Accueil > Travaux en commission > Commission de la défense nationale et des forces armées > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission de la défense nationale et des forces armées

Jeudi 12 septembre 2013

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 90

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition de M. Christian Giner, secrétaire général du Conseil supérieur de la fonction militaire, sur le projet de loi de programmation militaire 2

La séance est ouverte à dix heures trente.

Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur le secrétaire général, soyez le bienvenu. Il m’a semblé important de vous auditionner, compte tenu des nombreuses réformes intervenues au sein du ministère de la Défense lors de la précédente loi de programmation militaire (LPM), et de celles qui s’annoncent dans le futur projet de loi de programmation militaire. Le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), instance de concertation pour les personnels militaires, recueille en effet des informations autres que celles qui proviennent de l’état-major. Des modifications ont d’ailleurs été apportées suite aux dysfonctionnements du logiciel Louvois, puisque le ministre de la Défense a mis en place une instance de concertation spécifique. Hier, la présentation du rapport d’information de Mme Gosselin-Fleury et de M. Meslot nous a donné l’occasion d’aborder longuement cette affaire, que nous avions aussi évoquée lors de plusieurs auditions.

M. Christian Giner, secrétaire général du Conseil supérieur de la fonction militaire. Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission. En tant que secrétaire général du Conseil supérieur de la fonction militaire, poste que j’occupe depuis le mois d’avril, j’évoquerai le projet de loi de programmation militaire à travers le prisme de la concertation au bénéfice de l’ensemble du personnel militaire, puisque tel est mon domaine de compétence actuel. Votre commission, d’ailleurs, a déjà travaillé sur le sujet, notamment dans le cadre du rapport d’information de MM. Le Bris et Mourrut.

Ce système de concertation, initialement créé, s’agissant du CSFM, par une loi de 1969, s’est développé par étapes successives et repose sur une double responsabilité : celle du ministre de la Défense, en charge des personnels de son département, et celle du chef militaire, qui lui est subordonné et auquel, selon les termes du statut général des militaires, il appartient de veiller aux intérêts de ses personnels. Il s’agit d’un système à double étage, constitué d’une part du CSFM, et de l’autre de sept conseils de la fonction militaire (CFM), pour chacune des armées, la gendarmerie et les directions et services que sont la Direction générale de l’armement (DGA), le service des essences des armées (SEA) et le service de santé des armées (SSA). L’existence de ces deux types de conseil a valeur législative puisqu’elle est inscrite dans le statut général des militaires.

Les CFM, mis en place en 1990 pour concrétiser au mieux le dialogue entre les chefs militaires et leurs personnels, sont présidés par le ministre de la Défense – à l’exception de celui de la gendarmerie, coprésidé par le ministre de la Défense et le ministre de l’Intérieur –, leurs vice-présidents, qui en assurent la plupart du temps la présidence effective – même s’il est arrivé que des ministres le fassent –, étant le chef d’état-major concerné ou le directeur de service. La composition des CFM reflète autant que possible, qualitativement et quantitativement, les effectifs concernés. Le CFM le plus nombreux est ainsi celui de l’armée de terre, qui comprend 88 membres ; le moins nombreux est celui du SEA, avec 15 membres.

Le CSFM, présidé par le ministre, comporte 79 membres en activité, issus de l’ensemble des CFM, auxquels s’ajoutent six membres issus d’organisations de retraités militaires, soit au total 85 membres.

Les membres des CFM sont désignés par tirage au sort parmi un vivier de volontaires ; ceux du CSFM sont élus par et parmi leurs camarades des CFM, au prorata de leurs effectifs.

Outre leur rôle consultatif sur les textes réglementaires, ces instances ont pour objectif de permettre un dialogue direct entre le ministre de la Défense ou les chefs militaires d’une part, et la communauté militaire de l’autre. CSFM et CFM se réunissent obligatoirement deux fois par an, lors de sessions annuelles consacrées par la réglementation. En fonction de l’actualité, le ministre peut néanmoins être amené à convoquer ces conseils en session extraordinaire, comme ce fut le cas en juillet dernier pour évoquer la question des retraites.

