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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 17 octobre 2012

Séance de 9 heures 15

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Philippe Nauche, vice-président

— Audition de représentants d’associations d’anciens combattants, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.

M. Philippe Nauche, président. Messieurs, mes chers collègues, je tiens d'abord à excuser la Présidente Patricia Adam, retenue toute cette journée pour les travaux de la commission chargée de préparer le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

J'ai le très grand plaisir d'accueillir en son nom et au nom de tous les commissaires les représentants des associations d'anciens combattants, à qui je souhaite la bienvenue.

Ce rendez-vous annuel est l'occasion pour nous tous de rappeler l'attachement des représentants de la nation à ceux qui l'ont servie, et d'avoir avec eux des échanges toujours passionnants, voire passionnés !

Les attentes du monde combattant sont, nous le savons tous, nombreuses. Le ministre délégué nous a présenté, il y a dix jours, le projet de budget pour 2013, qui poursuit, conformément à la programmation triennale et à la volonté de redresser les comptes publics, sa trajectoire de baisse, pour tenir compte de la baisse du nombre de pensionnés et de retraités. Je tiens à souligner que cette baisse, de 2,4 % par rapport à 2012, ne suit pas mécaniquement la baisse des effectifs, qui est de 4,4 %.

Vous êtes ici, messieurs, pour nous exposer vos avis sur les mesures phares du budget pour 2013 mais aussi pour nous faire part, plus généralement, de vos principales préoccupations.

M. Jacques Goujat, président de l’Union des associations de combattants et victimes de guerre (UFAC). Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous vous remercions de maintenir la tradition de l’audition par la Commission de la défense de la représentation du monde combattant.

Du point de vue des anciens combattants, il s’agit d’un budget de reconduction – ce qui est apprécié dans les circonstances actuelles – sans autre mesure nouvelle que l’abondement des crédits sociaux ordinaires de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre – ONAC. Il faut savoir que les problèmes liés au monde combattant, compte tenu notamment de l’âge atteint par les intéressés, doivent être traités en urgence.

Je n’évoquerai que la demande unanime du monde combattant visant à améliorer les conditions d’attribution de la carte du combattant aux anciens de l’Afrique française du Nord – AFN. C’est en ma double qualité de président de l’UFAC et de président de la commission nationale de la carte du combattant que je développerai ce point. Toutes les instances concernées, y compris le Parlement – seul Bercy fait exception –, ont rendu depuis quatre à cinq ans un avis positif sur le fait d’accorder la carte du combattant aux anciens d’AFN arrivés en Algérie avant le 2 juillet 1962 et qui ont comptabilisé quatre mois de présence, même à cheval sur cette date. Le coût de la mesure, évaluée unilatéralement à 4,5 millions, nous a été opposé. Or il est de tradition qu’un amendement enrichisse le projet de budget initial des anciens combattants.

M. Alain Clerc, président de la commission des droits de la Fédération nationale André Maginot (FNAM). La Fédération nationale André-Maginot prend acte et se félicite de la fixation, à 48 points d'indice de la pension militaire d'invalidité – PMI –, de la retraite du combattant, du maintien des exonérations fiscales qui matérialisent la reconnaissance de la nation envers les anciens combattants et de la proclamation du 11-Novembre comme « journée nationale d'hommage à tous les morts pour la France ».

Elle regrette en revanche que la loi qui va probablement instituer le 19 mars comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie ravive des divisions anciennes entre les Français et jette le trouble dans les consciences.

Si le nombre des ressortissants de l'ONAC diminue, la FNAM constate l'augmentation de leurs besoins, liée au vieillissement de cette population, à la faiblesse des ressources dont disposent les veuves et au coût de l'appareillage pour les mutilés. C’est pourquoi elle s'inquiète de la faiblesse des moyens dévolus à l'ONAC et à ses structures départementales, ainsi que des conséquences de la baisse du plafond d'emplois à l'Institution nationale des Invalides.

La FNAM note également la diminution de plus de 100 millions d'euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2013 par rapport à 2012, regrettant que la disparition inéluctable des pensionnés pour invalidité et des anciens combattants de la seconde guerre mondiale ne soit pas mise à profit pour revaloriser de manière significative la valeur du point d'indice des PMI, ce qui améliorerait mécaniquement le sort des plus pauvres des ressortissants de l'ONAC, des invalides de guerre et des conjoints qui leur survivent et augmenterait le montant du plafond de la retraite mutualiste du combattant.

La FNAM est attentive au respect du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre – PMI-VG – et de l'imprescriptibilité du droit à réparation.

Enfin, la FNAM souhaite, pour une plus grande reconnaissance de la nation envers les combattants des missions et opérations extérieures, la simplification des critères d'obtention de la carte du combattant et de la campagne double, et demande, au nom de l'équité et de l'égalité de traitement entre toutes les générations de combattants, l'appui de la Commission de la défense et des forces armées, afin que, par l'adaptation des décrets en vigueur aux conditions de recrutement et d'emploi de nos unités, les engagés volontaires actuels puissent, comme leurs aînés d'Indochine, de Corée et d'Afrique du Nord, se voir décerner la croix du combattant volontaire.

L'attribution de cette décoration ministérielle, qui ne concerne pas les personnels de carrière, n'ouvre aucun droit nouveau et n'a aucun coût pour l'État.

M. Bernard Chopin, vice-président du Souvenir français. Mesdames et messieurs les députés, je représente le M. Gérard Delbauffe, président général du Souvenir français, lequel n’est pas une association d’anciens combattants mais une association patriotique.

Depuis la fin de la guerre d’Algérie, plus de 500 militaires français ont fait le sacrifice de leur vie dans différents théâtres d’opérations extérieures. Une première stèle à la mémoire des morts tombés au Liban a été installée à Pau, et un monument, Les quatre Veilleurs de Paix, a été dédié aux morts en ex-Yougoslavie sur la commune d’Haudainville dans la Meuse. Afin de regrouper tous les morts en OPEX dans une mémoire commune, il est proposé de déplacer à Paris Les Quatre Veilleurs de la paix, qui regardent vers les quatre points cardinaux. Le monument pourrait être installé sur la place Vauban.

Le coût du transfert de ce monument d’Haudainville à Paris serait minime, de l’ordre de 10 000 euros, alors que l’érection d’un nouveau monument serait bien plus onéreuse – de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers d’euros –, puisqu’il ferait notamment l’objet d’appels d’offre et de la décision d’un jury. Il serait bien que cette proposition, qui a été examinée par les autorités politiques et militaires, aboutisse bientôt.

