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La séance est ouverte à dix-huit heures.
M. Philippe Burtin. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je suis très honoré et je vous remercie d’avoir bien voulu solliciter mes observations sur le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019.
Lors de son intervention à Pau, il y a huit jours, le ministre de la Défense a souligné que ce projet de loi est fondé sur quatre grandes orientations, dont la troisième est l’impératif industriel, ce dont nous lui savons gré.
Aux côtés des forces, le secteur industriel de la défense terrestre contribue à l’autonomie de décision et d’action de l’État ; il est porteur de performance, d’innovation et d’exportation, et donc d’emploi industriel, tout autant que les autres composantes de la Défense. Cette industrie génère de l’ordre de 20 700 emplois directs très qualifiés, orientés aussi bien vers les activités de développement que vers ceux de production ou de soutien. Parmi ces emplois, quelque 15 000 sont localisés chez les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire. À peu près autant d’emplois indirects sont localisés chez les sous-traitants et coopérants. Le chiffre d’affaires du secteur, un peu plus de cinq milliards d’euros, dont 40 % à l’exportation, est dégagé par ces entreprises qui sont localisées en Île-de-France et dans les régions Centre, Rhône Alpes et Provence-Côte d’Azur.
La représentation nationale et vous-même Madame la présidente, aux côtés du président Carrère, avez aussi porté cet argument, que le Président de la République a bien voulu partager.
Je souligne donc l’impact positif que ce projet de loi de programmation militaire emporte avec lui et je salue les efforts qui ont conduit à ce projet que vous examinez aujourd’hui.
Les enjeux terrestres inclus dans ce projet de loi de programmation militaire représentent moins de 5 % des crédits alloués au programme 146, hors dissuasion, sur les six années concernées. Cet effort, modeste par rapport à celui consacré à d’autres programmes d’équipement, est cependant majeur pour les forces. En effet, cette LPM 2014-2019 permettra d’accompagner une nouvelle transformation de celles-ci, tout en continuant à moderniser les matériels et à les doter des équipements qui feront la décision. Pour l’industrie, cette loi donne une vision à moyen terme qui lui permet de continuer à investir dans le renouvellement de ses moyens, dans ses projets et donc de pérenniser l’emploi.
Je souhaite évoquer avec vous les différents programmes que ce projet de LPM inclut, pour souligner les points éventuels de vigilance, qu’ils se situent au niveau de l’équipement des forces ou à celui du maintien des compétences que nous avons créées dans notre industrie de défense terrestre.
Je commencerai en évoquant deux marchés en cours qui seront conduits à leur terme, même si certains questionnements sur leur pérennité ont pu encore être émis cet été. D’une part, le contrat d’acquisition de 630 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) sera marqué par la fin des livraisons en début 2015. La poursuite de ce programme, avec 102 livraisons en début de LPM, est importante pour l’industrie car elle apporte, ce faisant, une crédibilité à nos démarches commerciales à l’exportation, tout en permettant d’atteindre un niveau de coût de revient attractif. D’autre part, le marché de besoins complémentaires VBCI, aussi appelé « marché 32 tonnes », notifié en décembre 2010, vise principalement à adapter le VBCI au système Félin et à augmenter le poids total autorisé en charge de 29 à 32 tonnes. Il comprenait trois tranches conditionnelles de 95 véhicules, qui ont cependant été étalées dans le temps, puisque scindées en six tranches annuelles sans modification du nombre total de véhicules concernés. Ce flux d’activité, nécessaire pour aligner la définition des véhicules sur le dernier standard technique, y compris de protection, permettra aux établissements industriels du groupe Nexter de conserver un certain niveau d’emploi et de compétences autour de ce blindé, à moyen terme.
Je vais aborder maintenant les projets qui doivent être concrétisés dans les six prochaines années.
Je commencerai en adressant le sujet de l’opération d’ensemble Scorpion. Elle vise à renouveler les moyens du combat de contact terrestre dans une démarche cohérente et évolutive. Déjà en 2009, la loi de programmation militaire mettait en avant cette opération et fixait pour objectif d’équiper environ trois brigades pour 2014, objectif qui n’a pas été atteint. Alors que le Livre blanc, sans prononcer le mot de « Scorpion », évoque « la poursuite de l’effort de numérisation et la préparation opérationnelle afin de garantir la cohérence des différentes forces engagées », la communauté terrestre a constaté avec satisfaction le retour, dans ce projet de LPM, de la logique d’ensemble qui caractérise Scorpion.
Cette opération est essentielle, en effet. Elle se décline en premier lieu en deux opérations constituantes, le véhicule blindé multi-rôles (VBMR) et l’engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) qui sont des projets importants pour les forces. Elle se décline aussi en un enjeu majeur de numérisation de l’espace de bataille ; celui-ci est déjà engagé, il convient maintenant d’unifier et de moderniser les équipements et les applicatifs, en parallèle de l’arrivée des nouveaux postes Contact, afin de conserver la supériorité opérationnelle et accélérer le rythme de la manœuvre.
La démarche Scorpion vise aussi à la mise en cohérence de cet ensemble de projets, et ceci autant au plan de la standardisation des équipements et interfaces, qu’au plan calendaire. Cette cohérence et cette standardisation généreront des économies de frais fixes, des économies d’échelle par effet de série, et des économies de frais de soutien.