Lors des sessions, le CSFM exprime son avis sur les questions à caractère général dont il est saisi par le ministre de la Défense, ou qui sont inscrites à son ordre du jour à la demande d’une majorité de ses membres. Ces questions, d’ordre général, concernent l’attractivité et les conditions d’exercice du métier militaire, les conditions de vie des militaires et de leur famille, les conditions d’organisation du travail des militaires ou la fidélisation et les conditions de leur reconversion.

Le CSM se prononce également sur les projets de décret portant statut particulier des militaires, ainsi que sur les dispositions statutaires communes à plusieurs corps ou catégories de militaires. Cet avis, obligatoire, fait partie des formalités dont le Conseil d’État s’assure du respect lorsque les textes lui sont présentés.

Deux semaines en général avant la réunion du CSFM, les CFM se réunissent pour procéder à une première étude des textes et questions d’ordre général inscrits à l’ordre du jour. Les deux types de conseil fonctionnement en ce sens de façon parallèle. Les CFM ont en outre vocation à étudier toute question relative à l’armée concernée ou à la formation rattachée, sur les conditions de vie, d’exercice du métier militaire ou d’organisation du travail.

Chacune des réunions du CSFM donne lieu à des auditions, toujours d’un grand intérêt, destinées à éclairer les membres et enrichir leur réflexion. Les directeurs des services du ministère de la Défense – direction des ressources humaines ou direction des affaires juridiques, par exemple – y interviennent régulièrement, de même que des personnalités extérieures, comme ce fut le cas lors de la dernière session avec Mme Moreau, venue nous présenter son rapport sur les retraites.

La dernière journée de session est traditionnellement consacrée à la séance plénière, occasion d’un dialogue direct entre le ministre et les membres du CSFM, qui lui exposent leur avis sur les textes dont ils ont été saisis, et lui font part de leur sentiment sur les questions d’actualité touchant à la condition militaire. Cette session est aussi l’occasion, pour le ministre, de répondre directement aux questions posées par les membres, et parfois d’annoncer des mesures particulières touchant à la condition militaire. Ainsi, lors de la dernière session, le ministre a annoncé le lancement de travaux sur un nouveau plan de condition militaire.

Les travaux demandés au Conseil vont souvent au-delà de la stricte interprétation de ses compétences. Lors de la dernière session, le Conseil a ainsi rendu un avis favorable à quatre projets de texte de nature législative, relatifs aux mesures d’incitation au départ.

Bien qu’il se réunisse réglementairement deux fois par an, le Conseil voit aussi ses responsabilités se développer pendant les intersessions, avec la création de groupes de travail sur des questions relatives à la condition militaire. Rassemblant en général une dizaine de membres représentatifs de la composition du Conseil, ces groupes réalisent de premières études sur des sujets plus ou moins complexes, afin d’éclairer le Conseil qui aura à se prononcer formellement. En juillet s’est ainsi réuni un groupe de travail sur les retraites, qui avait été tout spécialement demandé par le ministre pour l’éclairer sur la position de la communauté militaire à ce sujet. Hier et avant-hier s’est tenue la réunion d’un autre groupe de travail, consacré à la condition des militaires du rang, afin de réaliser une première étude sur un projet de décret en la matière, et d’envisager des pistes d’amélioration dans des domaines tels que les conditions d’emploi, la rémunération, la formation ou la reconversion.

Enfin, afin d’assurer une information plus rapide entre lui et la communauté militaire, le ministre de la Défense a créé un groupe de liaison du CSFM de 18 membres, qui sera officiellement installé lors de la prochaine session, au mois de décembre. Sa composition est représentative du CSFM, relativement aux catégories, aux armées et aux services.

Mme la présidente Patricia Adam. Il s’agit, en somme, d’une sorte de bureau.

