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Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social

JEUDI 20 NOVEMBRE 2014

Séance de 9 heures 

Compte rendu n° 30

Présidence de
M. Alain BOCQUET, Président

Examen du rapport

    La séance est ouverte à neuf heures cinq.

    M. le président Alain Bocquet. Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner et approuver le rapport établi par Mme Françoise Dumas. Si j’en juge par l’état d’esprit qui a animé l’ensemble des participants pendant toute la durée des travaux de la commission d’enquête, l’approbation ne devrait guère poser de problème…

    Je rappelle que notre réunion n’a pas pour but de discuter d’amendements au rapport : nous avons à le prendre tel quel, en bloc. Lors de notre réunion du 22 octobre dernier, chacun a pu exprimer ses idées et faire valoir ses centres d’intérêt, dont la rapporteure a tenu le plus grand compte.

    Je dois cependant vous indiquer que notre rapporteure a apporté, avec mon plein accord, quelques compléments au texte qui a été mis en consultation. Il s’agissait d’introduire des références à des personnes auditionnées qui – nous nous en sommes aperçus à la relecture – n’avaient pas été citées : neuf paragraphes ont donc été ajoutés, aux pages 52, 55, 60, 85, 87, 90, 93 et 120. Bien évidemment, le sens du texte n’en a aucunement été altéré.

    Je vous rappelle également que je remettrai officiellement le rapport au président Bartolone, à 11 heures, dans le Salon des Stucs de l’Hôtel de Lassay. L’ensemble des membres de la commission est invité à participer à cette présentation, à laquelle la presse a été conviée.

    Je rappelle enfin que le délai pour déposer des contributions au nom des groupes politiques court jusqu’à demain, 17 heures. Il va de soi que les groupes sont libres de déterminer s’il est opportun ou non de déposer une contribution. La logique veut qu’une contribution tende à se démarquer des grandes options qui structurent un rapport, à manifester un désaccord fondamental. Je vous livre donc mon sentiment : il me semble que nous sommes tous tendus vers un même objectif et que déposer une contribution de groupe serait quelque peu contradictoire avec la façon dont nous avons travaillé et le consensus qui nous a animés. Mais – je le répète – la liberté prévaudra !

    Dans le bref laps de temps dévolu à notre commission, nous avons bien et beaucoup travaillé. La commission a organisé 28 auditions – souvent sous forme de table ronde –, où elle a entendu 97 personnes. La rapporteure a organisé 6 entretiens ouverts à tous les membres de la commission, au cours desquels 14 personnes ont été entendues. La commission a effectué un déplacement dans le Gard, avec 5 tables rondes qui ont permis d’entendre 69 personnes ; quatre de ces tables rondes ont réuni des panels d’associations (accès aux droits et citoyenneté, politique de la ville, environnement, insertion économique) ; une table ronde a rassemblé des élus du conseil général du Gard et de la ville de Nîmes ; un déjeuner de travail avec les services de l’État a été organisé par le préfet du Gard.

    Au total, 180 personnes ont été entendues.

    Je me félicite également de la forte implication de nombreux membres de la commission, qui ont souhaité effectuer dans leur circonscription, auprès du tissu associatif local, un travail de consultation et d’écoute similaire à celui que la commission plénière réalisait à Paris. Des initiatives diverses ont été portées à ma connaissance : réunions publiques, mise en place d’un forum sur un site Internet, etc. Les contributions reçues dans ce cadre, issues du terrain, ont nourri les réflexions de la commission d’enquête à travers les interventions de ses membres pendant les auditions : j’y vois la preuve que le travail parlementaire sait innover et qu’il est particulièrement pertinent lorsqu’il parvient à mettre en résonance directe les initiatives locales et le travail parisien.

    Je remercie chaleureusement les administrateurs de l’Assemblée de l’aide précieuse qu’ils nous ont apportée tout au long de nos travaux.

    Je donne maintenant la parole à notre rapporteure qui va nous présenter les grandes lignes de son rapport.

    Mme Françoise Dumas, rapporteure. Mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les membres de la commission pour leur implication dans ces travaux. Vos questions et vos interventions ont considérablement enrichi nos auditions. Je me réjouis aussi de l’excellent état d’esprit dans lequel chacun d’entre nous a abordé cette commission pendant les six mois qui viennent de s’écouler : cela nous a permis de travailler de façon très efficace.

    Quelques mots, tout d’abord, pour rappeler les grands principes qui ont guidé les choix que le président et moi-même avons faits.

    Il fallait, bien sûr, accorder une place déterminante à la parole des associations elles-mêmes. Cela a été le sens des nombreuses tables rondes sectorielles : « Culture », « Sport », « Associations caritatives », « Éducation populaire », « Associations de consommateurs », etc. Leurs contenus se sont très souvent recoupés, signe que les difficultés des associations sont largement partagées, même si ces difficultés ont été éclairées à chaque fois en fonction des spécificités du secteur concerné. Tout cela nous a permis d’avoir un panorama très vivant et très concret du monde des associations.

    Il fallait aussi tenir compte de la diversité du monde associatif. Cela aurait été une erreur de faire comme si seules les grandes associations nationales existaient, ou comme si seules les « têtes de réseau » avaient un message à faire passer. Évidemment, il était difficile d’échapper à ces interlocuteurs dans le cadre des auditions plénières à l’Assemblée. Mais je me suis efforcée de diversifier les points de vue, en veillant à ce que les « petites » associations ne soient pas oubliées dans le rapport. Notre déplacement dans le Gard avait justement cet objectif. Et les contacts que vous avez eus, dans vos circonscriptions, contribuent également à ce que notre vision ne soit pas marquée par un « biais parisien ».

    Nous avons voulu, en outre, rester en cohérence avec d’autres travaux d’origine parlementaire. Je pense, par exemple, au rapport de notre collègue Yves Blein sur la simplification administrative au profit des associations, remis au Premier ministre il y a trois semaines, et au rapport sur l’impact du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sur la fiscalité du secteur privé non lucratif, remis par nos collègues Yves Blein, Laurent Grandguillaume, Jérôme Guedj et Régis Juanico au Premier ministre en décembre 2013. Je crois pouvoir dire que nous nous rejoignons très largement dans les domaines où nos travaux se recoupaient.