Voici donc pourquoi le retour de Scorpion dans le cadre de cette LPM était essentiel. Il s’agissait bien de confirmer la vision d’ensemble de nos capacités de combat aéroterrestres. Le lancement effectif interviendra en 2014, même si pour tenir efficacement cet objectif, les appels à candidatures doivent être lancés dès cette fin d’année 2013. Le groupe Nexter apportera sa contribution à la maîtrise d’œuvre de Scorpion avec ses architectes systèmes et ses experts dédiés, au travers de sa participation dans la co-entreprise TNS-Mars, constituée avec Thales et Sagem.
La première opération de rénovation de la composante blindée, de par le nombre de véhicules concernés, est le VBMR. Vous le savez surement, il s’agit de remplacer les VAB que notre groupe a produit dans les années 70-80 dans son établissement de Saint-Chamond. Ce nouveau véhicule blindé multi-rôles de la classe 20 tonnes doit être robuste et capable de faire face, aussi, à des situations de fort engagement. Le projet de LPM consacre la cible de 2080 VBMR, dont 122 seraient des porteurs légers, livrables après 2020. Ce sont donc 1958 véhicules lourds dont il s’agit, et la loi de programmation militaire 2014-2019 inclut la phase de conception, à présent financée par l’État, et la livraison des premiers 92 matériels, a priori répartis sur 2018 et 2019. Le groupe Nexter se prépare techniquement depuis 2010 et a structuré en novembre 2011 un partenariat avec Renault Trucks Défense afin de remettre une offre unique sur ce programme. Cette coopération mutuellement bénéfique, reste pour Nexter un axe essentiel de son effort de préparation et peut être élargie à d’autres partenaires dans les domaines complémentaires aux compétences déjà réunies. Comme je l’ai souligné, le contrat VBCI verra ses livraisons s’achever tout début 2015. Dans ce cadre, une réussite sur le programme VBMR représenterait pour Nexter le relais souhaité pour maintenir non seulement l’expertise technique mais aussi le potentiel industriel de fabrication et d’intégration, si le VBCI n’a pas alors été sélectionné par des clients étrangers. Afin que ce programme VBMR soit une entière réussite, il apparaît qu’une grande vigilance devra être observée sur la tenue d’un juste point d’équilibre entre trois contraintes qui pourraient se conjuguer : la première est celle de répondre au mieux aux besoins spécifiques des forces françaises, la deuxième est la recherche d’un prix tiré vers le bas par le jeu d’une consultation internationale, la dernière étant enfin le souhait justifié de maintien de la capacité industrielle en France, en recherchant les équipements et composants ayant un label national.
La deuxième opération importante concernant la composante blindée est l’EBRC. Il s’agit de remplacer les AMX 10RC et ERC 90 Sagaie, chars légers à roues de moyen tonnage en service depuis les années 70/80, dont les limites techniques ont été atteintes. Sans nul doute, le programme EBRC est l’un des enjeux de la prochaine LPM. Il s’agit en effet du maintien de la compétence, unique en France, de développement d’un système d’arme blindé. Ceci se décline en premier lieu par la qualification du canon de 40 millimètres et de ses munitions, conçus par notre co-entreprise CTAI, qui doit être prononcée dans les prochains mois, dans le cadre d’une coopération franco-britannique. La deuxième déclinaison est celle de l’intégration de cette nouvelle arme dans une tourelle de nouvelle génération, qui prendra en compte le meilleur des technologies numériques d’aujourd’hui. Ce programme EBRC, est aussi, en parallèle, le vecteur du développement du missile MMP, remplaçant du Milan, ce qui souligne à nouveau son aspect essentiel pour les technologies de nos engins liées à la fonction feu. La cible est fixée à 248 véhicules et le projet de LPM précise que la commande de matériels de série interviendra en 2018 pour des premières livraisons prévues en 2020.
Le développement de cet engin doit être initié sans tarder ; la raison en est triple. D’abord, le vieillissement des matériels actuels conduit à une attrition accélérée des parcs, ce qui est mis en évidence par le projet de LPM, puisque le nombre d’AMX 10RC qui seront en service en 2019, ne sera plus que de 236, niveau inférieur à celui cité par le Livre blanc. Ensuite, la deuxième raison tient au programme Scorpion, dont l’EBRC est la deuxième grande composante. Ne lancer le développement de l’EBRC qu’après 2020 aurait privé Scorpion d’une grande partie de son intérêt puisque la désynchronisation ainsi engendrée aurait fait disparaître la mise en cohérence des interfaces et équipements et les effets d’échelles engendrés par ces mises en commun. Enfin, ce lancement dans la deuxième partie de la décennie est un signe fort de maintien de la coopération franco-britannique, puisque le 40 millimètres télescopé est le seul programme terrestre qui l’illustre, alors que le MoD a déjà commandé cette arme pour ses matériels « SV » et « Warrior revalorisé ».
Le troisième volet de Scorpion est le système d’information de combat Scorpion (SICS) qui va être développé en plusieurs versions majeures. La « version zéro » (V0) est lancée et vise à faire converger mi-2016 les différents systèmes d’information actuels de niveau 4 à 7, avec les technologies de radio actuelles.
L’enjeu majeur de la prochaine version du SICS, la « version un » (V1) inscrite dans la LPM, sera de prendre en compte l’arrivée en 2018 de la radio Contact et d’étendre les fonctionnalités permettant la tenue de situation multi-plateformes. L’objectif est de faire de SICS V1 le système de combat du groupement tactique interarmes (GTIA). Ceci est donc central pour Scorpion, puisqu’il contribuera à la supériorité opérationnelle par la bonne collaboration sur le terrain et l’accélération de la manœuvre.
