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Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social

MARDI 13 NOVEMBRE 2014

Séance de 9 heures 

Compte rendu n° 29

Présidence de
M. Alain BOCQUET, Président

Audition de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

    L’audition débute à dix heures.

    M. le président Alain Bocquet. Mes chers collègues, je suis heureux d’accueillir aujourd’hui, pour la dernière audition organisée par notre commission d’enquête, M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

    Monsieur le ministre, l’actualité de la vie associative est riche. Les actions globales de communication liées à l’engagement, grande cause nationale 2014, ont débuté il y a quelques semaines. La neuvième édition du Forum national des associations et fondations s’est déroulée à la fin du mois d’octobre, et vous y avez participé. Le travail d’élaboration des décrets d’application de la loi « économie sociale et solidaire » (ESS) bat son plein – du moins, nous l’espérons… Les premiers labels de l’initiative présidentielle « La France s’engage » ont été délivrés, etc.

    Le monde associatif n’est donc pas oublié. Cependant, les travaux de notre commission d’enquête ont montré que les difficultés des associations sont immenses en termes de financement, de ressources humaines, de reconnaissance. Des constats ont été dressés, des appels lancés, des idées avancées. Nous avons maintenant besoin d’entendre la parole du Gouvernement, car certaines questions restent ouvertes.

    Mais auparavant, je dois vous demander, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, de bien vouloir prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

    (M. Patrick Kanner prête serment)

    M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Mesdames et messieurs les députés, les associations sont au cœur de mes responsabilités ministérielles, directement ou indirectement, dans le domaine de la ville, de la jeunesse et des sports. Comme j’ai coutume de le dire, sans la vitalité associative, nombre de politiques publiques ne pourraient être mises en œuvre.

    Ministre de la vie associative, je coordonne, d’une certaine manière, l’intervention de mes collègues : le ministre de l’intérieur, qui doit faire respecter la loi de 1901 ; la ministre des affaires sociales, qui est particulièrement concernée par le secteur médico-social ; la ministre de la culture, qui l’est tout autant par la création culturelle ; celle de l’éducation nationale, dans la mesure où les associations interviennent dans le cadre scolaire, notamment depuis la réforme des rythmes éducatifs ; le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire, en raison de la dimension économique du secteur associatif, etc.

    Ainsi avons-nous parfaitement conscience, au sein du Gouvernement, du rôle essentiel que joue le secteur associatif en faveur de la cohésion nationale et du progrès social. En tant que ministre de la vie associative, il me revient donc de faire en sorte que le secteur associatif soit reconnu et encouragé dans son action généreuse et altruiste et sa vitalité préservée.

    Certes, les difficultés financières que rencontrent les associations sont réelles. Je tenais néanmoins à rappeler quelques chiffres qui témoignent de l’engagement du Gouvernement, et qui vont peut-être vous rassurer.

    Les subventions accordées par l’État au secteur associatif – tous ministères confondus – représentaient 1,860 milliard d’euros en 2012, soit une progression de 25 % par rapport à 2010. C’est un effort notable en période de tension budgétaire, qui prend notamment la forme d’exonérations d’impôts. Dans le cadre du projet de loi de finances actuellement en débat, notre contribution progressera de 142 millions d’euros en 2015 par rapport à 2014, et de 314 millions par rapport à 2013, en particulier grâce à l’abattement de la taxe sur les salaires consenti au secteur associatif. Au final, une aide de 2,6 milliards d’euros est accordée au secteur associatif. On peut en conclure que, globalement, le soutien financier de l’État au monde associatif n’a pas diminué ces deux dernières années, et qu’il a même progressé.

    Cela dit, le rôle de l’État ne se limite pas au financement des associations. Le financement est un outil au service de la triple mission qu’il exerce à l’égard du secteur, et que je résumerai ainsi : « coordination, facilitation et reconnaissance ».

    Beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire. Il faudra, notamment, sécuriser davantage les financements associatifs et mettre en œuvre la Charte des engagements réciproques entre l’État, les collectivités territoriales et les associations, qui a été signée le 14 février 2014.

    Cette Charte pose les bases d’un rééquilibrage entre subventions et commande publique. Elle fixe des principes et des engagements respectifs en matière de dialogue civil et de contractualisation avec la puissance publique et le secteur associatif. Elle doit permettre une déclinaison locale qui s’appuierait sur l’opportunité de créer des cadres de travail entre associations et pouvoirs publics, l’objectif étant de co-construire les politiques publiques à partir de critères partagés.

    L’objectif, complexe dans sa mise en œuvre, est simple dans son énoncé : respecter l’indépendance des projets associatifs qui représentent l’innovation territoriale, qui permettent la mise en œuvre de procédures de veille et d’alerte, tout en faisant en sorte que ces projets associatifs soient en résonance avec des politiques publiques portées par le Gouvernement ou les collectivités territoriales ; en d’autres termes, rapprocher cette liberté associative des priorités publiques qui relèvent de la souveraineté des élus, qu’ils soient nationaux ou locaux. Concrètement, cela doit conduire à davantage de transparence par le vote de délibérations dans les assemblées locales, notamment sur les critères de subventionnement.

