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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 5 février 2013

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 46

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, pour un point hebdomadaire sur l’opération Serval au Mali

— Information relative à la commission 9

La séance est ouverte à seize heures quinze.

Mme la présidente Patricia Adam. Je suis heureuse d’accueillir M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, pour un point hebdomadaire sur l’opération Serval au Mali. Après votre visite à Tombouctou avec le Président de la République et le ministre des affaires étrangères, vous évoquerez aussi sans doute la question des otages, même si vous ne pouvez tout nous dire à ce sujet. Se pose également le problème des conditions de mise à disposition des équipements logistiques proposés par les pays européens ou extérieurs à notre continent, dont certaines complexifient la tâche de notre état-major.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. La situation sécuritaire à Bamako et Gao reste calme trois semaines après le déclenchement de l’offensive militaire française.

Les forces françaises, maliennes, nigériennes et tchadiennes poursuivent la sécurisation et la stabilisation des alentours des grandes villes. Certains itinéraires restent encore peu sûrs : une mine a notamment explosé à proximité de Gossi au sud-ouest de Gao et il reste des poches de groupes djihadistes au nord de Tombouctou, entre Gao et Kidal et à l’est, vers Ménaka et Asongo, malgré certaines frappes sur cette dernière ville.

À Kidal, les forces françaises sont sur place et bien acceptées par la population. Nous avons eu des contacts avec le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) : celui-ci, qui a toujours gardé ses distances avec les groupes terroristes et refusé la charia, laisse entendre qu’il peut accepter une solution politique dans le cadre d’un Mali unitaire, tout en nous faisant part de ses craintes d’exaction en cas de retour de l’armée malienne. À cet égard, le colonel qui a mené les forces spéciales à Kidal a fait preuve d’une grande intelligence de la situation. Deux sections d’infanterie parachutiste sont arrivées en renfort à Kidal, ce qui porte nos effectifs de 75 à 150 militaires, lesquels sont appuyés par des militaires tchadiens.

Par ailleurs, nous avons réalisé depuis samedi un nombre très important de frappes aériennes sur des objectifs ciblés dans l’Adrar des Ifoghas. Elles contribuent à désorganiser la logistique et les capacités des djihadistes : le but est de leur faire comprendre que même dans leurs sanctuaires, ils ne sont pas à l’abri.

Les groupes armés djihadistes sont répartis en trois ensembles principaux : un premier, lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), replié au nord, dans l’Adrar des Ifoghas et la zone de Timétrine – une zone plus grande que la France où seraient a priori situés les otages. Nos frappes se poursuivent sur place sur des objectifs préalablement identifiés par différentes sources de renseignement.

Le deuxième ensemble est localisé dans la région située entre Gao, Tombouctou et l’axe remontant vers Kidal. La zone au sud de Gao contient aussi de façon résiduelle des djihadistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) et il y a une faible concentration de combattants dans la forêt de Ougadou, près de Diabali, que nous sommes en train de sécuriser avec le soutien des forces maliennes.

Le troisième ensemble a probablement quitté le Mali pour les pays voisins – la Mauritanie, l’Algérie, le Burkina Faso, le Niger, la Guinée ou le Tchad. Sur les frontières algériennes, la sécurisation se fait à peu près bien, mais vu leur ampleur, il y a toujours des possibilités d’intrusion, de même que sur la frontière mauritanienne. Du côté du Tchad, il n’y a pas d’inquiétudes de ce type, mais il reste des fragilités au Niger et surtout du côté de la Libye. Le ministre délégué chargé des anciens combattants, Kader Arif, est aujourd’hui dans ce pays pour discuter avec les autorités en vue de sécuriser davantage la frontière – ce qui est compliqué étant donné la situation militaire et politique de ce pays.

En tout cas, les groupes armés djihadistes ont perdu l’initiative sur le terrain. Nous allons donc continuer nos frappes en vue de les désorganiser. Mais il n’est pas exclu qu’ils ripostent par le biais d’actions asymétriques, en utilisant des engins explosifs improvisés –IED –, des engins explosifs, voire effectuent des actions kamikazes..

