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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mardi 25 septembre 2012

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 11

Coprésidence de M. Patrick Bloche, président et de M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire puis de M. Dominique Baert, vice-président

– Audition, ouverte à la presse, commune avec la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, de M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions en 2011

Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 25 septembre 2012

La séance est ouverte à seize heures trente.

(coprésidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission et de M.  Gilles Carrez, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, puis de M.  Dominique Baert, vice-président)

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La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’audition, commune avec la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, de M. Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions en 2011.

M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Mes chers collègues, nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui M. Rémy Pflimlin, président de France Télévisions, pour l’entendre sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens du groupe.

Je rappelle que, depuis 2000, un contrat d’objectifs et de moyens (COM) doit être conclu entre l’État et les sociétés et établissements de l’audiovisuel public. Le dernier COM liant l’État et le groupe France Télévisions fixe les grandes orientations pour la période 2011-2015, qu’il s’agisse du renforcement de l’attractivité des chaînes à l’égard de tous les publics, du financement de la création, du développement du numérique ou de l’achèvement de l’entreprise commune du point de vue social et organisationnel.

Pour chacune de ces cinq années, les ressources publiques inscrites dans ce COM s’élèvent à 2,5 milliards d’euros – un peu plus de 2 milliards au titre de la redevance, le reste sous forme de dotation budgétaire. Ce montant très important justifie une attention particulière du Parlement.

Compte tenu du contexte économique, il faut malheureusement s’attendre pour 2012 et 2013 à une baisse des recettes publicitaires par rapport aux prévisions – baisse qui risque de se chiffrer à plusieurs dizaines de millions d’euros. Attendez-vous, monsieur le président Pflimlin, qu’elle soit compensée par un surcroît de recettes publiques, ou bien avez-vous l’intention de couvrir ce manque à gagner par des économies supplémentaires ? À moins encore que vous n’envisagiez de recréer un déficit dont on ne sait d’ailleurs pas très bien comment il serait financé ?

S’agissant de la politique de l’emploi dans l’entreprise, pouvez-vous nous apporter des précisions sur le niveau de la masse salariale, sur la stabilisation des effectifs et sur les gains de productivité réalisés sur les deux exercices 2011 et 2012 ?

Nous souhaiterions également des éclaircissements sur les actions menées en vue de renforcer les synergies entre les différentes entités du groupe – je pense à la mutualisation des moyens et des fonctions support. En particulier, où en est votre réflexion sur une éventuelle fusion des rédactions des chaînes ?

Enfin, comment envisagez-vous d’assumer les nouvelles missions assignées au groupe par le COM, qu’elles concernent la création du réseau Outre-mer Première ou le déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT), dans le contexte de baisse des recettes publicitaires ?

M. le président Patrick Bloche. Monsieur le président, nos deux commissions ont le plaisir de vous auditionner conjointement, comme le veut la loi, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions pour la période 2011-2015. Une lecture stricte de la loi doit théoriquement nous amener à vous entendre sur l’exercice 2011, mais je ne doute pas que vous aurez le souci de nous parler de l’exécution du COM pour les neuf premiers mois de l’année 2012.

La dotation budgétaire de l’État et la redevance audiovisuelle seront au cœur du débat budgétaire qui nous occupera dès la mi-octobre. Je m’attarderai donc surtout ici sur les recettes publicitaires. Réduites depuis la réforme de 2009 en raison de la suppression de la publicité après vingt heures, elles n’ont pas atteint le niveau initialement prévu – bien que le résultat de 2011 ait été remarquable –, en raison du contexte économique et financier, de la concurrence et d’une fragmentation de l’audience que le lancement des six nouvelles chaînes de la TNT en décembre prochain ne manquera pas d’accentuer. Ainsi, alors que certains s’étaient inquiétés en 2011 du montant artificiellement gonflé des recettes publicitaires inscrites dans le COM, nous savons aujourd’hui que les 425 millions d’euros prévus pour cette année et les 450 millions d’euros prévus pour 2015 ne seront pas atteints, loin s’en faut.

Monsieur le président, dans la lettre que vous avez adressée aujourd’hui même au personnel de France Télévisions, vous revenez sur la récente réunion du comité central d’entreprise (CCE) au cours de laquelle vous avez évoqué la nécessité « d’économies et de maîtrise de l’emploi », en insistant sur le fait que vous ne souhaitez pas utiliser le terme de « plan social », cette maîtrise de l’emploi devant passer uniquement par des « départs volontaires ». Pouvez-vous nous apporter des précisions en la matière ?

Vous exprimez également dans cette lettre votre volonté d’« amplifier la différenciation de l’identité de nos chaînes ». Or, s’agissant de la mutualisation des rédactions nationales de France 2 et de France 3, vous souhaitez évoluer à l’échéance de 2015 vers une intégration que certains appellent déjà une fusion. Qu’en est-il, monsieur le président ?

M. Rémy Pflimlin, président de France Télévisions. Messieurs les présidents, mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux de pouvoir vous rendre compte de l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens pour l’année 2011.

L’année dernière, à cette même époque, j’évoquais avec vous les perspectives tracées par un plan stratégique et par un contrat d’objectifs et de moyens que nous nous apprêtions à signer avec l’État pour cinq années à la fin novembre. L’année 2011 aura donc été la première année de sa mise en œuvre. Vous avez pu prendre connaissance du rapport relatant son exécution, dont une synthèse vous a également été remise.

La quasi-totalité de nos engagements a été tenue. Je ne les restitue pas tous ici, mais je veux insister sur quelques objectifs qui ont fait en 2011 l’objet d’un effort particulier et de résultats tangibles, parfois spectaculaires, résolument poursuivis en 2012 dans des conditions économiques, vous l’avez dit, déjà plus difficiles.

D’où sommes-nous partis et quelles sont ces avancées ?

Le COM porte un objet éditorial avant toute chose. Dans ce domaine, nous avons cherché à renforcer les identités respectives de chacune des antennes de France Télévisions, tout en nous projetant dans les territoires nouveaux et jusqu’alors sous-utilisés du numérique. Ce renforcement était crucial en 2011 pour que la télévision publique continue à fédérer, face aux modifications profondes des modes de consommation de la télévision induites par la TNT. Cette ambition s’est déclinée en termes de présence territoriale, d’investissements dans la création, dans l’information et dans le sport, ainsi que de développement de nos plus petites chaînes et, bien sûr, dans le domaine du numérique.

Notre présence territoriale, tout d’abord.

En métropole, le volume de diffusion régionale de France 3 a crû de plus de 30 %, et le coût horaire des programmes régionaux a baissé de 20 %. C’était une demande forte. Nous y avons répondu à coût maîtrisé en améliorant l’efficacité et la productivité. Vous savez l’importance de France 3 dans le lien social : nous devons certainement faire encore bien mieux et plus. Je tiens à affirmer devant vous que France 3 n’est pas un problème pour France Télévisions, mais un atout pour l’audiovisuel public et pour la France.

Outre-mer, un défi considérable a été relevé par nos équipes en à peine plus d’un an : transformer les ex-Télés Pays de RFO, dont les grilles reposaient à 80 % sur la reprise des programmes des chaînes publiques nationales. Cette reprise avait en effet perdu tout sens avec la diffusion directe de nos chaînes nationales dans tous les outre-mer depuis l’arrivée de la TNT fin 2010. Nous avons donc mis en place une programmation aux trois-quarts spécifique à ces antennes, renommées Outre-mer Première.

En matière de soutien à la création, les investissements de France Télévisions ont atteint en 2011 un niveau historique. Avec 416 millions d’euros consacrés à la production d’œuvres audiovisuelles et près de 63 millions d’euros de soutien au cinéma, cette contribution concerne plus de 60 % de la production française ! C’est ainsi tout un secteur dont l’économie, l’emploi et la production reposent sur notre groupe. Chacun devra en avoir conscience à l’heure des choix. Pour notre part, nous considérerons toujours ce rôle comme l’une de nos raisons d’être, même si nous devons être contraints de proportionner nos efforts aux moyens qui nous seront alloués à l’avenir.

En matière d’information, en 2011 et 2012, France Télévisions est redevenue le lieu du débat démocratique audiovisuel. Nous avons recréé de grandes émissions politiques qui faisaient tant défaut à notre pays, avec « Des paroles et des actes », et accueilli la parole des responsables politiques pendant presque 1 000 heures sur l’ensemble de nos antennes nationales et régionales entre janvier et mai derniers, quand nos concurrents lui allouaient quelques dizaines d’heures. En outre, nous avons fait considérablement progresser l’audience des journaux de France 2 et de France 3.

Ce rang que nous avons désormais regagné en matière d’information et de débat, nous le conquérons également sur internet et sur la téléphonie mobile. Lancée fin 2011 sur le Web, la plateforme France TV Info est désormais disponible sur l’ensemble des supports. Et d’après les mesures d’audience internet de Médiamétrie, France Télévisions est devenue cet été, devant TF1, le premier groupe audiovisuel dans l’univers des « news ».

