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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 27 novembre 2012

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 26

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

—Audition de M. Francis Delon, Secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale, sur le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze

Mme la présidente Patricia Adam. Je suis heureuse d’accueillir aujourd’hui, dans le cadre de nos auditions sur le Livre blanc, Francis Delon, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. C’est un des grands acteurs de la commission chargée de préparer le nouveau Livre blanc et l’un des rares à avoir participé également à la rédaction du précédent.

Monsieur le Secrétaire général, la Commission de la défense avait déjà eu le plaisir de vous auditionner lors de la précédente législature, le 7 décembre 2011. Quelques semaines plus tard, et à la demande de Nicolas Sarkozy, le SGDSN avait publié un document préparatoire portant actualisation de l’analyse stratégique sur laquelle avait été basé le Livre blanc de 2008. Mais notre commission n’avait pu vous entendre à nouveau sur ce document du fait de l’interruption de nos travaux pendant la campagne électorale.

Aujourd’hui, la Commission de la défense compte de nouveaux parlementaires et a déjà beaucoup travaillé sur le Livre blanc, dans la perspective de la future loi de programmation militaire (LPM). Des missions d’information se mettent également en place. Votre audition nous permettra de mieux appréhender encore les enjeux du nouveau Livre blanc et de la prochaine LPM.

M. Francis Delon, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. J’étais effectivement venu fin 2011, sous la précédente législature, pour vous tenir informés du document qui était alors en préparation.

Je vous remercie aujourd’hui de votre invitation à venir m’exprimer devant votre Commission pour évoquer notre environnement stratégique et vous faire part des réflexions que m’inspirent les travaux d’élaboration du Livre blanc actuellement en cours. J’espère que cela vous permettra d’avoir une vision qui dépassera le cadre strictement militaire.

La précédente édition du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale date de 2008 et avait recommandé une actualisation tous les quatre ans. Il s’agissait d’éviter que ne se reproduise le vide de treize ans qui avait séparé la publication antérieure de 1994 et le début , en 2007, des travaux d’élaboration du Livre blanc de 2008. Je rappelle que le Livre blanc de 1994 avait été élaboré à la veille de la professionnalisation et que sa péremption avait donc été assez rapide. Du reste, tous les grands pays font en sorte que le document correspondant à notre Livre blanc soit régulièrement réactualisé.

Je tiens à vous préciser que mon propos aura deux limites : la première tient à la confidentialité qui engage les membres de la commission vis-à-vis des travaux en cours ; la seconde, qui est un peu son corollaire, tient à la prudence qu’il convient de garder dans la mesure où la commission n’a pas encore achevé son travail.

Comme vous l’avez dit, madame la présidente, votre commission compte une majorité de nouveaux membres depuis les dernières élections, ce qui m’incite à débuter mon propos par une présentation rapide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, et de ses missions.

Le code de la défense me fixe deux missions : assurer le secrétariat du Conseil de défense et de sécurité nationale, que préside le chef de l’État, et assister le Premier ministre dans l’exercice de ses responsabilités en matière de défense et de sécurité nationale.

S’agissant du secrétariat du Conseil de défense et de sécurité nationale, je précise que cette instance est compétente pour toutes les questions de défense et de sécurité, qu’il s’agisse de la programmation militaire, de la politique de dissuasion, de la programmation de sécurité intérieure, de la sécurité économique et énergétique, de la lutte contre le terrorisme ou de la planification de réponse aux crises.

Je précise également que le Conseil de défense et de sécurité nationale comporte deux formations spécialisées qui traitent de sujets spécifiques avec une composition adaptée : d’une part, le Conseil des armements nucléaires, qui, comme son nom l’indique, traite des questions de dissuasion et, d’autre part, le Conseil national du renseignement, qui ne s’est réuni qu’une fois. Or ce Conseil a vocation à se réunir de façon plus régulière.

Les autorités politiques peuvent solliciter le SGDSN pour tout ce qui a trait de manière large à la sécurité et à la défense. Un grand nombre de sujets ressortent naturellement du fonctionnement des ministères qui portent chacun les problématiques de sécurité et de défense. Parmi eux, la sécurité des systèmes d’information pour laquelle l’ANSSI, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, agence rattachée au SGDSN depuis sa création en 2009, joue un rôle éminent.

Au bilan, je constate qu’il est d’autant plus fait appel au SGDSN que le dossier est transverse et peu consensuel, qu’il est complexe et qu’il s’inscrit dans la durée, rendant impossible sa prise en charge quotidienne directe par le cabinet du Premier ministre ou par les conseillers de l’Élysée.

Le SGDSN est donc une organisation qui couvre un large spectre de questions relatives à la défense et à la sécurité au sens large. À ce titre, je souhaite maintenant évoquer devant vous la stratégie de sécurité nationale qui constitue – comme en 2008 – le cadre dans lequel se déroulent les travaux de la commission du Livre blanc.

La stratégie de sécurité nationale demeure le cadre structurant de notre politique de défense et de sécurité. Ses finalités sont de défendre la population et le territoire, de contribuer à la sécurité internationale et de défendre les valeurs du pacte républicain. À cet énoncé, vous comprendrez que l’ensemble des politiques publiques y concourt.

