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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 28 novembre 2012

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 28

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition, ouverte à la presse, de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, et de M. Gilles-Pierre Lévy, Président de la deuxième chambre, sur le rapport public thématique « Le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire » de juillet 2012.

La séance est ouverte à seize heures trente.

Mme la présidente Patricia Adam. Mes chers collègues, je souhaite en votre nom la bienvenue à une délégation de parlementaires irakiens, conduite par le président de la commission de la défense irakienne. Je gage que cette première rencontre en annonce d’autres et je compte sur le président du groupe d’amitié France-Irak, notre collègue Jean-Jacques Bridey, pour les susciter.

Nous accueillons M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, et M. Gilles-Pierre Levy, président de la deuxième chambre, pour débattre du rapport public thématique relatif au bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire (LPM). Cet exercice revêt une importance particulière dans la mesure où nous venons d’achever l’examen du budget de la défense pour 2013 et de lancer une mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense. Le budget de la défense constitue en outre le premier budget d’investissement français, et nous allons entrer dans la phase de préparation de la prochaine loi de programmation. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire en juillet dernier, je souhaite, monsieur le président, que nous puissions travailler ensemble à cette échéance.

Le rapport constate un écart grandissant, à partir de 2012 – et avec un risque d’accentuation en 2013 où il pourrait atteindre 4,1 milliards d’euros –, entre les prévisions et les réalisations de la loi de programmation. Certains de nos collègues ont même évoqué le chiffre de 5 milliards : comment expliquer ce différentiel inquiétant ?

Autre élément important de votre travail, le rapport suggère des économies immédiates ne portant atteinte que de manière marginale aux capacités opérationnelles des forces et qui pourraient atteindre un milliard d’euros : qu’en est-il ? Enfin, il précise que les économies liées aux mutualisations européennes, dont nous espérions beaucoup, ne peuvent être attendues à court terme alors que nous les considérons comme prioritaires : comment l’expliquer ?

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de répondre à votre invitation pour vous présenter le contenu du rapport qu’a publié la Cour en juillet dernier sur le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et je salue à mon tour la présence de la délégation irakienne.

Pour présenter ce rapport, je suis entouré de Gilles-Pierre Levy, président de la deuxième chambre, qui l’a préparé, de Stéphane Jourdan, auditeur et rapporteur, et de Françoise Saliou, conseillère maître et contre-rapporteure.

Vous le savez, en matière de politique de défense, l’année 2012 n’est pas comme les autres. En effet, la loi de programmation a prévu qu’un bilan à mi-parcours serait réalisé cette année afin de tirer les premiers enseignements de sa mise en œuvre et d’ajuster, le cas échéant, les objectifs visés comme les moyens prévus. Cette réflexion est également rendue nécessaire par le durcissement de la contrainte liée au redressement des finances publiques, lequel devrait imposer à la mission « Défense » une stabilisation en valeur de ses dotations budgétaires à hauteur de 30,15 milliards d’euros pour les trois prochaines années, hors pensions et hors recettes exceptionnelles, comme le prévoit le projet de loi de programmation des finances publiques.

Le Gouvernement a annoncé qu’un nouveau Livre blanc serait élaboré et qu’une nouvelle loi de programmation serait soumise au vote du Parlement en 2013. C’est dans ce contexte que la Cour a cherché à apporter sa contribution à la réflexion actuelle sur les questions de défense. Le titre du rapport public thématique peut donner l’impression que son analyse est seulement rétrospective, mais tel n’est pas le cas puisqu’il propose des pistes d’économies envisageables et dessine une méthode pour que les pouvoirs publics puissent procéder aux ajustements nécessaires.

La contribution de la Cour des comptes s’inscrit dans les limites naturelles liées à son rôle et ses missions : elle n’a naturellement pas à se prononcer sur le volume global de l’effort que la nation peut consacrer à sa défense, qui relève d’un choix politique, ni à prendre position sur les types d’équipements qu’il convient de renforcer ou de réduire. En revanche, la Cour peut éclairer les enjeux des arbitrages à venir et elle se doit d’identifier les pistes d’économies qui méritent d’être examinées en priorité, dans la limite où celles-ci ne portent que marginalement atteinte aux capacités opérationnelles des forces.

Revenons brièvement sur le contexte de 2009. L’élaboration de la loi de programmation s’était appuyée sur une réflexion stratégique sur l’état des menaces dans le monde, les intérêts et les ambitions de la France et les moyens de faire face à ces menaces, traduite dans le Livre blanc de 2008. Les capacités visées pour les armées, que vous connaissez, ont entraîné un effort de modernisation des forces, par l’acquisition notamment de nouveaux équipements, mais aussi une réduction de l’ambition des contrats opérationnels par rapport à ceux fixés auparavant dans le modèle dit « Armée 2015 ».

La LPM de 2009 a permis de traduire concrètement ces objectifs en termes de moyens budgétaires et elle s’est enrichie par rapport aux lois antérieures en incluant dans son champ non seulement les dépenses d’équipement, mais également les dépenses de personnel et de fonctionnement. Son périmètre est donc tout à fait comparable avec celui de la mission « Défense » du budget de l’État, hors pensions. Ainsi, une dépense cumulée de 180 milliards d’euros est prévue pour la période 2009-2014, et de 377 milliards jusqu’en 2020, calculée en euros de 2008.

La LPM prévoyait une évolution des dépenses au même rythme que l’inflation entre 2009 et 2011. Puis, à partir de 2012, une augmentation supérieure de 1 % à l’inflation. Vous êtes bien conscients que cette norme de dépense était bien moins sévère que celle appliquée aux autres missions du budget de l’État, soumises à la norme « zéro valeur ».

Le choix retenu en 2009 pour financer les nouveaux équipements tout en contenant l’évolution spontanée des dépenses militaires, qui va au-delà de l’inflation, a été de réduire de façon importante le nombre des personnels militaires. La loi de programmation prévoit ainsi une réduction d’effectifs d’en moyenne 7 600 emplois par an, jusqu’en 2015, soit au total 54 000 emplois et 17 % de l’ensemble de l’effectif du ministère. Les économies entraînées par ces réductions d’effectifs ne visaient donc pas à contribuer au désendettement, comme pour les autres ministères, mais à participer au financement de la modernisation des forces. Dans l’ensemble, la Cour relève que cette démarche a permis de mettre en cohérence les objectifs, les capacités et les moyens budgétaires des forces armées.

Quatre années après la mise en place de ce cadre, le contexte a profondément évolué et, avant de vous présenter le bilan et les messages de la Cour, je souhaite insister sur deux défis importants qui jouent en sens opposé : la contrainte nationale de redressement des finances publiques et un contexte mondial de concurrence internationale avivée dans le domaine de la défense.

Le premier défi, c’est l’aggravation de la situation des finances publiques et les impératifs du désendettement. Les dispositions dérogatoires pour le secteur de la défense, dont les dépenses en volume devaient s’accroître de 1 % par an en 2012, ne sont pas apparues tenables. Une stabilisation en volume de ces dépenses, soit un effort moindre que les autres missions du budget de l’État, a donc été décidée pour 2012. Il est ensuite prévu la stabilisation en valeur, que j’ai évoquée et qui conduirait à une réduction de 30 milliards de l’effort cumulé de défense d’ici à 2020 par rapport aux ambitions du Livre blanc de 2008 et de 10 milliards dès la fin 2015, à l’horizon budgétaire triennal.