S’agissant de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA), les forces africaines poursuivent leur déploiement dans le pays. Atteignant aujourd’hui près de 4 000 hommes en comptant les Tchadiens et les Nigériens, elles s’installent progressivement dans différents sites en dehors de Bamako : les Togolais sont à San, les Burkinabé à Markala, les Nigérians à Banamba et, à l’est, se trouvent les Tchadiens et les Nigériens – ceux-ci contribuant à la sécurisation de Gao.

Le soutien international se poursuit également. L’appui opérationnel de nos partenaires occidentaux se maintient, essentiellement au bénéfice des contingents africains. L’aide américaine continue tant pour le transport stratégique que pour le ravitaillement en vol et le renseignement. Elle est particulièrement utile et efficace dans ce dernier domaine : nous avons mis au point un dispositif de fusion de l’ensemble de nos éléments de renseignement, ce qui nous permet d’ajuster nos frappes au nord..

Concernant la mission européenne EUTM Mali, je suis allé voir ce matin à Vannes le 3e régiment d’infanterie de marine (RIMA) et la 9e brigade d’infanterie de marine, qui a la charge de fournir les éléments cadre de cette mission. Celle-ci sera installée à partir du 12 février à Koulikoro, à l’exception de la partie état-major qui sera à Bamako. Les participations des différents États de l’Union seront achevées d’être actées aujourd’hui. Seront formés quatre bataillons maliens de 665 hommes chacun dans le cadre de stages de neuf semaines. Le général Lecointre, qui dirige la 9e brigade d’infanterie de marine, sera le chef de la mission, qui aura aussi pour vocation d’aider, non seulement à la structuration de l’armée malienne, mais à sa connaissance du droit international, avec des modules de formation de protection des civils et de droit humanitaire.

Il faut aussi réfléchir à l’élargissement de cette mission, afin de former les forces de sécurité maliennes, qu’il s’agisse de la gendarmerie, des douanes ou des gardes-frontière. Cela supposerait un nouvel engagement de l’Union européenne, à l’image de ce qu’elle fait aujourd’hui pour la Somalie. Je le proposerai lors de la prochaine réunion des ministres européens de la défense, qui se tiendra dans une semaine. Cette seconde mission devrait être installée assez vite : le Mali doit se restructurer. J’ai donc décidé ce matin le départ des 120 militaires français préparés à cet effet.

Nous avons aujourd’hui 4 000 militaires sur place, avec leur matériel : ce nombre, qui n’a pas vocation à s’accroître, diminuera au fur et à mesure de la montée en puissance des forces africaines. Le processus de réconciliation politique que nous appelons de nos vœux est plus difficile dès que l’on avance vers le nord, où les populations sont différentes : il a été rappelé par le président Traoré dans son discours aux Maliens prononcé avant celui du président Hollande – il en a d’ailleurs exprimé la volonté à celui-ci en ma présence. Ce processus suppose de conduire une partie politico-militaire délicate, mais avec ce soutien et le savoir-faire de notre ambassadeur à Bamako et de nos officiers sur place, on peut y parvenir et mener à bien la libération du nord – en faisant en sorte que les éléments de population touarègue ou arabe du nord participent à la réconciliation.

Le président Traoré a annoncé publiquement samedi dernier que les élections auraient lieu le 31 juillet prochain. Il importe à cet égard qu’il y ait les contacts nécessaires avec les représentants touaregs, qui ne sont pas nécessairement ceux du MNLA.

Enfin, au plan international, a été émise l’idée de transformer le cadre d’action de la MISMA – régie par la résolution 2085 – en une opération de maintien de la paix assurée par les casques bleus, qui ferait l’objet d’une autre résolution. Cette nouvelle configuration nous paraît plus adaptée à la situation actuelle : elle permettrait d’avoir un cadre juridique plus robuste et plus déterminé vis-à-vis des forces africaines – le vice-président Biden s’y est d’ailleurs montré très favorable hier. Elle suppose environ un mois de préparation diplomatique pour avoir un accord du Conseil de sécurité. Cela étant, je rappelle que notre intervention repose toujours sur le fondement de l’article 51 de la Charte des Nations Unies.

