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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 9 octobre 2013

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 9

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition, ouverte à la presse, de MM. Philippe Berna, président, et Thierry Gaiffe, président de la commission Défense du Comité Richelieu sur le projet de loi de programmation militaire.

La séance est ouverte à dix heures trente.

Mme la Présidente Patricia Adam. Je suis heureuse d’accueillir MM. Philippe Berna, président du Comité Richelieu, et Thierry Gaiffe, président de la commission défense du Comité Richelieu, pour une audition ouverte à la presse sur le projet de loi de programmation militaire.

En septembre, nous avons commencé nos travaux sur le projet de LPM par l’audition des principaux industriels de la défense. Tous ont souligné l’importance du tissu de PME-PMI ; aussi nous paraissait-il absolument nécessaire d’entendre une nouvelle fois les représentants de ces entreprises.

M. Philippe Berna. Mesdames et Messieurs les députés, quelques mots de présentation pour débuter. Le Comité Richelieu regroupe 350 PME « actives », pour un réseau de plus de 4 000 entreprises. Nos membres se caractérisent par : une activité de R&D très forte, de l’ordre de 20 % du chiffre d’affaires ; un fort degré d’ouverture, avec un dynamisme à l’exportation qui concerne 85 % de nos adhérents ; un lien fort avec la défense pour 50 % d’entre eux. L’idée à l’origine de la création du Comité Richelieu est que les PME soient en prise directe avec les marchés de compensation afin qu’elles puissent bénéficier de 10 à 12 % de ceux-ci.

Fort de ce succès, nous sommes intéressés aux mécanismes vertueux qui existent dans d’autres pays. Au cours de différentes missions, nous avons notamment analysé les régimes de Small Business Act (SBA) et de Small Business Innovation Research (SBIR), pendant du SBA pour ce qui concerne l’innovation et la recherche. Nous avons travaillé à mettre en place ces dispositifs afin qu’une partie des achats publics – qu’ils soient de fonctionnement avec le SBA, ou d’innovation avec le SBIR – soient fléchés vers les PME. Il s’agit pour elles de démontrer leur savoir-faire en matière de production et d’innovation et de signer des premières références avec les grands acteurs du monde public – en l’espèce de la défense – afin d’être ensuite repérées pour être en capacité de projeter leurs produits et services à l’export.

Nous avons une relation très forte avec le secteur de la défense, particulièrement la DGA. Nous travaillons à bien cerner l’ensemble des PME qui constituent la base industrielle et technologique de défense (BITD). Nous sommes très intéressés au suivi du pacte Défense-PME, puisque nous avions initié il y a cinq ans, avec OSÉO et la DGCIS, la mise en œuvre de pactes PME visant à favoriser la relation entre grands groupes publics et privés, et PME d’innovation et de croissance. Nous sommes présents sur l’ensemble du territoire, nos adhérents sont tous des entreprises indépendantes, et le Comité Richelieu ne vit que grâce au bénévolat et à l’implication de ses dirigeants ; M. Gaiffe et moi-même sommes avant tout des dirigeants et des fondateurs d’entreprises.

M. Thierry Gaiffe. J’aimerais rappeler quelques éléments de contexte. La France compte 4 000 PME et ETI de défense qui sont des entreprises essentielles à la compétitivité du pays. En effet, la défense est l’un des rares secteurs dont la balance commerciale et positive, et ceci grâce à la conduite d’une véritable politique industrielle. Les grands groupes, qui sont des fleurons nationaux, sont portés par une innovation et une différenciation qui est essentiellement le fait de sous-traitants et d’équipementiers qui constituent ces 4 000 entreprises de la BITD, lesquelles représentent 165 000 emplois directs. Je suis chef d’une entreprise de 120 personnes qui existe depuis 1927 et consacre 13 % de son chiffre d’affaires en R&D sur fonds propres. Je travaille avec des sous-traitants qui ne font pas partie de la BITD mais qui me sont essentiels pour assurer les livraisons auprès de grands maîtres d’œuvre tels Sagem, Thales, Cassidian, etc.

