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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 23 janvier 2013

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 42

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition des représentants des syndicats des personnels civils du ministère de la défense : Syndicat national unifié de l’encadrement civil de la défense - défense CGC (SNUEC – défense CGC).

La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.

Mme la présidente Patricia Adam. Je remercie M. Jean-Michel Rey, président du syndicat Défense CGC, et M. Henri-Philippe Bailly, vice-président de ce syndicat, d’avoir répondu à l’invitation de notre Commission. Les organisations syndicales ont exprimé à plusieurs reprises le souhait d’être auditionnées séparément afin de disposer du temps nécessaire pour exprimer leurs conceptions dans le contexte de la préparation de la loi de programmation militaire qui sera présentée cette année au Parlement.

Je rappelle que l’UNSA et la CGC, qui ont fait liste commune aux élections professionnelles, ont obtenu 23,34 % des votes, ce qui en fait la deuxième force syndicale au sein du ministère de la défense.

M. Jean-Michel Rey, président du syndicat Défense CGC. Reçus pour la première fois par la représentation nationale, nous tenons à remercier la Commission pour cette audition.

Nous voulons, pour commencer, exprimer toute notre solidarité envers nos collègues militaires concernés par des opérations extérieures et envers leurs familles.

L’année 2013 sera marquée par l’élaboration d’un nouveau Livre blanc pour la défense et la sécurité nationale, ainsi que d’une nouvelle loi de programmation militaire, qui engageront la nation sur plusieurs années.

Avec 23,3 % des suffrages exprimés lors de l’élection de représentativité d’octobre 2011, l’alliance formée par Défense CGC et l’UNSA Défense est devenue la deuxième force syndicale du ministère de la défense. Elle détient quatre sièges sur dix au comité technique ministériel.

Dans ses valeurs et ses modes d’action, Défense CGC est attaché au respect des droits de l’homme, du principe de légalité, de conditions de travail assurant le bien-être physique, mental et social du personnel et d’une juste répartition des richesses entre tous les acteurs.

Défense CGC a pris acte de l’engagement du Président de la République de porter une attention particulière, dans le cadre des travaux de refonte du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, aux questions relatives au recrutement, à la formation et à la gestion des ressources humaines, ainsi qu’au respect des droits des personnels, à la prise en compte de la spécificité de leur métier et à leur lien avec la nation.

Dans ce contexte d’ouverture de l’action gouvernementale et dans le respect de son engagement vis-à-vis du personnel civil qu’elle représente, Défense CGC se veut porteuse d’un dialogue responsable, innovant, toujours constructif, mais sans faiblesse, conciliant développement économique, service public, progrès social et développement durable.

Notre perception du contexte de la défense est sans détour : le personnel civil qui sert la communauté de défense, représentant environ 67 000 personnes, soit 23 % des effectifs du ministère, est en état de souffrance, sa place étant de plus en plus remise en cause et ses conditions de travail ne cessant de se dégrader. Plus de vingt ans de restructurations permanentes et consécutives ont mis à mal la valorisation de son engagement. C’est aujourd’hui le découragement qui prédomine.

Dans ce contexte, il apparaît nécessaire pour Défense CGC de réaffirmer que le personnel civil a toute sa place au sein du ministère et que son engagement à servir les missions du ministère est indiscutable.

Défense CGC ne cherche pas à opposer la communauté des personnels civils à celle des personnels militaires. Ces derniers ont vocation à intervenir en situation de conflits armés ou de sécurité intérieure et bénéficient à ce titre d’un entraînement et d’un statut particuliers. Les personnels civils ont vocation, quant à eux, à assurer l’administration générale et les soutiens communs au profit de l’ensemble du personnel civil et militaire. Ils ont aussi toute leur place dans la fonction technique, dont le rôle est essentiel pour l’efficacité de notre défense.

La recherche d’une complémentarité entre les communautés militaire et civile au travers d’une véritable stratégie de recrutement et d’emploi doit être un axe directeur du Livre blanc et de la loi de programmation militaire à venir.

Enfin, dans le contexte d’un climat social tendu, du mauvais état des finances publiques et d’une forte croissance des dépenses militaires liée à un contexte géopolitique fragile, la défense ne doit pas être la variable d’ajustement du budget, tout comme la paix sociale ne doit pas être un frein aux changements nécessaires.

