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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 18 septembre 2013

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 97

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition, ouverte à la presse, de M. Antoine Bouvier, président de MBDA, sur le projet de loi de programmation militaire 2

La séance est ouverte à seize heures trente.

Mme la présidente Patricia Adam. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui M. Antoine Bouvier, président de MBDA, sur le projet de loi de programmation militaire.

Monsieur Bouvier, comme pour vos confrères chefs d’entreprise intervenant dans le secteur de la défense auditionnés précédemment, nous souhaitons de votre part une analyse des conséquences du projet de LPM sur votre plan de charge, mais aussi et surtout des points de fragilisation éventuelle pour la préparation de l’avenir et le maintien des compétences.

M. Antoine Bouvier, président de MBDA. Chacun a compris combien les enjeux de cette loi de programmation militaire sont importants pour la stratégie de défense et pour les perspectives de l’industrie de défense.

Ce projet de LPM est cohérent avec les orientations du Livre blanc. Elles confortent la stratégie et le positionnement de MBDA, qu’il s’agisse du rôle de l’industrie de défense, de notre politique « produits », de nos investissements en recherche et technologie, des initiatives que nous avons prises dans le domaine de la coopération européenne ou des grandes orientations de notre stratégie. Je tiens donc à saluer les directives du Livre blanc et du projet de LPM.

Cinq grands thèmes me paraissent devoir être relevés.

Le premier est la confirmation du rôle central joué par l’industrie de défense pour contribuer à l’objectif d’autonomie stratégique. Je cite le projet de texte, qui reprend le Livre blanc : « l’industrie de défense est une composante essentielle et à part entière de notre autonomie stratégique ».

Le Président de la République avait évoqué dans sa lettre de mission à la Commission du livre Blanc trois libertés essentielles à l’autonomie stratégique : la liberté d’appréciation, la liberté de décision et la liberté d’action. Elles se déclinent dans des capacités militaires - capacité d’entrer en premier sur le théâtre d’opérations et capacités de communication ou de frappes en profondeur -, qui sont cohérentes avec les trois fonctions prioritaires dégagées par le Livre blanc et le projet de LPM : protection, dissuasion et intervention, fonctions sur lesquelles MBDA a développé une politique de produits et investi dans des programmes d’avenir.

Le deuxième thème est la priorité donnée à l’investissement dans la R&T et la R&D, priorité qui, dans un contexte budgétaire contraint, vise à préparer l’avenir et à maintenir les compétences industrielles.

Le troisième est la dissuasion avec, pour MBDA, la confirmation de ses deux composantes dans la durée, ce qui implique d’engager des actions pour la rénovation à mi-vie de la composante nucléaire aéroportée, c’est-à-dire celle de l’ASMP/A, et de poursuivre les études technologiques nécessaires à la préparation de son successeur – à un horizon certes plus lointain.

Le quatrième thème est la coopération européenne. Non seulement les objectifs de coopération ont été confirmés, mais, en cette période budgétaire difficile, ils l’ont été par une décision positive relative à un programme, qui n’a pas été le plus facile à lancer – je fais évidemment allusion à l’anti-navire léger (ANL). Ce programme a, en effet, fait l’objet, à juste titre du reste, de discussions compliquées pour des questions de calendrier - aucune décision structurante ne devait être prise avant la parution du Livre blanc - et de contrainte budgétaire. La décision positive ayant été prise par le Président de la République et le ministre de la Défense, avec le soutien de la représentation parlementaire, nous avons fait de cette difficulté un message très fort en direction de nos partenaires britanniques. Les deux volets de coopération européenne et d’intégration industrielle sont bien identifiés dans la LPM comme des objectifs qui se renforcent mutuellement. Non seulement la coopération permet, en partageant les coûts de développement, d’accélérer les programmes auxquels nous n’aurions pas accès s’ils étaient développés sur une base purement nationale - l’ANL en est un bon exemple –, mais elle nous fait également entrer dans une logique d’intégration, de consolidation et de spécialisation qui permet de maintenir des compétences que nous n’aurions pas nécessairement les moyens financiers de conserver si nous étions restés dans un cadre strictement national.

Le cinquième et dernier volet est le rappel de l’importance de l’export pour l’industrie de défense : il est nécessaire de prendre en compte les objectifs de développement de l’activité à l’export dans l’investissement R&D et la politique de produits.

Ces cinq éléments majeurs confortent, je le répète, la stratégie de MBDA et de tous les acteurs industriels de la défense en France. Ils vont dans la bonne direction pour sauvegarder l’essentiel dans cette période difficile.

J’en viens au cadrage budgétaire.

Le chiffre d’affaires de MBDA au regard de son client français a atteint, dans les années 2008-2010, une moyenne de 800 millions d’euros hors taxes, laquelle, en raison d’un pic de livraison, notamment du programme Aster, était plus élevée que celle des années précédentes. Le chiffre d’affaire moyen de la décennie 2000 de MBDA pour son client français s’élevait en effet à quelque 700 millions d’euros HT.

Nous discutons à l’heure actuelle avec la DGA des réductions de format de la plupart de nos programmes, d’étalements de livraison et de reports de paiements. Je vous donne donc aujourd’hui l’estimation de ce que pourrait être pour MBDA le résultat final de ces discussions compte tenu des hypothèses de travail qui nous ont été fournies. Dans nos échanges avec la DGA et, plus généralement, avec le ministère de la Défense relatifs au lancement de l’ANL, nous avons pris l’initiative de faire des propositions constructives sur des réductions de cadence et de format, c’est-à-dire d’échanger des budgets de production contre des budgets de développement en vue de dégager des recettes budgétaires pour financer l’ANL. Nos discussions avec la DGA sont de ce fait peut-être plus avancées que celles d’autres industriels.