    S’agissant du rapport, que vous avez pu consulter depuis mardi après-midi, il s’efforce de répondre le plus exactement possible au mandat de la commission d’enquête, à savoir faire un constat très objectif et le plus précis possible des difficultés que connaît le monde associatif, et proposer des réponses qui ne soient pas des vœux pieux.

    Je ne m’étendrai pas sur le premier chapitre, qui dresse un portrait du monde associatif, dont les grands traits sont bien connus : plus de 70 000 créations d’associations chaque année depuis 2002-2003, près de 1,3 million d’associations en activité, même si l’on a du mal à connaître précisément le nombre de celles qui sont « mises en sommeil ». Le poids économique du secteur est important – peut-être en a-t-il surpris plus d’un –, puisque le budget annuel total des associations atteint 85 milliards d’euros, soit 3,2 % du PIB.

    Il est fréquemment avancé que le monde associatif est mal connu, mais ce n’est pas vraiment le cas. Les sources d’information sont nombreuses, mais il est très étonnant que les administrations publiques ne soient pas de « bons » producteurs d’informations : l’essentiel de la connaissance vient de quelques universitaires ou de chercheurs regroupés en association. Il est pourtant important de bien connaître le tissu associatif car cela permettrait, par exemple, de développer des indicateurs locaux de la vitalité associative, qui pourraient être valorisés au titre de l’attractivité des territoires ou guider tel ou tel exercice de contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales. Une recommandation a été formulée en ce sens.

    Les deux chapitres suivants du rapport nous font entrer dans le « cœur » du sujet.

    Le chapitre II, consacré aux perspectives financières, fait état de l’inquiétude qui commence à saisir de nombreux acteurs. Il ne faut pas se voiler la face : la situation financière des associations est de plus en plus tendue et les situations de cessation de paiement se font plus nombreuses. La menace est particulièrement forte pour les associations « moyennes », c’est-à-dire celles qui ont des salariés et un budget de quelques dizaines de milliers d’euros.

    Quelles sont les tendances lourdes ?

    En matière de financements publics, d’abord.

    L’effort de l’État se transforme : les dépenses ne progressent plus, mais l’effort fiscal augmente sensiblement – avec 2,4 milliards d’euros prévus pour 2015. Certaines questions ont été soulevées de façon récurrente.

    L’exclusion des associations du bénéfice du CICE, d’abord, qui nous empêche de dynamiser le formidable réservoir d’emplois qu’est le monde associatif. Cette situation crée en outre un désavantage concurrentiel, surtout dans les domaines où le secteur privé lucratif s’est positionné. Il faudra prendre les décisions nécessaires pour revenir à l’équilibre antérieur.

    Une seconde question a concerné la modification récente du régime du versement transport, qui a fait naître chez de nombreuses associations la crainte d’un prochain assujettissement. Le Gouvernement rendra bientôt un rapport sur cette question, qui devra être réglée dans le collectif de fin d’année.

    Une autre question a porté sur la disponibilité des financements confiés à la BPI. Un montant de 500 millions d’euros a été annoncé. Le ministre Patrick Kanner a indiqué que les dispositifs seraient mis en place d’ici à la fin de l’année.

    Quant aux collectivités territoriales, elles sont devenues les principaux financeurs publics des associations. À cet égard, la réforme territoriale, dont nous débattons actuellement, suscite l’inquiétude. Le thème des « financements croisés » est revenu à maintes reprises dans les débats : d’un côté, ces financements engendrent une complexité pour les associations, mais, de l’autre, ils assurent une certaine indépendance qui n’existerait pas si l’association était financée par un seul niveau de collectivité. La suppression de la clause de compétence générale inquiète les acteurs, car les départements et les régions financent souvent des associations qui ne sont pas directement dans leur champ de compétence « naturel ». Qu’en sera-t-il demain ? De plus, certains domaines, comme l’éducation populaire, pourraient échapper complètement à un soutien local. Plusieurs options ont été avancées, comme faire de la « vie associative » une compétence partagée ou étendre la liste des compétences que le projet de loi indique d’ores et déjà comme partagées. Le débat parlementaire devra veiller à ce que la diversité du monde associatif soit confortée.

    S’agissant des fonds européens, notamment le Fonds social européen (FSE), nous n’avons entendu qu’un seul discours : celui d’une complexité et d’un contrôle excessifs, ce qui amène de plus en plus souvent les associations à ne plus solliciter de financements européens. C’est tout de même paradoxal, et il faudra que les régions s’attellent à simplifier tout cela !

    Le rapport évoque enfin les difficultés de trésorerie, de plus en plus menaçantes. Les subventions sont versées trop tardivement et les financeurs publics ont l’habitude de « raboter » leurs concours lorsque les associations font apparaître un excédent. Il faut renverser ces logiques, en permettant notamment aux associations de dégager des « excédents raisonnables » qui leur permettront de renforcer leurs fonds propres.

    En matière de financements privés, ensuite.

    Nous devons tout d’abord entendre l’appel à la stabilité des dispositifs fiscaux qui confortent la générosité des particuliers et le mécénat des entreprises ; celui-ci devrait être facilité pour les PME, qui pourront ainsi plus aisément contribuer au développement associatif local. La mise en œuvre de techniques innovantes pour faire appel à la générosité publique, par exemple pour les dons par SMS, se heurte à certains freins, qu’il faudra lever. Au chapitre de l’innovation, certains fondent de grands espoirs sur le financement participatif, d’autres y voient une sorte de miroir aux alouettes. Le développement de la finance participative paraît être une tendance de fond, mais elle devra prendre en compte la spécificité associative.

    De nombreuses personnes auditionnées ont regretté l’épée de Damoclès fiscale qui pèse sur le développement des ressources propres, en particulier les ventes aux usagers, puisque au-delà de 60 000 euros de ventes, les associations se voient assujetties aux impôts commerciaux. Les règles fiscales devraient être assouplies pour apporter un ballon d’oxygène aux associations qui souhaitent développer leurs ressources propres : la question du relèvement du seuil de lucrativité est ainsi posée.