Avec Thierry Thuillier, le directeur de l’information, et tous les journalistes des rédactions, nous engageons maintenant une nouvelle étape avec le plan « Info 2015 », qui poursuit deux finalités maîtresses : d’une part, accentuer les identités respectives des offres de chacune de nos chaînes – ce qui ne sera pas uniformiser, comme certains le prétendent – ; d’autre part, diversifier les rythmes de nos offres pour répondre aux usages numériques, projetant ainsi une organisation adaptée à notre exigence d’indépendance, de diversité et de modernité.

Le sport est également un genre essentiel, auquel le service public doit plus que jamais garantir l’accès gratuit à nos concitoyens en même temps qu’il doit couvrir la diversité des disciplines. En 2011, année non olympique, nous avons retransmis les manifestations de 26 disciplines et traité de près de 110 d’entre elles dans nos journaux et magazines. Cet été, près de 40 millions de Français ont regardé au moins une heure de programme olympique sur les chaînes publiques. Cette performance, nous la devons au talent des équipes de France Télévisions, mais aussi aux équilibres financiers de notre contrat d’objectifs et de moyens, qui nous ont jusqu’à présent permis de sécuriser les droits des plus grands événements, sans surenchère sur un marché qui s’y prête pourtant. Ce n’est pas un luxe au profit de France Télévisions, c’est la condition d’un accès gratuit pour tous à de très grands moments de cohésion nationale.

Je souhaite également m’arrêter quelques instants sur la montée en puissance en 2011 de France Ô, de France 4 et de France 5.

France Ô rend compte, vous le savez, de la culture et de l’actualité des outre-mer. Mais elle développe désormais bien plus que cela et s’intéresse notamment aux cultures européennes, africaines, américaines et indiennes qui passionnent nombre de nos concitoyens, sans oublier les cultures urbaines de nos villes. Si l’audience de cette chaîne n’est pas encore mesurée par Médiamétrie pour des raisons de coût, la qualité de ses programmes et sa contribution à la diversité ont été reconnues par la presse en 2011, ce dont nous nous réjouissons.

France 4 est devenue en 2011 le principal levier de renouvellement de notre public, alors que la TNT accélère le vieillissement des antennes dites « historiques », qu’elles soient privées ou publiques. Non seulement l’audience de la chaîne progresse fortement – de 23 % entre 2010 et 2011 –, mais elle croît plus nettement encore auprès du public qu’elle vise, avec une augmentation de 35 % auprès des 15-34 ans. Ce succès exaspère nos concurrents privés car ces résultats comptent parmi les meilleurs des chaînes de la TNT, pour un coût de grille largement inférieur à celui de ses concurrentes directes. Disons-le : France 4 a montré en 2011 la capacité d’efficacité du service public.

L’année 2011 fut aussi marquée par le succès de France 5, avec une audience en croissance de 7 % sur la dernière saison. Il s’agit là d’une inversion de tendance remarquable pour une chaîne qui connaissait une érosion mécanique, due à la poussée des nouveaux entrants de la TNT. France 5 incarne à elle seule la mission d’éducation du service public de la télévision, et nous sommes fiers d’avoir pu élargir son audience en évitant l’écueil d’une chaîne réservée aux experts.

En travaillant en 2011 à la consolidation de France 3, dont les résultats commencent à être visibles, et en maintenant le rang de France 2, notamment grâce à l’information et aux sports, nous avons poursuivi une ambition essentielle : demeurer le premier groupe audiovisuel de France, signe de la confiance des Français pour une télévision qu’ils financent directement. Avec une part de marché de 29,9 % en 2011 dans un contexte concurrentiel inédit, avec moins de chaînes, deux fois moins de moyens que la BBC et trois fois moins que la télévision publique allemande, je crois que nous y sommes parvenus sans dégrader la qualité de nos offres, comme en attestent nos mesures qualitatives.

J’ai évoqué notre succès en matière d’information sur internet. Au-delà, c’est bien la stratégie numérique globale de France Télévisions, dont le retard était unanimement pointé il y a peu, qui a pris son essor. A côté de la plateforme France TV Info dont j’ai parlé tout à l’heure, les trois quarts de nos programmes sont désormais disponibles en rattrapage, gratuitement et pour sept jours sur notre site Pluzz, sur internet comme sur les mobiles et les tablettes. En deux ans, ce service est passé de 7 à plus de 50 millions de vidéos vues chaque mois. Avant l’été, nous avons lancé Pluzz VaD afin de permettre aux utilisateurs de compléter l’offre gratuite par une offre payante. En outre, depuis avril, France Télévisions est la seule à proposer, sur Pluzz, une partie de ses programmes sous-titrés.

Ces étapes sont décisives car elles permettent aux programmes de France Télévisions, à ses marques et à sa spécificité, d’être enfin présents, visibles et valorisés, y compris commercialement, d’être au cœur des nouveaux usages adoptés par nos concitoyens, notamment par les plus jeunes d’entre eux. Cela est indispensable pour permettre à France Télévisions de maintenir sa capacité à exercer des missions de service public au sein d’univers marqués par un « hyperchoix » et par l’entrée désormais effective, via la fameuse télévision connectée, des puissants acteurs américains Apple et Google. Des univers où le meilleur doit donc redoubler d’efforts pour surnager au milieu du pire.

Telles sont les grandes lignes de ce que nous avons réalisé en 2011 en matière de programmes et de stratégie numérique.

Permettez-moi d’aborder maintenant les autres aspects de ce bilan 2011 en les reliant intimement aux évolutions récentes et aux perspectives pour 2013 dont elles sont, en réalité, indissociables.

Je commencerai par les aspects sociaux et organisationnels.

L’année 2011 et le premier semestre 2012 ont vu la construction de l’entreprise commune franchir des étapes importantes. Construction sociale, avec la signature de deux accords concernant les journalistes et le temps de travail. Construction technologique, avec la poursuite des chantiers cruciaux de convergence des outils informatiques, de gestion, de planification et d’administration du stock de programmes. Construction organisationnelle, avec la mise en place opérationnelle d’un schéma lisible redonnant sa place à chacun des collaborateurs.

Je veux le rappeler une nouvelle fois : cette entreprise continue à payer, au sens propre comme au sens figuré, l’impréparation de la fusion juridique décidée par la loi de 2009 et effective en janvier 2010. Certes, l’entreprise unique était et reste une nécessité, une évidence même dans le paysage qui est le nôtre. Mais unifier huit sociétés, cinq chaînes, et même quatorze avec celles des outre-mer, rassemblant plus de 10 000 collaborateurs, des chaînes que l’histoire a conduites à se construire en opposition les unes aux autres, demande du temps. Du temps pour négocier les statuts collectifs, pour exposer la nouvelle organisation aux instances et aux personnels, pour rapprocher et fluidifier les procédures et les outils de travail, notamment informatiques, comme pour regrouper physiquement les collaborateurs des nouveaux services communs. Si une part importante du chemin a été couverte, les bénéfices et synergies que nous en attendons ne seront visibles que lorsque la transformation sera parachevée dans tous ses volets.

Le temps audiovisuel est long, ne serait-ce qu’en raison de la durée des cycles de production des programmes. Celui d’une grande entreprise comme France Télévisions l’est plus encore, et il fut marqué à partir de 2008 par une succession de chocs qui ont profondément bouleversé son modèle et lui ont fait perdre nombre de ses repères. Ayons tous à l’esprit que la stratégie définie par le contrat d’objectifs et de moyens avec l’État, après avis du Parlement, revêtait un caractère pluriannuel, et que la proposition budgétaire dont vous serez saisis prochainement devrait provoquer un choc au moins aussi important que ceux du passé.

Sur le plan de la gestion, la trajectoire budgétaire prévue par le plan d’affaires 2011-2015 adossé au COM a été respectée. La priorité a été donnée aux dépenses de programmes, avec un coût de grille en augmentation de 2,7 % et, je le rappelle, un effort inédit en faveur de la création, alors même que nos recettes totales diminuaient de près de 1 % en valeur au cours de cette même année 2011. La maîtrise des charges hors programmes a permis à France Télévisions de parvenir à un résultat à l’équilibre.

J’en viens à présent à la question préoccupante de nos ressources.

Depuis la signature de ce COM, des éléments nouveaux, pour certains totalement inattendus, sont venus assombrir à plusieurs égards notre environnement.

En premier lieu, nous savons désormais que six nouvelles chaînes seront lancées dès décembre prochain sur la TNT, dont certaines seront en concurrence frontale dans leurs intentions éditoriales avec nos chaînes publiques. Rappelons qu’un acteur historique de la télévision payante a racheté deux chaînes de la TNT gratuite, dont l’une – D8 – a un coût de grille trois fois supérieur à ceux généralement constatés dans l’économie de la TNT, et qu’il dispose de leviers considérables pour l’acquisition de programmes.

