Accueil > Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social

JEUDI 23 OCTOBRE 2014

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 28

Présidence de
M. Alain BOCQUET, Président

Audition sectorielle « Tourisme » : Mme Michelle Demessine, présidente de l’Union nationale des associations de tourisme (UNAT), et M. Sylvain Crapez, délégué général.

    L’audition débute à onze heures trente.

    M. le président Alain Bocquet. Nous achevons aujourd’hui nos auditions dites « sectorielles ». Merci, madame, monsieur, d’avoir accepté notre invitation.

    Le tourisme social et associatif est né de la volonté de promouvoir un tourisme de qualité pour tous, notamment pour les jeunes, les ménages les plus modestes et les personnes souffrant d’un handicap. Il vise à rendre effectif le droit aux vacances. Le tourisme social aujourd’hui, c’est plus de 3 millions de personnes accueillies, plus de 20 millions de journées de vacances offertes chaque année, et environ 20 000 emplois. Peut-être jugerez-vous nécessaire d’ajuster ces chiffres.

    Comment la crise de ces dernières années affecte-t-elle le tourisme social ? Quelles difficultés a-t-elle créées, révélées ou accentuées ? Vos relations avec la puissance publique ont-elles été modifiées ou devraient-elles l’être ? La concurrence du secteur lucratif s’est-elle faite plus forte, devient-elle menaçante ? Le secteur du tourisme social doit-il se réformer de l’intérieur ?

    Mais, au préalable, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je dois vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

    (Mme Michelle Demessine et M. Sylvain Crapez prêtent serment)

    Mme Michelle Demessine, présidente de l’Union nationale des associations de tourisme (UNAT). Merci de nous accueillir ; je ne doute pas que les conclusions de votre commission d’enquête constitueront une aide précieuse pour le secteur associatif.

    Présidente de l’UNAT depuis quatre mois, je connais parfaitement le secteur du tourisme pour y avoir consacré beaucoup d’énergie en tant que secrétaire d’État au tourisme de 1997 à 2001.

    L’émergence du tourisme social s’inscrit dans le mouvement des grandes conquêtes sociales de notre pays : la création des congés payés en 1936, d’une part, et la création des grands mouvements d’éducation populaire et des comités d’entreprise en 1945, d’autre part. Ces deux avancées majeures ont favorisé la massification du tourisme, auparavant réservé aux classes privilégiées. Ainsi est né un vaste réseau d’accueil sur l’ensemble du territoire, caractérisé par un fort contenu éducatif et culturel, avec les plus belles destinations de la première destination touristique mondiale, ce qui en fait un modèle dans le monde.

    La richesse du tourisme social, c’est son patrimoine, acquis par ceux qui l’ont créé grâce à des actions de solidarité, mais aussi à une intervention publique forte au début de son existence. Ce patrimoine est en danger, nous y reviendrons. La richesse du tourisme associatif, ce sont aussi les hommes et les femmes qui le font vivre : des professionnels de qualité, bénéficiaires d’une convention collective nettement plus favorable que celle du secteur privé, mais aussi des bénévoles.

    L’UNAT fédère 56 grandes organisations nationales et 524 membres régionaux réunis au sein de 20 unions régionales des associations de tourisme. Elle couvre un secteur économique très divers : villages de vacances, centres de vacances pour enfants et adolescents, centres sportifs, auberges de jeunesse, voyagistes, organisateurs de séjours, refuges, gîtes, centres internationaux de séjour, campings. Cet ensemble représente 1 600 établissements, 230 000 lits, 5 millions de vacanciers chaque année, et un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 2 milliards d’euros.

    S’agissant des vacances familiales, l’UNAT s’investit dans plus de 500 sites, ce qui représente 140 000 lits, 2 millions de vacanciers, 8 000 emplois et 90 millions d’euros de retombées économiques, avec notamment VVF Villages et Cap France comme membres partenaires. Pour le tourisme des jeunes, avec en particulier l’Union nationale des centres sportifs de plein air (UCPA) et la Fédération unie des auberges de jeunesse (FUAJ) comme membres partenaires, elle gère plus de 190 sites, ce qui équivaut à 20 000 lits, 1 million de personnes accueillies, 1 500 emplois et 11 millions d’euros de retombées économiques. Le secteur enfants et adolescents nous amène à intervenir sur 400 sites, soit 43 000 lits, 1 million de jeunes accueillis, 7 500 emplois et 50 millions d’euros de retombées économiques. Notre secteur voyage accueille 40 000 vacanciers pour 1,5 million d’euros de retombées économiques, mais avec moins d’emplois puisque nous travaillons avec les agences de voyage. Enfin, notre réseau offre des gîtes, des refuges, des campings sur 220 sites pour 16 000 lits, soit 450 000 personnes accueillies, 1 800 emplois et plus de 23 millions d’euros de retombées économiques.