Nexter est présent depuis 20 ans dans les systèmes d’informations opérationnels, embarqués à bord des blindés. Malgré la déception de ne pas avoir été choisis pour la version V0 de SICS, Nexter reste engagé dans cette activité essentielle puisqu’elle vise la cohérence des plates-formes anciennes et nouvelles, mais aussi parce que toutes les fonctions concernées sont aujourd’hui profondément imbriquées dans ce qui est appelé la « vétronique », élément essentiel de l’architecture des blindés actuels. Il est clair que l’arrivée de nouveaux acteurs duaux sur ce segment, conduit l’industrie à revoir son modèle économique et ses processus.
Les ponts désormais établis entre le réel et le numérique, entre les différents matériels opérés sur les théâtres, ouvrent un large éventail de possibilités en amont de la mission, c’est-à-dire dans la préparation opérationnelle. Il faut absolument saisir ces opportunités qui sont sources d’économie. Il faut repenser les cursus de formation et les cycles pédagogiques pour exploiter toutes les ressources offertes par la numérisation. Le projet de LPM n’intègre pas ou peu cette nouvelle dimension ; elle met en avant une formation traditionnelle sur des matériels qui seraient pourtant numérisés. Cette orientation pourrait rapidement se révéler handicapante pour le secteur français des armements terrestres et même lui faire manquer des opportunités de positionnements discriminants par rapport à la concurrence.
En effet, la simulation embarquée, si elle est intégrée dès le départ dans la conception des systèmes peut à la fois induire une économie de coût global de possession, chaque matériel pouvant instantanément devenir un simulateur de formation, et constituer un avantage concurrentiel à l’export, car peu de maîtres d’œuvre ont la maturité suffisante pour intégrer une telle fonctionnalité dans leurs matériels. La performance de la simulation embarquée résulte dans sa capacité, sur un même support, le matériel lui-même, de permettre la formation en situation de chaque membre d’équipage, mais aussi la formation intégrée de l’ensemble de l’équipage et même la formation d’un peloton en mettant en réseau plusieurs véhicules. La simulation embarquée doit donc permettre de relocaliser dans les régiments une part importante de la formation, à coût très réduit, ce qui devrait aussi permettre à ceux-ci d’en faire plus. Cette dimension apparaît peu prise en compte dans la LPM. La simulation embarquée est évoquée, mais l’approche doit être résolument ambitieuse car la démarche est structurante, et nos systèmes, dès leur conception, doivent intégrer cette fonction.
Je souhaite à présent aborder la revalorisation du char Leclerc. Le Livre Blanc a souligné le besoin pour notre pays « d’entretenir notre capacité d’action sur l’ensemble du spectre des actions possibles » et dans ce registre il énonce que « deux brigades seront aptes au combat de coercition face à un adversaire équipé de moyens lourds ». C’est dans ce cadre que les forces conserveront 200 chars lourds. Je rappelle que le développement de ce char de bataille a commencé à la fin des années 80, et que le dernier standard, dit « S XXI », a été qualifié en 2005. Utilisé, au Kosovo ou au Sud Liban, le char Leclerc reste un « outil de puissance » qu’il s’agit de maintenir à son excellent niveau d’opérationnalité grâce à cette rénovation.
En effet, les menaces continuent à évoluer et, en parallèle, les progrès en électronique et dans le numérique ont ouvert de nouvelles possibilités. La rénovation progressive du char Leclerc est inscrite dans le projet de LPM 2014-2019. Elle concerne 200 chars et les travaux débuteront en 2018, pour des livraisons à partir de 2020. Ces dates sont importantes puisqu’elles ouvrent la possibilité d’une bonne synchronisation avec les travaux sur la tourelle de l’EBRC et sur la vétronique de nouvelle génération qui sera intégrée dans les véhicules VBMR et EBRC. Pour la pérennité du char, cette rénovation est un facteur clé qui permettrait de proposer sans tarder aux Émirats Arabes Unis une vision partagée de ce programme de modernisation. Enfin il est clair que cette perspective, maintenant confirmée, permet à Nexter de préserver les compétences rares et sensibles maintenues sur ce char, qui, sans cela, auraient dû être allouées à d’autres projets.
Les récentes interventions des forces françaises ont démontré l’excellence des hommes et des systèmes qu’ils mettent en œuvre. Ceci me conduit à souligner maintenant l’importance du dernier maillon, trop souvent négligé, de l’application de la force : les munitions.
C’est un domaine de haute technologie où les spécialistes sont peu nombreux, souvent formés dans l’entreprise – chez Nexter ou chez TDA pour les obus de mortiers – sur des durées longues : pour former un technicien ou un ingénieur opérationnel il nous faut cinq ans, pour un senior 10 ans, et pour un expert 15 ans.
La dernière LPM évoquait la prise en compte de la problématique des stocks de munitions et de la sûreté d’approvisionnement. Au plan tactique elle évoquait en particulier la précision des munitions, les obus d’artillerie de précision et les munitions à guidage terminal. Le projet de LPM apparaît muet sur le sujet, ce qu’il conviendrait de corriger.
Nexter dispose aujourd’hui d’une offre complète de munitions de moyens et gros calibres – artillerie et char – correspondant aux armes en service dans l’armée française. Des contrats à l’exportation complètent les besoins propres de l’armée française et permettent de maintenir l’outil industriel de recherche et de fabrication. Il faut veiller cependant à maintenir notre outil dans le peloton de tête technologique et industriel.