Notre meilleure estimation du flux annuel moyen de la prochaine LPM s’élève à quelque 500 millions d’euros. Si on évalue l’inflation sur la période précédente à 10 %, entre la moyenne des années 2000 – 700 millions + 10 % – et les 500 millions attendus, la réduction des budgets que le client français consacrera à MBDA dans le cadre de la prochaine LPM par rapport à la précédente oscillera donc entre 30 % à 40 %. C’est considérable. Il ne s’agit pas d’un écart entre ce que l’entreprise souhaitait obtenir de la prochaine LPM et ce que celle-ci prévoit effectivement : l’écart est entre les budgets réalisés durant la précédente décennie et ce qu’ils seront dans le cadre de la prochaine LPM.

Une telle réduction du chiffre d’affaires pèse directement sur l’emploi.

Je tiens à rappeler que MBDA a perdu une annuité sur la précédente LPM et en perdra une autre sur la prochaine – d’où cette réduction de 40 % des budgets, compte tenu de l’inflation. Sur la précédente LPM, nos activités de développement ont été réduites de 20 %, et nos activités de production de plus de la moitié. S’agissant de la prochaine LPM, c’est-à-dire si on tient compte de la deuxième annuité perdue, nos activités de développement sont maintenues, avec le lancement notamment des programmes ANL et MMP. Nous perdons en revanche, en production, entre 40 % et 50 % de nos contrats en cours.

Nous comprenons les contraintes budgétaires actuelles : M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lorsqu’il est venu cet été dans notre centre de Bourges, où l’activité de production est importante, a tenu un discours de vérité devant l’ensemble du personnel et des organisations syndicales, rappelant que l’autonomie stratégique, c’est aussi la capacité à maîtriser la situation financière. Il a affirmé que, soutenu par la commission de la Défense et des forces armées de l’Assemblée nationale et par la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, il a réussi à obtenir, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, le scénario le plus acceptable. Il a tenu à expliquer aux salariés que l’arbitrage s’était fait en faveur du développement au prix d’une réduction de la production. Maintenir les compétences et assurer l’investissement dans de nouveaux produits susceptibles de conforter l’export et de garantir le long terme étaient des choix prioritaires, que nous avons accompagnés de nos propositions au moment du lancement de l’ANL. Les arbitrages qui ont été faits sont donc, de notre point de vue, les bons, même s’ils ont un impact significatif sur la production et donc sur l’emploi, notamment dans la région Centre où sont concentrées nos activités de production. Pour la filière missiles, on peut estimer les réductions d’effectifs à 500 équivalents temps plein (ETP), réparties entre MBDA et ses sous-traitants.

Lorsqu’en 2011 nous avions défini le cadrage financier de la filière missiles, nous avions anticipé, avec l’État-major et le ministre de la Défense de l’époque, une situation budgétaire très difficile. Les industriels de la défense n’ont pas été très nombreux à le faire. En 2011, nous avons réduit de manière significative les budgets de la filière missiles dans une approche de partenariat, qui continue aujourd’hui à faire sens et qui correspond au nouveau modèle industriel qu’il convient de mettre en place entre l’industrie de défense et le client français. Si je parle de partenariat, c’est que nous partageons les objectifs de long terme en matière de maintien des compétences et de politique capacitaire. La DGA et les industriels peuvent ainsi définir ensemble une approche globale de filière. C’est ce que nous avons fait en 2011 et répété en 2012 et 2013 pour supporter le choc tout en maintenant l’essentiel : les bureaux d’études, les capacités de développement, les nouveaux produits et les capacités industrielles.

Le premier exercice de réduction budgétaire pour la filière missiles avait conduit à une réduction d’environ 400 postes sur les sites MBDA parisiens et de la région Centre à l’horizon 2015-2016 sans plan social. En effet, les perspectives de départs à la retraite permettaient à la fois d’absorber cette réduction de charges et de continuer d’embaucher des jeunes – il convient d’examiner site par site et métier par métier la pyramide des âges pour assurer le transfert les compétences. Une simple approche mathématique globale n’aurait aucun sens. J’avais donc présenté à l’époque à l’ensemble des personnels et à leurs représentants un schéma de réduction des charges qui permettait d’échapper à tout plan social.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Il est prématuré de répondre. Si nous pouvons dépasser nos objectifs à l’export et si nos discussions avec la DGA nous laissent une marge de manœuvre, alors, la contrainte pesant sur l’emploi industriel à l’horizon 2015-2016 sera desserrée.

Ce sont ces trois éléments : partenariat en France, intégration européenne et développement à l’export, qui nous permettent d’absorber le choc de la réduction budgétaire et de trouver un nouveau modèle assurant le succès et la pérennité de MBDA.

J’en viens aux différents programmes.

