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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION
Mardi 30 juin 2015
La séance est ouverte à seize heures trente.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
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La commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Valérie Corre, les articles 1er, 2, 5, 9, 11 et 23 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France (n° 2183).
M. le président Patrick Bloche. Notre commission a souhaité donner un avis sur les articles 1er, 2, 5, 9, 11 et 23 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France (n° 2183). Ces articles comportent des dispositions qui relèvent, à divers titres, des compétences de notre commission, qu’il s’agisse du contrat d’intégration des étrangers, de l’accueil et du séjour des étudiants étrangers, du nouveau passeport « talents » ou encore de l’accès des journalistes aux centres de rétention et aux zones d’attente.
Je tiens à saluer tout particulièrement le travail conduit par notre rapporteure, Valérie Corre, qui a procédé, dans des délais que je qualifierai de « très resserrés » à plusieurs auditions, et qui nous proposera un certain nombre d’amendements destinés à améliorer ce projet de loi.
Je rappelle que ce texte sera examiné demain matin par la commission des lois, saisie au fond, et est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique à compter du 20 juillet. Nous examinons très en amont ce projet pour avis, car le règlement de l’Assemblée nationale impose que les commissions pour avis examinent les projets de loi avant la commission saisie au fond. Cela permettra à notre rapporteure pour avis, dans le cas – probable – où un certain nombre d’amendements seraient adoptés par notre commission, d’aller les défendre en commission des lois.
Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis. Monsieur le président, mes chers collègues, ce projet de loi poursuit trois objectifs essentiels. D’abord, en cohérence avec les engagements du Président de la République, et à la suite du rapport remis au Premier ministre par notre collègue Matthias Fekl, nommé depuis secrétaire d’État, il apporte une plus grande sécurité au parcours d’intégration des migrants ; il crée en particulier des titres de séjour longs, allant jusqu’à quatre ans, qui permettent de conduire leurs bénéficiaires jusqu’au seuil d’acquisition de la carte de résident et de les dégager ainsi de l’emprise trop forte des démarches administratives. Ensuite, il renforce l’attractivité de la France en créant une nouvelle carte de séjour dédiée aux talents internationaux et à leurs proches, et en simplifiant les parcours et l’insertion des étudiants étrangers. Enfin, il conforte un équilibre plus harmonieux entre la nécessaire efficacité des contrôles et des mesures d’éloignement, et l’indispensable respect des libertés fondamentales.
Trois séries de mesures intéressent plus particulièrement notre commission : la rénovation du contrat d’intégration, aux articles 1er et 2 ; l’accueil et le séjour des étudiants étrangers, aux articles 5, 9 et 11, et le nouveau « passeport talent » à l’article 11 ; enfin l’article 23, qui donne aux journalistes l’accès aux centres de rétention et aux zones d’attente.
Dans des délais contraints par une brutale accélération du calendrier, j’ai souhaité conduire les travaux que je vous soumets autour de deux préoccupations principales : la première est que les mesures adoptées doivent lever les freins les plus concrets rencontrés par les étrangers en France, en réduisant, chaque fois que c’est possible, les imprécisions, les complexités et la marge d’interprétation laissée à l’administration, susceptible, on le sait, de conduire à des interprétations inégalitaires ; la seconde est de s’assurer que la loi donne un signal clair et fort sur la volonté de notre pays de considérer l’immigration comme une chance et non comme une contrainte à juguler. Notre République doit pouvoir accueillir avec ouverture, bienveillance et dignité tous ceux qui veulent lui apporter le concours de leur volonté, de leur enthousiasme et de leur talent. Ce signal est le seul gage tangible de l’attractivité de notre pays. Il est le réel enjeu de ce projet de loi.
Les deux premiers articles que nous examinons procèdent à une profonde rénovation du contrat d’accueil et d’intégration créé en 2006. Ce dispositif coûteux – plus de 50 millions d’euros par an – présente des faiblesses depuis longtemps dénoncées, notamment dans le rapport des inspections générales de l’administration et des affaires sociales, à l’automne 2013.