M. Philippe Folliot. L’UDI soutient l’intervention française, dont vous avez eu raison de dire qu’elle était loin d’être terminée, nos adversaires pouvant se réfugier dans le désert et les montagnes.

Souhaitez-vous utiliser les moyens des actions civilo-militaires ? Avons-nous des assurances sur la nature de l’implication des autorités algériennes pour résoudre ce conflit ?

M. le ministre. Au-delà de l’enthousiasme extraordinaire de la population à l’égard de nos forces sur place – qui les encourage, de même que les forces maliennes –, il faut garder son sang-froid, car il reste à conquérir l’Adrar des Ifoghas où se sont repliés les djihadistes les plus radicaux : après nos frappes aériennes, il faudra peut-être aussi être présents au sol, ce qui est complexe et demandera du temps. La manière habile utilisée par les plus hauts responsables de nos armées me rend optimiste, mais de façon mesurée compte tenu de ces difficultés.

Je suis favorable à des actions civilo-militaires, mais aussi à des actions civiles : nos militaires n’ont pas vocation à faire de l’humanitaire, en dehors des missions d’accompagnement immédiat. J’ai été rejoint sur place par le ministre délégué chargé du développement, M. Pascal Canfin, qui a lancé l’initiative de réunir au mois de mars toutes les collectivités locales ayant des relations historiques avec le Mali – il est d’ailleurs aujourd’hui à Bruxelles pour donner une dimension européenne au dispositif. Nous voudrions que l’ensemble des collectivités qui ont été présentes à un moment donné dans ce pays assure le relais, sachant que des questions difficiles d’approvisionnement en eau ou en nourriture se poseront assez vite, même si nous ne sommes pas pour l’instant confrontés à une crise humanitaire. Je rappelle qu’une partie de cet approvisionnement provient d’Algérie : or celle-ci a bel et bien fermé ses frontières.

S’agissant de ce pays, il nous appartient d’avoir un contact étroit avec ses autorités, ce qui est le cas : j’ai moi-même de bonnes relations avec mon homologue. Elles ont avec nous des intérêts objectifs communs – Mokhtar Belmokhtar, qui est intervenu chez eux, s’est probablement réfugié dans l’Adrar des Ifoghas –, mais l’armée algérienne ne peut, au titre de leur constitution, intervenir à l’extérieur.

M. François de Rugy. Merci, monsieur le ministre, des précisions que vous nous apportez depuis plusieurs semaines sur la situation au Mali. Y a-t-il des répliques antiaériennes de nos adversaires ? Comment se déroulent les éventuels combats au sol ? Les groupes que nous combattons fuient-ils vers les positions que vous avez indiquées ? Pensez-vous que le MNLA peut s’affranchir d’une intervention militaire au profit d’une action purement politique ?

M. le ministre. On suppose que les groupes terroristes ont des missiles sol-air – acquis sur le marché noir ou en Libye –, mais ils n’en ont pas fait usage jusqu’ici. Cela dit, nos aviateurs en tiennent compte.

Il y a eu des combats à Gao, qui ont provoqué des dégâts considérables sur ces groupes, de même qu’à Konna. S’il existe des risques d’affrontement à Bourem, ce n’est pas le cas dans l’Adrar des Ifoghas à ce stade.

Quant au MNLA, qui comporte une branche militaire et une branche politique, il n’a jamais été un groupement terroriste, mais un mouvement autonomiste qui n’a pas toujours eu des méthodes diplomatiques pour développer sa présence – ce qui a suscité un sentiment de revanche chez les populations du sud. Il s’est toujours démarqué d’AQMI, d’Ansar Eddine et du MUJAO : il y a même eu de violents combats entre lui et ce dernier au début de l’année. Mais on ne peut imaginer que dans un État retrouvant son intégrité et sa souveraineté, il reste une poche armée.