    Le tourisme social et associatif présente de nombreux atouts.

    D’abord, notre patrimoine est réparti sur l’ensemble du territoire, y compris la Côte d’Azur – le château d’Agecroft à La Napoule, par exemple, a été sauvé grâce au tourisme social et reçoit encore chaque année des personnes de condition modeste. Un tiers de ce patrimoine appartient en propre à nos organisations, la moitié aux collectivités territoriales, et le reste aux comités d’entreprise.

    Grâce à ce patrimoine, le tourisme social est un véritable aménageur du territoire. Nous sommes présents dans 1 600 communes, dont plus de 60 % comptent moins de 3 000 habitants, essentiellement situées en zone rurale. Notre activité est essentielle à la vie des territoires car les petites communes campagnardes n’intéressent pas les grands groupes du tourisme privé. L’ensemble de nos équipements génère 175 millions d’euros de retombées fiscales et sociales, et nos seuls villages de vacances permettent d’injecter plus de 300 millions d’euros dans l’économie locale.

    Ensuite, notre secteur porte des valeurs. En effet, les grandes organisations rassemblées au sein de l’UNAT s’engagent en faveur d’un tourisme de qualité, ouvert à tous, vecteur de cohésion et de progrès social au service d’une société plus solidaire et durable. Notre mission historique trouve à cet égard toute sa justification puisque notre pays compte encore un nombre important de personnes qui ne partent jamais en vacances, en particulier aujourd’hui les jeunes couples avec enfants, faute de revenus suffisants. Il s’agit là d’un recul social important, sachant que nos générations ont accédé très rapidement au droit aux vacances.

    Cette audition est d’autant plus importante pour nous que l’un des rôles de l’UNAT est également de faire reconnaître l’importance économique de notre secteur qui génère 19 000 emplois et 205 millions d’euros d’impôts et taxes grâce aux 5 millions de personnes accueillies pour 27 millions de journées de vacances offertes.

    En plus d’être un aménageur du territoire, le tourisme social est porteur d’innovations. En effet, les organismes du tourisme social et de plein air furent les premiers à proposer des aménagements, tels les sentiers de randonnées pédestres, les pistes de ski de fond, les pistes cyclables, l’aménagement des rives, etc., permettant de démocratiser la pratique d’activités. Le Club Méditerranée, un des fleurons du tourisme français, s’est développé sur le modèle des grands villages du tourisme social des années soixante. Aujourd’hui, le tourisme social est encore capable d’innovations, pour peu que des remèdes soient apportés aux difficultés auxquelles il est confronté.

    Depuis quelques années, le tourisme social participe au développement d’initiatives que je trouve très importantes. Je pense en particulier aux conventions qu’il passe avec des communes rurales ne disposant pas d’équipements sportifs et de loisirs, afin de mettre ses propres équipements à la disposition des populations locales, comme les piscines, ce qui lui permet de contribuer à l’apprentissage obligatoire de la natation chez les jeunes.

    Pour finir, je dirai que la réforme territoriale est pour nous un motif d’inquiétudes, comme pour un grand nombre d’associations, notamment au regard de nos financements. En outre, le poids des normes et des règlements est un réel problème pour notre association d’utilité publique qui regroupe des organismes à but non lucratif.

    M. Sylvain Crapez, délégué général. L’Union nationale des associations de tourisme et ses membres sont très attachés à la défense du fait associatif. L’UNAT se revendique comme le réseau du tourisme social et solidaire, c’est-à-dire des acteurs professionnels du tourisme qui défendent au quotidien les valeurs de l’économie sociale et solidaire.

