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Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mercredi 28 janvier 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 25

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition de Mme Hortense Archambault, ancienne directrice du festival d’Avignon, M. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail et M. Jean-Patrick Gille, député, co-auteurs du rapport « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », remis le 7 janvier 2015 au Premier ministre

– Informations relatives à la Commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 28 janvier 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission procède à l’audition de Mme Hortense Archambault, ancienne directrice du festival d’Avignon, M. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail et M. Jean-Patrick Gille, député, co-auteurs du rapport « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », remis le 7 janvier 2015 au Premier ministre.

M. le président Patrick Bloche. J’ai le plaisir d’accueillir Mme Hortense Archambault, qui reste pour nous associée au festival d’Avignon dont elle a été pendant plusieurs années la codirectrice, M. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail, et notre collègue Jean-Patrick Gille, tous trois auteurs du rapport Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle, remis le 7 janvier dernier au Premier ministre.

Je vous épargnerai l’historique du dossier des intermittents du spectacle, que nous sommes nombreux au sein de cette commission à suivre depuis de longues années. Je rappellerai néanmoins que notre commission, avec la commission des affaires sociales, avait souhaité créer dès le début de cette législature une mission d’information commune sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, mission dont le président était notre collègue Christian Kert et le rapporteur, Jean-Patrick Gille. Publié en avril 2013, son rapport avait donné l’alerte sur la précarité régnant dans ce secteur et sur l’urgente nécessité de structurer et de sécuriser l’emploi artistique dans notre pays. Peut-être eût-il fallu alors s’en saisir de manière plus volontaire…

Après une renégociation de la convention Unedic, une nouvelle fois défavorable aux professionnels du spectacle relevant des annexes VIII et X, une nouvelle crise a en effet éclaté en juin 2014 à l’ouverture de la saison des festivals. C’est la raison pour laquelle vos expertises et expériences mêlées ont été sollicitées par le Premier ministre pour restaurer le dialogue entre les différentes parties prenantes et dégager des solutions pérennes acceptables par tous.

Autant dire que votre rapport était très attendu. Sa publication a été estompée par la tragique actualité que nous savons. Cette réunion de commission sera donc une excellente occasion de revenir sur votre travail, vos réflexions, vos conclusions et vos propositions.

M. Jean-Patrick Gille, député. Je dirai d’abord le plaisir qui a été le nôtre de travailler ensemble : nous nous connaissions peu, mais la complémentarité de nos trois profils nous a permis d’avancer. Je vous propose de resituer le contexte dans lequel ce rapport nous a été demandé et d’exposer la méthode qui a été employée.

Au mois de mars 2014, les négociations sur l’Unedic portent sur deux points principaux : la mise en œuvre des droits rechargeables et les économies à effectuer pour réduire son déficit, qui s’élève à 4 milliards par an. Dans la nuit du 21 au 22 mars, les partenaires sociaux parviennent à un accord qui comprend 200 millions d’économies sur les annexes VIII et X relatives au régime spécifique d’assurance chômage des intermittents du spectacle. Pour y parvenir, trois décisions sont prises.

Premièrement, il est prévu d’augmenter de 2 % les cotisations d’assurance des intermittents, lesquelles sont déjà supérieures à celles du régime général : il en résulte 50 millions d’euros de recettes supplémentaires. Ce n’est pas sur ce point que le débat est le plus fort.

Deuxièmement, est mis en place un plafonnement du cumul entre rémunérations et indemnisations, fixé au niveau du plafond d’indemnisation qui seul existait auparavant, soit 4 300 euros par mois. Cette mesure déjà préconisée dans le rapport parlementaire de 2013 permet une économie d’une trentaine de millions d’euros en année pleine et fait l’objet d’un quasi-consensus.

Troisièmement, le différé d’indemnisation est fortement accentué, pour une économie attendue de 100 millions d’euros. C’est cette décision qui ravive le conflit de 2003. D’une part, elle crée la surprise, car une partie importante de la profession pensait qu’il y aurait un retour à certains éléments du régime antérieur à 2003, notamment la date anniversaire ; d’autre part, beaucoup de professionnels ont le sentiment de n’être jamais écoutés. Le dispositif de négociation de l’assurance chômage lie les confédérations patronales et syndicales, en toute légitimité, mais les employeurs du secteur des métiers du spectacle ne font pas partie des organisations patronales qui siègent à l’Unedic et les salariés, s’ils sont pour partie représentés, ne s’y retrouvent pas forcément.

En découvrant l’accord du 22 mars, les intermittents se retournent contre le Gouvernement, lequel renvoie aux partenaires sociaux : la mécanique du conflit s’enclenche à nouveau.

Au mois de juin, le Premier ministre me confie en urgence une mission de médiation qui aboutit à une mesure d’apaisement concernant le différé : un décret précise que l’État prend en charge son coût jusqu’à la prochaine négociation. Par ailleurs, il décide de mettre en place une mission de concertation et de proposition, qui nous est confiée à tous les trois.

Pour la mener à bien, nous avons choisi de suivre une logique de médiation articulée autour de trois méthodes de travail.

Notre premier objectif a été de mettre tous les acteurs autour de la même table, alors qu’ils ne se parlaient plus qu’à travers des communiqués rageurs en s’accusant mutuellement des pires choses. Pour ce faire, nous avons proposé un lieu neutre : le Conseil économique, social et environnemental. Et jusqu’à la dernière minute, nous avons dû mener des négociations pour que tout le monde accepte d’être réuni à la même table : les organisations gestionnaires de l’assurance chômage, signataires ou non de l’accord, les organisations de la branche représentatives des employeurs et des salariés, la coordination des intermittents et des précaires (CIP). À notre grand soulagement, la première réunion s’est déroulée sans que personne ne quitte la pièce.

Nous avons alors été en mesure de rentrer dans la concertation avec, dès le mois de juillet, quatre thématiques en perspective : la question de la précarité, les abus, que nous avons appelés « logiques d’optimisation », l’architecture du système, la gouvernance. Les participants ont pu apprendre à travailler ensemble autour de ce cadre de travail resté inchangé jusqu’au mois de décembre.

Deuxièmement, nous avons mis en place des groupes de travail plus circonscrits consacrés à des questions récurrentes : l’accès au droit, l’accès à la formation – question qui a fait l’objet d’un accord dès le mois de septembre – et, sujet plus délicat, les rapports avec Pôle emploi, souvent assez tendus. Rappelons que 4 millions de contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) sont signés chaque année : le système fonctionne plutôt bien, notamment grâce à la numérisation, mais la moindre difficulté – contrat perdu, contrat non reconnu – peut faire basculer le salarié dans une situation kafkaïenne, car, en l’absence de validation des 507 heures, il est privé de l’indemnisation au titre du régime spécifique des intermittents et n’a pas forcément de correspondant vers lequel se tourner.

Troisièmement, nous avons voulu mettre en place une expertise commune. Avec Christian Kert, nous avions déjà avancé grâce à notre rapport sur un diagnostic partagé des chiffres et de la situation, condition d’un meilleur dialogue. Notre mission a dû faire œuvre de diplomatie pour faire accepter que cette expertise prenne appui sur les chiffres fournis par l’Unedic. Une fois ce point acquis, nous avons, avec elle, fait appel à d’autres experts reconnus par toutes les parties : ils ont progressivement élaboré une méthodologie qui a permis d’établir des données chiffrées brutes sur lesquelles tout le monde s’est accordé, même si leur interprétation et l’évaluation des effets de comportement donnent lieu à des divergences. Tous les acteurs ont appris à travailler en employant le même vocabulaire et en prenant pour base les mêmes chiffres, ce qui a été source d’avancées.

Nous n’avons pas voulu élaborer de préconisations, préférant esquisser des scénarios possibles, exposés dans notre rapport, qui est relativement court. Je vous invite toutefois à examiner, au sein des volumineuses annexes, les simulations des différentes propositions que les partenaires ont fournies selon leurs souhaits. Il s’agit d’un point important car depuis 2003, la colère du monde intermittent s’est nourrie en partie du sentiment que ses propositions n’étaient pas prises en compte. Les résultats auront de quoi vous surprendre car, comme souvent dans les conflits, ce sont ceux qui ont le plus combattu le système qui le connaissent le plus finement.

Mme Hortense Archambault, ancienne directrice du festival d’Avignon. Notre mission a eu ceci d’atypique qu’elle a réuni trois profils différents mais complémentaires et cette confrontation de points de vue a été passionnante. Un des enjeux fondamentaux du conflit est l’incompréhension très forte entre le secteur professionnel du spectacle vivant ou enregistré et une certaine partie de l’opinion publique, focalisée sur la question des abus.

J’ai été très surprise, en commençant cette mission, par la situation paradoxale du secteur de la culture : d’un côté, il est souvent mis en avant pour son dynamisme économique et sa capacité à créer des richesses – je ne parle pas de l’importance de son apport en termes de richesse non évaluable, de l’ordre de l’émancipation personnelle et du vivre-ensemble ; d’un autre côté, il n’est pas reconnu comme mature et responsable s’agissant d’une question qui est au cœur même de son organisation puisque l’intermittence est consubstantielle au fait que le spectacle se structure autour de projets. Chaque production culturelle rassemble en effet autour d’un artiste concepteur – que cela soit pour un film, un spectacle, une chorégraphie ou un festival – une équipe spécifique composée de salariés recrutés par le biais de contrats à durée déterminée d’usage, les CDDU.