    Cette Charte engage l’État comme le secteur associatif. C’est le sens de la réciprocité entre pouvoirs publics et associations. Mais je serai franc : pour être plus solide, le secteur associatif doit être capable de se réformer lui-même, de se remettre en cause continuellement, de se mettre en phase avec des aspirations démocratiques et éthiques de nos contemporains, et donc des adhérents du secteur associatif. Je pense plus particulièrement au renouvellement des mandats et à la nécessaire transparence des rémunérations des dirigeants associatifs. Pour que nous puissions avancer dans des conditions de confiance partagée, la question de la gouvernance associative doit être posée.

    Une autre avancée, cette fois-ci en termes de sécurisation des financements, a été permise par la loi relative à l’économie sociale et solidaire, qui définit pour la première fois ce qu’est une subvention. À ce propos, je tiens à rappeler que la subvention est un outil équivalent aux autres, qu’il n’est pas question de prohiber, dans le cadre des relations entre les pouvoirs publics et le secteur associatif. La loi met également en avant l’intérêt des conventions pluriannuelles d’objectifs. C’est le moyen de sécuriser les financements des associations, mais aussi de garantir l’efficacité des actions financées par les pouvoirs publics.

    Cela suppose, je le concède, un effort de pédagogie en direction des collectivités. Un guide méthodologique est en cours de rédaction et des actions de formation seront menées en lien avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Faire savoir est une chose, le faire est encore mieux. En l’occurrence, il existe manifestement un décalage entre la volonté politique exprimée dans la loi ESS et la réalité de terrain.

    Faire plus pour le secteur associatif, c’est aussi faciliter l’accès des associations à d’autres sources de financement que les financements publics. Ceux-ci représentent aujourd’hui à peu près la moitié du financement total du secteur. Comment développer l’autre moitié ?

    La loi ESS propose de nouveaux outils : les titres associatifs, dont la rémunération est rendue plus attractive ; la capacité, pour les associations d’intérêt général, d’accepter des libéralités, de posséder et administrer des immeubles, de créer des fonds de garantie et apports en fonds associatifs.

    D’autres outils d’appel à la générosité publique émergent, comme les plates-formes de financement participatif (crowdfunding) ou les dons via les transactions du quotidien. Nous devrons construire les cadres permettant de faciliter l’accès à ces nouveaux modes de financement, car certains problèmes se posent encore.

    Faire plus pour les associations, c’est aussi leur en demander moins en termes de formalités administratives – c’est l’objet du « choc de simplification ». Cela devrait leur faire gagner du temps et leur permettre de se consacrer davantage à leur projet. La loi ESS nous a autorisés à procéder par ordonnance, s’agissant de la simplification des démarches des associations et des fondations avec les administrations. Un député, M. Yves Blein, vient de remettre un rapport au Premier ministre, où il propose cinquante mesures que nous travaillerons avec le secteur associatif.

    Un volet important concerne la dématérialisation des démarches. Dès aujourd’hui, le « compte Association » sur le site Service-Public.fr incite à faire davantage de démarches en ligne – création, modification, changements d’adresse – ce qui permet de s’épargner des démarches à la préfecture, souvent fastidieuses et parfois négligées. C’est une solution rapide, accessible 24 heures sur 24, pratique et sécurisée. L’étape suivante sera la création de portails pour les subventions, afin éviter la multiplication de demandes ayant le même type de support.

    Faire plus pour le secteur associatif, c’est soutenir l’engagement bénévole et volontaire. La montée en charge substantielle du service civique doit être considérée comme une véritable opportunité pour le secteur associatif. L’Assemblée nationale a voté la semaine dernière un amendement permettant de porter leur nombre à 45 000 en 2015. Je remercie ici les parlementaires qui m’ont soutenu unanimement dans cette démarche. L’objectif du Président de la République est d’atteindre, à la fin du quinquennat, 100 000 jeunes en service civique. Nous pourrons éventuellement revenir sur les annonces du Président de la République concernant l’engagement universel, qui viendrait compléter le dispositif du service civique.

    C’est enfin reconnaître l’engagement bénévole. Il y aura lieu de veiller à ce que l’engagement ait des effets positifs pour l’intéressé, pour son entourage, dans son parcours de formation et dans son parcours professionnel. J’ai reçu la semaine dernière de l’association Le Rameau, structure de rapprochement entre l’entreprise et le secteur associatif, un rapport qui devrait me permettre de faciliter l’engagement des actifs, et donc d’imaginer, en concertation étroite avec les partenaires sociaux, ce qui pourrait devenir demain un « congé pour engagement ». Un tel dispositif est très attendu par le monde associatif ; il s’agirait de permettre à quelqu’un de s’engager de manière bénévole pendant son temps de travail. Cela demande bien sûr des études et une concertation, mais j’y suis prêt.

    Encore une fois, monsieur le président, nous considérons, au Gouvernement, que la vitalité associative est l’un des traits identitaires de notre pays, un des ressorts principaux de sa cohésion sociale, voire de sa cohésion nationale, et un avantage économique non négligeable. Je vous rappelle que 1 800 000 de nos concitoyens travaillent aujourd’hui pour le secteur associatif. C’est aussi un formidable outil d’innovation et un rempart contre les obscurantismes qui menacent aujourd’hui dans notre société. C’est un capital culturel, social, économique que nous devons préserver et même faire fructifier.

    Mesdames et messieurs les députés, j’espère que vous êtes maintenant certains de ma détermination.