Ce n’est pas du tout l’intention qui est en cause. Le contrat cible avec pertinence les trois clés d’une intégration réussie : l’apprentissage de la langue, l’appropriation des valeurs de la République et l’accès à l’emploi. Mais, dans la pratique, les prestations et les formations dispensées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) souffrent d’être beaucoup trop standardisées, souvent abstraites et peu efficaces pour permettre une réelle insertion. En outre, elles sont en quelque sorte déconnectées de la suite du parcours, puisque le respect des démarches prescrites n’a aucune incidence dans les faits sur les autres étapes de délivrance des titres de séjour.
On remarquera ainsi que le niveau de langue se limite au niveau A.1.1, très modeste et d’ailleurs trop académique parce que sanctionné uniquement par le passage d’un diplôme ad hoc. De la même façon, les résultats en termes d’insertion sont très décevants : plus de la moitié des signataires d’un contrat d’accueil en 2009 sont encore au chômage deux ans plus tard, soit le double du taux de chômage des personnes migrantes, qui lui-même est déjà le double de celui des Français.
Sur ce constat, le projet de loi ambitionne de mettre en œuvre une logique personnalisée, recentrée autour de trois missions clairement identifiées. D’abord, la mission civique sera redéfinie dans une approche plus concrète, répondant mieux aux préoccupations et aux parcours divers des primo-arrivants ; le pouvoir réglementaire fixera les modalités pratiques de cette nouvelle formation. Pour autant, je crois utile de lui rappeler qu’il faudra progresser sur la voie des formations individualisées. Il faudra, en particulier, mettre l’accent sur les valeurs de la République les plus novatrices par rapport aux traditions du pays d’origine du migrant comme, par exemple, l’égalité entre les hommes et les femmes, ou la laïcité.
Ensuite, l’exigence de connaissance du français est relevée et sera désormais évaluée. L’article 1er précise en effet que la formation suivie visera l’acquisition d’un niveau suffisant dont l’atteinte constituera, aux termes de l’article 2, une condition à la délivrance de la carte de résident. Ce seuil, qui sera fixé par décret, est annoncé au niveau A.1 la première année, et A.2 au bout de cinq ans, ce qui constitue sans doute le seuil le plus raisonnable pour une intégration harmonieuse dans notre société, mais aussi le plus ambitieux : il exigera en effet un profond renouvellement des méthodes de formation.
Enfin, le projet de loi introduit dans les contrats une obligation d’effectuer les démarches d’accès aux services publics de proximité. C’est une innovation décisive. En effet, les différents acteurs de l’intégration sont peu habitués à travailler ensemble. La complexité et le morcellement des procédures qui en résultent empêchent les migrants de solliciter les services nécessaires pour construire une vie épanouie dans notre pays.
Toutes ces nouvelles démarches seraient, en parallèle, dotées d’une réelle portée. En effet, l’article 11 soumet la délivrance de la nouvelle carte de séjour pluriannuelle à la justification, par le bénéficiaire du contrat d’accueil, de son assiduité et du sérieux de sa participation aux formations. Le prétendant à une carte de résident devra, pour sa part, justifier de sa maîtrise du français.
Je vous proposerai d’adopter ce nouveau dispositif, plus cohérent et ambitieux, en lui apportant toutefois deux principaux correctifs.
D’abord, il importe de rappeler que ces formations et démarches doivent demeurer gratuites comme elles le sont aujourd’hui. Ensuite, il faut mieux protéger ce parcours contre tout risque d’arbitraire administratif, et veiller à ne pas l’enfermer dans une vision trop scolaire, voire punitive, qui contredirait son objet. C’est pourquoi je vous suggère de supprimer la mention du « sérieux » nécessaire de la participation aux formations, qui n’a aucune densité juridique et pourrait nourrir des interprétations divergentes selon les préfectures. Je vous propose de nous en tenir au seul critère tangible et objectivement mesurable, l’assiduité, qui doit bien évidemment être tempéré en cas de circonstances particulières comme les accidents de santé ou les contraintes professionnelles.