Le second défi est celui d’un accroissement des dépenses militaires constatées dans le monde : celles-ci ont dans l’ensemble augmenté de moitié depuis 2001. Les efforts sont contrastés : ils ont été importants aux États-Unis, en Russie et dans les pays émergents, notamment en Asie ; ils se sont maintenus en France et se sont réduits dans la plupart des autres pays européens. Les budgets de la défense cumulés des pays européens demeurent inférieurs à la moitié du budget américain. Celui-ci s’élève en effet à 547 milliards d’euros, soit 4,8 % du PIB national. En comparaison, le budget de défense français, en parité de pouvoir d’achat, est de 39 milliards d’euros, pensions incluses, soit 1,9 % de son PIB, ce qui le place au sixième rang dans le monde. Cette position pourrait se dégrader rapidement si les pays émergents poursuivent leur effort.

À l’échelle européenne, un décrochage peut s’observer avec le Royaume-Uni : l’effort britannique, de 52 milliards d’euros en parité de pouvoir d’achat, dépasse désormais l’effort français de 14 milliards et cet écart devrait se maintenir au cours des prochaines années. L’Allemagne réalise également un effort un peu supérieur à celui de la France dans le domaine conventionnel, c’est-à-dire hors dissuasion nucléaire, puisqu’elle a prévu d’augmenter son budget de défense d’un milliard d’euros en 2013. Quant à l’effort de recherche et développement des États-Unis, il est de plusieurs dizaines de fois supérieur à celui de la France ou du Royaume-Uni.

De tels écarts entre les efforts de défense dans le monde peuvent entraîner des ruptures technologiques et une évolution des rapports de puissance entre les États. La France ne peut donc pas rester indifférente à ces enjeux. Il n’appartient pas à la Cour d’en juger, mais c’est une donnée de l’équation stratégique en matière de défense.

Compte tenu de ces deux défis, afin de contribuer au débat public et d’éclairer les choix à venir, la Cour établit un bilan provisoire de la loi de programmation que l’on peut résumer en quatre constats.

Le premier, c’est que l’écart de dépenses constaté par rapport à la loi de programmation était de 1,9 milliard fin 2011 et pourrait atteindre 5 milliards fin 2013, en raison d’hypothèses budgétaires trop optimistes reposant sur des recettes en partie incertaines, ainsi que d’une insuffisante maîtrise de la masse salariale.

Le deuxième est que les contrats opérationnels ne pourront pas être entièrement remplis, mais que des équipements nouveaux et majeurs ont été livrés. Cependant, d’importants retards ont été pris dans certains domaines, notamment ceux des drones et du ravitaillement en vol.

Le troisième constat, c’est que la disponibilité du matériel et l’entraînement des forces sont insuffisants.

Enfin, le dernier est que de nombreux engagements fermes ont été pris, ce qui rigidifie considérablement la dépense au cours des prochaines années et limite d’autant les marges de manœuvre.

Je reviens rapidement sur chacun de ces constats.

Le premier est donc celui d’un écart, à la fin 2011, de 1,9 milliard entre les réalisations et les prévisions de la loi de programmation, soit une « déviation » de 2 % par rapport au total des dépenses dans les trois années. Cet écart tient à l’absence de recettes exceptionnelles ainsi qu’à d’autres hypothèses trop optimistes.

Les recettes exceptionnelles escomptées résultaient de la vente de bandes de fréquence et de biens immobiliers. Alors que 3,5 milliards de recettes étaient attendus, seul 1 milliard a pu être utilisé fin 2011. Cette situation illustre le risque qui s’attache à construire une trajectoire budgétaire à partir d’hypothèses de recettes exceptionnelles dont la réalisation ne dépend pas du ministère de la défense ; un tel choix a fait peser un risque sur l’exécution de la LPM dès sa conception. La Cour recommande de s’appuyer sur des hypothèses réalistes et prudentes, dont la réalisation dépend du seul ministère de la défense.

D’une part, les cessions des fréquences ont été retardées. Si elles ont produit davantage de recettes qu’attendu – 2,4 milliards au lieu de l,5 milliard –, il n’est pas certain qu’elles soient entièrement affectées au ministère de la défense au cours des prochaines années. D’autre part, les recettes immobilières demeurent très incertaines. Elles devaient provenir pour l’essentiel de la cession des emprises parisiennes du ministère, dont celle de l’Hôtel de la Marine. Cette dernière a été abandonnée et les autres ne devraient pas intervenir avant 2014. Les recettes effectives dépendront pour partie de l’issue de la négociation avec les collectivités territoriales sur l’affectation finale des surfaces immobilières libérées.

L’hypothèse d’une exportation rapide de l’avion Rafale s’est révélée trop optimiste et a conduit l’État, en application de ses engagements vis-à-vis du constructeur, à acquérir cinq appareils de plus que prévu entre 2009 et 2011, soit un surcoût de l’ordre de 350 millions. Onze appareils supplémentaires pourraient être commandés pour la même raison entre 2012 et 2014, pour un coût excédant 700 millions d’euros.

Des dépenses pourtant prévisibles au moment de l’élaboration de la loi n’ont pas été prises en compte, en particulier le coût de la pleine participation de la France aux structures de commandement intégré de l’OTAN, ainsi que l’ouverture d’une nouvelle base à Abu Dhabi.

Le pilotage des réformes, en particulier celui de la maîtrise de la masse salariale, a été insuffisant. Une économie nette cumulée de 1,1 milliard d’euros était attendue de la réduction des effectifs entre 2009 et 2011, correspondant à 23 000 emplois supprimés dans la période. Alors même que cet objectif de suppression d’emplois a été tenu, soit 7 % des effectifs du ministère, la masse salariale a progressé de 1 milliard. Une telle dynamique conduit à douter de la réalisation effective des économies annoncées et de leur affectation au profit de l’équipement des forces. Elle traduit l’imprécision des outils de suivi financiers, pourtant nécessaires à la conduite des réformes.

L’utilisation de report de crédits et l’ouverture de crédits complémentaires en loi de finances n’ont pas permis de résorber l’écart qui se creusait entre les dépenses prévues et les dépenses exécutées. Au total, cet écart a donc atteint 1,9 milliard à la fin 2011. Au moment où le rapport a été publié, compte tenu des décisions prises jusqu’alors, la Cour avait calculé que cet écart devrait atteindre au moins 4,1 milliards à la fin 2013. Les décisions intervenues depuis conduisent à réviser ce montant : sur le budget 2012, 25 millions de crédits ont été annulés en août et 235 millions ce mois-ci ; par ailleurs, les crédits pour 2013 ont été revus à la baisse de 600 millions d’euros. Ainsi, l’écart par rapport à la loi de programmation qui sera vraisemblablement atteint fin 2013 pourrait être estimé aujourd’hui à 5 milliards d’euros.

J’en viens au deuxième constat qui concerne les capacités des forces : si d’incontestables succès ont été obtenus au cours des dernières opérations extérieures et si de nombreux équipements modernes ont pu être livrés aux armées, les contrats opérationnels tels que définis ne pourront pas être entièrement remplis.