M. Christian Giner. En effet, madame la présidente.

M. Yves Fromion. À quelle fréquence se réunit-t-il ?

M. Christian Giner. Il peut le faire à la demande du ministre, si celui-ci souhaite informer la communauté militaire sur tel ou tel sujet ; il peut aussi, par un vote à la majorité de ses membres, demander à être entendu par le ministre afin de porter à sa connaissance des questions qu’il juge essentielles.

M. Yves Fromion. Ce n’est donc pas une structure permanente ?

M. Christian Giner. Non.

Le système de concertation au sein des forces de défense et de sécurité nationale s’appuie donc sur des institutions qui permettent l’expression des personnels militaires aux plus hauts échelons de la chaîne hiérarchique, et dans le respect des limites fixées par le statut juridique des militaires.

Toutefois, afin d’accompagner les réformes en cours au ministère et de faire face aux exigences d’une société plus ouverte et plus exigeante en matière de communication et de dialogue interne, les plus hautes autorités de l’État ont décidé d’engager un processus de rénovation de la concertation en veillant à sauvegarder ses deux fondements que sont, d’une part, le statut militaire et, de l’autre, le rôle du commandement dans sa responsabilité vis-à-vis des personnels.

Cette rénovation devrait conforter la légitimité de ces instances par une évolution de leur composition et du mode de désignation de leurs membres. L’expertise de ces derniers devrait également être développée par des actions de formation spécifiques. Enfin, le Livre blanc prévoit la création d’outils participatifs en ligne pour assurer une remontée d’informations permanente et autoriser des échanges continus sur les thèmes de la condition militaire : ce sont autant d’axes de réflexion pour le travail que vient de lancer le ministre sur l’évolution en cours.

L’étude doit se réaliser en deux temps. Une première étape, à laquelle sera associé le commandement, permettra de dégager un certain nombre de pistes qui constitueront un « cahier des charges » de la rénovation, lequel pourrait être présenté aux membres du Conseil lors de la session de décembre ; il leur appartiendrait alors d’accompagner la réflexion et de faire des propositions dans ce cadre.

À titre personnel, je vois trois pistes possibles pour rénover le système de concertation et en accroître la légitimité : l’expertise des membres, leur disponibilité et le fonctionnement du conseil.

Améliorer l’expertise des membres me paraît une nécessité, car beaucoup d’entre eux méconnaissent les bases du droit administratif, les procédures d’élaboration des textes et l’organisation de l’administration, ce qui contribue bien souvent à des incompréhensions, voire à de la défiance. L’expertise suppose aussi d’être à même de représenter efficacement ses camarades, parce que l’on a vécu les mêmes expériences professionnelles et suivi des carrières sensiblement identiques ; bref, c’est acquérir le recul nécessaire pour parler en leur nom. Les présidents de catégories, qui connaissent bien le milieu militaire, pourraient sans doute remplir un tel rôle.

Une meilleure disponibilité des membres serait également souhaitable, afin d’assurer un dialogue plus régulier avec le ministre et son administration. La création du groupe de liaison dont j’ai parlé constitue certes une innovation satisfaisante, et réclamée depuis de nombreuses années par les membres ; elle permet un dialogue direct et quasi immédiat, sans la lourdeur du système actuel ; mais il faudrait à mon sens y associer de nouveaux dispositifs pour répondre à des besoins tels que l’élaboration des textes réglementaires soumis au Conseil. Ces textes sont examinés a posteriori deux fois par an, alors qu’il serait très utile de consulter des représentants avertis de la communauté militaire dès leur élaboration.

Enfin, le fonctionnement même de l’instance mériterait d’être revu. Le nombre de membres – 85 – me paraît trop élevé pour un travail vraiment efficace : à ce niveau de la concertation, je suis partisan de membres mieux formés et moins nombreux.