La défense a déjà payé un lourd tribut aux restructurations, perdant sa propre capacité industrielle et réduisant à un seuil critique son niveau de compétence technique. Aller plus loin, en imposant par exemple à la Direction générale de l’armement (DGA) de nouvelles réductions de format, pourrait la placer en situation de perte irrémédiable de compétences, compromettant ainsi à terme sa capacité d’arbitrage, alors que, plus que jamais, le choix des systèmes et équipements de défense doit se faire en fonction d’un contexte géopolitique et selon des critères d’emploi et de performances, et non en fonction de stratégies d’emploi dépassées ou non validées, voire des seuls intérêts industriels.

L’armée française doit être dimensionnée, entraînée et dotée d’équipements et d’un soutien logistique opérationnel performants, adaptés à ses missions de défense et de sécurité nationale. Elle doit être respectée et reconnue dans son rôle. Il est à ce titre important de renforcer le lien armées-nation.

Les emplois à caractère non opérationnels doivent être « civilianisés » et valorisés au travers de parcours professionnels attractifs.

Nous souhaitons pouvoir débattre avec les membres de la Commission du rôle, de la place et de la gestion des personnels civils et nous avons dégagé à cette fin trois axes de réflexion, présentés dans les fiches qui vous ont été distribuées : la « civilianisation », le nécessaire changement de culture permettant d’accompagner les changements et les axes directeurs en matière de gestion des ressources humaines.

Avant d’engager le débat, nous évoquerons tout particulièrement la « civilianisation ». Nous nous efforcerons ensuite de répondre ici même, dans la mesure du possible, aux questions que les membres de la Commission voudront nous poser. À défaut, nous nous engageons à leur apporter une réponse écrite à la suite de l’audition.

Le personnel civil du ministère de la défense, qui comporte 38 % de personnels féminins, se compose pour 54 % de fonctionnaires, pour 33 % d’ouvriers de l’État et pour 13 % de contractuels. Il représente, comme nous l’avons dit, 23 % des effectifs du ministère.

Un emploi civil se définit, selon les termes du rapport établi en juin 2003 par le général Jean-René Bachelet et M. Jean-Pierre Champey sur Le rôle et la place du personnel civil au sein du ministère de la défense, comme « tout poste qui ne requiert ni le service des armes ni l’intégration dans un dispositif opérationnel ou susceptible d’être engagé sur un théâtre d’opération ou sur les bâtiments de la marine ». En 2008, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a sacralisé le rôle du personnel civil dans le ministère, précisant que « le soutien et l’administration lui sont confiés ».

Alors que cet objectif semblait partagé par tous, les bonnes intentions sont restées à l’état de projet, cédant face à certains lobbies. En effet la réduction du format des armées engagée il y a plusieurs années et qui s’est accélérée avec la loi de programmation militaire pour 2009-2014 a bloqué toute avancée. Les corporatismes ont pris le dessus, au détriment de l’intérêt commun.

Ainsi, la logique d’affectation des personnels en fonction de la définition qui vient d’être rappelée a été mise à mal. La ressource de postes diminuant, il est devenu primordial pour les personnels militaires de se réserver de plus en plus de postes « de respiration », au détriment des personnels civils. Si cette logique est recevable lorsqu’il s’agit de postes en alternance avec des postes opérationnels, elle devient inacceptable en deuxième partie de carrière, lorsqu’il n’y a plus d’alternance et qu’elle se traduit par l’occupation d’un emploi civil par un personnel militaire.

Il est indiscutable qu’un personnel militaire coûte bien plus cher qu’un personnel civil, compte tenu notamment du poids de la formation nécessaire pour entretenir sa capacité opérationnelle et de son régime de pension. De plus, si les civils ne sont pas soumis statutairement aux mêmes obligations que les militaires, leur bonne intégration dans les groupements de soutien des bases de défense (GSBdD) est fondamentale. Leur présence permanente assure une continuité de service à des unités dont la programmation est souvent bousculée par les impératifs opérationnels. À ce titre, ils constituent un rouage indispensable au bon fonctionnement du ministère et des armées.

Alors que l’objectif de « civilianisation » dans le soutien était de 60 %, on compte aujourd’hui 42 % de personnels civils, dont moins de 1 % de postes de cadres de catégorie A. Pour 2012 étaient prévus le gain de un poste de catégorie A, mais la perte de cinquante-neuf postes en catégorie B et de vingt-trois en catégorie C.