D’un côté, de nombreux équipements nouveaux ont été livrés aux forces : la dissuasion nucléaire a été modernisée, ce que le Royaume-Uni et la Russie n’ont pas encore fait. L’armée de terre dispose de nouveaux équipements de combat et de communication du fantassin FELIN, de 18 hélicoptères de combat Tigre et de 345 véhicules blindés VBCI. La marine a reçu une frégate de défense aérienne, un bâtiment de projection et de commandement, sept avions Rafale et six hélicoptères de manœuvre NH90. L’armée de l’air a reçu 29 avions Rafale. Par ailleurs, les armées sont intervenues de façon décisive en Côte d’Ivoire et en Libye, alors qu’elles étaient simultanément engagées sur plusieurs théâtres, en particulier l’Afghanistan et le Liban.

Cependant, d’un autre côté, certains retards ou incohérences demeurent. Le renouvellement prévu des capacités de ravitaillement en vol des avions de combat et de transport aérien a été retardé. En effet, le programme d’avions de transport A400M a pris du retard, et celui d’avions ravitailleurs MRTT n’a pas été lancé. Les avions ravitailleurs actuels datent des années 1960 et sont les plus anciens matériels en service dans les armées. En conséquence, l’armée de l’air ne peut pas tenir ses objectifs capacitaires. Dans le domaine naval, l’objectif capacitaire fixé par la loi n’est pas cohérent avec le dimensionnement actuel de flotte. Ainsi, la marine nationale n’est pas en mesure de déployer un groupe aéronaval en permanence en mer. Le renforcement des capacités de frappe en profondeur de l’armée de terre, c’est-à-dire son équipement en lance-roquettes et en canons Caesar, n’est pas encore intervenu. Le programme Scorpion comportant le remplacement des véhicules de l’avant blindé (VAB) vieillissants n’a pas encore été lancé. L’armée de terre ne pourrait pas tenir son objectif de projeter 30 000 hommes pendant un an, faute de capacités de soutien dans la durée, notamment pour des raisons logistiques. Aucune des trois armées ne peut donc remplir entièrement son contrat capacitaire.

Troisième constat, la Cour a relevé que la disponibilité du matériel et l’entraînement des forces étaient insuffisants. Les arbitrages effectués ont trop souvent conduit à sacrifier les dépenses d’entraînement des forces et de maintien en conditions opérationnelles du matériel. S’agissant de l’entraînement, les objectifs fixés dans la loi de programmation sont loin d’être atteints dans l’armée de terre : au lieu des 150 jours d’activité prévus, seuls 117 jours sont effectivement réalisés et ce chiffre continuera de se dégrader en 2012. La situation est également insatisfaisante pour les pilotes de transport de l’armée de l’air, avec 287 heures de vol alors que l’objectif fixé était de 400 heures. La Cour recommande que la préservation des crédits nécessaires à l’entraînement soit considérée comme une priorité par le ministère.

Pour certains matériels de première importance, la Cour relève un taux de disponibilité trop faible : les sous-marins d’attaque de la classe Rubis, c’est-à-dire la génération actuelle, présentent un taux de disponibilité de 60 %, ce qui signifie qu’en moyenne, un peu moins de deux appareils sur trois sont disponibles à chaque instant. Ce taux est à peu près le même pour les frégates. Pour l’armée de terre, la disponibilité des véhicules blindés VAB s’est beaucoup réduite, et celle des chars Leclerc, peu utilisés dans les opérations extérieures actuelles, a chuté à 15 %.

Enfin, dernier constat, les marges de manœuvre pour les prochaines années sont limitées car de nombreux engagements fermes ont été pris, ce qui rigidifie considérablement la dépense.

La décision de réduire la croissance des dépenses par rapport aux prévisions a conduit à repousser au-delà de 2013 la livraison de certains matériels. Dans le cadre de la mise en place de la loi de programmation en 2009 et de l’importante réduction de format des armées qu’elle induisait, le ministère a été conduit à renégocier les principaux contrats d’équipement en cours. En contrepartie des réductions qu’il a obtenues, le ministère a passé principalement des commandes fermes. À la fin de l’année 2011, les crédits nécessaires pour couvrir les engagements pris s’élèvent à 45,2 milliards d’euros. Les années les plus concernées sont 2012 et 2013, et, dans une moindre mesure, 2014 et 2015. En conséquence, les dépenses de défense sont de plus en plus rigides.

J’en viens aux messages de la Cour et aux propositions qu’elle a formulées, lesquelles visent à maximiser les capacités opérationnelles des forces à budget donné.

Le premier message est que d’importantes marges de manœuvre existent sur la dépense sans porter atteinte aux capacités des armées. Dès lors, la maîtrise des coûts doit être renforcée sans plus attendre. Ainsi, la progression préoccupante de la masse salariale peut être arrêtée, notamment par une réduction volontariste de l’encadrement supérieur du ministère. De la même façon, des économies peuvent être dégagées par la réduction des dépenses immobilières, la remise en cause de missions non essentielles et une meilleure gestion des achats. Ces économies peuvent dépasser 1 milliard d’euros par an.

Le second message, c’est que la méthode d’élaboration de la loi de programmation militaire de 2009 constitue un bon exemple dont il faudra veiller à ce qu’il puisse se reproduire dès 2012. Deux objectifs devraient être privilégiés : le premier est de choisir les décisions d’économies dont le rapport coût efficacité sera le plus important ; le second objectif est d’arriver à un ensemble cohérent dans son fonctionnement et dans sa réponse aux menaces.

La première recommandation de la Cour est que la maîtrise des coûts doit être dès à présent renforcée et peut entraîner au moins 1 milliard d’euros d’économies.

L’enjeu principal concerne la masse salariale. Dans le cadre de la poursuite des réductions d’effectifs prévue, une diminution de la masse salariale devrait être obtenue, contrairement à ce qui a été observé jusqu’ici. En dépit d’importantes réductions d’effectifs, la masse salariale continue de croître. L’année 2012 a connu une nouvelle dérive, de 279 millions, que la Cour avait identifiée dans son audit des finances publiques de juillet dernier. L’explication principale de ce paradoxe est l’augmentation continue de l’encadrement supérieur, qui n’est pas cohérente avec la réduction du format des armées. Elle doit désormais être arrêtée.

Certes, dans un contexte mondial caractérisé par une complexité croissante, des besoins en personnel hautement qualifié existent. Mais le renforcement du taux d’encadrement, qui est passé de 14,6 % à 15,9 % entre 2008 et 2009, présente, outre son coût intrinsèque, davantage d’inconvénients que d’avantages, y compris pour les personnels eux-mêmes. Il peut conduire à l’engorgement et à la bureaucratisation des administrations centrales, à la multiplication des structures de soutien et de contrôle et à des durées de commandement trop courtes.

En particulier, il y a lieu de s’interroger sur le nombre d’officiers généraux, qui est resté à peu près constant en dépit de la réduction du format des armées. L’armée de terre compte ainsi 176 généraux pour seulement 15 brigades à commander : plus de 100 généraux de l’armée de terre servent en dehors de celle-ci. Pour les 3 468 officiers ayant un grade équivalent à celui de colonel, les commandements disponibles de régiments, de bâtiments de la marine et de bases aériennes sont au nombre de 150. En administration centrale, ces officiers sont souvent affectés à des postes d’un niveau de responsabilité insuffisant par rapport à leurs capacités, par exemple de chef de bureau ou d’adjoint, postes qui sont également confiés à des administrateurs civils en début de carrière. La Cour recommande de procéder à une mise en cohérence de l’encadrement supérieur avec la base, appelée repyramidage. Une telle opération permettrait une économie que la Cour évalue à 236 millions. Une première mesure a été annoncée par le Gouvernement, avec la réduction de 30 % des promotions des militaires en 2013.

