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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION
Mercredi 25 juillet 2012
La séance est ouverte à dix heures.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
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La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’audition de Mme Anne-Marie Couderc, présidente de Presstalis, accompagnée de M. Vincent Rey, directeur général, et de M. Christian Carisey, directeur des relations institutionnelles, sur la situation et les perspectives de Presstalis.
M. le président Patrick Bloche. Nous accueillons Mme Anne-Marie Couderc, présidente de Presstalis, accompagnée de M. Vincent Rey, directeur général, et de M. Christian Carisey, directeur des relations institutionnelles.
La société Presstalis entre dans une séquence complexe. Lors de la précédente législature, notre Commission a déjà eu à connaître de ce dossier et nous n’ignorons pas la situation tendue à laquelle vous êtes confrontés. Je vous remercie, à cet égard, de votre disponibilité.
Diverses procédures étant en cours, vous avez légitimement souhaité que cette audition ne soit pas ouverte à la presse. Mais il est important que la représentation nationale vous entende pour s’informer avec précision de la situation actuelle de votre société et, au-delà, des difficultés de la distribution de la presse écrite dans notre pays.
Mme Anne-Marie Couderc, présidente de Presstalis. Je remercie votre Commission d’avoir organisé cette audition. Comme vous l’avez souligné, monsieur le président, notre calendrier actuel est très tendu. Depuis deux ans, j’ai régulièrement tenu la représentation nationale informée des évolutions et des difficultés de ce dossier. À un moment crucial pour l’avenir de la distribution de la presse, cette nouvelle rencontre me paraît tout à fait pertinente.
Dans quelques jours, la profession, les éditeurs et l’État prendront une décision essentielle dont dépendra la pérennité de l’exploitation de Presstalis. En effet, le mandat ad hoc que nous avions demandé et qui a fait l’objet de plusieurs renouvellements depuis son commencement en décembre 2011, s’achève le 30 juillet, c'est-à-dire lundi prochain. Si, d’ici là, nous ne trouvons pas les conditions d’un accord entre les parties, en particulier pour le financement des restructurations nécessaires, nous devrons nous en remettre à la décision du président du tribunal de commerce de Paris. Ces dernières semaines, nous avons certes obtenu des moratoires sur certains paiements. La situation n’en est pas moins critique.
Nous sommes dans une phase de discussion intense avec les autres parties. Demain matin, notre conseil d’administration devrait adopter certaines orientations avant que nous ne rencontrions les organisations syndicales l’après-midi. Nous pourrons ensuite indiquer au président du tribunal de commerce de Paris si nous avons trouvé un accord – auquel cas il prendra la décision qui lui paraîtra légitime – ou si nous sommes dans une impasse. Quelle que soit l’issue, les enjeux sont tellement lourds que la représentation nationale sera forcément concernée. Il est important que les députés soient informés, et je vous remercie d’avoir accepté ce huis clos.
« Presstalis » est la nouvelle dénomination des Nouvelles messageries de la presse parisienne, les NMPP, créées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour assurer la distribution impartiale des journaux quelles que soient les opinions politiques exprimées. La loi du 2 avril 1947, dite loi Bichet, inscrit le système de la distribution de la presse en France dans un cadre coopératif. À l’origine, il s’agissait principalement de la distribution des quotidiens, puis les magazines se sont intégrés dans ce réseau.
Aujourd'hui, la société Presstalis est reconnue comme l’acteur dominant de la distribution de la presse écrite vendue au numéro en France. Elle distribue 100 % des quotidiens nationaux, 70 à 75 % des magazines et la totalité des journaux et magazines étrangers vendus sur le territoire.
Il existe un deuxième opérateur, les Messageries lyonnaises de presse (MLP), nées également au lendemain de la Seconde Guerre mondiale – mais avec une emprise plus locale – et soumises à la même législation. Le fait que les MLP se soient érigées, à partir des années 1990, en concurrent des NMPP est une des sources de nos difficultés. Autant le système fonctionnait bien lorsque les deux messageries menaient leurs activités en bonne coordination, autant la situation est devenue compliquée depuis qu’une démarche de concurrence a été adoptée.
Cela étant, les principales difficultés de Presstalis ont pour origine l’évolution même de la société française, confrontée à la multiplication des voies d’information et des moyens de distribution. L’arrivée de l’internet et des nouvelles technologies a changé en profondeur le mode de consommation de l’information et du divertissement. En outre, les éditeurs investissent beaucoup, depuis une vingtaine d’années, pour fidéliser leurs lecteurs via des abonnements acheminés par voie postale. Considérant que cet acheminement répond pour partie à une mission de service public, l’État accorde une aide à La Poste, tout comme il reconnaît la mission de service public assurée par Presstalis, unique messagerie assurant la distribution des quotidiens en France. Mais la politique d’encouragement à l’abonnement et le développement du portage qui s’en est suivi ont évidemment nuit à la vente au numéro.
À ces données structurelles s’ajoutent le retournement dramatique du contexte économique en 2008-2009 et l’effondrement des ventes au numéro. Dans le même temps, moyennant une concurrence de plus en plus agressive, l’autre messagerie – qui n’a pas les mêmes charges – nous soustrait la distribution de plusieurs magazines.
À la fin de 2009, la situation de Presstalis est extrêmement préoccupante, d’autant que l’actionnaire de référence depuis l’origine, Hachette, manifeste sa détermination à sortir du capital. Après un long conflit, les éditeurs et le groupe Lagardère – dont Hachette est une filiale –, conviennent, sous l’égide de l’État, d’un protocole de sortie de Lagardère. Des financements sont prévus, en contrepartie desquels la société s’engage à se réformer pour redresser sa situation financière et faire face à la crise économique. Sur la base du rapport commandé à l’inspecteur des finances Bruno Mettling, la société met en place un plan dont le terme est fixé au mois de juin 2011. Je suis pour ma part appelée en août 2010 pour mener à bien l’exécution de ce protocole d’accord. Avec Vincent Rey, nous conduisons les réformes convenues et l’actionnaire de référence sort à la fin de juin 2011. Presstalis devient la propriété exclusive des éditeurs, comme l’est d’ailleurs son concurrent.
