Accueil > Travaux en commission > Commission de la défense nationale et des forces armées > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 4 décembre 2012

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 29

Présidence de Mme Patricia Adam, vice-président

— Audition, ouverte à la presse, de M. Charles Edelstenne, Président de Dassault Aviation et de Dassault Système, sur la dimension industrielle du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

La séance est ouverte à dix-sept heures vingt-cinq.

Mme la présidente Patricia Adam. Je suis heureuse d'accueillir M. Charles Edelstenne, président de Dassault Aviation et de Dassault Systèmes, grande entreprise qu’il est inutile de présenter. On oublie souvent de dire que l’aéronautique civile représente 75 % de votre activité, les activités de défense comptant pour les 25 % restants.

Votre entreprise suscite beaucoup d’espoirs, du fait notamment des perspectives de marché qu’elle s’est ouvertes en Inde.

M. Charles Edelstenne, président de Dassault Aviation et de Dassault Systèmes. Dassault est probablement la seule société au monde qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a développé et produit toutes les générations d’avions de combat, ce qui lui a permis d’accumuler une expérience qui n’a pratiquement pas d’équivalent à l’étranger.

M. Charles Edelstenne projette des diapositives.

Consulter le document de présentation de M. Charles Edelstenne :

Il est faux de dire que Dassault Aviation vivrait « aux crochets de l’État ». En effet, notre activité, qui était à 90 % militaire voilà une vingtaine d’années, est aujourd’hui à 75 % civile et nous avons financé sur nos deniers 25 % des développements du Rafale, ce qui ne se fait dans aucun pays étranger. En outre, nous tenons nos budgets, ce qui n’est pas fréquent dans les grands programmes militaires, et nous ne sommes, par principe, pas consommateurs de budgets de l’État pour nos programmes civils. Nous ne demandons ni avance, ni subvention, ni participation au grand emprunt pour le financement des programmes Falcon, qui représente 75 % de notre activité. Nous avons ainsi financé le Falcon 7X et finançons actuellement l’avion de la nouvelle génération, le Falcon SMS.

Nous avons aussi une culture du respect de nos engagements en matière de spécifications, de délais et de coûts et n’avons pas l’habitude de présenter une facture supplémentaire en cours de programme – à la satisfaction, semble-t-il, de la défense française.

Le Rafale, outil de souveraineté politico-militaire, repose sur la volonté politique de disposer d’une liberté d’action et d’une autonomie de décision sur les terrains d’opération où la France a décidé d’intervenir. Cet avion, qui est actuellement le seul avion omnirôle dans le monde, est adapté à des théâtres tant traditionnels qu’asymétriques et a fait la preuve de son efficacité en Afghanistan et en Libye.

Il permet aussi la rationalisation des forces aériennes françaises : alors que celles-ci comptaient en 1995 près de 690 avions, armée de l’air et marine confondues, il est aujourd’hui question de remplir les mêmes missions avec 286. Cette maîtrise des coûts est confirmée par un rapport de la Cour des comptes du 9 février 2010, qui constate un dépassement de 4,7 % du coût de l’ensemble du programme, lié à l’étalement du développement pour des raisons budgétaires, à la baisse des quantités et à de nouvelles fonctionnalités opérationnelles.

La comparaison avec les autres programmes d’avion de combat en cours est éclairante. Pour 286 avions, le coût budgétaire global du Rafale est de 90,3 millions d’euros hors taxes – avec, je le rappelle, une dérive de 4,7 %. Pour l’Eurofighter, le coût unitaire global est de 147 millions d’euros pour 160 avions et un dérapage des coûts de 75 %, selon les chiffres du National Audit Office (NAO), l’équivalent britannique de la Cour des comptes. Le programme du F22, l’avion de supériorité aérienne américain, qui prévoyait initialement la construction de plus de 700 appareils, a vu ses coûts exploser : le coût unitaire est désormais de 282,3 millions d’euros, avec une dérive de 386 %. Le JSF, enfin, annoncé comme un avion low-cost commun aux trois forces américaines – US Air Force (USAF), US Navy et Marines – pour répondre à l’évolution exponentielle du coût des avions de combat américains, devait être produit à 2 856 exemplaires, chiffre ramené à 2 443. Son coût unitaire est aujourd’hui de 98,4 millions d’euros et le dérapage atteint déjà 77 %, alors que le développement n’est pas encore terminé. Face à ces chiffres, la dérive de 4,7 % accusée par le coût du programme Rafale apparaît donc dérisoire.