Par ailleurs, la subvention accordée par l’État pour l’entretien des tombes a fait l’objet d’une convention il y a trente et un ans. Elle avait été fixée en 1981 à 8 francs, transformés en 1,22 euro. Actuellement, sur les 115 000 tombes répertoriées dans les carrés communaux, 33 450 sont entretenues sur la base d’1,22 euro par le Souvenir français, qui touche de l’État quelque 48 000 euros, 40 000 sont entretenues par les communes et 40 000 par l’État. Nous demandons la réévaluation de la participation de l’État, car il n’est plus possible d’entretenir décemment une tombe pour 1,22 euro – son entretien revient en effet à 10 euros environ.

M. Jean-Claude Buisset, président de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’Union fédérale (UF). S’agissant de la modification de l’article L. 8 bis du code des pensions militaires et des victimes de guerre intervenue dans le cadre du budget 2005 et qui a porté réforme du rapport constant, M. François Hollande a assuré, alors qu’il était candidat à la présidence de la République, qu’un bilan de son application en sera fait en partenariat avec les associations d’anciens combattants et que des solutions devront être trouvées. L’Union fédérale constate que le point de pension PMI n’est que de 13,87 euros depuis le 1er juillet 2012 alors qu’il devrait être de 19,725, si le rapport constant défini par les lois de 1948, 1951 et 1953 avait été respecté : le retard est donc de 42,177 %. C’est pourquoi elle réclame que le système s’appuie de nouveau sur la parité avec un corps de référence dans la grille de la fonction publique présentant toutes les conditions de longévité et d’évolution logique incontestables dans les années à venir. Or l’évolution de carrière attachée au départ à l’indice 170 de la fonction publique (huissier de ministre de première classe en fin de carrière) se situe aujourd'hui à hauteur de l’indice de l’agent des services techniques de première classe, échelle 3, onzième échelon, fin de carrière, actuellement l’indice 355 majoré, dont le traitement brut se situe depuis le 1er juillet 2010 à 19,72 euros. La valeur du point PMI devrait donc être de 19,72 euros. L’Union fédérale souhaite donc le rattrapage progressif et rapide de ce point conformément au désir exprimé par le Président de la République.

Par ailleurs, afin de prendre en compte l’aide qu’apporte le conjoint au grand invalide de guerre, l’adoption de l’additif suivant à l’article L.49 du code des pensions militaires d’invalidité est demandée avec insistance : « La pension des conjoints survivants des très grands invalides de guerre, dont l’indice de pension était supérieur à 2 000 points à la date du décès, est portée à 25 % de l’indice de la pension que percevrait l’auteur du droit à la date de son décès. Cette disposition s’applique à tous les conjoints survivants remplissant les conditions énoncées et qui en font la demande, quelle que soit la date du décès de l’auteur du droit. » Cette mesure permettrait de résoudre la question dans sa globalité.

Je rappelle qu’il reste encore 78 000 veuves, dont 60 % ont plus de quatre-vingts ans.

M. Michel Giraud, secrétaire général de président de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’Union fédérale (UF). Je propose d’octroyer aux anciens combattants en difficulté une aide calquée sur l’aide différentielle aux conjoints survivants (ADCS). Beaucoup de nos camarades anciens combattants rencontrent de plus en plus de difficultés.

M. le général (2s) Jean Kervizic, président national de l’Union nationale des combattants (UNC). S’agissant de la proposition de loi relative au 19 mars, notre association s’étonne qu’on s’apprête à voter un texte supprimant une journée commémorative, alors que la loi votée il y a moins d’un an, fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France, précise que l’hommage qui sera rendu ce jour-là « ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales ». Ma remarque porte sur la forme et non sur le fond.

Il serait par ailleurs souhaitable de créer une médaille du mérite civique pour récompenser nos responsables locaux et nationaux, qui n’auront plus la possibilité de recevoir une décoration officielle compte tenu des critères actuels, fondés essentiellement sur l’activité militaire. Il s’agirait de réactiver les ordres ministériels qui existaient avant la création de l’ordre national du mérite.

Il serait également souhaitable que les anciens combattants interviennent davantage, éventuellement avec un budget dédié, dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté (JDC). La transmission de notre expérience permettrait d’améliorer le lien entre l’armée et la nation.

Par ailleurs, les veuves de guerre d’après 1962 ont une pension selon le grade, contrairement à celles d’avant 1962, dont la pension repose sur le taux normal du soldat, ce qui est surprenant, puisque la guerre d’Algérie était finie. Le coût de l’harmonisation des pensions est estimé par M. Serge Barcellini, ancien contrôleur général des armées, à 1 million d’euros en année pleine.

Il est également nécessaire de consentir un effort dans le reclassement des « OPEX ». Comme l’année 2013 verra la suppression de quelque 7 230 postes, il conviendrait d’en profiter pour adopter des mesures concrètes en faveur du reclassement. Les centres de formation actuels s’adressent essentiellement à des anciens militaires qui ont au moins quinze ans de service. Il faudrait davantage accompagner le reclassement des jeunes militaires, qui sont nombreux à avoir des contrats beaucoup plus courts.

Il faut enfin améliorer les conditions d’attribution de la carte de combattant aux combattants en OPEX, en appliquant les mêmes dispositions que pour l’Algérie, ce qui aurait l’avantage de désengorger tous les services. Cela irait dans le bon sens en période de compression du personnel.

M. Pierre Dürr, secrétaire général de la Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc (FNCPG-CATM). La fédération que j’ai l’honneur de représenter approche les 200 000 adhérents et adhérentes, puisque nous comptabilisons plus de 35 000 veuves.

S’agissant de l’attribution de la campagne double aux anciens combattants d’Afrique du Nord, le décret du 29 juillet 2010 ne donne pas satisfaction et il convient de le modifier. Nous souhaitons également que l’ONAC dispose d’un budget spécifique suffisant pour assurer le versement de l’aide différentielle au conjoint survivant – ADCS –, d’autant que le nombre des demandeurs augmente. L’enveloppe doit être à la hauteur des besoins qui sont en hausse.

Les veuves ne peuvent prétendre à la demi-part fiscale que si le défunt est décédé après soixante-quinze ans et s’il a lui-même bénéficié de cette mesure pendant un an. Certaines, qui ont bénéficié de cette demi-part, devraient rembourser ce qui semble aux yeux de l’administration un trop-perçu. Les veuves, tant pour l’ADCS que pour la demi-part, devraient être mieux récompensées pour les sacrifices qu’elles ont consentis durant de si longues années.