À cette même date, je suis sollicitée par les éditeurs pour rester à la tête de la société car, chemin faisant, nous nous sommes rendu compte que les baisses structurelles du marché rendent indispensable une réflexion de fond non seulement sur Presstalis, mais sur l’ensemble de la filière de la distribution de la presse écrite. Le dispositif industriel mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale s’est réduit mais n’a jamais changé de structure. Il n’est plus adapté à ce contexte radicalement différent.
En juillet 2011, donc, nous commençons à travailler à un plan stratégique de grande envergure pour rationaliser le secteur et lui permettre de se pérenniser en s’adaptant à une baisse tendancielle de volume dont on ne voit pas, aujourd'hui encore, quand elle prendra fin.
Sans compter ses filiales de distribution de la presse française à l’étranger, la société Presstalis emploie 2 500 personnes en France. Son activité est celle d’un gestionnaire de flux logistiques, informationnels – de statistiques notamment – et financiers. Au départ de l’imprimerie ou, pour les magazines, du brocheur, nous devons assurer la distribution dans les 29 500 points de vente répartis sur l’ensemble du territoire.
Les enjeux logistiques sont très différents pour les quotidiens et pour les magazines. La plupart des quotidiens sortent de l’imprimerie – il y a une vingtaine de lieux d’impression en France – vers 2 heures du matin et doivent être livrés chez le diffuseur à 6 heures 30. Le flux est très tendu. Entre 500 et 550 camionnettes sillonnent le pays la nuit durant, faisant face à tous les aléas imaginables. Pour les magazines, on est plus dans une logistique de volume : selon que l’on est au début, au milieu ou à la fin de la semaine, ces volumes connaissent d’importantes variations et nous devons nous y adapter.
Les imprimés transitent par des dépôts implantés dans beaucoup de vos circonscriptions. L’argent effectue un circuit inverse puisque nous fonctionnons selon un système de ducroire : nous le collectons chez le diffuseur, nous le remontons au niveau des dépôts, nous payons le diffuseur et le dépositaire, puis nous redonnons la part restante à l’éditeur. Aussi nos difficultés ne se traduisent-elles pas par une dette bancaire mais par une dette auprès des éditeurs, vis-à-vis desquels la messagerie est mandataire ducroire. Les éditeurs sont tout à la fois nos actionnaires, nos clients et nos créanciers.
Nous restons propriétaires de 45 dépôts – après en avoir vendu quelques-uns –. sur les 147 que nous utilisons aujourd'hui. Comme nous sommes, historiquement, la messagerie qui a structuré le réseau, ces 45 implantations couvrent toutes les grandes agglomérations françaises et tous les points stratégiques de distribution. Elles alimentent plus de la moitié des diffuseurs de presse. J’ajoute que la messagerie concurrente, qui distribue essentiellement des magazines, passe par le même réseau de dépôts. Les flux en provenance de Presstalis et ceux en provenance des MLP se croisent donc à ce niveau pour aboutir chez les mêmes diffuseurs. Par voie de conséquence, dès que l’un des acteurs se porte mal, il fragilise l’autre. C’est un aspect non négligeable de la situation où se trouve la filière.
Par parenthèse, les MLP sont propriétaires d’une vingtaine de dépôts et ont pris des participations chez un certain nombre de dépositaires indépendants. Il faut savoir que les dépositaires sont souvent de petites entreprises familiales. Compte tenu de la situation économique de la presse et de la baisse de la vente au numéro, beaucoup se trouvent très fragilisés, voire déjà en situation de déficit. Il y a deux ans, nous avions souligné que le nombre des dépôts était trop important au regard de la capacité économique susceptible de les alimenter et qu’il était souhaitable de le ramener à 110. Malheureusement, le rythme de cette réduction n’a pas été très soutenu. Cela s’explique fort bien : si les deux messageries propriétaires de dépôts peuvent procéder à des rationalisations, ce n’est pas le cas des indépendants. Il arrive qu’une des messageries les rachète ou noue un partenariat, mais la plupart d’entre eux se contentent de gérer au mieux l’entreprise dans ce contexte difficile.
J’en viens au schéma industriel.
Alors que le rapport Mettling se fondait sur une prévision de baisse de la vente au numéro de 4 à 5 % par an, nous avons été confrontés à une chute beaucoup plus brutale, d’environ 10 % pour la seule année 2010. L’analyse des tendances et l’observation de la situation dans les pays étrangers nous ont conduits à prévoir dans notre plan stratégique une baisse de l’activité de 25 % en quatre ans, ce qui se révèle aujourd'hui presque optimiste tant le transfert vers l’activité numérique est rapide, en particulier pour les quotidiens, et tant la distribution physique est coûteuse. Si Presstalis est en difficulté, c’est que les éditeurs n’ont pas les moyens de payer le coût de leur distribution.
Ce sont les contraintes liées aux quotidiens qui grèvent le plus notre société. Tous les éditeurs de quotidiens nationaux sont en situation délicate et ils ne peuvent payer le vrai prix de la distribution. L’aide que l’État apporte depuis un certain temps dans ce domaine ne compense pas les coûts que nous supportons.
Certains de ces coûts sont de nature historique : comme le rapport Mettling le soulignait déjà, la messagerie est ancienne, elle a créé le réseau existant et en a assumé tous les surcoûts sociaux. À l’instar des sociétés d’impression des quotidiens, nous avons des salariés bénéficiant du statut très particulier d’ouvrier du livre, contrôlé par le Syndicat général du livre. La convention collective régissant ce statut est à l’origine d’un réel surcoût social, de même, d’ailleurs, que les conditions de travail en général : travail de nuit, travail sept jours sur sept, y compris les jours fériés.
L’année dernière, la représentation nationale a voté un aménagement de la loi Bichet qui s’est révélé très positif, même si l’expérience que nous venons de vivre conduira sans doute à y revenir. Cette modification confère la personnalité morale au Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) – l’instance chargée de gérer le système particulier formé par les deux messageries qui distribuent la presse en France – et accroît ses pouvoirs. Elle crée également une Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), qui a notamment pour mission de rendre exécutoires les décisions prises par le Conseil supérieur. C’est ainsi que l’affrontement très dur entre les deux messageries s’est quelque peu apaisé.
