par nos voisins dans leur défense ne risquent-ils pas de vous décevoir ? Comment voyez-vous l’avenir de la base de Luxeuil ? Une opération sous mandat des Nations unies devrait être engagée dans le Sahel. Dans quelle mesure l’armée de l’air sera-t-elle concernée ? Comment s’y prépare-t-elle ?

M. le général Denis Mercier. Je vais répondre à la fois sur les capacités et l’Europe de la défense. Il y a, aujourd’hui, une réalité, le commandement du transport aérien européen (EATC). C’est une bourse d’échanges, qui fonctionne très bien. Les unités stationnées à Orléans reçoivent directement leurs ordres du commandement basé à Eindhoven – dirigé aujourd’hui par un Français, le général Valentin. Cela signifie que nos troupes françaises peuvent être, par exemple, transportées au Tchad par des avions belges. Il s’agit là d’une réelle avancée.

L’aéronautique se prête particulièrement à des coopérations européennes, comme en témoigne le projet A400M – les difficultés rencontrées sur ce programme provenaient de son caractère innovant, pas de sa dimension européenne.

Le dossier sur lequel il faudrait maintenant avancer est celui des normes et de la navigabilité, car cela permettrait de se diriger vers un véritable soutien commun. Nous travaillons sur ce sujet avec les Britanniques pour que nous puissions échanger les pièces de rechange de nos avions. Cela serait possible pour les seules missions logistiques qui répondent à des normes civiles. Cela ne l’est pas pour une flotte tactique car les dommages causés par les combats ou le vieillissement ne sont pas pris en compte de la même manière. Nous aimerions associer les Allemands à notre réflexion mais ils ont une utilisation moindre de leurs avions tactiques.

Si nous aboutissons sur ce dossier, nous pourrons avoir un véritable usage commun des A400M et des MRTT. Il s’agit là d’une approche « par le bas », mais qui est porteuse d’une véritable ambition européenne. Nous pourrions aussi aller vers un ciel unique militaire européen, à l’image de ce qui existe déjà pour le ciel unique civil.

Concernant l’idée d’escadre européenne, il y aussi une véritable volonté d’avancer, sur des bases pragmatiques privilégiant les questions de souveraineté nationale. On ne peut pas tout mutualiser, notamment ce qui concerne notre dissuasion, mais nous pouvons partager un certain nombre de choses. Notre formation des pilotes de chasse est, par exemple, franco-belge. Nous avons des pays qui souhaitent former leurs pilotes en France. Il ne serait pas question de les envoyer en formation dans un autre pays d’Europe. Mais les opportunités de mutualisation européennes sont nombreuses dans le domaine de la formation.

Sur les Boeings C135, je dirais que ce que nous faisons ressemble parfois à de l’acharnement thérapeutique ! Il s’agit d’avions de 48 ans d’âge.

Monsieur Boisserie, la base aérienne de Luxeuil accueille aujourd’hui un escadron de Mirage 2000-5 et un escadron de défense sol air. Mais il est évident qu’à l’avenir, si nous devions réduire notre format, les bases les moins denses seraient les plus fragiles.

S’agissant du Sahel, l’armée de l’air serait prête à répondre à n’importe quelles missions qui pourraient lui être confiées pour soutenir les forces africaines, grâce notamment à nos moyens prépositionnés à N’Djamena..

M. Philippe Nauche. Vous avez dressé, mon général, un bilan positif du fonctionnement de l’EATC. Comment jugez-vous l’initiative de transport aérien portée par l’OTAN, avec trois gros porteurs et une dizaine de pays associés ?

Quel est votre avis sur les drones de moyenne altitude longue endurance (MALE) ? Comment les utiliser ? Comment voyez-vous le futur et le partage entre les avions de combat et les drones ?

M. Philippe Vitel. Je voudrais vous interroger sur les forces de présence. Le Livre blanc de 2008 avait préconisé une implantation sur « l’arc de crise ». Nous disposons désormais d’une implantation à Abou Dhabi, qui comprenait, l’année dernière, 712 militaires des trois armées. Quel est le format actuel ? Quelles activités opérationnelles y menez-vous ? Quel est le retour d’expérience de cette présence ?

M. le général Denis Mercier. L’initiative de l’OTAN dans le transport aérien part du constat qu’il y a un réel déficit capacitaire européen dans ce domaine. Comment le combler ?

L’initiative sur les ravitailleurs en vol avait pour but de proposer aux Européens qui le souhaitaient la mise à disposition d’un groupement (pool) de ravitailleurs américains, avec un système d’abonnement. Nous ne souhaitons pas du tout entrer dans ce jeu de financement commun des capacités de l’OTAN et préférons une approche européenne de mutualisation des efforts.

Nous préférerions bâtir un modèle, avec l’aide de l’agence européenne de défense (AED), sur le même schéma que l’EATC, avec un emploi européen.