    Nous avons rédigé neuf propositions. Nous vous remettrons des documents en ce sens, basés sur des études de l’UNAT, dont l’une réalisée en 2013 sur 1 000 établissements du tourisme social et solidaire montre que seulement 15 % des 130 millions d’euros investis par les acteurs de cette économie proviennent de fonds publics – des régions principalement, de l’Agence nationale pour les chèques vacances (ANCV) et des fonds européens.

    Notre première proposition est de faire comprendre ce qu’est le monde associatif. En effet, nous constatons parfois une méconnaissance du fait associatif de la part de la sphère publique. Il nous semble donc intéressant que les parcours des fonctionnaires incluent une immersion dans les structures associatives, afin d’améliorer la connaissance de nos modes de fonctionnement. Avant mes fonctions à l’UNAT, dans le cadre de mon travail comme délégué général d’un réseau d’entreprise d’insertion, j’ai accompagné pendant une semaine sur les structures des contrôleurs du travail, ce qui a permis notamment de leur montrer que le temps des institutions n’est pas celui des associations, qui sont de véritables entreprises avec de vrais besoins.

    Nous proposons ensuite de rompre avec l’insécurité financière des associations. Nous notons des avancées, en particulier les conventions triennales définissant les engagements réciproques, lesquelles nous apportent une meilleure visibilité en matière de subventions. Les financements européens sont un sujet d’inquiétude, mais c’est surtout la règle de minimis qui impacte notre secteur, en fixant à 200 000 euros sur une période de trois ans le montant maximal des subventions ne relevant pas du contrôle des aides d’État par l’UE. Cette règle constitue un frein à la rénovation du patrimoine du tourisme social, qui doit mener des chantiers d’adaptation et de mises aux normes particulièrement coûteux. J’observe d’ailleurs que les réglementations européennes sont appliquées avec zèle dans notre pays, alors que d’autres pays, comme la Belgique ou l’Italie, n’ont jamais entendu parler de la règle de minimis ! En Flandre, par exemple, un seuil maximal de subvention est fixé à 50 %.

    Notre troisième proposition est le rétablissement des subventions d’investissement. En la matière, je pense que la dépense publique pourrait être fléchée. VVF Villages vient de rénover le très beau site de Lège-Cap-Ferret, pour 14 millions d’euros en faisant travailler un architecte bordelais et des artisans locaux. Les associations du tourisme social sont des acteurs du développement sur les territoires car, en injectant de l’argent dans l’économie locale, en faisant appel parfois à de grands groupes de travaux publics français, notre secteur participe au patriotisme économique.

    Quatrièmement, nous proposons de remédier à la multiplication des agréments. Actuellement, il nous faut un agrément Éducation nationale pour l’accueil des classes, un agrément Jeunesse et sports pour l’organisation des séjours des jeunes, etc. Nous attendons une simplification de notre mode de fonctionnement, car répondre à une multiplicité d’interlocuteurs administratifs nous éloigne de notre mission première.

    Notre cinquième proposition est de rompre avec l’insécurité juridique, notamment en matière de marchés publics. Certains de nos villages vacances ouvrent leur piscine au grand public, d’autres proposent un service public minimum sur les territoires en lien avec La Poste. En Bretagne, un membre a fait rénover sa salle de musculation et propose de l’ouvrir hors saison aux adolescents du secteur, mais cela sera malheureusement impossible car il devrait pour cela embaucher un moniteur diplômé à temps complet. On le voit : la question du vivre ensemble et la proposition de services se heurtent à la lourdeur des normes et règlements.

    La sixième proposition est de mettre fin au traitement inégalitaire sur les territoires en matière de normes et règlements, d’inspections de sécurité, etc. En effet, d’un département à l’autre, la vision est soit laxiste, soit ultra-réglementée. Nous aimerions qu’un interlocuteur unique s’assure d’un traitement équitable des situations.

    Septièmement, nous proposons que la puissance publique recoure davantage à l’expertise des associations, plutôt qu’à celle de consultants ou de grands cabinets de consulting, parfois très onéreuse. Nous sommes en particulier très favorables aux dispositifs locaux d’accompagnement (DLA).

    Notre huitième proposition est la publication rapide des décrets d’application relatifs à la loi Hamon sur l’économie sociale et solidaire, texte qui constitue une réelle avancée, en particulier sur la définition de la subvention, mais aussi sur l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS). Cela permettra à nos entreprises travaillant dans « le tourisme au service des hommes et des territoires » d’avoir une vraie ligne de travail.