Cette stratégie se structure autour de trois principes : un principe d’anticipation et de réactivité ; le concept dit de « résilience » ; l’idée d’une capacité de montée en puissance activable en cas de besoin, c’est-à-dire en cas de crise.

Je souhaite m’arrêter quelques instants sur le concept de résilience qui a été défini dans le Livre blanc de 2008 et qui était très novateur.

La stratégie de sécurité nationale intègre l’objectif de résilience globale des pouvoirs publics, mais aussi de la société dans son ensemble. Concrètement, cela signifie que notre stratégie prend en compte de manière permanente des hypothèses du temps de crise, vise le renforcement de nos capacités de réaction en les rendant plus rapides et étendues, prévoit des mesures d’information et d’alerte de la population en cas de crise, et implique l’ensemble des acteurs de la société, les collectivités territoriales, les opérateurs et bien entendu la population. C’est sur ce dernier point que nous sommes les plus faibles. Il faut y travailler, ce que nous nous employons à faire au sein de la commission du Livre blanc.

Au-delà de ce cadre national, notre politique de défense et de sécurité doit se décliner dans un contexte stratégique international dont les éléments doivent nécessairement être pris en compte.

L’analyse stratégique conduite en 2008, puis actualisée en 2011, est largement confirmée. Le Livre blanc, document structurant pour notre politique de défense et de sécurité nationale, repose sur une analyse du contexte stratégique dans lequel la France évolue. Afin de faciliter, sur ce point, la tâche de la commission chargée de l’actualiser, il a été décidé, en 2011, d’anticiper le travail de 2012. Pour « planter le décor », le SGDSN a publié en début d’année un document d’actualisation du contexte stratégique, dont je suis d’ailleurs venu présenter les grandes lignes devant votre commission, il y a un an environ, et que je peux vous communiquer aujourd’hui.

Les travaux de la commission du Livre blanc confirment que l’analyse conduite en 2008 reste pertinente à maints égards : la mondialisation reste un paramètre central de la donne stratégique mondiale, il a même pris davantage d’importance encore ; les vulnérabilités nouvelles pour le territoire et les citoyens européens identifiées en 2008 demeurent, en particulier s’agissant du terrorisme, des attaques cyber et des risques naturels et technologiques ; l’idée d’une continuité sécurité intérieure-sécurité extérieure et de l’interconnexion croissante des menaces et des risques n’est pas remise en question.

De la même manière, les éléments d’actualisation du panorama stratégique mis en avant dans le document du SGDSN publié en février dernier sont toujours d’actualité : la reconfiguration de l’équilibre des puissances s’accélère sous l’effet de la crise économique et financière. En particulier, on observe une consolidation de la dynamique chinoise et l’affirmation de nouvelles puissances – Inde, Brésil. La Méditerranée et le Moyen-Orient, zones d’intérêt essentiel pour la France et pour l’Europe, restent le théâtre d’une rupture qui modifie profondément le paysage stratégique, notamment du fait des incertitudes liées aux révolutions arabes. Celles-ci ont constitué un élément de surprise stratégique. Le rééquilibrage du positionnement américain se poursuit dans sa dynamique asiatique – le fameux pivot asiatique, qui a des conséquences pour l’Europe – et la suprématie militaire des États-Unis ne paraît pas remise en cause, en dépit de la montée en puissance de la Chine, au moins jusqu’à l’horizon 2025. Sur la menace terroriste, enfin, nous avions constaté au début de l’année et du fait de la mort de son leader, un affaiblissement de ce que les spécialistes appellent Al-qaïda centrale, ce mouvement piloté en direct par Ben Laden, qui constituait la tête de l’hydre terroriste jihadiste et dont le centre se trouvait dans la zone afghano-pakistanaise. La menace terroriste n’a pas pour autant disparu, bien au contraire. Elle s’est transformée, elle s’est déconcentrée. Et ce phénomène a rapproché la menace de notre pays, comme en témoigne ce qui se passe au Sahel.

Depuis le début de 2012, plusieurs éléments supplémentaires sont apparus qui pourraient constituer des facteurs d’infléchissement de notre politique de défense et de sécurité nationale. Tout d’abord, la situation dans le nord du Mali pose la question de l’existence d’un nouveau sanctuaire terroriste aux portes de l’Europe dans la région sahélienne. En dépit de la mobilisation internationale, largement portée d’ailleurs par le Président de la République et par la France, ce phénomène risque malheureusement de durer et sera évoqué au sein de la commission du Livre blanc. Ensuite, les attaques informatiques se multiplient et mettent à jour nos vulnérabilités. Enfin, les conclusions du rapport Védrine, qui décrit les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, l’avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l’Europe de la défense, devront être intégrées à la réflexion de la commission. Je rappelle que le Président de la République a demandé qu’un travail particulier soit fait sur les perspectives de consolidation et de développement de l’Europe de la défense. Le cadre de notre stratégie ayant été posé, le contexte international dans lequel elle s’inscrit ayant été décrit, je souhaite à présent attirer votre attention sur trois points particuliers qui revêtent à mes yeux une importance singulière : l’organisation de l’État en matière de gestion de crise ; l’adaptation du dispositif de renseignement ; le renforcement de la cybersécurité.