Alors que l’aviation britannique emploiera l’Eurofighter et le JSF, l’USAF le F-22 et le JSF et la US Navy le F-18 E/F et le JSF, le Rafale équipera l’ensemble des forces françaises, contribuant ainsi à leur rationalisation.

La seule question qui se pose pour les activités de défense de Dassault est celle du maintien des compétences.

Une étude du conseil scientifique de la Maison Blanche a constaté que, sur 22 technologies stratégiques pour les États-Unis, 17 concernent directement l’aviation. Dassault doit ainsi conserver sa capacité à assurer la maîtrise d’œuvre de systèmes aériens militaires. Celle-ci suppose d’abord la maîtrise de certaines technologies, comme l’aérodynamique, la dynamique de vol, la furtivité, la structure et les matériaux, la gestion des énergies, les actionneurs, les systèmes d’information, l’interface entre l’homme et la machine, la conception multidisciplinaire et la fabrication. Elle suppose aussi la capacité d’intégrer l’ensemble de ces technologies et de piloter les compromis techniques et industriels, afin de permettre la réalisation du meilleur produit au prix le moins cher possible, sachant qu’un avion de combat est probablement l’un des systèmes les plus complexes conçus par l’homme.

La transmission des compétences se fait ordinairement de la manière suivante : sur la quarantaine d’années que dure la vie professionnelle d’un ingénieur, les dix premières sont consacrées à apprendre, les dix suivantes à faire, les dix qui suivent à faire faire et les dix dernières à arbitrer. Quatre générations d’ingénieurs ont ainsi travaillé sur le Rafale et le nEUROn, ce qui a permis un transfert de compétences correspondant à une capitalisation permanente de savoir-faire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La question est maintenant de savoir comment transmettre ce savoir-faire aux générations suivantes, car le développement du futur système aérien aura besoin de s’appuyer sur ce savoir capitaliser.

Un autre problème est lié à la durée de service du Rafale : si l’on considère qu’un avion de combat reste dans les forces durant 35 ans, nous aurons, pour maintenir à jour un programme de 286 avions, besoin de disposer des compétences nécessaires au bureau d’étude jusqu’en l’an 2065. Sans ingénieurs compétents, en effet, nous ne saurons plus mettre à jour le système face aux obsolescences, aux armes nouvelles ou aux nouvelles menaces.

Il n’y aura pas de futur avion de combat avant 2035-2040 si l’aviation de combat doit rester un secteur stratégique sans dépendance extra-européenne du fait de son emploi dans la guerre moderne et des technologies maîtrisées qu’elle met en œuvre au profit de l’ensemble de l’économie, et sachant que Dassault et ses partenaires sont aujourd’hui les seuls industriels européens sachant faire un avion de la 5e génération.

Il est donc impératif de maintenir les compétences des bureaux d’études. Ce maintien passe en partie par le développement de l’aviation civile, les compétences duales étant soutenues par le développement de Falcon, que nous autofinançons totalement. Il passe aussi par les évolutions des matériels existants, qu’il s’agisse des nouveaux standards du Rafale ou des nouvelles adaptations réalisées à la suite du retour d’expérience (RETEX). L’exportation conduit également à intégrer les exigences spécifiques des clients. Les drones, enfin, s’ils ne doivent pas être générateurs de bénéfices avant longtemps, contribuent au moins, eux aussi, au maintien des compétences des bureaux d’étude. Descendre sous ce seuil industriel d’un avion par mois serait un non sens industriel qui mettrait en péril la filière industrielle et sa fiabilité.