Les hasards du calendrier font que, il y a une semaine, avant d’être entendu au Sénat, un sous-traitant avec qui nous travaillons depuis 20 ans m’a annoncé son dépôt le bilan. Il s’agit d’une TPE de quatre salariés dont ma société assure 50 % du chiffre d’affaires. Cette entreprise fabrique des casques communicants pour tous les blindés de l’armée de terre. Nous fournissons ces produits depuis des décennies. Ils doivent être remplacés tous les 15 à 20 ans du fait de leurs conditions d’utilisation extrêmes. Le général avec qui nous concluions pour environ trois millions d’euros de contrat par an m’a récemment annoncé qu’à son grand regret, compte tenu de la réduction des moyens à sa disposition, le contrat ne pourrait pas être reconduit. Il préférait privilégier des blindés plus ou moins opérationnels avec des casques communicants hors d’âge plutôt que nos casques flambant neufs aux normes de sécurité qui auraient équipé de véhicules remisés au garage pour défauts techniques… Cet arrêt brutal constitue un choc pour une société comme la mienne et pour ses sous-traitants.

C’est pourquoi lorsque le ministre de la Défense a annoncé, dès juin 2012, un SBA, il a créé l’espoir. Le Comité Richelieu et nos confrères des autres associations – le Groupement des industries françaises de défense terrestre (GICAT), le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), le Groupement industriel des constructions et armements navals (GICAN), le cluster EDEN (European Defense Economic Network) – ont immédiatement réagi en se mettant à la disposition du ministre pour mettre en place cette initiative. Nous avons soumis un certain nombre d’idées à son cabinet et, en novembre 2012, lors de l’annonce des 40 mesures par M. Le Drian, nous avons eu la bonne surprise de constater que plusieurs d’entre elles avaient été retenues. Tout était a priori parfait, cette initiative allait nous aider à survivre et à préserver des emplois, de l’innovation, de la compétitivité et des perspectives d’exportation.

Nous le savons, l’industrie française est en péril depuis 10 ans. M. Gallois l’a bien rappelé. Dans ce contexte, la défense reste un secteur qui fonctionne bien et il est important de le maintenir. Il convient maintenant de mettre en application les 40 mesures annoncées par le ministre. Nous nous sommes immédiatement portés volontaires pour aider l’État dans cette tâche, sachant que 24 d’entre elles sont consacrées aux 4 000 entreprises de la BITD, les 16 restantes étant davantage tournées vers les sous-traitants divers de la défense.

Je me dois d’être franc : nous sommes un peu inquiets, car nous avons le sentiment que le temps de la mise en œuvre administrative de ces mesures ne coïncide pas avec le temps économique relatif à la survie de nos industries de défense. Je ne mets nullement en doute la volonté du gouvernement en la matière. Je tiens à la souligner : nous ne faisons pas de politique ; nous disions la même chose en 2007 lorsque M. Morin a présenté ses propres mesures.

Par ailleurs, et c’est un autre motif d’inquiétude, peu de mesures réellement pragmatiques, qui « parlent » aux patrons de PME, sont prises. Nous avons rencontré les personnes responsables de la mise en œuvre de ces mesures en leur assurant que nous et nos confrères étions à leur entière disposition afin de concrétiser ces actions de manière efficace et dans un temps économique raisonnable. Nous sommes en attente.

Je vais vous donner quelques exemples. Parmi les 24 mesures qui nous concernent directement, j’en ai retenu trois. La première est relative aux conventions bilatérales que doivent signer l’État et nos grands maîtres d’œuvre de défense. Interviewé par Les Échos à ce sujet, j’ai indiqué n’avoir aucune idée de l’avancement de ces travaux, qu’il s’agisse de l’identité des signataires ou du contenu des conventions. Nous savons dorénavant que six grands maîtres d’œuvre ont signé et nous connaissons les grandes lignes de ces conventions. Mais le diable est dans les détails et nous ignorons tout du détail.

Par ailleurs nous faisons face à un problème de back-to-back. Lorsque l’on est sous-traitant de rang 1, le minimum que l’on puisse demander est que les conventions passées avec les maîtres d’œuvre reflètent au mieux les contrats que ceux-ci passent avec l’État, que les conditions générales d’achat de la DGA soient transposées mot pour mot vers les maîtres d’œuvre. Or ce n’est pas le cas ! Ainsi, lorsque des acomptes à la commande sont versés au maître d’œuvre, les sous-traitants de rang 1 n’en bénéficient pas. De la même manière, alors que l’État demande, via les accords de propriété intellectuelle, un simple droit d’usage sur les technologies qu’il finance, les maîtres d’œuvre exigent de leurs sous-traitants une pleine propriété ! Nous demandons simplement le bénéfice des mêmes conditions commerciales, ce qui est somme toute peu de chose. Il s’agit simplement d’égalité. En tout état de cause l’État serait en droit de l’exiger et n’en violerait pas le code des marchés publics pour autant.