Le missile moyenne portée (MMP), successeur du Milan, revient de très loin. Un premier choix avait été fait en juillet 2009 d’acquérir un nombre heureusement limité de Javelin dans une approche d’urgence opérationnelle. MBDA a réagi dès septembre 2009 en décidant de mettre des équipes de très haut niveau et les ressources financières nécessaires à la poursuite du développement d’un produit maison, sans recevoir alors le moindre encouragement de l’administration française. Nous étions confiants dans une solution française, bâtie sur les spécifications de l’armée de terre – la trame missiles/roquettes – : notre investissement et notre prise de risques ont été récompensés puisque ce produit correspond à celui dont l’armée de terre a besoin en termes de performances et de calendrier et que la DGA trouve attractive la proposition commerciale que MBDA lui a faite. Nous avons en effet proposé, sur la base d’une commande française de 3 000 missiles, de prendre à notre charge 75 % des coûts de développement, une proposition exceptionnelle compte tenu des contraintes auxquelles nous devons faire face. MBDA ne pouvait pas en effet se résoudre à ce que ce secteur du combat terrestre pour lequel le Milan a longtemps été le leader mondial et représente entre 15 % et 20 % du marché des missiles devienne un marché exclusivement américain ou israélien. L’objectif est d’avoir une signature puis une notification avant la fin de l’année, ce qui est nécessaire pour une mise en service en 2017 dans le cadre du retrait du Milan. À l’heure actuelle, une tranche ferme de 1 500 missiles est en cours de discussion avec la DGA, les 1 500 autres devant impérativement être confirmés dans les années suivantes. À Bourges, cet été, le ministre a salué la prise de risque de MBDA.

Le projet de missiles longue portée (MLP) vise à remplacer à compter de 2021 les missiles Hellfire sur le Tigre. Les deux projets – MMP et MLP – sont cohérents puisque le MMP est un premier élément d’une famille : ayant le même diamètre, le MLP sera une version aéroportée du MMP, avec une portée améliorée de huit kilomètres correspondant aux besoins du Tigre. Il serait aujourd’hui prématuré de parler du MLP en termes de programme mais nous souhaitons préparer cette deuxième étape dans un cadre européen, le MLP étant une opportunité importante de coopération avec les Britanniques ou les Allemands pour partager les coûts de développement et s’assurer de quantités de production supérieures.

S’agissant de l’ANL, notre objectif est de finaliser dans les prochains jours le document contractuel afin que le lancement du programme puisse être confirmé lors d’un sommet franco-britannique qui pourrait se tenir entre la fin du mois de novembre et le début de l’année 2014. Compte tenu de l’engagement pris au plus haut niveau politique français et de la valeur de test de ce programme – c’est ainsi qu’il a été présenté par nos partenaires britanniques –, il est tout à fait naturel que ce soit à l’occasion du prochain sommet franco-britannique qu’en soit faite l’annonce.

Une des difficultés de ce programme consistait à résoudre le décalage en termes de calendrier entre les besoins opérationnels français et britanniques. Dans un cadre budgétaire très contraint, le court terme a un poids plus important que le moyen terme. Si la France et le Royaume-Uni veulent entrer résolument dans la voie de la coopération, les deux pays doivent faire converger leurs besoins opérationnels tout en acceptant une certaine flexibilité en termes de calendrier, sous peine de ne pas réussir à lancer des programmes communs. Pour l’instant, les discussions avec la DGA n’ont porté que sur le développement. MBDA a de son côté pris l’initiative de travailler avec Eurocopter pour trouver des solutions d’intégration a minima sur le Panther, qui permettent, tout en limitant au minimum les coûts d’intégration, de conserver les fonctionnalités de base de l’ANL et de les associer à un premier lot limité de missiles de façon à obtenir, à un coût aussi réduit que possible, une première capacité sur le Panther. Compte tenu des contraintes actuelles, il paraîtrait difficile d’envisager une intégration sur le Panther ou le NH 90 de l’ANL avec toutes ses fonctionnalités dans le cadre de cette LPM.

Le premier objectif de l’Aster Block 1 NT, dont le lancement est envisagé pour 2014, est d’accroître les performances du système actuel dans ses versions terrestre et navale pour aller plus loin dans l’interception des missiles balistiques de théâtre, qui ont une portée significativement supérieure à 1 000 kilomètres et une première capacité de manœuvre. Le deuxième objectif est d’assurer la pérennité de la famille Aster sur le long terme, le troisième, plus politique, étant de poursuivre, dans le cadre de ce programme, la coopération franco-italienne. Les discussions avec la DGA sont avancées, la prochaine étape devant consister à obtenir un engagement de financement plus ferme de la part des Italiens en 2014. Plus la France sera ferme dans son engagement sur l’Aster Block 1 NT, plus les Italiens seront conduits à l’être également. Vendredi 20 septembre, les deux ministres italien et français de la défense se rencontreront avant le prochain sommet franco-italien qui se tiendra à l’automne. La coopération sur l’Aster entre ces deux pays est une des plus importantes et une des plus réussies des dernières décennies. Elle s’étend au Royaume-Uni pour l’intégration de l’Aster au destroyer T 45. De plus, Singapour vient d’annoncer qu’il avait préféré l’Aster aux systèmes américains et israéliens : nous avons donc gagné sur la performance et sur le prix dans un pays où les procédures de sélection sont particulièrement exigeantes et rigoureuses. Ce succès devrait être une motivation supplémentaire pour franchir une nouvelle étape au cours du prochain sommet franco-italien.

En ce qui concerne l’armée de l’air, la LPM mentionne le MICA-NG, qui permettra de renouveler le produit, qu’il s’agisse de la version d’équipement du Rafale ou de la version de défense aérienne – lancement vertical –, sans oublier l’adaptation aux nouvelles menaces. Nous développerons dans le cadre du MICA-NG de nouvelles technologies et de nouvelles approches industrielles permettant de réduire de manière significative les coûts.