D’autre part, un retournement très net du marché publicitaire s’est amorcé fin 2011. Il se poursuit en 2012 : l’ensemble du secteur est frappé, quels que soient les médias. Nos recettes publicitaires, qui accusaient au 30 juin un retard de 35 millions d’euros par rapport au budget prévisionnel, pourraient se trouver à la fin de l’année en retrait de 50 millions d’euros par rapport aux hypothèses du COM. Celui-ci a été négocié, je vous le rappelle, au premier semestre 2011 dans une conjoncture qui permettait raisonnablement de tabler sur une hypothèse de stabilité des recettes publicitaires entre 2011 et 2012. Et c’est sans ironie que je rappellerai qu’il y a un an, ici même, il était question de ponctionner les excédents des recettes publicitaires de France Télévisions, preuve que les temps ont réellement changé.

Qu’avons-nous fait face à cette dégradation ? Dès la fin du premier trimestre, nous avons engagé un plan de réduction des dépenses qui devrait nous permettre d’absorber les pertes du premier semestre, mais il n’est pas certain que cela suffise à couvrir l’ensemble du recul en fin d’année.

S’agissant des ressources publiques, j’ai indiqué le 28 août dernier, lors de la conférence de rentrée de notre groupe, puis à tous les collaborateurs de l’entreprise via leurs représentants, qu’il était inimaginable de ne pas prendre part à l’effort national demandé à tous les services publics et, plus généralement, aux Français. Les salariés de France Télévisions sont conscients de la nécessité de cet effort. Nous l’avons consenti en 2012, avec une réduction de 15 millions d’euros de nos concours publics en loi de finances initiale, puis de 6 millions d’euros en première loi de finances rectificative pour 2012, et enfin de 6 millions d’euros par gel de la réserve de précaution. Pour cette année, nos ressources publiques sont donc déjà en recul de 27 millions d’euros par rapport aux hypothèses du COM. À cette réduction s’ajoute le recul de nos recettes publicitaires que j’ai mentionné tout à l’heure.

L’ampleur de l’effort, même s’il reste à confirmer, qui devrait être demandé à l’entreprise en 2013 va exiger des décisions plus difficiles encore.

La première étape est bien évidemment l’ouverture avec l’État d’une discussion sur la révision du contrat d’objectifs et de moyens, entendu comme un accord articulant objectifs et moyens de façon équilibrée. Quel qu’en soit le résultat, les conséquences seront majeures : recentrage sur nos missions essentielles et abandon d’activités connexes ou de dépenses évitables, attention redoublée à la suppression des dépenses de programmes inutiles et plus grande âpreté dans les négociations avec nos fournisseurs.

Tout en préservant, en métropole comme dans les outre-mer, l’implantation territoriale et le rôle de proximité de la télévision publique auquel nous sommes tous particulièrement attachés, nous aurons à simplifier nos organisations. Sans remettre en cause la philosophie des accords qui nous lient aux filières de création d’œuvres audiovisuelles – fiction, documentaire, animation, spectacle vivant –, raison d’être de France Télévisions, nous devrons également adapter nos engagements en faveur de la création aux moyens nouveaux qui nous seront alloués.

Enfin, comme vous le savez, France Télévisions est engagée dans une trajectoire de baisse de ses effectifs, qu’il nous faudra examiner à l’aune des économies qui nous seront demandées.

Mesdames et messieurs les députés, France Télévisions doit faire face à un tournant majeur. Si nous voulons qu’elle se réforme, les économies qui lui seront demandées et les recettes qui lui sont accordées ne doivent pas la conduire à sacrifier ses missions essentielles. Au contraire, l’époque de mutation et de crise dans laquelle nous sommes réclame de conserver et de consolider une télévision publique forte, un repère pour les millions de Français qui la choisissent quotidiennement, mus par des logiques non marchandes.

Le cap que j’ai fixé est clair et partagé : accentuer la différenciation de nos offres, dominer les univers numériques et y devenir leader, être la référence de l’information pour nos concitoyens, et construire une organisation commune efficace.

Le rythme des économies qui nous seront demandées doit être planifié afin de ne pas fixer, notamment en 2013, des objectifs hors de portée et susceptibles de compromettre nos missions. L’équation budgétaire à venir risque de conduire à l’effet inverse de celui recherché et de mettre un coup d’arrêt à la marche de l’entreprise telle que je l’ai décrite. Ma responsabilité est de vous alerter sur cette question. Il appartient désormais au Gouvernement comme à la représentation nationale de se prononcer, dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi sur l’audiovisuel à venir, sur les moyens permettant d’atteindre le juste équilibre que nous souhaitons tous pour notre télévision publique.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis des crédits de l’audiovisuel public. Comme vous l’avez souligné, monsieur le président, France Télévisions s’est largement démarquée cette année de ses concurrents, non seulement dans le domaine politique en couvrant la primaire socialiste et les élections présidentielle et législatives, mais aussi dans le domaine du numérique.

Selon vous, la baisse des recettes publicitaires n’était pas prévisible ; or, en 2011, j’avais souligné dans un rapport la prévisibilité de cette baisse, compte tenu de la loi supprimant la publicité en soirée.

Vous avez dit votre désir de renforcer l’identité des chaînes, en particulier de France 4. Dans la mesure où le groupe Lagardère n’entend pas vendre à France Télévisions ses parts dans la chaîne Gulli, qu’en est-il de la création d’une chaîne jeunesse ?

Vous avez évoqué l’arrivée des six nouvelles chaînes sur la TNT et le rachat des chaînes Bolloré par Canal Plus. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la nouvelle concurrence de D8 ?

M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), s’est récemment exprimé sur le démarrage tardif des premières parties de soirée sur France Télévisions. Pouvez-vous nous apporter une réponse à ce sujet ? Il a également déclaré que « le problème de France Télévisions, c’est France 3 ». Dans la lettre que vous avez adressée à vos collaborateurs aujourd’hui, vous écrivez que ce n’est pas le cas. Et pourtant, l’ensemble du personnel de France 3 a exprimé auprès de nous son inquiétude face à l’éventualité d’une d’une fusion, sa crainte d’une réduction du rôle des antennes régionales et d’une disparition quasi-totale et programmée de France 3. Toujours dans cette lettre, vous écrivez : « Nous aurons donc à rechercher des économies substantielles par la maîtrise et parfois par la réduction de nos coûts de fonctionnement comme de ceux de nos programmes ». Vous y déclarez également qu’il n’y aura pas de départs contraints, mais uniquement des départs volontaires. Pourriez-vous nous rassurer, monsieur le président ?

M. Marcel Rogemont. Sur son site, France Télévisions annonce qu’elle se place « sur la plus haute marche du podium » et que « France 2 et France 3 sont les chaînes les plus appréciées des Français ». Voilà qui vous crée une obligation, monsieur le président : celle de faire en sorte que France Télévisions continue à être aimée et regardée.

Vous avez évoqué la question sociale. Qu’en est-il de la refonte des conventions collectives, France Télévisions étant devenue une entreprise unique ?

M. Boyon a déclaré : « Je pense que la structure, l’organisation actuelle de France 3 n’est pas éternellement viable ». De votre côté, vous ne voyez pas d’obstacle à une réflexion sur la participation des régions au financement de France 3. Quel avenir voyez-vous pour cette chaîne ?

Vous nous avez dit être très attentif à renforcer l’identité de chaque chaîne. En avez-vous les moyens dans le contexte financier actuel ?

Votre rapport fait apparaître que le groupe a consacré des sommes très importantes à la création en 2011 : 416 millions d’euros pour la production audiovisuelle, bien au-delà des objectifs du COM, et 63 millions d’euros pour le cinéma. Ces montants seront-ils maintenus à l’avenir, sachant que des producteurs sollicitent votre soutien, au niveau national mais aussi dans les régions ?

Enfin, s’agissant du sport, un équilibre financier a-t-il été atteint ? Comment voyez-vous l’avenir dans ce domaine ?

M. Christian Kert. Monsieur le président, nous pouvons tous, sur ces bancs, vous féliciter d’avoir réussi le virage de la programmation : placer des événements culturels à des heures de grande écoute, comme vous le demandait votre cahier des charges, était courageux et ambitieux.

L’audience cumulée des chaînes atteint environ 30 %, ce qui est remarquable. Le poids de France Télévisions dans la production française atteint 60 %, ce qui est également considérable, comme vous l’avez souligné.

S’agissant de France 3, de réels efforts ont été fournis, mais cette chaîne continue à avoir des problèmes. S’agit-il d’un problème financier, d’un problème de sureffectif ou d’un problème de partage de la programmation entre le national et le régional dans lequel les téléspectateurs ne se retrouvent pas ? Il faudra un jour ou l’autre répondre sincèrement à cette question et attribuer une véritable identité à France 3.

Votre rêve de voir la chaîne Gulli devenir votre outil en direction de l’enfance et de la jeunesse s’est estompé. Envisagez-vous de faire de France 4 cette chaîne jeunesse ? Si tel est le cas, la part de programmation qui fait le succès actuel de cette chaîne ne pourrait-elle pas vous faire défaut ?

Je fais partie de ceux qui pensent que la suppression de la publicité à partir de vingt heures sur les écrans publics est un réel progrès. Il ne faut pas confondre la baisse actuelle de publicité observée sur tous les supports audiovisuels avec la disparition de la publicité. Il me semble que l’on peut expliquer la première par le fait que les dépenses publicitaires s’orientent vers d’autres supports que le vôtre, mais aussi par le resserrement du marché économique.

