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Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mardi 13 janvier 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 23

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, et Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du collège, sur le bilan quadriennal des résultats de la société France Télévisions

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 13 janvier 2015

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
——fpfp——

La Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, et de Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du collège, sur le bilan quadriennal des résultats de la société France Télévisions.

M. le président Patrick Bloche. Je n’imaginais pas ouvrir la première réunion de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’année dans des circonstances aussi exceptionnelles que celles que nous vivons collectivement depuis mercredi dernier. Je tenais à vous remercier pour les nombreux messages que vous m’avez adressés lorsque vous avez appris que le siège de Charlie Hebdo se trouvait dans ma circonscription. En tant que députés de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, nous avons une responsabilité particulière, qui est celle d’écrire la loi qui garantit la liberté de la presse, liberté essentielle que l’on a cherché à assassiner et qui est peut-être la première des libertés dans une démocratie. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que dès le 8 janvier nous puissions collectivement, dans une tribune commune, exprimer notre engagement pour protéger cette liberté dans toutes ses formes d’expression, notamment lorsqu’elle utilise l’insolence, la satire, la caricature, l’impertinence. En tant que membres de la commission chargée de l’éducation, notre responsabilité est tout aussi grande puisque l’école de la République, chargée de transmettre les valeurs de liberté, d’égalité et surtout de laïcité, est d’ores et déjà présentée comme le lieu central où doit se préparer l’après-7 janvier 2015. Ce sera pour nous un sujet de débats, de propositions et d’engagements. Qu’il me soit néanmoins permis d’espérer que l’année 2015 se poursuivra dans des conditions plus heureuses et de vous souhaiter à tous de belles et bonnes choses.

J’accueille à présent M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du CSA.

La loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public a rendu au CSA le pouvoir de nommer les présidents des trois sociétés de l’audiovisuel public et a prévu que le Conseil présente un bilan quadriennal de l’action de chacune de ces sociétés avant que ne s’engage la désignation d’un nouveau président ou le renouvellement d’un mandat. Le CSA va avoir dans peu de temps la responsabilité de désigner le président de France Télévisions pour la période 2015-2020 sur la base de ses compétences mais aussi d’un projet stratégique. C’est pourquoi j’ai souhaité, avec le bureau de la Commission, que vous puissiez nous présenter le bilan quadriennal des résultats de France Télévisions que vous avez publié en décembre 2014. C’est sur la base de ce bilan que nous organiserons nos échanges même si nous pourrions être amenés à vous interroger sur d’autres sujets en lien avec l’actualité.

M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Je voudrais à mon tour exprimer au nom du CSA, en réaction aux terribles épreuves que nous traversons, un sentiment de profonde tristesse et de forte détermination en fidélité aux victimes et à leurs proches.

Il me revient de présenter, avec le concours de Mme Sylvie Pierre-Brossolette, qui préside le groupe de travail consacré à la télévision nationale publique, ce rapport que la représentation nationale a souhaité que nous établissions. Lorsque, au moment de ma désignation, il y a quasiment deux ans jour pour jour, je me suis présenté devant vous, j’ai dit à quel point le lien avec la représentation nationale me paraissait tout à fait essentiel non seulement à l’action du CSA mais aussi à la légitimité de cette dernière. Cette responsabilité, que nous avons eu à cœur de mettre en œuvre, s’inscrit dans un ensemble puisque nous élaborons par ailleurs un rapport annuel sur chacun des groupes que nous sommes chargés de réguler et un rapport d’activité, prévu par l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, et que le Parlement a souhaité enrichir en prévoyant notamment qu’il rende compte de l’impact économique des décisions du régulateur. Je rappelle également que vous avez souhaité que nous formulions un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens (COM) liant les sociétés de l’audiovisuel public à l’État et les éventuels avenants à ces contrats. Tout cela est complémentaire de la compétence tout à fait essentielle de désignation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public. Il convient néanmoins de bien distinguer l’étape de l’état des lieux que vous nous avez demandé de réaliser de celle de la procédure de nomination que nous mettrons en œuvre dans le cadre d’un collège qui sera d’ailleurs renouvelé à la fin du mois.

Le rapport que nous vous présentons poursuit un triple objectif : contribuer à la réflexion des pouvoirs publics ; aider le CSA à exercer son propre pouvoir de nomination en toute connaissance de cause et éclairer les futurs candidats à la présidence de France Télévisions dans la préparation de leur projet stratégique.

Ces missions s’articulent avec celles qui reviennent à l’État actionnaire pour la définition du COM et au conseil d’administration de la société. Comme vous le savez, la ministre de la culture et de la communication a engagé une réflexion interministérielle sur les objectifs que l’État entend s’assigner pour l’exercice de cette mission.

Nous avons apprécié les résultats de la société France Télévisions au regard des dispositions du cahier des charges, du COM et des engagements de l’équipe en fonction. Pour autant, ce n’est pas un jugement de nature personnelle que nous portons sur l’action du président de France Télévisions, M. Rémy Pflimlin, c’est pourquoi le rapport évite, comme vous l’aurez sans doute remarqué, toute référence personnalisée. J’en profite d’ailleurs pour exprimer à titre personnel mon estime chaleureuse et amicale à l’égard de ce dernier. Nous avons bien entendu été attentifs à prendre en compte la liberté éditoriale du groupe qui est inscrite dans la loi du 30 septembre 1986. Nous n’avons pas non plus entendu élaborer une feuille de route clé en main pour le prochain mandat même si l’analyse que nous avons développée débouche à la fin du rapport sur un certain nombre d’indications à caractère général. Nous nous sommes inspirés de l’ensemble du suivi que nous assurons annuellement de l’activité de France Télévisions, de nombreux entretiens avec les responsables du groupe, en particulier avec son président, lequel a été entendu par l’ensemble du collège le 24 septembre 2014, mais aussi des nombreuses auditions réalisées par le groupe de travail présidé par Mme Sylvie Pierre-Brossolette avec des professionnels et en particulier avec des représentants du monde de la production. Nous avons également pris en compte avec le plus grand soin les analyses émanant de parlementaires, en particulier les travaux de Mme Martine Martinel, M. Stéphane Travert et M. Jean-Michel Beffara.

L’appréciation du conseil, qui se veut étayée, équilibrée et constructive, doit évidemment tenir compte de l’histoire et du contexte. Les problèmes auxquels France Télévisions est confrontée ne datent pas d’hier. Ils sont souvent anciens et récurrents et procèdent pour leur règlement d’une démarche de long terme. Enfin, nous avons évidemment été sensibles au contexte économique, budgétaire et concurrentiel dans lequel s’inscrit France Télévisions en mentionnant l’intensification de la concurrence qui découle de l’arrivée de six nouvelles chaînes gratuites en 2012, la réduction de la dotation budgétaire versée à la société ainsi que l’incertitude qui pèse sur l’évolution de ses ressources financières, laquelle a évidemment pesé sur son activité.

Quant à nos constats, je me centrerai ici sur notre cœur de métier qui est l’offre de programmes même si nous avons cru devoir aborder dans le rapport des considérations relevant également de la gestion du groupe.

Nous avons noté tout d’abord la préservation d’une audience significative de l’ensemble du groupe à 28,6 % en dépit d’un léger recul de quatre points en quatre ans dont on peut considérer qu’il est imputable pour l’essentiel à l’intensification de la concurrence mais aussi à la difficulté à attirer les publics les plus jeunes, qui se traduit par un vieillissement de l’audience. Les plus de cinquante ans représentent respectivement 71 %, 76 %, 42 % et 72 % des audiences de France 2, France 3, France 4 et France 5. Le service public étant celui de tous, il s’agit pour nous d’une préoccupation très vive.