Je tiens également à mentionner la rénovation à mi-vie de 100 missiles Scalp, qui est une étape importante dans la feuille de route franco-britannique de convergence dans les capacités de frappe en profondeur. Cet élément pèse peu sur le plan budgétaire mais il est important pour asseoir la poursuite de la coopération franco-britannique en ce domaine.

Ces nouveaux programmes correspondent à un niveau d’activités assurément en réduction de 20 % par rapport à la situation d’avant 2011 mais qui reste compatible avec le maintien des compétences de développement du bureau d’études français de MBDA. En effet l’effort d’autofinancement des nouveaux programmes a été supérieur cette année à celui de l’an passé afin que les capacités de financement de MBDA et de l’État assurent le maintien des capacités et des compétences du bureau d’études français.

Les programmes en production sont ceux pour lesquels nous avons un contrat prévoyant un nombre déterminé de missiles et un calendrier de livraison.

Le programme Aster a connu deux premières phases au cours desquelles 100 missiles ont été livrés. Nous sommes en cours de phase 3, laquelle prévoit la livraison d’un peu moins de 600 missiles, dont presque la moitié a déjà été livrée. Les discussions avec la DGA conduisent à une réduction importante du nombre des missiles restants. Les cadences de livraison seront donc très réduites les prochaines années, même si nous maintenons l’objectif de huit batteries.

La cible initiale pour les missiles de croisière navale était de 250 : elle a été une première fois réduite à 200 avant de l’être de nouveau à 150 : ils seront livrés sur la période de la prochaine LPM.

Quant à l’Exocet MM 40 Block 3 C, ce programme a été lancé en 2011 avec une cible initiale de trente-cinq unités qui serait réduite de plus de la moitié. Des missiles existants seront rénovés pour atteindre le standard Block 3 C.

Les livraisons du Meteor devraient commencer en 2019 pour un contrat initial de 200 missiles : la réduction devrait là encore être de la moitié environ.

Quant à la cible du Mistral, qui n’est pas mentionné dans le projet de LPM, elle était initialement de 1 500 : elle devrait descendre au-dessous de 1 000.

Les réductions de cibles des contrats sont donc, au total, de l’ordre de 40 % à 50 %, les réductions sur les cadences à venir étant d’autant plus significatives que les premières livraisons ont été importantes.

Dans le cadre budgétaire défini, le choix de privilégier le développement, je le répète, était le bon. Le nouveau modèle industriel que j’ai évoqué est essentiel : poursuivre avec le ministère de la Défense l’approche de partenariat et de filière, poursuivre la coopération européenne et les efforts de développement et de partenariat à l’export, seule possibilité que nous ayons de compenser les réductions de cibles de notre client français.

Il est tout aussi essentiel que les hypothèses actuelles du projet de LPM soient confirmées – je les rappelle : MMP et ANL en 2013, Aster Block 1 NT en 2014. Si nous sortons de cette épure, la situation deviendrait catastrophique puisque, après avoir perdu en termes de production, nous perdrions également en termes de développement. La situation deviendrait ingérable tant en matière d’emploi à court terme qu’en matière de perspectives stratégiques et d’activités à moyen et long termes pour l’entreprise.

Mme la présidente Patricia Adam. La suppression de 500 ETP est, si j’ai bien compris, un solde. Quel nombre d’embauches de jeunes prévoyez-vous pour y arriver ?

Par ailleurs, quelle part de votre chiffre d’affaires consacrez-vous à la R&T et à la R&D, notamment par rapport à ce qui vous apporté par la DGA ?

Quelles sont enfin les répercussions attendues sur l’emploi de l’exportation de 9 000 MMP ?

M. Antoine Bouvier. La réduction des budgets de 2011 a entraîné la réduction de 400 postes permanents chez MBDA à l’horizon 2015/2016, sans compter l’impact sur les sous-traitants in situ et les emplois dans la filière industrielle. Ce chiffre de 400 était le solde entre un potentiel de 700 départs à la retraite sur la période 2011-2016 sur les deux sites de la région Centre et de la région parisienne et l’embauche de 300 jeunes – la pyramide des âges est relativement élevée chez MBDA, d’où l’objectif d’embaucher des jeunes pour transmettre les compétences. Aujourd’hui, la réduction de la production entraîne la suppression de quelque 500 ETP dans la filière missiles, dont 200 à 300 pour la seule entreprise MBDA. Toutefois, je tiens à répéter qu’une approche purement mathématique n’a pas de sens : d’une part, pour MBDA, les réductions en production sont principalement localisées dans la région Centre, d’autre part, il est nécessaire de procéder à une analyse fine des compétences, métier par métier.

Cette équation se fonde sur les objectifs à l’exportation que nous avons définis en 2011 et que nous avons maintenus en dépit d’une concurrence de plus en plus forte des Américains et des Israéliens comme du retard pris par certains contrats – je pense notamment au contrat avec l’Inde. Il convient donc pour réussir à maintenir cette équation d’améliorer nos résultats à l’exportation et de retrouver en France des marges de manœuvre.