Enfin, je pense que l’augmentation de la redevance, considérée trop souvent comme un tabou, pourrait constituer l’un des modes de financement de l’audiovisuel public. Monsieur le président, la redevance française n’est-elle pas suffisamment en deçà de celle des autres pays européens pour que nous puissions nous offrir le luxe de l’augmenter ?

Mme Marie-George Buffet. France Télévisions rencontre un beau succès auprès de nos concitoyens, ce dont il faut féliciter toutes les équipes des chaînes. Cela crée des obligations pour le président du groupe, mais également pour l’État. En effet, la situation financière du groupe est inquiétante, comme le souligne l’expert du CCE en indiquant que le montant des économies est supérieur à la capacité d’autofinancement de France Télévisions. Étant donné les pertes de recettes publicitaires, les 21 millions d’euros gelés fin 2012 et les efforts supplémentaires que vous avez mentionnés, monsieur le président, en annonçant une diminution de 4 % des crédits pour 2013, nous serons amenés à prendre nos responsabilités quant aux moyens publics que nous vous accorderons.

Vous avez dit vouloir adapter vos missions à vos moyens. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les effectifs dans ce contexte de forte concurrence ? J’ai en effet cru lire dans un compte rendu du CCE que vous aviez évoqué la possibilité d’un plan social. Qu’en sera-t-il également des moyens techniques accordés aux équipes ?

Que signifie l’évolution de schémas sur le rôle de France 3 en région, dont vous avez fait état ?

Vous avez abordé la fusion des rédactions. Quel est votre choix ?

Les programmes de France 2 devraient, selon son responsable Jean Réveillon, évoluer vers moins de rendez-vous sociétaux et de magazines culturels. Qu’en est-il exactement ?

Je tiens à remercier les équipes de France Télévisions pour leur magnifique couverture des Jeux olympiques de Londres. Il est particulièrement agréable de voir autre chose que des chaînes « tout foot » ! En revanche, la couverture du sport féminin tout au long de l’année, en particulier du rugby et du football, reste peu satisfaisante.

Enfin, j’aimerais connaître votre opinion sur la possibilité de redonner à France Télévisions la capacité de détenir ses droits d’auteur.

M. Thierry Braillard. Monsieur le président, le personnel de France 3 a le sentiment que cette chaîne devient une chaîne généraliste, avec l’arrêt de certaines émissions. Les vingt-quatre antennes n’ont pas les moyens d’exister, les prises d’antenne événementielles sont en diminution et France 3 en régions ne fait plus que de l’information, au détriment des reportages consacrés à la situation locale ou régionale. D’ailleurs, l’idée des antennes régionales sur la TNT, que vous aviez portée, monsieur le président, a été abandonnée en raison de son coût. Cette situation nous préoccupe car nous ne souhaitons pas voir France 3 perdre sa vocation de chaîne de proximité.

En entendant parler de France 4, j’ai le sentiment qu’on parle de l’antenne de Radio France le Mouv’! Après huit ans d’existence, cette chaîne n’a pas d’identité auprès des téléspectateurs, ni de stratégie définie, et son audience est très faible même si la diffusion de Roland Garros la fait monter ponctuellement. Un courrier aux parlementaires indique d’ailleurs qu’elle est désormais la chaîne du cinéma, alors qu’elle était auparavant la chaîne des 18-34 ans ! Je regrette que France 4, qui a pourtant assuré la couverture de Roland-Garros, ne l’ait pas fait pour les Jeux paralympiques, ce qu’a su faire la chaîne privée TV8 Mont-Blanc !

Les députés ultramarins de mon groupe souhaitent que soit réaffirmée la vocation de France Ô d’être le service public de l’audiovisuel de l’outre-mer. Pouvez-vous les rassurer, en particulier quant à la rumeur d’une fermeture de l’antenne de Saint-Pierre-et-Miquelon sur Outre-mer Première ?

Enfin, je n’ai pas compris que France 3 et France 2 aient été en concurrence au soir de l’élection présidentielle. Il me semble que France 3 avait plutôt vocation à couvrir les élections législatives. À l’heure où l’on parle de mutualisation, le service public a perdu une belle occasion de montrer sa force.

Mme Barbara Pompili. France Télévisions est très appréciée des Français. Je pense qu’il faut l’aider, malgré les contraintes budgétaires, à préserver ses spécificités de service public. Nous y serons attentifs à travers les objectifs du COM.

Il faut aussi une meilleure visibilité quant au rôle des chaînes, qui doivent mettre en avant la diversité de notre société pour faire évoluer le regard des spectateurs et favoriser la tolérance et la compréhension – par exemple grâce à des émissions sur l’homosexualité, sur les minorités, sur les Roms ou encore sur le handicap. À ce propos, comme l’a souligné notre collègue Braillard, il est dommage que France Télévisions n’ait pas retransmis les Jeux paralympiques, alors qu’elle en avait la vocation. Il faudrait également davantage d’émissions sur les différences religieuses, et pas seulement des émissions religieuses.

Monsieur le président, nous partageons votre volonté de soutenir la création française. Nous vous encourageons également à poursuivre vos efforts pour rendre les programmes accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes, sourdes ou malentendantes, ou encore aux enfants en situation de handicap.

Concernant l’apprentissage des langues étrangères, l’offre de la version multilingue au choix devrait être étendue à l’ensemble des chaînes du groupe, y compris aux émissions pour les jeunes. Un effort devrait également être fait pour développer les émissions éducatives.

Enfin, monsieur le président, vous avez été évasif sur les économies que vous envisagez. Quels secteurs seront touchés ? Quelles conséquences devons-nous en attendre ? S’agissant de la fusion annoncée des rédactions de France 2 et de France 3, je pense qu’il ne serait pas raisonnable de faire peser cette restructuration sur cette dernière et sur ses antennes régionales dont chacun ici connaît le rôle de proximité. Les écologistes seront vigilants à cet égard. Des syndicats appellent à la grève, et nous vous encourageons à poursuivre le dialogue social. Il est en effet essentiel que les personnels de France Télévisions aient une visibilité quant à leur avenir.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, quelles raisons expliquent la baisse des parts d’audience de 1,7 point ? Quelle est la tendance pour 2012 ? Avez-vous engagé des mesures correctives ? Enfin, si votre rapport fait apparaître une comparaison des parts d’audience entre le public et le privé, ne devrait-il pas également indiquer les moyens financiers de chacun des groupes ?

Préconisez-vous le retour de la publicité le soir sur les chaînes publiques ou une augmentation de la redevance, sachant qu’il est illusoire de penser que l’État apportera une contribution complémentaire ?

Enfin, un repositionnement de France 3 s’impose, d’autant que l’on assiste à une montée en puissance des télés locales et des chaînes du Net et que les consommateurs s’orientent vers d’autres produits.

(Coprésidence de M. Dominique Baert, vice-président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire)

M. Yves Censi. Je ne comprends pas que notre collègue Braillard mette en doute ce que peut apporter France 3 dans le cadre d’une élection présidentielle ! La mission de cette chaîne, à propos d’événements nationaux ou internationaux, est d’éclairer le téléspectateur sur les conséquences locales qu’ils peuvent avoir, par exemple en interrogeant les élus et les acteurs régionaux à ce sujet. Quant aux élections législatives, elles ont à la fois une dimension locale, qui relève de France 3, et une dimension nationale, dont peut traiter France 2. Cette querelle procède donc, à mon sens, d’un malentendu.

Au sein de la direction régionale France 3 Sud, il est question de fermer les bureaux de Rodez, de Millau et de Cahors pendant deux semaines à la Toussaint et une semaine à Noël, cela pour des raisons d’économies. Mais, pour économiser, faut-il procéder comme pour couper un arbre, en s’attaquant d’abord aux branches avant d’en venir au tronc ? S’agissant de France 3, une telle méthode serait en contradiction avec la mission de la chaîne, qui lui impose de rester en prise directe sur les réalités locales. Je souhaiterais donc des précisions sur ce projet.

M. Alain Rodet. On a en effet le sentiment que, dans l’effort de rigueur et de maîtrise des charges et des coûts, c’est France 3 qui paie le tribut le plus important, les missions de proximité étant les plus touchées en son sein. Je souscris donc à ce que vient de dire M. Censi. Lorsqu’il présidait la mission qui a abouti à la création de la « troisième chaîne », Pierre Moinot avait constaté que la création d’un emploi en province s’accompagnait toujours de la création d’un deuxième à Paris, pour gérer et contrôler le titulaire du premier ! Il me semblerait grand temps de redonner plus de vitalité aux échelons régionaux !

M. Étienne Blanc. A-t-on étudié les conséquences qu’aurait un rapprochement de France 2 et de France 3, ou leur fusion ? Disposez-vous d’un échéancier pour cette éventuelle opération ?