Il importe aussi de maintenir une cadence industrielle suffisante. Actuellement, le Rafale représente pour l’ensemble des fournisseurs qui constituent la « supply chain » une production d’un avion par mois sur un total de 130 avions civils – ce poids anecdotique de la production militaire dans la supply chain française indique l’attention dont elle peut faire l’objet de la part des fournisseurs. On voit ainsi combien il peut être difficile de livrer un avion en état de vol.

Dans les années 2000, nous avons autofinancé deux démonstrateurs pour entrer dans le domaine des drones. A ensuite été lancé, avec cinq pays européens, un démonstrateur technologique d’« Unmanned Combat Air Vehicle » (UCAV), dont le montant de 400 millions d’euros était non seulement très faible pour un tel programme, mais a en outre été partagé avec cinq États européens. Le premier vol, qui a eu lieu le 1er décembre, s’est parfaitement déroulé – je vous en montrerai tout à l’heure des images.

Les accords de Lancaster House envisageaient la fabrication d’un drone à moyenne altitude et longue endurance (MALE), du nom de TELEMOS, qui semble être resté dans les limbes, et d’un UCAV. Il a été décidé, le 24 juillet, de lancer une pré-étude de dix-huit mois et de quelques millions d’euros réalisée par British Aerosopace (BAE) et Dassault pour le futur drone de combat.

Nous avons en outre proposé un MALE intérimaire destiné à couvrir le besoin capacitaire français. Cet appareil, dénommé Héron TP, repose sur une plate-forme israélienne francisée avec des équipements fabriqués par Thales et Zodiac, afin d’assurer notre indépendance par rapport à tout pays étranger. Aucune décision n’a été prise pour choisir entre le Héron TP et un système américain.

En matière d’exportation du Rafale, des étapes importantes ont été franchies : la mise en service effectif de l’avion dans l’armée de l’air en 2006, puis le choix de l’Inde en 2012. Nous avons la capacité de fournir des Rafale tant qu’il existera une chaîne de production. Notre ambition est de conserver les parts de marché traditionnelles de Dassault à l’exportation, sur un marché de l’aviation de combat largement dominé par les États-Unis. Je rappelle néanmoins que 50 % de la production du Mirage 2000 avait été exportée.

Notre marché export est constitué des pays qui ne peuvent ou ne souhaitent pas acheter américain et des pays qui, comme l’Inde, souhaitent disposer d’une double source d’approvisionnement. Parmi les pays pour lesquels nous avons concouru dans le passé, les Pays-Bas ont toujours acheté américain, la Corée a cru brièvement qu’elle pourrait acheter des avions français sans l’accord des États-Unis et Singapour est un porte-avions américain. Au Maroc, l’efficacité du système français a réussi un tour de force : malgré une demande du roi adressée au Président de la République pour l’achat d’avions français, le royaume a fini par acheter américain. Quant à la Suisse, les déclarations politiques critiquant son système bancaire et fiscal formulées au moment même de la phase finale des négociations ont orienté ce pays vers l’achat de Gripen – mais l’histoire n’est pas encore terminée.

À long terme, nous pouvons nous préparer au futur programme d’avion de combat européen – European Fighter Combat Aircraft System, ou EFCAS – en maintenant nos compétences grâce aux développements civils liés notamment aux Falcon 7X et SMS, aux évolutions du Rafale, aux systèmes nEUROn, voire nEUROn II, au système MALE et au drone UCAS.

Le Président de la République, à qui j’ai demandé si l’aviation de combat devait rester une priorité politique ou s’il fallait l’abandonner, m’a répondu qu’elle serait conservée. Il faudra, pour cela, que des moyens soient mis en place.

M. Daniel Boisserie. L’Inde peut-elle encore faire marche arrière ? Qu’en est-il de la tranche conditionnelle ?

En quoi, par ailleurs, la nouvelle version du Rafale diffère-t-elle de la précédente ?

M. Jean-Jacques Candelier. L’industrie de la défense est-elle aujourd’hui en danger ? Que pensez-vous de la stabilité des crédits budgétaires jusqu’en 2015 et de la progression de 10 % des crédits destinés aux études amont ?

