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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 6 février 2013

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 48

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition des représentants des syndicats des personnels civils du ministère de la défense : Fédération ministérielle CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes

La séance est ouverte à neuf heures.

Mme la présidente Patricia Adam. Dans la perspective de la remise du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, et du prochain projet de loi de programmation militaire, nous achevons aujourd’hui d’entendre les six syndicats des personnels civils de la défense.

Nous accueillons d’abord ce matin des représentants de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) : M. Denis Lefebvre, secrétaire général de la Fédération CFTC des fonctionnaires et agents de l’État, vice-président de la Fédération CFTC défense, M. Yves Naudin, secrétaire général, M. Patrick Pradier, trésorier fédéral adjoint, M. Fabrice Pelestor, membre du bureau fédéral, M. Jérôme Supersac, membre du conseil fédéral, et Mme Claudine Bonacorsi, chargée de mission. Je rappelle que la CFTC défense a obtenu 6,39 % des voix lors des élections professionnelles de 2011.

M. Denis Lefebvre, secrétaire général de la Fédération CFTC des fonctionnaires et agents de l’État (FAE), vice-président de la Fédération CFTC défense. Nous disons la grande fierté des personnels civils de la défense pour le courage et l’efficacité de l’armée française au Mali, qualités qui sont aujourd’hui reconnus par tous. Dans un monde où nos armées n’ont pas fini d’être sollicitées, ne faudrait-il pas que le ministère de la défense devienne lui aussi prioritaire et que cesse la baisse de ses effectifs ?

L’Europe de la défense ne devrait-elle pas être aussi partie prenante dans ce type d’intervention coûteuse ? Certes, plusieurs pays ont apporté leur aide matérielle, par le prêt de drones ou d’avions de transport, mais la France n’est pas en mesure de financer sur son seul budget la défense de l’Europe. On pourrait au moins imaginer que les règles d’équilibre budgétaire européennes tiennent compte de la spécificité de notre pays, qui engage des dépenses militaires dans l’intérêt de l’Union.

La CFTC participe activement au dialogue social au sein du ministère de la défense. Elle intervient dans les six chantiers de négociation ouverts par le ministre. Elle y défendra ses valeurs bien connues d’un syndicalisme de construction sociale, d’humanisme, de justice sociale, de bien commun et d’indépendance.

M. Yves Naudin, secrétaire général de la Fédération CFTC défense. Ah que l’on est fier de nos armées au Mali quand elles se montrent si efficaces ! Pourtant, le 10 octobre dernier, le chef d’état-major des armées rappelait devant votre commission que l’effort de défense de la France s’élevait à « 2 % du PIB en 1997, avant de se stabiliser ces dix dernières années entre 1,6 % et 1,7 % ». « En 2012, il est de 1,55 %. À l’horizon de 2015, il dépassera à peine 1,3 % », ajoutait-il. Il en est ainsi dans presque toute l’Europe.

L’effort de défense de la France reste néanmoins singulier et premier. Quelles sont en la matière les intentions réelles de la majorité ? Nous avions remercié le ministre, considérant qu’il n’avait pas mal défendu le budget de la défense lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2013, mais qu’en sera-t-il du PLF pour 2014 ?

La CFTC demande depuis plusieurs années l’application d’une clause d’exception européenne de non-respect des critères de Maastricht pour les trois ou quatre pays de l’Union qui assument les plus gros efforts budgétaires en matière de défense. Certes, la France finance une capacité de frappe nucléaire qui est peu susceptible d’être utilisée lors de conflits asymétriques, mais, en intervenant sur des théâtres d’opérations extérieurs, elle assure aussi l’image de l’Europe. En 2013, elle dépensera 31 milliards d’euros pour son armée ; les technocrates et les financiers européens pourraient-ils peut-être en tenir compte lorsqu’ils reprochent à notre pays l’ampleur de ses déficits ?