D’autre part, disposez-vous de comparaisons entre les rémunérations des journalistes et techniciens des chaînes publiques et celles de leurs collègues des chaînes privées ? Les chiffres avancés à ce propos ne permettent guère d’y voir clair…

M. Yves Jégo. Les modes de consommation de la télévision se transforment. Les récepteurs sont remplacés par des écrans internet où chacun peut choisir son programme, se créer sa propre chaîne de télévision. Comment avez-vous anticipé cette évolution, qui vient bouleverser l’organisation très horizontale du groupe France Télévisions ? Est-il bien raisonnable de conserver cinq chaînes publiques ? N’y en aurait-il pas une de trop, étant entendu que je me garderai bien de dire laquelle et que je suis comme tous ici attaché à l’existence d’une chaîne de proximité ? Une rationalisation me semble souhaitable, ne serait-ce que dans vos bureaux d’outre-mer où j’ai constaté que des progrès étaient encore possibles dans l’organisation, ainsi que des économies sur les charges de personnel.

Je note d’autre part qu’un grand nombre d’émissions sont fabriquées hors de nos frontières, pour réduire les coûts… et augmenter les marges des producteurs. Vous attachez-vous à choisir ces derniers, ou les émissions que vous achetez, en privilégiant les productions réalisées sur le territoire national, de manière à favoriser l’emploi et l’activité dans notre pays ? Il me semble que la stratégie de France Télévisions pourrait être davantage en faveur du made in France.

M. Pascal Deguilhem. Quels sont vos projets pour France 3 et quelle place accordez-vous à la proximité ? Dans le cadre d’une stratégie impliquant une baisse des effectifs, vous assurez que l’implantation territoriale sera préservée mais simplifiée. Qu’est-ce que cela signifie pour les antennes locales, dont nous connaissons la fragilité ?

Vous affirmez également que le recours à des personnels précaires s’explique par des rigidités, en matière de mobilité ou d’évolution des carrières, qui empêcheraient de s’adapter comme il conviendrait aux pointes d’activité. Mais dans quel autre service public peut-on imaginer signer plus de 500 contrats précaires sur une période de dix ans sans offrir la moindre perspective de renouvellement ou de titularisation ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président Pflimlin, vous avez parlé de « juste équilibre ». De ce point de vue, certains éléments du rapport d’exécution de 2011 sont de nature à rassurer, notamment sur l’avenir de France 3 : ainsi la très nette progression du volume de diffusion régionale. Cependant, comment expliquez-vous que le coût horaire des programmes régionaux soit passé de 25 800 à 20 700 euros ? Est-on parvenu à un étiage ou peut-on espérer faire encore mieux ?

L’identité des différentes chaînes de France Télévisions, comme cela a déjà été rappelé, est insuffisamment lisible. Toutefois, je m’inquiète surtout de la baisse de la part d’audience de France 2, enregistrée en 2011. Comment l’expliquez-vous ? Quelles autres chaînes en ont profité ? De quelle manière entendez-vous redresser la situation ?

M. Claude Goasguen. Monsieur le président Pflimlin, vous avez parlé de France 5 comme d’une chaîne dédiée à la formation, ce qui est plus précis que si vous aviez parlé d’information et d’éducation. Vous dites aussi qu’elle doit être « curieuse, intelligente » et « favoriser la découverte et la compréhension », tandis que France 4 serait la chaîne des jeunes générations. Soit. La présence de la formation, toutefois, n’est pas évidente sur ces deux chaînes alors que la BBC fait un énorme travail en la matière, ce qui explique pour une part son succès par rapport à France Télévisions. Est-il donc nécessaire que deux chaînes soient dédiées à la formation alors même qu’elles n’assument pas effectivement cette mission ? Quels rapports entretenez-vous avec l’Éducation nationale et avec les universités ? Prenez-vous suffisamment en compte l’extension en cours du télé-enseignement, pour lequel on ne peut s’en remettre uniquement à internet ? Les chaînes privées ne pouvant répondre à ce besoin de formation, ne serait-il pas opportun que France 4 et France 5 accompagnent la révolution éducative dont il est beaucoup question ces temps-ci ?

Mme Virginie Duby-Muller. Les studios de la chaîne TV 8 Mont-Blanc étant installés à Sevrier, vous comprendrez qu’une élue de Haute-Savoie s’interroge sur la non-diffusion des Jeux paralympiques de Londres sur le service public. Pourquoi avez-vous répondu à cette chaîne très tardivement, à la fin du mois de juillet, et pourquoi ne l’avez-vous pas citée, malgré sa demande, dans votre communication concernant les moyens de diffusion de ces Jeux ? Que comptez-vous faire à l’avenir pour elle, sachant que cette opération qui a permis à plus de huit millions de Français de suivre cette manifestation sportive s’est soldée par un déficit de 100 000 euros ?

M. Michel Françaix. Chapeau, monsieur le président Pflimlin ! Voilà un an et demi, malgré les coups portés au service public – restriction de la publicité, référence peu éclairante au global media, etc. –, nous aurions signé, pour trois raisons : le rôle capital joué par France Télévisions au service de la création, la qualité de ses émissions – diffuser à la télévision un opéra joué à Orange a un prix, mais cela équivaut à 1 200 représentations subventionnées ! – et la bonne résistance de l’audience malgré la multiplication des chaînes – le journal de 20 heures de France 2 a parfois devancé celui de TF1, ce qui ne s’était jamais produit auparavant.

L’avenir est toutefois moins souriant : nous savons que les recettes publicitaires baisseront et que, quelle que soit la bonne volonté du Gouvernement, les moyens dont disposera le service public ne pourront pas beaucoup augmenter puisqu’une hausse sensible de la redevance est exclue – sauf, comme je l’espère, à l’instituer pour les résidences secondaires. Dès lors, pourra-t-on continuer de donner à France 3 les moyens d’être une chaîne à la fois généraliste et de proximité ? Ne serez-vous pas assez rapidement contraint de définir des priorités, après le dialogue qui bien entendu s’impose avec les uns et les autres ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Dans le rapport d’exécution de l’exercice 2011 du COM, vous indiquez que la part de l’offre régionale a représenté 10,6 % des programmes diffusés sur France 3. Dans la région Bretagne, hors le journal télévisé régional, quatre heures de programmes régionaux hebdomadaires sont recensés : trois programmes en français et trois en breton. Ces derniers représentent une heure trente de diffusion par semaine quand, en Espagne, les programmes en galicien, basque et catalan occupent 168 heures. En outre, France 3 Bretagne a récemment annoncé l’interruption de la production de l’émission pour enfants en breton et les programmes dans cette langue tendent de plus en plus à se limiter au journal télévisé, alors que de nombreux auteurs de documentaires réalisés en Bretagne cherchent des diffuseurs.

Le Président de la République s’étant engagé à ratifier la Charte des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l’Europe, charte qui demande « d’encourager et de faciliter la diffusion des programmes de télévision dans les langues concernées de façon régulière », quelles sont vos orientations en matière de programmes régionaux et en langue régionale, qui participent de la mission de service public de proximité de France Télévisions ? Comptez-vous proposer un temps d’antenne et des horaires de diffusion convenables ?

Voilà deux semaines, vous avez fait part à la presse de votre volonté de « passer d’une logique de rédaction par chaîne à une logique de rédaction pour toutes les éditions et tous les supports ». Comment pensez-vous donc préserver le caractère régional de France 3 au sein d’un audiovisuel public ainsi centralisé ?

Enfin, selon quelles modalités des conventions tripartites pourraient-elles être passées entre l’État, France Télévisions et les régions afin de permettre à un service public de télévision régionale de se développer, comme le fait Via Stella en Corse ?

Mme Sandrine Doucet. Vendredi dernier, nous sommes plusieurs députés à avoir été interpellés à l’occasion de la grève qui a affecté le pôle Sud-Ouest de France 3. J’associe donc à ma question Martine Faure, Vincent Feltesse, Nathalie Chabanne et Martine Lignières-Cassou.

Les 900 salariés statutaires concernés sont très inquiets après l’annonce d’une suspension des activités des antennes locales pendant deux semaines à la Toussaint et une semaine à Noël, afin d’économiser 700 000 euros. Ils craignent que cela ne présage une disparition des « locales » et un plan social. On peut également redouter que ces suspensions ne conduisent le public à « décrocher ». Or il apparaît que d’autres solutions sont possibles, en s’appuyant sur la capacité de ces antennes à produire des programmes au plus près de la population. Comptez-vous rassurer ces salariés en leur proposant des projets alternatifs ?

M. Rémy Pflimlin. Je vous remercie toutes et tous de ces questions qui témoignent de votre intérêt pour le service public de l’audiovisuel dans ses différentes composantes.

Oui, madame Pompili, les salariés, tout comme d’ailleurs notre entreprise, ont besoin de connaître les perspectives. Mais ces perspectives, nous les avons tracées six ou sept mois après mon arrivée, à travers un plan stratégique qui a conduit à la négociation d’un contrat d’objectifs et de moyens d’une durée de cinq ans, fixant les objectifs à atteindre, le travail à mener et les moyens à mettre en œuvre. Je vous remercie, à ce propos, de vos appréciations, qui sont importantes pour nous : en 2011, nous avons effectivement tenu la route, tout comme nous la tenons encore en 2012, en dépit des difficultés financières dues à l’évolution de nos ressources, tant commerciales et publicitaires que d’origine publique.