    Mme Françoise Dumas, rapporteure. Monsieur le ministre, merci pour votre propos liminaire. Dans le rapport que nous rédigerons à l’issue de nos auditions, nous entendons réaffirmer les principes de la loi de 1901, les adapter à notre époque et les intégrer à l’économie sociale et solidaire, et clarifier les relations des associations et des collectivités territoriales, en mettant notamment en œuvre la Charte d’engagements. D’où ma première question : comment comptez-vous, dans les semaines et dans les mois à venir, mettre en œuvre cette Charte sur les territoires, à quel niveau et par quelles mesures ?

    Ensuite, pourriez-vous nous en dire plus sur le congé d’engagement ? Comment pourrait-on mieux reconnaître les connaissances acquises par le biais du travail bénévole ? Pourrait-on intégrer les personnes concernées dans le dispositif de valorisation des acquis ?

    Il est par ailleurs nécessaire de faire en sorte que le recours à la commande publique continue à respecter le monde associatif dans toutes ses composantes, et surtout de diversifier les sources de financement des associations. En 2013, le Président de la République avait annoncé que 500 millions d’euros seraient débloqués par la Banque publique d’investissement (BPI) pour financer l’économie sociale et solidaire. Où en est cet engagement ? Quelles sont les perspectives pour 2015 ?

    Enfin, quels outils faudra-t-il mettre en œuvre dans les mois à venir pour sécuriser davantage les financements des associations ?

    M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. S’agissant de la Charte d’engagements, nous pensons utiliser comme support une circulaire du Premier ministre. Celle-ci devrait être publiée autour du 15 janvier 2015. Une première réunion de travail est d’ores et déjà prévue dans la deuxième quinzaine de novembre. J’espère que ces délais seront respectés.

    S’agissant du congé d’engagement, qui serait un élément important du statut du bénévole, je viens de recevoir le rapport d’experts de l’association Le Rameau. L’objectif est de négocier avec les partenaires sociaux la structuration de ce congé bénévole et de lui donner une base juridique acceptable. Il s’agit, très concrètement, de permettre à quelqu’un de pouvoir se dégager quelques heures de son travail, sans que ce soit considéré comme un abandon de poste.

    Une modification du droit travail pourrait être envisagée, et nous pensons qu’un rapport sur ce sujet complexe sera remis au Parlement au plus tard le 30 janvier 2015. Un consensus existe aujourd’hui au sein des partenaires. J’imagine que pour un employeur, ce doit être un plus de savoir qu’un de ses salariés est capable de se consacrer au bien public.

    Ensuite, par nature, le dispositif de valorisation des acquis n’est pas adapté à une activité qui n’est soumise à aucun cadre professionnalisant. C’est un vrai souci. Un travail important a été réalisé depuis plusieurs années pour permettre aux bénévoles de projeter leur savoir-faire en compétences. Je pense notamment à l’idée d’un carnet de vie ou d’un passeport du bénévole, que le dispositif de l’article 65 de la loi ESS devrait permettre de mettre en place. On pourrait imaginer également que les universités créent des unités d’enseignement ou d’autres dispositifs intégrant l’engagement bénévole.

    Il conviendra d’adapter les textes aujourd’hui en vigueur à cette volonté politique de valorisation des acquis. Le sujet mérite une approche très pragmatique. Pour ma part, je veillerai à ce que cela se fasse dans de bonnes conditions.

    Madame la rapporteure, vous avez également évoqué le basculement de la subvention vers la commande publique, et les risques de fragilisation du projet associatif que cela représente. Selon une idée qui est communément répandue, le recours aux marchés publics serait obligatoire pour faire appel aux services d’une association. Cette procédure peut apparaître comme une forme de garantie pour le secteur public, mais elle n’est pas obligatoire. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, nous pensons imaginer un cadre pédagogique en direction du secteur public pour montrer que l’on peut utiliser la subvention de manière tout à fait sécurisée pour faire appel au secteur associatif et éviter la concurrence. Il ne faudrait pas qu’un secteur privé lucratif prenne des parts de marché, alors même que la qualité des services rendus n’est pas garantie ; on a vu ce qu’il en était en matière d’aide à domicile.

    Privilégier le secteur associatif doit donc se faire dans des conditions juridiques sécurisées. Ce guide est en préparation, et notre objectif sera de demander au CNFPT de préparer les fonctionnaires à l’utiliser de manière opportune. Ensuite, les élus territoriaux, notamment, feront leur choix. Mais la tendance actuelle qui consiste à dire que tout doit être sécurisé par le biais du code des marchés publics peut être, sinon contrariée, du moins tempérée.

    Je terminerai sur une question assez technique, à savoir l’accompagnement financier de l’économie sociale et solidaire par BPI France, qui repose en effet sur une enveloppe initiale de 500 millions d’euros. Mais il ne faudrait pas que cette enveloppe se superpose à ce qui se fait déjà par ailleurs, notamment avec la Caisse des dépôts et consignations.

    Je vous rappelle les outils de BPI France.

    Premièrement, la garantie SOGAMA est un dispositif de garantie spécifiquement dédié aux associations dans le secteur médicosocial et de l’éducation, de la formation et de la lutte contre l’exclusion ; son montant global pourrait atteindre 1 million d’euros.