En second lieu, nous avons souligné l’existence d’une offre d’information abondante et de qualité qui représente environ 20 % de l’offre d’information globale de la télévision. Il s’agit d’une information de référence dont les formats se sont renouvelés et enrichis. Elle s’appuie notamment sur des magazines d’investigation et des émissions politiques qui contribuent fortement à l’identité des chaînes et constituent un élément important de structuration du débat public et politique dans notre pays.

Nous avons également relevé la construction d’une relation étroite avec le monde de la création qui se traduit d’abord en termes quantitatifs puisque France Télévisions contribue à hauteur de 402 millions d’euros à la production audiovisuelle, soit deux millions d’euros de plus que le plancher fixé par l’avenant au COM. Nous avons tout de même marqué notre préoccupation quant à la tendance à l’émiettement de la commande publique. En 2013, France Télévisions a travaillé avec plus de 40 % des entreprises de production actives et nous avons été frappés de constater que plus de la moitié de ces sociétés travaille exclusivement avec le groupe public, ce qui crée une relation de dépendance. Nous avons parfois regretté que l’organisation ait été un peu instable et pas toujours extrêmement lisible. Les producteurs s’en sont d’ailleurs fait l’écho s’agissant de la politique de commandes à moyen et long termes.

Nous avons appelé à un renforcement des règles de transparence et avons estimé qu’en dépit des succès incontestables enregistrés ces dernières années, la programmation aurait gagné à une prise de risque plus importante et à davantage d’innovation dans les formats et les thèmes traités, en relation d’ailleurs avec la préoccupation concernant le vieillissement des audiences. Le conseil suggère donc, à partir du qualimat, l’élaboration d’une grille d’évaluation beaucoup plus complète qui ferait sa place au choix du thème, au type de traitement, au mode de financement, à l’avis des téléspectateurs et de la critique et aux résultats sur le marché international. Nous sommes persuadés que l’impératif de qualité, qui est la condition même du service public audiovisuel, peut et doit se concilier avec la recherche d’une audience large, de même que nous sommes persuadés que la qualité programmatique et éditoriale doit être étayée par une assise financière et organisationnelle sûre, stable et transparente et par la mobilisation des personnels et collaborateurs que nous saluons et qui sont les garants essentiels de la qualité et de la promotion du service public.

France Télévisions joue un rôle déterminant dans le financement et l’exposition de la fiction audiovisuelle, de l’animation et du documentaire. Le groupe représente 60 % du financement total de la fiction française et a diffusé en 2013 plus de 9 000 heures de fiction. Certaines fictions françaises diffusées par France Télévisions enregistrent de grands succès d’audience – vous en avez tous quelques exemples en tête –, preuve qu’elles sont très largement appréciées du public. Nous avons néanmoins préconisé une diversification du choix des formats : il apparaît en effet qu’il manque tout particulièrement de séries longues – plus conformes aux standards des marchés internationaux – ou de séries aux genres ou thèmes plus variés, reflétant la réalité des problèmes que rencontre la société, problèmes dont nous venons d’avoir un écho particulièrement tragique. Nous plaidons par conséquent pour un effort plus grand d’écriture et de réalisation de ces fictions.

Une partie importante du rapport est par ailleurs consacrée à l’investissement significatif dévolu au sport, secteur marqué par une très grande concurrence avec la télévision payante. Le CSA salue la politique d’achat de droits sportifs menée par l’audiovisuel public, dont la part s’élève désormais à 10 %. Nous avons relevé une concentration intéressante sur de grands événements sportifs fédérateurs, tels que le Tour de France, les Jeux Olympiques, le Tournoi des Six Nations ou le Tournoi de Roland-Garros, même si, pour ce dernier, le renouvellement des droits a donné lieu cette année à une négociation difficile, que le CSA a suivie avec une grande attention. Nous avons aussi noté le souci d’ouverture à des disciplines plus diversifiées, même si l’on ne note pas de réels progrès en la matière puisque le nombre de disciplines exposées à l’écran du service public est passé en quatre ans de 25 à environ 17 ou 18, suivant les modes de calcul retenus.

Le CSA s’est par ailleurs interrogé dans son rapport sur la « cohérence perfectible » du bouquet des chaînes composant le groupe France Télévisions avec le souci d’une clarification des lignes éditoriales. Il nous semble que l’identité respective des chaînes France 2 et France 3 mériterait d’être mieux affirmée, en privilégiant la conquête de nouveaux publics. Nous réaffirmons la nécessité d’une réforme de France 3 Régions, qui n’a toujours pas été engagée, tout en rappelant que le grand intérêt que le public porte aux informations régionales ne s’étend pas aux autres programmes régionaux, sans compter qu’une mise en cohérence avec la réforme territoriale que le Parlement vient d’adopter sera nécessaire. Et que dire du positionnement de France 4, chaîne qui cible successivement deux catégories de public distinctes au cours de la journée, ou de France Ô, qui, au-delà de son identité ultramarine marquée, s’adresse aussi aux jeunes publics urbains, ce qui dans les deux cas nuit à la clarté de leur identité propre ?

Notre rapport salue le développement significatif des activités numériques du groupe qui lui a permis de rattraper un retard important accumulé pendant plusieurs années. Nous avons analysé sa stratégie très vaste de distribution des programmes, gratuits puis payants ; nous avons salué son souci d’innovations technologiques, notamment avec l’expérimentation de « l’ultra HD ». Ce point me permet de vous signaler que nous restons vigilants, tout comme la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle, à ce que la réattribution de la bande des 700 MHz ne conduise pas à remettre en cause le caractère structurant des fréquences hertziennes dans les modes de diffusion de la télévision.

Le CSA est sensible à la nécessité de développer des synergies avec les autres groupes et sociétés du secteur public, notamment Radio France ; le programme diffusé en soirée le 11 janvier dernier, lancé en commun par France 2 et Radio France à la Maison de la Radio, me semble en être le plus bel exemple qui soit dans le contexte douloureux que nous connaissons. Ce panorama serait incomplet si je n’évoquais pas d’un mot l’activité de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) au potentiel extrêmement riche et dynamique.

Le rapport note les efforts réalisés pour une meilleure représentation des femmes – je sais que Mme Sylvie Pierre-Brossolette vous en parlera plus longuement tout à l’heure – dans la droite ligne du vote de la loi du 4 août 2014 et de la mobilisation « En avant toutes ». À la fin de l’année 2014, les femmes représentaient déjà 30 % des experts sollicités sur les plateaux de télévision ; à la fin de l’année 2015, cette proportion devrait s’établir à 35 %. Nous insistons aussi sur la place des femmes au sein de l’entreprise elle-même.

En ce qui concerne la représentation de la diversité, le bilan est plus mitigé malgré des efforts, notamment à l’occasion de la Fête nationale ou dans l’exposition des jeux paralympiques ; ces efforts réels, marqués par l’octroi du label diversité, doivent toutefois être poursuivis et élargis.