En 2011, la Cour avait également recommandé la suppression des états-majors de soutien de la défense, structures intermédiaires entre les bases de défense et l’administration centrale, qui occupent 400 postes. Selon nous, il y a donc lieu de regretter la décision prise, au début de l’année 2012, d’au contraire les renforcer.

Des économies peuvent également être trouvées dans la politique de ressources humaines. Ainsi, un ralentissement du rythme des mutations, qui ont lieu tous les deux ans en moyenne pour les officiers généraux, serait une source d’économies des frais liés à ces mutations, lesquels ont atteint 275 millions en 2010. La politique de formation des officiers supérieurs est très ambitieuse et son coût élevé : les frais de formation qui interviennent au cours d’une carrière allant du grade de capitaine à celui de général – soit en moyenne une vingtaine d’années – sont de l’ordre de 500 000 euros.

Le ministère de la défense déploie une ambitieuse politique immobilière et d’accompagnement des restructurations, qui a représenté 979 millions d’euros en 2011. La majeure partie de ces dépenses présente un lien direct avec les besoins opérationnels. Mais des marges de manœuvre existent sur la politique du logement, dont le coût annuel est de 107 millions. Une réduction de l’ensemble des dépenses immobilières de 20 % permettrait une économie de l’ordre de 200 millions.

Parmi les dépenses de fonctionnement, la Cour a identifié des gisements d’économies dans le domaine des achats, en utilisant pleinement les dispositions permettant au ministère d’aller enquêter sur les marges de ses fournisseurs pour les marchés non concurrentiels. Le développement d’externalisations dans le domaine de la restauration ou de l’habillement mérite d’être davantage étudié, car il peut entraîner des économies importantes. Le retour à l’équilibre du service de santé des armées permettait une économie de 280 millions par rapport à 2009, tout en préservant ses capacités opérationnelles.

Enfin, certaines dépenses ne contribuant pas – ou peu – à la capacité opérationnelle pourraient être réduites. Ainsi, le paiement sans retard des fournisseurs du ministère permettrait d’éviter d’inutiles dépenses d’intérêts moratoires qui s’élèvent à 45 millions en 2011. Le ministère dépense 69 millions pour financer sa politique culturelle. Certaines de ces dépenses pourraient être réduites : ainsi, la taille du service historique de la défense, qui emploie 500 personnes, paraît élevée. Les personnels travaillant pour le centre sportif d’équitation militaire et le centre national du sport de la défense, tous deux situés à Fontainebleau, sont au nombre de 300 et n’apportent pas de contribution à la capacité opérationnelle des armées. Les dépenses de communication du ministère s’élèvent à 99 millions, soit un niveau encore élevé. Enfin, malgré la baisse des effectifs, les dépenses d’action sociale du ministère ont progressé de 27 % entre 2009 et 2011, pour atteindre 113 millions.

Toutes ces économies possibles, qui ne touchent pas au format des armées et dont le total dépasse le milliard d’euros, peuvent être engagées sans délai, dans le cadre du budget pour 2013, qui serait un budget d’attente. Elles ne pourront porter leur plein effet qu’au terme de plusieurs années.

Le second message de la Cour est de reconduire rapidement le processus adopté en 2008, qui passe par la préparation d’un nouveau Livre blanc, puis la définition de nouveaux objectifs opérationnels et la fixation d’une trajectoire de dépenses de moyen terme, compatible avec les objectifs propres aux armées comme avec les contraintes issues du redressement des comptes publics.

Il est probable que ce processus ne pourra entièrement aboutir avant la fin du premier semestre de l’année 2013. Entre-temps, des décisions devront être prises très prochainement, dans le cadre du budget pour 2013, afin de fixer la contribution du ministère de la défense à l’atteinte d’un objectif de déficit public de 3 %. La Cour a souligné dans son rapport sur les finances publiques publié en juillet dernier que cet effort serait important et supposait des choix difficiles mais réalisables.

Il importe de veiller à ce que les arbitrages qui seront pris rapidement portent le moins possible atteinte aux capacités opérationnelles des forces, afin de prendre les décisions d’équipement qui s’imposent dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire. Les mesures d’efficacité de la dépense que j’ai présentées pourraient y contribuer.

Pour traduire les choix opérationnels qui figureront dans la prochaine loi de programmation, quatre options sont possibles, dont la Cour met en évidence les limites.

La première est la renégociation des contrats d’armement. La Cour relève que les marges de manœuvre relatives à ces contrats ont pour l’essentiel déjà été consommées à l’occasion de la renégociation de 2009. La réduction des volumes commandés a d’ores et déjà conduit à un fort renchérissement du coût unitaire des programmes, rendant cette opération peu rentable d’un point de vue financier. Ainsi, pour prendre deux exemples, la révision du contrat des frégates multimissions, qui a conduit à la réduction du volume de la commande de six frégates, n’a permis d’économiser que l’équivalent de 2,5 frégates. S’agissant de la réduction des commandes de véhicules blindés de combat de l’infanterie, seulement 23 % de l’économie théorique est revenue au ministère. Au total, les renégociations de contrats de 2009 ont porté sur 6,9 milliards d’euros d’annulations de commandes dont ont résulté 2,9 milliards d’économies effectivement réalisées pour l’État, pour une forte diminution du volume des matériels livrés.

Ces renégociations ont également porté sur un report des livraisons qui entraînera des échéances de paiement supérieures à 10 milliards par an entre 2016 et 2020. Cette « bosse budgétaire » est à mettre en regard des échéances pour les années 2012 à 2014, comprises entre 7 et 8 milliards d’euros.

Si de nouvelles négociations en vue de réduire les commandes étaient engagées, elles pourraient être encore moins rentables du point de vue financier.

La deuxième option ouverte est de procéder à des achats dits « sur étagère », c’est-à-dire à acheter des matériels déjà existants chez un industriel ou dans une armée étrangère. Les coûts peuvent être moins élevés par rapport aux programmes sur mesure, ce qui justifie que cette solution soit étudiée. Néanmoins, elle ne devrait concerner que les équipements non stratégiques et elle aurait des conséquences pour l’industrie et pour l’emploi qui ne peuvent être négligées.

Une troisième option consisterait à rechercher des économies via une plus grande mutualisation européenne, notamment dans le domaine de l’armement. Ses résultats sont cependant incertains et, comme vous l’avez rappelé madame la présidente, les effets éventuels ne se feraient sentir qu’à long terme.

Enfin, une dernière option réside dans une évolution du format des armées. Une telle décision présente des contraintes en matière de gestion des ressources humaines, compte tenu de la restructuration déjà mise en œuvre, qui se traduit par une suppression de 54 000 emplois entre 2009 et 2015.

En conclusion, la Cour propose une démarche en deux temps. D’abord, les économies ne touchant pas au format des armées, qui ont été trop longtemps différées, devraient être mises en œuvre sans attendre. Ensuite, la mise à jour du Livre blanc doit permettre de réajuster, le cas échéant, le format et les besoins d’équipement des armées, dans un cadre cohérent défini par une nouvelle loi de programmation militaire.