Où en sommes-nous de la rédaction d’un Livre blanc de la défense européenne, prévu par le Livre blanc de 2008 ? L’Europe constitue un marché important pour l’industrie de l’armement. Où est l’agence européenne de l’armement capable de définir les spécifications des matériels adaptés aux besoins des armées européennes, de faire des appels d’offre et de passer des marchés ? L’Europe ne pourrait-elle pas travailler en ce sens dans quelques domaines et métiers stratégiques comme le transport aérien, le ravitaillement en vol, les avions de patrouille maritime ou de guet aérien, la guerre des mines, les satellites de transmission et de surveillance, l’achat de munitions et de combustibles, la gestion des stocks, la formation et l’entraînement, l’utilisation des simulateurs dans les camps d’entraînement, les champs de tir ou les centres d’essais et d’expertise ?

J’appelle votre attention sur les centres d’essais et d’expertise, car nous craignons une rationalisation de ces unités de préparation des programmes d’armement. Nous demandons que votre commission travaille sur le schéma directeur des centres d’essais en termes d’aménagement du territoire et de réappropriation de la recherche et développement militaire, notamment par la production de prototypes ou de démonstrateurs, comme pour les torpilles hyper-véloces.

M. Jérôme Supersac, membre du conseil fédéral. L’interarmisation est-elle une pleine réussite ? La mission d’information de votre commission sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense menée par Mme Geneviève Gosselin et M. Damien Meslot, qui succède à celle conduite par M. Bernard Cazeneuve et M. François Cornut-Gentille, le dira peut-être.

La 12e base de soutien du matériel, située dans l’Indre, près de Châteauroux, fournit un exemple d’organisation complexe. Elle comprend trois détachements, l’un à Nouâtre, l’autre à Gien, et le troisième à Satory, et, pour tout ce qui est du soutien non spécifique au métier de maintien en condition opérationnelle terrestre, elle relève de quatre bases de défense, Bourges, Avord, Tours, Orléans-Bricy, et l’antenne de Versailles de la base de défense d’Île-de-France. Une organisation tentaculaire de cette nature est-elle vraiment efficace ?

M. Fabrice Pelestor, membre du bureau fédéral. Ingénieur atomicien à la Direction générale de l’armement, je souhaite évoquer quelques questions relatives à la DGA.

Nous sommes actuellement à la limite de ce que nous pouvons supporter en termes d’effectifs, car nous avons été de trop bons élèves : tout recul risque de mettre en cause nos missions – le directeur des ressources humaines de la DGA nous l’a confirmé. Aujourd’hui, nous passons des marchés avec des entreprises privées afin qu’elles forment des personnels de la DGA, alors qu’autrefois nous formions les salariés des entreprises extérieures. Il faut prendre garde à cette évolution qui, sous prétexte d’économies budgétaires, conduit à la perte de nos compétences techniques.

Mais de telles compétences ne s’acquièrent pas en gardant les bras croisés ; il faut mettre les mains dans le cambouis. Sous-marins nucléaires ou missiles, la DGA a autrefois développé de nombreux projets, mais, aujourd’hui, techniquement, elle vit sur ses acquis ; elle ne fabrique plus rien elle-même. Il faut que la DGA ne se contente plus de faire faire ; elle doit faire à nouveau. Sans prendre la place des industriels qui produisent en série, elle doit fabriquer des démonstrateurs. Dans le secteur industriel, lorsque les crédits sont coupés, les recherches en cours sont arrêtées et les ingénieurs dispersés. La perte de compétence pourrait faire courir des risques, comme on l’a constaté au moment du lancement du missile M51.

En matière de recherche et développement, la DGA s’appuie souvent sur les universités, ce qui peut donner lieu à des fuites. Nous avons ainsi découvert récemment sur internet qu’un laboratoire universitaire, que la DGA soutenait depuis une dizaine d’années pour ses recherches en détonique, avait passé deux contrats avec la Corée du Sud pour une simulation de torpille hyper-véloce. Certes, il n’y avait là rien d’illégal, mais il serait peut-être judicieux de protéger le savoir-faire national en matière de défense, ce qui nécessiterait une réappropriation des moyens de recherche et développement au sein du ministère. Il faudrait par exemple pouvoir accueillir des thésards et, en sens inverse, permettre à des ingénieurs du ministère de la défense d’intégrer pendant quelques années des laboratoires universitaires sous contrat avec le ministère.

M. Yves Naudin. Depuis 1991, le ministère de la défense est celui qui s’est le plus réorganisé. Aujourd’hui, l’ensemble des personnels du ministère souhaite faire une pause. Sanctuarisez notre budget et laissez-nous le temps de digérer les réformes !