Dans ce but, il faut insister à nouveau sur la nécessité de contrats pluriannuels donnant de la visibilité à l’industrie, offrant aux clients un accès à des prix plus attractifs du fait des séries, et garantissant un socle sécurisé d’approvisionnement qui positionne technologiquement et commercialement les industriels que nous sommes sur les marchés extérieurs. En priorité, un contrat de munitions pluriannuel moyen calibre est attendu en 2015, dans la continuité des deux précédents contrats pluriannuels, ainsi que des commandes de munitions d’artillerie et de char pour l’entraînement et le combat.
Le projet de loi affiche une « adaptation et une organisation de la gouvernance de la R&T par grand domaine industriel ». Vu du secteur terrestre, cette orientation apparaît très positive et devrait permettre de soutenir les efforts sur le secteur. En effet, pour Nexter, la mise en œuvre de la précédente LPM a conduit à une diminution de moitié du niveau des crédits de R&T par rapport au niveau moyen constaté précédemment. Ceci est d’autant plus pénalisant que le combat terrestre a véritablement changé de nature. La complexité des milieux terrestres, la disparité des situations, l’émergence de la 3e dimension, la contraction de l’échelle de temps du combat, nécessitent désormais de maîtriser un grand nombre de briques technologiques pour offrir aux combattants les systèmes propres à emporter la décision. Le projet de loi évoque de manière restrictive « la protection des véhicules, la surveillance des itinéraires et les nouvelles technologies munitionnaires ». Dans le domaine des véhicules, il faudrait également évoquer la fonction feu, la fonction mobilité, y compris la propulsion hybride, la maintenance prédictive, l’ergonomie, la furtivité, la réalité augmentée, l’ingénierie pédagogique... Dans le domaine des munitions, il faudrait évoquer la muni-tronique, c’est-à-dire l’électronique soumise à des conditions extrêmes d’accélération et de température, la létalité maîtrisée avec la maîtrise des effets collatéraux, la précision métrique, les explosifs insensibles… Dans le domaine technique, il faudrait évoquer les nanomatériaux, la modélisation numérique, les microsystèmes électromécaniques, ainsi que les substitutions aux interdictions de la directive Reach.
Le champ est donc vaste et ne peut être couvert uniquement par le budget étatique. Nous sommes prêts à des coopérations internationales et nous développons d’ores et déjà des coopérations avec le domaine civil qui permettent d’amortir les dépenses sur des sujets ou des programmes étendus.
Avant de vous indiquer en conclusion les premières orientations générales positives que j’ai tirées de cette finalisation du projet de loi de programmation militaire, il m’apparaît utile de vous rappeler succinctement les trois axes majeurs qui encadrent le développement de Nexter.
En premier lieu, nous continuons à consacrer de l’ordre de 15 % de notre chiffre d’affaires à la modernisation et à l’élargissement de notre gamme de produits et de services, et ceci dans les trois secteurs du groupe : les systèmes, les munitions et les équipements.
Le groupe continue en parallèle ses efforts en termes de compétitivité, mais aussi d’innovation. Nous avons mis en place dès 2010 un réexamen de nos coûts de revient dans le cadre du programme « Grand Large », qui a abouti à définir un plan d’actions permettant de réduire nos coûts de 25 %, sans avoir à rechercher des solutions de fabrication hors de France. Nous continuons à développer la conception à coût objectif. Pour ce qui concerne l’innovation, un travail d’ampleur est mené, d’une part pour structurer des partenariats avec des écoles, universités, laboratoires ou centres de recherche, mais aussi pour générer les idées et projets en interne, qui constitueront ce « pipe-line » générateur d’un flux créateur de valeur sur le long terme.
Enfin j’ai souhaité que Nexter retravaille ses méthodes, ses processus, son organisation, afin de développer son agilité et sa réactivité. À cet égard, vous vous interrogez sans doute sur notre positionnement à l’export et ce qui pourrait être, en complément de la LPM, pourvoyeur d’activité et de contrats. Les affaires sont nombreuses et l’activité commerciale est forte, aussi bien pour Nexter Systems que pour Nexter Munitions. Ainsi ce sont par exemple 142 nouvelles offres qui ont été préparées sur les six premiers mois de cette année. Cependant les cycles de décision restent très longs et la compétition dans notre secteur est à son plus haut niveau, le marché étant enrichi en permanence par l’arrivée de nouveaux matériels concurrents : les Russes avec KamAZ, les Belges avec un nouveau chenillier, etc. Nexter est en bonne position dans ces compétitions importantes et tous les efforts sont faits pour être sélectionné, le moment venu, au Canada, au Danemark, au Moyen Orient, ou encore en Inde. Le groupe travaille donc à la conclusion positive de ces affaires qui consacrerait la réussite de tous ces efforts de positionnement global et apporterait un nécessaire complément de charge aux usines à l’horizon 2015.
En effet, le projet de LPM, qui met l’accent dans un premier temps sur les activités de développement de systèmes et place seulement en fin de période l’activité générée par leur production et leur intégration, ne met pas le groupe Nexter et ses sous-traitants à l’abri de difficultés conjoncturelles de charge à la fin des livraisons des VBCI pour la France en 2015-2016.
Dans le même registre, la notification du contrat pluriannuel de munitions de gros calibre a éclairci l’avenir à cinq ans de Nexter Munitions, mais doit impérativement déboucher sur des contrats complémentaires à l’export pour conforter l’activité des sites.