Mme la présidente Patricia Adam. Merci, monsieur le Premier président, pour vos observations. Certaines sont assez sévères mais toutes sont sincères. Pour avoir travaillé avec Yves Fromion sur la précédente loi de programmation, je puis témoigner que nombre de vos constats sont fondés et que nous les partageons. J’espère que nous éviterons de retomber dans les mêmes écueils lors de la préparation des prochaines LPM. En tout cas, vos propositions nous seront très précieuses dans le cadre de nos discussions avec le ministre, Jean-Yves Le Drian.

M. Daniel Boisserie. Monsieur le Premier président, vous nous avez fourni un grand nombre d’éléments mais je déplore que la gendarmerie ait été complètement oubliée alors que les gendarmes ont le statut de militaires.

Autre interrogation : le financement des OPEX est-il à la hauteur du travail réalisé par les forces françaises ?

M. Jean-Jacques Candelier. Je salue au nom de mon groupe nos collègues irakiens. J’ignore s’il y a des élus communistes parmi eux !

Mme la présidente Patricia Adam. Tous les groupes politiques sont représentés au sein de cette délégation mais je ne suis pas certaine qu’il y ait des députés communistes en Irak.

M. Jean-Jacques Candelier. Les rapports de la Cour des comptes sont toujours réalistes et tranchants. La Cour met légitimement le doigt sur le coût des bases de défense, et j’espère qu’elle sera entendue.

D’autre part, pouvez-vous nous présenter un bilan des politiques d’externalisation ?

L’État procédant à de gros achats d’équipements, ne serait-il pas bon de nationaliser certaines entreprises ?

Malgré les réductions d’effectifs déjà opérées, l’objectif de réduction de la masse salariale fixé pour 2013 sera-t-il réalisable ?

Enfin, pensez-vous que la réduction de 7 % des dépenses de fonctionnement soit tenable alors que l’état-major indique que les services sont déjà « au plancher » ?

M. Didier Migaud. Par tradition, le coût des OPEX est sous-évalué et cela se vérifie chaque année. Cependant, une augmentation importante de la provision est intervenue au cours des dernières années. Les dépassements continuent du fait de certaines interventions non prévues comme en Libye. À côté des opérations qui ne peuvent être prévues, d’autres, plus habituelles, devraient être budgétées dans le cadre de la préparation des lois de finances initiales. En tout état de cause, 630 millions sont prévus dans le PLF pour 2013, avec l’incertitude que fait peser l’effectivité du retrait de nos forces en Afghanistan.

Une polémique a existé au sujet des bases de défense. Nous avions proposé d’en réduire le nombre au titre de la rationalisation de l’organisation des forces, certaines d’entre elles ne présentant pas une valeur ajoutée évidente. À cela s’ajoutaient d’évidentes difficultés en matière de cohérence de la chaîne de commandement.

S’agissant des externalisations, nous avons remis un rapport à la Commission des finances de l’Assemblée en 2011 et nous sommes tout disposés à venir vous le présenter si vous le souhaitez.

Comme vous le savez, la question des nationalisations n’entre pas dans le champ de compétence de la Cour des comptes puisqu’il s’agit d’un choix d’opportunité politique.

Malgré la réduction des effectifs, la masse salariale a continué de progresser pour les raisons que j’ai eu l’occasion de rappeler. En 2013, nous risquons d’être confrontés aux mêmes problèmes, tant sur l’évolution de la masse salariale que sur le coût des OPEX. De fait, il n’est pas du tout sûr que les mesures de limitation des promotions des personnels militaires soient suffisantes pour obtenir la baisse de 500 millions prévue dans le budget pour 2013, sur lequel planent du reste nombre d’incertitudes.

M. Gilles-Pierre Levy, président de la deuxième chambre. En ce qui concerne les bases de défense, la Cour a effectivement critiqué leur nombre trop élevé et proposé, via une meilleure mutualisation des moyens, de passer de 50 à 20 bases. Elle suggérait aussi que l’on supprime les états-majors intermédiaires alors que ceux-ci ont plutôt été renforcés. Le principal intérêt de l’évolution que nous proposions était de constituer des entités plus grosses avec lesquelles le dialogue aurait pu être plus direct. La Cour recommandait aussi de renforcer les pouvoirs des commandants des postes de défense et de professionnaliser la fonction financière du ministère, de manière à mieux suivre la gestion de la dépense.

En matière de masse salariale, le ministère dépasse chaque année ses objectifs d’évolution. Les dysfonctionnements récurrents du logiciel unique interarmées à vocation de la solde – LOUVOIS – témoignent du manque de maîtrise des procédures de paie.

Mme Françoise Saliou, conseillère maître et contre-rapporteure. En ce qui concerne les externalisations, notre rapport se proposait de dresser un bilan des opérations déjà réalisées. En réalité, au moment où nous l’avons produit, la plus grande part des externalisations sous forme de partenariat public privé (PPP) n’avait pas eu lieu ou n’en était qu’au stade expérimental. D’autres étaient en phase d’expérimentation ; par exemple s’agissant de la restauration, si l’externalisation complète n’a pas eu lieu, huit opérations pilotes ont été conduites. En l’absence de comptabilité analytique, le ministère de la défense avait beaucoup de mal à évaluer les résultats des opérations engagées. Il semblait donc indispensable qu’il se dote d’instruments de pilotage adaptés. Il convenait aussi de renforcer les compétences et de garantir une certaine continuité au sein des services en charge des externalisations de manière à en conserver une certaine mémoire.

Toutefois, certaines des opérations dont nous avons eu à connaître nous ont semblé plutôt réussies, comme l’externalisation de la flotte des véhicules civils.

Sans porter de jugement définitif sur les opérations d’externalisation conduites par le ministère de la défense, la Cour considère que celui-ci doit renforcer ses capacités d’expertise et de pilotage en la matière. Au reste, nos collègues britanniques du National audit office - NAO – sont arrivés aux mêmes conclusions pour ce qui concerne leur propre ministère.

M. Gilles-Pierre Levy. Au ministère de la défense, les processus d’externalisation sont restés assez marginaux et, en tout état de cause, n’ont pas touché le cœur de métier. Ils ont principalement concerné les véhicules civils, la restauration, l’habillement, les infrastructures et le partenariat public-privé du site de Balard. La principale recommandation de la Cour est de ne pas perdre la capacité de discuter avec les entreprises avec lesquelles on a traité au départ, de façon à ne pas se priver de l’expérience acquise, en particulier pour ce qui concerne les services de haute technologie tels que les systèmes d’information.

M. Didier Migaud. Vendredi prochain, je remettrai un rapport sur le décret d’avance de novembre 2012 qui ouvre et annule des crédits. Vous recevrez à cette occasion un certain nombre d’observations de notre part sur le budget de la défense, notamment pour ce qui concerne les demandes d’ouverture de crédits au titre des OPEX, de la masse salariale ou des carburants.

Si la gendarmerie n’est pas abordée dans le rapport, c’est qu’elle n’entrait pas dans le champ de la loi de programmation militaire. Soyez sûr que nous nous y intéressons cependant beaucoup, dans le cadre de la mission « Sécurité ». Nous tenons du reste à votre disposition les rapports que nous avons remis récemment sur les activités de la gendarmerie.