Cela étant, tous les professionnels reconnaissent aujourd'hui qu’ils ont sous-estimé les difficultés auxquels ils seraient confrontés. Ils se rallient en général à ce que préconisait en 2009 le président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, à savoir une organisation unique de régulation, plus efficace et plus indépendante par rapport à la profession. Dans le dispositif actuel, l’Autorité de régulation joue un rôle très juridique et ses décisions sont sujettes à recours, alors que le contexte exige une action rapide. Je pense donc que nous reviendrons vers vous pour traiter de ces sujets.
Mais l’important était que la profession se mette en mouvement. Sous l’égide du Conseil supérieur des messageries et de l’Autorité de régulation, plusieurs études ont été menées. Le cabinet Kurt Salmon vient de remettre un rapport sur l’organisation des dépôts et leur évolution possible. Une consultation publique a été lancée sur les bases de ses conclusions. Le Conseil supérieur se prononcera à la fin de la semaine. Les éditeurs et les messageries ont mené une réflexion en profondeur sur cette évolution, sachant que celle-ci peut conduire à des restructurations ayant des conséquences sociales lourdes sur l’ensemble du territoire.
En 2009, M. Lasserre avait également relevé une distorsion de concurrence entre les deux messageries au détriment de l’acteur majeur. Dans le système de péréquation interne à Presstalis, en effet, les éditeurs de presse magazine paient pour la distribution de la presse quotidienne à raison de leur propre situation. Le but de ceux qui ont choisi, dans les derniers mois, de passer à la société concurrente était de sortir ce système. C’est pourquoi M. Lasserre proposait d’étendre la péréquation à l’ensemble de la profession. Celle-ci s’est saisie du dossier et a commandé une étude assez complexe au cabinet Mazars. Selon les conclusions du rapport, soumises également à consultation publique, les surcoûts historiques et sociaux qui grèvent Presstalis pour la seule distribution des quotidiens s’élèvent à environ 26 millions d’euros, et cette charge devrait être répartie au lieu de peser seulement sur les éditeurs clients de notre société. Nous verrons jusqu’où nous pourrons aller, mais la démarche est saine.
Compte tenu du rôle structurant de Presstalis et de l’imbrication des flux, tous les acteurs du système estiment qu’une défaillance serait un cataclysme. La société entraînerait son concurrent dans sa chute, on assisterait à des dépôts de bilan en chaîne chez les dépositaires. Et l’on sait combien est précaire la situation des diffuseurs. On sait moins, en revanche, qu’une kyrielle de petits transporteurs vit de notre activité, très importante donc pour les territoires. Le président du tribunal de commerce de Paris a très bien perçu cet aspect.
Quant aux éditeurs, ils ont pris conscience que, même si tous les regards se tournent aujourd'hui vers Presstalis, c’est la totalité de la filière qui est en jeu. Ils travaillent désormais ensemble et j’ai bon espoir qu’ils trouvent dès l’automne des solutions complémentaires au plan stratégique de Presstalis.
M. Vincent Rey, directeur général de Presstalis. Les résultats chiffrés sont malheureusement récurrents depuis trois ans : les pertes du groupe, en résultat d’exploitation, se situent entre 15 et 25 millions d’euros chaque année. La chute des volumes – 10 % en 2010 et à peu près la même chose en 2011 – se traduit par une perte annuelle de 25 millions d’euros, tandis que les plans de réduction de coûts menés à tous les niveaux permettent de dégager annuellement 25 millions d’euros d’économies.
Le plan que nous avons élaboré en 2011 n’est pas un simple plan de réduction des coûts, c’est un véritable plan de réorganisation industrielle qui s’organise autour de cinq axes.
Premièrement, l’optimisation du groupage dans le segment situé entre les imprimeries et les dépôts régionaux en utilisant les moyens modernes de la logistique et de la messagerie. Notre expertise interne en la matière est réelle : il s’agit de la rendre plus efficace.
Deuxièmement, la distribution parisienne, où se concentre une grande part de nos pertes – 15 millions sur les 20 millions d’euros de pertes l’année dernière. La restructuration importante réalisée à la fin de 2010 a permis de diviser par deux ce déficit, mais notre activité à Paris reste très déficitaire du fait des spécificités de la logistique dans cette ville et de l’insuffisance de la rémunération des services logistiques qui y opèrent. Il est impératif de revenir rapidement à l’équilibre.
Troisièmement, les 147 dépôts, évoqués par Anne-Marie Couderc. À ce niveau, notre démarche s’inscrit dans le schéma directeur conçu avec le CSMP : il s’agit non seulement de réduire le nombre de dépôts – le Conseil évoque un objectif de 99 plateformes et de 63 mandats de dépôt, contre 140 mandats aujourd'hui et à peu près autant de plateformes –, mais aussi d’opérer une réorganisation industrielle. Presstalis devra ainsi organiser des plateformes régionales afin de massifier et de mutualiser les flux, seul moyen de compenser la baisse des volumes.
Quatrièmement, la « décomplexification » du siège. Depuis des dizaines d’années, dans un contexte financier moins lourd, Presstalis a adapté ses fonctions support aux demandes diverses et variées des éditeurs, si bien que la structure est aujourd'hui très complexe et très coûteuse. Il y a donc tout un travail de réingénierie à mener avec les éditeurs qui devront, de leur côté, adapter leur cahier des charges qui a peu évolué au cours des dernières années.
Cinquièmement, trouver des relais de croissance. Il s’agit d’optimiser nos ressources – transport et dépôt – pour gérer d’autres activités. Nous nous sommes par exemple engagés en 2009 dans le web marchand. S’agissant de la livraison des colis dans les points de collecte ou dans des points de diffusion de la presse servant de points relais, nous pouvons développer des synergies très intéressantes. Nous nous heurtons cependant à des difficultés : notre situation depuis six mois et l’écho médiatique qu’elle reçoit font que Presstalis est, pour l’instant, devenue plutôt un repoussoir pour les opérateurs.