De manière volontaire, cet exposé introductif ne comporte pas de conclusion, car nous estimons qu’elle revient au Parlement et au Gouvernement et, à terme, à la personnalité qui sera portée à la présidence du groupe. En tout état de cause, croyez bien, mesdames et messieurs les députés, que le CSA est profondément attaché au rôle joué par le service public télévisuel et aux valeurs et principes dont le Parlement lui a confié la garde, garde que nous assurons avec la plus extrême attention et la plus grande vigilance.

M. le président Patrick Bloche. Merci beaucoup, monsieur le président, pour cette très intéressante présentation de votre rapport ; j’ai compris que Mme Sylvie Pierre-Brossolette interviendra pour sa part en réponse aux orateurs.

Mme Martine Martinel. Monsieur le président, j’ai lu le rapport que le CSA a consacré au bilan quadriennal des résultats de la société France Télévisions avec d’autant plus d’intérêt que vous avez eu la bonté de saluer dans ce rapport, tout en les approuvant, les travaux menés par notre commission !

Ce rapport dresse un état des lieux ; il ne s’agit pas d’une mise en cause personnelle de la direction actuelle de France Télévisions, mais d’une série d’observations fondées sur les très nombreux entretiens et analyses que vous avez pu mener.

Permettez-moi de revenir sur certains points soulevés par le rapport, en premier lieu sur ce que vous appelez, non sans élégance, une « cohérence perfectible » du bouquet des chaînes du groupe. Il est vrai qu’on est frappé en regardant les programmes par le manque d’identité affirmée de chacune d’entre elles ; j’aimerais que vous puissiez nous reparler des chevauchements entre France 2 et France 3 ou du manque d’identité de France 3 Régions que vous avez rapidement évoqués dans votre propos introductif. Les chaînes France 4 et France Ô peinent aussi à définir leur identité propre et ne rencontrent pas l’audience escomptée, même si j’ai bien noté que le président de la République venait de fixer un destin particulier à France Ô. Vous avez aussi évoqué le vieillissement des téléspectateurs des chaînes du groupe qui est en effet très préoccupant.

On est aussi frappé par la trop faible différence entre les programmes proposés par les chaînes publiques et privées ; il me semble sur ce point que les analyses développées dans votre rapport devraient permettre de réorienter les choix qui sont faits. D’autant plus que ce ne sont pas moins de trois milliards d’euros qui sont dépensés chaque année, ce qui représente une somme conséquente dans les temps de forte contrainte budgétaire que nous connaissons. Vous avez souligné le manque d’audace de certains producteurs, le sentiment de frustration qui existe aussi, vous avez aussi évoqué le cas de ces producteurs affidés du groupe France Télévisions, pourriez-vous nous éclairer davantage sur tous ces points ?

Les dix objectifs qui figurent à la fin de votre rapport sont-ils l’esquisse d’un possible cahier des charges qui serait soumis au futur candidat à la présidence de la société France Télévisions ? Parmi eux, lesquels vous paraissent prioritaires ? Pour ma part, certains ont particulièrement retenu mon attention, l’instauration d’un « baromètre de la qualité », en premier lieu ; pourriez-vous développer ce point ? La question de la place des femmes me préoccupe également, mais sur ce dernier point, je sais que d’autres collègues vont vous interroger.

M. Christian Kert. Merci, monsieur le président, pour la présentation synthétique de ce rapport, dans lequel le CSA reconnaît quelques points positifs dans la gestion de France Télévisions, notamment s’agissant des audiences, de la participation importante au financement de la création – plus de quatre cents millions d’euros –, des développements numériques ou des actions en faveur de l’égalité, que ce soit sur les plateaux ou en coulisses. Mais ce rapport fait aussi état de points nettement moins positifs : la qualité des programmes, qui ne serait pas à vos yeux à la hauteur de ce qu’on est en droit d’attendre d’un opérateur public ; les incertitudes qui demeurent en ce qui concerne la ligne éditoriale de certaines chaînes – France 3, chaîne des régions, mais pas seulement, France 4, chaîne jeunesse, mais plus seulement et même France Ô, chaîne ultramarine, mais pas seulement ; la maîtrise des coûts, enfin.

Tous ces reproches que vous adressez à France Télévisions, notamment en matière de contenus éditoriaux, de qualité des programmes, de manque d’ambition créative, de limitation de la prise de risques, nous semblent directement liés à un environnement budgétaire chaotique, fait de revirements incessants depuis 2012 ; je rappelle, car il me semble que votre rapport ne le fait pas suffisamment, la baisse continue des ressources publiques affectées à l’audiovisuel public ces dernières années : - 2,3 % en 2013, - 0,3 % en 2014, - 0,5 % en 2015. Tout cela donne l’impression que France Télévisions est prise au piège : l’État se désengage totalement de la compensation de la suppression de la publicité en soirée – je connais bien la position du président de notre commission sur cette question –, sans donner pour autant les moyens à France Télévisions de réformer la politique menée vis-à-vis de ses annonceurs – sans même parler du fait que le Gouvernement continue de percevoir tant la « taxe télécoms » que celle sur la publicité des chaînes privées, taxes dont le produit était censé financer indirectement la dotation d’équilibre de France Télévisions, alors que ce n’est pas le cas. D’autre part, l’État met le téléspectateur à contribution, en augmentant la redevance audiovisuelle, sans pour autant que cette hausse bénéficie in fine à France Télévisions…

Il ne s’agit pas ici de refaire le débat sur la suppression de la publicité après 20 heures, mais de souligner que le Gouvernement ne respecte pas l’équilibre issu de la loi de 2009, ce qui nous oblige, si vous ne le faites pas dans votre rapport, à pointer ces incohérences et ces errements qui mettent en péril la notion même de contrat d’objectifs et de moyens. Comme on l’a vu pour Radio France, à force de ne pas respecter ses prévisions budgétaires, l’État décrédibilise les actes de gestion des sociétés publiques. On aurait pu souhaiter que l’État joue la carte de la vérité dès 2012 en annonçant clairement la fin de la dotation budgétaire et une diversification des financements, mais cela n’a pas été fait, conduisant les entreprises à compter sur des compensations qui ne sont jamais venues.

Il me semble qu’il est plus que temps de mettre en place une ligne claire de financement de l’audiovisuel public. Je sais, monsieur le président du CSA, que vous vous êtes prononcé pour une augmentation de la redevance et contre un retour de la publicité. Que pensez-vous néanmoins de la proposition émise par M. Rémy Pflimlin de réintroduire de la publicité entre 20 heures et 21 heures sur France 2 et France 3 ? Quelles pistes constructives tracer pour redonner de la stabilité financière au groupe France Télévisions ?

Je souhaiterais encore dire un mot sur la loi de 2013 sur l’indépendance de l’audiovisuel public contre laquelle notre groupe a voté. Cette loi met indirectement en place une double tutelle qui ne facilite pas la tâche des présidents des opérateurs publics ; le psychodrame causé par la divulgation dans la presse, en novembre dernier, du projet de rapport que nous examinons aujourd’hui en est d’ailleurs l’illustration frappante.

Une dernière question enfin, liée à l’actualité brûlante : quel jugement portez-vous sur le traitement des événements récents par les chaînes publiques ? Il nous a semblé que les principales chaînes du service public avaient fait preuve d’un grand professionnalisme et de beaucoup de prudence mais nous souhaiterions recueillir votre avis sur ce point.

M. Rudy Salles. Le rapport est intéressant mais donne l’impression de reprendre les échanges que nous avons chaque année sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions. Je soulèverai plusieurs points.