Nous consacrons autour de 100 millions d’euros par an à nos actions de R&D, de promotion commerciale et d’amélioration de l’efficacité, ainsi qu’au co-financement ou au préfinancement de contrats à l’export ou en direction de notre client français, comme dans le cas du MMP – pour un chiffre d’affaire de quelque 1,5 milliard d’euros, qui se réduira de manière significative en France. La composante « défense » est d’ordinaire moins élevée que la composante « sécurité ». La composante nucléaire aéroportée ou l’Aster Block 1 NT sont en effet des programmes qui touchent au cœur de la souveraineté, alors que le MMP répond à un marché plus commercial, que nous n’hésitons pas à financer. Si MBDA ne réalise pas ses objectifs à l’export, l’entreprise connaîtra des problèmes en termes d’amortissement des développements qu’elle a pris à son compte. L’objectif ne sera pas facile à remplir, compte tenu du fait que le MMP a pour concurrent le Javelin et le Spike, dont les coûts de développement ont été supportés à 100 % par le contribuable américain et le contribuable israélien, ce qui n’est pas le cas du MMP de MBDA.

M. Joaquim Pueyo. Vous avez dit que la coopération européenne avait permis d’absorber une partie de la réduction des budgets français de défense – perte de deux annuités de LPM. La contrainte budgétaire ne peut donc qu’inciter l’industrie française à renforcer cette coopération – la réussite de l’ANL est un fruit des accords de Lancaster House. Serait-il possible d’étendre à d’autres partenaires – l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne – la mise en place de cadres communs ?

Vous avez également indiqué que la coopération permettait de créer des sites spécialisés et de réduire les charges. Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

M. François André. Vous tenez les mêmes propos que de nombreux autres industriels de la défense lors de l’université d’été de la défense, à Pau, à savoir que, dans un contexte budgétaire très contraint, les arbitrages rendus pour la construction de la LPM préserveront les capacités et les savoir-faire, dès lors qu’elle sera strictement appliquée année après année. Soyez assuré que chacun, ici, veillera à ce que la LPM soit effectivement exécutée – ce qui a été rarement le cas par le passé.

Une des forces de la LPM est d’allouer une enveloppe de 730 millions d’euros aux études amont, ce qui est significatif, même si l’idéal eût été aux yeux des industriels et des parlementaires d’atteindre le milliard. Quels sont, à vos yeux, les projets prioritaires que doit servir à financer cette enveloppe ?

M. Yves Fromion. MBDA est souvent citée comme l’exemple achevé d’une entreprise européenne. Or, en vous écoutant, je n’ai pas eu le sentiment que les quatre piliers de MBDA que sont l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et la France concouraient à quelque synergie européenne que ce soit. Vos propos – c’est la première fois que je le note – sont restés ceux d’un patron uniquement français. Que font les autres partenaires de MBDA ?

M. Antoine Bouvier. Il est vrai, monsieur Pueyo, que Lancaster House a donné un nouvel élan à la coopération franco-britannique, mais si les décisions qui ont été prises pour la filière missile sont sur le point d’être appliquées, c’est parce que, depuis le début des années 1990, le lancement du Scalp / Storm Shadow, la création de MBD et l’intégration progressive de MBDA ont permis de poursuivre une approche franco-britannique, Lancaster House représentant non pas un point de départ mais une étape supplémentaire dans cette démarche résolue de coopération. Il convient évidemment de l’étendre à l’Allemagne, à l’Italie et à l’Espagne – les opportunités de coopération sont malheureusement trop peu nombreuses avec l’Allemagne et mais elles sont importantes avec l’Italie.

Toutefois, pour aller au-delà d’une coopération programme par programme, il est nécessaire que l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne développent, comme l’ont fait la France et le Royaume-Uni depuis la fin des années 1990, une vision industrielle sur le long terme et une politique capacitaire en matière de missiles. Toute coopération suppose en effet qu’on puisse d’abord confronter des visions industrielles pour, ensuite, les faire converger. Le seul volontarisme politique est impuissant en la matière. Une coopération comme celle de Lancaster House repose sur des politiques industrielles définies sur le long terme.

Les équipes de MBDA expliquent la démarche franco-britannique aux autorités des autres pays européens en vue de promouvoir une approche globale donnant aux industriels la visibilité nécessaire et permettant d’optimiser, programme par programme, compétence par compétence, un budget annuel nécessairement contraint. Je le répète : il faut disposer d’une politique industrielle et de perspectives budgétaires claires au niveau national pour pouvoir ensuite les partager. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs.

À la suite du sommet de Lancaster House, nous avons travaillé entre 2010 et 2012 à un plan industriel avec la DGA et le ministère britannique de la Défense, pour une mise en œuvre à compter de 2012, retardée à 2013 après l’annonce du lancement de l’ANL. Nous avons défini quatre centres spécialisés au sein de douze centres d’excellence, qui sont pour certains spécialisés, pour certains fédérés – les compétences sont gardées dans les deux pays mais nous nous arrangeons pour acquérir un certain niveau de spécialisation au sein de ces compétences et assurer une grande fluidité dans le transfert des savoir-faire et des activités entre les deux pays. En France, ces spécialisations sont les calculateurs embarqués et les bancs de tests, au Royaume-Uni les actuateurs – les parties mobiles des missiles – et les systèmes de liaisons de données. Ce qui est nouveau, c’est que ces centres d’équipement spécialisés s’appliqueront à la fois à des programmes en coopération et à des programmes nationaux. Ainsi, l’actuateur du MMP devrait être britannique et le calculateur embarqué du Spear Capability 3 devrait être français. Nous attendons encore le feu vert de l’administration française pour transférer à Stevenage les actuateurs qui sont actuellement produits à Bourges. Il faut avoir une approche globale pour donner confiance. Par souci d’efficacité, les activités ne seront évidemment transférées qu’au fur et à mesure du financement des programmes.