Une des avancées de notre mission est d’avoir pu mettre autour de la table les employeurs, jusque-là muets, ce qui n’avait rien de facile car la production repose sur une myriade de petites sociétés fragiles. Force est de constater toutefois que, depuis 2003, la profession a consenti un énorme effort de restructuration via des conventions collectives. Notre mission a pris le parti d’approcher l’intermittence à travers la question de l’emploi. Nous ne considérons en effet pas la question de l’abus comme centrale – nous ne l’avons toutefois pas éludée et avons même posé le doigt sur certains problèmes récurrents dans le cadre de l’expertise. Notons toutefois que le spectacle est l’un des secteurs les plus surveillés : les opérations de contrôle de l’Inspection du travail, dont c’est l’une des cibles prioritaires, ont montré qu’il ne donnait pas lieu à plus de fraudes et de travail non déclaré que d’autres secteurs.

Il importait pour nous de responsabiliser les acteurs du secteur, tout en reconnaissant les avancées auxquelles ils sont parvenus, telles le recul de la « permittence », souligné par le rapport de la mission parlementaire comme par les rapports de la Cour des comptes.

Aborder l’intermittence à travers la perspective de l’emploi nous a conduits à encourager un travail de mise à plat des conditions d’embauche à travers le CDDU dans chacune des branches du secteur, marquées par des spécificités certaines, même si beaucoup de salariés passent de l’une à l’autre – précisons qu’il n’est pas question pour nous d’exclure certaines d’entre elles des annexes. Cet encouragement est important : c’est une marque de confiance donnée aux branches, qui n’empêche toutefois pas d’adresser au secteur des injonctions pour limiter ce qui serait de l’ordre de la fraude du côté des salariés et des logiques d’optimisation du côté des employeurs. Cela suppose de mettre en place des dispositifs d’encadrement des CDDU et de privilégier l’emploi permanent sur le recours aux CDDU, quand cela est possible, afin de mettre fin à la « permittence ».

Par ailleurs, nous avons eu à cœur, grâce à un travail d’expertise, de mettre au point un seul et même chiffrage à partir des données de l’Unedic en vue d’un partage intellectuel du savoir. Nous avons réuni à cette fin un groupe d’experts composé de responsables des services statistiques de l’Unedic, de Pôle emploi et d’Audiens, de représentants de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail et du département des études de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la culture, ainsi que de deux personnalités indépendantes, Jean-Paul Guillot et Mathieu Grégoire. Je tiens à saluer ici l’engagement de ces experts, qui ont vite saisi l’importance de la dynamique collective.

Leur travail riche et profond a conduit à mettre au point une véritable boîte à outils, comportant trois volets.

Premièrement, elle fournit des données de cadrage général sur l’emploi élaborées par Audiens, qui figurent dans la première partie des quatre cents pages d’annexes. Ces chiffres ont pu être confrontés avec ceux de Pôle emploi et de l’Unedic.

Deuxièmement, elle propose un système de simulation élaboré par l’Unedic, qui est au cœur même de notre problématique. Fondé sur des données réelles individuelles, il a été construit à partir des diverses périodes d’emploi de 10 % de la totalité des salariés intermittents indemnisés. Il a permis d’expertiser les trois contre-propositions formulées par les intermittents réclamant un modèle alternatif – la CIP, la CGT et le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) du spectacle vivant public –, les variations portant sur le retour ou non au système dit de la date anniversaire.

Attardons-nous sur ce dispositif de la date anniversaire. La première de ses caractéristiques est très concrète : c’est la prévisibilité. Une fois les droits ouverts, le salarié est en mesure de savoir ce sur quoi il peut compter pour vivre dans l’année à venir. La deuxième est sa dimension solidaire qui l’emporte sur la dimension assurantielle, question de fond sur laquelle se focalisera sans doute le débat au sein de la profession. Tous les salariés disposent de la même période de référence alors que le système actuel prévoit 243 jours glissants pour l’indemnisation. Un équilibre s’opère entre les salariés ayant beaucoup travaillé et ceux ayant peu travaillé. Ce système est revendiqué par une partie de la profession qui a construit beaucoup de ses luttes autour de la solidarité. Chose aisément compréhensible compte tenu de la nature de l’organisation du travail dans le secteur du spectacle : l’organisation par projet induit une grande variabilité de l’activité. Une personne engagée dans une pièce qui a beaucoup de succès une année peut fort bien l’année suivante travailler beaucoup moins ; de la même manière, les employeurs peuvent avoir une activité dormante une année et la suivante, recruter beaucoup de personnes.

Ces simulations ont montré que les propositions soutenues par la profession n’étaient en rien fantaisistes. Elles relèvent d’un autre modèle, mais entrent dans les cadrages budgétaires actuels.

Reste un troisième point sur lequel le groupe d’experts n’a pu aboutir : les effets des changements de réglementation sur les comportements. Nous préconisons une poursuite de l’expertise sur ce point. Des pistes ont déjà été tracées pour évaluer l’incidence de tel ou tel aspect de la réglementation. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, le dispositif de la date anniversaire a un moindre impact financier sur les comportements que le calcul de l’indemnité journalière ou le plafonnement du cumul des rémunérations et des indemnisations.

Il nous a paru important de doter le secteur d’un outil lui permettant d’objectiver les données et de mener un débat constructif sur les modalités à retenir. La question du retour au régime antérieur à la réforme de 2003 est très fortement liée à la date anniversaire. Quant à la formule de calcul de l’indemnité journalière, elle fait l’objet d’une forme de consensus. Tout le monde s’accorde pour dire qu’il faut y intégrer un paramètre favorisant la déclaration du travail : plus le volume d’heures déclarées est important, plus le montant des indemnités doit être élevé.

La spécificité des pratiques d’emploi et des logiques de marché du travail – assez angoissantes pour les salariés, inquiets des possibilités de trouver des contrats – et la très grande complexité du système d’indemnisation réclament de consacrer beaucoup de temps à ces questions techniques pour s’éloigner des fantasmes. Bien sûr, il existe des pratiques inadmissibles, mais la plupart des employeurs sont des personnes responsables qui s’efforcent d’assurer de bonnes conditions de travail à leurs salariés.

L’une de nos propositions est de créer un fonds pour l’emploi culturel : les sommes aujourd’hui destinées à prendre en charge le coût du différé pourraient, une fois cette question réglée par une nouvelle négociation, être affectées à un tel fonds, qui contribuerait à réduire le déficit de l’Unedic en essayant de soutenir l’emploi et d’aider un secteur encore en croissance à continuer de se structurer.

M. Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail. En tant qu’ancien directeur général du travail, je peux témoigner que la méthode suivie par notre mission a été innovante. De plus, elle a fonctionné alors que rien n’était gagné d’avance.

Il nous a semblé important de concilier une double approche : intégrer la question de l’assurance chômage dans un schéma plus vaste englobant la dynamique de l’emploi et reconnaître la spécificité de l’intermittence.

Une des particularités de ce secteur est la structuration des acteurs. Outre l’opposition classique entre organisations professionnelles et organisations syndicales, il est caractérisé par des relations délicates entre niveau interprofessionnel et niveau professionnel. Nous avons pu constater, lors de nos réunions, qu’employeurs et salariés des professions concernées, unis dans une alliance objective, contestaient le niveau interprofessionnel.

Il faut donc trouver une méthode en adéquation avec ces particularités en prenant en compte trois niveaux différents.

Le premier niveau mobilise l’ensemble des acteurs – partenaires sociaux au niveau interprofessionnel et au niveau des branches, État, collectivités territoriales – pour essayer de dégager, dans un cadre temporel allant au-delà des deux ou trois années de renégociation de la convention de l’assurance chômage, une vision positive de l’évolution des métiers et des projets économiques. Il s’agit de sortir du psychodrame permanent marqué par la récurrence des crises.

La volonté d’inscrire dans la loi la spécificité de l’intermittence a fait l’objet de polémiques. Pourtant, elle ne partait nullement du principe qu’il fallait sanctuariser le régime dans son état actuel. Comme l’a souligné Jean-Patrick Gille, il règne un climat de suspicion depuis de nombreuses années : certaines organisations professionnelles sont accusées de vouloir supprimer la spécificité de l’intermittence. Il faut admettre que le secteur du spectacle n’est pas régi par les mêmes règles que les autres secteurs, pour la raison simple qu’un acteur ou un technicien doit recourir à des contrats à durée déterminée pour travailler. Cela suppose de poser le principe de sa spécificité dans la loi, à charge pour l’État et les partenaires sociaux de trouver des solutions innovantes.

Deuxième niveau : le niveau interprofessionnel, qui prend part à la négociation de la convention d’assurance chômage. La connaissance des métiers et des questions techniques étant plus développée au niveau professionnel qu’au niveau interprofessionnel, il faut éviter que ce dernier négocie une convention à l’aveugle, tout en lui permettant de jouer pleinement son rôle puisqu’il est responsable de l’équilibre général des comptes. Une solution pourrait consister à ce que le niveau interprofessionnel définisse une enveloppe et des grands principes à partir desquels le niveau professionnel élabore des solutions.

Troisième niveau : le niveau des branches. En tant qu’ancien directeur général du travail, j’ai pu suivre de près l’importante opération de restructuration des branches menée à l’initiative de MM. Gérard Larcher, alors ministre du travail, et Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture. Dans le secteur du spectacle, le processus, quoique compliqué, a été couronné de succès car les partenaires sociaux ont été très proactifs : le nombre de branches est passé de quarante à huit. Toutefois, l’effort qui a été mené pour définir le CDDU doit être poursuivi. L’un des problèmes posés est de savoir comment parvenir, au niveau des branches ou au niveau interbranches, à un accord sur le champ d’application de ces contrats, la gestion prévisionnelle des emplois et les conditions de travail. Au-delà de la négociation de l’assurance chômage, une vraie réflexion sur les métiers doit être menée au niveau des branches.