    Deuxièmement, le prêt participatif social et solidaire, accessible à tous les organismes de l’ESS, est distribué par le réseau des banques commerciales et accompagné d’un prêt de la banque du réseau d’un montant équivalent ; cela devrait profiter aux petites structures, pour des montants qui ne dépasseraient pas 50 000 euros sur des durées relativement courtes, de cinq à sept ans ; l’objectif serait d’accorder 50 millions d’euros de prêts par an.

    Troisièmement, le Fonds d’innovation sociale est destiné à faire face aux risques spécifiques des projets innovants – évalué à 20 millions d’euros.

    Quatrièmement, la plate-forme de financement participatif, qui mériterait d’être confortée afin de pouvoir récupérer toute une série de financements. Je précise qu’aujourd’hui seize acteurs sont labellisés BPI France.

    Fin 2014, la mise en place des outils financiers gérés par BPI France au profit de l’ESS devrait être totalement effective. Nous y veillerons.

    Tels sont, madame la rapporteure, les éléments que je pouvais vous apporter à ce stade de votre questionnement.

    M. Jean-Louis Bricout. Monsieur le ministre, vous venez de faire une sorte de bilan des travaux menés par notre commission depuis maintenant trois mois. J’aimerais savoir comment vous comptez prendre en compte les recommandations que nous allons formuler, sachant que certaines d’entre elles devront être articulées avec les propositions figurant dans le rapport de simplification établi par notre collègue M. Yves Blein.

    Ensuite, à l’occasion de nos travaux, nous avons fréquemment évoqué les difficultés de renouvellement du monde des bénévoles, et en parallèle, leur besoin de reconnaissance. Pouvez-vous nous parler du congé d’engagement ? Comment le faire mieux connaître et comment le rendre opérationnel ?

    Par ailleurs, en tant qu’élu local, je puis témoigner des difficultés que rencontrent les associations pour remplir des demandes de subvention de plus en plus complexes. Êtes-vous favorable à la mise en place d’un dossier unique dont la gestion serait confiée à une collectivité référente ? Ne pourrait-on pas y réfléchir dans le cadre de la répartition des compétences entre régions et départements ?

    Enfin, nos associations sont souvent confrontées à des difficultés de trésorerie liées au versement tardif de subventions. Ce retard risque de les mettre en danger, en raison des frais financiers que cela peut entraîner. Cela nous renvoie au principe qu’il n’est pas concevable qu’une association réalise des excédents et consolide son fonds de roulement qui serait pourtant bien nécessaire pour pallier ces problèmes de trésorerie. J’aimerais connaître votre avis à ce propos.

    M. Régis Juanico. Monsieur le ministre, vous avez entièrement raison de dire que la vie associative dans notre pays est un atout et une richesse qui nous est enviée partout en Europe, avec plus d’un million d’associations et 16 millions de bénévoles. C’est un secteur très dynamique sur le plan économique et social. Le rôle des pouvoirs publics est d’assurer de bonnes conditions aux associations et aux bénévoles qui s’engagent. Voilà pourquoi il faudra, entre autres, simplifier la vie des associations, sécuriser leurs activités sur le plan juridique et financier, et mieux reconnaître l’engagement associatif et le bénévolat.

    Vous avez rappelé des chiffres très intéressants qui illustrent le niveau d’engagement de l’État. Vous avez plus particulièrement cité le montant de l’abattement forfaitaire sur la taxe sur les salaires, qui constitue une mesure importante de soutien à la vie associative.

    De son côté, le président de la République a évoqué il y a quelques jours, au congrès Léo-Lagrange, la distorsion de concurrence qui existe entre le secteur lucratif et le secteur non lucratif, dans la mesure où le CICE est actuellement attribué au seul secteur lucratif. Il a précisé que le CICE allait évoluer sous forme d’abaissement de charges pérennes, qui concernerait alors l’ensemble des associations employeurs, et donc le secteur non lucratif. Connaissez-vous le délai ?

    Le Président de la République s’est par ailleurs exprimé sur la taxe sur les salaires, en indiquant que cette fiscalité était aujourd’hui très pénalisante pour la vie associative. Sans doute devrions-nous travailler ensemble sur cette question.

    J’en viens à la formation, à l’accompagnement de l’emploi associatif et à la professionnalisation des compétences dans les associations. Je crois que ces dernières sont très demandeuses, car aujourd’hui, ce sont souvent de véritables entreprises, avec toutes les charges que cela implique. Plus qu’un statut du bénévoles, les associations souhaitent qu’on les accompagne, notamment dans leur fonction d’employeur.

    Ensuite, comme vous l’avez dit, le rapport de notre collègue M. Yves Blein constitue une base dense, riche en propositions pour alléger les contraintes administratives et bureaucratiques qui pèsent sur l’engagement des responsables dans les associations, et les empêchent de se consacrer pleinement au cœur de leur mission, c’est-à-dire au développement de leurs activités.

    Et maintenant, puisque vous êtes aussi le ministre des sports, je voudrais vous interroger sur le certificat médical de non contre-indication de la pratique sportive. Aujourd’hui, pour les associations comme pour les licenciés des clubs sportifs, son renouvellement annuel est très contraignant. Des annonces viennent d’être faites par le Gouvernement à ce sujet. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

    Enfin, l’accélération de la montée en charge du service civique a été votée la semaine dernière par l’Assemblée nationale. Le Président de la République a émis le souhait de rendre ce service civique « universel ».