    Le chapitre III, consacré aux ressources humaines, évoque la situation des dirigeants bénévoles, des éventuels salariés et des bénévoles de terrain. Les auditions ont révélé que chacun des acteurs de l’association souffre en réalité des mêmes évolutions : la complexité administrative de la gestion associative les détourne de leur projet initial ; il leur est difficile, voire impossible, de se former et de se professionnaliser, faute de fonds ; et la crise économique crée des incertitudes, ce qui limite les recrutements et freine l’engagement.

    Dans un tel contexte, les dirigeants associatifs bénévoles peinent à trouver des successeurs disponibles, volontaires et compétents, et sont parfois obligés de rester de longues années à la tête de leur association. Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que la création d’un véritable congé pour la prise de responsabilités associatives peut encourager les actifs à faire un premier pas dans la gestion associative et, à terme, à prendre de réelles responsabilités au sein de l’association. Dans le même ordre d’idées, il me semble aujourd’hui nécessaire d’ouvrir les associations aux jeunes, pour qu’ils soient en mesure de prendre la relève.

    Pour ce qui est des salariés, il existe des dispositifs, comme le « dispositif local d’accompagnement » (DLA), qui fonctionnent bien et qui doivent être développés. D’autres dispositifs existent, afin de faciliter la vie des associations employeurs, comme le chèque emploi associatif ou les groupements d’employeurs : il faut les faire mieux connaître, car ils sont aujourd’hui clairement sous-utilisés.

    Quant au bénévolat, dans lequel réside la valeur ajoutée des associations, des mesures doivent être prises très rapidement. À l’intention des jeunes, d’abord. Jean-Pierre Allossery sera d’accord avec moi : c’est dès l’enfance qu’il faut agir et promouvoir l’engagement associatif. À destination des actifs, ensuite : il faut créer un congé d’engagement associatif, mais aussi développer le mécénat de compétences, qui profite aux entreprises, aux associations et aux salariés bénévoles. Les demandeurs d’emploi et les inactifs ne doivent pas être oubliés : chaque pan de la population doit être incité, par des moyens spécifiques, à s’engager dans l’action associative. Il faut aussi consolider la place des bénévoles déjà actifs, en les formant et en leur permettant d’accéder plus facilement à la validation des acquis de l’expérience (VAE).

    Le dernier chapitre du rapport s’intéresse à « l’économie politique » du monde associatif. Dans un premier temps, il explore le terrain des relations entre la puissance publique et les associations. Trois idées forces se dégagent.

    Les associations doivent obtenir une meilleure reconnaissance. Cela concerne, bien sûr, les modes officiels que sont la reconnaissance d’utilité publique et les agréments ministériels. En particulier, il faudrait recentrer la première sur sa vocation réelle : être un label de qualité de l’action associative. La reconnaissance passe, surtout, par un autre regard sur le monde associatif. Les administrations connaissent mal ce secteur, ses objectifs et ses contraintes ; les fonctionnaires devraient donc être formés aux réalités associatives. Le monde associatif devrait aussi bénéficier d’une meilleure visibilité dans les médias et d’une plus forte présence à l’école pour ouvrir nos enfants au fait associatif dès leur plus jeune âge.

    Sur la simplification, il était difficile d’aller plus loin que notre collègue Yves Blein. Le discours de nos interlocuteurs était de toute façon suffisamment éclairant sur la nécessité d’avancer rapidement dans quelques directions : réduire la complexité des dossiers de financement, aller vers une plus grande dématérialisation, conçue avec les futurs utilisateurs, alléger les contrôles et évaluer l’action associative en accordant une plus large place aux critères qualitatifs, etc. Les recommandations reflètent ces éléments exprimés de façon assez unanime, et il faut s’orienter peu à peu vers le « dossier unique ».

    La commission a également été spectatrice du procès de la commande publique. Les arguments ont été répétés à l’envi : les associations deviennent de simples prestataires, elles se trouvent dans une situation de concurrence généralisée, avec le secteur privé lucratif mais aussi entre associations, elles perdent leur capacité d’innovation, elles voient leurs budgets fragilisés car la commande publique ne finance pas les frais de structure, etc. Le rapport veut faire passer le message que la subvention a toute sa place dans la gamme des financements publics et qu’elle n’est pas plus risquée au plan juridique que la commande publique – loin de là… On est ici confronté à un problème de pratiques inadéquates plutôt qu’à un problème de droit inadapté. Il faut donc clarifier le droit existant, en actualisant la circulaire du Premier ministre du 18 janvier 2010, et assortir celle-ci de guides et de documents types, car les petites associations doivent aussi y trouver leur compte.

    Le dernier chapitre du rapport évoque, dans un second temps, les mutations en cours du monde associatif. La puissance publique doit s’y associer, mais c’est clairement le secteur associatif qui « a la main ». Il doit veiller à ce que les associations qui veulent entrer en économie, ou qui y sont contraintes par la concurrence croissante du secteur lucratif, ne perdent pas de vue le projet associatif.

    Dans ce processus de rénovation interne, l’État ne peut jouer que le rôle de facilitateur vis-à-vis des têtes de réseau, pour conforter la construction du tissu associatif local.

    Pour conclure, il me paraît nécessaire d’insister sur deux outils très importants dont nous disposons. D’une part, la loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS), évoquée à plusieurs reprises dans le rapport, même si elle ne concerne pas le seul secteur associatif. Les pouvoirs publics doivent appliquer rapidement cette loi dans son intégralité, et je retiens du déplacement à Nîmes que les acteurs associatifs eux-mêmes affirment qu’ils doivent s’en saisir pour changer leur pratique. D’autre part, la Charte d’engagements réciproques entre l’État, le Mouvement associatif et les collectivités territoriales. Il s’agit d’un bel outil qui mérite d’être mieux connu – peu de personnes l’ont spontanément évoqué devant la commission – et, surtout, d’être décliné par le plus grand nombre de collectivités. En traduisant toutes les attentes des associations, mais aussi celles de l’État et des collectivités territoriales, ce texte est un levier politique qu’il nous faut actionner sans tarder.