L’un des mérites du rapport est de proposer une méthode permettant de fixer les grands principes dans un cadre temporel de cinq ans, une négociation de la convention d’assurance chômage au niveau interprofessionnel qui associe le niveau professionnel, et des négociations sur le contrat d’usage et les conditions de travail au niveau des branches.

Après un démarrage très rude, nous avons réussi à faire en sorte que tout le monde se parle, ce qui est très rare dans le domaine des relations du travail classiques. La mission étant achevée, il s’agit désormais de faire vivre ce qui a été initié dans ce cadre par trois personnes aux profils très différents : le niveau interprofessionnel doit accepter de dialoguer avec le niveau professionnel, ce qui semble difficile pour les représentants des salariés comme pour ceux des employeurs. Dans les organisations patronales notamment, les relations entre les niveaux interprofessionnels et professionnels ne sont pas toujours d’une extrême simplicité.

Nous comptons sur la loi et le plan du Premier ministre pour maintenir la dynamique, car il ne faut surtout pas laisser « retomber le soufflé » si nous ne voulons pas nous retrouver dans la même impasse d’ici deux ou trois ans.

M. Jean-Patrick Gille. Avant de laisser la parole aux membres de la commission, je vais apporter quelques précisions de calendrier. Où en sommes-nous ? Le 24 décembre, nous avons achevé nos travaux et, le 7 janvier, nous avons remis notre rapport au Premier ministre qui a repris le scénario que nous avons proposé. Résumons ses grandes lignes directrices : clarification des enjeux, étayée par un travail d’expertise ; responsabilisation des acteurs à chaque niveau. Le 11 février prochain, une ultime restitution aura lieu au CESE en présence du Premier ministre, du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et de la ministre de la culture et de la communication.

Premièrement, il s’agit d’inscrire le principe de l’existence des annexes VIII et X dans le code du travail, de manière à éviter à l’avenir toute possibilité de chantage. Nous avions pensé le faire lors de la transcription législative de l’accord sur la modernisation du dialogue social, qui devait être signé par les partenaires sociaux à l’issue des négociations qui viennent de s’achever. Comme aucun accord n’a été signé, nous ignorons ce qu’il advient du projet de loi sur la modernisation du dialogue social. Peut-être nous faudra-t-il trouver un autre véhicule législatif.

Deuxièmement, il s’agit d’encadrer le recours au CDDU. Nous avons demandé aux partenaires de négocier et de trouver un accord visant à mettre un terme à certaines pratiques, telles que la multiplication des contrats d’une heure, ou la signature entre un employeur et un salarié d’une myriade de contrats qui finissent par représenter plus de 900 heures par an. Je pourrais citer d’autres exemples. Il faut passer à autre chose. La branche et l’interbranche sont-elles assez matures pour réussir ce type de négociation ? Faut-il que ces accords soient encadrés par un travail législatif, quitte à prévoir une souplesse en fonction des secteurs d’activité ?

La nouvelle négociation sur les annexes VIII et X devra s’achever avant le printemps 2016, mais rien n’empêche d’utiliser nos travaux ou de réaliser d’autres simulations pour s’y atteler avant, sachant qu’il y a des leviers majeurs : la date anniversaire, le plafonnement du cumul, et le problème du différé. La moindre modification de ces paramètres peut se traduire par une différence de plusieurs dizaines de millions d’euros. La légitimité de l’Unedic, des partenaires sociaux et des confédérations n’est pas remise en cause, mais leur travail doit se faire en concertation avec les représentants du secteur professionnel. Pour le dire plus crûment : certaines décisions ont été prises rapidement, en l’espace d’une nuit, sans que leur impact ait été vraiment mesuré.

Sans remettre en cause le cadre des négociations, nous insistons sur la méthode employée, notamment en ce qui concerne les annexes VIII et X : les personnes concernées doivent être consultées. Si l’interbranche parvient à un accord, pourquoi les gestionnaires de l’Unedic ne le reprendraient-ils pas, s’il reste dans le cadre des principes et des moyens financiers définis ? Reste à savoir si la loi doit reprendre tout ou partie de ce protocole.

Quoi qu’il en soit, les annexes VIII et X doivent être renégociées le plus rapidement possible : dès que ce sera fait, l’argent que l’État consacre au paiement du différé pourra être versé dans un fonds de soutien à l’emploi culturel et associatif. Ces moyens pourraient être utilisés pour aider les structures qui ont recours à des « permittents » à transformer ces emplois en CDI. À ce sujet, je rappelle que le Premier ministre a annoncé la tenue d’une conférence sur l’emploi artistique.

Venons-en à des questions qui sont techniques, sans être anodines. Avec Pôle emploi, il reste à finaliser un accord de principe qui porte sur plusieurs points : mise en place d’un comité de liaison pour les intermittents ; création d’une ligne téléphonique qui leur soit réservée afin qu’ils puissent s’entretenir directement avec un interlocuteur maîtrisant ce type de dossier ; désignation d’un médiateur dédié.

La gouvernance du guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO) va être reprise en main. Nous nous sommes battus pendant un an pour que soit fixée une date de réunion du comité de pilotage ; celle-ci devrait finalement avoir lieu dans le courant du mois de février. Il reste tout un travail à poursuivre sur l’accès aux droits sociaux, notamment sur la question des « matermittentes » qui doit être réglée une fois pour toutes, même si les solutions administratives tardent à suivre l’accord politique. Il faut aussi réfléchir au système des abattements sociaux et des congés payés.

Dernier point sur lequel vous serez sûrement interpellés : l’entrée en vigueur, au 1er octobre, de la nouvelle convention qui intègre les droits rechargeables dans le régime général. Pour certains intermittents, cette mesure a des effets négatifs qui n’avaient pas été anticipés. Un petit boulot, hors intermittence, peut ouvrir droit à 300 euros par mois d’indemnités, par exemple. C’est une très mauvaise nouvelle pour la personne concernée qui doit épuiser totalement ces droits avant de pouvoir prétendre à un retour au régime de l’intermittence. C’est l’effet pervers d’un système qui peut aussi présenter des intérêts : un intermittent qui retrouve un autre travail est sûr de ne pas perdre d’argent. Les partenaires sociaux, notamment M. Jean-François Pilliard, le vice-président du MEDEF en charge du social, ont convenu du fait qu’il fallait rapidement trouver une solution à ce problème qui concerne environ 30 000 personnes.

Ce programme d’action sera donc discuté, le 11 février, avec toutes les personnes concernées. Quant à vous, vous serez mobilisés au moins sur l’aspect législatif que l’on veut régler rapidement : l’inscription du principe de l’existence des annexes VIII et X dans le code du travail.

M. le président Patrick Bloche. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs des groupes.

Mme Martine Martinel. Madame et messieurs les rapporteurs, le document que vous avez remis au Premier ministre le 7 janvier est très précieux en ce qu’il montre que, grâce à un travail fondé sur une méthode de concertation et d’expertise, vous êtes parvenus dans un délai assez bref à engager une vraie réflexion sur le caractère unique de l’intermittence, en dissipant les fantasmes tout en invitant à mieux encadrer le CDDU. Vous analysez les lacunes du dispositif existant et les marges d’action des pouvoirs publics et des partenaires sociaux. Vous proposez une boîte à outils et un scénario, sans prétendre figer le débat.

La proposition d’inscrire dans la loi la reconnaissance de la légitimité des spécificités de l’intermittence et l’existence des annexes VIII et X du régime d’assurance chômage satisfait les professionnels, d’autant que le Premier ministre l’a mise en avant. L’expertise chiffrée du comité de suivi n’est plus méjugée. Au contraire, le rapport a pris appui sur ces éléments pour démontrer que le retour à la date anniversaire peut être envisagé. Ce rapport ouvre la perspective d’une nouvelle méthode de gouvernance des annexes VIII et X.

Vous n’hésitez pas à faire aussi des recommandations courageuses afin que l’État se prononce rapidement sur la question de l’ouverture des droits à retraite complémentaire des allocataires des fonds de solidarité. Vous donnez des éléments pour enrichir la réflexion sur une meilleure connaissance des congés de maternité et de longue maladie ; vous abordez la question des droits rechargeables.

Un des grands mérites de votre rapport est de rendre à chacun ses tâches et sa responsabilité, ce dont s’est réjoui le syndicat pour les entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) en ces termes : « Chacun est aujourd’hui à sa juste place : l’État dans son rôle d’encadrement légal et de régulateur économique, respectueux du dialogue social ; les organisations interprofessionnelles dans leur gestion indépendante de l’Unedic ; les organisations du secteur enfin reconnues dans leur responsabilité ; les artistes et techniciens intermittents dans la légitimité de leurs spécificités professionnelles. »

Nous pouvons aussi nous réjouir du fait que le Premier ministre se soit, semble-t-il, engagé à suivre vos préconisations, notamment en annonçant l’inscription dans la loi des annexes VIII et X. Il a ainsi manifesté sa volonté de ne pas laisser la profession sans réponse. L’annonce du dégel de la réserve de 8 % sur les crédits à la création et à la transmission des savoirs est également arrivée à point nommé.