Il serait également souhaitable de rationaliser la répartition des compétences entre le CSFM et les CFM : leur organisation, strictement parallèle, gagnerait à être différenciée. Cette évolution est d’autant plus nécessaire que la création de deux nouveaux CFM est prévue pour le service d’infrastructure de la défense (SID) et le service du commissariat des armées (SCA), ce qui complexifiera encore le système.

Ce sont là des pistes sont tout à fait personnelles, les réflexions du ministère en étant au stade exploratoire. En tout état de cause, l’évolution de la concertation, prévue par le Livre blanc, me paraît une nécessité, d’autant que le système actuel n’a pas connu de changements significatifs depuis la création des CFM en 1990, et la prise en compte d’une meilleure représentation des militaires du rang suite à la professionnalisation en 1999. Nos forces armées ont pourtant vécu, en vingt ans, deux transformations majeures : la professionnalisation mais aussi son corollaire, la contractualisation. Ainsi, 63 % des militaires sont aujourd’hui des contractuels. Les militaires du rang en forment une grande partie, bien entendu, mais les contractuels représentent désormais le tiers des effectifs des officiers et sous-officiers. À mon sens, cette transformation sociologique modifiera de plus en plus les rapports à l’institution, qu’elle rapprochera insensiblement de la société civile et de ses attentes, en termes de transparence ou de communication ; aussi rend-elle nécessaire la modernisation de nos instances de concertation.

M. Jean-Jacques Candelier. Je ne sais si vous serez en mesure de répondre à la question piège que je vais vous poser.

Le CSFM traite des questions relatives aux personnels militaires ; et j’estime pour ma part que les droits d’expression et de représentation des militaires doivent être améliorés. Le Président Hollande, alors candidat, avait déclaré, en mars 2012 : « Il est temps de reconnaître […] qu[e les militaires] sont des citoyens à part entière. » Pensez-vous que le projet de loi de programmation militaire va dans ce sens ?

M. Christian Giner. Il m’est difficile de vous répondre, car le ministère vient seulement d’engager la réflexion sur la rénovation du système de concertation ; je ne puis donc vous dire si le projet de loi de programmation apporte des réponses en ce domaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Il faudra vous poser la question l’an prochain !

M. Christian Giner. C’est ce que j’allais vous proposer… (Sourires.)

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Je viens de comprendre que vous ne pourriez sans doute pas répondre à mes questions non plus…

J’ai été tout particulièrement intéressée par vos propos sur la modernisation de la concertation. Le projet de loi de programmation militaire prévoit d’ores et déjà une déflation des effectifs, assortie de mesures d’accompagnement pour les départs volontaires. La concertation a-t-elle commencé sur ce sujet ? Ces mesures ont-elles été évaluées ?

Le Conseil a-t-il été saisi de questions touchant aux économies liées aux objectifs de maîtrise de la masse salariale, que le projet de loi de programmation a définis afin d’éviter les problèmes constatés dans la dernière LPM ?

M. Christian Giner. De fait, je ne pourrai pas répondre à toutes vos questions.

La déflation envisagée – 24 000 postes en moins – a été abordée par le Conseil à travers les mesures d’incitation au départ, qui ont reçu son assentiment. Pour autant, le ministère n’a pas encore fait d’annonces, du moins dans le cadre de la concertation, sur les restructurations éventuelles induites par le projet de loi de programmation.

Pour l’heure, le Conseil n’a pas davantage été saisi de questions relatives aux mesures salariales. Cependant, malgré les assurances sur le maintien du budget de la défense dans les années à venir, nos camarades craignent des répercussions sur leurs conditions de travail.

M. Philippe Nauche. S’agissant de la représentativité, ne pourrait-on envisager des modes de désignation différents entre les militaires de carrière et les contractuels, dont les aspirations, avez-vous observé, convergent avec celles de la société civile ?

M. Christian Giner. Je ne puis souscrire à l’idée selon laquelle les militaires de carrière n’auraient pas la même perception du métier que les contractuels.