Pour conclure, je souhaiterais saluer tous les efforts qui ont convergé pour aboutir à ce projet de LPM qui concilie les incontournables restrictions induites par les contraintes budgétaires et la préservation des grands enjeux du domaine terrestre. Elle permet de donner la nécessaire visibilité à moyen terme au secteur terrestre, même si la vigilance reste nécessaire sur certains aspects que j’ai développés.
Il est possible de dire que cette LPM donne à notre industrie les atouts indispensables pour maintenir les compétences nécessaires à la pérennité de l’outil industriel. C’est dans ce cadre que j’ai confirmé vendredi dernier aux partenaires sociaux que le groupe allait lancer dès à présent, en plus des 55 recrutements réalisés cette année, le recrutement de 85 CDI et de 60 contrats de qualification. Au total ces 200 recrutements de 2013 bénéficient aux territoires sur lesquels nous sommes implantés. Ils représentent 7,5 % de notre effectif cible.
L’État a donc tracé un cadre d’avenir, complet et cohérent. Dans ce cadre, Nexter dispose d’atouts importants pour saisir les opportunités de développement qui vont donc se concrétiser.
M. Yves Fromion. Vous avez, à raison, salué l’action des parlementaires. Les premières ébauches de LPM faisaient en effet l’impasse sur le programme Scorpion. Au total, l’armée de terre est sans doute celle qui aura le plus bénéficié de la mobilisation collective de l’ensemble des parlementaires. Il semblait en effet inconcevable que Scorpion fût abandonné.
Avant de passer à mes questions, je profite du temps de parole qui m’est accordé pour vous féliciter des efforts de votre groupe en termes de simulation embarquée, ainsi que nous avons pu le constater lors d’une visite de votre site à Satory.
Ma première question concerne le canon Caesar. Y a-t-il un avenir pour ce système ? La LPM 2009-2014 prévoyait une commande de 64 unités sur la période 2014-2019. Tel n’est plus le cas dans la LPM que nous allons examiner. En revanche un LRU est prévu. Êtes-vous concernés par la modification du LRM en LRU ?
Ma seconde question a trait à la consolidation industrielle. Nous avons entendu hier le Président de Renault Trucks Defense et nous avons évoqué les difficultés du secteur terrestre en la matière, sujet dont nous avons souvent parlé. Au-delà de la joint-venture mise en place pour le VBMR, y aurait-il des possibilités de consolidation industrielle plus avancées ou est-ce que Nexter continue de regarder vers l’Allemagne avec les yeux de Chimène ?
Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Je souhaiterais vous interroger sur vos démarches à l’export. Je crois savoir que vous avez présenté ce mois-ci Titus, un nouveau blindé low cost à moins d’un million d’euros que vous développez depuis 2010 pour faire faire à la concurrence des pays émergents. J’ai cru comprendre que, pour des raisons techniques, ce blindé n’était pas éligible à l’utilisation par l’armée française. Quelle est votre cible à l’exportation ? Quel niveau d’activité attendez-vous du lancement de ce nouveau blindé ? Envisagez-vous de l’adapter pour l’armée française ?
M. Philippe Folliot. Je voudrais évoquer les chars lourds Leclerc. Vous nous avez rappelé que la LPM prévoyait la rénovation de 200 de ces chars. De mémoire, l’armée dispose d’environ 250 Leclerc. Que va-t-il advenir de la cinquantaine de chars qui ne seront pas rénovés ? Pouvez-vous par ailleurs nous indiquer le coût de rénovation d’un char Leclerc ?
Nous avons, malheureusement, connu un échec commercial au Qatar face à nos concurrents allemands. Qu’en est-il des perspectives à l’export du Leclerc ? Quel est le degré de réactivité de la chaîne de production en cas de nouvelles commandes, et à quel coût ?
M. Christophe Guilloteau. Je poserai deux questions hors LPM. Une question technique tout d’abord. Vous nous avez indiqué que les VBCI passaient de 29 à 32 tonnes. Qu’a-t-on ajouté exactement à ce matériel qui explique un tel surcroît de charge ?
Par ailleurs, tout le monde a pu constater la qualité et le succès de votre production lors de l’opération au Mali. Cela va-t-il vous ouvrir des perspectives à l’exportation ?
M. Jean-Louis Costes. Vous avez évoqué l’émergence de nouveaux concurrents comme la Russie. De façon globale, la concurrence est-elle en train de se développer ? En provenance de quels pays en particulier ?
M. Philippe Meunier. Je ne reviendrai pas sur vos propos concernant la LPM ; nous mesurons la difficulté qui est la vôtre en tant que fournisseur d’un client majeur. Concernant le programme Scorpion, une personne connaissant très bien le secteur a récemment exprimé une position très forte en affirmant qu’il était impossible d’obtenir des livraisons de VBMR à l’horizon 2018-2019, et qu’il fallait en réalité attendre 10 ans. Si un décalage s’opère, comme souvent avec les LPM, serait-il envisageable d’avoir un VBCI en version « allégée », afin de combler le gap capacitaire avant l’arrivée du VBMR ?
M. Nicolas Bays. Ma question ne concerne pas la LPM. Où en est le rapprochement avec SNPE, et selon quelles modalités l’absorption pourrait se réaliser ?