La deuxième thématique du projet de loi prise en compte par notre commission est l’accueil des étudiants étrangers. Vous trouverez dans mon rapport un état de la situation qui place notre pays, certes toujours en tête des destinations d’accueil, entre le troisième et le cinquième rang mondial selon les années, mais dans une situation comparative de moins en moins confortable. Si nous sommes parvenus à doubler le nombre des étudiants étrangers depuis la fin des années quatre-vingt-dix, cette performance reste modeste lorsque l’on observe que les flux internationaux ont été multipliés par dix et devraient encore doubler d’ici à 2025.
Nous disposons, il est vrai, de forts atouts : le prestige de notre culture, la qualité de la formation de nos établissements, ou encore leur coût très abordable. Mais nous demeurons affaiblis par l’ambiguïté de nos messages politiques. Les personnes – notamment de Campus France – que j’ai auditionnées m’ont signalé l’impact spectaculaire et persistant de la trop fameuse circulaire Guéant de 2011. Le nombre de visas étudiants, même s’il est reparti à la hausse, reste aujourd’hui inférieur de 10 % à celui atteint en 2010 et même de 20 % pour les formations de courte durée. C’est dire l’importance, pour l’attractivité de notre enseignement supérieur, de lever les freins légaux qui continuent à dissuader les jeunes étrangers de venir étudier en France.
Le projet de loi poursuit le travail entrepris par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi ESR ». Celle-ci supprimait un premier obstacle en autorisant un enseignement dans une autre langue que le français lorsqu’il est proposé dans le cadre d’un accord avec une institution étrangère. Le présent texte conforte de manière considérable la sécurité juridique des étudiants durant leur parcours de formation. En effet, les étudiants d’un niveau au moins équivalent au master pourront bénéficier d’une carte pluriannuelle ajustée à la durée de leur cursus. La troisième grande difficulté à laquelle sont exposés les étudiants étrangers est la transition entre les études et l’emploi. Ce projet étend à douze mois la durée de l’autorisation provisoire de séjour (APS) autorisant les titulaires d’au moins un master à rechercher et à exercer un emploi en cohérence avec leurs études sans que la situation du marché de l'emploi ne leur soit opposable.
Malheureusement, ce texte ne va pas jusqu’au bout de sa logique.
Certes, il étend le bénéfice de la carte étudiant pluriannuelle, toujours limitée, comme les autres titres, à quatre ans maximum, à tous les étudiants et non plus aux seuls post-master, avec une durée égale à celle de leur cycle d’études. Il parachève également la réforme de l’APS en permettant à ses titulaires de créer une entreprise dans leur domaine de formation et surtout, en prévoyant que les anciens étudiants étrangers qui ont trouvé un emploi dans ce cadre obtiennent automatiquement et sans opposabilité de l’emploi, à son expiration, une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans, consolidant et sécurisant leur insertion dans la société française.
Mais il nous offre l’opportunité d’aller plus loin encore en mettant en place une législation plus simple et plus complète. Ainsi, s’agissant de la durée de la carte étudiant, il faut aller vers une reconnaissance du droit à l’erreur, d’ailleurs fréquente parmi les étudiants nationaux, dont la moitié redouble au moins une fois en licence, en prévoyant qu’elle peut être prolongée d’une année supplémentaire par cycle d’études. C’est d’ailleurs le cas de nos étudiants boursiers. L’appréciation sera confiée à ceux dont c’est le métier : les établissements de formation.
Dans un esprit comparable, je vous propose d’élargir le bénéfice de l’APS, et donc de la possibilité de chercher et de trouver une première expérience professionnelle, à tous les niveaux d’études supérieures. Ce serait cohérent avec le développement des filières professionnalisantes comme les sections de techniciens supérieurs (STS), les instituts universitaires de technologie (IUT) et les licences professionnelles, dont les performances d’insertion sont remarquables.
De même, il me semble que l’exigence – légitime – d’une condition de rémunération, fixée aujourd’hui par décret à un seuil de 1,5 fois le SMIC, doit être mieux modulée. Je propose qu’elle le soit en fonction des secteurs professionnels d’embauche et des territoires. En effet, même si on peut le regretter, on doit bien admettre que le premier salaire est loin d’être le même, par exemple, dans la finance à Paris que dans la recherche publique universitaire en région.