S’agissant tout d’abord de la difficulté du service public de la télévision à attirer les jeunes, on pourrait dire la même chose du service public de la radio, avec l’échec patent du Mouv’, qui n’a, depuis sa création, jamais réussi à décoller et dont on va changer probablement l’appellation, sans qu’à mon avis cela ne permette d’attirer davantage de jeunes, de la même manière qu’on n’arrive pas à les attirer vers la presse quotidienne régionale. Ce sont des questions qui me semblent liées, parce que la plupart des jeunes d’aujourd’hui ne s’informent plus à travers les médias classiques, mais uniquement sur le net, ce qui suscite naturellement beaucoup d’interrogations sur l’avenir de la presse écrite.

S’agissant de la cohérence perfectible du bouquet des chaînes du groupe, je partage tout à fait votre point de vue sur l’identification des chaînes France 2 et France 3 ; c’est un débat que nous avons régulièrement ; je ne parlerai même pas de France 4 car je n’ai pas encore compris à quoi servait cette chaîne ; quant à France Ô, elle a aussi un vrai problème d’identification, et il faudra bien que nous arrivions à rationaliser le paysage de l’audiovisuel public parce que nous avons besoin de chaînes plus typées qu’elles ne le sont aujourd’hui.

Pour ce qui concerne l’environnement budgétaire, je partage le point de vue de Christian Kert. Nous sommes dans un environnement chaotique et atteindre des objectifs avec une telle contrainte budgétaire est une mission quasiment impossible. Je ne sais pas si l’on reviendra sur la suppression de la publicité après 20 heures. Vous n’y êtes pas favorable ; j’étais, quant à moi, favorable à sa suppression totale sur les chaînes publiques, sur le modèle de la BBC. Mais puisque nous n’irons pas dans cette direction, ne pourrait-on pas – et c’est une demande de France Télévisions – réintroduire de la publicité après 20 heures uniquement sur certains grands événements sportifs ? On voit bien que lorsqu’il y a de très grandes rencontres sportives, de grands matches avec des mi-temps, ce sont des minutes d’antennes qui coûtent très cher et qui pourraient peut-être apporter un peu d’argent frais dans les caisses de la télévision publique.

Votre rapport souligne que l’entreprise unique a hésité au cours des quatre dernières années entre un modèle d’organisation décentralisé et un modèle plus centralisé, ce qui a conduit à un organigramme peu lisible et à la confusion des lignes éditoriales entre certaines chaînes du groupe. Le rapport recommande notamment que France Télévisions se dote d’un organigramme stabilisé permettant aux chaînes de disposer d’une identité forte, incarnée par des directeurs à compétence pleine et entière et susceptible de composer une offre cohérente d’information et de programmes dans leur périmètre respectif. Serait-il opportun d’avoir une gouvernance resserrée, à l’échelle de l’ensemble des structures audiovisuelles publiques en France, avec à terme, une fusion des télévisions et des radios publiques ?

Vous posez également la question de la rentabilité de la stratégie numérique de France Télévisions en constatant que le budget total consacré au numérique a fortement augmenté alors que les recettes afférentes stagnent à environ 21 millions d’euros. Quelles pistes formulez-vous pour améliorer cette rentabilité sachant que le groupe doit à la fois participer à l’effort de réduction des déficits publics tout en préparant la nécessaire transition vers une offre numérique de plus en plus importante ?

Mme Marie-George Buffet. La petite polémique qui avait précédé la parution du rapport avait pu nous inquiéter, mais la lecture du document montre qu’il s’agit d’un rapport équilibré. Vous soulignez, Monsieur le président, à la fois la responsabilité de la télévision publique s’agissant de l’information, de la qualité de l’expertise et du débat ainsi que du nombre d’heures consacrées à inciter à l’expertise, au débat et à la réflexion. Vous signalez aussi les bons rapports du groupe avec le monde de la création et la bonne couverture sportive – même s’il y a encore des problèmes concernant la diversité des pratiques couvertes. Vous exprimez des préoccupations tout à fait justifiées sur l’âge du public, sur l’émiettement de la commande publique, et sur l’absence de prise de risques.

Mais jusqu’où peut-on exiger l’excellence de la part de France Télévisions alors que ses moyens diminuent année après année ? Votre rapport relève d’ailleurs que selon les acteurs de la création, les difficultés proviennent souvent de l’instabilité financière de France Télévisions, et non pas d’une mauvaise volonté de la part des chaînes publiques. Il en va de même des effectifs ; le rapport pointe l’instabilité de la gouvernance, tout en insistant sur la nécessité de diminuer les effectifs. Si l’on prend l’exemple du sport, vous indiquez vous-même que nous n’aurons bientôt plus accès gratuitement à de grandes épreuves sportives, et notamment de grands matches, parce que la télévision publique ne pourra plus les acheter. Les achats de retransmissions sportives sont en baisse et les ligues, qui privilégient une rentrée d’argent plus importante au détriment de l’audience de leur propre sport, jouent un jeu dangereux. Comment trouver l’équilibre entre la baisse des moyens et des effectifs et la demande d’excellence et de qualité ?

En ce qui concerne l’actualité, deux éléments m’ont posé problème : la diffusion sur les antennes pendant de nombreuses heures de photographies de personnes non impliquées directement dans les prises d’otages et les attaques terroristes, notamment de l’une d’entre elles, qui a ensuite été retirée après être apparue très longuement, et la retransmission très rapide, après la fin des prises d’otages, de conversations téléphoniques alors que les forces de l’ordre étaient encore engagées et malgré les risques réels que cela pouvait entraîner pour les otages. Ces comportements liés à une course permanente à l’audience m’ont profondément heurtée. Partagez-vous ce sentiment ?

Mme Julie Sommaruga. Je souhaiterais vous interroger sur deux points spécifiques. Tout d’abord, la fermeture de l’Agence internationale d’images de télévision (AITV). Cette agence, spécialisée dans l’information africaine et implantée à Malakoff, dans ma circonscription, permettait la promotion de la diversité sociale et culturelle. Je m’inquiète donc bien évidemment de l’avenir professionnel des vingt-huit membres permanents de la rédaction de Malakoff et des trente correspondants africains et je souhaite savoir comment France Télévisions entend pallier la fermeture de cette agence, notamment vis-à-vis de France Ô qui bénéficiait de ses images.

L’autre point concerne l’éducation du jeune public, sujet d’actualité. France Télévisions propose des programmes éducatifs aux jeunes téléspectateurs, aux internautes et aux citoyens à travers notamment l’excellente plateforme « francetv éducation ». C’est une fierté de notre service public audiovisuel qu’il faut encourager et préserver. Quelles mesures entendent prendre France Télévisions et le CSA pour favoriser la sensibilisation, l’information et l’éducation du jeune public à la notion de « vivre ensemble », et en particulier à la lutte contre les discriminations ?

M. François de Mazières. J’évoquerai deux points pour compléter l’analyse très large et intéressante de Christian Kert. Le premier est la question du périmètre. Nous sommes très attentifs à toutes les questions culturelles. Or, les crédits consacrés ces dernières années à l’audiovisuel ont été fortement diminués. En même temps, on voit bien que France Télévisions a des difficultés extraordinaires à remplir son cahier des charges, tant les contraintes qui lui sont imposées aujourd’hui sont lourdes. On est dès lors en droit de se demander, alors que les déclarations sont unanimes sur la nécessité de consentir un effort budgétaire particulier pour la sécurité, s’il ne faut pas réétudier le périmètre de l’audiovisuel public, afin d’assurer une gestion véritablement efficace de France Télévisions. Au vu de l’extrême diversité de ce secteur, qui est tout de même assez unique – on ne voit pas autant de chaînes à l’étranger –, n’est-il pas aujourd’hui utile de s’interroger sur l’application de mesures plus radicales, alors qu’on demande des efforts budgétaires dans tous les secteurs ?