Le deuxième exemple concerne la labellisation. Nous sommes conscients que l’État dispose de moins de moyens pour sa défense et nous comprenons que chacun doit consentir des efforts. Les patrons de PME ne sont ni des idiots ni des mendiants qui iraient quémander auprès des pouvoirs publics sachant que ceux-ci sont incapables de leur donner davantage. Nous sommes réalistes et cela fait déjà quelque temps que nous avons adapté nos stratégies vers, d’une part, la dualité, c’est-à-dire l’ouverture vers le marché civil, et, d’autre part, l’export. Toutefois la défense est un secteur très particulier. Les premières questions qui nous sont posées à l’export sont les suivantes : avez-vous vendu vos équipements à votre armée nationale ? Quelles sont vos références ? Lorsque l’on est incapable d’y répondre, on se retrouve immédiatement écarté du marché. La labellisation devrait permettre à la DGA de délivrer aux patrons de PME un courrier officiel attestant de la qualité de l’entreprise, de ses produits et services. Nous attendons beaucoup de ces « lettres de recommandation » susceptibles d’indiquer, par exemple, que même si tel produit n’équipe pas les forces françaises, il a été testé et fait ses preuves. Or que nous propose-t-on ? On nous rappelle qu’en vertu du code des marchés publics, un appel d’offres doit être lancé qui va mettre en compétition plusieurs entreprises désireuses de faire tester leur matériel. Mais ceci va prendre un temps déraisonnable, sans répondre aux attentes des PME. L’autre alternative consisterait à rémunérer la DGA pour qu’elle opère ces tests. Cela serait également chronophage et n’aurait qu’un intérêt limité puisque nous pourrions tout aussi bien recourir à des prestataires privés. Nous ne réclamons pas de tels tests ; nous souhaitons simplement nous voir délivrer un courrier attestant que l’entreprise est connue des services de l’État compétents. Je rappelle que 653 entreprises de la BITD ont été choisies par la DGA en tant qu’entreprises stratégiques pour notre compétitivité. Il est temps que cette liste soit utilisée pour asseoir la compétitivité de la France.

Le troisième exemple a trait à l’export. L’aide de l’État en la matière peut se matérialiser par des actions simples. Nous venons d’acheter 12 drones MALE aux Américains, sans demander de compensation. Nos alliés, eux, n’hésitent pas à le faire. Je suis actuellement porté par un grand groupe de défense pour vendre mes matériels aux Pays-Bas. Ce pays pratique les offsets, théoriquement interdits en Europe depuis 1991. La France est l’un des seuls pays des 27 à se refuser aux offsets. Il est temps de le dire et de le dénoncer car il s’agit d’un problème majeur en Europe. Si nos concurrents européens le pratiquent, pourquoi pas nous ? Si cette pratique est interdite, qu’elle le soit effectivement dans toute l’Europe. Mais utilisons-la à l’extérieur pour préserver nos PME.

Si les grandes associations de PME de défense et l’État ne se mettent pas ensemble autour de la table pour mettre en œuvre les 24 mesures BITD, cela ne fonctionnera pas. Nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de nous aider à faire passer ce message auprès du gouvernement.

Mme la présidente Patricia Adam. Vous avez des propos très précis, cela va faciliter les questions de mes collègues. Je tenais à vous dire que nous étions tous très conscients des enjeux que vous avez évoqués pour bien connaître les PME-PMI de nos territoires respectifs. Vous avez dit qu’il fallait que tous les acteurs se mettent autour de la table : quel est selon vous l’organe le plus à même d’organiser ces rencontres ?

M. Thierry Gaiffe. Une commission chargée de la mise en œuvre des 40 mesures du pacte PME a été créée au sein du ministère de la Défense. Je pense qu’il s’agit du vecteur approprié pour mettre en place des groupes de travail avec les associations représentatives.