    Nous avions déjà eu l’occasion d’introduire dans la loi ESS le volontariat associatif pour les plus de 25 ans. Ne faudrait-il pas s’orienter vers le volontariat associatif pour les moins de 25 ans, qui différerait du service civique dans ses conditions d’indemnisation et de durée ? Je crois profondément que les jeunes qui s’engagent dans des associations, même pour deux ou trois mois, sont acquis pendant toute leur vie à la cause associative.

    M. Jean-René Marsac. Monsieur le ministre, je partage nombre des réflexions qui viennent d’être faites. Je vous interrogerai à propos du bénévolat. Bien évidemment, toutes les mesures qui visent à l’encourager sont nécessaires et bienvenues. Cela dit, aussi bien au cours des auditions que sur le terrain, on nous a signalé la différence qui existe entre, d’une part, un engagement bénévole quelques heures par semaine ou par mois, effectué de manière ponctuelle ou renouvelé à intervalles choisis par la personne et, d’autre part, la fonction de dirigeant associatif, dont le renouvellement pose problème.

    De fait, la responsabilité associative est de plus en plus lourde, notamment dans les associations qui emploient des salariés – gestion des emplois, pilotage stratégique, négociations, gestion au quotidien. Je sais qu’un certain nombre de dispositifs permettent d’ores et déjà de mieux reconnaître le dirigeant – en termes de rémunération, de compensation financière par rapport à des pertes de salaire éventuelles, de protection sociale, etc. Toutefois, il me semble que l’on aurait intérêt à dissocier davantage, dans nos débats, ce qui relève du bénévolat de manière générale et qui correspond à ce que nos concitoyens entendent par « donner du temps et de la compétence de manière ponctuelle », et la responsabilité de dirigeant associatif qui est d’une autre nature. Car même en allégeant les procédures, les responsabilités des dirigeants restent lourdes, ce qui explique la réticence des nouvelles générations à s’engager dans la gestion durable d’une association.

    Mme Bernadette Laclais. Merci, monsieur le ministre, pour votre propos liminaire, qui reflète la passion qui vous anime pour les associations. Merci aussi d’avoir évoqué la mise en place, à l’intention des collectivités, d’un cadre pédagogique pour le recours aux marchés publics. En effet, dans la mesure où leur responsabilité risque d’être engagée – s’ils conseillent mal les élus – les services sont très réticents. De ce fait, les associations font les frais des choix politiques des élus. Il serait donc particulièrement utile que le ministère mette à la disposition des associations un cadre juridique clair.

    Je voudrais par ailleurs évoquer deux points.

    Premièrement, les petites associations, qui n’ont pas de gros volumes d’activité ou de financement, rencontrent souvent des problèmes de trésorerie et doivent payer des agios bancaires. Serait-il possible de réfléchir à un fonds, à une ligne qui pourrait être adossée sur les collectivités, par exemple les collectivités « chefs de file » ? Je trouve un peu dommage que de l’argent public serve à financer des agios bancaires.

    Par ailleurs, je serais assez favorable à ce qu’il y ait un dossier unique et que la collectivité « chef de file » coordonne les collectivités qui versent des subventions, afin que tous les versements ne soient pas effectués le même mois. En effet, les associations ont beaucoup de trésorerie en fin d’année, mais au milieu de l’année, leur trésorerie baisse et elles doivent payer des agios bancaires.

    Deuxièmement, la place des associations s’est avérée déterminante en matière de politique de la ville, notamment dans les dossiers de reconstruction-démolition. C’est ce qui ressort d’ailleurs du rapport qui avait été commandité par votre prédécesseur. Aujourd’hui, de nombreuses collectivités nous disent attendre des décrets pour mettre en place les « conseils citoyens », qui peuvent intervenir à toutes les étapes de l’élaboration des contrats de ville. Qu’en est-il, monsieur le ministre ? Pourriez-vous lever l’ambiguïté ?

    Nous souhaitons leur faire passer le message qu’il serait opportun de mettre en place ces dispositifs, afin que les habitants et les associations, dont je rappelle le rôle central dans la compréhension des enjeux de la politique de la ville, puissent être des partenaires actifs dès le début des procédures, et notamment au moment des négociations.

    M. Yannick Favennec. Monsieur le ministre pourquoi les termes de « vie associative » ont-ils disparu du titre de votre ministère ? C’est un curieux signal envoyé au monde associatif, dans une année aussi cruciale que 2014.

    Par ailleurs, ne pourrait-on pas valoriser l’engagement bénévole en accordant des points de retraite supplémentaires, au bout d’un certain nombre d’années de responsabilités dans une association ? Dix ans de responsabilités associatives pourraient, par exemple, donner un trimestre de points de retraites supplémentaire. Sous la précédente législature, j’avais déposé, sans succès, une proposition de loi en ce sens ; au cours de cette législature, d’autres collègues ont essayé de faire passer la même idée, toujours sans succès, par voie d’amendements. Monsieur le ministre, j’aimerais avoir votre avis sur la question.

    M. Jean-Pierre Allossery. Monsieur le ministre, les difficultés du monde associatif sont nombreuses : incertitudes liées aux financements publics ; arrivée tardive des subventions, qui met à mal leur fonctionnement ; recours de plus en plus massif aux appels à projets au détriment du projet associatif. On préfère utiliser les associations comme des prestataires de service, plutôt que renforcer leur rôle de partenaires incontournables de la société civile. Il va falloir accompagner les renouvellements des instances dirigeantes du mouvement associatif, car ce renouvellement pose problème.