Lors de la rencontre que nous aurons demain avec les partenaires sociaux, nous dresserons des perspectives tout en rappelant le détail de ces axes ainsi que l’impact social de ce plan stratégique.
Les deux phases de sa mise en œuvre s’échelonneront du second semestre 2012 à 2014. Nous engagerons les négociations avec les partenaires dès le mois de septembre.
Mme Anne-Marie Couderc. La restructuration aura en effet des impacts sociaux et un coût. M. Gérard Rameix a remis le 3 juillet le rapport que le précédent gouvernement lui avait commandé sur ce plan de restructuration et sur les conditions de son financement. Selon ses conclusions, que nous ne connaissons pas toutes puisque M. Rameix ne nous a rien dit de ce que pourrait être l’aide de l’État, il appartient aux éditeurs de couvrir les pertes d’exploitation le temps de la mise en œuvre de la restructuration. Mais la restructuration de Presstalis et de la filière dépasse les capacités financières des acteurs. Estimant que le dépôt de bilan serait une mauvaise solution, M. Rameix recommande un accompagnement par les pouvoirs publics. Les discussions, je l’ai dit, se poursuivent cette semaine pour tenter d’aboutir à un protocole d’accord entre l’État, les éditeurs et les deux messageries. Le Premier ministre a chargé un inspecteur des finances, M. Jacques Le Pape, de mener les négociations pour le compte du Gouvernement.
M. Rameix avait également suggéré de dérouler le plan en deux étapes : une première étape en 2012-2013 puis une seconde en 2014-2015. Cela se justifie par l’urgence de la situation : sans 25 à 30 millions d’euros d’économies immédiates, nous ne pouvons absorber les effets de la baisse du marché. Nous avons cependant indiqué que le retour à l’équilibre d’exploitation, prévu pour 2014-2015, rend impératif d’engager la deuxième étape. Si l’on déconnectait les mesures d’urgence pour 2012-2013 de la phase ultérieure, on aurait en définitive fourni beaucoup d’efforts et dépensé beaucoup d’argent pour se retrouver dans une impasse au début de 2014 !
Nous sommes bien conscients de la situation actuelle des finances publiques, mais l’enjeu est d’importance : il s’agit de permettre à la filière de continuer d’exister en accueillant d’autres produits que la presse et en mettant en valeur ses savoir-faire en matière de flux complexes et de réseaux de proximité.
M. Michel Françaix. Votre présentation, madame la présidente, résume bien la situation et met en évidence les anomalies à corriger.
Chaque année, en effet, une action intelligente sur les coûts permet de régler une partie des problèmes, mais cette résorption a lieu avec deux ans de retard et ce décalage s’accentue.
Pour l’État, il est difficile d’aider à la fois La Poste, le portage et la distribution assurée par les messageries : s’il apporte un soutien plus important à l’un, c’est au détriment de l’autre, et il en résulte encore plus de complexité. Il faudra donc faire la clarté sur nos objectifs. Force est de constater, chers collègues de l’opposition, que les États généraux de la presse écrite n’ont pas permis de faire avancer la réflexion en ce domaine !
Le statut coopératif des messageries de presse, issu de la Résistance, vise à permettre la distribution de tous les journaux, petits et grands, et à établir un prix moyen pour cette distribution, déficitaire pour certaines publications mais bénéficiaire pour d’autres. Depuis, une concurrence forte entre deux messageries s’est fait jour et l’État l’a acceptée. Comme toujours en pareil cas, un des acteurs, dynamique et intelligent, s’est emparé de ce qui était profitable, laissant le reste à l’autre. Les MLP font valoir qu’elles arrivent à s’en sortir avec souplesse en ne s’occupant pas des quotidiens. Ont-elles, pour autant, abandonné toute agressivité commerciale ? Sauf erreur de ma part, elles ont obtenu assez récemment la distribution de grands magazines. Tous les rapports recommandent aux deux messageries de travailler ensemble. Si les acteurs acquiescent tout en continuant à faire l’inverse, nous allons au-devant de sérieuses difficultés !
Autre problème, celui des grossistes, qu’ils soient à votre charge, à celle de votre concurrent, ou qu’ils soient indépendants. Leur nombre est passé de 1 000 il y a vingt ans à environ 150 aujourd'hui. Il en faudrait, dites-vous, 95, voire 60 selon certains rapports, et ce en deux ans. Qui paiera les pots cassés ? L’État ? Ou doit-on considérer qu’il s’agit d’un aspect de la politique menée par les distributeurs ?
Découvrirons-nous, au détour d’un rapport, qu’il serait opportun de ne conserver que la moitié des 2 500 salariés de Presstalis ? Est-il possible de l’éviter ? Dans l’hypothèse inverse, revient-il aux pouvoirs publics de prendre en charge un tel coût social ?
Par ailleurs, vous avez peu évoqué le troisième niveau, celui des kiosquiers ou des marchands de journaux qui continuent à travailler 364 jours sur 365. Si l’on réduit le nombre de grossistes, seront-ils toujours livrés à temps ? Il ne faut pas s’étonner que des retards – j’en constate déjà chez certains marchands – favorisent le portage ou l’achat direct chez d’autres commerçants, où l’on ne trouve plus que le journal régional le plus important et, éventuellement, deux ou trois autres publications. Paris Turf peut s’acheter au PMU…
Mais la vraie question est la suivante : qu’attendez-vous de l’État le 30 juillet, et quelle part reviendra aux éditeurs dans la restructuration ? Pour ma part, j’ai une réponse : tout éditeur qui ne perd pas d’argent dans le système de distribution n’a plus vocation à recevoir les aides à la presse. En 1945, celles-ci étaient conçues comme des aides au lecteur citoyen. Dès lors qu’un éditeur ou un distributeur « reprend ses billes » et compte gagner de l’argent grâce à la distribution, il devient une entreprise comme les autres. C’est son droit, mais il ne peut prétendre à une partie du milliard d’euros destiné avant tout à la presse citoyenne.