M. Philippe Berna. Nous voulons que cette commission soit la plus transparente possible et que le rythme de son action soit calé sur celui des PME et non sur le temps administratif. Je prends pour exemple la signature de conventions bilatérales auxquelles aucune PME n’a été invitée. Aucun indicateur, à la définition desquels les PME auraient pu participer, n’est fixé dans ces conventions.

Un an après, le bilan de la mise en œuvre effective de ce plan est difficile à faire.

M. Jean-Yves Le Déaut. Vos propos sont très justes. J’ai une suggestion à faire : pourquoi une évaluation de la mise en œuvre du pacte ne serait-elle pas faite par la commission de la Défense ?

Vous avez indiqué que le temps de la mise en œuvre de ce pacte n’était pas en phase avec le temps des industries de défense. Est-ce que le crédit d’impôt recherche (CIR) pourrait être amélioré pour mieux mettre en relation petites et grandes entreprises et favoriser la création de liens plus étroits entre elles ?

Vous avez par ailleurs parlé des normes et de la labellisation qu’on exige de vous pour que vous puissiez vendre. Il est très compliqué de les obtenir et je pense que les normes constituent aujourd’hui un des freins à l’innovation dans notre pays. Est-ce que des formes de collaboration avec les grands groupes ne sont pas envisageables pour favoriser le développement des PME-PMI ?

M. Daniel Boisserie. Je rejoins ce qui vient d’être dit sur les normes. Pourquoi, en tant que représentants des entreprises, ne faites-vous pas des propositions plus claires à l’État ? Pourquoi ne pas faire, vous aussi, votre autocritique en évitant de rejeter la responsabilité uniquement sur les pouvoirs publics ? La volonté du Président Hollande de soutenir les PME n’est plus à démontrer.

Beaucoup d’entreprises qui embauchent font leur propre formation professionnelle car elles ne trouvent pas les ingénieurs ou techniciens qu’elles recherchent. Avez-vous des idées pour améliorer cette situation ?

M. Jean-Michel Villaumé. Je vais revenir à mon tour sur le bilan du pacte PME Défense. Avez-vous des propositions précises pour l’améliorer ? Je suis tout à fait d’accord pour que l’on mette en place un comité de suivi de manière plus formelle. Par ailleurs, avez-vous des retours sur le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) ?

M. Philippe Berna. Nous sommes très impliqués et avons fait des propositions très concrètes.

Au sujet du CIR, par exemple, nous proposons de mettre en place un CIR participatif, c’est-à-dire d’assujettir une part de l’assiette des grands groupes à une collaboration avec des PME. Cela pose naturellement des questions autour de la propriété intellectuelle. Il faut donc qu’en amont les équipes de R & D des grands groupes s’associent aux PME innovantes. Il faut avoir à l’esprit que, dans certains cas, sur le même territoire, des initiatives de recherche identiques sont menées par deux entreprises et sont donc financées par deux CIR différents !

Nous souhaitons également que soit mis en place le rescrit bienveillant, ou évolutif, pour sécuriser le financement des programmes de recherche des PME sur un CIR qui serait évalué par des experts au démarrage. Cela aurait pour conséquence d’éviter à l’entreprise une remise en cause de son attribution chaque année. Car si le CIR est mis en danger, les investisseurs refusent d’accompagner l’entreprise.

Nous souhaitons dans le même temps que, de notre côté, les dossiers de CIR soient mieux préparés et argumentés par ceux qui le demandent. Cela concerne les PME mais aussi les grands groupes. On pourrait imaginer qu’à partir d’un certain seuil, 100 000 euros par exemple, on s’oblige à expliquer son programme de R & D pas seulement sur l’année mais sur la durée du programme.

Les pôles de compétitivité n’interviennent pas assez en amont dans le processus collaboratif que nous souhaitons voir développé.

Nous avons évoqué ce sujet avec le Président de la République et la ministre déléguée chargée des PME et de l’innovation, Mme Fleur Pellerin. Nous avons beaucoup travaillé dans le cadre des assises de l’entrepreneuriat sur un certain nombre de mesures qui couvrent tout le cycle de vie de l’innovation et de la croissance. Il serait intéressant qu’une partie de ces mesures s’applique aux industries de défense.