Cette question peut être réglée dans le cadre de l’appel à la réconciliation nationale lancée par le président Traoré, qui, je le rappelle, ne sera pas candidat à la future élection présidentielle, étant lui-même issu d’un coup d’État.

M. Damien Meslot. Les forces françaises contrôlent-elles Kidal ou est-ce le MNLA ? N’est-il pas compliqué pour nos troupes, dans leur progression vers le nord, d’avoir un allié comme celui-là ?

Par ailleurs, j’ai été très surpris de voir à la télévision un officier africain annonçant qu’on allait entreprendre des actions pour sauver nos otages. Cela m’a paru une démarche inopportune : qu’en pensez-vous et que savez-vous de la position de nos otages ?

M. le ministre. Nous contrôlons Kidal avec les troupes tchadiennes et un agrément du MNLA.

Quant au général nigérian Abdulkadir qui est l’auteur de cette déclaration, il aurait en effet mieux fait de se taire.

S’agissant des otages, la seule chose que je puis vous dire est que chacun de nos actes intègre toutes les informations dont nous disposons – sachant que s’ils n’étaient plus en vie, on le saurait – et qu’ils ne sont pas tous au même endroit, ce qui complique la tâche.

M. Charles de La Verpillière. Quel est l’enjeu de l’approvisionnement en carburant des populations et des rebelles au nord du Mali ? Dans quelle mesure peut-on maîtriser ou interrompre le ravitaillement en la matière ?

M. le ministre. Il s’agit d’une question essentielle, dont les armées françaises s’occupent beaucoup. Quand l’Algérie ferme ses frontières, le problème pour les groupes terroristes n’est pas tant de ne plus pouvoir se rendre dans ce pays que de ne plus être en mesure de s’approvisionner en pétrole ! Nous frappons en priorité les dépôts logistiques cachés des groupes que nous avons identifiés par le renseignement, notamment dans l’Adrar des Ifoghas.

M. Philippe Vitel. Les groupes djihadistes ayant fui sont apparemment silencieux : avez-vous eu connaissance d’éléments de communication qu’ils auraient délivrés ?

M. le ministre. Ceux-ci sont extrêmement rares, pour des raisons liées à nos propres actions.

M. Eduardo Rihan Cypel. Merci, monsieur le ministre, de votre disponibilité.

Comment avez-vous perçu, dans les contacts que vous avez pu avoir sur place, l’attitude de la population et des autorités maliennes à l’égard de la feuille de route du président malien pour la résolution de la crise politique ?

M. le ministre. Nous avons rencontré un enthousiasme très fort de la part de la population malienne, qui avait le sentiment de se libérer. Cela fut d’ailleurs encore plus émouvant à Tombouctou qu’à Bamako. Je précise que le président Traoré a fait dans cette ville successivement deux discours : celui qu’il n’avait pu prononcer à Tombouctou et celui qu’il avait prévu sur place – où il disait la même chose. Je n’ai pas senti de réaction négative. Lors de la brève réunion au palais présidentiel avec les principales personnalités politiques du pays, essentiellement du sud, j’ai perçu un état d’esprit positif. Mais j’ai été interpellé par certains sur le fait que j’avais dit à la télévision que les Touaregs – et non les représentants du MNLA – sont nos amis, ce qui est vrai, seuls quelques terroristes touaregs étant nos ennemis. Pour l’instant, la qualité de nos représentants et de nos interlocuteurs est satisfaisante. On voit bien l’intérêt que peut représenter pour les actions que nous entreprenons actuellement une relation intelligente avec le MNLA ainsi qu’avec l’Algérie et la Mauritanie, qui dialoguent avec lui.

M. Bernard Deflesselles. Kidal est le nœud gordien et la porte d’entrée vers le nord.

Quelle est précisément la position du MNLA ? Comment voit-il l’éventuelle coopération avec la France et la MISMA pour aller vers le nord déloger les derniers djihadistes qui y sont réfugiés ? Peut-on avoir confiance en lui et s’appuyer dessus ?