Peut-être Presstalis et les MLP commencent-elles à travailler ensemble, mais cela ne va pas assez vite ! Par ailleurs, comment être sûr que certains éditeurs ne continuent pas à accentuer vos difficultés en jouant au plus malin ?
M. Christian Kert. Il faut d’abord féliciter Anne-Marie Couderc d’avoir accepté cette mission pour laquelle, j’imagine, on ne se bousculait pas au portillon !
Comme elle l’a bien exposé, la situation de Presstalis est très tendue. Une faillite de la société aurait un impact très grave sur l’ensemble de la filière, qu’il s’agisse des éditeurs, des dépositaires ou des 29 000 diffuseurs répartis sur l’ensemble du territoire. Les MLP pourraient considérer cette faillite comme l’occasion de faire disparaître certains titres au bénéfice de certains autres. Nous ne pouvons accepter ce risque.
J’en viens à mes questions.
La vente au numéro, avez-vous dit, connaît une baisse structurelle. Les baisses de 7 à 10 % constatées ces dernières années vont-elles se poursuivre ou avons-nous atteint un plateau qui autoriserait une approche plus optimiste ?
Les tarifs attractifs que proposent les MLP s’inscrivent-ils toujours dans le cadre d’une concurrence loyale ? N’est-il pas anormal qu’un titre comme Le Point quitte Presstalis ?
Si le moment est venu de mettre tous les acteurs autour de la table pour discuter d’un nouveau modèle économique pour Presstalis, ne conviendrait-il pas que notre Commission soit représentée, par son président par exemple ? Souhaitez-vous qu’une telle discussion s’engage ? L’État a certes des responsabilités, mais on ne peut lui demander d’être le seul garant. Il appartient aux éditeurs de s’engager en faveur de leurs messageries.
Au-delà des préconisations des rapports remis par M. Rameix et par les cabinets Mazars et Kurt Salmon, êtes-vous parvenus à dégager deux ou trois pistes qu’une table ronde autour de Presstalis pourrait reprendre à son compte ?
Je partage enfin l’inquiétude de Michel Françaix. Avez-vous estimé le nombre de postes susceptibles d’être menacés à l’occasion, sinon d’un plan social, du moins d’une restructuration ?
Mme Marie-George Buffet. Vous avez bien souligné, madame la présidente, les enjeux cruciaux pour Presstalis, ses salariés mais aussi tous les emplois induits de la filière. Mais au-delà, la défaillance de Presstalis menacerait le pluralisme même de la presse car dans la foulée, plusieurs titres disparaîtraient.
Les MLP concurrencent Presstalis, alors que la filière aurait besoin de péréquation, de coopération et de régulation. Certains éditeurs profitent de cette concurrence entre les deux messageries, au détriment des quotidiens nationaux, donc de la presse citoyenne. Vous avez évoqué une concurrence « anormale ». Pourquoi ne pas aller jusqu’à parler de concurrence déloyale ? Le CSMP avait proposé un gel des transferts de titres et une péréquation des coûts entre Presstalis et les MLP. Où en est-on ? Quelles pourraient être les conséquences pour l’emploi de la restructuration interne de Presstalis ? La vraie solution ne consisterait-elle pas à regrouper les deux messageries afin de mettre un terme à cette concurrence fatale ? L’expérience, le savoir-faire, les moyens techniques et humains, le maillage territorial de chacune d’entre elles pourraient ainsi profiter à l’ensemble de la filière.
Nous nous étions à l’époque beaucoup interrogés sur l’accroissement de l’aide au portage. Est-il envisageable, comme le proposent certaines organisations syndicales, que Presstalis – ou la future coopérative unique – s’engage directement sur le sujet du portage ?
M. Thierry Braillard. J’ai du mal à comprendre certains points. Certes, c’est un esprit coopératif qui anime Presstalis mais, que je sache, elle a désormais le statut de société à actions simplifiées. Elle obéit donc aux règles du droit commercial. Comment dès lors parler, comme notre collègue Marie-George Buffet, de concurrence déloyale ? Il faudrait préalablement, à tout le moins, avoir entendu aussi les MLP.
Est-ce un plan de sauvegarde de l’emploi qui sera lancé en septembre au sein de Presstalis, avec toutes les procédures prévues par le livre IV du code du travail ? Si oui, pourriez-vous nous en dire davantage, à moins que, pour diverses raisons, vous ne souhaitiez pas vous exprimer sur ce point ?
Comment expliquez-vous que les MLP, qui ne couvrent certes que 20 % du marché contre 80 % pour Presstalis, dégagent des bénéfices alors que celle-ci accumule les pertes ?
M. Marcel Rogemont. Je fais miens les propos de Michel Françaix sur les aides de l’État et leurs objectifs, qu’il conviendrait de clarifier.
On pouvait lire dans un article des Echos début juillet : « L’objectif des éditeurs est de parvenir à un accord sur les grands principes d’un tel schéma, histoire de montrer aux pouvoirs publics que la profession est capable de se mobiliser pour assurer la pérennité du système et de les convaincre de participer au financement de sa restructuration. » Alors que la profession travaille pour se sortir de la situation, comment se fait-il qu’autant de personnalités aient été ou soient requises pour tenter de trouver des solutions ? C’est à croire que, contrairement à ce que laisse penser l’article, les éditeurs ne font pas leur travail ! Le cabinet Mazars propose, dans son rapport, de créer un fonds de péréquation. Six à sept millions d’euros pourraient être dégagés par ce biais. Mais le déficit de Presstalis s’établissant au moins à 20 millions d’euros, le trou serait encore de 13 millions. Le regroupement des deux messageries en une seule entité à lui seul ne réglerait donc pas le problème. Votre poste, madame Couderc, est-il donc en CDD ou en CDI ? Comment faire pour que vous puissiez exercer votre fonction avec des perspectives plus sereines ?
M. Paul Salen. Le médiateur national du crédit, M. Rameix, a formulé des recommandations afin de pérenniser l’activité de Presstalis. Où en est-on de la possible augmentation de capital de sept millions d’euros qui a été préconisée ? On imagine bien qu’une telle somme ne peut être apportée sans certaines garanties que des réformes structurelles seront engagées.