Monsieur André, si plusieurs industriels, dont MBDA, ont envoyé une lettre au Président de la République, c’était bien pour lui demander de veiller à appliquer strictement la LPM, sous peine d’aller au-devant de graves difficultés. En effet, le principe de stricte suffisance, qui gouverne le nucléaire, s’applique également à la politique industrielle de la défense. Comme M. Le Drian l’a affirmé au cours d’une de ses auditions, si une pierre est retirée à l’édifice, celui-ci s’écroule.

C’est vrai, nous aurions préféré que l’enveloppe des études amont soit fixée à un milliard, ce qui aurait permis de financer plus de projets. L’objectif de MBDA est d’obtenir entre 50 et 60 millions d’euros, ce qui serait cohérent avec la part des missiles dans les budgets d’équipement français et européens. Il faut prendre en compte le ratio entre les études amont et le développement. Si un développement est lancé en l’absence d’un niveau suffisant d’études amont de préparation des technologies et de réduction du risque, des difficultés techniques risquent d’enchérir in fine le coût du programme. Le bon ratio s’élève entre 10 % et 15 %. Il est un peu plus élevé pour MBDA, qui doit préparer le successeur de l’ASMP/A, qui représente une part significative de nos études amont. Notre seconde priorité est de préparer, dans le domaine de la frappe en profondeur, le successeur commun franco-britannique du Scalp et de l’Exocet et, peut-être, d’autres missiles comme le Tomahawk, le Storm Shadow ou le Taurus germano-suédois. Ce nouveau programme nous offre des opportunités considérables de coopération industrielle.

Chaque audition, monsieur Fromion, a son ordre du jour. Lorsque j’ai été auditionné sur la coopération européenne, j’ai donné le point de vue de MBDA sur le sujet. Je suis aujourd’hui auditionné sur la LPM. J’ai du reste fait référence à plusieurs occasions au modèle industriel de filières nationales, à la coopération européenne ou à l’export.

L’Europe, c’est la coopération industrielle sur des programmes. Encore faut-il qu’il y ait des programmes. Nous avons connu, il y a quinze à vingt ans, une vague importante de coopérations européennes : je pense au Scalp / Storm Shadow, à l’Aster ou au Meteor – le Meteor a représenté un milliard d’euros, l’Aster plus encore. Ces programmes ont été structurants pour l’industrie de défense. L’enjeu est aujourd’hui de maintenir cette dynamique sur un nombre plus limité de programmes plus modestes. L’ANL est un programme important qui ne représente toutefois que 25 % du développement de Meteor et moins encore de l’Aster ou du Storm Shadow. Il convient de maintenir la base européenne sur un périmètre limité tout en préparant la prochaine vague de programmes en coopération européenne, notamment en matière de frappe en profondeur – je viens de l’évoquer –, avec une extension à l’Espagne, à l’Italie et à l’Allemagne, voire à la Suède. Je tiens à ajouter que ce périmètre actuellement limité ne nous interdit pas d’approfondir la coopération puisque j’ai évoqué les centres de spécialisation qui impliquent des transferts d’activités, y compris pour des programmes nationaux : ce transfert de charges est un nouveau concept. L’intégration et la spécialisation prendront des années : il faut résoudre des problèmes difficiles de licences globales, de convergences capacitaires ou d’autorisation d’export entre la France et le Royaume-Uni. Ce transfert entraînera à terme une modification radicale du cadre réglementaire qui s’applique à l’industrie de la défense. Il convient de même de sécuriser la coopération franco-italienne.

M. Yves Fromion. Les commandes d’autres pays compensent-elles la réduction des commandes du client français ?

M. Antoine Bouvier. Si nous avions dans nos quatre pays européens des situations de surcharge et de sous-charge en production, la structure MBDA en serait optimisée. Malheureusement, les quatre pays connaissent la même pénurie. Peut-être le développement des activités de production au Royaume-Uni pourra-t-il permettre le transfert d’activités en France. En effet, alors que le Royaume-Uni a été en situation de production très faible durant de longues années, l’augmentation actuelle des budgets britanniques consacrés aux missiles va faire repartir la production. Toutefois, nous ne sommes pas en situation de gérer des plus et des moins. Nous ne gérons que des moins.

Quant à l’Aster, les Italiens n’ont toujours pas pris leur décision, alors qu’il s’agit bien d’un missile franco-italien : le sommet franco-italien devrait apporter une confirmation que les deux pays sont engagés ensemble pour poursuivre cette coopération.

MBDA permet de concrétiser une approche européenne sans laquelle aucun des quatre pays du groupe n’aurait les moyens de développer seul les missiles que le groupe produit. Si les Britanniques avaient financé seuls l’ANL – ils l’ont envisagé un moment –, c’eût été catastrophique et pour la coopération franco-britannique et pour la France, qui se serait retrouvée dans la position de l’acheteur.

M. Philippe Folliot. Quel impact a l’échec du rapprochement de vos deux principaux actionnaires, EADS et BAE, sur leur filiale commune qu’est MBDA ? A contrario, qu’est-ce qu’aurait apporté à MBDA le succès de ce rapprochement ?