Dans le domaine de l’organisation de l’État, il convient de consolider le dispositif de gestion des crises majeures qui permet au Premier ministre d’assurer la direction politique et stratégique face aux événements.

Plusieurs mesures sont souhaitables de ce point de vue. Il faut d’abord renforcer la cellule interministérielle de crise, en particulier au niveau des capacités de veille et d’anticipation. Cette cellule, qui a été créée voilà quelques années, a désormais un point d’appui semi-permanent Place Beauvau, puisqu’on considère qu’il appartient en principe au ministre de l’intérieur de gérer les crises qui se produisent sur le territoire. Il importe néanmoins de continuer à aller de l’avant. La deuxième mesure vise donc, au sein des chaînes mises en place pour la gestion de crise dans les différents ministères, à poursuivre et à accroître la politique de professionnalisation des acteurs de la gestion de crise. Le SGDSN a agi en ce sens afin précisément que les représentants des différents ministères – pas seulement l’intérieur et la défense – soient sensibilisés à ces problématiques, et donc en mesure d’être plus efficaces encore lorsque la crise survient. Il faut enfin étendre la démarche capacitaire, qui est bien connue au ministère de la défense, à la fois aux ministères civils et au niveau territorial afin que l’on sache plus clairement quelles sont les capacités civiles sur lesquelles la nation peut compter pour intervenir. Ce n’est pas facile compte tenu des blocages culturels mais nous avons intérêt à poursuivre sur cette voie. L’ensemble de l’État y gagnerait et cela pourrait faire naître certaines synergies entre les moyens de la défense, les moyens civils et ceux des collectivités territoriales, dont le rôle est très important en matière de gestion de crise.

En parallèle, il apparaît opportun de poursuivre le travail d’adaptation de la planification gouvernementale afin d’y ajouter un volet relatif à l’information des populations. Il faut réviser les directives nationales de sécurité, qui ont vocation à déterminer, secteur par secteur, les grandes règles de conduite à appliquer.

S’agissant du renseignement, je serai très prudent dans mon propos. La commission du Livre blanc examine plusieurs pistes pour améliorer le dispositif. D’abord, le renforcement du cadre juridique du dispositif national de renseignement est envisagé afin de mieux encadrer l’activité des services et renforcer leur contrôle. Sur ce point, une réflexion sur le rôle que pourrait jouer la délégation parlementaire au renseignement est engagée. Ensuite, en matière de coordination de l’action des services, le rôle du coordonnateur, poste dont la création a été utile, pourrait être conforté dans le cadre de la mise en œuvre des décisions du Conseil national du renseignement. Enfin, en matière de ressources humaines, une plus grande mobilité des agents entre les services aiderait à consolider la « communauté du renseignement », que nous nous sommes efforcés de promouvoir depuis 2008. L’Académie du renseignement, créée il y a quelques années, joue un rôle positif à cet égard. Il faut poursuivre en ce sens même si des différences culturelles – parfois justifiées – persistent au sein des différents services. Il faut en effet tenir compte des spécificités propres à chacun des services, qu’il faut protéger sous peine d’affaiblir notre capacité de renseignement. Un militaire de la Direction du renseignement militaire a des compétences qu’un policier de la Direction centrale du renseignement intérieur n’a pas, et vice versa.

Enfin, alors qu’en ce moment même plusieurs entreprises françaises appartenant aux secteurs les plus stratégiques sont probablement victimes d’opérations de cyber-espionnage, je voudrais devant vous insister sur l’absolue exigence de renforcer notre sécurité informatique.

Le Livre blanc de 2008 a érigé, à juste titre, la cybermenace en menace stratégique. Depuis, la montée en puissance de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, qui a été rattachée au SGDSN en 2009, a permis la définition d’une politique nationale de sécurité des systèmes d’information et sa mise en œuvre.

Grâce aux capacités de détection des attaques cybernétiques mises en place fin 2010 par l’ANSSI, nous ne cessons de découvrir l’ampleur des actions de cyberespionnage conduites contre nos intérêts. L’année dernière, il y a ainsi eu des communications sur les attaques menées contre le ministère des finances et contre Areva. Ces attaques d’une très grande ampleur ont permis à leurs auteurs d’extraire des réseaux informatiques, sorte de coffres-forts virtuels, des renseignements parfois stratégiques. De telles actions sont de nature à affaiblir l’État dans les négociations internationales et à porter préjudice à nos entreprises dans la compétition économique. En outre, il faut désormais faire face à une autre cybermenace : le sabotage par le biais d’attaques informatiques. Le passé récent nous a permis d’observer plusieurs illustrations de ce nouveau mode d’action. Ainsi, l’attaque menée en 2010 contre le site iranien d’enrichissement d’Uranium de Natanz a confirmé qu’il était possible de détruire des installations industrielles par des moyens informatiques. Un virus appelé Stuxnet avait été injecté dans les réseaux informatiques du centre. Il avait la particularité de faire tourner trop vite – et donc de casser à terme – les centrifugeuses iraniennes sans que les dispositifs de contrôle ne donnent l’alerte. En l’occurrence, cela a permis de retarder le programme nucléaire iranien… En août dernier, en quelques minutes, la société saoudienne Aramco, premier producteur mondial de pétrole, a perdu 90 % de son parc informatique - bureautique, heureusement. Notre vulnérabilité vis-à-vis de ce type d’attaques est réelle.