M. Serge Peronnet, trésorier national de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA). Comme par le passé, nous ne retiendrons que la partie qui nous concerne véritablement, à savoir le droit à réparation dévolu aux anciens combattants et victimes de guerre, repris dans le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». Nous écartons donc volontairement le programme 167 « Liens entre la nation et son armée » dont l’essentiel est composé du budget consacré à la Journée défense et citoyenneté (JDC) qui, s’il est rattaché au ministre délégué aux anciens combattants, relève pour nous du ministère de la défense. Nous n’intégrons pas non plus les conséquences des essais nucléaires français qui touchent certainement plus de personnels civils que militaires. Le dispositif est d’ailleurs quasi inopérant compte tenu des règles drastiques qui président aux décisions de la commission.

Pour la seule partie relevant de la réparation, le projet de budget est en diminution de 3,76 %. Il convient de signaler qu'il inclut le plein effet de l’attribution, au 1er juillet 2012, des quatre points de la retraite du combattant, dont l'impact est de 54 millions d’euros en année pleine, soit 1,91 % du budget qui nous est consacré. Comme il ne comporte aucune mesure nouvelle en dehors d'un abondement complémentaire de 500 000 euros au budget social de l’ONAC et ce, malgré une marge de manœuvre relativement large liée à la disparition des anciens combattants, nous ne pouvons que nous réjouir que cette avancée ait été votée pour le budget 2012.

Nous sommes très déçus de l'absence d'une mesure nouvelle telle que l'attribution de la carte du combattant à ceux qui ont servi 120 jours en Algérie sous réserve d'y avoir été présents avant le 2 juillet 1962. Le coût a toujours été considéré comme peu important car de l'ordre de 4,6 millions, soit 0,16 % du budget des anciens combattants. Il y a unanimité sur l'opportunité de la mesure, qui réglerait définitivement le contentieux sur la carte du combattant AFN. À la lecture du projet de budget, nous remarquons que les nouvelles mesures prises pour les OPEX devraient augmenter leur attribution entre 25 % et 50 %. Sans méjuger de cette avancée, nous tenons à signaler que l'avancée en âge de notre génération du feu implique que la mesure soit prise d'urgence si nous devons en profiter.

Bien que n'entrant pas au plan des incidences financières dans notre budget, le problème de la campagne double n'est pas abordé alors que le décret inique qui a été concocté l'a été tout simplement pour qu'il ne nous soit rien octroyé.

Bien que l'appellation guerre d'Algérie, combats du Maroc et de Tunisie ait été adoptée à l’unanimité de l’Assemblée nationale et du Sénat, il semble bien que plus de trente-sept ans après le cessez-le-feu on nous fasse encore payer les conséquences douloureuses d'un manque de volonté et de fermeté des gouvernements qui n'avaient rien vu venir malgré les avertissements. Nous exigeons l'égalité des droits entre générations du feu, la guerre d’Algérie s'étant terminée en 1962 et non pas en 1999. La loi nous accordant vocation à la qualité de combattant remonte au 9 décembre 1974 !

Nous ne ferons aucun commentaire sur l'extension de l'aide différentielle aux conjoints survivants en direction des anciens combattants eux-mêmes. Nous ne croyons absolument pas à une possible décristallisation au profit des anciens combattants de l'ex-Union française car il s'agit non pas de droit à réparation mais de social, ce type d'intervention étant toujours lié à des conditions de résidence sur le territoire. Nous voulons une réponse officielle de l'autorité compétente, en l'occurrence le Conseil d'État. Nous rappelons, pour mémoire, notre volonté de voir le plafond porté, par étapes, au seuil de pauvreté INSEE, soit 964 euros par mois depuis septembre.

En attendant une révision du rapport constant telle que souhaitée par l'UFAC dont nous sommes solidaires, nous entendons que l'évolution de la valeur du point de PMI ne soit pas inférieure à celle des prix hors tabac.

M. André Fillère, vice-président national de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, des combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix (ARAC). Alors que nous ne saurions être satisfaits d’un budget à la baisse, car il fait perdurer le contentieux des légitimes revendications des anciens combattants, voilà qu’on nous annonce déjà que le budget baissera de nouveau en 2014 et en 2015.

. La tradition voulait que le projet de budget soit directement présenté par le ministre aux anciens combattants : je regrette qu’elle ait disparu.

À partir de 1948, la loi prévoyait un rapport constant entre l’évolution de la valeur du point de pension et celle du traitement d’un huissier de ministre en fin de carrière. En 1978, prenant acte du décrochage existant, une commission tripartite, réunissant le ministre, les parlementaires et les représentants des anciens combattants, avait évalué le retard à 14,26 %. Ce retard a été rattrapé par étapes jusqu’en 1985. Après un nouveau décrochage, le législateur a mis fin, en 1989, dans le cadre de l’application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, à ce système, si bien que le retard atteint aujourd'hui quelque 43 %.

Nous demandons depuis des années non seulement la résorption du retard mais également l’organisation d’une discussion sur le sujet entre les parties concernées. Le Gouvernement doit faire le point avec ses experts avant de s’engager dans une démarche de rattrapage, comme au début des années 1980. Cette demande concerne l’ensemble des anciens combattants et des victimes de guerre via les pensions, la retraite du combattant, les rentes mutualistes, les pensions et allocations versées aux veuves.

S’agissant de l’aide différentielle au conjoint survivant (ADCS), il faut évidemment la porter à 964 euros. Je ne pense pas que les 500 000 euros prévus au budget seront suffisants car le plafond est fixé aujourd'hui à 900 euros et le nombre des demandes augmente. L’ONAC sera-t-il capable en 2013 de faire face à cette dépense ? Nous en doutons. C’est pourquoi il a été demandé précédemment d’y affecter un budget spécial à hauteur des besoins. Il est en tout cas hors de question de prendre sur les crédits de l’action sociale générale de l’ONAC pour compléter le financement de l’ADCS.

S’agissant de la rente mutualiste d’ancien combattant, en 1996, tous les groupes parlementaires se sont accordés pour reconnaître que le plafond majorable souffrait d’un retard important qui devait être rattrapé. Les mesures prises jusqu’en 2002 allaient dans la bonne direction. Mais il n’y a plus eu aucune augmentation depuis 2007. Notre demande s’inscrit donc dans la démarche entreprise par les parlementaires depuis 1996.

Je tiens à insister sur le rôle de l’ONAC et de ses écoles dans la réinsertion professionnelle des « OPEX ». Malheureusement, trop peu de militaires y sont envoyés par l’armée.