    M. Frédéric Reiss. Nous avons été heureux de participer à cette commission d’enquête, dont je tiens à saluer l’excellent travail. Malgré quelques réserves, je voterai ce rapport, car un grand nombre de mesures vont dans le bon sens.

    Comme l’a souligné madame la rapporteure, il est important de mettre en œuvre les recommandations du rapport Blein, en fixant comme objectifs le dossier unique et la dématérialisation des demandes de financements. Les guides et les conventions types venant compléter la circulaire actualisée de 2010 constitueraient également des avancées majeures.

    Au titre des instruments juridiques, le développement des services communs est une excellente chose. Je pense aux banques de ressources.

    Par contre, la création d’un Institut des administrateurs associatifs nous laisse dubitatifs, car il existe un Haut conseil à la vie associative (HCVA). En outre, les avis sur les normes juridiques et techniques opposables aux associations ne devraient pas devenir des facteurs de blocage.

    J’avoue également être perplexe sur certaines recommandations, parfois très pointues, notamment celle rédigée ainsi : « Pour toute mesure législative ou réglementaire instaurant ou modifiant un dispositif de solvabilisation de la demande des ménages en services, procéder à une étude d’impact de ses effets sur le secteur associatif ». L’intention est bonne, mais la loi ESS aura elle-même un impact sur les comportements associatifs.

    Nous sommes également réservés sur le congé d’engagement de six à douze jours fractionnable. Même s’il s’agit d’une bonne mesure, son application nécessitera des précautions pour éviter les abus, sachant qu’un grand nombre d’associations comportent des salariés.

    Toutes les mesures pour les jeunes, le service civique, l’incitation à s’engager dès l’école, etc., vont dans le bon sens.

    Enfin, la mesure consistant à établir la compatibilité de l’activité bénévole avec la recherche active d’un emploi me semble primordiale. On connaît les difficultés qui existent vis-à-vis de Pôle emploi. Un certain nombre de personnes remettent le pied à l’étrier grâce à la vie associative, et il faut veiller à ce qu’elles ne soient pas découragées à s’engager.

    M. Martial Saddier. Le monde associatif n’a pas à prouver ce qu’il apporte à notre pays. Je m’associe au travail de cette commission d’enquête, dont je voterai le rapport car les mesures vont indéniablement dans le bon sens. Par contre, le groupe UMP sera probablement amené à déposer une contribution car certaines mesures mériteraient une expertise complémentaire.

    Le rapport préconise la création d’un Institut des administrateurs associatifs. Or, à l’heure où l’argent public se fait rare, la création de structures nouvelles n’est pas vraiment dans l’air du temps, contrairement à la rationalisation, à la mutualisation, aux efforts d’économies. L’enfer est pavé de bonnes intentions : les instituts ont une capacité à s’autoalimenter et à convaincre de la nécessité qu’ils ressentent de grossir et d’absorber des budgets.

    Les associations sont confrontées à la réforme territoriale, à la pénurie d’argent public, à la difficulté de trouver des partenaires privés. Pour autant, les collectivités territoriales et les partenaires privés évoluent dans le même contexte économique, extrêmement difficile, que les associations. La limite entre secteur lucratif et secteur associatif, notamment en matière d’accompagnement fiscal, est un sujet extrêmement sensible. À cet égard, il me semble difficile, à terme, de traiter de la même manière une entreprise du secteur lucratif et une association dont le fondement est la loi de 1901.

    Le rapport préconise également la création de congés. Or les entreprises survivent dans un contexte européen et mondial, et la mesure risque de charger un peu plus la barque, même si je reconnais, pour m’être engagé personnellement dans ma circonscription, que ce sont très souvent les mêmes – présidents, vice-présidents, trésoriers, secrétaires – qui portent leur association depuis des années, faute de volontaires pour remplir ces fonctions.

    Enfin, le rapport recommande d’assouplir le dispositif de pré-majorité associative, pour l’abaisser à douze ans. L’intention est louable, car une vraie demande s’exprime, comme je peux le constater depuis quinze ans dans la ville dont je suis maire. Néanmoins, se posent la question de la responsabilité et celle de la possible manipulation des mineurs par des adultes.

    M. Régis Juanico. Je remercie toutes les personnes qui ont participé à ce travail collectif d’une grande richesse.

    Nous partageons le constat selon lequel la vie associative en France – enviée par d’autres pays – est un bien précieux qui doit être préservé. Le rapport a le mérite de décrire non seulement les difficultés du monde associatif, mais aussi de démontrer le dynamisme de ce secteur.

    Il rappelle, en effet, que plus de 71 000 associations ont été créées entre septembre 2013 et août 2014, niveau proche du record de 2008 avec 73 000 créations d’associations.

    Il souligne, ensuite, le poids économique du secteur, avec 1,8 million de salariés en 2012, mais surtout une progression de l’emploi associatif par rapport à l’emploi privé de près de 25 % entre 2000 et 2010. Même si la légère régression observée depuis appelle à la vigilance.

    Le rapport présente, en outre, des tableaux qui montrent que les dépenses fiscales au titre des dons effectués par les particuliers et les entreprises sont passées de 900 millions d’euros en 2005 à environ 2,5 milliards d’euros en 2015, soit une progression de près de 60 % de la générosité publique. Ainsi, les réductions d’impôt constituent une réponse apportée par les pouvoirs publics aux difficultés de financement auxquelles sont confrontées les associations.

    Même si elles n’appellent pas le même degré d’expertise, toutes les propositions formulées dans ce rapport recueillent mon approbation. Celui-ci s’inscrit d’ailleurs dans la continuité des autres rapports, celui d’Yves Blein sur la simplification, celui que j’ai rédigé avec mes collègues Guedj, Grandguillaume et Blein sur la fiscalité du secteur privé non lucratif, mais aussi le rapport d’information de Pierre Morange en 2008 sur la gouvernance et le financement des structures associatives. De ce travail global, nous gagnerions à constituer une sorte de comité de suivi commun, car plusieurs propositions se recoupent, en particulier celle sur le dossier unique de financement et la dématérialisation. De la même manière, nous pourrions ajouter à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République comme compétence partagée le financement de la vie associative, au même titre que le sport, la culture et le tourisme.