Enfin, dans mon souci constant d’éviter de laisser trop de place à l’interprétation administrative, je vous propose d’abandonner la référence au « sérieux » des études, qui ne veut pas dire grand-chose et dont le manque n’est d’ailleurs jamais sanctionné, et de confier l’appréciation de l’assiduité aux établissements de formation.
Dans cette logique, pour renforcer la qualité de l’accueil quotidien des étudiants, il s’agira de généraliser les guichets uniques qui relèvent cependant du seul pouvoir réglementaire. Actuellement au nombre de vingt-six, ces guichets rassemblent au sein même des universités les principaux services publics utiles, y compris les préfectures. Dans le même sens, je vous proposerai de confier la responsabilité de la délivrance des cartes d’étudiants aux préfectures non de la résidence, mais de l’établissement d’enseignement, car ces dernières sont bien mieux accoutumées à ce type de démarches.
Toujours sur le plan de l’attractivité, le projet de loi introduit une innovation importante : la carte de séjour « passeport talent ». Celle-ci rassemble des dispositifs aujourd’hui complexes et donne un signal fort de la volonté de la France d’accueillir les compétences. Cette carte, au régime très favorable, étendue aux membres de la famille proche des bénéficiaires, unifiera les anciennes cartes « salariés en mission », « scientifiques chercheurs » et « carte bleue européenne », dont elle ne modifie toutefois pas les conditions d’attribution. Elle étend, cependant, le champ des personnes concernées par le dispositif relatif aux investisseurs économiques directs, dont les seuils, aujourd’hui de 10 millions d’euros et de 50 emplois sauvés ou créés, seront abaissés par décret, et par celui relatif aux mandataires sociaux.
Elle introduit également de nouvelles catégories pour les employés de jeunes entreprises innovantes et pour les titulaires de master créateurs d’entreprise. Elle rénove les régimes applicables aux artistes et aux personnes jouissant d’une forte renommée. Les artistes interprètes et les auteurs d’œuvres littéraires ou artistiques pourront bénéficier de cette carte sans que la loi leur impose de justifier d’un contrat de travail d’au moins trois mois comme aujourd’hui, condition souvent impossible compte tenu de la spécificité de ces métiers. Il nous faudra toutefois veiller à ce que les textes d’application ne viennent pas réintroduire des restrictions exclues par la loi.
Enfin, une nouvelle catégorie est créée pour les personnes jouissant d’une renommée internationale reconnue dans les domaines intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif, en supprimant les conditions assorties à l’actuelle carte « compétences et talent ». À ce sujet, je vous proposerai une légère modification ouvrant le passeport talent aux personnes étrangères bénéficiant d’une renommée nationale établie à partir d’un faisceau d’indices comme, par exemple, la couverture médiatique, la participation à des colloques, les publications.
La troisième thématique de ce projet de loi, dont je vous ai parlé au début de mon intervention, est l’accès des journalistes aux centres de rétention et aux zones d’attente. La commission s’est en effet saisie de l’article 23, qui comporte une disposition profondément novatrice en ce sens.
Celle-ci s’inscrit dans la continuité de la loi du 15 juin 2000, qui a permis aux députés et aux sénateurs de visiter de façon inopinée les centres de rétention et les zones d’attente – en se faisant même accompagner de journalistes depuis la loi du 17 avril 2015 sur la modernisation de la presse. Elle crée un précédent juridique décisif en accordant directement ce droit à ceux qui sont chargés d’informer nos concitoyens, bien entendu dans le respect des contraintes de sécurité et de droit à l’image des personnes concernées qui seront précisées par décret. Sous réserve de la vigilance qui sera nécessaire au moment de la rédaction des textes d’application, je suis convaincue que cette disposition apportera un progrès considérable.
Voilà en quelques mots, mes chers collègues, les éléments du texte que je voulais mettre en avant, ainsi que les améliorations que je vous propose.