Par ailleurs, pour permettre la mise en œuvre d’une politique efficace dans une période budgétairement difficile, le président doit être pleinement investi. Et à cet égard, nous avons tous noté que le président Pflimlin avait été contesté par sa ministre de tutelle ; et il est tout de même extrêmement difficile pour un président d’établissement public de voir certains de ses choix mis en cause par des déclarations ministérielles. De la même façon, la fuite regrettable du rapport du CSA, que vous déplorez, a véritablement pesé. Comment arriver à faire en sorte que le président que vous allez désigner soit véritablement autonome, c’est-à-dire qu’il dispose de la liberté d’action nécessaire, sous votre contrôle et à partir d’un contrat bien établi, pour mener de vraies réformes. Car on a l’impression aujourd’hui que faire des réformes à France Télévisions est impossible. Rémy Pflimlin s’y est attaqué – on connaît son énergie –, et l’on constate qu’il a réalisé les efforts budgétaires importants qui lui ont été demandés. Cependant, les fortes contestations qu’il a rencontrées montrent bien qu’il a eu beaucoup de difficulté à affirmer son indépendance et son autorité de président.

M. Marcel Rogemont. Votre rapport attire notre attention sur de nombreuses questions, mais je n’en aborderai que trois, une sur la forme, et deux, qui ont trait à la création.

S’agissant de la forme, durant les débats relatifs à la loi du 15 novembre 2013, j’avais suggéré qu’au moins trois mois avant la fin du mandat d’un président d’audiovisuel public, le CSA déclare si oui ou non, ce président devait être reconduit, afin d’ouvrir ou non sa succession. Il semble que votre rapport tranche cette question sans le dire. Peut-on d’ailleurs prendre les remarques qui y figurent comme autant d’indications pour les futurs postulants ?

France Télévisions tient une place importante dans le soutien à la création ; vous rappeliez que le groupe a fait appel à 343 producteurs, soit environ un tiers des entreprises de ce secteur. Votre rapport constate que la moitié de ces producteurs dépendent entièrement de France Télévisions. Vous suggérez qu’une production audiovisuelle plus structurée permettrait d’assurer des formats plus compétitifs, notamment au plan international. Mais où placez-vous le curseur entre une production structurée et une production indépendante dans sa multiplicité et comment voyez-vous l’évolution de cette production indépendante ?

Par ailleurs, votre rapport comporte des critiques à l’égard de certains programmes jugés peu audacieux, en décalage avec l’ambition affichée d’une offre innovante et créative. La mise en place d’une grille d’évaluation de la qualité des programmes, que vous proposez, pourrait n’être, d’ailleurs, qu’un autre moyen de formatage ; votre rapport suggère même de conditionner la diffusion d’un programme à l’obtention d’un niveau d’évaluation minimal sur la base de cette grille. Ne pensez-vous pas que ce type de dispositif nous enferme dans d’autres contraintes, comparables à celles de l’audimat ?

Pour conclure, je souhaiterais réagir au drame de ces derniers jours. Lorsque des chaînes de télévision localisent des personnes prises en otage, il y a là quelque chose qui ne correspond pas à une information responsable, fût-elle en continu. Quelles conséquences en tirez-vous et quelles mesures envisagez-vous de prendre pour l’avenir, et pourquoi pas, quelles sanctions pour le présent ?

Mme Claudine Schmid. Je ne vous interrogerai pas sur le bilan quadriennal de la société France Télévisions, que de nombreuses questions ont abordé, mais je reviendrai sur l’actualité, comme plusieurs de mes collègues l’ont fait. Dans un communiqué, le CSA a indiqué qu’il examinait d’éventuels manquements qu’auraient pu commettre des médias audiovisuels dans leur couverture de l’attentat contre Charlie Hebdo et des prises d’otages qui l’ont suivie. Vous précisez également que vous réunirez les représentants des médias concernés dans les plus brefs délais pour une réflexion commune sur cette couverture. Vous avez aussi appelé ces derniers à agir avec le plus grand discernement au moment où se déroulaient les prises d’otages simultanées. Dans cet esprit, vous indiquez que vous analyserez la couverture des événements qui en a été faite. Sans préjuger du résultat de ces analyses, allez-vous faire évoluer les règles qui régissent les obligations – je dirai même les devoirs – de l’audiovisuel en matière d’information ? Par ailleurs, même si des millions de personnes ont défilé pour la liberté de la presse, les médias ne peuvent-ils pas s’imposer des limites dans l’information qu’ils diffusent ? Enfin, la surenchère du direct, due en partie à la concurrence que se livrent les chaînes, doit-elle primer sur la sécurité nationale et celle des forces de sécurité ?

M. Pascal Deguilhem. Lorsque le dimanche matin à huit heures, on ne peut pas accéder gratuitement à de courts extraits des matchs du top 14 pour visionner les essais de la veille, il y a un véritable problème d’accès à la diffusion d’images publiques. Le CSA a pris une délibération fin octobre 2014 qui est entrée en vigueur au 1er janvier dernier et j’ai bien compris les difficultés que vous avez évoquées dans votre intervention, et qui le sont d’ailleurs dans le rapport. France Télévisions s’efforce de conserver des images et d’exposer les plus grands événements, mais on voit bien qu’il y a un glissement progressif vers le « tout payant ». Aujourd’hui, mes concitoyens en région me font part de leur indignation : dès lors qu’ils ne sont pas abonnés à Canal Plus ou beIN Sports, en dehors du Tour de France, de Roland Garros, du Tournoi des Six Nations et de quelques autres événements sportifs, ils ne peuvent plus accéder aux images sportives. L’accès restreint aux spectacles sportifs pose un vrai problème et inquiète nos concitoyens.

M. Michel Françaix. Je crois qu’il est préférable de ne pas tirer trop de conclusions de ce rapport riche et intéressant, notamment sur la question de savoir si les futurs candidats à la présidence de France Télévisions devront en faire ou non leur brevet. Par ailleurs, je partage totalement l’avis de notre collègue Christian Kert lorsqu’il évoque une déstabilisation du financement de France Télévisions, même si, de mon point de vue, celle-ci a débuté lorsque l’on a décidé, sans en anticiper les conséquences, que la publicité devait quitter le service public. Je ne dis pas que cela ne devait pas être fait mais il aurait fallu mieux réfléchir aux conséquences de cette décision.

En ce qui concerne les chaînes d’information en continu – elles le sont toutes en cas d’attentats –, je pense qu’il faut se garder de toute réflexion « à chaud ». Y a-t-il eu de vrais dérapages ? Lorsqu’il y en a eu, ont-ils été maîtrisés ? L’information a, semble-t-il, manqué de repères à certains moments. Il est cependant difficile d’empêcher une radio ou une chaîne de télévision qui croit disposer d’une information d’en faire part. Dans ce domaine, la sécurité est l’élément déterminant. Il est difficile de déterminer qui, dans ces conditions, manipule l’autre, les services de police ayant même pu parfois laisser échapper des informations dans leur propre intérêt. Le problème soulevé ici est considérable.