M. le ministre. Les relations du MLNA avec le Niger ne sont pas les mêmes que celles qu’il a avec le Tchad, ce qui complique la situation, d’autant que ses effectifs ne sont pas très nombreux.

Agh al-Sharif, qui est notre interlocuteur au sein du mouvement, a toujours eu depuis notre arrivée à Kidal une attitude positive, permettant à notre colonel sur place de rencontrer un certain nombre d’acteurs ne faisant pas partie de cette organisation. Il faut préserver ce lien. Toute la question tient à la constitution du MNLA en force politique, et non plus militaire. Une bonne collaboration avec lui peut être fructueuse, ne serait-ce que pour obtenir des informations. Il s’agit d’une action délicate. D’où aussi l’intérêt d’une opération de maintien de la paix, qui permet de se situer dans un autre contexte, y compris vis-à-vis des forces africaines. Jusqu’à présent, les habitants de la région acceptent les Tchadiens, mais aller au-delà dans la représentation africaine serait compliqué, sauf si l’on change de cadre d’intervention.

M. Jean-Jacques Candelier. Merci, monsieur le ministre, pour vos précisions. Les dépenses de la France depuis le début de notre intervention sont évaluées à environ 50 millions d’euros ou 1 à 1,5 million d’euros par jour – ce coût dépendant à terme du dispositif qui sera appliqué.

Par ailleurs, la France est toujours seule sur le terrain parmi les pays européens, même si certains États comme les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, le Danemark et la Belgique ont apporté une contribution logistique. Quelle sera la participation de la communauté internationale ? Pensez-vous que nous continuerons longtemps à être seuls à intervenir en Europe ?

M. le ministre. Le surcoût de l’ensemble de notre dispositif depuis le début de notre intervention est évalué à 70 millions d’euros, par rapport aux 630 millions d’euros inscrits au budget de la défense pour les opérations extérieures (OPEX). Je m’en expliquerai demain devant votre commission et celle des finances.

Quant à la MISMA, elle bénéficie du financement collecté lors de la conférence des donateurs, soit 380 millions d’euros. Nous contribuons pour cette opération à hauteur de 47 millions d’euros au titre du ministère des affaires étrangères.

M. Philippe Vitel. Quelle est la motivation des Japonais à participer à hauteur de 120 millions de dollars à cette opération ?

M. le ministre. Ils ont subi des victimes lors de l’attentat d’In Amenas !

Par ailleurs, d’autres contributeurs pourraient se faire jour.

S’agissant du financement de l’EUTM Mali, il est assuré par l’Union européenne.

Quant à celui du matériel de l’armée malienne, il fait l’objet de discussions : j’estime qu’une partie des 380 millions d’euros doit être consacrée à cet effet.

M. Sylvain Berrios. Dans le cadre du processus de restauration de l’intégrité et de la souveraineté du pays, il faut que toutes les parties prenantes soient intégrées : comment le seront les Touaregs alors qu’ils sont parfois pourchassés et que les forces de maintien de l’ordre qui interviendront sur place seront sans doute chargées de les protéger ?

M. le ministre. Telle est en effet la difficulté. D’autant que les Touaregs ne sont pas très nombreux et présents sur un grand territoire. Il faut mettre en place les moyens d’une réconciliation nationale. Dans la feuille de route votée par l’Assemblée nationale malienne, qui est en deçà de ce que propose le président Traoré, est prévue une conférence malienne de réconciliation : celle-ci devra être mise en œuvre au bon moment, lequel n’est pas encore arrivé. Il faudra donc une habileté permanente de la part des diplomates et des militaires français pour créer les liens nécessaires à cette fin. La mission européenne pourra aussi servir à cela, sachant que nous ne devons pas être les seuls interlocuteurs – le fait d’être l’ancienne puissance coloniale pouvant être mal interprété.

Par ailleurs, je rappelle que le MNLA ne représente pas tous les Touaregs : certaines tribus touarègues autonomes doivent aussi être prises en compte.