Cela m’amène à ma deuxième question. Un autre rapport, commandé par le CSMP, envisage de réduire le nombre de dépôts, avec nécessairement des licenciements à la clé. Quel rôle doivent, selon vous, jouer les pouvoirs publics dans la mise en œuvre de ce qui sera bien un plan social ? Doivent-ils aller au-delà des responsabilités prévues par la loi ? Jusqu’où et pour quel coût ? On ne peut en faire abstraction compte tenu de la situation des finances publiques.
Certains titres ont quitté Presstalis pour les MLP. Que comptez-vous faire pour, à l’avenir, mieux conserver vos clients, voire reconquérir ceux qui sont partis chez le concurrent ?
M. Patrick Hetzel. Nous avons bien compris à quels problèmes, de trésorerie notamment, était confrontée Presstalis à court terme. Je souhaiterais, pour ma part, vous interroger sur les perspectives de la société à moyen et long terme. De nouveaux marchés peuvent-ils apporter une solution durable ? Où en est le projet de logistique urbaine mutualisée durable, dit LUMD, qui pourrait être mené avec d’autres transporteurs ? La réflexion a-t-elle progressé sur ces deux points au cours des derniers mois ?
Mme Colette Langlade. J’ai bien entendu que Presstalis devait revenir à l’équilibre d’exploitation à l’horizon 2014-2015 et qu’il y avait urgence pour 2012 et 2013. La société ne peut continuer d’accumuler 25 millions d’euros de pertes par an, déficit que la distribution parisienne explique à elle seule à hauteur de 15 millions. La réorganisation et la mutualisation que vous appelez de vos vœux auront inévitablement un coût social. Pourriez-vous nous le préciser ?
Élue d’une circonscription rurale, je souhaiterais insister sur le rôle-clé de la distribution des quotidiens nationaux et des magazines dans certains bassins de vie, où elle participe aussi du lien social.
M. Guénhaël Huet. Tout ce que vous avez dit, madame la présidente, monsieur le directeur général, ne manque pas de nous inquiéter sur l’avenir de la presse française en général. La concurrence des MLP crée des difficultés à Presstalis mais Presstalis n’est-elle pas victime des décennies de monopole dont avaient profité les NMPP ? Le poids de l’histoire a joué dans la situation actuelle. Il semble que l’on ait pendant longtemps, pour des raisons politiques, joué avec le feu dans la distribution de la presse.
Mme Anne-Marie Couderc. Presstalis et les MLP sont à la fois des coopératives et des sociétés commerciales. Vous avez raison, Presstalis est une société à actions simplifiées, si bien qu’elle obéit tout à fait normalement aux règles du droit commercial et du droit de la concurrence. La spécificité, c’est que cette société commerciale est détenue à 100 % par deux coopératives, l’une de quotidiens, l’autre de magazines – on est passé de huit à deux après les réformes de l’année dernière – et que le statut coopératif s’impose dans la vie de la société. Les MLP, elles, sont détenues par une seule coopérative. L’autre spécificité, qui vaut pour les deux messageries, est que les éditeurs sont à la fois actionnaires et clients : ce sont eux qui fixent le prix auquel sont rendus les services.
La principale différence entre les MLP et Presstalis tient à l’histoire. Ce sont les NMPP qui ont structuré l’ensemble du réseau et créé l’ossature de ses systèmes informatiques. Les MLP s’appuient aujourd’hui sur Presstalis pour l’informatique. Cette donnée historique explique que le poids social soit aujourd’hui plus lourd pour Presstalis
Si les prix et les barèmes des MLP peuvent être plus compétitifs que ceux de Presstalis, c’est que les MLP n’assurent pas la distribution de la presse quotidienne, dont les contraintes sont bien supérieures à celle des magazines, et privilégient les magazines à forte valeur ajoutée. Chez Presstalis, l’exploitation des magazines a pendant des années compensé le déficit de la branche quotidiens, la péréquation s’effectuant de manière indolore.
En même temps que chutaient les ventes au numéro, les MLP ont commencé à se livrer à une concurrence très agressive – je ne dis pas que cette concurrence est illégitime. Depuis 2010 notamment, où nous étions dans une situation très fragile, cette concurrence est devenue féroce. Elle s’est encore exacerbée en 2011 et Presstalis a été totalement déstabilisée par le départ de nombreux titres.
La source des difficultés est la possibilité accordée aux éditeurs de passer d’une messagerie à l’autre avec, jusqu’à il y a peu, un préavis de trois mois seulement. L’Autorité de la concurrence a toujours interdit à Presstalis de conduire une politique commerciale offensive, à l’instar de celle des MLP, au motif qu’elle est l’acteur dominant du secteur. Mais elle reconnaît aussi que Presstalis est victime d’une distorsion de concurrence, du fait qu’elle assure seule la distribution des quotidiens. D’où l’idée d’une péréquation reposant sur la totalité des éditeurs, et non plus seulement les clients de Presstalis qui, de fait, se trouvent pénalisés s’ils jouent le jeu. En effet, ceux qui nous quittent, en même temps qu’ils trouvent un service moins cher aux MLP, s’affranchissent de la péréquation à l’égard de la presse quotidienne, dévoyant le système coopératif originel.
Un autre problème est que les éditeurs d’une messagerie de presse ayant l’obligation d’adhérer à la coopérative, il arrive que certains soient adhérents à la fois de Presstalis et des MLP, ce qui peut aboutir à d’étranges situations. En effet, s’ils sont administrateurs, ils ont accès à l’intégralité de la comptabilité des deux coopératives. C’est un point que la représentation nationale devra traiter.