Dans ce contexte, la première chose à faire est de poursuivre ce que nous avons commencé. Ainsi, il faut poursuivre la montée en puissance de l’ANSSI pour l’amener au niveau de nos partenaires britanniques et allemands. À cet égard, je précise que l’ANSSI compte à ce jour 236 agents alors que son homologue allemand en compte 550 pour un périmètre de missions moins étendu et que le service britannique équivalent est armé par 700 personnes. Sur le plan budgétaire, nous sommes également nettement au-dessous de ce que font nos partenaires allemands et britanniques même si nous avons redressé la barre au regard du passé.

Il faut donc aller plus loin avec plusieurs mesures ambitieuses, certes contraignantes pour les entreprises mais sans doute acceptables et nécessaires. Ainsi, il me semble souhaitable d’aider tout d’abord les opérateurs d’importance vitale à se doter de moyens de détection d’incidents et d’attaques informatiques labellisés par l’État, d’obliger ensuite ces opérateurs à faire auditer régulièrement la sécurité informatique de leurs systèmes critiques par des prestataires labellisés et à tenir les résultats à disposition des autorités, de faire obligation par ailleurs de déclarer les incidents informatiques, aujourd’hui trop souvent passés sous silence, de soumettre enfin les opérateurs d’importance vitale à des dispositions exceptionnelles en cas de crise grave. Dans de telles circonstances, il faut en effet avoir un pilotage central pour réagir de manière efficace et rapide. Au sein de l’État, c’est l’ANSSI qui prend la main sur tous les ministères en tant qu’autorité de défense des systèmes d’information.

En complément de ces mesures, je suis d’avis que le Livre blanc aborde trois autres points : le renforcement des cursus de formation relatifs à la cybersécurité; le maintien d’une industrie européenne de technologies et d’équipements de télécommunications afin d’échapper à la stratégie d’éviction menée dans ce domaine par certaines puissances étrangères ; le rôle des capacités de renseignement en matière de cyberdéfense en tant que composante essentielle de notre stratégie.

Pour conclure, je dirai que le Livre blanc sur lequel nous travaillons est une contribution majeure à la politique gouvernementale de la défense et de la sécurité. Le travail fourni restera à l’arbitrage du pouvoir politique autour des trois enjeux majeurs suivants : l’ambition de la France pour elle-même, pour l’Europe, pour son statut international en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU ; les missions des armées et des forces de sécurité intérieures ; l’investissement et les niveaux d’engagement consacrés par les différents ministères contributeurs à ces questions.

Sur ce dernier point, je voudrais rappeler que les dépenses de défense et de sécurité comportent une dimension stratégique. On note à cet égard la diminution en valeurs relative et absolue de l’effort de défense des pays européens par rapport aux États-Unis et aux pays émergents, alors même que l’industrie de défense constitue un outil de politique industrielle sélective et ciblée. Dans notre pays, 4 000 entreprises emploient 165 000 personnes dans ce secteur fortement exportateur et génèrent 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, dont un tiers est réalisé à l’exportation.

M. Yves Fromion. Monsieur le Secrétaire général, François Hollande, dans la lettre qu’il a adressée à Jean-Marie Guéhenno, a évoqué la relance de l’Europe de la défense. Qu’envisage de proposer le Livre blanc à cet égard, étant entendu que, depuis la parution du précédent Livre blanc, a été adopté le traité de Lisbonne qui comporte un certain nombre de dispositions importantes en matière de PSDC ? La presse a récemment relayé une initiative du Pentagone visant à créer une internationale des forces spéciales. Il semble que cette proposition ait reçu un écho favorable au plus haut niveau de responsabilité en France et que des discussions seraient d’ores et déjà engagées. N’est-il pas surprenant que rien de tel n’ait été entrepris au niveau de l’Europe de la défense, alors que les forces spéciales européennes travaillent souvent ensemble et bénéficient du même type d’équipement ? Comment faire avancer l’Europe de la défense à travers les propositions françaises ?

M. Joaquim Pueyo. Merci, monsieur le Secrétaire général, pour votre exposé. Dans vos recommandations concernant les risques, vous n’avez pas évoqué cependant la prolifération nucléaire. Or depuis la parution du dernier Livre blanc, ces risques ont encore grandi, s’agissant notamment de l’Iran et de la Corée du Nord. La première a continué à violer les résolutions du Conseil de sécurité sous couvert d’un programme prétendument civil. Quant à la seconde, elle s’apprête à procéder à un nouvel essai de tir de missile de longue portée. Quelle stratégie le Livre blanc doit-il fixer pour répondre à la menace balistique que peut faire peser l’Iran, et, dans une moindre mesure, la Corée du Nord ?