En ce qui concerne le rôle et la place du personnel civil de la défense, la CFTC, comme les autres syndicats concernés, préconise une harmonieuse entente avec nos collègues militaires – même s’il faut parfois éviter certains effets « gare de triage ». Néanmoins, nous demandons que le prochain Livre blanc reprenne le passage suivant, extrait de celui de 2008 : « Les personnels militaires devront se concentrer sur les missions opérationnelles, les personnels civils sur les tâches administratives et de soutien, dès lors qu’elles ne font pas l’objet d’une externalisation. La préservation des compétences au sein de l’armée, la capacité à faire face à de brusques changements de contexte et à monter en puissance seront également au centre des préoccupations. »

Nous souhaitions que les députés aient accès à des tableaux à coût complet comparant, pour un poste d’administration générale et de soutien commun, la rentabilité d’un personnel civil, qui effectue 1 607 heures de travail annuelles, avec un personnel militaire qui, compte tenu du temps consacré au maintien de sa condition militaire, effectue un cycle de 1 000 heures. Il est clair que l’un est plus rentable que l’autre. Il y a là un véritable gisement d’économies que, jusqu’à ce jour, la représentation nationale ne voulait pas prendre en compte, et qui pourrait éviter de tailler dans les rémunérations des personnels civils. Bref, le ministère n’a pas agi au mieux dans la mise en œuvre de la réforme des ressources humaines.

M. Jérôme Supersac. La CFTC propose en conséquence la création d’un budget opérationnel de programme (BOP) pour piloter la masse salariale, placé sous le contrôle du seul secrétariat général pour l’administration (SGA) du ministère.

Cette évolution permettrait d’instaurer une égalité de traitement entre agents – depuis deux ans, dans la chaîne de soutien, il n’y a pas eu d’arrêté de création de postes civils à la nouvelle bonification indiciaire (NBI).

Elle mettrait fin à la gestion de bon père de famille des DRH d’armées qui, sous prétexte de localisation, a mis les agents en distorsion d’emploi, catégoriel ou fonctionnel, ce qui les pénalise dans leur avancement – les DRH se sont vu refuser les évolutions en référentiel en organisation. De la même façon, les DRH d’armées n’ayant pas la main sur le budget, les commissions administratives paritaires n’ont pas obtenu la requalification de postes souhaitée lors d’avancements au choix.

Elle favoriserait aussi la mise en place d’un outil de gestion des emplois et compétences plus performant.

Elle éviterait enfin que se produise un Louvois bis avec la mise au point du système « Alliance Paye » en vue de la montée en puissance de l’Opérateur national de paye (ONP) de la fonction publique à l’horizon 2017.

M. Denis Lefebvre. La CFTC demande le dégel du point d’indice. Une réunion importante se tient demain au ministère de la fonction publique à ce sujet.

Nous souhaitons également que la rénovation des grilles indiciaires se poursuive pour l’ensemble de la fonction publique et, plus spécifiquement, pour les personnels de la défense. Je pense au corps des assistants sociaux, durement éprouvé, qui proteste à juste titre contre la place qui lui est réservée par les grilles indiciaires en catégorie B, alors que les personnels concernés, largement féminisés, exercent d’importantes responsabilités dans un contexte difficile de crise sociale.

Nous sommes aussi favorables à la simplification des structures et à la généralisation des plans de requalification.

Nous ne sommes pas hostiles à la mobilité. Cependant, le ministère de la défense est l’administration qui a connu les restructurations les plus profondes, et ses personnels civils ont été durement éprouvés. Au-delà d’une mobilité choisie, ils ont également souvent subi une mobilité contrainte. Il faut en tenir compte aujourd’hui et pouvoir, en quelque sorte, les récompenser.

M. Patrick Pradier, trésorier fédéral adjoint. Le salaire des ouvriers de l’État est gelé depuis la fin de l’année 2010. La CFTC demande que le Gouvernement que vous soutenez respecte mieux le dispositif législatif et réglementaire.