M. François André. La Cour des comptes porte un regard très sévère sur l’évolution de la structure des effectifs du ministère de la défense, à telle enseigne qu’un observateur extérieur pourrait se demander si l’on n’est pas en train de constituer une armée mexicaine. Je serais tenté de nuancer quelque peu votre appréciation. Si le nombre de personnels civils de catégorie A a augmenté de 16 %, le nombre d’officiers a diminué pour sa part de 1 000 ETP. Il n’en demeure pas moins que le taux d’encadrement progresse sensiblement, et, malgré les recommandations volontaristes que vous faites, vous ne chiffrez pas les économies qu’il serait possible de réaliser dans ce domaine. Vous posez un objectif général d’économie de 300 millions d’euros au titre de la masse salariale, sans préciser toutefois l’objectif à atteindre en matière de « dépyramidage ».

S’agissant toujours de l’évolution de la masse salariale, la procédure contradictoire que vous avez instruite avec le ministère n’a pas abouti à un consensus sur les conséquences de la déflation des effectifs. Comment expliquez-vous que le ministère ne parvienne pas à descendre en deçà d’un seuil d’incertitude de 10 % quant aux économies réalisées sur les dépenses de personnel ? Vous avez fait part tout à l’heure de certaines défaillances en termes d’outils de mesure. D’autres grands ministères sont-ils plus performants en la matière ?

M. Philippe Folliot. Monsieur le Premier président, votre rapport est de qualité et il apporte un éclairage utile à la représentation nationale. Les LPM se suivent au gré des alternances mais le constat ne varie pas : leur application est toujours aussi incertaine et cela doit nous interpeller car les bonnes intentions affichées ne se concrétisent pas. En dépit de ces difficultés, nos armées ont maintenu leurs capacités opérationnelles, grâce à l’implication remarquable des femmes et des hommes, civils et militaires, qui composent nos forces.

Je mets en garde sur l’objectif de réduction des coûts. Si certaines orientations semblent intéressantes à court terme, il arrive souvent que leurs conséquences à moyen terme le soient beaucoup moins. Je pense notamment à la fonction d’habillement, pour laquelle la recherche du moindre coût peut poser problème. Il y a dans ma circonscription une entreprise qui, pour un écart de deux centimes dans la fourniture de pull-overs, s’est vue écartée d’un marché au profit d’une société qui n’emploie que deux salariés en France et sous-traite à l’étranger l’essentiel de sa production. Est-ce normal ? Une autre façon de régler le problème est de n’avoir aucun allotissement, compte tenu de la nature du tissu industriel français. Dans notre pays, aucune entreprise n’est capable de fournir 80 000 pulls par an et il me semble dangereux de ne pas en tenir compte.

Vous avez fort légitimement appelé notre attention sur le fait que l’écart entre les prévisions et les réalisations de la LPM tenait à ce que celle-ci s’appuyait à l’excès sur des prévisions de recettes exceptionnelles. Une large part de l’écart de 1,9 milliard constaté fin 2011 et du différentiel redouté de 5 milliards fin 2013 ne tient-elle pas à la problématique immobilière ? Pour l’exercice 2013, nous avons voté un budget prévoyant 600 millions de recettes exceptionnelles liées à la cession d’actifs immobiliers. Parallèlement, le Parlement a voté une loi visant à mobiliser du foncier public au profit du logement social, laquelle repose pour l’essentiel sur la cession gratuite d’emprises immobilières aux collectivités pour construire des programmes sociaux : est-ce cohérent ? La défense ne risque-t-elle pas d’en pâtir une fois de plus en se voyant contrainte de céder ses terrains au moindre coût ?

M. Didier Migaud. Le regard de la Cour des comptes, monsieur André, n’est pas sévère mais impartial et fondé sur de simples constats. S’agissant de la masse salariale, on peut toujours faire apparaître une réduction des effectifs d’officiers mais dans quelle proportion joue-t-elle sur l’évolution globale que j’ai évoquée tout à l’heure ? Cela fait plusieurs années que l’on constate un dérapage de la masse salariale au ministère de la défense où les prévisions de gestion des dépenses relevant du titre II du budget sont manifestement déficitaires, au point qu’elles ont fait l’objet d’un refus de visa du contrôle budgétaire et comptable ministériel – CBCM. Cela n’est pas anodin ! Le ministère de la défense est aussi la seule administration qui n’est pas capable de verser en temps et en heure la rémunération due à ses personnels, et ce à une échelle qui représente plusieurs milliers de cas individuels sur plusieurs mois.

Bien qu’il reste encore plusieurs points sensibles, l’administration de la défense a fait des progrès dans un certain nombre de domaines. Des réserves subsistent cependant quant à l’évolution de la masse salariale et à l’exploitation des systèmes d’information et elles pèsent sur la certification des comptes de l’État.

S’agissant des crédits inscrits en recettes au titre de l’immobilier, la Cour a des interrogations mais c’est le Parlement qui vote le budget de la défense. C’est vous, mesdames et messieurs les parlementaires, qui décidez d’un certain nombre de « souplesses » et il est vrai que, parfois, toutes les conséquences d’un texte au plan budgétaire ne sont pas prises en compte. Dès lors, des ajustements interviennent en cours d’année et les écarts se constatent en fin d’exercice. Il est évident que si l’on décide de permettre de céder pour l’euro symbolique aux collectivités territoriales des terrains appartenant au ministère de la défense, cela ne sera pas sans incidence sur les recettes, même si l’on peut comprendre l’objectif poursuivi. Pour ce qui est de l’immobilier, d’autres enjeux d’une certaine ampleur sont devant nous, comme le devenir de l’îlot Saint-Germain. Tout dépendra des arbitrages qui seront rendus à ce sujet.

M. Gilles-Pierre Levy. S’agissant des dépenses de personnel, le rapport fait apparaître que nous ne sommes pas en plein accord avec le ministère sur ce que pourrait rapporter le « dépyramidage ». Le ministère de la défense estime que si l’on en revenait au pyramidage de 2008, il faudrait recruter un certain nombre d’agents en bas de la pyramide pour remplacer ceux dont a supprimé le poste en haut de la hiérarchie, ce qui réduirait une économie que nous estimons, avec toute la prudence d’usage en la matière, à plus de 200 millions, dont un peu plus de la moitié pour le ministère.

L’îlot Saint-Germain pourrait être au cœur d’une opération immobilière susceptible de procurer au ministère d’importantes recettes exceptionnelles. Selon que l’on choisira de faire des appartements de luxe ou du logement social, la valeur ne sera évidemment pas la même et la Cour ne peut que relever une interrogation à ce sujet.

Dans le cadre des opérations d’accompagnement des fermetures de régiments, le ministère cède des emprises à l’euro symbolique. Cela entraîne évidemment une perte de recettes, qui s’accompagne souvent d’une sous-évaluation des charges liées à la restructuration des sites.

M. Folliot a évoqué les économies à faire sur les marchés d’habillement mais je ne suis pas en mesure de lui répondre dans l’immédiat. Le ministère est écartelé entre l’objectif de maintenir des emplois en France et d’acheter au moindre prix. S’agissant des armements, il a la possibilité d’acheter sur étagère, ce qui correspond à des produits fabriqués à l’étranger, souvent moins chers que les armements français. La question se pose avec une acuité particulière lorsqu’on s’éloigne de la part la plus sensible de la production de la défense, soit tout ce qui a trait à la dissuasion nucléaire et aux armements les plus sophistiqués.