Estimant la filière en danger, le CSMP a décidé de geler les transferts. L’Autorité de régulation, estimant qu’elle n’avait pas les moyens juridiques de décider un gel, n’a pas rendu exécutoire la décision du Conseil, si bien que les titres ont continué de partir. Invoquant les règles du droit commercial, nous avons exigé que le délai de préavis soit allongé. Le Conseil supérieur nous a entendus et a fixé un délai plus long, fonction de l’ancienneté de l’adhésion à la coopérative, décision cette fois rendue immédiatement exécutoire. Et aujourd’hui, les délais de préavis sont plus équilibrés. Cela étant, le mal était fait. Les départs avaient considérablement aggravé notre déficit d’exploitation et nous n’étions plus loin de la cessation de paiement. L’ensemble des éditeurs, quelle que soit la coopérative à laquelle ils adhèrent, ont toutefois pris conscience que la défaillance de l’acteur principal entraînerait presque à coup sûr celle de l’autre.
M. Vincent Rey. Il convient donc en effet de souligner que Presstalis a en permanence une dette d’environ 30 millions d’euros vis-à-vis des MLP.
Mme Anne-Marie Couderc. Les éditeurs ont alors commencé à réfléchir ensemble aux perspectives de moyen terme, étant entendu que les ventes au numéro continuent de baisser. On s’attend dans les quatre années à venir à une nouvelle diminution de 25 %, avec la possibilité qu’elle soit encore plus forte pour les quotidiens, où le basculement pourrait s’accélérer vers les éditions numériques. Les conséquences en seraient extrêmement lourdes pour l’ensemble de la filière, et Presstalis en particulier, vu l’importance de nos coûts fixes. En effet, les véhicules de livraison roulent, quel que soit le nombre d’exemplaires qu’ils transportent, et les contraintes horaires demeurent les mêmes. Nous cherchons donc, en lien avec les éditeurs, à anticiper une situation qui pourrait devenir encore plus critique. La réflexion commune engagée par les éditeurs a calmé le jeu entre Presstalis et les MLP.
La restructuration qui va devoir être menée dans les quatre prochaines années aura bien sûr une lourde incidence sur les effectifs de Presstalis. Plusieurs centaines de personnes pourraient être concernées par phases successives et le nombre total parfois avancé de neuf cents à mille personnes pourrait ne pas être faux. Tout dépend des hypothèses retenues et du traitement qui sera apporté localement dans les dépôts. Des réformes importantes seront nécessaires, notamment en région parisienne où il faudra regrouper des centres aujourd’hui dispersés. Les conséquences sociales en seront lourdes.
Comme l’a montré le rapport Rameix, la restructuration nécessaire est si importante qu’elle dépasse la capacité financière des acteurs, tant des éditeurs que des dépositaires. Un accompagnement de l’État, sous des formes restant à définir, est indispensable. Nous avions nous-mêmes fait des propositions, dont nous ne savons pas si elles seront ou non retenues.
Les éditeurs ont, quant à eux, pris conscience qu’ils devraient faire leur affaire des pertes intercalaires, qu’il faudra procéder à une augmentation de capital, accepter un point de barème supplémentaire pendant toute la période concernée, mettre en œuvre une péréquation au sein de Presstalis mais aussi des MLP… Nous examinons les engagements qu’ils pourraient prendre parallèlement à l’État.
L’un des grands oubliés est le réseau des diffuseurs. À une époque où la situation était moins dramatique, on avait envisagé qu’une partie des économies générées aux premier et deuxième niveaux profitent aux diffuseurs, dont la santé n’était pas florissante. Ce n’est, hélas, plus d’actualité. Les diffuseurs de presse jouent pourtant un rôle essentiel en matière de lien social et d’aménagement du territoire, notamment dans les banlieues et en milieu rural. La desserte de certains d’entre eux représente aujourd’hui un coût énorme pour les éditeurs : l’exemplaire vendu ne permet pas toujours de payer son transport ! Toute la question est de savoir qui doit supporter le coût de cette capillarité, aussi nécessaire pour les éditeurs que pour certains territoires déjà défavorisés, mais qui pourraient l’être encore davantage si demain la presse n’y était plus distribuée. C’est là un sujet à soi seul, non traité aujourd’hui, dont devra débattre la profession et se saisir la représentation nationale.
M. Vincent Rey. Les possibles relais de croissance constituent le cinquième axe de notre plan stratégique. Dans un contexte de baisse des volumes, l’objectif doit être la mutualisation. Nous avons signé récemment avec un important opérateur un accord portant sur le multimédia, les DVD, les jeux et jouets… qui, acheminés dans nos dépôts, peuvent l’être ensuite jusqu’aux points de vente presse. C’est une activité que nous gérons depuis longtemps et à laquelle nous essayons, avec les professionnels, d’insuffler une dynamique nouvelle.
Un deuxième axe est de valoriser notre savoir-faire en matière de logistique, de gestion de flux complexes en zone fortement urbanisée. Vous avez cité le projet LUMD, pour lequel Presstalis a travaillé en 2010-2011 en collaboration avec des universités, des sociétés de services en ingénierie informatique et des entreprises de logistique. Les études sont maintenant achevées. Nous attendons que le projet entre dans sa phase opérationnelle.
L’idée est de mutualiser l’ensemble au travers d’une base de données et d’un système intelligent mettant en relation les donneurs de fret et les transporteurs. C’est déjà la pratique au niveau de chaque entreprise de transport. Nous souhaiterions, nous, le proposer à l’échelle des agglomérations ou pourquoi pas, de l’ensemble du territoire. Beaucoup d’entrepôts en périphérie des villes ne sont qu’à moitié remplis. Il en va de même des camionnettes qui sillonnent chaque jour les centres villes, chaque jour plus nombreuses du fait des livraisons d’articles achetés en ligne. L’enjeu est donc à la fois économique et écologique. Nous travaillons depuis plusieurs mois sur le sujet à Strasbourg. Nous développons des contacts à Nantes.
La situation générale de Presstalis est, hélas, peu propice au développement de ces nouvelles activités. D’une part, nous manquons de fonds pour développer les systèmes d’information qui seraient nécessaires. D’autre part, il faut bien reconnaître que le management a eu d’autres préoccupations ces derniers temps. Ces projets n’en restent pas moins très porteurs à moyen terme.