D’une manière générale, les postes d’encadrement sont peu gréés par des personnels civils, non parce que ceux-ci n’en ont pas la capacité, mais parce que la préférence est donnée à des personnels militaires. Le manque de mobilité reproché aux personnels civils n’est qu’un prétexte, car une mobilité excessive nuit à la performance des services, notamment dans les domaines du soutien et de l’administration. Nous assistons même aujourd’hui à une remilitarisation de postes dévolus aux personnels civils dans de nombreux domaines.

Mme la présidente Patricia Adam. Pour quels postes ?

M. Jean-Michel Rey. Par exemple dans la finance. Récemment, une secrétaire administrative de catégorie B a été remplacée sur un poste de pur soutien par un militaire ayant le grade de capitaine.

Souvent, la « civilianisation » consiste uniquement à reclasser des personnels militaires quittant le service actif sur des postes de fonctionnaires spécialement créés à cet effet dans le cadre de l’article L. 4139-2 du code de la défense. Cette situation crée des tensions entre personnels civils issus de concours de la fonction publique et anciens militaires, ces derniers étant reclassés dans des conditions particulièrement favorables et se retrouvant souvent, malgré une faible ancienneté dans le corps, en haut des listes pour l’avancement au grade ou au corps supérieur. Dans ce contexte, les personnels civils ont le sentiment de n’être que des unités de compte servant à combler les référentiels en organisation (REO) lorsque les personnels militaires ont été repositionnés à tort sur des postes de pur soutien.

Défense CGC préconise la conduite d’une mission d’audit pour établir un état des lieux des différents REO de la défense, afin de dresser la cartographie des emplois militaires et des emplois civils selon la définition figurant dans le rapport du général Bachelet et de M. Champey. La commission d’audit évaluera les gains financiers associés à la « civilianisation » des militaires occupant un emploi civil et proposera des orientations stratégiques à court, moyen et long terme en matière de politique de reconversion, de recrutement et d’emploi respectant l’équilibre entre les communautés militaire et civile.

Mme la présidente Patricia Adam. Qu’en est-il concrètement de la remilitarisation des postes ? Disposez-vous d’éléments chiffrés ?

M. Henri-Philippe Bailly, vice-président du syndicat Défense CGC. Il est difficile de citer des chiffres précis, car les REO relèvent de chaque service et ne sont pas agrégés. Il n’en reste pas moins que le fait de décider par avance si tel poste sera affecté à un militaire ou à un civil fausse la manœuvre. Il conviendrait de déterminer si les emplois concernés ont un caractère opérationnel ou de soutien.

Mme la présidente Patricia Adam. À quel niveau se prend la décision ? Les syndicats sont-ils consultés ?

M. Jean-Michel Rey. Les REO relèvent de la décision de l’état-major des armées (EMA). Les organisations syndicales n’interviennent donc pas dans ce processus.

Mme la présidente Patricia Adam. N’applique-t-on pas d’autres critères objectifs que ceux que vous avez cités pour définir si un poste est civil ou militaire ?

M. Jean-Michel Rey. Non. Les postes de l’administration générale sont notamment ceux de la chancellerie, de la comptabilité, des matériels, des achats, des finances, du soutien juridique, de l’administration des déplacements, de la restauration, des loisirs, de l’hébergement et de l’hôtellerie. Quant aux postes de soutien, il s’agit notamment de ceux de l’habillement, des transports et de la gestion des véhicules, de la maintenance des infrastructures, de la formation non spécifique, de l’entretien des matériels communs, de la distribution des carburants et combustibles, du logement, des espaces verts, du nettoyage des locaux, de la reprographie, de la gestion et de l’entretien des espaces sportifs. Il ne s’agit donc nullement, j’y insiste, de postes opérationnels.

M. Daniel Boisserie. Les personnels civils sont-ils conscients de la situation financière de la France et constatent-ils, de la part du Gouvernement, une volonté de faire tout son possible pour maintenir les moyens dans une situation très tendue ?

Pensez-vous par ailleurs qu’il y a trop d’externalisation ? Peut-on, au contraire, aller au-delà et cette démarche est-elle rentable ?

En troisième lieu, le taux d’encadrement est-il suffisant ? Les cadres sont-ils trop nombreux ou en nombre insuffisant ?

Enfin, le corporatisme que vous évoquiez est-il seulement le fait des militaires ou aussi celui des civils ?

M. Henri-Philippe Bailly. Les personnels civils sont conscients des difficultés que connaît la nation et très attachés aux missions du ministère. C’est ce qui explique le malaise qu’ils ressentent, faute de bien saisir le sens des réformes. D’autres méthodes permettraient de faire des économies et de disposer d’une armée beaucoup plus efficiente.