M. Jean-François Lamour. La LPM fait une part importante aux ressources exceptionnelles : en 2014, sur 31,38 milliards d’euros de ressources totales, il y aura 1,77 milliard de ressources exceptionnelles, dont une partie est liée au nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA). Or je n’ai pas vu apparaître MBDA, contrairement à d’autres industriels, parmi les programmes liés à l’industrie de la défense que M. Gallois est venu récemment présenter devant l’Assemblée nationale. Dans vos négociations avec la DGA, est-il déjà prévu qu’une partie de votre R&D pourrait faire partie d’un de ces programmes d’investissement d’avenir qui mobiliseront quelque trois milliards d’euros en 2014, puis les années suivantes ?

M. Jean-Louis Costes. Quel est l’effectif global de MBDA ?

M. Antoine Bouvier. Monsieur Folliot, MBDA avait anticipé la fusion d’EADS et de BAE dans le domaine de la défense : une société commune, où les activités sont apportées de manière exclusive sans esprit de retour et ayant le périmètre opérationnel et technique le plus efficace.

L’exemple de MBDA confirmait le sens à une telle fusion. Toutefois, puisque précisément MBDA la préfigurait, ses conséquences pour l’entreprise étaient limitées. De ce fait, l’échec de la fusion a eu également des conséquences limitées.

Nous n’avons pas été informés, monsieur Lamour, par la DGA que certains de nos programmes pourraient faire l’objet de PIA. Les critères d’éligibilité sont d’ailleurs très stricts. Le sujet n’est pas à l’ordre du jour.

La réduction de 500 ETP dans la filière missiles concerne MBDA pour un peu moins de la moitié. L’effectif de MBDA en France frise les 5 000 salariés. La réduction des activités de production concerne surtout la région Centre – les établissements de Bourges et de Selles-Saint-Denis.

M. Christophe Guilloteau. J’ai l’impression que, selon vous, tout va bien au moment même où vous nous annoncez une perte d’activités de moitié, accompagnée de pertes d’emploi. C’est un peu surprenant.

Qu’en est-il des pertes d’emplois chez vos sous-traitants ?

M. Gilbert Le Bris. Vous devez lancer dès 2014 l’Aster Block 1 NT. Or nulle part la LPM ne mentionne que le programme doit être lancé avec l’Italie. Ce serait évidemment mieux qu’il en fût ainsi, mais la France pourrait-elle le lancer seule ?

Par ailleurs, le rapport annexé au projet de LPM, page 17, précise que « l’acquisition d’un nouveau missile air-sol sera lancée à l’horizon 2021, pour remplacer les missiles air-sol Hellfire dotant les hélicoptères Tigre ». Des synergies avec l’ANL ou le MMP sont-elles possibles ?

M. Philippe Meunier. M. François André a rappelé qu’aucune LPM n’avait jamais tenu ses objectifs et vous avez vous-même précisé que vous aviez perdu une annuité lors de l’exécution de la précédente LPM et que vous en perdrez une autre dès le commencement de cette nouvelle LPM. Or cela ne semble pas vous affecter.

De plus, vous nous avez expliqué que la réduction de la commande publique de missiles aura d’autant plus d’impact sur les années à venir qu’une partie importante en a déjà été livrée. Vous avez également fait part de votre espoir que la prochaine LPM sera intégralement réalisée, sous peine de vous retrouver dans une position délicate.

Que vous resterait-il à produire, en effet ?

M. Joachim Pueyo a évoqué les conséquences de la prochaine LPM sur l’organisation de vos sites de production. N’allez-vous pas prendre prétexte des réductions de la commande publique contenue dans cette LPM pour procéder à un plan social qui ne dit pas son nom ?

M. Antoine Bouvier. Monsieur Meunier, qu’entendez-vous lorsque vous affirmez que la réduction de 30 % à 40 % des commandes et la perte d’une annuité ne semblent pas m’affecter, alors même que cela se traduira par une perte de 200 à 300 emplois ? Je suis au contraire profondément affecté par cette situation en tant que responsable de MBDA. Je ne la traite pas avec légèreté.

M. Philippe Meunier. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. Antoine Bouvier. Lorsque j’ai en face de moi les personnels, les cadres et les organisations syndicales, lorsque je présente au CCE la situation de la charge et leur explique que notre équilibre dépend des exportations, croyez bien que tous les responsables de l’entreprise sont profondément affectés et impliqués.

Mon audition s’effectue dans le cadre d’une LPM dont le cadrage budgétaire est très avancé après avoir fait l’objet d’arbitrages au plus haut niveau de l’État : ma responsabilité de dirigeant d’entreprise est, sur la base de ces hypothèses, de définir la meilleure stratégie possible permettant à l’entreprise de sauvegarder les capacités technologiques et l’emploi. Le contrat avec Oman, que nous avons perdu, s’élevait à un milliard d’euros, soit deux années de notre chiffre d’affaire en France : croyez bien que l’ensemble du personnel de l’entreprise a accusé le coup ! Mais il est de la responsabilité des dirigeants de surmonter le plus rapidement possible les déceptions pour aller de l’avant.

Je vous rejoins lorsque vous insistez sur le fait que la LPM devra être effectivement appliquée année après année, faute de quoi la filière missiles s’écroulera. Dans le cadre budgétaire global de la LPM et dans celui des budgets alloués à l’industrie de défense, la filière missile subit une réduction supérieure à celle que connaissent les autres secteurs industriels, en raison de la priorité donnée aux plateformes – montée en puissance de l’A 400 M, du NH 90, du Tigre, du Rafale, des Barracuda ou des FREMM.