    Dans mon apport pour avis sur la mission « Sport, jeunesse, vie associative » d’octobre 2014, j’ai souhaité travailler sur le thème de l’engagement des jeunes. Les différentes auditions que j’ai pu mener à cet effet ont mis en avant le besoin des jeunes de s’engager de manière différente, c’est-à-dire de manière momentanée et utilitaire. Ils cherchent à construire un parcours d’engagement, plutôt qu’un engagement à long terme au sein de la même association. Face à cette mutation de l’engagement et face au nécessaire besoin de renouvellement des instances dirigeantes des associations, quels outils votre ministère pourrait-il mettre en place ?

    M. le président Alain Bocquet. Monsieur le ministre, je vous poserai deux questions supplémentaires.

    Premièrement, que fait ou que peut faire le ministère pour promouvoir les groupements d’employeurs auprès du monde associatif ?

    Deuxièmement, il me semble que l’école – au sens large – pourrait constituer un vivier pour la modernisation et la relève du mouvement associatif.

    J’observe qu’en 2014, l’engagement associatif a été proclamé « grande cause nationale ». Or, à part les initiatives du ministère, on ne peut pas dire que localement, ce soit l’effervescence. Pourquoi ne pas utiliser l’école ? Aujourd’hui, on met en place des conseils d’écoles, d’enfants, de collégiens, de lycéens, on crée même des entreprises virtuelles dans les écoles, mais on oublie la vie associative. Ce ne fut pas toujours le cas : j’ai eu la chance d’avoir eu pour instituteur un « hussard de la République », qui m’a envoyé faire du porte-à-porte pour vendre des timbres contre la tuberculose. Cela m’a servi toute ma vie !

    M. le ministre. Monsieur le président, si cela peut vous rassurer, j’ai fait la même chose !

    Effectivement, il faut favoriser les groupements d’employeurs. Je crois beaucoup à la mutualisation des fonctions supports. La sécurisation des financements du secteur associatif passe aussi par sa capacité à se mobiliser pour éviter des doublons dans le fonctionnement. Il ne s’agit pas créer de l’austérité ou de la rigueur dans le secteur associatif, mais de lui demander de mutualiser toute une série de fonctions qui n’ont pas d’intérêt pour le projet associatif et qui lui permettraient d’avoir des éléments d’une plus grande efficacité sur le plan budgétaire. Le ministère a édité un guide en partenariat avec l’Agence pour la valorisation de l’innovation sociale (AVISE) qui réforme celui qui était paru en 2011 et qui insiste sur cette capacité pour le mouvement associatif de créer des groupements d’employeurs. C’est une petite révolution dans le fonctionnement du secteur. Il faut l’accepter, l’accompagner, convaincre pour montrer que cela peut être utile pour chacun.

    La réforme des rythmes éducatifs – ce n’est pas la même notion que celle des rythmes scolaires – permettra à nos jeunes d’être dans des circuits de citoyenneté rénovés, renouvelés, avec une plus grande ouverture d’esprit. Faut-il mettre en place des modules spécifiques à l’engagement associatif ? Pourquoi pas ? Je fais mienne votre proposition car c’est une manière de préparer l’avenir de nos enfants. En tout cas, je l’évoquerai avec ma collègue Najat Vallaud-Belkacem.

    Monsieur Bricout, je suis très favorable à la mise en place du dossier unique. Un travail a été engagé entre mon ministère et les grandes associations d’élus comme l’Association des maires de France (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF), l’Association des régions de France (ARF), l’Assemblée des communautés de France (ADCF), etc. Faut-il un chef de file en la matière ? Le dossier unique doit-il être porté par une collectivité plutôt qu’une autre ? Il faut trouver un accord global entre des collectivités territoriales et, dans le cadre du choc de simplification, éviter qu’une association soit amenée à devoir porter toute une série de dossiers qui sont souvent identiques, en tout cas très proches. Le dossier unique constituerait une facilitation très importante.

    Lors de la conférence sur le choc de simplification, le Président de la République a évoqué l’idée d’un coffre-fort numérique pour les jeunes. Peut-être pourrions-nous imaginer un coffre-fort numérique pour le secteur associatif, ce qui éviterait de devoir refaire systématiquement les mêmes demandes avec les mêmes formulaires, les mêmes justificatifs.

    Mme Laclais a évoqué la question de la sécurisation de la trésorerie. Il est clair que nous manquons aujourd’hui d’un outil de gestion de trésorerie du secteur associatif. Je reconnais que, malgré la faiblesse des taux d’intérêt, le secteur bancaire ne fait aucun cadeau au secteur associatif. Faudrait-il un outil dédié, porté par exemple par la Caisse des dépôts et consignations ? Si votre rapport évoquait cette question, ce dont je ne doute pas un seul instant, le ministère pourrait ouvrir ce chantier avec le secteur associatif et peut-être avec le secteur bancaire, ainsi qu’avec la Caisse des dépôts.

    Monsieur Juanico, vous m’avez interrogé sur l’évolution du CICE. Lors du congrès national Léo-Lagrange, à Dijon, le Président de la République a ouvert la porte sur ce dossier. Il s’agit maintenant de permettre au secteur associatif de bénéficier des avantages du CICE. En tout cas, il n’y a pas d’opposition de principe du pouvoir exécutif, bien au contraire, et en l’occurrence du chef de l’État, sur cette question qui nécessite des évaluations et des études d’impact préalablement à son application dans le secteur associatif qui comporte un très grand nombre de salariés.