    L’harmonisation des textes fiscaux constitue notre dernière et neuvième proposition. Beaucoup de nos membres étant soumis à des contrôles fiscaux inégalitaires d’un département à l’autre, nous sommes favorables à la suppression du critère de publicité dans les quatre « P » de la doctrine fiscale, comme le propose le rapport sur la fiscalité du secteur privé non lucratif, rédigé en 2013 par MM. Blein, Grandguillaume, Guedj et Juanico. Ne pas reconnaître la nécessité d’une communication pour faire connaître une micro-activité économique est en effet une forme d’hypocrisie, sans compter que cette mesure ne coûterait rien à l’État.

    Mme Françoise Dumas, rapporteure. Merci pour la qualité de vos interventions. Élue du Languedoc-Roussillon, je mesure l’importance de l’enjeu touristique. Vous êtes porteurs d’innovations. La réforme territoriale est-elle un motif d’inquiétude pour vos associations ou la considérez-vous comme une chance ?

    Les besoins des populations évoluent : les gens partent plus souvent et moins longtemps en vacances et aspirent à d’autres formes de tourisme – en particulier rural, autour de certaines activités, résidentiel, ou encore adapté au handicap. Cette valorisation, à laquelle je crois beaucoup, impliquera certainement une réflexion sur la mutualisation et l’élaboration de projets sur les territoires à partir des besoins des populations. Comment pouvez-vous être force de propositions pour développer ces nouvelles formes de tourisme à partir de l’économie sociale et solidaire, dans un contexte de contraintes sociales fortes ?

    M. Jean-Louis Bricout. Merci pour vos interventions. Nous mesurons l’importance de votre rôle éducatif auprès de notre jeunesse et, plus généralement, de votre rôle social sur les territoires avec la mise à disposition d’équipements.

    Lors des auditions précédentes, la sécurisation des financements, la multiplication des labels et la complexité administrative ont été abordés. Je ne doute pas que notre rapport formulera des propositions en la matière.

    Des associations caritatives organisent des séjours pour faire découvrir la mer à des enfants qui n’ont pas la chance de partir en vacances. Avez-vous des retours sur leurs relations avec les collectivités dans le montage des projets ? Et pensez-vous que la réforme territoriale aura un impact sur ces projets ?

    Vous avez évoqué la méconnaissance du fait associatif. Que proposez-vous pour y remédier ?

    En raison de la crise économique, les jeunes couples ont de plus en plus de difficultés à partir en vacances. Comment adaptez-vous vos politiques à cette nouvelle problématique et quelles sont vos propositions ?

    L’association Tourisme et handicaps fait partie de votre réseau et délivre le label « tourisme et handicap ». Créée en 2001, la marque « tourisme handicap », plus communément dénommée label, a pour objectif d’apporter une information objective et homogène sur l’accessibilité des sites et les équipements touristiques. Son développement et l’accroissement de sa visibilité constituent un véritable enjeu afin de favoriser et de valoriser une véritable politique touristique inclusive pour tous les types de handicap. Quel bilan tirez-vous de ce dispositif ? Plus généralement, comment les associations traitent-elles cette problématique essentielle pour l’inclusion universelle ? On parle beaucoup de handicap, mais les problématiques d’accessibilité concernent aussi les mamans avec des poussettes, par exemple.

    Enfin, quel est l’impact des comités d’entreprise sur le tourisme au regard des offres qu’ils peuvent proposer ? Ces offres sont-elles toujours attractives et comment se nouent les partenariats entre associations du secteur touristique et entreprises ?

    M. le président Alain Bocquet. L’UNAT est-elle suffisamment armée pour apporter une réponse stratégique aux problèmes actuels ? Comment peut-elle aider les associations et organismes qu’elle regroupe à s’adapter aux évolutions qui s’imposent ?

    Mme Michelle Demessine. La réforme territoriale inquiète tout le monde, car qui sait dans quelle situation se retrouveront les collectivités ? Nous craignons que l’existence de collectivités massives renforce la conception technocratique des choses. Sans compter que nos unions régionales devront s’adapter, bouleversement dont nous espérons sortir par le haut.