    Au titre de la simplification, nous créerons sans doute à l’horizon 2015 une autorité administrative indépendante dite de « simplification » qui pourrait regrouper le conseil de la simplification pour les entreprises et le conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales. Le Haut conseil à la vie associative pourrait jouer un rôle d’alerte sur l’impact des textes réglementaires ou législatifs qui touchent de près ou de loin à la vie associative, en particulier sur le poids des normes juridiques susceptibles d’être adoptées par le Parlement.

    Sur la fiscalité, le rapport est parfaitement clair sur la problématique du CICE, mais aussi sur le versement transport, pour lequel j’espère que nous trouverons une rédaction dans le deuxième projet de loi de finances rectificatives pour 2014. Les seuils de lucrativité n’ont pas été relevés par l’amendement adopté au projet de loi de finances pour 2015, mais ils ont été indexés sur l’inflation, pour la première fois à partir de l’an prochain ; ils augmenteront donc très légèrement chaque année. Je ne sais pas si nous pourrons aller plus loin. Quant à la notion d’« excédents raisonnables », nous nous sommes heurtés à des arguments juridiques très forts dans le cadre de la loi ESS ; il nous faudra y revenir pour trouver une traduction législative.

    Je me réjouis de la reconnaissance de l’engagement associatif et du bénévolat. Cela devra nous amener à proposer un texte sur le congé d’engagement bénévole et l’exercice des responsabilités associatives. En réponse à Frédéric Reiss et Martial Saddier, je dirai que le pacte de responsabilité doit s’appliquer dans les deux sens : les salariés, eux aussi, doivent se voir reconnaître des droits, a fortiori si ceux-ci profitent à la vie associative.

    Enfin, les recommandations sur la pré-majorité associative et le volontariat associatif des jeunes sont très intéressantes. Le Président de la République a fixé un objectif de 100 000 volontaires pour le service civique en 2017, tout en souhaitant une réflexion sur un service universel de quelques mois sous forme d’engagement associatif des jeunes. À nous de réfléchir à cette piste sur le volontariat associatif pour les moins de vingt-cinq ans – celui des plus de vingt-cinq ans faisant l’objet d’une disposition dans la loi ESS.

    M. Jean-René Marsac. À mon tour, je tiens à féliciter madame la rapporteure et monsieur le président pour la qualité de leur rapport.

    Le rapport propose de saisir le Haut conseil à la vie associative de divers sujets. Encore faut-il savoir comment les avis de ce Haut conseil sont eux-mêmes pris en compte, car l’on sait que nombre d’avis structurés, construits de manière démocratique, participative, par diverses instances ne sont pas suivis d’effet. Il faudrait donc savoir quels maillons permettraient un suivi du travail parlementaire.

    Le rapport propose également la création d’un congé pour l’exercice de responsabilités associatives. C’est une piste intéressante. Il faut vraiment se mobiliser d’urgence autour de ces processus que sont le service civique, le travail avec les établissements scolaires, etc. qui peuvent permettre d’assurer la relève des dirigeants associatifs tant dans les petites que dans les grandes associations.

    Le rapport évoque la vie fédérative, mais peut-être pas suffisamment. Cette interface est nécessaire si l’on veut la co-construction des politiques publiques entre les collectivités territoriales, l’État et les associations.

    Ces dernières années, on a peut-être un peu technicisé l’accompagnement des associations. Le DLA est un bon dispositif ; j’y ai contribué il y a une dizaine d’années. C’est une approche technicienne, qui est nécessaire ; elle peut aussi travailler sur le projet associatif, même si, quelquefois, on voit plutôt les DLA pointer vers des aspects plus précis, plus gestionnaires. Si l’on veut que la vie associative garde son rôle d’interface et de dialogue entre la société civile et la puissance publique, il faut que la dimension stratégique et politique des associations, y compris de leurs fédérations, soit clairement affirmée. Or je ne suis pas certain que ce soit cette orientation qui soit retenue aujourd’hui.

    Le rapport considère que les fonctionnaires et les élus doivent s’imprégner de la culture associative et que des modules d’immersion et de découverte de la vie associative devraient être intégrés à la formation initiale et continue des fonctionnaires de l’État et territoriaux. Je pense que le rapport de la commission d’enquête contribuera fortement à faire connaître la culture associative. Encore faut-il savoir comment assurer le « service après-vente » de ce rapport, de façon qu’il continue à nourrir le débat public. Peut-être pourrait-on le porter collectivement, comme on l’a fait pendant la durée de la commission d’enquête, c’est-à-dire travailler à la fois au sein du Parlement et sur le terrain pour continuer de faire évoluer le regard que l’on porte sur le monde associatif et travailler avec lui.

    Je ne reviendrai pas sur les problèmes fiscaux, sur le CICE, sur les distorsions de concurrence qui sont de plus en plus prégnantes dans les secteurs où les associations opèrent avec le secteur lucratif. Cette concurrence est normale, saine. On a dit que les associations ont parfois des difficultés à se considérer comme des acteurs économiques ; il faut qu’elles acceptent d’entrer dans cette logique de concurrence et qu’elles mettent en avant la valeur ajoutée qu’elles apportent par rapport à un système lucratif. Il faut qu’elles rappellent que leur objectif n’est pas la rentabilité du capital et qu’il y a une co-construction avec les citoyens. S’agissant des services aux personnes, les clients sont en même temps des acteurs de la vie associative. C’est un point très important, qu’une société lucrative ne peut pas apporter.

    Hier matin, le groupe d’études « Économie sociale et solidaire », que je préside, a rencontré les représentants de la Caisse des dépôts et consignations et de la BPI. Cet échange a montré qu’il reste encore du travail à faire en matière de financements innovants. Je ne sais pas comment l’Assemblée nationale peut se saisir de cette question majeure, mais sachant qu’elle est déjà évoquée dans la loi ESS et dans nombre de rapports qui ont été faits ces derniers temps sur ce sujet, le travail devrait se poursuivre.