Concernant les embauches, nous faisons face à deux problèmes : le coût du travail et le code du travail. Beaucoup de salariés ne démissionnent plus mais vont systématiquement au conflit prud'homal. Or les PME ne sont pas organisées pour à assumer ces procédures, contrairement aux grands groupes ! Cela a un impact sur le coût du travail.

Les PME n’entrent pas dans les seuils d’éligibilité du CICE pour la partie R & D. Ce n’est donc pas la mesure la plus significative pour nous.

M. Thierry Gaiffe. Je souscris tout à fait à l’idée que la commission de la Défense participe au travail d’évaluation de la mise en œuvre du pacte PME-Défense.

Mme la présidente Patricia Adam. C’est une proposition retenue.

M. Thierry Gaiffe. Nous avons travaillé, sous l’égide de la DGA, à l’élaboration d’un outil statistique qui nous permet de connaître l’opinion des 4 000 PME et ETI de la BITD.

Concernant les labels et normes, on sort du seul secteur de la défense. Les exigences normatives se durcissent dans tous les secteurs. Ces normes ne sont plus seulement françaises mais européennes et mondiales. Pour répondre à un récent appel d’offres d’Alsthom, j’ai dû m’engager pour que notre entreprise devienne écoresponsable. Le coût pour une PME devient totalement prohibitif ! Sur une PME de 120 personnes, j’ai une équipe de sept personnes dédiées à la qualité. Il y a là un vrai problème d’équité vis-à-vis des grands groupes et qui contribue à écarter de nombreuses PME des appels d’offres.

Quant aux propositions claires aux pouvoirs publics, nous les avons faites. Nous avons écrit dès décembre, puis à nouveau en février, au Gouvernement. Nous avons interrogé nos adhérents sur les 40 mesures et avons retenu les dix qui nous semblent les plus importantes. Sur ces dix mesures, nous avons proposé des indicateurs et des plans d’action très concrets. Nous sommes prêts à vous les communiquer comme nous sommes à votre disposition si vous souhaitez mettre en place un comité de suivi.

M. Jean-Jacques Candelier. Ma question porte sur la coopération avec la recherche civile. Celle-ci sera poursuivie grâce au pacte Défense-PME. Selon vous, des améliorations peuvent lui être apportées. Quelles sont vos propositions en ce sens ? Par ailleurs, êtes-vous satisfait du passage de 40 à 50 millions d’euros en trois ans du montant des crédits soutenant la recherche duale dans les PME ? Les crédits budgétaires pour les études d’amont se voient maintenus à 746 millions d’euros pendant trois ans : cela vous donne-t-il satisfaction ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Vos entreprises adhérentes ont-elles beaucoup utilisé ce dispositif pour l’innovation duale ? Quelle évaluation en faites-vous ?

M. Philippe Folliot. Je vous remercie pour la franchise et le caractère direct de vos propos. Je souhaiterais vous poser deux questions. Premièrement, vous n’avez pas abordé le sujet de l’allotissement. Je prends l’exemple d’une PME de ma circonscription qui opère dans le secteur du textile : quand le ministère de la Défense propose un marché public de 50 000 pull-overs, aucune entreprise en France n’est capable de fournir ce volume. En revanche, cinq marchés de 10 000 unités peuvent susciter des offres de la part de PME françaises.

De manière plus globale, quels types de liens et de relations entretenez-vous avec le médiateur des marchés publics, Monsieur Jean-Lou Blachier ? Une action spécifique pour le secteur de la défense a-t-elle été entreprise avec lui ? Il est regrettable qu’il n’y ait pas plus de mobilisation en faveur d’un secteur aussi compétitif et qui affiche une balance commerciale positive.

M. Thierry Gaiffe. Concernant la recherche duale, il a été effectivement stipulé dans le pacte Défense-PME que le budget du programme RAPID passerait de 40 à 50 millions d’euros. Ce budget avait déjà été augmenté de 30 à 40 millions d’euros. Nous pensons que la décision de l’État d’augmenter le budget du programme RAPID est une preuve de son bon fonctionnement – telle est du moins l’interprétation qu’en font nos adhérents. En effet, du point de vue des PME, ce programme fonctionne très bien. En voici quelques raisons : premièrement, l’engagement initial des quatre mois de réactivité pour passer le marché est respecté. Deuxièmement, ce système est très fonctionnel : nous apprécions de dialoguer avec le personnel de la DGA qui dispose d’une excellente connaissance de nos métiers. Cela nous permet d’avancer rapidement. En conséquence, nous avons proposé l’année dernière au ministre de la Défense et au délégué général pour l’armement, Monsieur Laurent Collet-Billon, de former un « club » de PME autour du programme RAPID. Ce « club » regrouperait toutes les PME ayant obtenu un financement RAPID, et permettrait, par phénomène d’accrétion, d’inciter et d’aider les autres PME à bénéficier de ce dispositif. La DGA nous a entendus et est favorable à ce projet, aussi nous pousse-t-elle à avancer en ce sens, et nous espérons qu’il se mettra rapidement en place.