M. le président Patrick Bloche. Merci, madame la rapporteure, pour la présentation de votre avis qui est d’une remarquable clarté, à la fois sur les enjeux de ce projet de loi et sur les champs de compétence de notre commission.
Un travail parlementaire s’intègre toujours dans une démarche de long terme. Vous avez ainsi fait référence à la loi ESR que nous avons examinée en 2013. De la même façon, pas plus tard que la semaine dernière, en examinant le rapport d’information sur la convention UNESCO de 2005 sur la diversité culturelle, nous avons évoqué la question des artistes étrangers et de leur accueil en France, ainsi que celle de l’adaptation des conditions et d’entrée et de séjour des étrangers à la spécificité du travail artistique.
Nous devons penser à investir pour le rayonnement international de notre pays sur le plan économique, culturel, intellectuel, tâche que mène à bien l’agent public qu’est Campus France. Il y a quelques mois, en nous prononçant sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de cet établissement, nous avons mesuré à quel point la création de ces réseaux d’alumni, c’est-à-dire d’anciens élèves accueillis dans nos universités, contribuait en effet à l’attractivité de notre pays.
Je vous propose maintenant d’ouvrir la discussion générale, en commençant par les orateurs des groupes.
M. Christophe Premat. Ernest Renan écrivait : « La bonne politique n’est pas de s’opposer à ce qui est inévitable ; la bonne politique est de s’y servir et de s’en servir. » Cette citation tirée de La réforme intellectuelle et morale me paraît plus qu’adaptée pour illustrer l’ambition inscrite dans ce projet de loi, qui est de faire de l’immigration une opportunité tant pour les migrants que pour la France.
Trois objectifs sont poursuivis par le texte : améliorer l’accueil et l’intégration des étrangers régulièrement admis au séjour sur notre territoire ; rendre la France attractive en offrant davantage d’opportunités de mobilité aux talents internationaux vers l’Hexagone ; renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière tout en respectant les droits fondamentaux inhérents à chaque être humain.
Deux aspects du projet de loi intéressent particulièrement la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et ont d’ailleurs été étudiés dans le rapport qui nous est présenté aujourd’hui. Il s’agit bien entendu des volets concernant la réforme du contrat d’accueil et d’intégration d’une part, et du renforcement des dispositifs en direction des étudiants et des talents étrangers afin de les attirer en France d’autre part.
Commençons par la réorganisation du contrat d’accueil et d’intégration. Comme le souligne la rapporteure, ce contrat comportait de nombreuses lacunes. Trop standardisé, donnant accès à un niveau de langue insuffisant, sans effet par rapport à l’acquisition des titres de séjour, incapable de donner des clefs aux migrants pour s’insérer dans le monde professionnel, sous-exploité par les acteurs publics autres que le ministère de l’intérieur et l’OFII, ce contrat qui constitue l’instrument principal de la politique d’intégration française méritait une réforme de grande ampleur.
Le projet de loi réaménage le contrat d’accueil et d’intégration sur deux axes principaux : une personnalisation permettant l’adaptation de la politique publique d’intégration au profil spécifique de chaque migrant ; son intégration dans les conditions de maintien en France du migrant. Ainsi, les prestations proposées dans le contrat seront plus exigeantes et plus adaptées au profil de l’intéressé.
L’élément incontournable est la maîtrise du français qui, relevé à un niveau A.2, conditionne l’obtention d’un titre de résident. Maîtriser le français en France, c’est faciliter l’insertion professionnelle, c’est pouvoir plus facilement se renseigner sur les enjeux et les défis du pays d’accueil, c’est finalement faciliter son intégration dans la société française. J’abonde donc dans le sens de la rapporteure qui envisage, dans son rapport, la possibilité d’aménager un rôle à Campus France permettant aux migrants d’être initiés à la langue française dans leur pays d’accueil. Nous disposons d’ailleurs d’atouts considérables comme l’Agence d’enseignement du français à l’étranger (AEFE), le réseau culturel français à l’étranger, l’Alliance française qui peuvent nous aider dans cette tâche.