    Le dernier point que je souhaite évoquer concerne les demandeurs d’emploi. Les cadres qui ont eu des responsabilités importantes au sein d’une entreprise et qui, à cinquante ou cinquante-cinq ans, sont au chômage et ne parviennent pas à retrouver du travail constituent une énergie disponible, ils ont des compétences mobilisables. L’investissement associatif, la prise de responsabilités associatives doivent être intégrés dans un parcours d’insertion et acceptés par Pôle Emploi. Certains proposent des dispositifs d’insertion parfois complexes, très administrés, qui ne correspondent pas aux motivations des personnes, alors que l’on dispose là d’une ressource humaine considérable, capable de se mobiliser pour le secteur associatif.

    M. Yannick Favennec. Je voudrais tout d’abord vous faire part de la satisfaction du groupe UDI d’avoir pu participer aux travaux de cette commission d’enquête et insister sur la qualité des auditions qui ont été menées et les rencontres sur le terrain. Je tiens à féliciter madame la rapporteure et monsieur le président ainsi que les administrateurs qui ont contribué à la rédaction de ce rapport.

    Le groupe UDI considère que ce rapport va dans le bon sens et qu’il propose de bonnes mesures, même si elles sont parfois très générales et qu’elles manquent de précision. Je suis convaincu que la mesure phare qui sera reprise par les médias et le monde associatif concerne le congé d’engagement, qui constitue une marque de reconnaissance. Mais je suis un peu dubitatif quant à sa mise en œuvre. Le principe est bon, mais il faudra être vigilant sur la façon dont cette mesure sera appliquée et perçue par le monde de l’entreprise. Je ne peux pas m’empêcher d’établir un parallèle avec les difficultés que rencontrent les sapeurs-pompiers volontaires, notamment dans les territoires ruraux, les entreprises hésitant à les recruter pour toutes les raisons que l’on imagine. Il ne faudrait pas que le congé d’engagement constitue un frein à l’embauche de responsables associatifs ou à la promotion au sein de l’entreprise. Aussi, la mise en œuvre de cette mesure requiert-elle une expertise approfondie, comme l’ont dit certains de mes collègues, et il faudra sans doute dresser un bilan de son application, si tant est qu’elle se concrétise.

    Comme vient de le dire Jean-René Marsac, le « service après-vente » de ce rapport est très important. Comment seront mises en œuvre ses différentes recommandations, et dans quel délai ? Le monde associatif a besoin rapidement de réponses, notamment en ce qui concerne le renouvellement de ses dirigeants.

    Le rapport prévoit d’ouvrir aux mineurs de douze ans la possibilité de créer et de réaliser certains actes de gestion courante d’une association. Douze ans, c’est peut-être un peu tôt. Je ne suis pas certain que l’on soit capable d’assumer ce genre de responsabilité à cet âge.

    J’espère que ce rapport ne finira pas au fond d’un tiroir, comme ce fut le destin de nombre de rapports parlementaires.

    M. Jean-Noël Carpentier. Monsieur le président, nous avons bien fait de créer une commission d’enquête sur le monde associatif. Je tenais à saluer votre initiative en la matière et à remercier notre rapporteure ainsi que l’administration, qui est toujours formidable.

    Nous avons bien fait, car le monde associatif est depuis longtemps une « pépite » pour la nation, et plus encore en temps de crise, lorsque la vie est difficile, lorsque les liens sociaux se distendent, lorsqu’on a l’impression que l’individualisme submerge tout. Ce rapport montre qu’il y a des facteurs d’optimisme, il donne un sens à la société d’aujourd’hui. L’économie, ce n’est pas simplement les déficits et les comptes publics – même si c’est important. C’est aussi un engagement humain, du dynamisme. Ce rapport s’inscrit pleinement dans la continuité de la loi ESS.

    Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP votera ce rapport avec enthousiasme.

    La première recommandation de ce rapport est de conforter la place des associations dans la cité. Cela montre bien qu’il y a des fondements auxquels il ne faut pas toucher.

    Les associations ont évoqué les lourdeurs administratives, leurs difficultés de trésorerie et ont insisté sur la reconnaissance du monde associatif. Les propositions que nous faisons permettent de répondre à quelques-unes de leurs demandes, parfois très concrètes.

    J’aurais souhaité que le rapport prête une attention toute particulière aux toutes petites associations qui font un maillage dans nos quartiers, dans nos communes. Elles jouent un rôle important dans la vie locale. Parfois, elles ne demandent pas de subventions. À nous de leur démontrer que ce rapport les concerne également.

    On s’est demandé s’il fallait ou non élaborer un statut du bénévole. Je crois que l’on a maintenant dépassé ce débat. La proposition qui consiste à créer un congé d’engagement de six jours est très importante et va dans le sens de la reconnaissance du bénévolat. Certains diront peut-être que cette mesure va coûter cher, mais il faut savoir ce que l’on veut ! Les associations constituent-elles une plus-value pour notre société ? Si c’est le cas, les entreprises peuvent apporter leur contribution. On peut très bien imaginer que cette proposition s’intègre dans les contreparties du CICE…

    Il faut vraiment insister sur la mobilisation des collectivités territoriales en faveur du monde associatif. Elles le font déjà puisque ce sont elles qui sont aux premières loges, mais il faut leur rappeler que les associations sont un pilier fondamental de la gestion publique. Tout cela doit se faire, bien sûr, dans le respect de l’identité des uns et des autres.

    Je suis tout à fait d’accord avec ceux qui estiment qu’un comité de suivi est nécessaire, mais je ne sais pas sous quelle forme. Cela nous permettrait peut-être de concrétiser rapidement certaines des propositions du rapport. Monsieur le président, peut-être pourrions-nous aussi déposer une proposition de loi collective.