M. Francis Delon. Le Président de la République a effectivement insisté sur l’Europe de la défense dans sa lettre à la commission du Livre blanc. Ce sujet est au centre de nos discussions. Un groupe de travail a même axé une bonne partie de ses réflexions sur ce thème. En outre, le rapport remis par Hubert Védrine évoque aussi ce point. Attendez-vous donc à ce que des choses précises sur l’Europe de la défense sortent du Livre blanc. Je n’en dirai pas plus à ce stade de nos travaux. Mais j’ai bien noté ce que vous avez dit, monsieur Fromion, à propos des forces spéciales. Pourquoi ne pas imaginer une initiative comme celle-là au niveau européen ? L’idée est intéressante.

Je n’ai effectivement pas parlé de la prolifération dans mon exposé mais il en est beaucoup question dans le document portant sur l’environnement stratégique. Les choses se sont aggravées depuis 2008 s’agissant de l’Iran, qui a continué à enrichir de l’Uranium. Nous avons découvert un nouveau site clandestin à Fordo. L’Iran prétend toujours que son programme est à vocation civile, mais le fait que le site soit clandestin laisse peu de doute sur son objectif. Et on ne voit pas très bien à quoi pourrait servir l’enrichissement d’Uranium pratiqué à si grande échelle. Sur ce sujet de très grande attention, vous trouverez des éléments dans le Livre blanc de 2012.

Quant à la politique de la France, il y a une continuité à cet égard. Nous faisons partie du petit groupe des pays qui négocient avec l’Iran et essaient de trouver une solution diplomatique à la crise, en utilisant l’arme des sanctions.

Sur la menace balistique, vous avez raison de dire qu’elle émane plus d’Iran que de Corée du Nord, pour des raisons évidentes de géographie. On peut observer que, depuis 2008, les capacités balistiques de l’Iran n’ont pas progressé au même pas que ses capacités nucléaires. C’est cette menace iranienne qui a motivé, au sein de l’OTAN, le débat et les décisions qui ont été prises sur la défense antimissile. Nous nous sommes engagés dans cette démarche avec beaucoup de précautions de façon à éviter que notre dissuasion ne soit affaiblie, que nous ne soyons entraînés sur le plan financier dans une aventure insupportable au regard de nos exigences en matière d’outil de défense, et, enfin, que ne s’ouvre, à travers ce débat, un front inutile avec la Russie. Celle-ci continue en effet à dire que la défense antimissile bâtie dans le cadre de l’OTAN met en cause sa force de dissuasion et touche donc à l’équilibre stratégique.

M. Daniel Boisserie. L’Europe de la défense, c’est aussi la sécurité aux frontières de l’Europe. M’étant rendu récemment dans les Balkans, j’ai pu constater que cette frontière était une véritable passoire et qu’on redoutait sur place le passage de terroristes. La commission travaille-t-elle sur ce thème, qui peut prendre encore de l’importance compte tenu de ce qui se passe au Mali ?

Sur la crise civile, on s’en souvient, la France s’est retrouvée totalement désorganisée après la tempête de fin 1999. Les liaisons téléphoniques étant coupées, nous avons fait office de coordonnateurs. Vous avez parlé d’un coordonnateur national : ne pensez-vous pas qu’il faut réformer profondément le dispositif ? Certes, il y a le plan de prévention des risques. Mais ce n’est sans doute pas suffisant.

M. Philippe Folliot. Une remarque tout d’abord : pourquoi prendre des précautions oratoires lorsqu’il est question de la Chine ? Certes, c’est un grand pays. Mais c’est aussi une menace potentielle – on constate qu’il se réarme. Cette autocensure n’est-elle pas gênante ? Dénoncer une réalité, ce n’est pas agresser. Nous ne prenons pas ce type de précaution pour l’Iran ou la Corée du Nord.

Par ailleurs, à vous entendre, on a le sentiment que la France est seulement une puissance européenne et continentale. Tous les éléments relatifs à l’outre-mer, à notre domaine maritime sont occultés. J’espère que cela ne préfigure pas le contenu du Livre blanc… Il ne faut pas oublier la dimension ultra-marine de notre pays. Nous sommes la seule puissance « démocratique » à être présente sur trois océans et quatre continents. Cela ne peut pas être sans conséquence en matière de sécurité et de défense. Il n’est qu’à voir ce qui se passe en Mer de Chine avec les îlots Senkaku ! Demain, dans le sud de l’Océan indien, dans le Pacifique, on pourrait se retrouver confrontés au même problème. Comment pourrions-nous y répondre ? Une telle menace est-elle prise en compte dans le Livre blanc ?

Vous avez dit, enfin, qu’il serait bon que l’État mutualise les moyens notamment de la défense et de la sécurité civile pour répondre à certains besoins. Or une telle orientation est particulièrement souhaitable dans les territoires, départements et collectivités d’outre-mer.

M. Francis Delon. Oui, monsieur Boisserie, la sécurité aux frontières de l’Europe c’est important. Simplement, nous avons prévu, au niveau européen, un partage des tâches. Cela ne signifie pas que nous nous désintéressons de ce sujet central au regard de la lutte contre le terrorisme ou l’immigration clandestine. Cela étant, le SGDSN ne travaille pas spécifiquement sur ce point.