Comment tracer une nouvelle route avec notre actionnaire, l’État, et avec vous, représentation nationale ? Il faut commencer par redéfinir les objectifs en fonction des évolutions législatives et technologiques ainsi que de l’état de la concurrence, puis évaluer sur cette base les moyens dont nous avons besoin. Si ces derniers sont insuffisants, nous devrons alors revoir les objectifs… Je le dis en tout cas avec solennité : nous ne pouvons absolument pas prétendre maintenir l’ensemble des objectifs qui nous sont assignés en nous « débrouillant » avec moins de moyens : nous ferions moins bien et le groupe se retrouverait en déficit, compromettant ainsi sa crédibilité, en interne comme vis-à-vis de l’extérieur.

Mes anciennes fonctions à la tête de France 3 m’ont conforté dans la conviction que la mission de service public de proximité est fondamentale. Seule cette chaîne, aujourd’hui, peut donner accès à des informations et à des programmes de proximité à l’ensemble de nos concitoyens, où qu’ils habitent et quelle que soit leur situation personnelle. Jamais les entreprises privées ne joueront ce rôle sur l’ensemble du territoire.

Aux termes du contrat d’objectifs et de moyens, nous devons accroître le nombre d’heures produites en région. Nous y sommes parvenus, puisque nous sommes passés de 11 702 heures à 17 355 entre 2010 et 2011. Certains parmi vous ont d’ailleurs relevé une hausse de 30 % du volume de diffusion régionale. D’autre part, 378 prises d’antenne exceptionnelles ont été dénombrées l’an dernier – c’est une légère augmentation – dans les domaines de la culture, du sport ou de l’information.

Le coût moyen a baissé parce que nous avons optimisé les modes de fabrication en mobilisant des studios qui ne fonctionnaient que deux heures par jour pour les journaux télévisés. La marge de manœuvre est toutefois beaucoup plus restreinte s’agissant des équipes, qui n’ont pas le don d’ubiquité.

Nous tenons la moitié de nos engagements en matière de création grâce à cette grande chaîne nationale qu’est France 3. En première partie de soirée, nous y diffusons en effet des documentaires, des fictions – dont beaucoup sont originales –, de l’animation ou du spectacle vivant. Mais la chaîne n’en assure pas moins son rôle de chaîne de proximité, par ses journaux d’information comme par d’autres programmes.

Il faut toutefois savoir que, lorsque le nombre de programmes régionaux augmente sur France 3, l’audience nationale de la chaîne baisse mécaniquement : cette audience est en effet faible à Paris et en région parisienne, qui comptent une population importante. Cela fausse donc la mesure globale des audiences, lesquelles peuvent être très fortes en Alsace ou en Bretagne mais aussi dans de grandes villes comme Lille ou Marseille. France 3, et c’est cruel, peut ainsi être soupçonnée d’insuccès alors qu’à Montpellier par exemple, l’audience du « 12/13 » atteint 25 ou 26 %, ce qui est remarquable.

Globalement, les audiences du programme national de France 3 entre 17 heures et 23 heures tiennent tout à fait la route, se situant au-dessus de 12 ou 13 %.

Les antennes locales sont évidemment importantes pour nous tenir au plus près de la population. Les installations techniques, sur une centaine d’implantations – vingt-quatre rédactions en régions, une cinquantaine de « locales » qui produisent six minutes et une cinquantaine d’implantations employant deux journalistes –, sont extrêmement modernes pour nous permettre de piloter à distance ces très petits studios.

Lorsque l’on se doit de maîtriser strictement les coûts de gestion liés aux personnels, il faut réduire la voilure comme le fait chaque été la presse écrite en diminuant la pagination des publications. Si certaines «  locales » s’apprêtent à fermer momentanément dans le Sud-Ouest, c’est que d’autres ont fait de même ailleurs, pendant l’été. Cela résulte d’arbitrages qui ont été rendus dans le cadre de la discussion des budgets annuels et ne signifie pas, par exemple, qu’il ne sera pas rendu compte de l’actualité de Périgueux ou de Brive : aucun journal local ne sera diffusé pendant la période de fermeture mais les informations concernant ces deux villes seront traitées dans le journal régional, qui sera un peu plus long. Je le dis là encore avec quelque solennité : nous ne nous apprêtons pas à fermer des « locales ».

L’avenir de France 3 doit être envisagé en fonction de notre vision partagée du rôle de la chaîne. L’entreprise doit-elle développer ses programmes et sa présence de proximité jusqu’à constituer une syndication de grandes chaînes régionales ? Doit-elle être conçue comme une antenne nationale pouvant procéder à des « décrochages » centrés sur telle ou telle activité ? Je ne trancherai pas car il s’agit là d’un débat politique que nous devons mener ensemble, sur le rôle de l’audiovisuel public en région et sur la façon dont il doit s’inscrire dans la politique globale de la nation. L’entreprise fera ce que son actionnaire et la représentation nationale jugeront bon qu’elle fasse.

Ma conviction profonde est que nous devons maintenir une grande proximité avec nos téléspectateurs, quitte à faire évoluer notre organisation comme nous l’avons déjà fait voilà quatre ans lorsque nous sommes passés de treize régions à quatre pôles et vingt-quatre rédactions, dans le cadre d’un processus de rationalisation des fonctions supports et de gestion et de décentralisation des fonctions éditoriales. Néanmoins, dans une maison aussi vaste que la nôtre, l’organisation ne doit pas changer sans arrêt. S’il est possible de l’améliorer, je ne souhaite pas pour autant qu’elle continue à « bouger » en permanence, ce qui nuirait au personnel et à l’efficacité de l’entreprise. Nous nous efforcerons donc de faire au mieux avec l’organisation dont nous disposons, mais la question de fond demeure d’ordre éditorial, liée à notre capacité de développer demain des offres en région, y compris avec les producteurs régionaux et avec le soutien des collectivités locales dont il faut préciser qu’il se limite strictement à des aides à la production – nous travaillons d’ores et déjà avec de nombreuses régions qui ont souhaité développer un tissu de producteurs locaux.

France 2 a en effet connu une petite baisse d’audience en 2011 en raison de l’évolution de la concurrence et d’un certain nombre de prises de risque non couronnées de succès. Je note, à ce propos, qu’il y a un paradoxe à poser de nombreuses questions relatives à l’audience tout en demandant de nous en détacher ! Ces deux dernières semaines, le lundi, nous avons diffusé sur France 3 une série documentaire consacrée aux collèges d’excellence qui a réalisé 2 % d’audience. C’est très peu, mais je suis heureux de l’avoir fait.

À ce jour, sur les huit premiers mois de l’année, France Télévisions a réalisé une audience cumulée de 30,7 %, contre 30,3 % l’année dernière à la même période. Certes, la diffusion des Jeux olympiques n’y est pas étrangère mais nous n’avons pas bénéficié de la retransmission des matches de football ! L’audience de France 2 se situe quant à elle à 15,2 % contre 14,8 ou 14, 9 % en fin d’année dernière. La rentrée a de surcroît bien commencé pour ces deux chaînes.

J’ajoute qu’un nouveau magazine culturel, ouvert à tous les genres, sera présenté par Aïda Touihri jeudi soir et que tous nos programmes, y compris régionaux, sont disponibles sur internet pendant les sept jours suivant leur diffusion.

Dans le domaine sportif, nous nous efforçons de faire une place au plus grand nombre de disciplines possible. France 4, madame Buffet, diffuse ainsi du football et du rugby féminins avec succès et pour un public rajeuni. Nous voulons également maintenir la diffusion gratuite des grandes manifestations les plus populaires. Nous sommes ainsi parvenus à consolider les droits sur la diffusion des Jeux olympiques – y compris par voie numérique – jusqu’en 2020 inclus ; il en est de même pour le tournoi des Six nations et nous sommes en train d’y travailler pour le Tour de France, une négociation devant être conduite pour Roland-Garros.

Plusieurs mois avant leur organisation, nous avons décidé de traiter les Jeux paralympiques sous forme de magazines afin de bénéficier d’une audience forte mettant en valeur l’événement. Vous avez donc pu voir un magazine quotidien sur France 2 en milieu d’après-midi et un autre sur France 3 en fin de soirée. Nous avons également réalisé tous les jours, sur France 3, des portraits de sportifs qui ont été diffusés avant les journaux, ceux-ci couvrant ensuite les moments importants de ces Jeux. Enfin, il était possible de suivre ces derniers en direct sur trois canaux internet, les audiences ayant d’ailleurs été tout à fait correctes.

Nous aurions certes pu prendre une autre décision, mais elle eût exigé un engagement financier important alors qu’en août, pour les Jeux olympiques, la mobilisation des équipes de direct nous avait coûté, non compris les droits, 15 millions d’euros. Il était donc financièrement impossible de répéter l’opération et, de surcroît, les grilles de programmes revenaient sur l’ensemble des chaînes.