C’est désormais en partie à l’assiduité aux cours de français que sera conditionnée la délivrance des titres annuels de séjour et de résident. Il paraît donc nécessaire de donner à l’administration des critères adaptés, tenant compte de la situation particulière du migrant pour apprécier l’assiduité au cours de français et l’acceptation des valeurs de la République, tout comme il est indispensable de développer des enseignements adéquats à destination du migrant pour ce qui est du français et de l’apprentissage de l’esprit républicain, afin qu’il puisse avoir une chance équitable de pouvoir rester en France.
J’en viens aux mesures de renforcement de l’attractivité de la France en direction des étudiants étrangers et des talents.
Il est indiscutable que la France doit développer les moyens d’attirer les étrangers pour participer à son rayonnement culturel, scientifique, artistique, sportif et technique. Pour mener à bien cette politique, deux moyens sont envisagés : la sécurisation des situations vécues par les étudiants étrangers en France et la création d’un « passeport talent » unique.
Il paraît nécessaire d’offrir des conditions optimales aux étudiants étrangers en mettant en adéquation la durée de la carte de séjour et le cursus d’enseignement suivi, mais aussi en clarifiant le statut de l’étudiant étranger titulaire d’un master qui souhaite rester en France pour s’insérer directement sur le marché du travail ou créer une entreprise. En tant que député des Français de l’étranger et membre du Conseil d’administration de l’AEFE, je peux observer à quel point l’accès des ressortissants étrangers à des formations françaises est un moyen efficace d’asseoir notre influence dans le monde et de promouvoir nos intérêts économiques à l’international.
Par ailleurs, en ce qui concerne la création d’un « passeport talent » unique, je ne peux que me réjouir de cette initiative qui permettra aux étrangers talentueux répondant aux neuf catégories distinctes prévues par la loi d’obtenir une carte de séjour unique et pluriannuelle d’une durée de quatre ans. De surcroît, le Gouvernement, pour assurer la réussite de ce dispositif, a souhaité qu’il puisse s’appliquer aux membres de la famille des talents étrangers, ce qui, j’en suis sûr, en assurera certainement le succès.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, républicain et citoyen accueille très favorablement ce rapport et vous en remercie.
M. Frédéric Reiss. En raison de son importance, nous nous étonnons que le Gouvernement ait déclaré l’urgence sur ce texte, qui devrait donc être examiné fin juillet. D’ailleurs, Mme la rapporteure a dû travailler dans des délais inacceptables. Mais autant sur la forme que sur le fond, nous nous interrogeons.
L’« immigration zéro » est un mythe autant qu’une absurdité, et elle n’est d’ailleurs pas souhaitable. En revanche, la France ne peut accepter des étrangers sur son territoire qu’en fonction de ses capacités d’accueil. Certes, notre responsabilité de nation humaniste est d’ouvrir nos portes aux réfugiés et d’accueillir convenablement ceux auxquels nous donnons un droit de séjour chez nous. Mais, dans un contexte de crise économique et de crise de l’intégration, avons-nous d’autre choix que de réduire l’immigration ?
Or le gouvernement actuel, insidieusement et sans changer la loi ni remettre en cause directement les textes que la majorité précédente a votés, a déjà procédé par circulaires, par annonces, par instructions et largement assoupli les critères de régularisation, diminué les expulsions d’immigrés illégaux et facilité l’accès à la nationalité française : la franchise de 30 euros pour l’aide médicale d’État (AME) a été supprimée dès juillet 2012 ; les députés de la majorité ont voté une baisse de 50 % du coût d’un visa pour un titre de séjour ; en novembre 2012, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, a assoupli les critères de régularisation des sans-papiers.
Dans un tel contexte et parce que nous avons bien vu que la gauche de la gauche avait fait pression pour l’inscription de ce texte, nous ne pouvons que lire les articles sur lesquels nous sommes saisis avec inquiétude, tant les dérives potentielles qu’il comporte sont nombreuses.