M. Daniel Boisserie. Lesquelles ?

M. Henri-Philippe Bailly. Il conviendrait déjà, par exemple, de bien cibler les emplois, car il coûte beaucoup plus cher d’employer un personnel militaire qu’un personnel civil sur un poste civil. D’où notre proposition de procéder à un audit des emplois et des REO. Il faudrait alors définir les postes selon qu’ils sont opérationnels ou non, puis identifier les compétences nécessaires et choisir les personnes les mieux adaptées. Cette démarche est très différente de celle qui consiste à attribuer d’emblée un statut à un poste.

M. Jean-Michel Rey. Nous ne sommes pas favorables à l’externalisation et préférerions une régie optimisée et rationalisée. On nous explique que l’externalisation permet de faire des économies, mais nous avons peu de retours. Pour ce qui est, par exemple, des véhicules de la gamme commerciale, il a été mis fin au contrat d’externalisation et le ministère reprend la main sur cette activité.

M. Henri-Philippe Bailly. L’externalisation engage fortement l’avenir. Il convient d’en déterminer préalablement le coût complet, qui ne se limite pas au personnel. Depuis 2009, le ministère de la défense a vu transformer très profondément sa gouvernance et son organisation répond désormais à une approche plutôt territoriale. Commençons par rationaliser cette organisation : on y trouvera certainement d’importants gisements d’économies.

Pour définir le coût complet de l’externalisation par rapport à celui d’une activité opérée en régie, notre comptabilité n’est pas très développée. Lorsqu’on a franchi le pas de l’externalisation, le retour est toujours difficile et coûteux. Nous ne nous sentons pas tout à fait prêts à franchir ce pas et la prudence s’impose.

M. Daniel Boisserie. Votre syndicat a voté, en d’autres lieux, pour la flexibilité. Comment atteindre un équilibre harmonieux entre des emplois de titulaires et une certaine flexibilité qui pourrait éviter l’exercice difficile et dangereux de l’externalisation ?

M. Henri-Philippe Bailly. Nous sommes demandeurs d’une gestion des ressources humaines qui irait dans le sens d’une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et de compétences (GPEEC), avec des parcours professionnels et des passerelles entre les différents métiers permettant de s’adapter aux besoins. Il faut commencer par catégoriser les emplois, puis rationaliser les organisations en recherchant des économies possibles, notamment par la mutualisation des fonctions – qui est précisément la raison d’être de l’organisation territoriale et des bases de défense. Faisons la chasse aux niveaux décisionnaires intermédiaires susceptibles de générer des frais et travaillons sur les ressources humaines pour offrir des parcours professionnels et des évolutions – formation, changement de métier et adaptation. Ce sont là des enjeux pour une gestion moderne du ministère.

M. Jean-Michel Rey. Dans les métiers de l’administration et du soutien commun, nous considérons qu’il n’y a pas assez de personnels civils de niveau A, car les postes d’encadrement de ces métiers sont souvent occupés par des personnels militaires.

Quant au corporatisme, il ne me semble pas être le fait du personnel civil.

M. Henri-Philippe Bailly. Les personnels civils ne font pas de corporatisme. Le « juge de paix » en la matière est là encore la distinction entre les emplois opérationnels et ceux qui ne le sont pas. Dans un souci de bonne gestion du ministère et de recherche d’efficience, un poste non opérationnel doit être tenu par un personnel civil dont on a défini le parcours professionnel et les règles de mobilité. Actuellement le personnel civil ressent une frustration en voyant qu’on met à sa place un personnel militaire. Est-il efficient qu’un bureau d’achat soit géré par un officier ? Les personnels civils détiennent les compétences nécessaires et ne seront pas moins attachés à la bonne conduite de la mission et à la satisfaction de nos forces armées. Le personnel civil est très attaché au ministère de la défense et à ses missions, qu’il accomplit avec beaucoup de dévouement. Face au chaos qui règne aujourd’hui au sein du ministère, où bien des tâches sont orphelines, ce personnel apporte aussi beaucoup de liant pour rétablir des liens entre les différents services de l’administration afin que les missions puissent être assurées malgré les défaillances de l’organisation.

Le personnel civil ne fait pas de corporatisme, mais revendique simplement de pouvoir occuper les postes qui devraient lui revenir.