Pour ce qui est des catastrophes naturelles, je partage vos remarques : c’est un enjeu majeur. La protection contre les risques naturels est dans le champ de nos réflexions. Nous avons essayé de tirer les leçons de la tempête Xynthia au niveau interministériel, au SGDSN. Nous avons notamment examiné dans le détail comment s’articulaient toutes les problématiques de réseaux de communication. Il faut avoir à l’esprit, à cet égard, que plus on modernise les moyens de communication, en développant par exemple la voix sur IP, plus ces communications sont fragilisées : s’il n’y a plus d’électricité, il n’y a plus de communication. Comme nous avons pu le constater à l’occasion de la crise AZF, il est important que l’État dispose de moyens plus robustes pour faire face à de telles situations.

Le rôle de coordonnateur est joué par la cellule de crise. En cas de crise, le Premier ministre désigne un ministre – généralement le ministre de l’intérieur – qui a la responsabilité de mettre autour de la table toutes les parties prenantes. . Mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Un groupe de travail de la commission traite de ces questions. En tout état de cause, je partage votre sentiment sur la nécessité qu’il faut faire plus en matière de gestion de crise en cas de catastrophe naturelle.

Sur la Chine, monsieur Folliot, je suis prudent pour deux raisons. D’abord, parce que, dans le domaine de la sécurité des systèmes d’information, l’attribution des attaques est très délicate. On peut très rarement la faire avec certitude. Tous les pays sont extrêmement prudents lorsqu’ils désignent un attaquant. Ni les Américains, ni les Allemands, ni les Anglais ne le font. Cela étant, on peut avoir des convictions à partir d’un faisceau d’éléments. Ensuite, s’agissant par exemple des équipementiers, nous sommes dans un domaine de compétition économique où les intérêts sont croisés.

Sur l’outre-mer, ce n’est pas parce que je n’en ai pas parlé que le sujet est ignoré. On a beaucoup reproché au Livre blanc de 2008 d’avoir été un peu court sur l’outre-mer. Celui de 2012 sera beaucoup plus développé à cet égard. Nous avons d’ailleurs procédé à de nombreuses auditions en la matière. Vous avez raison, c’est là que s’exprime le mieux la nécessité d’une continuité entre les moyens civils et les moyens militaires, la nécessité d’être parfaitement coordonnés pour faire face à la crise. C’est souvent dans les départements et territoires d’outre-mer que se produisent en effet les grandes catastrophes naturelles. Ce sujet est important également au regard de la sécurité nationale. Je pense par exemple à l’immigration clandestine et à l’orpaillage sauvage en Guyane. J’espère que vous ne serez pas déçu lorsque vous lirez le Livre blanc 2012.

M. Alain Chrétien. Monsieur le Secrétaire général, vous avez expliqué que l’ANSSI avait été rattachée au Secrétariat général en 2009. Quel type de relations existe-t-il entre les deux institutions ? Est-ce un rapport purement hiérarchique ? Ou plutôt fonctionnel ?

Sur la thématique économique, la semaine dernière, certains industriels ont évoqué leurs difficultés en matière de licences d’exportation. Ils ont déploré une certaine longueur dans l’instruction des dossiers et souligné que les Américains étaient beaucoup plus rapides pour attribuer les licences. Comment tout cela fonctionne-t-il ? Est-il possible d’améliorer le système, le cas échéant ?

M. Jean-Jacques Candelier. Je serai un peu provocateur et vous n’êtes pas obligé de me répondre, monsieur le Secrétaire général.

Le Livre blanc vise à mettre en exergue les menaces qui peuvent mettre en péril la vie de la population, l’indépendance de la nation ou le fonctionnement de l’économie, a dit François Hollande. Dans le cadre de l’actualisation prévue, allez-vous mettre fin à la notion d’ennemi intérieur ? Celle-ci est en effet sujette à caution. Peut-on considérer par exemple que M. Mittal est un ennemi intérieur ? Quid des travailleurs qui bloquent des sites de production, pour défendre leurs intérêts ou ceux de la nation ?

M. Francis Delon. Jusqu’en 2009, les questions de sécurité des systèmes d’information étaient traitées au sein du SGDSN. J’ai proposé la création et la montée en puissance de l’ANSSI parce que j’estimais qu’il était nécessaire de disposer de moyens très supérieurs. Un service à compétence nationale a donc été créé, rattaché au SGDSN, et donc au Premier ministre. Le Gouvernement a fait le choix d’une capacité centralisée de défense contre les cybermenaces. Cela marche bien. Bien sûr, l’ANSSI ne fait pas tout et elle a en quelque sorte des relais dans chaque ministère. Mais c’est la tête de pont. Elle s’occupe ainsi de détecter les attaques à partir de sondes placées dans les différents ministères qui permettent de vérifier si quelque chose d’anormal se produit. Elle a également pris des initiatives en direction des entreprises pour développer ce qu’on appelle « l’hygiène informatique » ; ce sont les règles de base qui permettent d’éviter une trop grande vulnérabilité face aux attaques.