    Vous avez raison de vouloir accompagner les associations dans leur fonction d’employeur. Le secteur associatif a besoin en effet d’être conforté en la matière. C’est toute la logique des dispositifs locaux d’accompagnement, les DLA, qui se développent et qui permettront de mener à bien les conclusions du rapport de l’association Le Rameau que je propose d’envoyer aux membres de votre commission par voie numérique. Ce rapport n’a pas été totalement validé par le ministère, mais il peut ouvrir quelques pistes.

    Vous avez évoqué le certificat médical de non contre-indication à la pratique sportive. Plus de seize millions de certificats médicaux sont délivrés chaque année, cet examen n’étant pas remboursé par la Sécurité sociale sauf erreur de ma part. Le secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification, Thierry Mandon, qui a en charge la certification, souhaite la délivrance d’un seul certificat pour tous les sports et éviter ainsi la reproduction chaque année du certificat médical. Se pose ensuite la question de la responsabilité. Il faudra sûrement légiférer pour alléger cette mesure qui s’impose aujourd’hui au secteur associatif. Si j’allais au bout de ma pensée, je vous dirais que la médecine scolaire pourrait permettre de régler cette question. Ce sujet sera peut-être évoqué un jour dans le cadre de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales. Je n’oublie pas que j’ai été, il n’y a pas si longtemps, président d’un conseil général et extrêmement porteur de l’idée que la médecine scolaire pouvait basculer dans les conseils généraux. Mais c’est un autre débat…

    Vous avez évoqué également la question du service civique et du rôle du service universel. J’ai eu l’occasion de répondre hier à une question d’actualité posée par M. Laurent. L’engagement d’un jeune doit être reconnu par les pouvoirs publics. Mais il ne faudrait pas confondre l’engagement universel de deux mois et le service civique. Il faut préserver le service civique qui est un contrat rémunéré sur une moyenne de sept à huit mois avec, à terme, des perspectives d’intégration y compris professionnelles. L’engagement universel, tel que le propose le Président de la République, doit entrer dans une palette nouvelle de dispositifs car il ne s’agit pas de mettre en concurrence l’engagement universel de deux mois avec l’engagement permanent bénévole de seize millions de Français. Mais comme vous l’avez dit fort justement, monsieur le député, ce dispositif peut constituer une formidable pépinière de ressources nouvelles pour le bénévolat dans notre pays. Il s’agirait d’un engagement de deux ou trois mois sous une forme à déterminer. Cet engagement du jeune pourrait être reconnu. Il pourrait, par exemple, figurer sur le curriculum vitae sous la forme d’un certificat, d’un diplôme d’engagement. On pourrait également envisager que le jeune qui s’engagerait pour la collectivité bénéficie de facilités pour passer son permis de conduire, obtenir le Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur d’accueil collectif de mineurs (BAFA) ou encore le Brevet d’aptitude aux fonctions de directeur (BAFD). C’est un débat que nous aurons puisque, comme je l’ai dit hier devant l’Assemblée nationale, le cap a été fixé par le Président de la République. Il m’appartient, avec ceux qui m’entourent et tous les parlementaires intéressés, de pouvoir donner du sens et du contenu à ce cap.

    Monsieur Marsac, nous sommes effectivement confrontés à une crise de renouvellement des dirigeants associatifs en raison des responsabilités qui pèsent sur leurs épaules. Le problème, c’est que le support juridique est le même pour des associations extrêmement différentes. Si votre rapport l’évoque, j’en serai très heureux. Quoi de commun en effet entre un président d’association qui a pour seul salarié un emploi d’avenir et un autre qui dirige plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de personnes ? Il faudrait sûrement envisager de modifier les textes, en tout cas de les préciser pour encourager le renouvellement des instances dirigeantes des associations. Je suis toujours très inquiet de voir des associations, et non des moindres, dont la présidence ne tourne pas. Monsieur Bocquet, je me tourne vers vous pour citer le cas d’une grande association caritative dont le président est formidable mais qui a du mal à trouver des successeurs tant la charge est lourde.

    Madame Laclais, vous avez raison, il ne faut pas utiliser le marché public comme étant l’élément de sécurisation permanente pour la relation avec le secteur associatif. Je l’ai évoqué dans mon propos liminaire. Il ne faut pas avoir peur d’utiliser la subvention pour mettre en œuvre une politique publique. Cela me paraît absolument essentiel.

    Vous avez évoqué la question des conseils citoyens. Une circulaire a été envoyée il y a quelques jours par Mme Myriam El Khomri et votre serviteur pour préciser le contenu de ce dispositif.