Permettez-moi, dans un premier temps, de lier la question du maintien sur trois ans des plans d’études d’amont (PEA) à 746 millions d’euros et celle de l’allotissement. À ma connaissance, en dehors des financements RAPID, seuls six millions d’euros sur les 746 bénéficieront aux PME. Cela est dû à la taille des PEA demandés par la DGA. C’est pourquoi l’une des 40 mesures du pacte Défense-PME prévoit qu’il y ait au minimum 30 marchés à moins de deux millions d’euros. C’est louable, mais cela sera-t-il possible ? Le service des achats du ministère de la Défense nous indique qu’un marché à un million d’euros représente un temps de travail équivalent à celui d’un marché à 100 millions d’euros. Quoi qu’il en soit, Monsieur le député Folliot, je suis en phase avec votre propos : la stratégie de massification des marchés publics qui est conduite par la DGA depuis une quinzaine d’années, pour des raisons louables d’efficacité et à cause de contraintes très fortes sur ses effectifs, nous amène à une situation où les PME représentent aujourd’hui moins de 2 % des marchés publics du ministère de la Défense.

M. Yves Fromion. La massification des marchés publics tient également au code des marchés publics ! Celui-ci interdit au maître d’ouvrage de « saucissonner » sa demande pour éviter toutes les dérives que l’on peut imaginer.

M. Philippe Berna. Je souhaite apporter un complément de réponse sur le programme RAPID. Il serait en effet intéressant de lister systématiquement tous les récipiendaires d’un financement RAPID pour les achats préférentiels des grands groupes de défense. Dès lors que l’argent public a financé un programme d’innovation, cela implique certainement qu’il concerne l’écosystème au sens large. Et à mon sens, les grands groupes devraient s’obliger non seulement à référencer les bénéficiaires du programme RAPID, mais également les rencontrer. Des « journées de l’innovation » pourraient créer cette rencontre entre les innovateurs repérés par l’État et les grands industriels de la défense qui auraient un potentiel besoin de leurs produits.

Schématiquement, la médiation nationale est composée de la médiation inter-entreprises avec Pierre Pelouzet et de la médiation des marchés publics avec Jean-Lou Blachier. Ces deux entités opèrent en parallèle. Cependant, le sujet n’est pas clair aujourd’hui en ce qui concerne le secteur de la défense. Doit-on saisir la médiation de l’innovation, si elle existe, lors d’un problème d’accès à un marché de R&D, ou bien la médiation des marchés publics ? Cela repose essentiellement sur la compétence des uns et des autres à apprécier les sujets. Il nous semble qu’il manque un élément de convergence sur la médiation concernant la défense. Aussi, une entité spécifique, pour l’instant inexistante mais qui aurait toute sa place aux côtés de la médiation inter-entreprises, pourrait être saisie des problématiques relatives à la BITD.

Mme Sylvie Pichot. Je vous remercie pour la qualité de vos exposés et la précision de vos questionnements. Vos relations avec la DGA sont-elles bonnes ?

M. Jacques Lamblin. La gestion du temps n’est pas la même dans l’administration et dans les PME : c’est une difficulté que la création de comités de coordination ne suffit pas à résoudre complètement. Pour pallier les problèmes qui peuvent en résulter, il me semble que vous gagneriez à agir comme une sorte de syndicat, mobilisé pour la défense collective des cas individuels litigieux. S’agissant des relations entre les maîtres d’œuvre de premier rang et les PME sous-traitantes, qui sont par nature dans une position inégale, comment évoluent leurs rapports dans un contexte marqué par le durcissement des conditions d’achat négociées par l’État ? N’y a-t-il pas un risque que les grandes entreprises ne fassent peser l’effort sur les PME ?