Ainsi, les décrets du Premier ministre qui visent à suspendre les décrets salariaux pour les années 2011 et 2012 vont à l’encontre de la légalité et des normes administratives, en particulier en raison de l’incompétence de leur auteur et d’un vice de forme – ils ne sont pas contresignés par le ministre de l’économie et des finances. Qui fragilise et déstabilise juridiquement les règles qui régissent le statut des ouvriers de l’État ?

Une nomenclature en seize branches professionnelles recense les professions ouvrières. La CFTC n’est favorable à la remise en cause du statut d’aucune de ces professions, même de celles qui sont considérées comme « moins techniques » par la Cour des comptes. Je doute d’ailleurs que la Cour des comptes ait mesuré la technicité de chacune de ces professions, et il me semble illusoire de vouloir le faire.

M. Yves Naudin. La récente loi Duflot permet de construire des logements sociaux grâce à la cession de terrains appartenant, entre autres, au ministère de la défense. Nous aurions souhaité que les personnels du ministère, qui ont contribué à préserver ces terrains, puissent bénéficier de l’application de ce texte. Des conventions pourraient par exemple être passées avec les aménageurs.

Il faut maintenir un budget d’action sociale « réparateur » des effets des restructurations, qui soit digne de ce nom.

Certains métiers stratégiques ne doivent pas donner lieu à une externalisation. Le cœur de métier doit être conservé. Selon l’adage bien connu : « Un soldat doit être bien équipé, bien payé – à ce titre, les errements de Louvois sont inadmissibles – et bien nourri ». Pourquoi ne pas conserver nos compétences en matière de restauration ?

Les accords de Bercy de 2008 sur la rénovation du dialogue social dans la fonction publique ne nous donnent pas satisfaction. Notre représentativité ne nous permet pas aujourd’hui de siéger dans toutes les instances de concertation sociale du ministère. Nous sommes par exemple exclus du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ministériel, alors que nous avons un siège au comité technique ministériel (CTM), pour de sombres raisons de mathématique électorale, que nous contestons devant le Conseil d’État.

M. Fabrice Pelestor. Avant que la France ne quitte l’OTAN, le stationnement de la VIe flotte américaine à Toulon procurait de nombreux emplois à la ville. La réintégration de la France au sein de cette organisation pourrait donc offrir une perspective intéressante.

Le retour à Toulon de la VIe flotte – elle stationne actuellement dans divers ports, notamment à Rota, en Espagne – constituerait aussi une solution aux problèmes techniques et sanitaires posés par la présence de bâtiments nucléaires en Méditerranée. Le porte-avions USS Enterprise, doté de huit réacteurs nucléaires, croise parfois au large de Cannes ou de Marseille alors que ces villes n’ont pas d’infrastructures portuaires nucléaires. Toulon est le seul port de Méditerranée à pouvoir maîtriser la situation en cas d’accident nucléaire.

Par ailleurs, dans une mer fermée, zone de pêche, les rejets d’effluents radioactifs peuvent aussi poser des problèmes écologiques et sanitaires. Alors que nous traitons les rejets des bâtiments français, quid des rejets des sous-marins américains ?

M. Damien Meslot. Messieurs, vous vous êtes adressés à l’ensemble des membres de cette commission en évoquant le soutien qu’ils apportent au Gouvernement. Tous ceux qui sont présents ce matin ne sont pas concernés ; il existe tout de même une opposition ! (Sourires)

Le ministère de la défense a été très largement mis à contribution lors des récentes réformes. Je souhaite que le Livre blanc ne serve pas uniquement à permettre de nouvelles coupes claires dans les effectifs, et que la loi de programmation militaire préserve les capacités opérationnelles de nos armées. J’avoue que la précédente majorité avait été tentée, lors de l’élaboration de la précédente loi de programmation militaire, de mettre fin à la présence militaire française à l’aéroport de N’Djamena, ce qui aurait posé quelques problèmes pour intervenir au Mali. Il faut que nous en tirions tous la leçon : nous ne devons prendre de décisions qu’avec d’infinies précautions.

Pour notre part, nous avons le sentiment que le Livre blanc est rédigé dans l’urgence, sans le recul nécessaire. Nous craignons que le travail soit, en quelque sorte, bâclé. Avez-vous le sentiment d’avoir été entendus lors de votre audition par la commission du Livre blanc ?

Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur Meslot, je suis membre de la commission du Livre blanc, tout comme M. Christophe Guilloteau, député UMP et commissaire à la défense : nous pouvons témoigner que, depuis plus de six mois, le travail est intense.

Cinq ans après le précédent Livre blanc, je rappelle aussi qu’il s’agit principalement d’opérer une réactualisation, même s’il faut tenir compte d’évolutions stratégiques.

M. Daniel Boisserie. Monsieur Naudin, si je pouvais répondre par une boutade à votre suggestion concernant l’application de la loi Duflot, je vous confierais que, pour ma part, je rêvais éveillé que les députés pourraient tirer un petit bénéfice de chaque vente de l’État. (Sourires.) Je crains cependant que cela ne soit pas réalisable !

Vous avez déploré à juste titre le manque de moyens financiers et humains du ministère, et la non-augmentation du pouvoir d’achat. Vous connaissez le contexte économique et la situation financière de notre pays : quelles solutions proposez-vous pour financer les dépenses correspondant à vos demandes ? Êtes-vous favorables à une augmentation de la pression fiscale ? Proposez-vous de faire des économies au détriment d’autres ministères ?

Par ailleurs, je souhaite connaître votre position sur l’obligation qui pourrait être faite à tous les salariés d’adhérer à un syndicat.

Mme Geneviève Gosselin. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du transfert de la gestion des ressources humaines du ministère vers les centres ministériels de gestion (CMG) ?

Êtes-vous favorables à la création d’une structure unique de gestion des ressources humaines, qui concernerait civils et militaires ?

M. Yves Naudin. Monsieur Meslot, nous avons sans doute parlé trop vite tout à l’heure, nous vous prions de nous en excuser. Cela dit, l’esprit républicain qui règne au sein de la commission de la défense est bien connu.

Monsieur Boisserie, vous nous interrogez sur le financement des mesures que nous appelons de nos vœux. En la matière, la balle est sans doute plus dans votre camp que dans le nôtre. Cependant, nous vous avons donné certaines pistes que nous avions déjà évoquées lors de la précédente législature. Nous avons par exemple cité les quelques dizaines de milliers de postes occupés par des personnels militaires alors qu’ils devraient être attribués à des personnels civils. Il s’agit d’une source d’économies non négligeable en raison des différences de temps de travail et de grille de salaires – les militaires bénéficient d’un niveau de formation souvent supérieur et des effets du plan d’amélioration de la condition militaire voulu par Mme Michelle Alliot-Marie. D’autres gisements d’économies doivent être examinés à moyen et long terme : je pense à l’interministérialité, ou à l’amélioration de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC).

Sept centres ministériels de gestion (CMG) déconcentrés sont chargés de la gestion des personnels civils. Nous demandions depuis longtemps que Paris ne décide pas de tout. Les choses ne se passent pas si mal que cela, mais le besoin s’est tout de même fait sentir, au niveau de l’administration centrale, de créer une cellule qui veille à l’harmonisation et à l’équité des mesures prises d’un CMG à l’autre.

M. Denis Lefebvre. En matière de financement, je rappelle que nous considérons qu’une action comme celle menée au Mali par la France ne devrait pas être à la charge de notre seul pays. L’Europe devrait mettre au pot.

De façon plus large, la France et l’Angleterre doivent-elles financer seules la défense de l’Europe ? D’autres pays pourraient aider.

Monsieur Boisserie, vous évoquiez l’adhésion obligatoire à un syndicat ; en la matière, la CFTC est favorable à des solutions douces. À l’instar de ce qui s’est fait chez Axa, on pourrait par exemple imaginer de donner un « chèque syndicat » à chaque fonctionnaire qui le remettrait au syndicat de son choix.

M. Fabrice Pelestor. On pourrait aussi accorder aux militaires le droit de se syndiquer comme cela se fait dans d’autres pays !

M. Jean-Pierre Fougerat. Vous avez évoqué à plusieurs reprises l’Europe de la défense, mais elle pourrait être considérée comme un gisement d’économies et donner lieu à une mutualisation des personnels et à des rationalisations. Ne craignez-vous pas l’impact que cela aurait sur les personnels civils de la défense ?