Enfin, la refonte du code des pensions militaires d’invalidité ne peut que nous inquiéter en raison même du mot « refonte », qui signifie plus qu’une révision ou un simple dépoussiérage. On nous répond que les associations d’anciens combattants sont informées : ce n’est pas vrai. Elles ne participent pas plus que les parlementaires, du reste, à cette « refonte ». Quand on sait que sont prévus une loi d’habilitation et des décrets, toutes les craintes sont légitimes. Nous demandons que le mouvement ancien combattant et les parlementaires soient associés à la commission de révision – tel est le mot que j’emploie – du code des pensions militaires d’invalidité et que les mesures proposées soient adoptées par le Parlement, comme l’a été la charte du combattant en 1919.

M. Jean-Claude Gouëllain, président de la Fédération nationale des plus grands invalides de guerre. Les pensions des veuves de grands mutilés nous préoccupent particulièrement.

Les veuves de guerre sont classées en plusieurs catégories. De plus, le taux du grade ne bénéficie qu’aux veuves des morts au combat après 1962 – la question a été évoquée précédemment.

S’agissant des veuves de pensionnés, il faut distinguer les veuves des pensionnés au taux d’invalidité inférieur à 85 %, dont la pension de réversion est équivalente aux deux tiers du « taux normal du soldat » basée sur l’indice 500, et les veuves de pensionnés au taux supérieur à 85 %, qui ont le taux normal, majoré de quinze points. Or la pension au taux de 515 points est très en dessous du seuil de pauvreté, puisqu’elle est inférieure à 600 euros par mois. C’est pourquoi, en dépit de la majoration spéciale prévue à l’article L. 52-2 du code des pensions militaires d’invalidité, la pension des veuves des très grands invalides est inférieure à 1 100 euros par mois. Pour une femme qui a, du vivant de son mari, cessé toute activité pour s’occuper d’un très grand invalide, c’est tout à fait inacceptable. Elle devrait percevoir une pension équivalente à celle d’une infirmière, puisque la grande majorité de ces femmes étaient des personnels soignants qui, ayant connu leurs futurs maris blessés, les ont épousés au cours de leur séjour à l’hôpital. La population concernée est très faible. Il conviendrait de traiter avec reconnaissance les veuves des très grands invalides.

Le second point qui nous préoccupe est la gratuité des soins médicaux et de l’appareillage. En matière de droit aux soins pour les infirmités pensionnées, les exigences de l’article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne sont pas intégralement respectées. Vous avez adopté cet article, mesdames et messieurs les députés, en précisant que les mutilés doivent être pris intégralement en charge pour les soins des infirmités pensionnées. Or le service de la sécurité sociale militaire qui gère désormais les articles mentionnés s’aligne sur les règles de la sécurité sociale, ce qui est à l’origine de dérives importantes, comme si avoir donné dix kilos de viande pour la patrie était assimilable à un handicap civil.

L’article L. 128 concerne, quant à lui, la prise en charge des appareillages et des aides techniques. Or, là aussi, la caisse nationale militaire de la sécurité sociale s’aligne sur les règles de prise en charge édictées par la sécurité sociale, au point que six de nos très jeunes camarades, qui ont été grièvement blessés en Afghanistan, n’ont pu bénéficier des techniques les plus évoluées et des appareillages dignes de notre époque que grâce à la pugnacité du responsable de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre. En effet, comme le coût de ces appareillages est évidemment très élevé, de l’ordre de 50 000 à 60 000 euros, et que le régime général ne prend en charge que la moitié, le responsable de la cellule a dû trouver lui-même les financements complémentaires. Il est anormal que la charité, reposant sur des fonds privés, doive se substituer à l’État pour permettre à de jeunes soldats de recouvrer une vie quasi-normale de citoyen. Vous, les parlementaires, vous avez rédigé un texte prévoyant la prise en charge intégrale des soins prodigués à ces blessés. Il serait de votre honneur d’imposer le retour à une bonne pratique.

M. Paul Markides, vice-président de l’ARAC. Les associations d’anciens combattants doivent être associées, aux niveaux national et départemental, à la préparation et à la réalisation des initiatives visant le centenaire de la guerre 1914-1918.

Nous souhaitons également que le 27 mai de chaque année, jour anniversaire de la première réunion du Conseil national de la résistance – CNR –, rue du Four, dans Paris occupé, devienne une journée commémorative de l’apport du CNR au général de Gaulle afin de faire reconnaître le combat de la France auprès des alliés.

Par ailleurs, les fusillés pour l’exemple de la guerre 14-18, qui ne refusaient pas de combattre mais voulaient combattre autrement, doivent être tous réhabilités.

Une aide doit être également apportée au parcours du pèlerinage de Margny-lès-Compiègne, que suivaient à pied les prisonniers du camp de Royallieu avant d’embarquer dans les trains les conduisant en déportation.

Notre association souhaite enfin que le Gouvernement assume la responsabilité de la France dans la guerre d’Algérie pour régler le contentieux existant entre nos deux pays, ce qui ouvrirait la voie à la négociation pour la signature d’un traité de paix et d’amitié.

M. Laurent Attar-Bayrou, président national de la Fédération nationale des anciens des missions extérieures et OPEX (FNAME). Je tiens à m’associer aux revendications de mes grands anciens dans le monde combattant, dont fait intégralement partie la jeune génération. J’adresse une pensée à nos camarades qui se sont levés aujourd'hui en opérations – ils seront anciens combattants des opérations extérieures. J’y associe les 300 000 militaires qui ont déjà participé à des OPEX.

Notre génération est à cheval sur le monde des armées, le monde combattant et le monde patriotique. Nos compagnons partis en OPEX rencontrent, à leur retour, de nombreuses difficultés pour se reconvertir. Conformément aux engagements des gouvernements successifs, l’armée doit assurer la reconversion de 15 000 personnes, dont un grand nombre est revenu des opérations extérieures meurtri dans la chair et l’esprit. À cet égard, le sas de décompression, installé sur l’île de Chypre, est nécessaire. On peut seulement regretter que le séjour soit un peu court.

Une fois réintégrés dans leurs unités, les militaires ne bénéficient plus d’un suivi psychologique et physique de longue durée. Il en résulte qu’un grand nombre d’entre eux qui ont bénéficié grâce à l’armée d’une formation résilie leur contrat. L’accompagnement est insuffisant, ce qui explique un taux de réengagement faible.

Avant d’être des militaires, ce sont des citoyens, dont il convient d’assurer les droits, ce qui passe par une bonne réinsertion dans la vie civile. Celle-ci emprunte notamment la voie des écoles de reconversion de l’ONAC. Malheureusement, par manque de volonté politique, seuls cinquante militaires sur un potentiel de 15 000 passent par ces écoles ! Comment pourraient-elles être bénéficiaires ? Il vous appartient, mesdames et messieurs les députés, d’avoir la volonté politique de promouvoir le développement des écoles de l’ONAC.