M. François de Mazières. Tout d’abord, je tiens à souligner la qualité de votre travail, tout comme de votre présentation à trois voix ce matin.

Depuis des années, le grand enjeu en matière d’intermittence est de sauver le système de solidarité interprofessionnelle. Or, nous constatons que le déficit de l’assurance chômage est en train d’exploser : 3,9 milliards d’euros en 2014 et probablement 4,4 milliards d’euros en 2015. L’accord du 22 mars 2014 avait sans doute été signé un peu rapidement, dans la nuit, comme l’a dit notre collègue Jean-Patrick Gille, mais il n’empêche que le déficit augmente, comme la pression du régime général qui permet de contribuer au financement de l’intermittence.

Amoureux de culture et connaissant l’intérêt de l’intermittence, nous sommes inquiets pour 2016. L’intérêt fondamental du système de l’intermittence réside dans sa souplesse, une caractéristique qui le distingue, par exemple, du système allemand où tous les personnels sont plus ou moins en CDI. Vous suggérez d’augmenter le nombre de CDI, essentiellement toutefois pour des postes administratifs et techniques, ce qui peut se comprendre. La souplesse de l’intermittence serait conservée car elle est fondamentale pour les projets artistiques ; elle évite certaines dérives observées dans les systèmes plus institutionnalisés, comme en Allemagne, où des troupes permanentes ont parfois du mal à subsister à long terme.

Seulement voilà, l’augmentation du nombre de CDI – même dans les seuls domaines administratifs et techniques – implique une participation des collectivités territoriales qui fournissent actuellement l’essentiel des financements. Or les collectivités territoriales sont prises à la gorge : dans ma commune, les baisses de dotations de l’État et les péréquations représentent l’équivalent de huit points d’impôt en 2015. Vous prônez le retour à la date anniversaire car le système actuel, qui a permis de faire des économies, est difficile à vivre pour les intermittents. Vos préconisations rendent l’équation budgétaire encore plus difficile à résoudre, tout en faisant émerger un petit danger, celui de créer des « artistes permanents ».

Tout repose sur le chèque de l’État – le Premier ministre s’est engagé à compenser le différé d’indemnisations pour cette année – mais, malheureusement, les 70 millions d’euros ne sont pas inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015. L’interprofession donne vaguement son accord parce que ce chèque existe. On en revient à l’éternel débat sur l’intermittence. Il ressort me semble-t-il, des débats au Sénat sur la mission budgétaire « Travail et emploi », que la somme ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2015, sans compter qu’elle devrait passer à 100 millions d’euros en 2016. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

L’entrée dans la profession va poser une vraie difficulté, nous le savons tous, vous comme moi qui gère un festival depuis des années. Pour entrer dans des métiers où les candidatures abondent, les jeunes acceptent certaines conditions peu favorables. Ce problème fondamental me semble sous-traité, notamment dans votre rapport. Quant au thème des abus, nous le connaissons par cœur. Il y a des abus, notamment dans l’audiovisuel, dont il est peu question dans le rapport. Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour le travail que vous avez effectué, mais je reste très inquiet pour 2016.

M. le président Patrick Bloche. Nous allons innover un peu. Temporairement aphone, Isabelle Attard a préféré me désigner comme le porte-parole du groupe écologiste pour quelques minutes, même si le mime est un secteur très dynamique du spectacle vivant ! Je vais donc vous lire son intervention.

« Monsieur le président, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous voici réunis pour échanger sur votre rapport « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle ». Vous l'avez remis au Premier ministre au début du mois, et ce dernier l'a suffisamment apprécié pour faire siennes un certain nombre de vos propositions.

Les réactions ont été nombreuses et pour le moins diverses. J'ai tenté de comprendre qui avait apprécié votre rapport et qui le dénigrait. Les organisations syndicales, hors du secteur des métiers artistiques, semblent plutôt opposées à vos propositions, MEDEF et CFDT en tête. Les organisations syndicales de salariés, telles que la CGT et la Coordination des intermittents du spectacle, sont dubitatives et attendent des mesures concrètes. Le maintien des négociations en 2016 leur paraît trop tardif. Il n'y a finalement que le Syndeac, principal syndicat d'employeurs du spectacle vivant subventionné, qui ait salué votre travail.

Faisons ensemble le tour des mesures que vous proposez.

Le retour à la date anniversaire et l'allongement de la période de référence à douze mois semblent assez logiques. Les durées actuelles de dix mois et dix mois et demi paraissent injustes, notamment pour des activités souvent saisonnières.

La révision du niveau d'indemnisation en fonction des revenus, pour épargner les catégories les plus fragiles en mettant les plus favorisés à contribution renforce la logique de répartition des richesses. C'est à nos yeux un autre point positif.

Vous proposez la réintroduction des règles de coordination entre les régimes, ainsi que l'élargissement du spectre d'activités prises en compte pour l'ouverture des droits. Nous soutenons entièrement cette mesure. Il est incohérent pour le Gouvernement de développer l'éducation artistique et culturelle tout en pénalisant les artistes qui exercent dans ce champ.

Vous avez insisté sur l'importance de mieux protéger les femmes enceintes qui se retrouvent parfois non indemnisées, et nous souhaitons tout comme vous l'abaissement du seuil des 200 heures annoncé par le Président de la République.

Cet extrait choisi de vos recommandations nous convient. Nous relevons cependant que les principales inquiétudes des organisations d'intermittents portent sur les suites qui seront données à votre rapport. Le Premier ministre a déjà fait plusieurs annonces, mais les modalités sont très variables. Certaines portent sur un engagement financier de l'État, d'autres sont des incitations aux partenaires sociaux pour les prochaines négociations, d'autres enfin semblent être de nature plus législatives ou réglementaires.

Pour ces dernières, quel pourrait être le véhicule législatif adéquat ? La prochaine loi sur la création semble un cadre logique. Avez-vous eu des contacts avec Mme la ministre ? Si ces mesures ne sont pas présentes dans le texte initial, comptez-vous les y faire inscrire, monsieur Gille ?

En conclusion, nous vous remercions pour le travail accompli, et nous comptons sur vous pour faire aboutir vos propositions, afin que la légitime méfiance des représentants des intermittents s'avère finalement infondée. »

Mon rôle de doublage pour le groupe écologiste s’achève ici !

Mme Gilda Hobert. Madame Archambault, monsieur Combrexelle, cher collègue Jean-Patrick Gille, je vous dirais un mot : merci.

Ce rapport représente un travail important et son intitulé constitue à lui seul une bouffée d'espoir : « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle ». Je veux ici m'associer à vos remerciements envers toutes celles et ceux qui y ont contribué : salariés, employeurs, journalistes, instances gestionnaires, services de l'État et experts, sans oublier les collaborateurs de Jean-Patrick Gille, dont on imagine la forte implication. Le groupe RRDP salue cette démarche conduite dans la concertation.

La famille des intermittents comprend des techniciens et des artistes du spectacle vivant et enregistré, ces derniers étant les plus touchés par la précarité car davantage exposés aux contrats de courte ou de très courte durée. Ils sont, de fait, particulièrement « intermittents ».

Combien ont été décriées ces fameuses annexes VIII et X de la convention du 14 mai 2014, après la signature des accords avec certains partenaires syndicaux ! Ne revenons pas sur les conséquences – parfois dramatiques sur un plan financier – du conflit autour de grands événements l'été dernier. Ne revenons pas sur les interrogations de quelques acrimonieux que nous avons entendu dire : « après tout ils n'ont qu'à faire autre chose, s'ils ne sont pas contents ». Consternant !

Dans nos circonscriptions, certains intermittents ont pris la parole pour expliquer sereinement leur situation au début de spectacles qui reprenaient ensuite leur cours normal. Disons-le, la voix des intermittents contestataires valait d'être entendue pour renouer le dialogue social. Il était urgent d’envisager un nouveau cadre social plus sécurisant et viable. Ce rapport montre d’ailleurs que, dans leur majorité, les interlocuteurs pensent que les revendications ne remettent pas en cause cette singularité du système français incluant le CDDU. Ils espèrent un cadre sécurisé et juste et demandent l'adaptation du système de l'assurance chômage spécifique aux métiers du spectacle et intégré au régime interprofessionnel d'assurance chômage.

Pour autant, il faut éviter que certains employeurs peu scrupuleux ne recourent trop facilement au CDDU, et ne commettent ces abus qui nuisent à l'image de ce secteur d'activité. Nous plaidons pour un meilleur encadrement du CDDU spectacle par l’élaboration d’une liste des métiers éligibles et la fixation de durées maximum, mais surtout minimum, du temps de travail.

Améliorer la protection sociale dans les métiers du spectacle, c'est aussi l'adapter à la maternité, la maladie et la formation. Dans ces professions comme dans les autres, les femmes ont des enfants et elles doivent pouvoir bénéficier des arrêts de travail et des congés afférents. Les artistes et les techniciens ont le droit d'être malades. Favoriser et sécuriser la formation des intermittents du spectacle revient à participer à une consolidation de leurs acquis et à un élargissement du champ de leur compétence qui pourra, le cas échéant, leur permettre de changer de cap.

Ainsi que vous le soulignez, la culture a son importance dans notre économie. Ne représente-t-elle pas 3,2 % du PIB ? Évidemment, la modification des règles des annexes VIII et X ne saurait s'imaginer sans une concertation avec toutes les parties, notamment l’Unedic, Pôle emploi et les ministères concernés. Enfin, nous ne pouvons qu’approuver l’idée de créer un fonds de soutien à l'emploi, que défend ce rapport.