La question du nombre de chaînes était pertinente lorsque l’on en comptait fort peu. Quand il y a comme aujourd’hui 25 chaînes numériques et une multitude de chaînes sur le câble et le satellite, l’audience se disperse forcément. Or, si nous voulons, comme c’est le cas, toucher tous nos compatriotes et non des cibles spécifiques, nous devons présenter une offre diversifiée. Les groupes publics anglais, allemands, italiens, espagnols, sans parler de ceux d’Europe du nord, possèdent aujourd’hui plus de vingt chaînes mais dédiées les unes au sport, d’autres aux enfants ou aux adolescents, etc. Nous raisonnons quant à nous de manière très différente. J’ajoute que le coût supplémentaire d’une chaîne spécialisée est relativement faible : ainsi les budgets de France 4 et de France Ô sont peu de chose au sein du budget de France Télévisions.

Ces chaînes, par ailleurs, permettent aux œuvres de circuler. Ainsi sommes-nous aujourd’hui le premier producteur de dessins animés, que nous diffusons sur plusieurs canaux.

Par parenthèse, je note que, bien qu’elle dispose d’une vingtaine de chaînes, la BBC non plus n’a pas retransmis les Jeux paralympiques, qui l’ont été par une autre chaîne publique, Channel 4.

La question essentielle est : quelle ambition nourrissons-nous pour le service public ? Doit-il, à raison de sa contribution à la création, à l’information et au maintien du lien social, conserver, même diminuée, une part significative de l’offre ? Il doit cependant être entendu que ces choix stratégiques ne peuvent être immédiatement rentables, car ils sont non marchands : ainsi, malgré son succès, la retransmission des Jeux olympiques a été d’une rentabilité nulle et il ne pouvait guère en être autrement, en l’absence de publicité en soirée.

M. Thierry Thuillier, directeur général adjoint de France Télévisions, en charge des rédactions et des magazines d’information. Lors de l’élection présidentielle, France 3 a diffusé un film en première partie de soirée et, en deuxième partie, une édition spéciale nationale, ce qui me semble tout à fait normal : comment, en tant que directeur de l’information, aurais-je pu dire à la rédaction de cette chaîne qu’elle resterait sur le banc de touche le jour où toutes les rédactions de France étaient mobilisées ? C’était impossible ! Peut-être des fusions ou des rapprochements adviendront-ils mais cela ne se décidera pas aussi rapidement que d’aucuns l’imaginent.

Lors des élections législatives, les deux chaînes ont proposé des offres complémentaires. Je prétends pour ma part que France 2 a toute sa place dans la couverture de ces soirées électorales – la chaîne a d’ailleurs été leader à cette occasion, pour la première fois dans l’histoire du service public. Quant à France 3, ses flashes nationaux puis, toutes les heures, ses 45 minutes de décrochages régionaux ont connu un grand succès. Sans doute conviendra-t-il d’améliorer encore la complémentarité de cette offre – par une organisation plus rationnelle des rédactions et en déployant davantage de moyens techniques et éditoriaux – mais, en l’occurrence, le service public s’est montré plutôt remarquable si l’on en juge par l’audience obtenue et l’image qu’il a donnée.

Le projet « Infos 2015 » concerne l’information nationale, les rédactions du siège, le numérique et le magazine, soit pour l’essentiel les rédactions nationales de France 2 et France 3 ainsi que le secteur numérique dont le développement est placé sous la responsabilité de Bruno Patino. Les rédactions régionales ne sont donc pas directement visées par ce travail de rapprochement parce que, d’une part, elles disposent de leur propre légitimité ainsi que de leur propre budget et que, d’autre part, elles sont rattachées à France 3. Notre objectif est de donner une perspective aux journalistes et aux techniciens qui fabriquent l’information et les éditions nationales au siège de France Télévisions. En outre, le constat que nous faisons est assez simple : le défi numérique nous oblige à nous adapter, à définir des contenus avec des identités très fortes – peut-être encore plus complémentaires entre France 3 et France 2 – et à nous déployer sur l’ensemble des supports pour proposer à la fois une information en temps réel, ce qui est le cas avec le numérique, et des éditions intervenant à des heures précises.

Lorsque M. Pflimlin s’est exprimé devant le comité central d’entreprise (CCE), il a été rappelé que l’existence des éditions nationales de France 3 n’était pas négociable : en effet, elles jouent leur rôle et leur audience a progressé en deux ans. Ce serait donc un comble d’envisager leur suppression, au nom d’une rationalisation aveugle.

Ces éditions nationales sont donc légitimes mais nous devons les doter d’une identité propre par rapport à France 2 – je ne crois pas que le « 19/20 » doive ressembler au « 20 heures » ou le « 12/13 » au « 13 heures », et vice-versa. Nous avons commencé ce travail de repositionnement et nous devons le poursuivre en harmonie avec la « couleur » de la chaîne. Le journal national de France 3 ne peut pas être « hors sol », compte tenu du projet éditorial global de la chaîne ; celui de France 2 est quant à lui dédié à l’ « info événement » et suppose une mobilisation importante sur les événements nationaux essentiels.

Parce que nous devons également travailler à l’enrichissement des contenus, j’espère pouvoir créer de nouveaux formats et de nouveaux rendez-vous d’information dans les prochaines années.

Comment, dès lors, être présents et se montrer les meilleurs sur tous les supports ? Comme nous l’avons dit au CCE, les organisations verticales – ce que j’appelle les organisations « en silos » –, parce qu’elles sont sources de doublons, ne constituent pas une bonne réponse aux défis des prochaines années, en particulier au défi numérique. Cela ne signifie pas qu’une fusion s’impose, consistant à placer tout le monde au même endroit pour délivrer le même produit. En fait, le rapprochement de certains services éditoriaux vise à mutualiser, à renforcer notre force de frappe sur le terrain, mais aussi à mettre en place sur France 2 et France 3 des équipes attachées aux éditions pour donner à ces chaînes cette fameuse « couleur éditoriale » qui doit les distinguer. Voilà en quoi consiste l’émergence d’un pôle commun des rédactions de France Télévisions intégrant le numérique.

En définitive, notre objectif est de construire une information « marchant sur ses deux jambes » : de la mutualisation, avec une rédaction commune intégrant tout ce qui est possible sur les plans technique et éditorial afin d’être encore plus forts ; de la spécificité, avec des équipes dédiées qui produisent sur France 3 et France 2 des éditions aux identités marquées.

Le travail commence. Nous avons ainsi lancé un groupe « projet » qui a d’ailleurs exhumé un rapport très instructif faisant état d’un certain nombre d’objectifs : « préciser la vocation éditoriale de chaque édition d’information nationale sur Antenne 2 et FR3 », définir « les moyens d’une véritable coordination entre les rédactions des deux chaînes », « étudier la création de services communs dans la perspective d’un regroupement partiel ou total ultérieur des deux rédactions » ; on y lit également que « les attentes et les tendances fortes des services publics, en Grande-Bretagne et en Italie, sont au regroupement et à la rationalisation des moyens d’information des chaînes publiques ». Ce rapport date de 1991, s’intitule « Télévision publique : l’information au singulier pluriel » et est signé Alain Denvers.

M. Patrice Papet, directeur général délégué à l’organisation, aux ressources humaines et à la communication interne. Nous sommes engagés dans des négociations importantes en vue d’élaborer les textes qui se substitueront aux anciennes conventions collectives de l’audiovisuel public. S’agissant des journalistes, un accord a été signé voilà plus d’un an à propos des classifications, des salaires et des principes professionnels ; pour les personnels techniques et administratifs, une échéance a été fixée au 8 octobre par décision de justice et nous souhaitons mener à terme des négociations, déjà très avancées, sur ces points essentiels que sont la rémunération, les classifications et les mesures communes relatives au temps de travail – nous avons d’ailleurs conclu une série d’accords partiels.

S’agissant des compétences complémentaires des journalistes, une organisation syndicale vient de signer aujourd’hui même. J’espère qu’elle sera suivie par d’autres dans les heures ou les jours à venir. Le dialogue social est donc très intense.

À la demande des syndicats, nous avons accepté de reporter jusqu’à la fin de l’année la discussion sur tout ce qui n’est pas rémunérations et classifications, de manière à parvenir à une harmonisation sur ces deux points, la date d’effet étant fixée au 1er janvier 2013.

Ces nouveaux accords collectifs auront un coût immédiat, du fait de cette harmonisation qui ne peut revenir sur les avantages individuels acquis. Néanmoins, comme ils seront – nous l’espérons en tout cas – plus adaptés à la situation actuelle, ils nous permettront de gagner en efficacité et en qualité, ce qui sera une source potentielle d’économies tout en ouvrant de nouvelles perspectives aux collaborateurs de France Télévisions et aux ex-collaborateurs des différentes chaînes.

Il n’existe pas de grilles de salaires comparatives entre les secteurs public et privé. Nous échangeons toutefois des informations et les recrutements auxquels nous procédons nous ont fait entrevoir qu’exception faite des « têtes d’affiche », les différences de rémunération ne sont pas si grandes qu’on l’imagine. La mobilité est donc tout à fait possible entre les deux secteurs, les écarts étant parfois assez réduits même s’il convient également de noter qu’il en existe parfois d’importants entre les différentes chaînes privées.