M. Jean-Michel Rey. Nos collègues militaires ont tendance à taxer les personnels civils de corporatisme. Or, si le Livre blanc avait été appliqué, ce problème ne se poserait pas. Le fait que le personnel civil n’ait pas la main sur les affectations crée des frustrations.

M. Michel Voisin. Je suis choqué par la présentation que vous faites des réservistes dans la fiche que vous avez fait distribuer.

Réserviste opérationnel depuis l’âge de dix-neuf ans et trois mois jusqu’à celui de soixante ans, où j’ai été rayé des cadres, j’ai intégré trois ans plus tard la réserve citoyenne. Pendant quarante ans, c’est sur mon temps de congés payés que j’ai pris tout le temps que j’ai passé dans la réserve opérationnelle. Quant à la solde, elle ne m’a jamais enrichi.

La réserve opérationnelle apporte quelque chose et, compte tenu de son importance pour le lien armées-nation, vos affirmations sont déplacées.

M. Jean-Michel Rey. Nous n’avons rien contre la réserve opérationnelle. Il n’est pas normal, en revanche, qu’un colonel de réserve touche une solde pour remplacer une secrétaire administrative dans un service d’achats ou un service financier, car il ne s’agit pas d’un poste opérationnel.

M. Michel Voisin. Dans la filière de l’état-major, des officiers affectés à la réserve opérationnelle participent à l’administration de nos forces. Il faut respecter ces gens qui se sont engagés et vous devriez donc supprimer l’exemple qui figure sur votre fiche.

M. Henri-Philippe Bailly. J’ai été officier de réserve jusqu’à 2004 où j’ai moi-même décidé de cesser de l’être. Nous ne remettons nullement en cause le rôle que peut jouer une réserve opérationnelle pour assurer auprès des jeunes le lien entre la nation et la défense. Pour ce qui me concerne, tant que j’étais dans la réserve opérationnelle, j’ai toujours trouvé ma place en tant que citoyen, mais, dès lors que l’on m’a demandé un travail de conseiller qualité pour accompagner l’établissement auquel j’étais affecté dans une certification ISO 9001, j’ai considéré qu’il ne s’agissait plus d’une réserve opérationnelle et j’ai cessé cette activité. Lorsque des sous-officiers ou officiers de réserve reviennent pour occuper des emplois de secrétariat dans les bases ou les hôpitaux militaires, c’est un mauvais emploi de la réserve. Celle-ci est destinée à donner, si nécessaire, une capacité supplémentaire d’intervention en soutien à nos forces armées et à entretenir auprès des jeunes une relation entre l’armée et la nation, mais sa place n’est pas dans les services de soutien.

M. Michel Voisin. L’un de nos collègues, M. Jean-Claude Beaulieu, a été rayé des cadres à soixante-cinq ans : il était chirurgien et allait chaque année opérer en Afghanistan pendant un mois complet. Les carrières dans la réserve se font en fonction des spécialités acquises durant la formation au sein des forces armées.

Mme Geneviève Gosselin. La création des GSBdD et la réduction des effectifs ont-elles principalement eu un impact sur les effectifs civils et peut-il en découler une perte de compétences ou de capacités dans les activités de soutien ?

Vous préconisez par ailleurs la redéfinition des postes opérationnels et non opérationnels afin d’éviter la remilitarisation des postes de soutien. La CGC considère-t-elle que, pour ce faire, la compétence en matière de rationalisation et de gestion de l’activité de soutien doit être enlevée à l’EMA ?

M. Henri-Philippe Bailly. Les réductions de postes et fermetures de services pour des raisons budgétaires sont bien évidemment un risque de perte de compétences. La gestion des compétences au niveau du ministère doit être totalement organisée et pouvoir faire le lien entre compétences militaires et civiles.

M. Jean-Michel Rey. La complémentarité entre les populations civile et militaire et primordiale. À l’heure actuelle, le ministère de la défense comporte deux directions des ressources humaines : la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) pour les personnels civils et une direction des ressources humaines militaires rattachée à l’état-major des armées (EMA). Pour que le système fonctionne, la gestion des personnels, civils ou militaires, doit être rattachée au secrétariat général pour l’administration (SGA).

Mme Geneviève Gosselin. Même pour les postes opérationnels ?