    Le tourisme social souffre d’un problème d’image très important : bon nombre de nos concitoyens y voient un tourisme au rabais – certains ignorent même que les villages VVF en font partie. Certes, quelques villages ont besoin d’être rénovés, mais l’offre est généralement acceptable par rapport aux prix demandés. Lorsque j’étais secrétaire d’État au tourisme, une grande campagne de communication avait été mise en place pour améliorer l’image de ce secteur. Il faut relancer cette communication, par exemple à l’occasion des grands reportages télévisés au moment des vacances, qui malheureusement ne sont jamais réalisés sur les lieux de nos structures, alors que nous faisons partir 5 millions de personnes.

    Pour casser cette image d’un tourisme social au rabais, nous avons besoin d’être soutenus financièrement. Lors de la création de ce secteur, le soutien financier public était important, avec un plan patrimoine, l’intervention des caisses d’allocations familiales, etc. Aujourd’hui, pratiquement plus personne ne nous soutient : le budget de l’État ne prévoit plus aucun plan patrimoine – le dernier date de la période où j’étais secrétaire d’État au tourisme. Au demeurant, il n’existe pas de ministère du tourisme – tout est regroupé dans des agences – et le seul dispositif existant, celui de la Caisse des dépôts, se met difficilement en place : la Caisse a mis très longtemps à accepter l’ouverture d’une ligne pour le tourisme social, laquelle n’est d’ailleurs pas entièrement consommée.

    L’économie touristique, qu’elle soit sociale ou privée, doit faire face à des investissements très importants : nos structures ont besoin d’être rénovées, comme les hôtels. Elles tentent de survivre, de boucler leurs budgets, pour continuer d’offrir un accueil de qualité. Mais il est très difficile de sauvegarder sa vocation sociale quand on doit lutter pour sa survie économique. D’où l’importance d’un soutien financier par les pouvoirs publics.

    Le label « tourisme et handicap » est une fierté personnelle car c’est moi qui l’ai créé lorsque j’étais secrétaire d’État au tourisme. Depuis 2001, il a été pris en main par toutes les structures, comme par les régions et les départements. La mise aux normes des équipements ne suffit pas, il faut aussi réfléchir à des parcours touristiques adaptés, travail très important auquel se sont attelées nos structures.

    La modernisation technique elle-même renvoie au problème financier. Comme les collectivités, nous faisons installer des ascenseurs, par exemple, à l’occasion d’une rénovation.

    Vous avez raison de m’interpeller sur les comités d’entreprise, car notre secteur se portera bien si ce partenaire essentiel est au rendez-vous. Or aujourd’hui, on ne peut pas dire que le concept de droit aux vacances pour tous est au cœur des politiques des CE. Certains, et nous le déplorons, ne font plus la différence entre tourisme privé et tourisme social, alors que ce dernier présente un intérêt éducatif et culturel avec comme objectif premier de permettre au plus grand nombre de partir en vacances.

    Quant au mouvement syndical, il devrait reprendre son bâton de pèlerin pour reposer la question des non-départs. Nos structures pourraient accueillir beaucoup plus de monde, mais les gens ne sont plus aidés financièrement comme autrefois. Il est terrible pour nos générations de constater que nos petits-enfants n’imaginent pas pouvoir partir en vacances. C’est un problème politique qui nous est posé à tous !

    L’UNAT est d’autant plus capable de répondre aux enjeux actuels qu’elle est l’émanation des grands réseaux. Ces grands réseaux sont des entreprises animées par des professionnels de qualité, qui ont une vraie expérience, des savoir-faire, et dont la force est d’avoir conservé des valeurs. Alors que l’esprit militant s’est effiloché au fil du temps dans bon nombre de domaines, notre réseau réunis encore des gens de très bon niveau et qui se battent pour maintenir une offre de qualité – même s’ils sont très occupés par la survie de leur structure. Nous sommes donc capables de faire face à tous ces défis, pour peu que nous soyons aidés.