Soyons exigeants pour garantir la meilleure protection sociale à tous, notamment aux acteurs de notre culture, ces contributeurs passionnés à la créativité nationale, partagée, engagée, florissante.

Ce rapport est une première étape nécessaire à l’établissement d’un état des lieux. Vous avez en partie répondu à la question que je souhaitais poser sur la mise en œuvre des droits rechargeables et la création d’un consensus entre les branches interprofessionnelles. Pouvons-nous compter sur une réelle évolution et un soutien avéré des ministères concernés ?

Mme Marie-George Buffet. Merci madame et messieurs les rapporteurs. Se donner comme objectif de « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », c’est reconnaître la spécificité de ces métiers et de la condition d’employeur dans le spectacle. Ces activités sont fragiles, car dépendantes de l’accueil que leur réserve le public : une pièce de théâtre peut rester deux ans à l’affiche, tandis qu’une autre disparaîtra au bout de deux ou trois mois. Elles sont fragiles, car dépendantes de financeurs : après les élections municipales, certaines troupes ont brutalement perdu les subventions jusque-là accordées par des collectivités territoriales et se sont retrouvées « à la rue ».

Vous avez reconnu cette spécificité, tout en dépassant les fantasmes : il y a des abus, comme dans tous les domaines, ce qui n’empêche pas de reconnaître l’aspect singulier de ces métiers. Vous avez aussi rappelé les enjeux de vos travaux et l’importance – difficilement quantifiable – de la culture : elle est source d’épanouissement individuel ; elle participe au « vivre ensemble », au rayonnement de notre pays, à la connaissance et à la démocratie ; elle contribue aussi au développement économique, comme en témoignait un rapport que nous avons étudié en commission.

Quand les salariés ont dénoncé l’accord de mars 2014, le Gouvernement a voulu répondre sur l’allongement du différé. Vous prenez en compte certains problèmes : le retour à la date anniversaire, l’allongement de la période de référence à douze mois, la « matermittence », le plafonnement. Sur tous ces aspects, les personnes concernées sont plutôt satisfaites des travaux que vous avez animés.

Quelles suites y seront-elles données ? Vous appelez à légiférer, ce que j’approuve, car il y va de la pérennité des annexes VIII et X qui consacrent la spécificité de ces métiers. Cela étant, comment légiférer tout en laissant aux acteurs de la négociation interprofessionnelle la responsabilité de prendre des décisions sur le cadre financier de ces annexes ? Certaines organisations, comme la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma (FESAC), émettent déjà des réserves, arguant que l’on ne peut pas augmenter le coût du travail. Comment maintenir la dynamique et la pression pour que le Gouvernement et les partenaires sociaux avancent dans le cadre de vos préconisations ? Enfin, comment ne pas évoquer la baisse des moyens octroyés par l’État et les collectivités territoriales et ses conséquences sur l’intermittence ?

M. le président Patrick Bloche. Nous en venons aux questions des membres de la commission.

Mme Marie-Odile Bouillé. Madame, messieurs, cette mission – qui vous a été confiée par le Premier ministre dans une période difficile de conflit avec l'ensemble des professions du spectacle vivant et de l'audiovisuel – n'augurait pas de résultats évidents. Pour autant, vous l'avez menée à bien et, qui plus est, vous faites des propositions claires, lisibles et qui peuvent satisfaire une majorité.

Tout d'abord, je tiens à saluer la méthode de travail et de concertation que vous venez de nous exposer. En effet, elle a probablement permis une écoute directe et un débat avec l'ensemble des intéressés. Dans quelle mesure cette méthode pourrait-elle être pérennisée ?

Vous proposez d'inscrire l'existence des annexes VIII et X et leur nouvelle gouvernance dans la loi, et de créer un fonds de dotation pour le développement de l'emploi. Mais, convenons-en, nous sommes confrontés à des contradictions : d'un côté, de nombreuses collectivités territoriales restreignent leurs budgets et partenariats culturels dès l’exercice 2015 ; de l'autre, les récents événements nous font redécouvrir l'importance de l'éducation et de la culture dès le plus jeune âge.

C'est pourquoi, pour permettre le développement de l'emploi culturel et la reconnaissance de la culture, les conclusions et les préconisations de votre rapport doivent être inscrites dans un calendrier que le Premier ministre a d'ores et déjà évoqué : levée immédiate de la réserve de précaution de 8 % sur les programmes « création » et « transmission des savoirs » pour 2015 ; augmentation du budget de la culture pour 2016.

Pouvez-vous nous apporter quelques précisions complémentaires en termes de calendrier pour la réalisation de vos préconisations ?

M. Christian Kert. J’appelle votre attention sur le fait que nous avons assisté ensemble à la naissance d’un expert, en la personne de Jean-Patrick Gille : les temps ont changé depuis son arrivée dans la mission, quand il prévenait tout le monde qu’il ne connaissait rien aux questions d’intermittence…

Notre collègue François Mazières a eu raison d’insister sur nos inquiétudes – et celles de certains intermittents qui nous alertent – face à la baisse des crédits des collectivités territoriales. Cet état de fait va dominer nos réflexions à venir.

Êtes-vous sûrs que le fait d’inscrire dans la loi le principe du statut des intermittents va réellement aider à résoudre certains problèmes techniques ? Le Premier ministre ayant évoqué la possibilité de légiférer au premier semestre 2015, avez-vous une idée du véhicule législatif qui doit être utilisé ?

Vous prônez une réforme de structure et, sur ce point, nous vous suivons de manière unanime. Dans cette perspective, vous vous en remettez à la responsabilité des partenaires sociaux, en proposant une nouvelle méthode de négociation et de travail. Une fois encore, nous ne pouvons qu’abonder dans votre sens. Avez-vous une idée du calendrier des partenaires sociaux et de la manière dont les négociations qui ont été annoncées par le Premier ministre vont être lancées ?

Mme Valérie Corre. Madame, messieurs, je vous remercie vraiment pour votre travail constructif et consensuel, commencé dans un contexte de tensions dans le secteur. Vous vouliez inciter au dialogue et aux échanges, et vous avez défini vos travaux comme « une étape nécessaire pour créer les bases d’un dialogue social plus apaisé et fructueux. » Vous êtes ainsi allés dans le sens recherché par le Président de la République : privilégier la négociation professionnelle à l’encadrement législatif.

Vous avez réalisé la prouesse d’obtenir qu’un outil de simulation de modification des règles des annexes VIII et X soit reconnu comme fiable par toutes les parties, ce qui simplifiera grandement les futures négociations sur l’assurance chômage.

Le Premier ministre a repris quelques-unes de vos propositions : consacrer dans la loi l’existence d’un système d’indemnisation du chômage adapté aux métiers du spectacle ; instaurer une nouvelle méthode de dialogue social qui associe les partenaires sociaux représentatifs du spectacle et de l’audiovisuel à la négociation du régime d’indemnisation, sans pour autant déposséder les partenaires sociaux qui négocient la convention chômage, même si l’articulation entre les deux niveaux reste à définir.

Vous confirmez aussi l’existence des deux annexes VIII et X parce que la situation de l’emploi n’est pas la même pour les artistes et les techniciens. Vous proposez d’ailleurs une réflexion sur les contours de ces catégories, certains métiers techniques étant étroitement liés à la création artistique. Dans le cadre des négociations menées par les partenaires sociaux avec consultation des représentants des intermittents, souhaitez-vous réorienter certains métiers techniques vers le régime d’assurance chômage général ? Estimez-vous cela possible ?

En résumé, je me réjouis de ces avancées qui, au-delà de la pérennisation du statut, reconnaissent l’importance de la culture et de ses salariés. Nous avons, maintenant plus que jamais, besoin de culture dans notre pays.

Mme Dominique Nachury. Madame, Messieurs, merci pour ce rapport, le travail qui le sous-tend et la présentation que vous venez de nous en faire. Je voudrais particulièrement saluer votre expertise des connaissances et des chiffres.

Vous avez abordé le sujet sous l’angle de l’emploi. Or, comme en attestent les 5,8 millions de chômeurs que compte notre pays, les salariés du secteur privé ne sont pas plus à l’abri d’un risque de perte d’emploi que ceux qui travaillent dans le domaine spécifique de la culture. En 2013, M. Michel Sapin, alors ministre du travail et de l’emploi, citait déjà, à côté des intermittents du spectacle, les salariés en CDD ou en mission d’intérim.

Vous avez constaté que la responsabilisation des acteurs a permis de faire baisser la « permittence ». Qu’en est-il du secteur de l’événementiel qui utilise de nombreux intermittents ? Comment sera alimenté le fonds de soutien culturel visant à compenser le manque à gagner dû au nouveau calcul du différé d’indemnisation entre la période travaillée et le chômage, financé par l’État ? Le système des intermittents français est, me semble-t-il, unique en Europe. Pouvons-nous le comparer avec les systèmes en vigueur chez nos voisins européens ?

M. Hervé Féron. Tout d’abord, je tiens à féliciter nos trois rapporteurs pour la qualité du travail fourni dans le cadre de cette mission, qui était loin d’être aisée.

Le jour de la remise du rapport, le Premier ministre a annoncé sa volonté de sanctuariser le principe d’un régime spécifique dédié aux intermittents. Cette disposition doit être présentée au Parlement au cours du premier semestre de 2015. Pouvez-vous nous fournir davantage de précisions sur la nature du véhicule législatif envisagé et sur le calendrier d’examen ?