Quant aux officiers supérieurs qui ont assuré un commandement opérationnel en OPEX, ils rencontrent des difficultés spécifiques à leur retour du fait que, dans leurs unités, ils sont dépossédés d’une partie de leur autorité, en raison de la création, prévue dans le Livre blanc, des groupements de soutien de base de défense – GSBdD.

Je tiens aussi à vous alerter sur la création, à l’occasion du désengagement de la France d’Afghanistan, de deux catégories de personnels envoyés en OPEX : les combattants et les non-combattants. L’Afghanistan aurait-elle vocation à devenir un terrain de manœuvre de l’OTAN ? Les militaires se donnent entièrement à leur mission : de grâce, ne les divisez pas ! En Afghanistan, ils sont et seront tous combattants, jusqu’au terme du retrait fixé par l’État français.

On nous répète à l’envi que le ministère de la défense doit faire des économies. Il ne faudrait oublier ni le Livre blanc qui, depuis 2008, a déjà permis de réaliser de substantielles économies, ni la RGPP qui a conduit à l’éviction de quelque 75 000 personnes. La RGPP a également conduit à la dissolution de la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale – DSPRS – et à l’éclatement de ses missions, faisant le ministère de la défense juge et partie dans le traitement de la direction des ressources humaines – DRH-MD – et des pensions militaires d’invalidité – PMI.

Nous demandons en outre l’attribution aux anciens des missions extérieures du fonds de solidarité, au même titre qu’aux anciens combattants d’AFN, l’attribution de la croix du combattant volontaire pour tous ceux qui ont servi en OPEX – ils sont tous volontaires –, la création d’une médaille commémorative spécifique pour les militaires ayant participé à la guerre du Golfe et l’attribution de la carte du combattant au groupement logistique – chacun se rappelle qu’il était alors la gloire de l’armée française – : or ses membres n’y ont pas droit !

Le toilettage du code des PMI est assurément nécessaire compte tenu de la réforme subie par le monde combattant. Toutefois, nous n’en connaissons aujourd'hui que la jaquette, à savoir les têtes de chapitre, ignorant toujours les dispositions qui seront retranchées ou ajoutées.

Je tiens également à remercier le député Philippe Meunier, ici présent, qui a été l’initiateur d’une proposition de loi sur l’inscription obligatoire sur les monuments aux morts des morts pour la France. Je vous remercie, monsieur le député, en mon nom et au nom de leurs familles, d’avoir permis la réhabilitation des militaires tombés en OPEX.

Si, par ailleurs, nous sommes très heureux que, désormais, tous les morts pour la France soient commémorés le 11 novembre, nous demandons toutefois la création d’une journée commémorative des opérations extérieures. Nous sommes en effet la seule génération de combattant à ne pas avoir de journée spécifique de commémoration.

Enfin, le monument dédié aux OPEX, qui répond à la volonté de ministres successifs de la défense, a fait l’objet d’un rapport, dirigé par le général Thorette, qui a dû dans un premier temps, en l’absence d’un service dédié au ministère de la défense, retrouvé la trace des 601 morts en opérations extérieures. Nous sommes d’accord avec les conclusions du rapport, s’agissant notamment de l’installation du monument à Paris. En revanche, nous nous insurgeons contre l’éventualité de faire des économies en se contentant de déplacer un monument existant. Va-t-on un jour inventer le monument aux morts itinérant ? Cette question a déjà été débattue dans le cadre du rapport Thorette. Que dire aux familles ? Mesdames et messieurs les députés, fait-on des économies avec le sang versé ?

M. le général (2s) Henri Pinard Legry, président de l’Association de soutien à l’armée française (ASAF). Je rappelle que l’ASAF, à travers les 500 associations adhérentes, regroupe non seulement des anciens combattants mais également des cadres et des soldats de l’armée d’active et de la réserve, ainsi qu’un nombre croissant de Françaises et de Français, jeunes ou moins jeunes qui, n’appartenant pas aux catégories précédentes, sont particulièrement intéressés par les questions militaires et de défense.

S’agissant de la judiciarisation des opérations extérieures, chaque année, l’ASAF rappelle que des soldats sont injustement mis en cause dans trois opérations que la France a conduites : Daguet en Arabie Saoudite, Turquoise au Ruanda et, plus récemment, en Afghanistan, à l’occasion de l’embuscade d’Uzbin. Il n’est pas impossible que, prochainement, les actions de la France en République de Côte-d’Ivoire ou en Libye soient également mises en cause.

M. François Hollande, alors candidat, avait déclaré le 11 mars 2012, que « le Gouvernement et le Parlement devront engager une réflexion pour répondre à ces situations de judiciarisation ». L’ASAF estime que toute inaction en la matière aura de graves conséquences sur les conditions même d’engagement opérationnel de nos forces. C’est pourquoi elle souhaite connaître les dispositions nouvelles qui sont prévues ou ont déjà été prises conformément aux engagements du candidat à la présidence de la République.

L’ASAF estime par ailleurs que la proposition de loi relative au 19 mars revêt non seulement un caractère essentiellement idéologique mais est, de plus, incohérente, puisqu’il existe déjà une date reconnue et célébrée. Cette démarche est également dangereuse pour le pays car elle ravive des plaies qui commençaient à se refermer. Elle est de nature à recréer des divisions entre les Français alors que les défis économiques et sociétaux que notre pays a à relever exigent une cohésion renforcée. Je rappelle qu’à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, l’ASAF a édité un numéro spécial « Armée et Algérie », tiré à 10 000 exemplaires, qui a été largement diffusé, notamment dans les centres de documentation des universités et des grandes écoles. Ce numéro sera également diffusé au mois de décembre dans les collèges et les lycées.

D’une façon générale, l’ASAF considère, sans revenir sur les propos tenus par le Président de la République à l’occasion de l’anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv, qu’il faut se garder de faire rimer la commémoration des grandes dates de notre histoire nationale, qui vise à rappeler et comprendre les faits et leur enchaînement, avec l’accusation et la culpabilisation systématique de la France et des Français. Soyons assurés que cette dévalorisation, voire ce dénigrement répété de l’histoire de notre pays ne contribue pas à susciter l’adhésion à nos valeurs des jeunes Français, notamment d’origine étrangère, ni à renforcer la cohésion de la nation.

Enfin, l’ASAF a noté que plusieurs ouvrages scolaires, destinés à l’enseignement de l’histoire en classe de 3e et de 1re, ne mentionneront plus, pour la guerre de 14-18, les noms de Joffre, Foch et Pétain. Par un curieux hasard, ils laissent celui du général allemand von Falkenheim, qui est à l’origine de l’offensive sur Verdun, visant à user et à saigner l’armée française. Alors que la France s’apprête à célébrer en 2014 le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il y a là une incohérence grossière qui mériterait d’être corrigée.