M. Philippe Nauche. N’est-ce pas ce que vous laissiez entendre en évoquant la cohabitation des deux catégories ?

M. Christian Giner. Je voulais dire, en premier lieu, que la société militaire tend à se rapprocher de la société civile. Cela dit, nos jeunes camarades ont une approche de l’institution sensiblement différente de celle de leurs camarades de carrière, car beaucoup d’entre eux assimilent leur engagement à un contrat de travail, au sens économique de ce terme. Cela ne signifie pas qu’ils ne partagent pas les valeurs militaires, mais ils ont sans doute davantage de recul à leur égard.

Quoi qu’il en soit, la différence entre militaires du rang, sous-officiers et contractuels est beaucoup moins marquée, chez les jeunes, qu’il y a vingt ou trente ans. La communauté militaire, qui forme un tout, verrait d’un assez mauvais œil la distinction que vous suggérez. J’ajoute que, bien souvent, les contractuels se voient offrir la possibilité de devenir militaires de carrière. La communauté militaire étant une, il ne peut à mon sens y avoir qu’une seule façon de la représenter.

M. Yves Fromion. Les rapports sur le moral, ou à tout le moins la synthèse transmise au ministre, sont-ils communiqués au CSFM ?

Le Parlement, qui doit assurer le lien entre la nation et son armée, est tenu à l’écart du système de concertation.

Mme la présidente Patricia Adam. Je souhaitais faire la même remarque.

M. Yves Fromion. Comment établir un tel lien ? On peut toujours désigner deux parlementaires qui assisteraient aux réunions du CSFM, mais on sait à quoi s’en tenir sur ce genre de mesures… Le Parlement devrait en tout cas pouvoir dialoguer avec le CSFM, selon des modalités à définir, et se tenir ainsi informé du vécu de nos forces armées.

M. Christian Giner. Les rapports sur le moral ne nous sont pas transmis, ce que l’on peut en effet déplorer. La synthèse de la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) est par ailleurs assez succincte…

Il serait utile d’associer le Parlement au système de concertation, mais celui-ci, à l’heure actuelle, est ministériel.

Mme la présidente Patricia Adam. Il faudrait donc une modification législative.

Le fait est qu’il manque un lien entre les instances de concertation et le Parlement, comme l’a noté Yves Fromion. Je rappelle, à cet égard, que notre commission est la seule à assurer formellement le lien entre la nation et son armée – puisque, au Sénat, le périmètre de la commission de la défense inclut aussi les affaires étrangères. Les missions d’information ou les universités d’été de la défense ne permettent que des contacts occasionnels avec le terrain : nous n’avons pas connaissance, par exemple, des travaux de concertation en cours. Il manque donc un lien continu. Nous pouvons bien entendu auditionner les personnels militaires, mais l’usage veut que nous privilégiions le dialogue avec les responsables hiérarchiques. Il nous faudra par conséquent revenir sur cette question à plus ou moins brève échéance.

M. Daniel Boisserie. Ma question allait dans le même sens. Les comptes rendus des réunions du CSFM ne pourraient-ils être transmis aux parlementaires, qui les utiliseraient pour leurs rapports ? Il serait intéressant, par exemple, de connaître le sentiment des gendarmes sur leurs conditions de vie.

Par ailleurs, nous sommes plusieurs à nous interroger sur votre grade, monsieur le secrétaire général.

M. Christian Giner. Je suis contrôleur général des armées. Le corps du contrôle général comprend trois grades : contrôleur adjoint, contrôleur et contrôleur général. Ces grades ne sont pas assimilables aux grades militaires. Enfin, notre corps dépend directement du ministre de la Défense.

La transmission des comptes rendus des réunions du CSFM au Parlement n’est effectivement pas prévue ; mais l’on peut consulter, sur notre site Internet, le texte de l’avis présenté au ministre, ainsi que le communiqué de la session, lequel, signé par le ministre de la Défense et le secrétaire de la session, récapitule les principaux points de cette dernière. Bien que très généraux, ces documents offrent un aperçu des sessions du Conseil.