Pour mener à bien votre mission, vous avez employé une méthode atypique consistant à mettre tous les acteurs concernés autour de la table. Vous êtes ainsi parvenu à renouer le dialogue après plusieurs années de conflit, en permettant aux intermittents les plus précaires, qui ne se reconnaissaient pas forcément dans les organisations syndicales, de s’exprimer via des collectifs comme la Coordination des intermittents et précaires (CIP).

Or, le Premier ministre a récemment déclaré que seuls des partenaires sociaux du spectacle et de l’audiovisuel seraient associés aux négociations de la convention de l’Unedic, prévues en mars 2016. La Coordination n’a pas été conviée, au motif qu’elle n’était pas juridiquement un partenaire social. Vous dites vous-mêmes que les associations devraient avoir leur mot à dire lors de ces négociations. Leur exclusion ne risque-t-elle pas de fragiliser le débat ? Votre mission a d’ailleurs démontré que la Coordination est un partenaire social dans les faits, même si elle n’en est pas un sur le plan juridique.

On parle beaucoup des abus commis dans le milieu de l’intermittence, notamment par des sociétés de production ou de l’audiovisuel. Mais il semble que, chez Pôle emploi, on ait de plus en plus tendance à requalifier certaines prestations des intermittents du spectacle pour les intégrer au régime général, au risque de stigmatiser ceux qui sont mis en cause et de pénaliser des travailleurs précaires, sous prétexte que des sociétés de production abusent du système. Confirmez-vous cette tendance ?

Dans votre rapport, vous évoquez des formes de contrat offrant une plus grande stabilité aux salariés. Le « CDI intermittent » vise à assurer au salarié une relation du travail pérenne en contrepartie de la fluctuation de périodes travaillées, à condition qu’un accord collectif le prévoie expressément. Or, les emplois pouvant relever du CDI intermittent sont très limités. Pensez-vous qu’il soit envisageable d’étendre le champ de ce contrat à d’autres professions ? Avez-vous des préconisations en la matière ?

Mme Claudine Schmid. Madame et messieurs les rapporteurs, je vous remercie pour votre travail. Je reconnais aussi tout le travail créatif des intermittents dont le statut ne doit pas se réduire à l’assurance chômage, même s’il s’agit là d’une question récurrente et d’une grande importance.

Cependant, je regrette que le rapport ne fasse pas mention des raisons qui conduisent au déficit chronique du régime spécifique. Je m’interroge sur le régime des intermittents qui ressemble étrangement à une subvention déguisée au monde du spectacle puisque la charge est assumée par les seuls salariés du privé. Vous avez parlé de solidarité à l’intérieur de la profession, madame Archambault. Quelle solidarité proposez-vous avec les salariés du privé ? C’est une vraie question à laquelle une réponse devrait être apportée. Comment envisageriez-vous la fusion du régime des intermittents avec celui des intérimaires, dont le statut est assez proche ?

Mme Sophie Dessus. Comme les précédents orateurs, je félicite toute l’équipe pour ce travail. Il a fallu une très grande technicité, mais aussi une bonne connaissance du monde des artistes et un sens des relations humaines très développé pour parvenir à mettre tout le monde autour de la table et surtout à les y maintenir durant tout le temps des négociations. Il s’agissait de renforcer, avec la souplesse nécessaire, le cadre de l’intermittence.

Mes questions seront celles d’une néophyte. Pardonnez-moi d’être restée au stade où en était Jean-Patrick Gille il y a quelques mois, avant de devenir un grand spécialiste !

Jusqu’où peut-on aller pour extraire de ce régime exceptionnel les salariés qui n’ont pas vocation à s’y trouver parce que leur activité est plutôt stable et pérenne ? C’est un vieux débat, certes, mais ce régime n’est-il pas une aubaine pour certaines sociétés audiovisuelles prospères qui peuvent abuser de l’intermittence ? Tout ce qui va dans le sens d’une régulation encore plus efficace de ce phénomène serait bienvenu, notamment les planchers et plafonds que vous avez mentionnés. Ne pourrait-on pas donner une plus grande latitude au juge pour apprécier et sanctionner le recours abusif à ce type de contrat ?

Pour ce qui est du plafonnement des revenus d’activité et de chômage, un consensus se serait fait autour d’un revenu mensuel de 4 300 euros. Au cours de la négociation, serait-il envisageable de s’acheminer vers un plafond de 3 000 euros, sachant que le salaire médian dans notre pays se situe aux alentours de 1 700 euros ? Pourquoi, dans ces conditions, les autres salariés devraient-ils compenser le déficit d’un régime qui permettrait à certains de cumuler 4 300 euros de revenus mensuels ?

Madame Archambault, vous avez insisté sur la solidarité. Serait-il envisageable de réfléchir à l’instauration d’une taxe sur les très hauts revenus du cinéma ou de la télévision, dont le produit servirait à financer la compensation par l’État du délai de carence ?

Mme Annie Genevard. Alors qu’il vise, selon son intitulé, à « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle », votre rapport ne semble pas avoir tenu compte de plusieurs facteurs d’instabilité ou d’insécurité.

Le fait que la moitié des quelque 280 000 salariés du secteur culturel en 2012 – une progression de 7 % depuis 2000 – soit des professionnels réguliers ne constitue-t-il pas un facteur structurel d’instabilité, attesté par un autre fait, à savoir le fractionnement, depuis quinze ans, du travail des artistes et des techniciens en des contrats de plus en plus courts ? Les tentatives d’une meilleure structuration du secteur, via, notamment, un encadrement renforcé du CDDU, n’ont pas empêché la progression du nombre d’intermittents et donc la précarisation du secteur, puisque, parallèlement à la hausse du nombre d’intermittents, la masse d’heures travaillées, elle, n’a pas augmenté. Pourquoi le rapport n’évoque-t-il pas cette question ?

Le secteur peine à recourir à des pratiques stables en matière de contrats. La « permittence », la « rotamittence », la sous-traitance ou le double statut salarié-entrepreneur, qui se font au détriment des CDI intermittents, traduisent un dévoiement du système qui pénalise tous les acteurs. Pour être crédibles aux yeux de l’opinion publique, les professionnels de la culture doivent se débarrasser de ces pratiques qui fragilisent leur filière et entament leur image. Les droits doivent être accompagnés de devoirs. Consacrer dans la loi l’existence du régime de l’intermittence interroge son caractère dérogatoire par rapport au droit commun. Votre rapport préconise l’engagement des branches du spectacle pour réduire ces dysfonctionnements connus depuis longtemps : or, j’ai noté votre prudence quant à la capacité du secteur à y parvenir.

À mon sens, le principal facteur d’insécurité est l’avenir des politiques culturelles, dont le financement dans les territoires est assuré essentiellement par les collectivités locales. Les 7,6 milliards d’euros de dépenses culturelles des collectivités territoriales que cite le rapport n’intègrent pas le financement de la culture par les communes de moins de 10 000 habitants. Le montant des dépenses des collectivités territoriales en matière culturelle est donc dans les faits bien plus élevé. Mme la ministre de la culture et de la communication a déclaré vouloir réduire les zones blanches de la culture, conformément à ce que j’avais préconisé dans l’avis budgétaire que j’ai présenté à l’automne dernier : ne s’agit-il pas d’un vœu pieux dans la mesure où les dotations de l’État aux collectivités locales baisseront de façon dramatique – 28 milliards d’euros en quatre ans sur un budget de l’État de 400 milliards ? Alors qu’en tant qu’élue locale, je n’ai jamais diminué la part du budget culturel de la ville dont je suis maire, pour la première fois cette année, je serai contrainte de le faire pour équilibrer le budget général, ce qui ne sera pas sans effet sur l’emploi culturel.

Est-il bien raisonnable de continuer d’engager des professionnels dans un secteur dont la masse de travail, je le répète, est malheureusement appelée à diminuer ?

M. Marcel Rogemont. Mme Archambault a rappelé que l’emploi est fort dans le secteur de la culture, un secteur en croissance dont la part dans le PIB – 3,2 % – est déjà plus importante que celle de l’automobile.

Or ce secteur n’a, finalement, fait l’objet que d’un petit nombre de rapports : le plus récent, avant celui-ci, est celui que M. Gille a rendu dans le cadre de la mission d’information commune sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, présidée par M. Kert. Quant au présent rapport, il vise explicitement à instaurer un système permettant d’apporter des solutions pérennes.

Vous proposez à cette fin de sanctuariser dans la loi un système d’indemnisation du chômage adapté aux métiers du spectacle – la loi de 2002 s’était contentée de proroger le système pour permettre la tenue de négociations. Vous préconisez également d’associer les intermittents aux négociations relatives aux annexes VIII et X : il est vrai que les organisations syndicales ou patronales de l’Unédic se sont jusqu’à présent insuffisamment intéressées aux intermittents. Le cadre que vous prévoyez permettra à chacun de jouer un rôle utile.

Pourriez-vous préciser comment serait financé le fonds de soutien à l’emploi dans le secteur culturel dont vous préconisez la création ?

En tout état de cause, l’Unédic ne saurait à elle seule traiter la question des intermittents : le rapport, qui a le mérite d’éclairer les termes du débat en rappelant notamment le rôle que l’État doit jouer en matière culturelle, sera utile aux partenaires sociaux. La singularité du spectacle vivant doit être reconnue par tous, afin que des solutions pérennes et adaptées aux intermittents puissent être apportées.