S’agissant des exportations d’armement, la règle applicable en France, depuis 1936, est qu’il est interdit de vendre des armes sauf si on y est autorisé. Le Premier ministre, au nom du Gouvernement, délivre donc au cas par cas une licence d’exportation pour les demandes qui lui sont faites par les différentes entreprises. Il me confie par délégation la présidence de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre, la CIEEMG, qui se réunit en formation collégiale tous les mois pour délibérer sur les nombreuses demandes qui nous sont présentées. Cette commission siège en outre de façon virtuelle en permanence à travers des procédures dites continues pour examiner les demandes urgentes. Le traitement est interministériel : les ministères de la défense, des affaires étrangères, de la recherche, des finances sont notamment associés à la démarche. Le système, qui fonctionne sur un réseau interministériel sécurisé, permet d’avoir des consultations instantanées.

Vous avez soulevé, quant à vous, un problème de délai. Oui, il y en a même si nous avons fait de gros progrès dans la vitesse de traitement des dossiers. Les délais sont souvent le fait de la décision politique que ces dossiers impliquent. Lorsque ceux-ci sont délicats, il nous arrive de décider d’ajourner, de vérifier un certain nombre de points avec nos ambassades. Au moment des printemps arabes, nous avons ainsi suspendu toute une série d’exportations pour des raisons de prudence. Si l’État veille avec attention à nos exportations d’armement, c’est parce que celles-ci constituent un élément de notre politique étrangère. Si la France vendait demain des armements à un pays peu convenable, cela mettrait le Gouvernement en difficulté. Mon rôle vise précisément à protéger le Gouvernement. Je ne crois pas que les délais invoqués par les entreprises soient insupportables. Nous avons de nombreux contacts et chacun essaie de faire son travail le mieux possible.

Monsieur Candelier, vous m’avez invité à ne pas répondre : j’utiliserai en effet un joker. Nous n’avons pas de débat au sein de la commission du Livre blanc sur la notion d’ennemi intérieur.

M. Philippe Nauche. Vous avez dit, monsieur le Secrétaire général, que le Conseil national du renseignement ne s’était pas réuni depuis sa création. Est-ce dû à la création du poste de coordonnateur national du renseignement ?

Sur la sécurité civile, j’ai été surpris que vous disiez qu’il n’existait pas de démarche capacitaire dans les ministères. Il existe en effet de multiples plans et annuaires des moyens disponibles à l’échelon zonal, régional, départemental. Nous disposons de très nombreux outils depuis la création du plan ORSEC à la fin des années cinquante. De ce fait, nous devrions avoir une idée capacitaire de nos actions.

M. Alain Rousset. Le Monde a publié cet après-midi un article sur l’organisation de la DCRI et de ses contacts. Pouvez-vous nous en dire plus ? Nous sentons bien que l’agrégation de deux services différents par cette direction centrale pose un problème de compétences et de coordination.

Sur la sécurité informatique, on sait que tel pays asiatique peut être cité tout comme les États-Unis ou les fabricants de matériels et de technologies. Notre outil informatique européen ou national s’est affaibli du fait qu’un certain nombre de pièces sensibles soit systématiquement importé. Je sais que la direction générale de l’armement (DGA) réfléchit à une stratégie liée aux technologies critiques. Ne pensez-vous pas que Livre blanc devrait mener une réflexion plus exhaustive en ce domaine ? Je demande depuis longtemps au ministère de la défense de nous présenter cette liste de technologies critiques. Nous n’ignorons pas que des problèmes de réapprovisionnement se posent, qu’il existe des zones à risques. Ne faut-il pas prendre le taureau par les cornes ? Au-delà de la commande de la DGA, nous devrions réfléchir avec nos partenaires européens de l’Europe de la défense à un certain nombre d’éléments sur lesquels il faudrait réacquérir la compétence. Les États-Unis ont mis en place un fonds spécifique en la matière.

Un mot enfin sur les grands salons internationaux. Il vient de s’en tenir un en Allemagne où de nombreuses entreprises européennes étaient représentées. Elles ont toutes été approchées par une délégation d’un pays asiatique qui leur a expliqué que, si elles venaient fabriquer chez elle, elles diviseraient par deux leurs coûts. Ce type de manifestations fait-il l’objet de l’attention des services de renseignements ?

M. Francis Delon. Non, monsieur Nauche, ce n’est pas à cause du coordonnateur que le CNR ne s’est pas réuni depuis 2008. Le Président de la République peut décider de réunir le Conseil national du renseignement quand bon lui semble. Le sens de mon propos, et des recommandations que pourrait faire la commission du Livre blanc, est que ce conseil pourrait avoir vocation à se réunir de façon plus régulière afin de fixer et de mettre à jour les orientations stratégiques en matière de renseignement arrêtées par le Président de la République. Cela permettrait au Gouvernement et aux chefs de service de fixer, plus nettement que cela n’est fait aujourd’hui, des lignes directrices découlant de ces orientations, lesquelles pourront ensuite être déclinées dans des plans d’action.

Dans le domaine capacitaire, oui, nous avons de nombreux catalogues de capacités. Mais ils sont souvent inexploitables. Il faut donc dépasser la démarche du catalogue pour s’engager dans une démarche pro-active qui permette de définir comment, dans tel type de situation, l’État, les collectivités locales, le niveau national, le niveau local peuvent réagir et à partir de quels moyens. Telle est l’ambition du Livre blanc de 2012.