Mme Sylvie Pichot. Je vous remercie, monsieur le secrétaire général, pour votre présentation qui nous a permis de mieux comprendre le fonctionnement du CSFM.

Celui-ci doit avoir une capacité d’écoute aussi large que possible ; or vous avez évoqué une possible réduction de ses membres, au nom d’une meilleure efficience : comment concilier une telle réduction avec le maintien de cette capacité d’écoute ?

M. Christian Giner. L’expertise et la représentativité des membres du Conseil sont très variables, certains d’entre eux ayant une plus longue expérience que d’autres. Dans ces conditions, il me semble possible de réduire le collège à une cinquantaine, voire à une quarantaine de membres, tout en préservant l’expertise et la représentativité.

Les présidents de catégorie, élus par leurs pairs au sein des formations militaires, me sembleraient tout désignés pour constituer une bonne partie de ces membres. En plus d’avoir, par la nature de leurs fonctions, le sens de l’intérêt général, ils ont souvent une ancienneté qui leur confère de solides compétences, un sens du dialogue, du recul et, si vous me passez l’expression, une connaissance de la pâte humaine. L’une des difficultés résiderait néanmoins dans leur recrutement, car la concertation s’ajouterait aux tâches de la présidence de catégorie, qui, parce qu’elle demande déjà un réel investissement personnel, attire de moins en moins de candidats. Il faudrait, pour y remédier, valoriser l’expertise et les acquis de l’expérience dans les carrières.

M. Yves Fromion. Je ne partage pas votre avis, monsieur le secrétaire général. L’armée étant un monde très divers, aux spécificités fortes, la représentativité du CSFM suppose un panel suffisamment large. Le resserrement que vous suggérez, en dépit d’avantages techniques que je puis comprendre, risque d’affaiblir la représentativité du Conseil aux yeux de telle ou telle catégorie de personnel, qui y serait moins représentée.

M. Jean-Michel Villaumé. Avec 63 % de contractuels, notre armée connaît une mutation sociologique. Comment appréhender, dans ces conditions, le problème de la reconversion professionnelle ? Avez-vous analysé les propositions du Livre blanc ? Avez-vous des préconisations en la matière ?

M. Christian Giner. La reconversion professionnelle fait l’objet d’une attention particulière au ministère, car elle concerne beaucoup de militaires du rang. La question a été abordée, hier et avant-hier, par le groupe de travail dont j’ai parlé. Le ministère fait beaucoup pour assurer la transition professionnelle des jeunes.

M. Jean-Michel Villaumé. Il y a aussi les emplois réservés.

M. Christian Giner. En effet, des passerelles existent avec les trois fonctions publiques, et le centre de formation de Fontenay-le-Comte permet aux jeunes de préparer leur reconversion dans de bonnes conditions. N’oublions pas que la reconversion facilite aussi le recrutement, puisqu’elle est un argument supplémentaire pour les candidats.

Mme la présidente Patricia Adam. Les militaires, en particulier les contractuels, connaissent-ils leurs représentants ? Quels moyens ont-ils de les connaître et, au besoin, de les contacter ?

Des femmes siègent-elles au sein du CSFM ? Y a-t-il un quota et, si oui, est-il respecté ?

M. Christian Giner. Il n’y a pas de raison pour que les contractuels connaissent moins bien leurs représentants que les militaires de carrière.

Mme la présidente Patricia Adam. En principe, ils restent moins longtemps au sien de l’armée…

M. Christian Giner. Sans doute, mais le distinguo, sur ce plan, est plutôt à faire entre les militaires du rang et les autres : seuls 10 à 15 % des premiers connaissent l’existence du CSFM et des CFM, le sujet n’étant assurément pas au centre de leurs préoccupations. Ce pourcentage augmente chez les jeunes sous-officiers, contractuels inclus, même si beaucoup d’entre eux méconnaissent encore le système de concertation. Une information plus soutenue en ce domaine, au sein des formations, me semble donc nécessaire.