Mme Laurence Arribagé. La liste des métiers non spécifiques au spectacle qui bénéficient du régime des intermittents – emplois de secrétaires, comptables, chauffeurs de production, maçons, électriciens – est pour le moins singulière. Il convient également de noter le recours abusif aux CDD dits d’usage spécifique, notamment dans les secteurs du spectacle et de l’audiovisuel, par les sociétés publiques et privées, lesquelles, en abusant de la législation actuelle pour éviter de payer des indemnités de fin de contrat de précarité, font supporter les indemnités de chômage aux contribuables. France Télévisions a été condamnée à plusieurs reprises, notamment en novembre 2012 pour avoir renouvelé pendant dix ans 320 fois le CDDU d’un de ses salariés. Selon le président de France Télévisions, le privé ferait pire : deux tiers des effectifs des sociétés de production seraient non permanents. Le recours au CDDU, pourtant théoriquement limité aux emplois et activités temporaires, servirait à pourvoir des postes permanents. De grandes sociétés privées de production audiovisuelle multiplient illégalement le renouvellement permanent des CDDU. C’est le contribuable qui, in fine, finance le déficit de l’indemnisation des intermittents à hauteur de plus d’1 milliard d’euros – un quart du déficit annuel de l’Unédic. Ces pratiques inadmissibles, dénoncées par la Cour des comptes, ne peuvent pas perdurer : il est temps que la France passe du constat et de la réprobation à une politique d’action et de sanction.

Aussi, pour les cas de recours abusif au CDDU à la place d’un CDI, pourquoi ne pas prévoir une amende s’élevant à cent fois le montant des indemnités de précarité versées à un salarié en CDD de droit commun et ne pas instaurer pour les contrevenants l’interdiction de recourir à de nouveaux CDDU durant trois mois au moins ?

M. Jean-Pierre Allossery. Je souhaite vivement vous remercier non seulement pour la qualité de votre rapport, mais également pour la méthode avec laquelle vous avez conduit ce travail. La concertation, l’expertise et les groupes de travail que vous avez mobilisés pour ce chantier sont les signes de votre grande implication.

C’est grâce à la réunion de tous les acteurs concernés – salariés, employeurs, organismes gestionnaires et services de l’État – qu’il nous est possible de disposer aujourd'hui des bases d’un dialogue apaisé et fructueux. Ironie du sort : vous avez rendu votre rapport au Premier ministre le jour même où la France était touchée au plus profond d’elle-même, le jour même où la culture était attaquée dans son cœur. Culture, liberté de création, liberté d’expression : voilà toute la raison d’être des artistes et des intermittents du spectacle, qui font vivre la politique culturelle de la France et la promesse républicaine.

Comme le souligne la conclusion du rapport, « les questions posées […] impliquent des choix clairs assumés avec courage de la part de l’ensemble des acteurs », chacun à sa place.

La culture et les artistes sont les moteurs du vivre ensemble et du bien commun. Chacun des partenaires – salariés, employeurs, organismes gestionnaires, interbranche du secteur de la culture, interprofession – doit prendre ses responsabilités. Nous ne pouvons qu’être favorables à vos propositions visant à « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle ».

Nous attendons avec impatience le projet de loi qui concrétisera l’ambition renouvelée du Gouvernement en matière culturelle.

M. Frédéric Reiss. Je tiens à réaffirmer notre soutien au spectacle vivant et à la création artistique.

S’agissant des abus, qui entrent dans ce que vous appelez la « logique d’optimisation », le fait que de nombreux intermittents soient devenus des permittents traduit une pratique dont les grands médias audiovisuels, notamment, ont usé et abusé. Vous nous avez appris que le recours à la permittence a diminué, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.

Si les artistes ont besoin de techniciens, est-il pour autant justifié qu’une standardiste, une femme de ménage ou un électricien bénéficient du statut d’intermittent ? L’évolution actuelle tend à l’externalisation de ces services. Une nouvelle ventilation des métiers est nécessaire.

M. Gille a évoqué le GUSO : le monde associatif est aujourd'hui en ébullition. Il n’est pas rare en effet qu’une association ayant organisé un dîner dansant se voie rattrapée par un contrôle de l’Urssaf visant l’orchestre qu’elle a engagé et qui comprend bien souvent des musiciens amateurs. Lorsque les sommes réclamées correspondent aux maigres bénéfices de la soirée, les associations sont découragées pour organiser de nouvelles manifestations. C’est pourquoi je suis heureux de lire dans le rapport que « la mission recommande de régler la question du pilotage du GUSO pour garantir et améliorer son fonctionnement » et, ajouterai-je, cesser d’entraver les initiatives des associations qui sont l’expression de la vitalité culturelle, notamment de la ruralité.

M. Claude Sturni. Le titre même du rapport, qui a déjà été rappelé, vise directement la question de l’instabilité des budgets culturels. La réduction des moyens alloués aux collectivités territoriales ne laisse pas d’inquiéter tous ceux qui aiment le spectacle vivant. Comme il est plus que douteux que des financements privés prendront le relais des financements publics, on est en droit de se demander si le gâteau de la culture est encore suffisamment important pour être divisé en autant de bénéficiaires. La question de la démographie des intermittents est donc posée.

Vous insistez par ailleurs sur la nécessité de responsabiliser les acteurs du secteur, s’agissant notamment du recours au CDDU : en quoi la création d’un fonds spécifique financé par l’État les responsabiliserait-elle ?

M. Michel Herbillon. Toutes les sensibilités politiques sont attachées à la création, à la vitalité de la culture et au dynamisme de l’emploi dans le secteur culturel. Toutes sont également préoccupées du retour chronique de la question de l’intermittence, avec toutes les conséquences, notamment sociales, que ce retour a en termes d’inquiétude pour les acteurs du secteur, d’annulation de festivals ou de manifestations dans la rue. Il est temps d’apporter une solution à un problème qui dure depuis des années, d’autant que nos compatriotes sont nombreux à ne pas comprendre les motifs qui président aux annulations de spectacles.

Êtes-vous confiants, voire optimistes, s’agissant du « courage », du « volontarisme » et du degré de « résolution » de tous les acteurs du secteur pour « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle » ? Vous affirmez avoir voulu constituer une « boîte à outils » : que faudrait-il faire pour obtenir enfin un résultat pérenne ?

Quelle que soit notre sensibilité politique, nous sommes également tous conscients des risques importants que fait peser la réduction draconienne des moyens imposée aux collectivités territoriales sur l’emploi culturel et le dynamisme d’un secteur, qui est l’apanage de la France. Avez-vous étudié les systèmes en vigueur chez nos voisins ? Si oui, dans quelle mesure les exemples étrangers ont-ils inspiré votre réflexion ?

Mme Virginie Duby-Muller. Les annexes de votre rapport présentent des statistiques intéressantes.

La mission d’information commune sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, dont j’ai été membre, a réalisé, dans le cadre d’une démarche équilibrée, un travail dense : vingt séances, cinquante auditions, 230 personnes auditionnées. J’ai relu nos propositions : je n’y trouve nulle part l’idée d’une sanctuarisation par voie législative du régime d’indemnisation du chômage des intermittents.

D’ailleurs, cette décision du Premier ministre, prise à la suite de la remise de votre rapport, a fait réagir tant le MEDEF que la CFDT. Pour le MEDEF, qui est opposé « à toute réouverture de négociation sur le sujet spécifique des intermittents », « l’assurance chômage est et doit rester un dispositif interprofessionnel qui répond à des problématiques globales liées aux conjonctures économiques et aux politiques de l’emploi ». Cette sanctuarisation se traduirait, selon lui, « par des contraintes supplémentaires aux capacités de négociation des partenaires sociaux gestionnaires de l’assurance chômage et, en conséquence, par une iniquité de traitement entre les demandeurs d’emploi ».

De son côté, la CFDT se dit préoccupée par la décision de M. Manuel Valls, laquelle à ses yeux « crée un précédent qui porte atteinte au principe fondamental de solidarité interprofessionnelle du régime d’assurance chômage, au risque d’accroître la flexibilité du travail et les inégalités, au détriment des salariés les plus vulnérables ».

Que leur répondez-vous ?

Mme Hortense Archambault. Restaurer la confiance et prévoir des cadres vertueux, tels doivent être nos objectifs : les atteindre est aussi nécessaire que compliqué, mais ce sera la seule manière de sortir de la crise à répétition des intermittents.

Monsieur Kert, pour avoir été durant dix ans la codirectrice du festival d’Avignon et avoir craint à chaque renégociation de l’assurance chômage la suppression des annexes VIII et X, il me semble nécessaire, pour restaurer la confiance, de consacrer dans la loi le principe du caractère spécifique du régime des intermittents. Les acteurs responsables que nous sommes pourraient alors consacrer leurs efforts, non pas à préserver l’existence de ces annexes, mais à les construire.

Des abus existent. Le rapport évoque notamment la nécessité de revoir la liste des métiers susceptibles de donner lieu à des CDDU. Chaque branche doit prendre ses responsabilités, qu’il s’agisse de la liste des métiers ou des durées minimale et maximale des CDDU. Le Premier ministre a annoncé que les partenaires sociaux ont un an pour s’accorder sur le sujet, avant une éventuelle intervention législative.

S’agissant du fonds pour l’emploi, il appartiendra également aux acteurs de proposer les pistes les plus pertinentes de soutien au secteur, en vue notamment de développer les CDI ou d’allonger la durée des CDDU. À ce sujet, la mission a découvert des dispositifs de l’assurance chômage en totale contradiction avec les efforts réalisés par la profession pour allonger la durée des contrats, puisque leur allongement peut aboutir à pénaliser les intermittents : le système est donc incohérent. La confiance doit également être restaurée entre les intermittents et Pôle Emploi : il appartient aux responsables du secteur d’agir eux-mêmes contre tous les dysfonctionnements qui sont sources d’abus.