M. Philippe Burtin. Concernant les livraisons du VBMR en 2018, il faut prendre en considération le fait que nous sommes déjà « lancés ». Nous travaillons en effet, tout comme Renault Trucks Défense, sur ce sujet depuis 2010. Nous avons réalisé des travaux préliminaires et nous avons d’ores et déjà une solution technique, qui est une solution commune. Cette dernière est, certes, encore au stade de l’avant-projet, mais celui-ci est déjà relativement précis. J’ai insisté sur la rapidité avec laquelle devait être notifié l’appel à candidatures et je m’inscrivais en effet dans la perspective des premières livraisons prévues en 2018. Sans aller jusqu’à dire que ceci est atteignable facilement, l’enjeu est important et nous devons aller vite. Dans ce cadre, le prescripteur – la DGA – devrait donc, si cela est possible, lancer dès 2013 cet appel à candidatures qui est la première étape formelle dans la consultation. Une consultation dans les tout premiers mois de l’année prochaine pourrait permettre une décision au second semestre 2014.
Concernant des décalages au sein de la LPM… Je n’ose les envisager !
Sur la question d’un VBCI « allégé », je rappelle que Nexter proposera deux modèles bien différents, un VBCI 8x8 et un VBMR 6x6, qui présentent des architectures différentes et qui ont vocation à remplir des missions différentes. Combiner les deux conduirait à un projet techniquement très complexe et qui ne se concrétiserait probablement pas avant 2018, date de livraison du VBMR.
L’augmentation du poids du VBCI, adapté au système Félin, est en fait le résumé de l’augmentation de son poids total autorisé en charge (PTAC). Le passage de 29 à 32 tonnes pour le PTAC des VBCI permet d’augmenter la charge utile du véhicule, mais aussi sa protection, de manière à donner aux forces plus de capacités d’emport. Le VBCI est un succès : les forces ont réalisé cette belle opération Serval, qui a clairement été remarquée. Le chef d’état-major de l’armée de terre anglaise lui-même nous a interrogés sur ce matériel ; les Canadiens, les Danois sont également intéressés. Il est clair que ce genre d’opération et le succès rencontré sont susceptibles de remettre en question certaines doctrines établies de l’emploi de la chenille – car tel est bien le sujet. Vous savez que dans le domaine des transports tactiques, certaines forces sont encore orientées vers la chenille comme c’est le cas des forces anglaises. Après que celles-ci ont vu la rapidité et la puissance de la manœuvre, liées au véhicule et à la roue, le questionnement a été important.
En ce qui concerne le Leclerc : quid de la cinquantaine de chars non concernés par la rénovation ? Il vous faudra poser la question au chef d’état-major, mais je pense qu’ils ne seront certainement pas mis au rebut ou détruits. Ils seront probablement stockés, mis en condition pour, le cas échéant, être utilisés. En tout cas, le moment venu, si l’État souhaite que nous participions à une deuxième vie de ces matériels – par la revente par exemple – nous y sommes prêts. J’évoque la revente car nous n’avons plus de chaîne de production de Leclerc neufs en activité. Lorsque nous avons proposé ce char au Qatar, il s’agissait de 62 unités que l’armée française avait désengagées, qu’elle nous cédait pour que nous les mettions à niveau. Les Allemands disposent encore d’une chaîne de Léopard en fonctionnement tandis que nous avons des chars d’occasion. Il est possible que les Qataris aient préféré disposer de chars neufs pour équiper leurs forces. Pour Nexter, les perspectives à l’export des chars de bataille sont liées à des matériels de seconde main : nous ne nous adressons pas à la même clientèle. Par exemple l’Arabie Saoudite, qui a longtemps discuté avec les Allemands pour acquérir des chars de bataille, ne souhaitera pas de chars de seconde main. En revanche, d’autres forces peuvent être intéressées : nous menons des campagnes de présentation de ce potentiel qui est intéressant. Avec un prix équivalent à un petit peu plus du tiers du prix du Léopard neuf, nous arrivons à proposer une offre compétitive par rapport à celle des concurrents allemands.
J’en viens au Titus. Vous avez compris que nous restons sur le sujet des empereurs romains, et après Nerva, Trajan et Caesar, Titus nous apparaissait bien correspondre à l’image que nous voulons donner à la fois pour le produit et pour le groupe. En revanche, nous ne nous retrouvons pas dans le qualificatif de low-cost. Ce véhicule est conçu en France et produit en France, en dehors, il est vrai, du moteur – mais nous ne faisons plus de moteurs en France – et du châssis Tatra qui est d’un excellent niveau en termes de mobilité. C’est donc un véhicule que je qualifierais de « compétitif » et qui est le résultat de tous les travaux que nous menons depuis deux ou trois ans, mais également de toutes les adaptations que le groupe a faites. Le prix est de 700 000 euros pour la définition de base, et le groupe gagnera de l’argent sur ce tarif de base. Nous assumerons toutes les responsabilités inhérentes au produit, et à notre rôle : il n’y a pas d’impasse dans ce prix. Le Titus en effet cible avant tout l’export. Premièrement, il s’agit d’un véhicule 6x6 qui vient compléter notre gamme qui présente déjà un 8x8, le VBCI, et un 4x4, l’Aravis. Nous comblons donc dès 2015 ce trou que nous avons dans notre gamme. De plus, ce 6x6 est un véhicule tactiquement très mobile, efficace et polyvalent : il peut être protégé du niveau 2 jusqu’au niveau 4, ce qui correspond à des situations d’agressivité assez fortes, il présente une très forte mobilité tactique et il est modulaire dans son emploi. Le Titus présente plusieurs caractéristiques – hauteur du plancher, PTAC, pneus – qui ne le rendent techniquement pas éligible pour l’emploi dans l’armée de terre française. Les premiers échos sur ce véhicule sont plutôt très positifs à l’export.