Les drones MALE sont appelés à jouer un rôle considérable. Il n’était par exemple pas prévu que nous déployons le drone Harfang sur des théâtres d’opération mais nous l’avons utilisé en Afghanistan puis en Libye car il nous est indispensable. Les États-Unis en produisent aujourd’hui cinq par mois.

Quelle est ma vision de l’avenir ? Sans doute aurait-il été plus approprié d’interroger le ministre sur ce sujet. Ce que je vois, c’est que des pays comme l’Inde ou la Libye auront besoin de ces drones MALE pour contrôler leurs frontières et que ce besoin est partout croissant. Est-ce que l’Europe peut rester à l’écart de ce marché ?

Les drones MALE ne sont pas des drones de combat, le cœur de leur système est la communication satellite. Ce ne sont ainsi pas les industries de défense traditionnelles qui s’impliquent dans ce secteur : aux Etats-Unis, les drones MALE ne sont pas construits par Lockheed Martin mais par General Atomic.

Je pense que dans le futur, vers 2030-2035, nous aurons un mix des drones de combats et des avions de chasse. Mais aujourd’hui, nous ne savons pas encore quel usage précis nous aurons de ces drones de combat. Cela dépendra des évolutions technologiques. Nous réfléchissons déjà à tout cela, avec les Américains.

Monsieur Vitel, l’armée de l’air dispose à Abou Dhabi de 145 militaires, sur un total de 700 à 800, de 6 Rafale et d’un ravitailleur. Le gros avantage de cette base est naturellement sa position géographique, dans une zone où la France a de nombreux intérêts.

Elle offre aussi une capacité d’entraînement très importante pour nos pilotes, avec d’excellentes conditions de vol, des champs de tir. Nous y envoyons très souvent nos avions.

Enfin, nous avons pu mesurer les fruits de notre présence sur place lors des opérations en Libye, où les avions qataris et émiratis nous ont suivis. Nous n’aurions pas pu mener ces opérations si nous n’avions pas une totale confiance mutuelle avec nos partenaires, que nous côtoyons, grâce à nos bases, tous les jours.

M. Guy Chambefort. La base de Varennes-sur-Allier a déjà fait l’objet d’une restructuration, et ses personnels civils sont dans l’incertitude. Où en sont vos réflexions sur l’avenir de cette base ?

M. Alain Chrétien. Le 3 octobre dernier, un Mirage 2000-5 s’est abîmé près de la base 116, et son pilote taïwanais est mort dans l’accident. Quelles informations pouvez-vous nous communiquer sur les circonstances de cet accident ?

M. le général Denis Mercier. La base de Varennes-sur-Allier, comme celle de Romorantin, a une vocation essentiellement logistique. Ces bases « mono-mission » sont plus fragiles que les autres. Mais en tout état de cause, leur avenir dépendra du format de l’armée de l’air qui sera défini par le Livre blanc.

S’agissant de la perte récente d’un mirage 2000-5 et de son pilote, la présence de parlementaires aux obsèques a été particulièrement bien accueillie. Plusieurs enquêtes ont été lancées : l’une par le procureur, une autre par le Bureau enquêtes accident défense et une troisième par moi-même. Il s’agit d’une enquête visant à établir si l’accident résulte d’un problème de commandement de la mission. Seule la troisième enquête est achevée : elle a conclu que le cadre d’emploi du pilote n’appelle aucune réserve et que l’unité est bien commandée. Dans l’attente des conclusions du procureur, c’est la seule sur laquelle je peux me prononcer.

M. Philippe Folliot. L’A400M est très attendu, notamment dans les unités parachutistes. Les trois premières livraisons doivent avoir lieu en 2013, et les quatre suivantes en 2014. Qu’est-ce qui a été prévu en matière de formation de leurs pilotes ? Est-ce qu’il est envisageable d’accélérer le rythme de livraison, par exemple si de bonnes nouvelles concernant l’exportation du Rafale dégageaient des marges de manœuvre ?

M. Christophe Guilloteau. Connaissant le site du Centre national des opérations aériennes (CNOA) de Mont Verdun – situé sur la base aérienne 942 de Lyon – et le rôle qu’il a joué dans l’opération Harmattan, je suis étonné de ce que l’on n’en parle pas plus. Je note avec satisfaction que, plus que d’autres, vous mettez l’accent sur les questions de renseignement. En la matière, vous semble-t-il que nos moyens aient atteint un niveau de juste suffisance ?

M. Francis Hillmeyer. Vous nous dites que le volume d’heures de formation des pilotes a baissé de 20 %. Si la tendance se poursuit, n’est-ce pas inquiétant ?

M. le général Denis Mercier. L’A400M constitue ce que l’on peut appeler une « capacité socle », c'est-à-dire qu’il sera commun à toutes les armées. Les retards dans sa livraison nous coûtent cher, ne serait-ce qu’en maintien des compétences.