M. Jean-Jacques Bridey. Monsieur le Premier président, en tant que rapporteur du programme 146 « Équipement des forces », je vous remercie de votre présentation et de votre bilan. Il y a quelques semaines, à l’occasion du débat budgétaire, j’ai du reste posé les mêmes conclusions que les vôtres. Contrairement à certains de mes collègues ici présents, je considère que la LPM de 2008 était irréaliste dans ses objectifs et irréalisable dans ses modalités. Dès lors, les dérapages, que j’évalue pour ma part à 4,5 milliards à la fin 2012, ne me surprennent pas. Parmi la dizaine de recommandations que vous faites, je m’attarderai sur la huitième qui consiste à « améliorer les méthodes d’achats, notamment dans le domaine de la maintenance, en s’appuyant sur les études d’analyse de marges des principaux fournisseurs ». Contrairement à certains états-majors que j’ai interrogés dans le cadre de mon rapport, la DGA m’a répondu que de telles marges n’existaient pas. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

M. Philippe Nauche. Vous avez parlé d’un risque de reconstitution d’une bosse budgétaire et évoqué un désaccord avec le ministère à ce sujet. Pour une réduction des commandes de l’ordre de 6 milliards d’euros, le ministère n’aurait récolté que 2,9 milliards.

M. Didier Migaud. Il s’agissait d’économies théoriques.

M. Philippe Nauche. Quelles sont vos préconisations sur l’attitude qu’il conviendrait d’adopter au sujet de la commande publique du ministère puisque les économies escomptées n’ont pas généré les ressources attendues ? Quelles sont les retombées macroéconomiques que cela pourrait voir pour nos grandes industries et pour les PME qui travaillent dans le domaine de la défense ? Le jeu en vaut-il la chandelle ?

Monsieur le Premier président, vous semblez considérer qu’une vingtaine de bases de défense seraient suffisantes. Sur quoi vous basez-vous pour avancer ce chiffre alors que vos collègues ont relevé le manque d’outils du ministère pour évaluer les économies qui pourraient en découler ? S’agit-il d’une position dogmatique fondée sur l’idée que les regroupements d’entités génèrent toujours des économies ou vous appuyez-vous sur des retours d’expérience ?

M. Didier Migaud. La Cour considère que le bilan de la renégociation des contrats d’armement est mauvais du point de vue financier. Si l’on doit s’engager dans de nouvelles renégociations, cela va être très compliqué compte tenu du fait que l’essentiel des commandes déjà passées l’ont été de façon ferme. Les mettre en cause nous exposerait à des pénalités et les marges de manœuvre sont donc extrêmement réduites. Seule une analyse globale permettra de se prémunir d’initiatives contre performantes.

Nous menons actuellement des travaux sur les achats et sur les industries d’armement. Sans doute aurons-nous l’occasion d’y revenir devant vous dans le courant de l’année prochaine, à l’occasion de la présentation de rapports thématiques.

S’agissant des bases de défense, il n’est pas besoin d’outils très élaborés pour considérer qu’à partir du moment où vous en supprimez une, cela permet une économie immédiate. Au reste, nos recommandations reprennent pour partie celles présentées par l’Inspection générale des armées, notamment en 2009. Nous ne sommes donc pas les seuls à le suggérer.

M. Philippe Nauche. Lors des auditions que j’ai menées en juin, il m’a été dit que la petite taille, par la proximité qu’elle autorisait, était mieux perçue par les opérationnels que la constitution de grosses entités. Il y a donc là un paradoxe qui mérite d’être tranché.

M. Didier Migaud. Nous avons évoqué la possibilité de réduire à 20 le nombre de bases tout en conservant quelques antennes de proximité. Dans les armées comme dans d’autres secteurs, il y a un certain nombre d’échelons intermédiaires dont la pertinence n’est pas démontrée.

M. Gilles-Pierre Levy. En ce qui concerne les bases de défense, nous avons travaillé dans le droit fil des orientations tracées par l’Inspection des armées en 2009. En faut-il 20, 22 ou 24 ? Je n’en ai pas la moindre idée. Il semble que l’exemple à suivre soit celui de sites comme Toulon ou Brest, où la proximité physique favorise la mutualisation des moyens. Cela devient plus difficile lorsque les unités sont éloignées les unes des autres. La réponse la moins mauvaise consiste alors à maintenir des implantations locales coordonnées par une base centrale. Cela permet au commandant de base, s’il en a l’autorité, d’arbitrer plus aisément entre les priorités et, au surplus, de supprimer les états-majors intermédiaires. Avec 70 bases - comme cela avait été envisagé à un certain moment –, il est difficile au chef d’état-major des armées de parler directement avec les différents commandants de base. Le ministère de la défense avance pas à pas dans la voie du moins mauvais compromis possible et nous considérons pour notre part qu’il y a sans doute des économies à réaliser en progressant dans cette direction.

Les achats constituent un sujet sensible. Lorsque l’on remet en cause un contrat d’équipement, l’armée économise en moyenne 60 % de la dépense prévue – le pire cas connu étant celui du VBCI où l’État n’a économisé que 23 % de la dépense. Cela se justifie du reste dans la mesure où le préjudice de l’industriel est réel, celui-ci ayant calibré ses chaînes de montage pour plusieurs années au profit d’un projet qui n’ira pas complètement à son terme. Cela présente aussi un coût en matière de gestion budgétaire, la dépense ayant été étalée sur plusieurs exercices. Une bosse budgétaire en crédits de paiement a donc été créée pour les années 2016-2020. Déjà connu en 2009, ce type de remise en cause présente un coût élevé et un rapport coût efficacité nettement défavorable.

Les achats de fonctionnement courant représentent 2,5 milliards et les achats de maintien en conditions opérationnelles des matériels 3,5 milliards. Peut-on faire mieux en matière de méthodes d’achats ? Depuis une trentaine d’années, les industriels des grandes entreprises ont tenté de professionnaliser les processus d’achat, avec l’apparition d’écoles d’achat, en France – notamment à Bordeaux – comme à l’étranger.

S’agissant des achats courants, un service des achats d’État a été créé au ministère de l’économie et des finances en vue de diffuser les bonnes méthodes et d’atteindre un bon niveau de mutualisation. Si l’on comprend aisément que l’on achète des voitures au niveau national, il est évident que l’achat d’heures de ménage se passe mieux à l’échelon local. Lorsque les contrats présentent une certaine durée, il est également important de pouvoir les suivre dans le temps pour ne pas se faire piéger par des clauses mal rédigées au départ.

En ce qui concerne les achats relatifs au maintien en conditions opérationnelles des armées, l’une des principales difficultés tient au fait que dans nombre de cas, celui qui est le mieux placé pour entretenir un matériel, c’est celui qui l’a fabriqué. Le ministère est alors confronté à une situation de monopole qui le place en position de faiblesse car, à titre d’exemple et pour paraphraser une publicité, « qui mieux que Dassault peut entretenir votre Rafale ? » Il faut en outre noter que les acheteurs professionnels ne sont pas répartis en nombre adapté aux volumes d’achats : il y en a une quinzaine pour la petite base de Bourges et seulement cinquante pour traiter les 800 millions d’achats du service central de maintenance. Le volume d’achats par acheteur est donc souvent disproportionné.

La DGA dispose d’un service chargé d’enquêter sur les coûts, le bureau d’enquête et de contrôle des coûts – BEDC. Ses effectifs sont cependant très inférieurs à ceux que l’on dénombre au Royaume Uni ou en Allemagne et il n’obtient pas toutes les informations nécessaires, en particulier de la part des entreprises en situation de monopole. Enfin, il est positionné trop bas dans la hiérarchie, et il consacre 80 % de son activité au calcul des coûts d’achat de nouveaux matériels pour seulement 20 % au contrôle des charges de maintenance. Or, paradoxalement, on se trouve en position plus faible lorsqu’on sollicite de la maintenance que lorsqu’on procède au premier achat.