La concurrence est notre milieu naturel et chez Nexter, nous aimons ce monde stimulant. Elle favorise notre créativité et notre innovation, quel que soit le milieu : systèmes, munitions, équipements… Surtout, elle pousse à l’agilité. La concurrence est très forte dans le domaine terrestre : je peux évoquer Kamaz, le grand camionneur russe, qui revient dans le domaine des blindés avec un 6x6 rustique, mais fortement protégé et de bon niveau ; je fais également référence à un bureau d’étude belge totalement inconnu il y a encore quelques semaines et qui propose une solution à chenille de 20 tonnes, qui peut intéresser ceux qui sont dotés de M113. C’est ainsi que fonctionne notre secteur industriel de défense terrestre. J’ai eu l’occasion de montrer à certains d’entre vous ce qu’est l’intensité de la concurrence dans notre domaine : sur certains segments, nous comptons en effet jusqu’à 25 produits concurrents.
Nous démontrons que la France a sa place sur ce marché et le Titus à 700 000 euros a attiré des prospects conscients de pouvoir disposer pour cette somme d’une excellente solution technique alliant pérennité du nom, qualité et surtout soutien après-vente, contrairement aux solutions émergentes.
La tranche des 64 « camions équipés d’un système d’artillerie » (Caesar) inscrite dans l’actuelle LPM pour la période 2015-2020 n’apparaît effectivement plus. Notre matériel est performant, précis, efficace et puissant et cette disparition est peut-être paradoxalement la conséquence de ces qualités. Huit Caesar engagés en Afghanistan, quatre au Mali, avec de l’ordre de 200 coups tirés sur le massif de l’Adrar des Ifoghas et le travail était fait ! Les forces possèdent déjà 77 Caesar et dans ce cadre peut-être a-t-il été jugé que des équipements supplémentaires pourraient venir dans une étape ultérieure.
Notre effort à l’exportation est soutenu : le Danemark est sur le point de formaliser sa consultation pour 21 systèmes Caesar ; nous attendons le versement de l’acompte pour la confirmation de 37 systèmes par l’Indonésie, sans parler de l’Inde pour laquelle un projet est lancé pour 814 machines. Nos discussions se poursuivent avec d’autres pays. Ce système d’artillerie est efficace et son emploi par l’armée française dans le cadre de l’opération Serval est pour nous un argument majeur.
Je reviens au paysage concurrentiel européen qui est fragmenté, chaque pays maintenant sa propre industrie, et pour lequel aucun programme européen n’est venu structurer l’industrie, à l’exception du projet du canon de 40 mm télescopé. Les concurrents des pays émergents sont de plus en plus présents et nous sommes face aux leaders transatlantiques que sont General Dynamics et BAE Systems, qui réalisent chacun un chiffre d’affaires de 4,5 milliards, alors que nous-mêmes et nos concurrents européens sommes proches du milliard.
Nexter est aujourd’hui en bonne santé et regarde l’avenir avec confiance. Il est évident que l’industrie doit se structurer à moyen terme par des rapprochements qu’ils soient franco-français et/ou européens ; si tel n’était pas le cas, le poids des programmes de renouvellement et d’élargissement des gammes, 50 millions d’euros pour une tourelle, par exemple, ou 50 à 200 millions d’euros pour une plateforme selon sa complexité, ne permettrait plus à une entreprise de la taille de Nexter de les financer sur le long terme. Ceci est encore plus vrai alors même que notre modèle économique change, les États n’ayant plus la capacité de soutenir financièrement la totalité des nouveaux programmes. L’industrie doit donc acquérir une taille lui permettant de développer ses projets par elle-même.
Nexter est un groupe systémier et munitionnaire qui bénéficie à plein de la synergie armes et munitions et qui veut maintenir cette unité. En tant que systémier d’autre part, nous ne souhaitons pas avoir à donner une préférence à un partenaire qui serait équipementier, dans l’électronique ou la mobilité. En tout cas un tel lien fort devrait être discuté et pondéré. Enfin, nous souhaitons construire un groupe industriel intégré dans lequel les intérêts français seraient soit majoritaires, soit préservés, au moins à égalité.
Des discussions sont en cours en France. Le président du groupe Thales a annoncé le 14 juin dernier qu’il ne voyait pas de synergie technique et industrielle dans un rapprochement entre nos groupes et a ainsi fermé le dossier. Mais il ne s’agit que d’une partie du projet qui a été discuté ; une autre partie reste d’actualité dans le domaine munitionnaire et je suis ouvert à toute formule de rapprochement entre Nexter Munitions et TDA qui permettrait d’avoir une industrie munitionnaire française regroupée. La trésorerie de Nexter peut, si c’est le souhait de Thales, nous permettre de racheter TDA.