    Je pense que nous sommes au rendez-vous de l’évolution des besoins, car nous nous montrons depuis toujours très soucieux de l’accueil de nos bénéficiaires en termes de bien-être, de découverte du territoire, de participation aux activités. Nos réseaux commencent à s’adapter pour proposer des séjours plus courts et pourraient aller plus vite dans l’adaptation des besoins s’ils disposaient de moyens supplémentaires leur permettant de rénover leur patrimoine. Beaucoup y sont prêts, mais ne trouvent pas les soutiens financiers nécessaires, si bien que certains baissent les bras. Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation très critique : des réseaux vont fermer des villages ou sont obligés de les vendre au secteur privé. Malheureusement, les villages vendus sont d’abord ceux situés dans les plus beaux lieux, car ils attirent beaucoup d’acheteurs. Cela nous privera d’une offre sur l’ensemble du territoire, alors que notre mot d’ordre est que les gens de conditions modestes ont aussi le droit d’aller sur les plus beaux sites.

    Faute de ministère du tourisme, la promotion du tourisme relève du ministère des affaires étrangères, mais l’aspect territorial revient au secrétariat d’État de Carole Delga en charge du commerce et de l’économie sociale et solidaire. Notre faiblesse réside dans cette absence d’interlocuteur – nous manquons d’un « lobbying politique ». J’ai donc pris l’initiative de créer un club de parlementaires de défense et de promotion du tourisme social et associatif – je sais que les élus défendent bec et ongles les équipements présents sur leurs territoires. Nous avons besoin d’une voix plus forte pour être entendus et défendre notre patrimoine qui nous a été légué par nos prédécesseurs : les bâtiments des villages AEC, par exemple, ont été payés à l’origine par des souscriptions citoyennes. Il est important de défendre ce patrimoine, afin qu’il ne disparaisse pas, et nous comptons sur votre aide pour y parvenir.

    M. Sylvain Crapez. Le tourisme social et associatif tire ses revenus des prestations qu’il réalise pour les vacances de tous, et non d’un modèle immobilier. En l’absence de politique patrimoniale de l’État, nous nous tournons souvent vers les régions. Or si certaines sont très impliquées, d’autres le sont beaucoup moins, d’où nos inquiétudes quant à la réforme territoriale.

    Nous avons de beaux projets sur la Côte d’Azur avec l’UCPA, mais aussi un projet en Lozère. Notre vocation est d’être présents dans tous les départements, pour défendre la ruralité, le service public. Quand nous demandons un euro, nous voulons que cet euro soit intelligent, ciblé, qu’il génère de l’emploi local durable. Le fonds Tourisme social Investissement (TSI), produit de la Caisse des dépôts, correspond aux attentes de certains de nos membres, notamment les plus gros, mais il reste un modèle d’investisseur, en dissociant propriété SCI et gestion. Le réseau AEC a initié la finance participative. Aujourd’hui, nous avons de vraies inquiétudes au regard des changements qui vont intervenir.

    Par contre, nous travaillons à l’adaptation du public : VVF Villages, par exemple, a mis en place des « bulles » pour les adolescents, qui sont des espaces dédiés. Nous nous sommes toujours inscrits dans l’innovation ; nous voulons maintenant faire valoir ces innovations, ce que nous n’avons pas été capables de faire jusqu’à présent. J’ai visité cet été le village des Quatre Vents sur l’île de Noirmoutier : avec 200 lits, 120 emplois, ce centre remarquable sous la forme d’un établissement et service d’aide par le travail (ESAT) – assurant la blanchisserie, la restauration, l’entretien des espaces verts, l’accompagnement et le cœur de métier, les vacances –, est très apprécié des vacanciers et réalise des excédents chaque année. L’auberge de jeunesse de La Rochelle fait de l’insertion par l’activité économique. L’intérêt de l’économie sociale et solidaire est ainsi d’apporter des réponses nouvelles. Nos membres eux-mêmes sont prêts à apporter de nouvelles réponses, par exemple en travaillant sur des projets d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et de crèches, qui pourraient être installés à proximité des villages vacances. C’est aussi dans ces domaines que nous voudrions inscrire le développement du tourisme social et solidaire de demain.

    M. le président Alain Bocquet. Merci beaucoup de votre contribution.

    L’audition s’achève à douze heures trente.

Membres présents ou excusés

    Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social.

    Réunion du 23 octobre 2014 à 11 h 30

    Présents. – M. Alain Bocquet, M. Jean-Louis Bricout, Mme Françoise Dumas.

    Excusés. – M. Martial Saddier