Mme Maud Olivier. Le bilan quadriennal des résultats de France Télévisions qui nous est présenté souligne les progrès du groupe en matière de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, au sein de l’entreprise comme dans la représentation des femmes à l’antenne. Vous notez cependant que ces efforts doivent être poursuivis et intensifiés ; je vous rejoins sur ce point.

Bien que l’on ne puisse que saluer la multiplication des programmes promouvant l’histoire des femmes sur les antennes, le CSA a dû rappeler plusieurs fois à l’ordre le groupe France Télévisions sur le sujet. En matière de traitement du sport féminin par exemple, le CSA a adressé une mise en garde ferme au groupe en mars 2014, à la suite des commentaires sexistes de MM. Nelson Monfort et Philippe Candeloro pendant les Jeux Olympiques de Sotchi. Il l’a également fait en raison du défaut de pluralité des points de vue exprimés sur certains sujets qui agitent notre assemblée et la société française dans son ensemble, comme le système prostitutionnel. J’ai d’ailleurs interpellé M. Rémi Pflimlin sur le sujet le 25 novembre dernier alors que notre commission l’interrogeait sur l’exécution du COM. Vous avez également écrit à M. Pflimlin le 9 avril 2013 pour l’informer que le CSA relevait le caractère complaisant de l’interview de M. Dominique Alderweireld, dit « Dodo la saumure », par M. Frédéric Taddeï et regrettait que l’animateur n’ait pas donné tous les éléments permettant d’assurer un équilibre des points de vue. Ce type d’incidents s’est malheureusement reproduit dernièrement avec la diffusion d’un documentaire, le 18 novembre 2014, qui défendait une vision idyllique et mensongère de la prostitution en mettant en scène des personnalités connues demandant l’abrogation des lois réprimant le proxénétisme. Or, nous sommes en droit d’attendre d’une chaîne publique qu’elle donne aussi la parole à celles et ceux qui présentent la prostitution autrement et pour ce qu’elle est : un rapport sexuel imposé par l’argent et subi pour des raisons économiques. De tels documentaires ont d’ailleurs été proposés au groupe, qui les a refusés. Vous réalisez, monsieur le président, une lecture rigoureuse à travers le prisme de l’égalité entre les femmes et les hommes de ce qui est diffusé à la télévision et sur nos ondes ; avez-vous pu évaluer les effets de ces rappels à l’ordre et sanctions ? Comment les rendre plus efficaces ? Comment prévenir à la fois les propos de nature sexiste et le défaut de pluralité des points de vue ?

Mme Régine Povéda. « Sans information et sans débat sur l’Europe, pas de démocratie européenne. Sans information et sans débat sur l’Europe, nous risquons de subir, dans un contexte d’abstention massive, une vague populiste lors des élections européennes de mai 2014 ». Cette phrase date d’avril 2014. Cette demande émanait de nombreux groupes de réflexion, qui exigeaient plus d’Europe dans les médias. Comment France Télévisions pourrait-il parler davantage d’Europe pour mieux informer les citoyens, pour l’expliquer et la faire vivre ? Il me semble que le CSA doit mieux définir le rôle du service public en la matière, en particulier celui de France Télévisions, qui manque d’ambition sur ce sujet.

Mme Sophie Dessus. Dans la mesure du possible, pourriez-vous nous donner quelques précisions sur la chaîne France 3 et ses programmes régionaux ? Si les informations régionales trouvent leur audience, la situation est relativement inquiétante en ce qui concerne les documentaires et les autres émissions. Une idée m’est venue en vous écoutant : le nouveau périmètre des régions, qui va regrouper des territoires qui se méconnaissent et des téléspectateurs qui n’ont pas cultivé jusqu’à présent de liens géographiques, historiques ou économiques, n’est-il pas l’occasion, pour les télévisions régionales, de créer un sentiment d’appartenance pour les citoyens de ces nouvelles régions ? Imaginez un instant le choc des images et le poids des paroles suscités par la rencontre du surfeur de Biarritz, du libertaire de Tarnac et du producteur de Cognac ! Il y a quelques mois, les journalistes et techniciens de France 3 Régions avaient de très fortes inquiétudes sur leur avenir. Êtes-vous aujourd’hui en mesure de les rassurer ?

M. Lionel Tardy. Vous insistez beaucoup sur la télévision de rattrapage dans ce bilan quadriennal. Il est vrai que France Télévisions est à la pointe dans ce domaine, ce dont je me réjouis. En revanche, pourquoi ne faites-vous pas état d’autres développements numériques qui vont prendre de l’importance ? Je pense notamment à la place du second écran, c’est-à-dire à l’interaction en cours de programme par le biais d’applications ou de réseaux sociaux. C’est là l’avenir de la télévision. France Télévisions est-elle également à la pointe dans ce domaine ?

M. le président Patrick Bloche. Monsieur le président Schrameck, je me permets de vous interroger sur deux points avant de vous redonner la parole. Comme vous l’avez rappelé, la nomination du futur président de France Télévisions s’établira sur la base d’un projet stratégique. Comment envisagez-vous la conciliation de vos propres réflexions sur le sujet avec celles qui seront établies par la mission confiée par le Gouvernement à M. Marc Schwartz ? Par ailleurs, vous avez souligné, comme certains de nos rapports, l’insuffisante différenciation éditoriale entre France 2 et France 3, à laquelle vous attribuez d’ailleurs l’affaiblissement des audiences de France 3. Pensez-vous souhaitable de maintenir le modèle actuel de France 3, éventuellement réformé, ou, de façon plus radicale, de le refondre intégralement ?

M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. J’apprécie l’attention avec laquelle vous avez accueilli ce rapport ; la diversité et la qualité des questions posées en constituent la preuve irréfutable.

En ce qui concerne la couverture médiatique et le traitement des récents événements, je tiens à rappeler le souci d’assurer l’information dans des conditions parfois difficiles et assurément inédites. Cet effort n’a pas permis de résoudre un certain nombre de problèmes relatifs à la diffusion d’informations sur l’action des forces de l’ordre, les agresseurs et leurs victimes, à la mise en cause de personnes, aux conversations téléphoniques qui ont pu être conduites, à l’interférence avec les procédures judiciaires, à la gêne éventuelle de l’action matérielle des forces de l’ordre ainsi qu’à l’absence de floutage de victimes ou d’otages.

Pour y répondre, nous avons deux approches distinctes. La première consiste, d’après nos missions, à instruire ces questions de façon contradictoire – c’est en effet la règle que j’ai entendu appliquer dès ma prise de fonction – et à nous prononcer sur d’éventuelles sanctions. Le service public de la télévision s’est fortement mobilisé, en particulier France 2, mais il n’est pas exempt d’interrogations voire de critiques. Le collège n’ayant pas délibéré sur ce point, je ne peux vous donner plus d’informations.

En revanche, nous avons engagé une démarche complémentaire inédite, qui nous a paru tout à fait nécessaire. Nous avons entamé une réflexion avec l’ensemble des médias qui permet de s’interroger sur les mesures à prendre. Nous avons l’expérience de la discussion de la recommandation du 20 novembre 2013 sur les conflits internationaux et les agressions terroristes, où nous nous sommes heurtés à des objections – que nous comprenons par ailleurs – sur la liberté d’information et sur l’autonomie et la responsabilité de la ligne éditoriale. Les événements récents ont montré que ces principes pouvaient comporter, du point de vue de la sécurité nationale et de celle des personnes, des limites avérées.