M. Lionel Tardy, membre de la Commission des affaires économiques. On court le risque à terme que les terroristes se livrent à des attentats ou posent des IED comme cela s’est produit en Afghanistan : de quels moyens disposeront-ils pour déstabiliser le régime pendant notre présence ou après ? Comment conserver l’adhésion de la population, qui aura un rôle de renseignement essentiel pour éviter des infiltrations ou des actions ponctuelles dans les principales villes du nord et du sud du pays ?

M. le ministre. Vous soulevez là une question clé, à laquelle je n’ai pas de réponse pour l’instant. Nous avons infligé des dégâts suffisamment importants pour dissuader les concentrations de terroristes : dès lors, les risques majeurs sont, je le répète, asymétriques – on a d’ailleurs démantelé des IED et le lycée de Bamako a été fermé pour prévenir des attentats. Lorsque j’ai accompagné le Président de la République sur place, les parents d’élèves nous ont demandé de le rouvrir, mais on ne pourra le faire que lorsqu’on aura davantage sécurisé la situation. Il nous faudra être très vigilants et aller au bout de notre intervention dans l’Adrar des Ifoghas avec les forces africaines et ceux qui peuvent nous aider à obtenir du renseignement.

M. Marc Laffineur. Existera-t-il une aide de l’ONU ou de l’Europe pour organiser les élections ?

Par ailleurs, je viens de rencontrer l’ambassadeur de la République tchèque, qui m’a dit que son pays envoyait 50 hommes sur place : quels autres pays européens vont faire de même ? Combien de personnes seront ainsi mobilisées ?

M. le ministre. Pour l’EUTM Mali que vous évoquez, les effectifs, qui s’élèvent à 490 militaires, sont quasiment au complet. Lors d’une réunion officielle, le chef d’état-major de la mission fera appel aux contributions. Certains pays se bousculeraient même pour participer. En tout cas, on peut d’ores et déjà compter sur la République tchèque, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique, la Hongrie, Malte et Chypre. Le problème est de disposer d’unités précises d’un même pays pour réaliser une mission déterminée : à défaut, les opérations seraient trop compliquées à organiser, ne serait-ce qu’en raison des problèmes de langue.

Quant aux élections annoncées, elles doivent avoir lieu pour permettre au Mali de se stabiliser. Le fait que les personnes actuellement au pouvoir aient déclaré qu’ils ne seraient pas candidats est plutôt une bonne chose. De toute façon, il y aura sûrement des candidats – j’en ai vu qui se préparent. Les élections devront être organisées de manière rigoureuse : l’Union européenne aura probablement un rôle de contrôle à jouer à cet égard, de même que la force africaine ou de maintien de la paix, qui devra assurer le bon déroulement de l’élection présidentielle puis des élections législatives.

Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur le ministre, je vous remercie.

La séance est levée à dix-sept heures quinze.

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Information relative à la commission

La commission a désigné les membres de la mission d’information sur l’opération Serval au Mali :

– M. Jean-David Ciot, Mme Edith Gueugneau et M. Jean-Pierre Maggi (Groupe SRC) ;

– MM. Bernard Deflesselles et Marc Laffineur (Groupe UMP) ;

– M. Philippe Folliot (Groupe UDI) ;

– M. Jean-Jacques Candelier (Groupe GDR) ;

– M. François de Rugy (Groupe Écologiste) ;

– M. Jacques Moignard (Groupe RRDP).

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. François André, M. Olivier Audibert Troin, M. Jean-Pierre Barbier, M. Nicolas Bays, M. Sylvain Berrios, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Laurent Cathala, M. Guy Chambefort, M. Jean-David Ciot, M. Bernard Deflesselles, Mme Marianne Dubois, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, Mme Geneviève Gosselin, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Marc Laffineur, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Maurice Leroy, M. Jean-Pierre Maggi, M. Alain Marleix, M. Damien Meslot, M. Jacques Moignard, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, Mme Sylvie Pichot, Mme Émilienne Poumirol, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Stéphane Saint-André, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut

Assistaient également à la réunion. - M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean Launay, M. Michel Ménard, M. Lionel Tardy