M. Jean-Michel Rey. Le ministère de la défense doit avoir une seule direction des ressources humaines.

M. Henri-Philippe Bailly. Si l’EMA se recentre sur l’emploi purement opérationnel des forces, l’activité de soutien pourra, une fois définis les postes opérationnels et non opérationnels, être confiée à une structure commune de soutien. Le SGA est a priori le service compétent pour cela. Compte tenu des grands changements intervenus au sein du ministère de la défense, une période intermédiaire était nécessaire, mais elle ne doit durer que le temps nécessaire à la rationalisation des activités et à la séparation des fonctions.

M. Jean-Michel Rey. Il faut faire sauter deux verrous. Il conviendrait tout d’abord de modifier le code de la défense pour assurer une égalité de traitement aux civils et aux militaires. Aujourd’hui, en effet, un chef de corps et un chef de service n’ont pas les mêmes prérogatives : un personnel militaire ne peut pas être sanctionné par un personnel civil placé au-dessus de lui.

Par ailleurs, l’exemple de l’OTAN invite à se demander si la solution ne consiste pas plutôt à donner une équivalence et un niveau à un poste plutôt qu’à une personne. Dans ce schéma le statut n’intervient plus, ce qui implique une gestion commune des ressources militaires et civiles.

M. Henri-Philippe Bailly. Pour définir le rôle des personnels civils, six axes directeurs devraient être pris en compte dans l’élaboration du Livre blanc et de la loi de programmation militaire. Il s’agit tout d’abord de s’interroger sur le fonctionnement de la chaîne de gestion des ressources humaines. Il s’agit aussi de donner une réalité aux parcours professionnels en s’appuyant sur des emplois cartographiés, sur des compétences et sur une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC). Il faut également réfléchir à la planification et à l’accompagnement de la mobilité, en évitant une mobilité excessive qui pourrait nuire à l’efficacité, mais en sachant accompagner la mobilité lorsqu’elle est nécessaire, avec des gestions transversales et des passerelles entre les métiers, ce qui apporterait une souplesse que nous n’avons pas aujourd’hui. Il faut encore redonner toute sa place à la formation, afin d’assurer la flexibilité des emplois et l’évolution des métiers. Il convient également de tenir les engagements des réformes statutaires : développer des emplois civils, c’est aussi donner au statut de ces emplois l’ampleur nécessaire pour occuper tous les postes, tant administratifs que techniques. Il faut enfin travailler sur la chaîne de prévention, ce qui ne se limite pas au respect du code du travail – car celui-ci s’applique à tous –, mais permet de travailler sur les organisations et les hommes, pour choisir les bonnes organisations et impliquer les agents.

M. Jean-Michel Rey. Il n’appartient pas à Défense CGC de dire ce que sera la défense : c’est là le rôle du politique. Cependant, avant de recommencer à tailler dans les effectifs, les réductions de coûts que nous proposons devraient être examinées.

Les événements récents ont montré l’utilité de la défense et il n’est pas bon de considérer que le ministère de la défense doive être une variable d’ajustement des effectifs et du budget de l’État.

Mme Marie Récalde. Pouvez-vous dresser un bilan des compétences industrielles en matière de maintien en condition opérationnelle (MCO) transférées au secteur privé concurrentiel et évaluer le coût social réel de ce transfert ?

M. Henri-Philippe Bailly. N’étant pas spécialistes du MCO, nous ne pouvons répondre avec précision sur ce point. Cependant, tout transfert d’activité soulève la question du risque qui lui est associé. La prudence s’impose en la matière pour éviter toute défaillance de ce transfert susceptible de mettre notre armée en difficulté dans l’une de ses opérations.

Le transfert suppose aussi des changements de compétences : le « savoir-faire » et le « faire faire » sont deux choses différentes et il faut donc accompagner ce transfert, notamment afin d’éviter la toute-puissance d’un industriel qui fixerait les prix à son gré. Une réflexion approfondie sur les risques s’impose donc toujours.

Mme la présidente Patricia Adam. Messieurs, je vous remercie.

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La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Daniel Boisserie, M. Guy Chambefort, M. Luc Chatel, Mme Geneviève Gosselin, M. Christophe Guilloteau, M. Philippe Nauche, Mme Émilienne Poumirol, Mme Marie Récalde, M. Michel Voisin

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. François André, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Candelier, M. Jean-David Ciot, M. Lucien Degauchy, M. Yves Foulon, Mme Edith Gueugneau, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Jean-Pierre Maggi, Mme Daphna Poznanski-Benhamou, M. Joaquim Pueyo, M. François de Rugy, Mme Paola Zanetti