Monsieur le président Rousset, j’ai lu cet article sur la DCRI. Depuis l’affaire Merah, la Direction centrale du renseignement intérieur est dans une phase intense d’introspection. Ce service – jeune – qui est né de la fusion difficile entre des services de cultures différentes, la DST et les Renseignements généraux, s’est retrouvé fragilisé par l’affaire Merah. Le ministère de l’intérieur réfléchit à ce que pourraient être les axes d’une réforme. L’affaire Merah a montré que ce service était peut-être insuffisamment au fait de ce qui se passait localement en France. Sans doute y a-t-il un problème de relation avec l’information générale, un problème de culture.

La DCRI, qui fait partie de la Direction générale de la police nationale, est tributaire des choix, y compris budgétaires, opérés par cette Direction qui gère bien des choses, au-delà du renseignement. Faut-il lui donner plus d’autonomie et de visibilité ? Nous en discutons au sein de la commission du Livre blanc. L’auteur de l’article publié dans Le Monde a bien posé le problème. Il s’agit de savoir s’il faut aller vers une réforme a minima ou, au contraire, plus large.

Sur la sécurité des systèmes d’information et les capacités critiques, vous touchez là un point très important. En 2008, nous avons défini trois cercles pour l’industrie de défense. Le premier, le cercle de souveraineté, recouvre en partie les capacités critiques, dont la dissuasion et les technologies fondamentales de sécurité des systèmes d’information comme la cryptologie. Il faut avoir en la matière la capacité de faire par nous-mêmes. Or c’est très difficile, même en matière de dissuasion, domaine qui nécessite une gamme de compétences qu’il faut préserver. Cela implique d’entretenir ces compétences en s’assurant que la matière grise et l’outil industriels sont bien présents sur le territoire. Ce travail est fait. Je ne peux qu’être favorable à la démarche que vous suggérez. Le délégué général pour l’armement en est conscient. Mais la discussion dépasse la simple DGA.

Sur les salons internationaux, je me bornerai à dire que nos services s’y intéressent. Mais peut-être pas autant que ceux de certains pays asiatiques…

M. Francis Hillmeyer. Ma question porte sur le plan gouvernemental intitulé « Interception Prolifération » qui a été approuvé en février dernier. Vous avez répondu sur les armes nucléaires mais qu’en est-il des armes bactériologiques et chimiques ?

Le Livre blanc prend-il en considération le contrôle des exportations de matériels de guerre ?

Par ailleurs, sur la sécurité intérieure, avez-vous tiré un bilan du plan Vigipirate ? Quelles améliorations pourraient éventuellement lui être apportées ?

Enfin, sur la résilience, sommes-nous assez outillés ?

M. Francis Delon. Je n’ai évoqué que la menace balistique, mais cette politique s’exerce dans différentes directions. Cela étant, il est plus facile de voir un missile que de détecter un virus.

Sur l’exportation des matériels de guerre, je ne suis pas certain que nous en parlerons dans le Livre blanc, l’ambition du président étant que nous fassions un livre plus court qu’en 2008. En tout cas, personne ne recommande de baisser la garde en termes de contrôle des exportations d’armement. C’est l’intérêt de l’État et c’est aussi celui des industriels, qui ont besoin d’un cadre stable et rigoureux.

S’agissant de Vigipirate, nous sommes en train de réviser le plan, du fait de son usure. Nous sommes en alerte rouge depuis 2005. La vigilance a donc tendance à baisser. Nous nous efforçons en conséquence de trouver de nouvelles idées. Le travail est en cours et devrait aboutir au printemps. Il s’agit de donner un petit coup de jeune à cet instrument, et non pas de le casser car il est fort utile en dépit de ses insuffisances.

Sur la résilience, le sujet est au confluent de nombreuses questions en matière de sécurité nationale. C’est la capacité du pays à faire face aux coups durs, à se relever. Cela implique toute une série de politiques pour l’État, pour les collectivités territoriales. Le débat que nous avons eu en la matière au sein de la commission a montré qu’il y avait du scepticisme de la part de certains élus sur notre capacité, au niveau local, à répondre à cette volonté de résilience. Il faut donc continuer à travailler sur ce point très important.

Mme la présidente Patricia Adam. Merci, monsieur le Secrétaire général.

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La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq

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Membres présents ou excusés

Présents. – M. Ibrahim Aboubacar, Mme Patricia Adam, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Alain Chrétien, M. Jean-David Ciot, M. Philippe Folliot, M. Jean-Pierre Fougerat, M. Yves Foulon, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin, M. Francis Hillmeyer, M. Gilbert Le Bris, M. Philippe Nauche, Mme Émilienne Poumirol, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset

Excusés. – M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Christophe Guilloteau, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Jean-Pierre Maggi, M. Jacques Moignard, Mme Sylvie Pichot, Mme Daphna Poznanski-Benhamou, Mme Marie Récalde, M. François de Rugy, M. Jean-Michel Villaumé