Quant à l’instauration de cadres vertueux en matière de financement, le rapport interpelle l’État et les collectivités locales sur leurs responsabilités d’employeurs et de financeurs du secteur. Le fait que des spectacles soient notoirement sous-financés n’incite pas les acteurs à respecter les règles. Il faut donc améliorer les conditions de prestation des spectacles. Le secteur événementiel a, de son côté, instauré un système de label et de certification qui bénéficie aux entreprises qui répondent, notamment, à un niveau minimal d’heures d’emplois permanents. Il convient de valoriser les dispositifs déjà existants.

La mission ne s’est pas penchée sur les systèmes étrangers. Je sais que les Belges et les Suisses ont prévu pour les artistes des systèmes dérogatoires à l’assurance chômage.

Je tiens à insister sur ce point : notre rapport s’est appuyé sur un double pilier, la concertation et l’expertise, celle-ci ayant permis de rectifier certains chiffres, comme celui de la permittence, qui a été ramenée à sa juste proportion : moins de 5 %. De même, il n’est pas vrai d’affirmer que le nombre des emplois culturels croît de manière inconsidérée – l’évolution de la masse salariale suit la même courbe que l’emploi culturel. Je vous renvoie aux chiffres d’Audiens figurant dans les annexes.

Il convient, pour suivre l’évolution du secteur, de pérenniser l’existence de ce groupe d’experts, qui sera à même de souligner les améliorations en cours, voire les solutions apportées, tout en désignant les problèmes qui subsistent.

M. Jean-Denis Combrexelle. La loi – c’est le premier défi auquel nous sommes confrontés – doit tout d’abord fixer les grands principes présidant à l’organisation des responsabilités respectives de chacun, qu’il s’agisse de l’interprofession, des branches, des entreprises – les sociétés de production –, des salariés concernés et des instances telles que Pôle Emploi et l’Unédic. Chacun doit jouer la partie qui lui revient.

Le second défi est d’encadrer et de réguler le champ de l’intermittence. À cette fin, il convient notamment de préciser les conditions permettant de recourir au CDDU. Pour avoir participé indirectement aux négociations, je sais que la question n’est pas simple. Comment par exemple déterminer avec certitude si tel ou tel métier relève du CDI ou du contrat d’usage ? Les partenaires sociaux consacrent beaucoup de temps à ces questions.

Ne conviendrait-il pas de simplifier l’accès, encore trop complexe, au CDI intermittent ? C’est une piste parmi d’autres. Le mieux serait d’aboutir à un système dont la régulation permettrait d’éviter de recourir à la sanction, même s’il est vrai que celle-ci est parfois nécessaire pour réprimer des abus qui relèvent de l’Inspection du travail ou du juge.

Oui, nous avons confiance, une confiance qui repose sur la dynamique que la mission a progressivement créée et qu’il convient de préserver. C’est le moment ou jamais, car tous les acteurs ont aujourd'hui envie, par-delà leurs divergences, de construire un dispositif pérenne permettant de rompre avec le cycle infernal des crises qui frappent le secteur de la culture tous les deux ou trois ans.

M. Jean-Patrick Gille. Vos questions ont balayé tout le champ du rapport.

Nos collègues de l’opposition, à l’exception notable de M. Kert, me semblent avoir une vision quelque peu malthusienne du secteur de la culture, reposant sur une erreur d’analyse d’ailleurs partagée par le grand public.

Il faut le savoir : la culture est un secteur économique en croissance et si le soutien que lui apporte l’Unédic – soit, à l’heure actuelle, 1,3 milliard d’euros – est il est vrai en augmentation, celle-ci, loin d’être exponentielle, ne fait que suivre la croissance du secteur lui-même. De plus, cette croissance se traduira par une augmentation des cotisations. La contribution indéniable de l’Unédic au secteur culturel est donc stable. Je tiens à rappeler que l’aggravation du déficit général de l’Unédic est liée à la situation économique de notre pays et porte principalement sur le CDD – entre 6 et 7 milliards d’euros.

Il est par ailleurs faux de prétendre que la suppression, en 2003, de la date anniversaire a permis de réaliser des économies. C’est vrai pour les six premiers mois, mais ensuite, l’augmentation des indemnités versées à ceux qui sont restés dans le système a effacé l’effet « économies » de la réforme.

Notre pari est celui du soutien à l’économie culturelle. Certes, d’aucuns s’inquiètent des conséquences de la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales sur leurs subventions au secteur de la culture – ce mauvais réflexe est à craindre. Le Premier ministre en a, toutefois, pris conscience puisque la culture est le seul secteur qui bénéficie cette année du dégel d’une partie de ses crédits. Elle les verra même augmenter l’année prochaine. Je rappelle également notre proposition de création d’un fonds de soutien à l’emploi culturel. Le Gouvernement a donc déjà anticipé l’inquiétude des collectivités locales.

Le secteur étant parvenu à un degré certain de maturité, nous parions également sur la responsabilisation de ses acteurs, qu’il nous appartient de rassurer. Tel est le sens de l’inscription des annexes VIII et X dans le code du travail. C’est un geste d’apaisement qui permettra de rompre avec le chantage à l’existence du régime dérogatoire au début de chaque négociation. Je ne partage pas l’analyse du MEDEF et de la CFDT, selon laquelle cette inscription dans la loi ferait sortir le régime des intermittents du système de l’interprofession. C’est faux, puisque c’est au contraire le caractère spécifique de ce régime qui se trouvera inscrit dans la loi. Les intermittents n’auront donc plus à craindre la suppression de leur régime dérogatoire.

S’agissant du véhicule législatif, nous pensions initialement profiter de la transcription de l’accord sur le dialogue social. En l’absence d’accord, il faudra nous rabattre sur une loi spécifique ou sur le futur texte sur la création et le patrimoine. Il me serait également toujours possible de déposer une proposition de loi. Je crois que tous les acteurs, y compris le Gouvernement, souhaitent voir la question réglée avant l’été.

Le Premier ministre a par ailleurs été très clair sur la réforme de la liste des métiers : les branches ont un an pour se mettre d’accord. Le secteur de l’événementiel a conscience de la nécessité d'effectuer un travail en ce sens. Les différentes branches ont, du reste, déjà réalisé un travail conventionnel important depuis 2003.

Mme Dessus a évoqué la question du financement du secteur. La coordination des intermittents et précaires (CIP) a fait des propositions en matière de plafonnement mensuel. Un plafonnement à hauteur de 3 000 euros entrerait dans le cadre financier du précédent accord. La mission, qui est favorable à la responsabilisation des acteurs, ne pouvait avancer un chiffre sans se contredire. Toutefois, dans les annexes, figurent différentes simulations qui ont été proposées, notamment par la CIP.

Oui, il faut réformer la gouvernance du GUSO. Votre question, monsieur Reiss, pose celle de la pratique amateur, que la mission n’a pas traitée. Il faut créer, comme cela a été fait dans le cadre de la SACEM, une culture de la déclaration. Chacun doit être incité à respecter les règles.

Nous avons rencontré durant les six mois qu’a duré la mission tous les acteurs du secteur culturel. Nous avons notamment dit aux partenaires sociaux, dont la légitimité pour négocier l’assurance chômage ne saurait évidemment être remise en cause, qu’ils doivent prendre conscience que les intermittents ont acquis une grande maîtrise des questions qui les concernent directement et qu’il convient, en conséquence, de discuter avec eux avant toute modification des paramètres risquant de bouleverser leur existence.

J’en fais le pari : les acteurs de la culture sont capables d’arriver à des points d’accord permettant d’étayer des solutions efficaces et unanimement acceptées. Il faut rompre le cycle des conflits que provoquent les décisions des partenaires sociaux auxquelles n’ont pas été associés les principaux intéressés, qui se retournent alors vers l’État.

La méthode que nous préconisons, et qui a reçu l’agrément des intermittents, permettra de créer un cycle de discussion plus vertueux et efficace, en vue de soutenir un secteur culturel et économique florissant. Tel est le message que nous envoyons aux partenaires sociaux.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie du temps que vous avez consacré à cette question. Votre rapport nous permet de prendre la mesure de la responsabilité législative qui sera la nôtre, nous l’espérons, au cours du premier semestre 2015.

La séance est levée à douze heures cinq.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

– M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (sous réserve de son dépôt) ;

– M. Christophe Premat, rapporteur sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2014-806 du 17 juillet 2014, n° 2008-1304 du 11 décembre 2008 et n° 2014-807 du 17 juillet 2014 modifiant la partie législative du code de l’éducation (sous réserve de son dépôt).

Présences en réunion

Réunion du mercredi 28 janvier 2015 à 9 heures 30.

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Laurence Arribagé, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Emeric Bréhier, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Dominique Chauvel, M. Jean-François Copé, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Pascal Deguilhem, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, Mme Claude Greff, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, Mme Gilda Hobert, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Anne-Christine Lang, M. Dominique Le Mèner, Mme Annick Lepetit, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, M. Christian Paul, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Michèle Tabarot, Mme Sylvie Tolmont, M. Patrick Vignal

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Bernard Brochand, M. Ary Chalus, M. Bernard Debré, Mme Sandrine Doucet, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Mathieu Hanotin, Mme Sonia Lagarde, Mme Lucette Lousteau, M. Rudy Salles

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Patrick Gille, M. Régis Juanico