La mise en place d’un titre de séjour pluriannuel n’est pas en soi une mauvaise mesure. Le fait d’obliger tout le monde à retourner systématiquement tous les ans en préfecture n’est pas indispensable et engorge les services. En revanche, les conditions de délivrance doivent être d’autant plus strictes, ce qui est loin d’être le cas. Premier exemple : le texte étend le bénéfice du dispositif aux artistes interprètes ou aux auteurs d’une œuvre artistique régis par l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle. Cet article mentionne les œuvres de l’esprit, les œuvres dramatiques, chorégraphiques, musicales, cinématographiques ou photographiques, mais aussi les livres, les brochures, les conférences, les allocutions, les sermons… Combien de personnes cela représente-t-il ? Deuxième exemple : il en est de même des personnes procédant à un investissement économique direct en France. Nous pensons là encore que c’est la porte ouverte à de nombreuses dérives.
Quand je lis sous la plume de notre rapporteure que « le projet de loi vise à renforcer l’attractivité de la France », je m’interroge sur ce qu’elle appelle « les talents internationaux et leurs familles ».
Sur le plan social, je m’interroge sur une disposition du projet qui permet à une personne qui perd son emploi, de voir son titre de séjour renouvelé pendant une année, augmentée de la durée des droits acquis à indemnisation restants. Cette durée m’apparaît bien imprécise et contestable.
La mise en place d’un parcours plus individualisé comprenant des formations relatives au fonctionnement de la société française et aux valeurs de la République, ainsi qu’une formation renforcée d’apprentissage de la langue française, est une initiative que l’on pourrait considérer comme positive. En revanche, s’agissant des conditions, plusieurs questions restent en suspens. Déjà, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de l’automne 2013 avait évalué à 46 millions d’euros par an le coût total de l’objectif de l’atteinte d’un niveau A.1, et à 80 millions d’euros annuels le coût de l’atteinte d’un niveau A.2. Or il n’y a rien de précis dans l’étude d’impact. Comment allons-nous financer ces formations ? Ces dernières doivent-elles vraiment être totalement gratuites pour les personnes que nous accueillons ? Une participation financière des bénéficiaires ne nous semblerait pas incongrue. Et une fois ces formations dispensées, la surveillance de l’assiduité ne suffira pas, madame la rapporteure, pour garantir le niveau réellement acquis.
Je veux dire par là que de nombreuses questions mériteraient d’être approfondies. Nous légiférons trop vite, au risque de commettre des erreurs, à partir d’un texte technique et très approximatif proposé par le Gouvernement. La majorité ne s’étonnera pas de ma conclusion : malgré quelques dispositifs acceptables et qui seront examinés demain en commission des lois, le groupe Les Républicains se prononcera sans doute majoritairement contre ce texte.
Mme Gilda Hobert. Madame la rapporteure, je tiens tout d’abord à vous féliciter pour votre travail qui, malgré des délais très contraints, a abouti à ce rapport très riche sur le projet de loi relatif aux droits des étrangers en France. Il a le mérite d’éviter les raccourcis faciles et de rappeler à la représentation nationale que l’immigration est une chance pour la France, même si, après plusieurs années, certains dispositifs comme le contrat d’accueil et d’intégration méritent d’être revus.
Les dispositions prévues pour l’accueil et le séjour des étrangers, objet de ce texte, constituent un progrès sur le plan humain comme sur le plan de l’efficacité administrative. Nous ne rappellerons pas ici la complexité des démarches multiples, que vous avez évoquées à juste titre, madame la rapporteure, et qui attendaient jusqu’ici les étudiants étrangers.
Les articles 1er et 2 du projet de loi énoncent des dispositifs qui doivent renforcer la volonté d’intégration des primo-arrivants par une formation en langue française et une formation civique plus adaptée, consacrée aux valeurs de la République dans le respect des droits et des devoirs de notre pays, ainsi qu’à l’apprentissage du fonctionnement de notre société. C’est un moyen d’éviter la cristallisation des différences, la mise à l’écart et de permettre à chaque étudiant de mieux s’intégrer, non seulement parmi ses pairs, mais aussi dans nos modes de fonctionnement administratifs, quotidiens, sociaux et culturels.