    M. Michel Lesage. À mon tour, je tiens à me réjouir du résultat de ce travail collectif et à remercier le président et la rapporteure de notre commission d’enquête pour la richesse de ce rapport. Le monde associatif constitue un enjeu important pour notre société et pour l’animation de nos territoires. Malheureusement, comme le montre le rapport, l’engagement citoyen régresse, alors qu’il constitue un élément fondamental.

    Les enjeux sont bien précisés, notamment en termes de ressources humaines et de ressources financières. Personnellement, je trouve que certaines propositions sont intéressantes et pertinentes.

    L’une des difficultés majeures du monde associatif est le renouvellement des responsables associatifs. Les élus locaux que nous sommes ou que nous avons été savent bien que c’est un enjeu important. Les associations doivent faire face, de plus en plus, à des problèmes juridiques de règles, de normes. Notre rapport indique que le rapport d’Yves Blein a fait des propositions intéressantes en matière de simplification. Il serait intéressant de se réapproprier ses réflexions pour essayer de les décliner concrètement.

    Il faut favoriser l’engagement bénévole et citoyen. En la matière, se pose la question de la disponibilité. C’est la raison pour laquelle je trouve que la création d’un congé d’engagement pour l’exercice de responsabilités associatives est une bonne proposition. Le rapport propose nombre de dispositions à caractère national. Or, l’on sait que la richesse associative est sur les territoires. Comment favoriser l’engagement citoyen, notamment dans les grandes structures d’intérêt général, mais aussi, très concrètement, dans les associations locales qui font vivre et qui animent nos territoires ? Une déclinaison territoriale serait intéressante, même si l’on sait que c’est plus compliqué. Il convient que les parlementaires que nous sommes réfléchissent à la manière dont on peut démultiplier sur le terrain les actions que nous proposons au plan national.

    L’engagement des jeunes est important. Assouplir le dispositif de pré-majorité associative pour les mineurs de quinze ans est une bonne proposition. Le rapport recommande également d’ouvrir à des mineurs de douze ans la possibilité de créer et de réaliser certains actes de gestion courante d’une association. Peut-être pourrait-on envisager la création de binômes adulte-jeune. Le bureau d’une association pourrait ainsi être constitué d’adultes et de mineurs. Il y a là une piste intéressante. J’ai essayé de le faire dans ma commune, mais ce n’est pas facile. En effet, comment inciter les associations à le faire ? Les juniors associations permettent à des jeunes de s’impliquer collectivement sur un projet ponctuel tout en ayant des assurances et des garanties juridiques. Cet outil existe déjà mais il est peu utilisé. Comment faire en sorte que les territoires, les acteurs de terrain, utilisent et mobilisent ces outils qui existent déjà, même si ceux-ci méritent d’être améliorés et perfectionnés ?

    Le rapport recommande aussi de se saisir et de s’approprier davantage la Charte d’engagements réciproques entre l’État, le Mouvement associatif et les collectivités territoriales. Peut-être pourra-t-on par la suite préciser comment. L’idée me paraît intéressante, mais a-t-on diagnostiqué les raisons pour lesquelles elle n’est pas assez appropriée ? Comment lever les freins de sa sous-utilisation ? Il faudrait donc faire en sorte que cette charte soit mieux connue, en tout cas mieux utilisée au service du développement associatif.

    J’ai parlé également de l’implication des jeunes. Le fonds d’aide à l’initiative des jeunes est un outil important. C’est sur le terrain que l’on peut agir. Des conseils généraux, par exemple, ont doublé le fonds que les collectivités mettaient en place pour aider les jeunes. Cela ne coûte pas très cher et permet d’aider un jeune ou un groupe de jeunes à monter des projets ponctuels. Ces fonds d’aide à l’initiative des jeunes concourent à la prise de responsabilités et à l’engagement citoyen. Comme ce sont généralement des projets ou des microprojets collectifs, on s’inscrit déjà dans la démarche de l’engagement bénévole pour une cause intéressante ou pour l’animation d’un territoire.

    Je le répète, toutes les mesures proposées sont à caractère national. Il faudra voir comment les décliner dans les territoires et démultiplier toutes les bonnes. Reste à savoir comment assurer un suivi de ces propositions pour qu’elles deviennent opérationnelles, efficaces, et pour que nous puissions agir concrètement sur quelques points bien ciblés.

    Mme Bernadette Laclais. Monsieur le président, madame la rapporteure, je me joins à mes collègues pour vous remercier pour ce rapport et je tiens à féliciter les administrateurs de notre commission d’enquête.

    Monsieur Favennec pense que la mesure phare qui sera retenue par les médias est la création du congé d’engagement. Pour ma part, j’espère que la proposition qui vise à mettre en place un fonds de soutien à la trésorerie des associations en lien avec la Caisse des dépôts et consignations recevra un écho tout aussi important et, surtout, qu’elle sera suivie d’effet. Il y a là un outil simple à mettre en place pour les associations qui rencontrent des difficultés. La Caisse des dépôts a la possibilité de le faire sans que cela ne lui pose des problèmes majeurs, tant financiers que techniques. Je me permets d’insister sur cette disposition, qui ne nécessite vraiment pas beaucoup d’éléments juridiques.

    Le rapport apporte des données chiffrées, ce qui casse certaines idées reçues sur la place qu’occupent les très grandes associations. On voit bien que ce sont les associations de taille moyenne qui sont les partenaires quotidiens de nos concitoyens et de nos collectivités.

    Peut-être n’ai-je pas assez insisté sur le fait que l’association reste un formidable creuset pour notre population. C’est en pratiquant des activités dans des associations que nos enfants côtoient d’autres enfants que ceux de l’école. Les associations permettent un brassage de population très bénéfique pour notre société. C’est un outil de cohésion sociale et de meilleure compréhension des cultures, de lutte contre les inégalités.