Je note que le carnet de commandes du Rafale pourrait se remplir. L’exportation de cet avion est-elle urgente ?

Qu’entendez-vous, par ailleurs, par « dérapage » du coût des avions ?

Faut-il croire, par ailleurs, les rumeurs concernant votre départ ? Qu’en est-il de votre succession ?

Mme Marie Récalde. En tant que députée d’une circonscription et adjointe au maire d’une commune – Mérignac –, qui accueille un site où ont été assemblés tous les avions Dassault, je vous remercie de nous avoir présenté les atouts du Rafale.

Qu’en est-il de l’offset lié aux ventes de cet avion à l’export ? Existe-t-il un risque de perte de savoir-faire français dans le domaine aéronautique ? Quelles sont les modalités de transfert de technologies et de compétences vers les clients ?

En deuxième lieu, les capacités de production seront-elles maintenues au-delà de la cinquième tranche, en 2017-2018 ?

M. Alain Chrétien. Dassault poursuivra-t-il de lui-même les travaux de recherche et développement pour le nouvel outil que constitue le nEUROn ou avez-vous besoin pour cela une d’impulsion politique ?

M. Damien Meslot. Quel est le coût de la recherche consacrée au nEUROn et quand peut-on espérer le voir livrer ? Attendez-vous pour ce bel outil un marché important à l’export ?

M. Alain Moyne-Bressand. L’année dernière, vous avez tenu lors d’une audition des propos très critiques sur Thales. Les relations avec ce partenaire de Dassault se sont-elles améliorées et existe-t-il des synergies ?

Par ailleurs, le projet de fusion entre EADS et BAE a-t-il suscité des inquiétudes pour le groupe Dassault ?

M. Charles Edelstenne. Les négociations avec l’Inde, pays où nos premières ventes remontent à 1953 et auquel nous avons pratiquement vendu toutes les générations d’avions, se passent bien. La volonté d’aboutir est présente et nos équipes sont mobilisées pour finaliser avec les autorités indiennes ce contrat.

La dernière version du Rafale est équipée d’une antenne active qui lui donne des capacités beaucoup plus importantes. Il s’agit du premier avion européen à disposer de cet atout majeur.

Pour ce qui est des dangers qui menacent la défense française, je ne sais pas plus que vous si les capacités budgétaires permettront de maintenir l’outil industriel performant dont nous disposons. Seules les décisions politiques prises à la suite de l’élaboration du Livre blanc permettront d’évaluer d’éventuels dangers. Nous avons déjà désamorcé deux équipes de spécialistes depuis le mois de juillet : si le standard F3-R n’est pas lancé pour le Rafale, ces ingénieurs seront affectés à des projets civils et ne voudront jamais plus revenir vers des programmes militaires, beaucoup plus incertains pour le déroulement de leur carrière.

Les crédits d’études figurant au budget présenté par le ministre sont de 750 millions d’euros, ce qui n’est pas mal par rapport au budget précédent, mais ces crédits sont inférieurs de 50 % à ce qu’ils représentaient en 1995.

Le dérapage est la remise en cause des spécifications techniques, des délais ou du prix prévus dans le contrat – les trois vont généralement de pair.

Pour ce qui est de mon départ, il est programmé pour le 9 janvier 2013. Le nom de mon successeur sera connu dans les prochains jours.

Dans tous les nouveaux marchés d’export, l’offset est une condition indispensable pour pouvoir présenter des offres. Le marché qui devrait se conclure avec l’Inde comportera donc bien évidemment des offsets.

Les transferts de savoir-faire et de technologies ne posent pas de problèmes dans certains pays qui, comme l’Inde et le Brésil, ont de très gros besoins immédiats et achèteront aujourd’hui des avions dont les derniers seront livrés dans sept ou huit ans et qui resteront en service dans leurs forces pendant 35 ou 40 ans. Il n’y a pas de concurrence à craindre à court terme de ces pays. Si donc le Brésil choisissait de s’équiper de Rafale, une commande de 130 avions nous mènerait à l’horizon d’un demi-siècle : nous aurons d’ici-là fait des progrès technologiques pour la future génération d’avions.