Il n’existe pas de quotas pour les personnels féminins, mais ceux-ci sont présents au sein du Conseil, et sont parmi les plus actifs.

M. Gilbert Le Bris. J’ai assisté, avec Étienne Mourrut, à une réunion du CSFM dans le cadre de la mission d’information que nous avons conduite sur le dialogue social dans les armées : notre rapport, rédigé après un an d’immersion dans les instances de dialogue et de concertation, est paru fin 2011. Nous avons pu, au cours de nos travaux, constater des blocages aussi bien institutionnels que psychologiques.

Bien que formalisée, la parole est assez libre au sein de cette grand-messe qu’est la réunion du CSFM ; peut-être faut-il examiner les choses plus en amont, au niveau des CFM, où des blocages demeurent. Notre rapport contient 16 propositions, dont je pense qu’elles nourriront la réflexion en cours : en matière de représentation, une évolution m’apparaît nécessaire, même si aucun système n’est parfait.

La question de la chaîne élective me tient tout particulièrement à cœur : entre le système du tirage au sort – si bien organisé que d’aucuns l’ont rebaptisé « triage au sort » (Sourires) – et celui des élections, cette chaîne est discontinue. Sans mésestimer les difficultés en ce domaine, je crois nécessaire d’assurer sa continuité de la base au sommet. L’une de nos propositions est de faire élire les membres des CFM, non seulement par les présidents de catégorie, mais aussi par les membres des commissions participatives : en réservant l’élection aux seuls présidents de catégorie, on risque de voir siéger des professionnels de la concertation, au détriment de la diversité et de l’innovation. On peut évidemment envisager des modalités différentes : il ne s’agit pas de placer chacun sur un lit de Procuste. Mais ce continuum électif me semble aujourd’hui nécessaire.

Il serait enfin utile, monsieur le secrétaire général, que notre commission vous entende une fois par an, afin que vous nous fassiez part des aspirations et des inquiétudes des personnels, dans un monde militaire en pleine évolution.

M. Jean-Louis Costes. Quelles sont, pour les personnels non titulaires, la durée moyenne des contrats, et la part respective des contrats de droit privé et de droit public ?

Les emplois réservés, notamment, s’inscrivent dans une tradition de reconnaissance pour services rendus à la nation, reconnaissance qui me semble avoir disparu. Les anciens contractuels sont-ils nombreux à trouver un travail dans une collectivité ou une administration ? Je viens de recruter l’un de ces jeunes dans ma collectivité, mais je sais que sa recherche d’emploi a été très difficile.

M. Christian Giner. S’agissant des questions de gestion du personnel, je n’ai pas les chiffres en tête.

Les contrats, pour autant que je sache, sont tous de droit public ; leur durée, variable, est en moyenne de cinq ans, avec une possibilité de prolonger la carrière jusqu’à vingt-cinq ans pour les militaires du rang, à l’exception de la marine, où elle est limitée à onze ans pour les personnels d’équipage : au terme de ce délai, les intéressés quittent donc cette armée s’ils n’ont pas passé de concours de recrutement. En tout état de cause, chaque armée a une politique de gestion différente.

Mme la présidente Patricia Adam. Monsieur le secrétaire général, je vous remercie, et prends bonne note de la proposition de M. Le Bris s’agissant de votre audition annuelle.

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.

*

* *

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Candelier, M. Jean-Louis Costes, M. Guy Delcourt, M. Philippe Folliot, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Christophe Guilloteau, M. Gilbert Le Bris, M. Philippe Meunier, M. Philippe Nauche, Mme Sylvie Pichot, Mme Marie Récalde, M. Jean-Michel Villaumé, M. Michel Voisin.

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Olivier Audibert Troin, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Bridey, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Jacques Moignard, Mme Émilienne Poumirol, M. François de Rugy.