Je salue le fait que l’ensemble des chaînes de télévision et de radio ait accueilli très favorablement cette initiative, qui sera bientôt étendue à d’autres acteurs comme l’Agence France-Presse, et nous aurons dès jeudi prochain une rencontre qui débutera par un compte-rendu, assuré par le ministère de l’intérieur, de ses rapports avec les médias. Je souhaite que ce soit la première étape d’un cheminement collectif qui nous permette de mieux répondre aux questions soulevées par les événements récents.

Par ailleurs, pour répondre à vos questions relatives au modèle de financement du groupe, nous n’avons absolument pas négligé le contexte budgétaire difficile de France Télévisions. Le CSA n’a toutefois pas de compétences en la matière. Pour autant, il ne peut pas s’affranchir d’une participation à la réflexion sur le sujet. J’attire votre attention sur le fait que notre récente enquête sur l’équipement des foyers montre une baisse limitée mais structurelle de la proportion du public qui use d’un récepteur de télévision. Si les règles demeurent inchangées, il est à craindre que l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public s’atrophie faiblement mais inexorablement.

En ce qui concerne la publicité, le CSA a manifesté de fortes réticences vis-à-vis des initiatives allant au-delà du cadre législatif actuel. La représentation nationale a longuement débattu, à l’occasion de la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, de l’étendue horaire de l’interdiction de la publicité. Nous sommes sensibles à l’équilibre de l’ensemble du secteur audiovisuel. Or, celui-ci est fragile dans un contexte de dégradation du marché publicitaire.

Concernant les fuites relatives au rapport sur le bilan quadriennal de France Télévisions, je ne peux que les déplorer et c’est la première fois sous ma présidence que le CSA a été confronté à un tel phénomène. C’est une exception de taille et très regrettable au devoir que vous avez fixé à l’autorité publique indépendante que je préside. Je n’avais d’ailleurs pas encore pris connaissance de ce rapport, qui avait été remis par Sylvie Pierre-Brossolette à ses collègues.

Je tiens par ailleurs à préciser que le rapport que nous vous présentons aujourd’hui ne préjuge en rien de l’avenir et surtout pas de la nomination du futur président de France Télévisions. Je rappelle d’ailleurs que le collège sera renouvelé à la fin du mois de janvier 2015 et ce sera donc une nouvelle équipe qui sera chargée de la nomination.

Je me suis entretenu avec Mme la ministre de la culture et de la communication et avec M. Marc Schwartz, qui coordonne la réflexion interministérielle sur l’avenir de France Télévisions sous l’autorité de la ministre, au sujet du séquençage de la réflexion gouvernementale. Il nous a été indiqué que le Gouvernement livrerait ses recommandations à la mi-février. Pour ma part, j’inviterai au mois de février le collège renouvelé à réfléchir sur la procédure de désignation qui reposera sur une évaluation de ce qui a été réalisé pour la nomination du président de Radio France. Nous ferons en sorte, tout en respectant les exigences de transparence et d’égalité d’accès aux emplois publics, de nous ménager la possibilité de faire appel à l’échelle maximale des compétences compte tenu de la très grande importance et de la très grande difficulté de la fonction de président de France Télévisions. La procédure de sélection se déroulera ensuite du 22 avril au 22 mai 2015 et nul ne peut préjuger du fait que M. Rémy Pflimlin décide ou non de candidater pour un nouveau « mandat ».

Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Je tiens à m’associer aux propos liminaires de M. Patrick Bloche et à dire, moi aussi, mon émotion suite aux événements tragiques qui ont touché la France. J’y suis d’autant plus sensible que je suis une ancienne journaliste et qu’en tant que membre du CSA je suis très attachée à la liberté d’expression.

Pour répondre aux questions relatives au périmètre du bouquet et à la nécessité que France 2 et France 3 trouvent une réelle identité au lieu de se concurrencer, il y a là un problème difficile car ce sont toutes deux des chaînes de service public qui tiennent à leur profil de généraliste même si France 3 est plus tournée vers les territoires. Il faut rappeler que France 3 représente 70 millions de recettes publicitaires du groupe et permet de couvrir 50 % de ses obligations en matière de création. Comme nous l’avons indiqué dans notre contribution aux réflexions de la mission confiée à Anne Brucy, compte tenu de la situation financière actuelle de France Télévisions, il nous est apparu difficile de faire évoluer radicalement le modèle de France 3 en créant par exemple plusieurs chaînes à vocation régionale. Cette option sera peut-être envisageable un jour si les perspectives financières s’améliorent.

Néanmoins, comment mieux différencier les deux chaînes pour éviter une concurrence stérile ? On peut peut-être orienter France 2 davantage vers l’actualité, la société, la politique, l’information alors que France 3 pourrait insister davantage sur les contenus patrimoniaux, culturels et sa vocation territoriale. Il est parfois difficile d’empêcher France 2 d’envahir France 3 et d’interdire à France 3 de faire du « France 2 ». Mais il existe certainement une marge de progrès pour mieux organiser la programmation et éviter que les deux chaînes ne diffusent le même soir des émissions historiques s’adressant au même public.

Nous partageons vos interrogations concernant la situation de France 4 et de France Ô. Nous sommes un peu perplexes devant la grille de France 4 qui s’adresse aux très jeunes téléspectateurs et aux jeunes adultes selon l’heure de diffusion et ne possède pas de réelle identité. L’audience n’est pas au rendez-vous et la prochaine équipe devra impérativement faire évoluer cette chaîne. Le CSA a proposé de la consacrer exclusivement aux très jeunes enfants. C’est une possibilité parmi d’autres et il faut y réfléchir.

France Ô peut avoir plusieurs évolutions. Elle pourrait demeurer la chaîne ultramarine ou évoluer, comme nous le proposons, pour devenir la chaîne de la diversité des populations, des cultures. Il faut y réfléchir mais aujourd’hui la chaîne est encore bancale et recueille encore moins d’audience que France 4. Si l’audience n’est pas le seul critère, il en faut néanmoins un minimum pour justifier un budget de 35 millions d’euros pour France Ô et de 45 millions d’euros pour France 4. Quant à la question de leur suppression, il ne revient pas au CSA de trancher mais aux élus et au Gouvernement.

Notre proposition de création d’un baromètre de la qualité vise à permettre à France Télévisions de mieux justifier du choix de ses programmes que nous souhaitons plus diversifiés, plus ouverts. Le 27 décembre, France Télévisions a diffusé une excellente émission intitulée « Prodiges », qui a réussi à concilier la qualité et une audience de 4 millions de téléspectateurs pour un programme de musique classique de très grande tenue. De nombreuses émissions proposées par France Télévisions réussissent à concilier audience et qualité. C’est la justification même de l’existence d’un service public. L’impératif de qualité est l’un des dix objectifs que nous fixons à France Télévisions pour la suite.

Il convient par ailleurs, comme le prévoit le cahier des charges de France Télévisions, de renforcer la place des questions européennes dans l’information. De manière plus générale, l’information à France Télévisions doit être centrée sur les grands sujets nobles : la politique, l’économie et évidemment l’Europe.

Je ne vais peut-être pas répondre sur l’AITV car la députée qui a posé la question est partie.