Non, monsieur Guilloteau, tout ne va pas bien. Ainsi, la perte de 500 ETP industriels pose un problème social majeur au centre de Bourges, qui n’a pas la même configuration en termes de départs à la retraite que celui de la région parisienne.

Non, monsieur Le Bris, nous ne sommes pas forcés de faire l’Aster B1 NT avec l’Italie. En revanche nous devons tout faire pour le produire avec l’Italie. Oui, nous avons des perspectives de coopération européenne sur l’acquisition à partir de 2021 du remplaçant du Hellfire équipant les Tigre : non pas avec l’ANL mais avec le MMP. Nous avons également la capacité d’utiliser d’autres produits de MBDA, tel que le Brimstone ou le successeur du PARS 3 aujourd’hui mis en service sur le Tigre allemand. Nous travaillons donc à tout un ensemble d’options dans le double objectif d’établir des coopérations permettant de partager le coût du développement pour le client français et de faire baisser le prix unitaire, et de relancer une coopération européenne sur les missiles de moyenne portée, un programme aujourd’hui purement national du fait que des décisions allemande et italienne d’acquérir des missiles Spike. L’objectif est bien de revenir à une perspective européenne et le MMP, successeur du Milan, est, à cet égard, un bon véhicule non seulement pour la France et l’exportation mais également pour nos partenaires européens.

M. Philippe Meunier. Ma question ne visait pas à remettre en cause vos choix stratégiques de chef d’entreprise. Je tenais simplement à relever le paradoxe entre le caractère positif de votre jugement initial sur la LPM et les conséquences de cette même LPM sur l’activité de MBDA.

M. Nicolas Bays. Pouvez-vous me confirmer que la précédente LPM avait eu pour effet de diminuer vos effectifs de 400 ETP ? L’entreprise MBDA a-t-elle été concernée par des remises en cause de programmes lors de la précédente LPM ?

M. Antoine Bouvier. J’ai rappelé en introduction les cinq grandes orientations positives de la prochaine LPM qui confortent le positionnement stratégique de MBDA. Vous avez toutefois remarqué que je n’ai alors évoqué aucun élément chiffré.

J’ai ensuite présenté les cadrages budgétaires de la précédente LPM depuis 2011 et de la prochaine pour vous montrer combien la situation globale est difficile. Il appartient à l’industriel, une fois que le cadre a été défini, de travailler au mieux au développement de son entreprise.

Ces 400 réductions de postes, comme conséquences des décisions prises en 2011, sont à l’horizon 2015-2016. Il y avait eu en 2011 des réductions significatives dans les programmes Aster et le missile de croisière naval. À l’époque également avait été prise la décision de principe de lancer le MMP, l’ANL et l’Aster Block 1 NT. Sur la base de ces décisions de principe, les industriels que nous sommes avions alors travaillé en autofinancement, pris des risques sur ces trois programmes et défini le cadrage de l’activité et des effectifs de MBDA en jouant gagnant sur l’ensemble de ces nouveaux programmes, ce qui était une hypothèse audacieuse. Nous avons continué de travailler avec les mêmes équipes et fourni le même investissement sur l’ANL tout au long de l’année 2012 et en 2013, en faisant l’hypothèse que ce programme serait lancé. Nous avons de même travaillé sur le programme MMP sans contrat depuis le début de l’année 2010, confiants que nous étions à la fois dans la qualité du produit, le travail que nous avions fourni pour l’adapter aux besoins de l’armée de terre et l’attractivité de notre proposition commerciale. Pour nous l’exercice de l’année 2011 s’est assurément traduit par une réduction des budgets de la filière missiles mais également par des décisions de principe sur des programmes sur lesquels nous avons pu travailler avec un bon niveau de visibilité.

Mme la présidente Patricia Adam. Toutes les auditions des responsables du secteur industriel de la défense confirment que notre commission aura un rôle primordial à jouer pour s’assurer de la sincérité de l’exécution de la loi de programmation militaire. Je souhaite que le bureau de la commission décide de missions d’information nous permettant de la suivre très précisément.

De plus, contrairement à ce qui se passait antérieurement, la commission de la défense devra, avec la commission des finances, qui aura, elle aussi, un rôle important à jouer, suivre de près la version actualisée du référentiel (VAR) – les décisions sont prises par l’exécutif au mois de février. Il n’était pas dans l’habitude de l’Assemblée nationale de demander des comptes sur la version actualisée : elle devra s’y résoudre. Ce sera en effet pour nous la seule façon de vérifier que la LPM est respectée. Je le dis ici publiquement : cet enjeu est important. Et je compte sur tous les bancs de cette commission pour avancer en ce sens.

Je vous remercie, monsieur Bouvier.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. François André, M. Nicolas Bays, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Jean-Louis Costes, M. Bernard Deflesselles, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Christophe Guilloteau, M. Gilbert Le Bris, M. Philippe Meunier, Mme Sylvie Pichot, Mme Émilienne Poumirol, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Claude Bartolone, M. Sylvain Berrios, M. Philippe Briand, M. Alain Chrétien, M. Guy Delcourt, M. Éric Jalton, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Alain Marleix, M. Damien Meslot, Mme Marie Récalde, M. François de Rugy, Mme Paola Zanetti

Assistaient également à la réunion. - M. François Cornut-Gentille, M. Jean-François Lamour