S’agissant du budget de la défense, l’ASAF rappelle que la part de PIB que la France consacre à sa défense a été divisée par deux depuis trente ans. Ce sont donc des dizaines, voire des centaines de milliards d’euros qui ont déjà été économisés sur les ressources financières destinées à nos forces armées. L’effort demandé au ministère de la défense a donc, semble-t-il, déjà été réalisé. Les armées ont atteint un seuil critique et se trouvent parfois en limite du seuil d’aptitude opérationnelle : matériels vétustes – quarante ans d’âge –, lacunes capacitaires dans certains domaines, baisse du niveau d’entraînement des unités et des équipages. Or rien dans le contexte international ne laisse supposer une diminution des risques et des menaces. De plus, on ne saurait prédire la nature de l’ennemi que nous devrons affronter demain. Dans ces conditions, l’ASAF estime extrêmement dangereux de poursuivre cette politique de désarmement, d’autant que le moral des cadres et des soldats qui subissent ces restrictions depuis des décennies s’en trouve maintenant affecté. Lors des auditions de juillet dernier, les chefs d’état-major ont tous exprimé très clairement leurs inquiétudes, ce qui signifie dans le langage simple et direct que l’ASAF utilise : l’armée est en limite.

C’est pourquoi l’ASAF tient à appeler respectueusement l’attention des membres de la Commission de la défense, qui n’ignorent pas ces réalités, sur ce point crucial que constitue la baisse du moral des cadres.

M. le général (2s) Jean Kervizic. Je veux rappeler, au nom de l’Union nationale des combattants, mais aussi, je crois, d’un grand nombre d’anciens combattants, que si M. Jean-Pierre Masseret, avec l’accord du Parlement, avait adossé les anciens combattants à la défense, c’est parce que les anciens combattants, à ses yeux, assuraient la mission de service après-vente de la défense. Or nous assistons depuis quelques années et encore cette année à une dérive inquiétante. On a finalement tendance à penser que l’ancien combattant est une victime du travail, ce qui est tout à fait inadmissible.

M. le général (2s) Guillaume de Sauville de La Presle, président des Gueules cassées. Je tiens à évoquer une idée générale, que les Gueules cassées ont mise en œuvre depuis quelque dix ans. Le Livre blanc en cours de rédaction porte, de notre point de vue très justement, sur la défense et la sécurité nationale. Il s’inscrit dans la suite du précédent, qui avait la même dénomination. Ce regroupement des notions de défense et de sécurité nationale nous amène à considérer que peuvent être assimilées aux anciens combattants, au moins dans l’esprit et les valeurs qu’elles ont défendues, des personnes qui ont été blessées en se portant au secours ou au service de leurs concitoyens. Les victimes du terrorisme sont désormais considérées comme des ayants droit du ministère délégué aux anciens combattants. Les Gueules cassées ont décidé d’accueillir également dans leurs rangs les victimes du devoir, blessées à la face ou à la tête – c’est notre spécificité –, qui ne sont pas militaires. Par exemple, des pompiers civils ayant été blessés au visage en luttant contre un incendie nous semblent entrer dans ce qu’est aujourd'hui le domaine de la défense et de la sécurité nationale. Une personne qui s’est blessée au visage en se portant au secours d’un désespéré est victime de notre point de vue d’un engagement volontaire. La guerre ayant changé de visage, chacun doit se sentir combattant au service de la nation.

Cette démarche mériterait d’être creusée, si on veut toutefois que le ministère des anciens combattants ne finisse pas par s’éteindre, ce qui serait regrettable, alors qu’il s’agit plus que jamais de développer l’esprit de défense.

M. Jean-Michel Villaumé. Que ressentez-vous face aux difficultés que rencontrent aujourd'hui les associations d’anciens combattants locales à trouver des porte-drapeaux pour les cérémonies commémoratives ?

M. Alain Clerc. Toutes les associations sont confrontées au vieillissement des porte-drapeaux et rencontrent des difficultés pour en recruter. Alors que l’histoire n’est presque plus enseignée, comment voulez-vous que les jeunes se sentent redevables des actions menées par les anciens et acceptent de participer aux cérémonies commémoratives ?

M. le général (2s) Jean Kervizic. Rien n’interdit en effet de prendre des porte-drapeaux plus jeunes et qui ne soient pas nécessairement anciens combattants : cela se pratique déjà et permet de renforcer le lien entre l’armée et la nation, notamment l’esprit civique chez les plus jeunes. Tous les maires apprécient d’avoir des drapeaux, même s’ils ne sont pas portés par des anciens combattants, sortant leurs décorations sur la poitrine.

M. Jean-Jacques Candelier. Le budget de 2013 diminue de 75 millions d’euros par rapport à celui de 2012, lequel était déjà en baisse de 155 millions par rapport à 2011. En cinq ans, le budget des anciens combattants aura diminué de 447 millions d’euros.

La moyenne d’âge des anciens combattants dépasse les soixante-quinze ans et il reste quelque 3,5 millions d’ayants droit. Compte tenu de la disparition annuelle d’environ 60 000 anciens combattants, il serait possible, en deux ou trois ans, de répondre favorablement aux légitimes revendications du monde combattant.

Je déposerai, en vue de l’examen du budget des anciens combattants le 5 novembre prochain, de nombreux amendements, visant notamment le rattrapage de la valeur du point, la révision de la dotation de l’ONAC, l’égalité de traitement pour la campagne double ou la carte de combattant pour les anciens d’AFN. S’agissant des victimes des essais nucléaires, il conviendrait de réviser la loi, en raison du très faible nombre de personnes officiellement reconnues comme victimes des essais nucléaires : au 15 mai, sur 755 dossiers déposés, seuls 7 vétérans ont été indemnisés. Les critères sont trop restrictifs.

M. Philippe Nauche, président. La commission médicale jugeant en fonction des critères définis dans la loi, il est nécessaire de les réviser.

M. Damien Meslot. La baisse du budget des anciens combattants – 2,4 % – n’est inférieure à celle du nombre d’anciens combattants – 4,4 % – que si on ne tient pas compte de l’inflation. Le budget des anciens combattants est réellement en baisse, ce qui ne saurait nous satisfaire.

Par ailleurs, s’agissant des fautes, évoquées par un représentant de l’ARAC, qui auraient été commises par la France en Algérie, je tiens à souligner mon opposition résolue à toute forme de repentance. Cette façon de récrire l’histoire en opposant d’un côté les bons – les membres du FLN – et, de l’autre, les mauvais – les soldats français – est inadmissible. Je suis fier de l’œuvre accomplie par la France en Algérie et je n’ai aucune envie, je le répète, qu’elle fasse l’objet d’une quelconque repentance. Ce serait s’engager dans un gouffre sans fond.