Mme Anne-Marie Couderc. Notre plan stratégique a été élaboré à l’horizon de quatre ans. Mais on ne pourra faire l’économie d’une réflexion de fond sur la distribution de la presse en France. Si Presstalis passe l’échéance de fin juillet, ce que je souhaite de tout cœur, il faut que nous puissions nous pencher à l’automne sur plusieurs scénarios en fonction des évolutions économiques car, je l’ai dit, la chute des ventes au numéro n’est pas endiguée. Une réflexion globale s’impose, associant tous les acteurs. Les enjeux sociaux et financiers sont tels que les décisions ne pourront être prises qu’en lien avec la représentation nationale et les pouvoirs publics.
Les éditeurs sont au travail et, comme nous, étudient différentes hypothèses. Il faudra au final mettre en commun le fruit de ces réflexions. On se trouve au confluent du droit de la presse, du droit commercial, du droit coopératif, du droit de la concurrence… qui ne font pas nécessairement bon ménage. Des évolutions sont nécessaires, nous le disons au législateur. Il n’est pas possible par exemple aujourd’hui de faire entrer dans une société de distribution de presse d’autres opérateurs que des éditeurs de presse, alors que certains adossements pourraient être utiles.
De même, ne faut-il pas se reposer la question de la fusion des deux messageries ? Les équipes de Presstalis réfléchissent avec celles des MLP aux meilleures formes de coopération et de mutualisation afin de diminuer les coûts. C’est nous qui mettons à disposition de l’ensemble de la profession le système informatique. Nous n’avons pas les moyens de le rénover à hauteur de ce qui serait nécessaire. Tous les acteurs ne doivent-ils pas participer à cette rénovation ? Ce qui, soit dit au passage, ne limiterait en rien la compétition qu’ils peuvent se livrer.
Il faut sans tarder aborder les pistes à moyen et long terme car les enjeux sont cruciaux. La presse doit en effet demeurer disponible sous toutes ses formes, numérique et papier.
M. Marcel Rogemont. Si je puis me permettre une dernière question, quel est votre sentiment plus général, madame la présidente, sur l’avenir de l’ensemble de la filière ? Celle-ci a-t-elle même encore un avenir ? Les véhicules de livraison ne sont qu’à moitié remplis, avez-vous dit, mais attention à ce que d’autres transporteurs n’essaient pas, eux, de vous prendre votre travail !
Mme Anne-Marie Couderc. Si nous ne pensions pas que la filière a un avenir, nous ne nous battrions pas comme nous le faisons aujourd’hui pour essayer de trouver des solutions. Cet avenir passe par des restructurations douloureuses. Si nous parvenons à l’échelle de la filière à rationaliser et mutualiser tout ce qui peut l’être, ce qui permettra des économies d’échelle, nous pourrons ensuite tirer parti de notre valeur ajoutée propre. Presstalis n’est en effet pas un logisticien comme un autre. Tous ne savent pas gérer un réseau de proximité ni des flux complexes logistiques, informationnels et financiers. Nous pourrons valoriser nos savoir-faire, lesquels sont d’ailleurs reconnus. Ce n’est pas un hasard si nous avons été retenus pour le projet LUMD.
M. Vincent Rey. Presstalis possède une expertise unique de gestion de flux complexes et de logistique urbaine. En revanche, son organisation industrielle ne s’est pas adaptée. Vous avez raison, des messageries qui aujourd’hui ne transportent pas de presse pourraient à l’avenir nous concurrencer. Elles se sont effet davantage modernisées que nous, notamment en matière de systèmes d’information, lesquels sont le nerf de la guerre. Sur ce point, il nous faudrait impérativement investir, pour d’une part exercer mieux et à moindre coût notre métier, d’autre part nous orienter vers des relais de croissance. C’est difficile dans le contexte actuel où nous manquons de fonds.
M. le président Patrick Bloche. Madame la présidente, monsieur le directeur général, je vous remercie. Puisque vous nous avez invités à discuter de nouveau de la situation de Presstalis et de la distribution de la presse en général, je suggère que la présentation du rapport budgétaire pour avis de notre collègue Michel Françaix sur les crédits de la presse nous en donne l’occasion à l’automne. Le diagnostic a été posé. Reste à mobiliser les différents acteurs pour apporter les bons remèdes et permettre à Presstalis de continuer à assurer ses missions de service public.
La séance est levée à douze heures.
——fpfp——
Informations relatives à la Commission
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné :
– M. Michel Françaix pour siéger au conseil d’administration de Radio-France ;
– M. Patrick Bloche pour siéger au conseil d’administration de France Télévisions ;
– Mme Martine Martinel pour siéger au conseil d’administration de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ;
– M. Marcel Rogemont pour siéger au conseil d’administration du Centre national du cinéma et de l’image animée ;
– M. Jean-Pierre Le Roch pour siéger au conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ;
– M. Michel Herbillon et M. Michel Pouzol pour siéger au comité de suivi de la loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques ;
– M. Vincent Feltesse et M. Christian Kert pour siéger au comité de suivi de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné les membres de la mission d’information, commune avec la Commission des affaires sociales, sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques :
Groupe politique | |
M. Christian Kert, président |
UMP |
M. Patrick Bloche |
SRC |
Mme Marie-Odile Bouillé |
SRC |
M. Hervé Féron |
SRC |
Mme Martine Martinel |
SRC |
M. Michel Pouzol |
SRC |
M. Marcel Rogemont |
SRC |
Mme Virginie Duby-Muller |
UMP |
M. Dominique Le Mèner |
UMP |
M. Franck Riester |
UMP |
Mme Marie-George Buffet |
GDR |
M. Thierry Braillard |
RRDP |
Présences en réunion
Réunion du mercredi 25 juillet 2012 à 10 heures
Présents. – M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Luc Belot, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Malek Boutih, M. Thierry Braillard, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Isabelle Bruneau, Mme Marie-George Buffet, M. Ary Chalus, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Yves Daniel, Mme Sophie Dessus, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, Mme Françoise Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Mathieu Hanotin, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Pierre Léautey, M. Dominique Le Mèner, Mme Lucette Lousteau, M. Jean-Philippe Mallé, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, Mme Dolores Roqué, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont
Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, Mme Sonia Lagarde, M. Jean Jacques Vlody
Assistait également à la réunion. – M. Vincent Feltesse