M. Jacques Lamblin. Monsieur Pelestor, la formation éventuelle de cadres de la DGA au sein d’entreprises privées peut-elle poser des problèmes pour les personnes concernées en termes de neutralité ?

La France a-t-elle aujourd’hui les moyens de financer une recherche et développement autonome à vocation universelle ? Ne faudrait-il pas nous spécialiser dans certains domaines ?

M. Laurent Cathala. Monsieur Naudin, que souhaitez-vous précisément en ce qui concerne l’application de la loi Duflot ?

M. Denis Lefebvre. La construction de l’Europe de la défense et les mutualisations qui pourraient en résulter font incontestablement courir un certain risque aux personnels civils de la défense.

Cela dit, ces personnels ont déjà subi de telles baisses d’effectifs que l’on peut espérer que l’Europe de la défense se construise progressivement sans leur porter à nouveau préjudice. Pour les personnels civils, la rationalisation ayant globalement déjà eu lieu, nous sommes convaincus que cette évolution nécessaire peut se faire en préservant l’essentiel des effectifs.

M. Fabrice Pelestor. Monsieur Lamblin, évidemment le risque existe que les personnels de la défense qui auront travaillé au sein d’entreprises privées soient en quelque sorte juges et parties.

Cela peut éventuellement dépendre de la taille et du nombre des entreprises du secteur. Lorsqu’une seule entreprise fabrique un produit en France, comme DCNS pour les sous-marins nucléaires, les risques semblent moindres.

L’esprit qui règne parmi les personnels de la défense et le respect très fort de la déontologie constituent toutefois le meilleur rempart contre d’éventuelles dérives.

La création de relations entre ces personnels et les entreprises doit aussi permettre de mieux prendre en compte le tissu économique français. Aujourd’hui, alors qu’une PME française, Mandriva, est la seule entreprise d’Europe à éditer un système d’exploitation Linux, le ministère de la défense a privilégié le Linux américain, Red Hat, pour équiper ses sous-marins nucléaires.

Il me semble que l’on pourrait même encourager l’essaimage qui n’est pas encore dans les mœurs du ministère de la défense. À l’instar de ce qui se fait au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), les personnels désirant créer une entreprise dans le secteur des nouvelles technologies pourraient être aidés. On prendrait un risque minimal pour dynamiser le tissu des PME et des PMI du secteur.

M. Jacques Lamblin. Loin de moi l’idée de m’opposer à la formation pratique des personnels de la défense en entreprise. Vous confirmez que, compte tenu de la qualité des personnels de la DGA, les risques en termes de neutralité sont quasiment nuls.

M. Fabrice Pelestor. Il reste que la DGA doit pouvoir fabriquer elle-même des démonstrateurs sur le terrain grâce à des ouvriers d’État, et avec l’aide des PME !

M. Yves Naudin. Monsieur Cathala, l’administration de la défense fait preuve d’un réel manque de transparence en ce qui concerne les restructurations et les friches. La mission pour la réalisation des actifs immobiliers du ministère de la défense (MRAI) ne nous communique pas d’informations.

La loi Duflot prévoit la signature de conventions avec les collectivités locales pour la mise à disposition, à titre onéreux ou non, de logements. Nous souhaiterions que les personnels militaires et civils de la défense puissent en bénéficier.

Mme la présidente Patricia Adam. Je remercie l’ensemble des intervenants.

La séance est levée à dix heures.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. François André, M. Nicolas Bays, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Laurent Cathala, M. Guy Chambefort, M. Jean-Pierre Fougerat, Mme Geneviève Gosselin, M. Jean-Claude Gouget, Mme Edith Gueugneau, M. Francis Hillmeyer, M. Marc Laffineur, M. Jacques Lamblin, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jean-Pierre Maggi, M. Damien Meslot, M. Jacques Moignard, Mme Sylvie Pichot, Mme Daphna Poznanski-Benhamou, Mme Marie Récalde, M. Stéphane Saint-André, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin, Mme Paola Zanetti

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Claude Bartolone, M. Sylvain Berrios, M. Philippe Briand, M. Alain Chrétien, M. Serge Grouard, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Éric Jalton, M. Bruno Le Roux, M. Joaquim Pueyo, M. François de Rugy