Il y a des parts d’ombre et de lumière dans l’histoire de chaque pays. La France doit assumer la sienne sans en avoir honte.

Des anciens combattants ont évoqué avec raison le fait que l’enseignement de l’histoire est réduit à la part congrue. La place qui y est donnée à des cultures différentes ne saurait par ailleurs favoriser l’intégration des élèves d’origine étrangère. C’est l’histoire de France qu’il convient de leur enseigner. Les inciter à conserver leur culture, c’est prendre comme modèle l’agrégation de communautarismes aux dépens de l’intégration à la nation française.

Par ailleurs, de nombreuses associations se déplacent dans les collèges et les lycées : les anciens combattants peuvent ainsi transmettre leur expérience, ce qui permet aux jeunes générations de mieux comprendre l’histoire de leur pays à travers des témoignages directs. Les témoins se faisant malheureusement plus rares avec les années, les associations ont-elles réfléchi aux moyens de continuer en l’absence des anciens combattants la transmission de leur expérience ?

M. le général (2s) Jean Kervizic. L’UNC, aux côtés d’autres associations, mène une action en profondeur dans les collèges et les lycées. Nous sommes en relation avec la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives – DMPA – pour lui présenter nos programmes.

M. Alain Clerc. La FNAM accompagne tous les ans quelque 300 classes sur les lieux de mémoire.

Malheureusement, les associations ne reçoivent pas toujours le meilleur accueil de la part des enseignants, qui n’acceptent pas toujours d’emmener leurs classes, alors même que la FNAM finance les actions.

M. Daniel Boisserie. La majorité d’entre vous a conscience de la situation financière du pays : je les en remercie.

Monsieur Gouëllain, quel est le montant de la pension qui est versée aux veuves des très grands invalides ?

M. Jean-Claude Gouëllain. Alors que la loi votée en 1928 accordait aux veuves de guerre une pension fondée sur le taux normal du soldat – indice 500 –, ce n’est qu’en 1994 que les 500points leur ont été attribués.

S’agissant des très grands invalides de guerre, les bénéficiaires de l’article L.18 « tierce personne » du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sont notamment des personnes amputées des quatre membres, des aveugles, des aveugles et amputés, des paraplégiques ou des tétraplégiques, ainsi que des blessés crâniens : leurs soins ayant nécessité la présence constante d’une tierce personne, l’article L. 52-2 du même code prévoit que la pension de leurs veuves, qui ont arrêté toute activité pour s’occuper d’eux, serait majorée des quatre tiers de la pension au taux normal du soldat basé sur l’indice 500. M. Mekachéra, alors qu’il était ministre délégué aux anciens combattants, a uniformément majoré de quinze points les différents taux, ce qui rend quelque peu compliqués les calculs. Les pensions des veuves des très grands invalides, dont le nombre n’atteint pas 3 000, perçoivent aux environs de 1 100 euros par mois.

M. Jacques Goujat. Monsieur le député, vous avez souligné que la plupart d’entre nous avait conscience de la situation financière du pays : c’est que nous sommes des citoyens. Mais, en tant qu’anciens combattants, nous refusons de subir la double peine.

Mme Marie Récalde. Une partie de la Journée défense et citoyenneté (JDC) est consacrée au renforcement du lien entre l’armée et la nation, mais cette journée s’adresse aux jeunes âgés de seize à dix-huit ans. Quelles actions menez-vous auprès des classes primaires ? Il convient de sensibiliser les plus jeunes au devoir de mémoire, notamment en les emmenant aux cérémonies commémoratives qui ont lieu devant les monuments aux morts.

Par ailleurs, qu’avez-vous à nous dire sur la reconversion des militaires et sur les réservistes ?

Enfin, nous serons amenés à nous pencher sur l’épineuse question de la judiciarisation des OPEX. Pour les vingt ans du Commandement des opérations spéciales – COS –, le général Gomart a fait part de ses inquiétudes en la matière. Les OPEX ne sont pas des opérations clandestines mais des opérations militaires spéciales effectuées dans le cadre d’une intervention de la France. Les parlementaires devront aborder cette question du point de vue du droit international.

M. le général (2s) Jean Kervizic. Madame la députée, les actions de l’UNC sont déjà prioritairement tournées vers les élèves des classes primaires,

M. André Fillère. L’ONAC joue un rôle important en la matière, notamment au travers du concours qu’il organise dans les CM1 et CM2 sur les petits artistes de la mémoire pour la guerre 14-18.

Monsieur Meslot a évoqué la repentance : ce n’est pas la question que j’ai posée. La guerre d’Algérie est finie depuis cinquante ans. Elle a été reconnue officiellement en 1999 mais nous sommes toujours sous un régime de cessez-le-feu. N’est-il pas temps de signer un véritable traité de paix, de coopération et d’amitié avec l’Algérie ?

M. Laurent Attar-Bayrou. Les États-Unis et le Canada ont la volonté politique d’enseigner la citoyenneté. La France pourrait s’inspirer de cette politique volontariste, notamment à travers l’adoption d’un texte par le Parlement.

Il convient également d’intéresser nos concitoyens aux cérémonies commémoratives en les rendant moins hermétiques, plus didactiques.

Il existe deux types de réservistes : le réserviste citoyen et le réserviste opérationnel. Le réserviste citoyen sert la nation de manière désintéressée dans les trois armées ou la gendarmerie. Il est parfois difficile de lui trouver une mission adéquate. Une politique volontariste en leur direction serait également la bienvenue.

Tout militaire qui sort de l’armée devient réserviste opérationnel : il doit cinq ans à la nation. Certains quittent l’uniforme pour se retrouver une semaine plus tard au même poste en tant que réserviste. Redevenus civils, ils rencontrent trop souvent des difficultés pour concilier la réserve opérationnelle et l’exercice de leur activité professionnelle. Que fera un dentiste de ses patients lorsqu’il part en mission pour un mois ? C’est assurément plus facile pour les fonctionnaires. Il conviendrait d’adapter le système afin de permettre de partir à tous ceux qui en ont la volonté. Se pose également la question de l’entraînement et de l’équipement des réservistes en période de restriction budgétaire. Espérons que le futur Livre blanc aborde le sujet.

Quant à la reconversion, il existe, je le répète, un formidable instrument, l’ONAC. Il est de la responsabilité des parlementaires de valoriser cet outil, dont le développement serait préférable à l’envoi des militaires dans des centres de formation pour adultes – CFPA –, où ils ne sont pas toujours bien accueillis. Il convient de reconvertir 15 000 militaires par an : c’est donc un enjeu important.