Pour autant, il est difficile d’accélérer le rythme de livraison de cet équipement, du fait du caractère multilatéral du programme : nos partenaires connaissent les mêmes problèmes que nous.

L’A400M connaîtra plusieurs standards. Le premier sera adapté aux opérations de parachutistes et au transport logistique. Nous l’accepterons si la soute est totalement opérationnelle en mai prochain, ce en quoi j’ai confiance. Les standards suivants évolueront vers des fonctions plus tactiques.

Pour conserver nos savoir-faire, et aussi permettre à l’armée de terre de continuer à s’entraîner, nous avons dû commander huit avions de transport tactique léger CASA.

Le rythme de livraison de l’A400M tel qu’il est prévu est assez intensif jusqu’en 2025, et nous en aurons reçu déjà une trentaine vers 2017-2018, lorsque la flotte à laquelle il doit succéder sera retirée du service.

Quant au Rafale, je crois que si nous ne l’avons pas encore exporté, c’est parce qu’il est en avance sur sa génération – quoi que sa conception ait commencé dans les années 1970. Le seul véritable avion de sa catégorie est l’avion de combat JSF (Joint Strike Fighter), qui ne dépasse le Rafale qu’en furtivité.

Si nous avions des marges de manœuvre, je préférerais les employer à moderniser nos Mirage 2000 et à acquérir des capacités socles.

S’agissant du site de Mont Verdun, près de Lyon, on en parlera ! Ses capacités permettent de diriger toutes les opérations, y compris en Afrique. C’est un centre très complet ; Nous ouvrirons bientôt une unité « cosmos », dotée de moyens de surveillance de l’espace, qui travaillera en lien avec le Centre National des Etudes spatiales (CNES).

Pour ce qui est du renseignement en général, on peut mieux faire : il y a des capacités satellitaires sur lesquelles nous devons continuer à investir. Mais il faut souligner que les différents moyens de renseignement dont nous disposons, et dont nous avons su exploiter la complémentarité – par exemple en Libye – nous offrent déjà une solide capacité de connaissance. C’est d’ailleurs ces acquis qui nous ont permis de participer en nature au programme Alliance ground surveillance (AGS) de surveillance terrestre promu par les Américains dans le cadre de l’OTAN.

Nous avons néanmoins besoin de moyens de renseignement électro-magnétique (ROEM) et de drones MALE.

Il nous faut aussi imaginer de nouvelles solutions capacitaires. On pourrait ainsi mettre à profit la grande capacité d’élongation de l’A400M et du MRTT, en les équipant de  « pods » banalisés de renseignement, voire en s’en servant de relais pour des informations collectés par un Rafale, dont le pod de reconnaissance de nouvelle génération est très efficace. Ainsi, on peut se passer de vecteur dédié, ce qui génère des économies. On peut aussi réfléchir à des moyens que l’on pourrait qualifier de « jetables », c'est-à-dire prévus pour durer cinq ou six ans, et de ce fait moins chers à acquérir.

Quant à la formation des équipages, cette question nous renvoie au problème général de sous-dotation du maintien en condition opérationnelle (MCO) dans la dernière loi de programmation militaire. Le coût des factures a augmenté de 3 % par an, alors que nos ressources sont stables en valeur. Les années 2012-2013 marqueront un tournant crucial.

Aujourd’hui, le volume horaire de formation de nos pilotes est inférieur aux objectifs fixés : 160 heures au lieu de 180 pour les pilotes de chasse – et encore, certains ne volent que 120 heures. Le différentiel est encore plus marqué pour les pilotes d’avions de transport, qui devraient voler 400 heures par an, et qui n’en effectuent en moyenne que 250. Cette situation peut créer un vrai problème de compétences ; c’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons demandé et obtenu l’acquisition de huit CASA. Certes, la simulation permet de pallier une partie du problème, mais elle ne remplacera pas le vol.

Notre outil de formation est lui-même en cours de rénovation, tant à Salon de Provence qu’à Cognac. Nous tendons ainsi à former nos pilotes sur des avions dont les coûts de fonctionnement sont moins élevés que ceux des Rafale ou des Alpha-jet. Des investissements avisés permettent ainsi des économies substantielles.

Mme la Présidente. Je vous remercie.

La séance est levée à dix-neuf heures.

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Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, M. François André, M. Nicolas Bays, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Chambefort, M. Luc Chatel, M. Alain Chrétien, M. Nicolas Dhuicq, M. Philippe Folliot, M. Jean-Pierre Fougerat, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin, M. Serge Grouard, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Pierre Maggi, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, Mme Sylvie Pichot, Mme Émilienne Poumirol, Mme Daphna Poznanski-Benhamou, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Gwendal Rouillard, M. Stéphane Saint-André, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin

Excusés – M. Ibrahim Aboubacar, M. Olivier Audibert Troin, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-David Ciot, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Alain Marty, M. François de Rugy