    Le conseil citoyen est déjà bien défini dans la loi de M. François Lamy. Je ne voudrais pas que ce conseil citoyen remette en cause les conseils de quartier qui fonctionnent bien et qui ont été institués pour les villes de plus de 80 000 habitants par la loi de 2002 relative à la démocratie de proximité. Nous sommes là sur une autre dimension. Comment, dans ces 1 300 quartiers représentant une population de cinq millions de personnes souvent en grande difficulté, faire que la décision publique soit co-construite par des citoyens, y compris tirés au sort comme cela figure dans le texte ? Il faut affiner l’organisation de ces conseils citoyens. Je ne suis pas favorable à une mesure d’ordre réglementaire qui figerait dans le temps et dans l’espace l’organisation de ces conseils citoyens. Il faut permettre à des élus locaux, en lien avec le secteur associatif et les animateurs locaux, les forces vives locales de ces quartiers, de bâtir une réponse adaptée dans une logique de subsidiarité, c’est-à-dire laisser ces conseils citoyens se créer et perdurer dans un contexte de construction collective sur place, qui peut être différent d’une ville à une autre. En tout cas, c’est le sens de la circulaire que nous avons envoyée aux préfets délégués à la ville et à leurs collaborateurs. Nous veillerons à ce qu’aucun contrat de ville ne soit signé par les préfets sans que la dimension citoyenne y soit intégrée de manière détaillée.

    Monsieur Favennec, vous m’avez interrogé sur mon intitulé. Les cartes de visite n’étaient pas assez grandes pour pouvoir y mettre toutes mes attributions. Je vois que vous n’acceptez pas ma réponse, et vous avez raison ! Je veux vous rassurer : le décret relatif à mes attributions prévoit que je suis chargé de la vie associative et de l’éducation populaire. La rénovation urbaine fait partie aussi de mon champ d’intervention. C’est par mon intervention personnelle et ma détermination que vous verrez l’ambition qui est la mienne en matière de vie associative, même si ce terme ne figure pas dans mon titre. Je puis vous assurer que ma coordination ministérielle est totalement assumée et acceptée par mes autres collègues du Gouvernement. Je vous remercie par avance de votre soutien.

    Vous avez évoqué la possibilité de valoriser l’engagement associatif par l’attribution de points de retraite supplémentaires. Un engagement associatif peut-il être comparé à un autre engagement associatif pour permettre une valorisation sous forme de trimestres de retraite ? Quel est le temps consacré qui justifierait une telle reconnaissance ? Je ne suis pas certain que les partenaires sociaux accepteraient ce type de proposition au vu des contraintes budgétaires qui existent en matière de financement des régimes de retraite par répartition. Cette proposition est intelligente, je dirai même « appétissante » en termes de reconnaissance pour le secteur associatif, mais l’application concrète d’un tel dispositif me paraît très difficile. Si cette proposition figure dans votre rapport, nous l’étudierons avec plaisir. Mais comprenez mes réserves en la matière. La meilleure réponse que je peux vous apporter aujourd’hui est celle du chantier du congé d’engagement qui a été évoqué par plusieurs d’entre vous. Cela me paraît être une reconnaissance pragmatique au regard de la législation actuelle.

    Monsieur Allossery, vous avez posé plusieurs questions pertinentes, notamment sur l’arrivée tardive des subventions. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que l’appel à projets peut mettre en péril le projet associatif et l’autonomie associative.

    Dans mon propos liminaire, j’ai dit que le secteur associatif devait être en résonance avec les priorités publiques, ce qui ne veut pas dire qu’il doit être un suiveur par rapport aux projets publics. En l’occurrence, le danger c’est que la notion d’appel à projets transforme le secteur associatif en simple prestataire de la commande publique. On peut tuer l’innovation associative si l’on pousse le raisonnement jusqu’au bout. Il faut donc trouver un équilibre entre le projet associatif, la liberté associative, la souveraineté associative et la nécessaire application des priorités publiques portées par les élus, qu’ils soient nationaux, régionaux départements ou communaux. D’où l’idée de contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens permettant une co-construction entre le secteur public et le secteur associatif. Certains parleront de naïveté au regard des difficultés financières actuelles, mais je crois qu’il s’agit d’un système vertueux qu’il faut savoir développer.

    Vous avez terminé votre propos sur la notion d’engagement. Ce sera le grand chantier du quinquennat. Il s’agit de favoriser l’engagement des Français où ils sont, là où ils veulent, là où ils peuvent apporter une valeur ajoutée. On décrit souvent notre société comme repliée sur elle-même et égoïste – on dit souvent cela des jeunes. Au contraire, elle est capable de transformer la réponse sociale à travers un engagement complet de nos concitoyens. Je rappelle que la France compte seize millions de bénévoles, que le service civique se développe – il y a actuellement quatre demandes pour une place disponible –, que le Président de la République a proposé l’élargissement du service civique qui pourrait devenir un engagement universel de deux mois, et que la garantie jeunes permettra de remettre dans le circuit des jeunes en grande difficulté. Nous avons là une « boîte à outils » qui montre que notre pays n’est pas en déclin, qu’il ne doute pas en permanence, qu’il est capable de se remettre en question. Nous avons des forces en nous qui nous permettent de changer la société. En tout cas, j’espère être un ministre facilitateur en l’espèce.

    M. le président Alain Bocquet. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre contribution à la réflexion de notre Commission d’enquête qui rendra son rapport prochainement.

    L’audition s’achève à dix heures quinze.

    .——fpfp——

Membres présents ou excusés

    Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social.

    Réunion du 13 novembre 2014 à 9 h 

    Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Alain Bocquet, M. Jean-Louis Bricout, Mme Françoise Dumas, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Yannick Favennec, M. Régis Juanico, Mme Bernadette Laclais, M. Jean-René Marsac.