M. Christophe Guilloteau. Dans l’ensemble, quelle appréciation portez-vous sur le projet de loi de programmation militaire ? Par ailleurs, quelles relations entretenez-vous avec le GIFAS, le GICAN et le GICAT ? Enfin, quelle appréciation portez-vous sur le cluster EDEN, qui me semble peu présent dans les travaux parlementaires ?

M. Thierry Gaiffe. Nos relations avec la DGA sont, depuis toujours, excellentes : c’est la DGA qui a suscité la création du Comité Richelieu, et celui-ci s’efforce de conduire avec les pouvoirs publics un dialogue toujours constructif. Il en va de même du « club RAPID » : c’est de concert avec la DGA que nous projetons de le mettre en place. La DGA possède d’ailleurs une sous-direction des PME, placée au sein de sa direction de la stratégie.

S’agissant en revanche des maîtres d’œuvre de premier rang, les grands groupes, nos relations ne s’améliorent pas, même depuis la signature par six d’entre eux – sous les auspices de l’État – du pacte Défense-PME. En cas d’abus de position dominante, le Comité Richelieu joue le rôle d’un syndicat. Vis-à-vis des grands groupes, nos PME restent dans une position du faible au fort. C’est particulièrement le cas lorsqu’il s’agit de nos droits de propriété intellectuelle : les grands groupes exigent le transfert des droits qu’ont acquis les PME à l’issue de recherches menées sur leurs fonds propres ou sur fonds publics, afin de pouvoir les transférer à des PME étrangères créées de toutes pièces dans les pays où leurs contrats d’exportation prévoient des clauses d’offset.

Concernant la loi de programmation militaire (LPM), il nous est difficile de porter sur le projet de loi un jugement d’ensemble. Certains grands groupes ont pu se dire déçus qu’à la différence de la précédente LPM, ce projet ne mette pas en avant de grande priorité industrielle. La réduction des commandes publiques aura pour conséquence une contrainte financière accrue sur l’ensemble des industriels, mais particulièrement sur les PME. En effet, les grands groupes étant chacun en situation de quasi-monopole dans son secteur d’activité, l’État continuera à faire appel à eux, et le risque est important qu’ils cherchent à préserver leurs marges en répercutant la contrainte financière sur leurs sous-traitants.

Pour ce qui est des groupements industriels – GIFAS, GICAT, GICAN –, chacun possède en son sein un comité dédié aux PME, avec lequel le Comité Richelieu coopère d’autant plus efficacement que nos entreprises sont elles-mêmes adhérentes de ces groupements. Quant à l’action d’EDEN, elle est pragmatique, et se traduit par des actions concrètes.

M. Philippe Berna. Comme il n’est composé que de PME, le Comité Richelieu a une liberté de parole parfois plus grande que celle des comités compétents pour les affaires concernant les PME au sein des grands groupements industriels.

Il faut aussi mentionner l’initiative prise par l’entreprise Eurocopter, qui s’attache à mettre en relation directe ses clients et les PME qui travaillent avec elle. Cette démarche a le double avantage de permettre aux PME de remporter des contrats supplémentaires, et de mettre en avant l’excellence française. Eurocopter suit en cela les méthodes de nos voisins allemands, qui ont prouvé leur efficacité.

M. Yves Fromion. Les initiatives prises par le cluster EDEN méritent d’être soutenues. Leur réseau, initialement centré en région Rhône-Alpes, s’est développé récemment en Bretagne ainsi que dans la région Centre. EDEN contribue à donner une image très positive de la profession de patron de PME.

Mme la présidente. Notre commission ne manquera pas de relayer vos demandes en matière de back-to-back.

La séance est levée à douze heures.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, Mme Sylvie Andrieux, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Chambefort, M. Nicolas Dhuicq, Mme Marianne Dubois, M. Philippe Folliot, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, Mme Edith Gueugneau, M. Christophe Guilloteau, M. Laurent Kalinowski, M. Jacques Lamblin, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Philippe Meunier, Mme Sylvie Pichot, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Gwendal Rouillard, M. François de Rugy, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. François André, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Bridey, M. Francis Hillmeyer, M. Éric Jalton, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Jean-Pierre Maggi, M. Jacques Moignard, M. Eduardo Rihan Cypel