Quant à la cinquième tranche, la suite est entre les mains des politiques – peut-être aurez-vous, madame la présidente, une réponse à cette question.

À propos du financement du nEUROn, je rappelle que nulle part on n’autofinance des développements militaires et que le financement par Dassault de 25 % du développement du Rafale fait en la matière figure d’exception. Il n’est donc pas question d’autofinancer le programme de recherche sur le nEUROn, qui est d’abord un démonstrateur technologique qui n’a pas de débouché civil à terme sur lequel nous pourrions récupérer cet investissement.

Le coût du programme nEUROn est de 400 millions d’euros, dont 50 % ont été financés par la France : nous disposons donc, pour 200 millions d’euros, du premier avion de combat de ce type en Europe, dont le premier vol a démontré qu’il était d’un niveau équivalent à celui d’un programme qui aurait coûté plusieurs milliards s’il avait été développé aux États-Unis.

Pour la suite, les accords de Lancaster House prévoient le développement d’un avion de combat – un UCAV – avec le Royaume-Uni. La pré-étude est lancée et peut-être les 750 millions d’euros de crédits d’études permettront-ils de dégager des moyens pour financer un nEUROn II. Le programme franco-britannique reposera sur notre expérience du nEUROn et sur l’expérience britannique du TARANIS.

En entrant au capital de Thales et en découvrant l’entreprise de l’intérieur, nous avons eu quelques surprises, notamment des pertes pour un montant de près de 2,5 milliards d’euros. Sous notre impulsion, le président de cette société en a rétabli l’organisation. Les pertes sont absorbées et les programmes sont désormais rentables. Les marchés arrivent et les prises de commandes sont, malgré la crise, du niveau des années antérieures, ce qui est un exploit. Les résultats de 2011 ont été positifs, avec une marge de 5 %. La marge de 6 % annoncée aux marchés financiers pour l’année 2012 devrait être tenue.

Ni le projet de fusion entre EADS et BAE, ni son échec ne m’ont inspiré inquiétude ou satisfaction : je suis resté totalement neutre dans cette affaire, car notre seul point de friction concerne les avions de combat et le rapprochement entre les deux entités n’aurait rien changé au coût ni aux performances de l’Eurofighter, sur lequel elles collaborent déjà. Tom Enders m’a du reste donné acte de ma neutralité à ce projet.

M. Gilbert Le Bris. Vous vendez des avions, mais vos clients achètent souvent des protections – souvent celle des États-Unis, demain peut-être celle de la Chine, de la Russie ou de l’Inde. La stratégie française de vente du Rafale s’apparente souvent à la méthode Coué et les annonces des politiques ou des commerciaux sont parfois prématurées…

M. Charles Edelstenne. Pas de la part de notre société.

M. Gilbert Le Bris. …, mobilisant les concurrents qui reviennent à la charge avec d’autres propositions. Quelle est, selon vous, la bonne stratégie pour concrétiser les différents prospects que vous avez dans le monde ?

Par ailleurs, ne faudrait-il pas faire un choix pour éviter de disperser vos forces entre différents systèmes de drones ? Votre axe principal ayant toujours été le vecteur armé, ne vaudrait-il pas mieux choisir l’UCAV que le MALE ?

M. Philippe Nauche. Quel rôle l’État peut-il et doit-il jouer dans la politique d’exportation ?

Par ailleurs, le manque de stabilité de la gouvernance de Thales peut-il avoir des conséquences négatives sur les contrats en cours de discussion ?

M. Francis Hillmeyer. Comment expliquer les difficultés initiales qu’a connues à l’exportation un avion qui est le meilleur et le moins cher au monde ? Pour un Rafale vendu, combien d’Eurofighter, de F-22 et de JSF ?

M. Olivier Audibert-Troin. Au-delà du budget et des commandes publiques, qu’attendez-vous de l’État français ?

M. Jean-Jacques Bridey. Y a-t-il des secteurs stratégiques dans lesquels les transferts de technologie ne sont pas envisageables ? Quelles en sont les conséquences sur les marchés d’exportation ?