Il n’est pas exclu de parvenir un jour à un socle commun de branche pour les sociétés de l’audiovisuel public et, plus tard, entre secteur public et secteur privé.

Enfin, nous nous efforçons d’intégrer régulièrement des personnels non permanents dont les contrats ont été très longtemps renouvelés. Nous le faisons « au fil de l’eau », à mesure que des postes se libèrent. Lorsque tel est le cas, nous accordons une priorité à ces « contrats historiques », sauf si notre mode de fonctionnement et notre économie générale risquent d’en être déséquilibrés. Nous nous sommes engagés à mener une discussion avec les partenaires sociaux sur la situation de ces personnels. Elle se déroulera vraisemblablement après la fin de la négociation des accords collectifs.

M. Rémy Pflimlin. S’agissant du sujet de la chaîne pour enfants, nous sommes comme je l’ai dit le premier co-producteur de dessins animés. Outre que nous en diffusons largement sur l’ensemble de nos chaînes, il est légitime que nous disposions d’un canal dédié qui s’inscrit en l’occurrence dans le cadre du projet Gulli, dont nous sommes actionnaires. L’évolution de la situation dépend des discussions que nous mènerons avec notre partenaire, le groupe Lagardère, qui a récemment fait savoir qu’il était acheteur. J’en prends note, mais il reste à déterminer les conditions de cette acquisition. Comme il s’agit d’un actif de valeur, je souhaite bien évidemment que les intérêts du service public soient préservés.

France 4 voit aujourd’hui son audience fortement progresser parmi les 15 à 34 ans, spécialement parmi les 20 à 30 ans, soit une tranche de public qu’atteignent peu les grandes chaînes traditionnelles ; la proportion atteint 20 % des jeunes adultes regardant France Télévisions – alors que le budget de la chaîne ne représente que 2 % de celui du groupe ! Et toutes les études d’image démontrent qu’elle est de très loin la chaîne préférée dans cette tranche d’âge.

Nous y développons toute une série de programmes. Ainsi, tous les mercredis, nous offrons à ce public une soirée de cinéma européen et, tous les jours, nous diffusons une émission consacrée à l’actualité du numérique. Le sport féminin, la fiction sont également présents sur cette chaîne. Nous touchons ainsi une « cible » que tous les grands groupes européens de télévision cherchent à atteindre – je citerai ZDF Neo en Allemagne, BBC 3 en Grande-Bretagne…

Je dois le reconnaître, il y a eu à un moment un décalage entre l’heure de début de nos programmes que nous annoncions – 20 h 35 – et l’heure à laquelle ils commençaient réellement – 20 h 42, voire 43 ou 44. Au début de ce mois, j’ai donc décidé de fixer ce début à 20 h 45 et j’en ai informé les téléspectateurs. Pourquoi cette décision ? Le journal de France 2 traite désormais certains sujets privilégiés en cinq ou six minutes, en vertu d’un souci de hiérarchisation et d’approfondissement qui est la force du service public, et sa durée passe de la sorte de 32 ou 33 minutes à 40 ou 41. De même, sur France 3, « Tout le sport », la seule émission quotidienne de sport de la télévision, a vu sa durée rallongée de trois minutes pour pouvoir traiter de davantage de disciplines, conformément à notre contrat d’objectifs et de moyens. D’autre part, tous nos concurrents, petits et grands, font aujourd’hui commencer leurs programmes de soirée vers 20 h 55. C’est donc à cette heure que les téléspectateurs ont pris l’habitude d’allumer la télévision et, s’ils tombent sur une fiction qui a débuté un quart d’heure plus tôt, ils se trouveront perdus et zapperont ! Nous devons donner à nos émissions une chance d’être vues par le plus grand nombre, sachant que le service public, dont le nombre de chaînes est de plus en plus réduit en proportion de l’offre, ne peut prétendre à lui seul faire évoluer les habitudes des gens – il en serait de nous comme de la SNCF quand il lui est arrivé de fixer des horaires de train incompatibles avec les horaires de travail des voyageurs !

L’arrivée de D8 et d’autres concurrents disposant de budgets importants nous rendra plus difficile l’acquisition des films et, en général, des œuvres que nous souhaitons diffuser sur nos antennes. On peut même craindre que des marchés ne nous soient fermés : ainsi celui du sport ou celui du cinéma français, sur lesquels Canal Plus est le premier donneur d’ordre. Étant présente sur le gratuit comme sur le payant, cette chaîne peut fort bien négocier des contrats payants tout en « prenant » des contrats gratuits pour sa chaîne gratuite, ce qui en privera les autres. J’ai donc évoqué devant le CSA ce problème, qui peut nous empêcher d’atteindre nos objectifs éditoriaux.

Les six nouvelles chaînes prévues vont entraîner une dispersion accrue de l’audience sans assurance de voir la qualité de la création progresser. En outre, la crise de la publicité pose la question de la viabilité économique de ces chaînes, mais aussi de l’ensemble du secteur télévisuel.

M. Martin Ajdari, directeur général délégué à la gestion, aux finances et aux moyens. En 2010 pesait une hypothèque : on ne savait pas si la publicité serait ou non maintenue en journée – nous savions seulement qu’il était prévu qu’elle disparaisse en 2016. On pouvait dès lors prévoir une baisse de ces recettes mais notre contrat d’objectifs et de moyens a été négocié et construit sur la base d’une législation et d’une réglementation constantes, aux termes desquelles cette publicité serait maintenue, avec seulement une clause de rendez-vous en 2013 en fonction de la décision prise. D’où le débat que nous avons eu ensemble à cette époque, madame la rapporteure pour avis.

Cela étant, il est primordial pour nous de savoir si la prochaine loi de finances ou, plus probablement, la future loi sur l’audiovisuel confirmera le périmètre actuel de la publicité, qui en tout état de cause devrait, aux termes de la loi en vigueur, cesser en journée à partir de janvier 2016. Pour le reste, nos perspectives économiques dépendront des arbitrages et de la loi de finances mais, il faut l’admettre, les tendances sont assez défavorables…

M. Bruno Patino, directeur général délégué au développement numérique et à la stratégie, et directeur de France 5. France 5 n’est pas conçue comme une chaîne de la formation, mais comme une chaîne de la connaissance, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Pour le dire grossièrement, chaque téléspectateur doit pouvoir apprendre quelque chose de nos programmes, en particulier de nos magazines et de nos documentaires qui composent près de la moitié de la grille, mais notre objectif n’est pas de diffuser des sortes de cours ! Pour autant, la chaîne ne se désintéresse pas de la formation puisqu’elle a constitué sur internet, en liaison avec l’éducation nationale, les plateformes « Culture lycée » et « Ciné lycée » – cette dernière ayant remplacé les ciné-clubs de notre enfance – et qu’elle développe des outils à destination des enseignants et des parents d’élèves.

M. Yves Jégo. Quid du made in France ?

M. Martin Ajdari. Le choix des sites de production relève des producteurs indépendants, auxquels nous faisons très majoritairement appel, dans les limites que leur laissent une réglementation, notamment fiscale, qui peut évoluer, et les conditions posées par le Centre national du cinéma pour l’attribution de financements. Cela dit, lorsque nous produisons « en interne », nous le faisons en France : pour les fictions, nous disposons ainsi de sites de production à Marseille, à Bordeaux, à Lyon et à Lille.

M. Rémy Pflimlin. Les productions de France Télévisions se font en quasi-totalité en France.

M. Yves Jégo. Mais vous faites majoritairement appel à des producteurs extérieurs…

M. Rémy Pflimlin. Je parle des productions que nous finançons.

M. Yves Jégo. Lorsque vous achetez une production, avez-vous les moyens de vérifier qu’elle a été faite en France ?

M. Rémy Pflimlin. Bien sûr.

S’agissant de France Ô, 40 % de ses émissions sont consacrées à l’outre-mer, le reste étant conforme à notre cahier des charges.

Je ne dirai rien de la diversification des modes de financement, dans l’attente du débat qui doit avoir lieu sur le sujet. En revanche, j’insisterai à nouveau sur la nécessité d’un financement pérenne. Enfin, je précise à l’intention de M. Kert que la redevance s’élève à 175 euros en Grande-Bretagne et à 225 en Allemagne.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie de vos réponses qui nous permettront de disposer d’une vision précise de la situation, des ressources et des contraintes de France Télévisions, dans la perspective du débat budgétaire à venir. Soyez assuré que nous conduirons celui-ci avec le souci de garantir au groupe les moyens de remplir ses missions d’intérêt général.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.

Présences en réunion

Réunion du mardi 25 septembre 2012 à 16 heures 30

Présents. - M. Luc Belot, M. Patrick Bloche, Mme Brigitte Bourguignon, M. Thierry Braillard, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Pascal Deguilhem, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. Yves Durand, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Christian Kert, M. Dominique Le Mèner, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Martine Martinel, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, M. Marcel Rogemont, M. Stéphane Travert

Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Ary Chalus, Mme Sonia Lagarde, M. Rudy Salles, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. - Mme Nathalie Chabanne, M. Lionel Tardy