M. le président Patrick Bloche. Cette question m’intéresse car je me suis mobilisé avec d’autres parlementaires sur ce sujet et les réponses qui ont été apportées à nos questions ne m’ont pas convaincu.

Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Ce sont des motifs budgétaires qui ont conduit France Télévisions à mettre fin au contrat qui le liait à cette agence. France Télévisions a estimé qu’il existait d’autres moyens moins onéreux de disposer d’images sur l’Afrique. Les arguments qui m’ont été présentés par les responsables de France Télévisions m’ont paru convaincants. Nous n’avons pas à faire pour eux les choix nécessaires pour produire la meilleure information possible. Nous nous sommes souciés du reclassement des personnels : les 28 personnes concernées seront reclassées à l’intérieur de France Télévisions. Il appartient à France Télévisions de s’organiser pour gérer au mieux un budget de plus en plus serré. L’AITV faisait partie des dépenses qui pouvaient être supprimées. Lorsqu’on doit faire des économies, il faut bien que ça tombe quelque part !

Concernant les synergies et mutualisations de moyens possibles entre les sociétés de l’audiovisuel public, il ne s’agit pas encore de recréer une entreprise unique mais des synergies pourraient être réalisées sur le numérique en ce qui concerne les matériels et les techniques. Il n’y pas de raison que France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA ne mettent pas en commun leurs capacités dans ce domaine.

France Télévisions devrait aussi veiller à être plus audacieuse pour attirer le public des adolescents et jeunes adultes. Les téléspectateurs du service public sont aujourd’hui majoritairement des personnes de plus de cinquante ans. C’est un vrai défi pour l’audiovisuel public.

Quant à la place des femmes à l’antenne, c’est un sujet qui me tient à cœur. Je constate que grâce à des pressions amicales constantes, notamment du CSA à qui la loi du 4 août 2014 a donné de nouvelles missions, de réelles avancées peuvent être saluées. Nous veillerons à ce que les chaînes soient plus soucieuses d’interroger les experts féminins et de faire s’exprimer les différents courants de pensée afin de respecter un réel pluralisme ainsi qu’une véritable parité dans l’information.

M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Concernant l’accès aux sports et notamment aux sports féminins ; c’est un problème complexe.

Le Gouvernement définit les événements sportifs d’importance majeure. Je relève d’ailleurs qu’a été soumis au CSA un texte modificatif qui étend ces événements aux sports féminins et que nous avons émis sur ce texte un avis extrêmement favorable. Il y a eu le 15 janvier 2013, antérieurement à ma prise de responsabilité, une première délibération sur les extraits gratuits, dont j’ai estimé avec le collège qu’elle présentait des fragilités juridiques susceptibles de la mettre en cause, en particulier au niveau européen, au regard de la directive sur les services de médias audiovisuels. Nous avons donc trouvé un équilibre un peu différent entre les droits de diffusion et la liberté de l’information au terme d’une très longue délibération et sans aucun dissentiment exprimé par les éditeurs ni par les ayants droit.

Au-delà, il y a un problème structurel qui tient à l’augmentation du montant des droits sportifs, qui porte atteinte à l’équilibre du système audiovisuel. C’est pourquoi, dans les propositions figurant dans notre rapport d’activité pour l’année 2013, nous avons souhaité que le CSA, dans son rôle de régulateur économique, puisse prendre en compte en amont le problème des droits. Et d’ailleurs, j’ai eu avec M. Thierry Braillard des échanges qui montrent que cette proposition rencontre de sa part un accueil tout à fait ouvert. Cependant, la décision en revient au législateur. En tout état de cause, je pense que les droits sportifs doivent faire l’objet d’une régulation, faute de quoi la simple loi du marché entraînera une évasion et une inflation au détriment du téléspectateur et de l’auditeur. C’est donc un enjeu que je ne saurais sous-estimer et pour lequel je réaffirme la disponibilité du CSA.

Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel. L’émiettement des producteurs qui travaillent avec France Télévisions est un problème réel. Actuellement, la moitié des sociétés de production qui travaillent avec France Télévisions ne travaillent qu’avec cette société et seulement 13 % de ces producteurs sont affiliés à un groupe. S’il est certes très important que la production indépendante survive car ce sont souvent les petits producteurs qui sont les plus créatifs, il convient d’avoir des sociétés de taille suffisantes pour financer des projets ambitieux, des séries longues et des fictions destinées à l’exportation. Or nous observons ces dernières années une augmentation du nombre de producteurs sur le marché. Ils trouvent un débouché à France Télévisions qui ne peut pas se désengager d’eux au risque de les conduire à la faillite, ce qui crée un cercle vicieux. Les pauvres sont de plus en plus pauvres et ne parviennent pas à proposer des programmes suffisamment ambitieux. C’est une préoccupation que nous partageons avec la ministre. Il convient de réfléchir à la manière d’inciter les producteurs à se regrouper pour se mettre au service de projets ambitieux.

M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Je voudrais conclure en évoquant l’importance de nos initiatives visant à accompagner l’Éducation nationale dans sa mission de cohésion sociale et pour sensibiliser à l’éducation civique. Un groupe de travail sur l’audiovisuel et l’éducation a été mis en place dès janvier 2013 et je l’ai confié à Mme Memona Hintermann-Afféjee. Parmi les réalisations dont elle a pris l’initiative et qui ont été approuvées par le collège figure la création d’un site qui permet de sensibiliser à la portée éducative de l’ensemble des programmes de l’audiovisuel. Il est clair que le service public a un rôle essentiel de pionnier et de référence en la matière en informant sur nos valeurs communes, notre histoire commune et nos principes communs de droit. En collaboration étroite avec les associations et le ministère de l’éducation nationale, nous comptons développer très fortement cette action. Nous avons récemment organisé un colloque sur la télévision et les jeunes que la Ministre de l’éducation a honoré de sa présence.

Le rapport des jeunes à la télévision a été bouleversé. M. Tardy a évoqué tout à l’heure la nécessité de faire évoluer les programmes pour tenir compte de ces nouveaux usages de l’audiovisuel. La diffusion audiovisuelle sur le numérique est une préoccupation que j’ai exprimée de façon constante. Je vous rappelle que nous avons été très attentifs aux préconisations du rapport de Pierre Lescure concernant la mise en place de mécanismes de labellisation et de conventionnement. Tout ce qui pourra conduire la puissance publique à intervenir, en respectant les libertés évidemment, dans la sphère d’internet sera utile. Nous revendiquons de pouvoir suivre l’évolution du paysage audiovisuel qui est de plus en plus immergé dans la sphère d’internet. Il s’agit là d’un enjeu considérable que je me permets de soumettre au législateur que vous êtes.

M. le président Patrick Bloche. Je remercie les intervenants d’avoir largement répondu aux interrogations des députés.

La séance est levée à dix-huit heures quarante.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 13 janvier 2015 à 16 heures 30.

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, Mme Valérie Corre, M. Pascal Deguilhem, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dessus, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, M. Michel Françaix, M. Christian Kert, Mme Anne-Christine Lang, M. François de Mazières, Mme Maud Olivier, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, M. Rudy Salles, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga

Excusés. – Mme Huguette Bello, Mme Brigitte Bourguignon, M. Ary Chalus, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Annie Genevard, Mme Sonia Lagarde, M. Dominique Le Mèner, Mme Lucette Lousteau, Mme Barbara Pompili, M. Christophe Premat, M. Stéphane Travert

Assistait également à la réunion. – M. Lionel Tardy