M. Philippe Meunier. Quelles sont les différences entre les moyens dont disposent vos concurrents pour vendre leurs produits et ceux dont vous disposez vous-même ?

M. Charles Edelstenne. Certains pays seraient prêts à acheter un fer à repasser au prix d’un avion de combat pour acheter avec lui la protection du parapluie américain – réelle ou illusoire. La vente d’un avion de combat est un acte politique, qui ne peut se faire qu’en direction d’un pays avec lequel nous avons une relation stratégique.

En termes d’efficacité export, la stratégie est simple : chacun doit jouer son rôle - aux politiques, la politique ; aux industriels, l’industrie et le commerce. Or, on a assisté dans le passé à un mélange des genres : les politiques et l’administration ont fait du commerce, ce qui est une catastrophe. Les politiques doivent donc créer l’environnement permettant une bonne relation – et si possible une relation stratégique – avec les clients potentiels, et nous devons quant à nous défendre notre produit et négocier nos prix. Le Président de la République et le ministre de la défense me semblent partager ce point de vue.

Pour ce qui est de Thales, il n’est pas certain qu’un éventuel changement de gouvernance au milieu du gué facilitera les choses. Si quelqu’un a une réponse à cette question, ce sont les clients.

Si aucun Rafale n’a été exporté à ce jour, force est de constater que les deux marchés obtenus à l’export par l’Eurofighter ont soulevé des interrogations largement relayées par la presse : pour le contrat saoudien, une enquête de Serious Fraud Office (SFO) aurait été arrêtée sur décision du Premier ministre britannique et, pour le contrat autrichien, une enquête serait en cours. Notre score est certes moins bon que celui de l’Eurofighter, mais nous avons été préservés de ces dérives par la législation de notre pays et sans doute devrais-je vous remercier d’avoir introduit dans le droit français, pour renforcer la réglementation adoptée par l’OCDE, les dispositions qui s’appliquent au grand banditisme. Je précise pour finir sur ce point que le F-22 n’a pas été exporté et que, pour le F-35, tous les pays désireux de bénéficier du parapluie américain ont participé à ce programme, versant pour son développement 8 milliards de dollars au bureau d’études de Lockheed, avec pour contrepartie la possibilité de concourir ultérieurement à la phase d’industrialisation s’ils sont compétitifs, ce qui au regard de la parité euro-dollar est loin d’être garanti…

À l’export, je n’attends rien d’autre de l’État qu’un soutien pour l’exportation – nous y avons un intérêt commun, en termes de chiffre d’affaires pour Dassault et, pour l’État, d’emplois et de recettes fiscales ou parafiscales.

Les transferts de technologies concernent pratiquement tous les domaines, sans restrictions, car l’évolution de ces technologies nous permettra de conserver une avance – pour autant, bien entendu, que nous ayons pu maintenir nos compétences.

Quant aux moyens de nos concurrents, l’un des principaux dont disposent les États-Unis est le dollar. Ainsi, pour la négociation du marché brésilien, nous avons l’avantage de la compétence, mais le prix du Rafale, initialement inférieur à celui de son concurrent américain, est finalement supérieur en raison de l’incidence des taux de change.

M. Charles Edelstenne projette un film montrant le premier vol du nEUROn.

Mme la présidente Patricia Adam. Merci, monsieur le président.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.

*

* *

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, M. Olivier Audibert Troin, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Alain Chrétien, M. Philippe Folliot, M. Jean-Pierre Fougerat, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin, M. Francis Hillmeyer, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Pierre Maggi, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, Mme Sylvie Pichot, Mme Émilienne Poumirol, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Gwendal Rouillard, M. Philippe Vitel, Mme Paola Zanetti

Excusés. – M. Nicolas Bays, M. Philippe Briand, Mme Catherine Coutelle, M. Bernard Deflesselles, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Christophe Guilloteau, M. Charles de La Verpillière, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Maurice Leroy, M. Jean-Michel Villaumé