Où en sommes-nous en ce qui concerne SNPE ? Il s’agit là d’un vrai sujet industriel mais aussi du regroupement de structures de défaisance. Il s’agit d’assurer pour notre groupe et pour l’État la pérennité des sources d’approvisionnement en explosifs. Les têtes militaires pour Nexter et MBDA, certaines charges pour la dissuasion proviennent de l’usine Eurenco de Sorgues. Je rappelle à cette occasion que le coût d’une requalification d’une munition pour sa poudre est de l’ordre de trois à quatre millions d’euros. C’est pourquoi la pérennité des autres sites d’Eurenco, Bergerac, PB Clermont et ses deux sites suédois et finlandais, où sont fabriquées des poudres propulsives dont nous commandons trente références, nous préoccupe. Tout comme nous préoccupe l’avenir d’Eurenco face à Nitrochemie, entreprise issue d’un rapprochement des activités poudrières de RUAG et de Rheinmetall, qui la contrôle à 55 %. Comme vous le savez, Rheinmetall est le concurrent de Nexter sur le marché des systèmes et des munitions. C’est pourquoi je suis concerné par d’éventuelles discussions entre Eurenco et Nitrochemie. Dans le but de préserver au mieux les intérêts munitionnaires français, il convient donc de faire en sorte qu’Eurenco soit dans la meilleure forme possible, afin que l’entreprise soit considérée comme un partenaire et non comme une cible dans le cadre des discussions qui auront probablement lieu à l’échelon européen. Par ailleurs SNPE et GIAT Industries travaillent à la restructuration et la dépollution de leurs anciens sites. Le projet est de rapprocher ces structures au sommet de leur organigramme. Le projet progresse, alors que le conseil de GIAT Industries ne l’a pas encore approuvé, les partenaires sociaux ont été saisis et ce cycle d’information se déroule. Le projet devrait se matérialiser fin 2013.
Bien que je n’aie pas été saisi directement, il semble que Renault Trucks Defense a de nouveau évoqué un rapprochement. Il s’agit d’un sujet important sur lequel nous avons travaillé en 2011 et à propos duquel je me suis exprimé devant vous en 2012. Nous avions alors statué quant aux contours du rapprochement et j’avais accepté d’intégrer l’activité liée aux camions militaires dans le périmètre concerné. En revanche, Renault Trucks Defense ne souhaitait pas intégrer l’activité liée aux munitions et aux armes. Cette séparation posait donc un vrai problème au regard de la vie d’un groupe unifié, Nexter, dont les bureaux d’études doivent travailler de concert. En raison de son appartenance à un groupe suédois, Renault Trucks Defense ne voulait considérer que la partie mobilité des véhicules, et seulement des véhicules à roues. Que devenait le reste des activités ? Nous ne sommes pas allés suffisamment loin dans la négociation pour apporter une réponse sur ce point. Mais l’exigence de Volvo d’avoir sous son contrôle opérationnel, depuis Göteborg, toutes les grandes fonctions du groupe, études, achats, MCO, etc. a mis un terme aux discussions, l’entreprise et l’actionnaire ne pouvaient accepter cette condition. Nous avons alors travaillé à une structuration différente du projet VBMR dans lequel chacun a sa place.
Avoir un lien fort avec un fournisseur de solutions de mobilité a certes des avantages mais peut avoir également des inconvénients pour un systémier dont le rôle est de choisir la solution de mobilité la plus adaptée au besoin du client et non de privilégier une solution de groupe. Ainsi, la France a choisi la solution RTD pour ses Caesar, mais les Saoudiens ont choisi une solution Daimler, nous travaillons par ailleurs en Inde sur une solution indienne Ashok Leyland et nous proposons au Brésil une solution tchèque, Tatra, déjà utilisée par ces forces.
Les discussions continuent en France et en Europe. L’option européenne pourrait nous permettre d’accéder à une taille supérieure par le regroupement de deux entreprises en bonne santé mettant en commun leurs compétences, leurs clients et leur marché domestique. Ceci serait, le moment venu, présenté pour approbation à l’actionnaire et à la représentation nationale.
Mme la présidente Patricia Adam. Merci pour les précisions que vous venez de donner à la commission au regard des auditions précédentes.
M. Joaquim Pueyo. Vous avez rappelé que les VBMR seraient livrés en 2018, et non en 2022 comme l’a déclaré M. Mons, président du Conseil des industries de défense (CIDEF). En tant que rapporteur pour avis du budget de l’armée de terre, j’estime que c’est important pour le programme Scorpion.
Pouvez-nous nous indiquer où en sont les négociations avec les Émirats Arabes Unis, partenaire important, avec lesquels nous avons peu avancé en matière militaire en dépit de l’implantation d’une base de défense ?
M. Philippe Burtin. Le char Leclerc est présent en 436 exemplaires aux Émirats avec une excellente disponibilité. Il s’agit d’un client très courtisé et qui a un lien fort avec les États-Unis. L’achat de VBCI ne semble pas devoir intervenir prochainement bien que nous ayons remis une offre attractive pour 700 véhicules, offre que l’on nous demande de retravailler régulièrement. Les informations recueillies localement indiquent que le moment n’est pas encore venu mais nous continuons à soutenir notre offre et à en développer tous les aspects, dont l’aspect industriel, puisqu’il s’agit d’implanter une usine d’assemblage des blindés près d’Abu Dhabi. La décision pourrait être prise en 2014.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Patricia Adam, M. François André, M. Nicolas Bays, M. Jean-Louis Costes, M. Philippe Folliot, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Christophe Guilloteau, M. Gilbert Le Bris, M. Philippe Meunier, Mme Sylvie Pichot, M. Joaquim Pueyo, M. Jean-Michel Villaumé
Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Claude Bartolone, M. Sylvain Berrios, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Candelier, M. Alain Chrétien, M. Guy Delcourt, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Alain Marleix, M. Damien Meslot, Mme Marie Récalde, M. François de Rugy, Mme Paola Zanetti