    Faire participer un enfant dès qu’il le peut à la vie d’une association, lui accorder des responsabilités graduées, c’est lui donner, dans la durée, plus de chances de s’y intéresser toute sa vie. Je ne sais pas quel est l’âge de raison, quel âge il faut retenir. L’idée d’un binôme est très intéressante. C’est surtout une manière de le sensibiliser et, plus encore, peut-être, de sensibiliser ses parents. Combien de parents utilisent l’association seulement comme un « service public » ? Quand on assiste à des assemblées générales, à des lotos, à des repas, on s’aperçoit que ce sont toujours les mêmes parents qui sont impliqués, qui participent à ces moments de convivialité. On a peut-être là l’occasion d’élargir, par l’intermédiaire des enfants, le champ des adultes qui s’intéresseraient au monde associatif. Ce sont, en effet, très souvent les enfants qui sont les moteurs de nouvelles découvertes, dans la famille.

    Il faut faire confiance aux jeunes et leur donner des responsabilités qui correspondent à leur âge. Les associer dès que possible à la vie associative constitue une très belle initiative.

    M. Jean-René Marsac. Monsieur le président, j’aimerais avoir des précisions sur la proposition de création d’un Institut des administrateurs associatifs.

    Mme Françoise Dumas, rapporteure. Il faut permettre aux administrateurs d’être formés, pour favoriser l’émergence de nouvelles responsabilités et les engager dans une démarche innovante. Lorsque la gouvernance est plus solide, il est plus facile de s’engager dans l’avenir et de susciter d’autres vocations pour renouveler les conseils d’administration.

    Monsieur le président, je tenais à remercier les administrateurs pour leur très grande disponibilité et pour la qualité de leurs écrits. Je salue aussi l’ensemble de mes collègues pour leur implication. C’est une grande aventure que nous avons menée, les uns et les autres. Pour ma part, c’était une première en tant que députée. On sent bien, à travers vos réflexions, qu’il faut continuer à faire évoluer la vie associative à travers sa jeunesse. Des expériences ont déjà été menées par le Réseau national des juniors associations. C’est la raison pour laquelle nous avons retenu l’âge de douze ans. Mais, bien sûr, l’engagement d’un mineur doit se faire en fonction de ses capacités. En tout cas, tout ce qui permettra aux jeunes de participer très tôt à la vie citoyenne aura des effets par la suite. On voit que nombre de nos concitoyens regrettent la disparition du service militaire dans ce qu’il pouvait apporter en termes de cohésion sociale. En tout cas, il permettait aux jeunes de se rencontrer. Le fait d’impliquer les enfants très jeunes dans la associative est aussi un moyen de leur faire découvrir d’autres milieux sociaux, d’autres façons de vivre et de partager la citoyenneté.

    Vous avez tous parlé du congé d’engagement. C’est une piste qu’il faudra suivre de très près. Vous avez également tous insisté sur la nécessité de suivre, d’une manière ou d’une autre, les recommandations du rapport. Des travaux de grande qualité ont été réalisés à quelques mois d’intervalle. Ils vont tous dans le même sens et ils doivent trouver une forme de déclinaison dans la loi ESS. Je vous propose d’assurer – de façon tout à fait informelle car on ne pourra pas faire autrement – un comité de suivi et d’évaluation de ces propositions. Cette petite cellule de veille permettrait d’avoir un regard sur l’actualité juridique qui se profile avec la réforme territoriale et la future loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, de voir comment sont déclinées les mesures de la loi ESS ainsi que les promesses du Président de la République et du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, celui-ci nous ayant affirmé que d’ici à la fin de l’année, il serait répondu à un certain nombre de nos attentes. Il nous faut donc peut-être organiser une petite cellule de veille entre nous. En tout cas, je crois beaucoup à ce travail de relais qui est aussi le reflet de la vie associative. Mettre en œuvre collectivement des initiatives qui permettent d’avancer et de proposer un avenir meilleur à nos concitoyens me paraît être une bonne idée.

    M. le président Alain Bocquet. Mes chers collègues, il appartient maintenant aux parlementaires que vous êtes et à vos groupes respectifs d’essayer de faire vivre sur le terrain ce rapport parlementaire. Nous offrons au monde associatif un miroir dont il peut s’emparer, qu’il peut faire vivre et utiliser comme un moyen d’action, de revendication, le cas échéant, pour faire avancer le dossier. Une cellule de veille un peu informelle peut être utile. Elle nous permettrait de veiller au grain. Par ailleurs, vous savez qu’une commission d’enquête peut, dans l’année qui suit la remise de son rapport, demander qu’un débat soit organisé sur le sujet. Et un groupe peut toujours demander un débat.

    Enfin, je dois vous dire le bonheur que j’ai eu de présider cette commission. Il y a encore quelques semaines, je doutais que nous soyons capables de faire des propositions, car nous en étions encore à poser le diagnostic. Les cinquante-cinq recommandations que nous faisons confortent les autres travaux parlementaires qui ont été réalisés sur le sujet. Comme l’a dit Jean-Noël Carpentier, on a bien fait de créer cette commission d’enquête !

    Cela fait quelques années que je suis dans cette maison, mais, ayant présidé un groupe, j’ai dû m’occuper davantage de mes collègues députés – surtout ceux qui sont turbulents – que du travail parlementaire. Après avoir été libéré de ma présidence, j’ai eu la chance de participer à une commission d’enquête sur la sidérurgie et à une autre sur l’industrie ferroviaire française. Je peux vous dire que c’est l’une des tâches de député qui me plaît le plus, qui est la plus enrichissante, la plus productive, et très gratifiante d’un point de vue intellectuel. Dans les trois cas, on a toujours abouti à un consensus. Je tiens à remercier tous mes collègues, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, d’avoir pu construire ce travail commun. Il nous appartient collectivement. À chacun de le faire vivre, en apportant sa contribution et ses nuances. En tout cas, j’ai bien compris que vous étiez tous d’accord pour l’adopter et je vous en remercie.

    La commission d’enquête adopte le rapport à l’unanimité.

    La séance est levée à dix heures trente-cinq.

Membres présents ou excusés

    Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social.

    Réunion du 20 novembre 2014 à 9 h 05

    Présents. – M. Alain Bocquet, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec, M. Régis Juanico, Mme Bernadette Laclais, M. Michel Lesage, M. Jean-René Marsac, M. Frédéric Reiss, M. Martial Saddier.

    Excusés. – M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Pierre Decool.