En résumé, les méthodes d’achats ne sont pas assez professionnalisées et il y a là un gisement d’économies potentielles de plusieurs centaines de millions d’euros.

M. Michel Voisin. Je reviens sur les effectifs car la partie consacrée à la DGA dans votre rapport n’est pas très détaillée. Compte tenu de l’évolution globale des effectifs du ministère, il semblerait que cette direction n’ait pas subi la même déflation que les autres services. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, étant entendu que la plupart des ingénieurs de l’armement ont rang d’officiers supérieurs ?

M. Nicolas Dhuicq. Je suis inquiet lorsqu’on parle de repyramidage pour les officiers supérieurs et généraux car l’art moderne de la guerre requiert une formation longue du fait de l’emploi de technologies de plus en plus complexes. Je n’ose imaginer ce qui se passerait si l’on arrêtait la progression des carrières dans les hôpitaux !

Je conteste aussi la notion d’armements non stratégiques car, de la baïonnette au char Leclerc, tout armement est par essence stratégique. Alors que la mutualisation des moyens à l’échelle européenne semble au point mort, qu’entendez-vous par « armement stratégique » ? N’y a-t-il pas un danger de déperdition de compétences, de la même manière que nous avons perdu nos compétences en matière de machines-outils, au profit notamment de l’Allemagne ?

Mme Catherine Coutelle. Je suis très impressionnée par le rapport de la Cour, sans doute très objectif mais aussi très sévère, pour ne pas dire négatif. Ce que l’on constate, c’est que les réformes et les décisions prises ne portent pas leurs fruits, ce qui est assez inquiétant.

En matière de masse salariale, je constate que la RGPP a touché l’armée de manière plus importante que d’autres secteurs tout en produisant des effets relativement limités. Considérez-vous par conséquent qu’il a été utile de la mener de cette manière ?

J’ai dans ma circonscription un régiment opérationnel et, pour en avoir discuté avec ses responsables, je ne peux pas dire que l’organisation des bases de défense les satisfasse beaucoup. Alors que l’on prétend favoriser l’opérationnel, ils me disent que si on les éloigne encore un peu, ils seront en capacité de mobiliser les hommes dans un délai très bref mais que les matériels ne suivront pas, alors que la base de défense ne se trouve qu’à 70 kilomètres. Estimez-vous que l’embasement a été à la source de réelles économies ?

Tous ministères confondus, des logiciels de gestion très coûteux se sont multipliés sans que l’on vérifie toujours leur compatibilité et leur simplicité d’emploi : ne faudrait-il pas procéder à une évaluation globale des logiciels qui ont envahi les ministères ?

Enfin, le projet de « Pentagone à la française » est-il irréversible ?

M. Didier Migaud. S’agissant du « Pentagone à la française », le Gouvernement a demandé une enquête à l’Inspection générale des finances et au Contrôle général des armées, dont les rapports devraient être connus rapidement. Le montage financier en PPP soulève certaines interrogations, et nous ne souhaitons pas intervenir en bout de chaîne pour ne constater que des dérapages.

Compte tenu de la complexité de certains domaines, l’on peut comprendre dans une certaine mesure le renforcement du taux d’encadrement. Toutefois, cela peut présenter plus d’inconvénients que d’avantages si la situation n’est pas maîtrisée, avec des phénomènes d’engorgement, une bureaucratisation accrue en administration centrale, la multiplication des structures de soutien et de contrôle, des durées de commandement trop courtes du fait de la rotation rapide des personnels ou le sous-emploi de personnels hautement qualifiés pour diriger des bureaux qui pourraient être confiés à des administrateurs civils beaucoup moins expérimentés.

La décision de reformater les effectifs de l’armée ne procède pas de la RGPP en tant que telle. Quelle que soit l’appréciation que l’on peut porter sur la manière dont elle a été menée, je considère que remettre à plat régulièrement les politiques publiques est un exercice utile.

Mme la présidente Patricia Adam. Tout à fait.

M. Didier Migaud. La qualité du rapport coût/efficacité doit être évaluée de manière systématique. En effet, on empile trop souvent les dispositifs sans remettre en cause ceux qui étaient censés ne plus être totalement efficaces. Il est indispensable de faire partager les constats en associant tous les acteurs concernés, parlementaires et fonctionnaires eux-mêmes. La résolution des problèmes s’en trouve grandement facilitée.

M. Gilles-Pierre Levy. La DGA a déjà fortement évolué. Alors qu’elle pesait beaucoup, elle a réduit son champ d’activité depuis une quinzaine d’années et elle ne compte plus, sauf erreur de ma part, qu’une dizaine de milliers de personnes. Il reste une marge de manœuvre mais il faut noter qu’elle s’est mise dans la position de quelqu’un qui fait faire plutôt que de quelqu’un qui fait directement.

Monsieur Dhuicq, personne ne conteste que tous les armements soient nécessaires. La Cour n’est pas chargée de définir l’effort de défense mais, à partir d’une somme donnée, de dire comment l’utiliser le moins mal possible. Dans cette optique, il convient de distinguer les armements qu’il est inenvisageable de transférer – dissuasion nucléaire, cryptologie, etc. – et les domaines qui peuvent être confiés à d’autres opérateurs sans que cela ne mette en cause notre sécurité. L’objectif est de ne pas dépendre d’un fournisseur extérieur lorsque survient un événement imprévu, comme l’intervention en Libye qui a fait exploser le volume de munitions aériennes utilisées.

La réforme des bases de défense est trop récente pour que l’on puisse en tirer un bilan définitif. Il faudra du temps pour habituer une armée où, pendant des siècles, chaque colonel disposait de sa propre intendance à un modèle mutualisé qui reste opérationnel à budget donné. Les parcs de matériels ne relèvent pas des bases de défense, lesquelles n’interviennent qu’en soutien.

Dans les grandes organisations, les changements de logiciels sont souvent pénibles et je n’ose pas citer le nombre de rapports dans lesquels le postulat de départ est que l’informatique n’a pas suivi ! Les erreurs d’évaluation qui ont été constatées plusieurs années durant au ministère de la défense restent cependant très rares et l’incapacité dans laquelle il s’est trouvé de payer des milliers d’agents est heureusement exceptionnelle.

Mme la présidente Patricia Adam. Madame, Messieurs, je vous remercie pour la qualité et la précision de vos réponses.

La séance est levée à dix-huit heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, M. François André, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Chambefort, M. Jean-David Ciot, Mme Catherine Coutelle, M. Bernard Deflesselles, M. Nicolas Dhuicq, M. Philippe Folliot, Mme Geneviève Gosselin, M. Marc Laffineur, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Christophe Léonard, M. Philippe Nauche, Mme Marie Récalde, M. Jean-Michel Villaumé, M. Michel Voisin

Excusés. – M. Ibrahim Aboubacar, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Alain Chrétien, Mme Marianne Dubois, M. Yves Foulon, M. Jean-Claude Gouget, M. Éric Jalton, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Jean-Pierre Maggi, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, Mme Sylvie Pichot, Mme Daphna Poznanski-Benhamou, M. François de Rugy, M. Philippe Vitel, Mme Paola Zanetti