M. le général (2s) Henri Pinard Legry. Quelle suite sera donnée aux déclarations du candidat François Hollande du 11 mars 2012 ?

M. Philippe Nauche, président. Votre question lui sera transmise.

M. Philippe Meunier. Si l’actuelle majorité choisit, conformément à la proposition de loi déposée au Sénat, le 19 mars comme date officielle de la fin de la guerre d’Algérie, je serai bien forcé de me rendre devant les monuments aux morts ce jour-là. Mais, cette proposition risque d’ouvrir la boîte de Pandore.

En effet, à tous ceux qui souhaitent un traité d’amitié entre la France et l’Algérie, je suis dans l’obligation de dire que, lorsque je m’exprimerai le 19 mars, je rappellerai le massacre, après cette date, de dizaines de milliers de harkis et celui de milliers de pieds-noirs, à Oran notamment, mais pas seulement, sans compter des viols innombrables de femmes. Le choix du 19 mars ne permettra pas de refermer les plaies entre nos deux pays, bien au contraire.

Je rappelle également que cette date ne concorde pas avec celle qui est retenue pour l’attribution de la carte du combattant. Il faudrait tout de même veiller à assurer un minimum de cohérence !

M. Philippe Nauche, président. Il ne saurait être question d’ouvrir aujourd'hui le débat sur le choix de la date commémorant officiellement la fin de la guerre d’Algérie – 19 mars ou 5 décembre –, même si je comprends que les commissaires souhaitent s’exprimer sur le sujet.

M. Michel Voisin. Je tiens à rappeler que la loi sur la professionnalisation des armées, votée en 1996 et dont j’étais le rapporteur, prévoit l’obligation d’enseigner la défense dans les établissements scolaires. Or cette disposition n’a jamais été appliquée. De même le rapport au Parlement sur l’exécution de cette disposition, également prévu dans la loi et qui devait être rendu par l’Education nationale, ne l’a jamais été. Serait-ce trop demander à l’Education nationale que d’appliquer la loi ?

Je rappellerai par ailleurs que de nombreux conflits sont toujours en attente de traités de paix.

Enfin, des parlementaires se sont regroupés dans une antenne de l’Association France-Turquoise pour défendre l’action de l’armée française au Rwanda. Je fais partie de ceux-là.

M. Joaquim Pueyo. La loi sur le 11-Novembre vise à commémorer tous les morts pour la France. Or, dans de nombreuses communes, il n’y a plus de cérémonie, même le 11 novembre. Et lorsqu’il y en a, il y a souvent fort peu de monde. Quelle action mener pour attirer un public plus nombreux ?

S’agissant de la repentance, il faut laisser les historiens faire leur travail de manière objective. C’est ainsi que les mutineries de la Première Guerre mondiale ont fait l’objet de thèses contradictoires. Ensuite, on peut tirer les conséquences des faits.

Si le devoir de mémoire est assuré de manière satisfaisante dans les établissements scolaires – je pense notamment au concours de la résistance –, il faut néanmoins remettre en valeur l’histoire dont l’enseignement est fondamental pour réconcilier les jeunes avec la nation. Je regrette que le précédent gouvernement l’ait supprimée en terminale scientifique.

M. Jacques Goujat. Au nom de l’UFAC, je tiens à réaffirmer qu’il est bien tôt, compte tenu du nombre encore important d’acteurs vivants, pour instaurer un jour unique de commémoration sur le modèle du Memorial Day américain. Qui ira annoncer aux organisations de déportés la suppression de leur journée nationale, le dernier dimanche d’avril, au bénéfice d’un Memorial Day à la française ? Qui ira faire la même annonce aux anciens d’Indochine, alors qu’ils n’ont obtenu que récemment la création d’une journée nationale ? Ne précipitons pas le mouvement. Nous sommes au carrefour du témoignage et de l’histoire. C’est pourquoi la loi qui fait du 11-Novembre un jour d’hommage à l’ensemble de ceux qui sont « morts pour la France » a prévu, via l’adoption d’un amendement, le maintien de l’ensemble des dates inscrites au calendrier officiel. C’est ce que l’UFAC souhaitait.

M. le général (2s) Jean Kervizic. L’UNC a la même approche. Il n’a jamais été question que le 11-Novembre remplace les autres dates du calendrier officiel.

La défection autour des monuments aux morts pose en revanche un vrai problème. C’est au plan local que l’action doit être menée par l’équipe municipale en liaison avec les enseignants. Des classes entières viennent, chaque soir, avec leurs enseignants, s’incliner sur la tombe du Soldat inconnu, sous l’Arc de Triomphe, lorsque la flamme est ranimée à dix-huit heures trente. C’est de cette façon que sera préservée la mémoire du monde combattant.

M. Joaquim Pueyo. Les cérémonies du 11-Novembre et du 8-Mai sont emblématiques. Il est plus difficile d’organiser les autres cérémonies.

Il serait bien d’ouvrir la charge de porte-drapeaux à des réservistes ou à des jeunes. Un travail d’information est à mener sur le sujet.

M. Jacques Goujat. Chaque année, plus de 10 000 enfants viennent s’incliner sur la tombe du Soldat inconnu, à l’Étoile. Ils en gardent un souvenir inoubliable.

Les associations d’anciens combattants doivent trouver les solutions les plus adaptées en liaison avec les collectivités locales.

M. Philippe Nauche, président. Je vous remercie, messieurs les représentants des associations d’anciens combattants.

La séance est levée à onze heures.

La séance est levée à onze heures.

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Membres présents ou excusés

Présents. – M. François André, M. Olivier Audibert Troin, M. Jean-Pierre Barbier, M. Nicolas Bays, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Laurent Cathala, Mme Nathalie Chabanne, M. Guy Chambefort, M. Alain Chrétien, Mme Catherine Coutelle, M. Richard Ferrand, M. Jean-Pierre Fougerat, M. Yves Foulon, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, Mme Geneviève Gosselin, M. Jean-Claude Gouget, Mme Edith Gueugneau, M. Francis Hillmeyer, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Patrick Labaune, M. Marc Laffineur, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Christophe Léonard, M. Maurice Leroy, M. Jean-Pierre Maggi, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, M. Philippe Nauche, Mme Sylvie Pichot, Mme Émilienne Poumirol, Mme Daphna Poznanski-Benhamou, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin, Mme Paola Zanetti

Excusés – Mme Patricia Adam, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-David Ciot, M. Christophe Guilloteau, M. Éric Jalton, M. Bruno Le Roux, M. Alain Marty, M. François de Rugy