Nous avons tous été sollicités par des étudiants pour que nous intervenions auprès du préfet concernant leur titre de séjour, soit parce que les délais ne correspondaient pas à la durée de leur cursus d’études, soit parce qu’ils souhaitaient exercer une activité professionnelle en France directement liée à leurs études. Le fait que plusieurs dispositions de ce texte les concernent constitue un bon signal. En effet, l’article 5 prévoit de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l’étudiant titulaire d’un diplôme d’un niveau équivalent au minimum à un master, à condition qu’il justifie d’un projet d’expérience professionnelle ou de création d’entreprise et d’une rémunération supérieure à un seuil. J’ajouterai que votre amendement qui prévoit que ce niveau d’études soit étendu aux STS, IUT et licences professionnelles est vraiment un plus. Ainsi, l’étudiant pourra, dans les conditions prévues, soit bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle sur laquelle figurera la mention « passeport talent », soit d’une carte de séjour temporaire portant l’indication « salarié » ou encore « entrepreneur-profession libérale ». Cette carte aura, comme vous le soulignez, madame la rapporteure, le grand mérite de personnaliser chaque parcours.
On ne peut nier les richesses que peuvent apporter les échanges de savoirs. Mais, si nous nous employons à soutenir la poursuite d’études des jeunes Français dans d’autres pays, nous avons un devoir de réciprocité et, partant, celui de faire en sorte que les étudiants étrangers soient accueillis dans les meilleures conditions en France. Pour cela, il est prévu, à l’article 9, que l’étudiant titulaire d’un diplôme de niveau master et qui n’aurait pas formulé de demande pour une autorisation provisoire de séjour, puisse bénéficier d’une carte de séjour en qualité de salarié s’il présente un contrat de travail en lien avec sa formation et assorti d’une rémunération. Ce dispositif va dans le bon sens : il facilite l’intégration des étudiants étrangers dans le monde du travail à la sortie de leurs études sur notre territoire.
Enfin, en garantissant, par l’article 23, aux journalistes l’accès aux zones d’attente et aux milieux de rétention dans le respect des libertés individuelles, la liberté d’information est affirmée clairement, et nous ne pouvons que nous en satisfaire.
Voilà, madame la rapporteure, mes chers collègues, les quelques points sur lesquels je voulais revenir concernant ce projet de loi qui va renforcer l’attractivité de la France, et garantir un accueil et un suivi personnalisé aux étrangers, en particulier aux étudiants et aux talents internationaux. Pour toutes ces raisons, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste accueille favorablement ce rapport.
Mme Marie-George Buffet. Je voudrais d’abord remercier Mme la rapporteure pour son excellent travail. Vous avez rappelé, madame, le rôle de l’immigration dans le développement de notre pays, sur le plan économique comme sur le plan culturel. La France, en accueillant ces hommes et ces femmes, leur apporte des conditions de vie souvent meilleures que celles qu’ils connaissaient dans leur pays d’origine. Mais qu’ils soient artistes, qu’ils soient de futurs scientifiques, ou qu’ils soient de simples travailleurs, ils enrichissent notre pays par leur travail.
Contrairement à ce que l’on rapporte parfois, et je me réfère à une étude d’il y a quelques années, le coût des prestations sociales attribuées aux personnes immigrées est bien inférieur aux cotisations sociales versées par ces personnes lorsqu'elles ont accès au travail et donc participent à la solidarité nationale. Or ces personnes connaissent des parcours extrêmement difficiles. Dans certaines préfectures, nous en sommes à intervenir pour obtenir un simple rendez-vous ! Le renouvellement des cartes de séjour est particulièrement angoissant pour elles, au risque de nuire à la qualité de leur travail et de leurs études.
Ce projet de loi a soulevé énormément d’attentes de la part de toutes les associations qui travaillent sur ces dossiers et nourrissent l’espoir que l’on rompe avec les politiques précédemment menées en la matière. L’appréciation sur l’ensemble du texte est pour le moins contrasté. De nombreuses associations comme la CIMADE, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), la Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s (FASTI), le Syndicat de la magistrature ou d’autres, considèrent que ce projet de réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ne marque pas une véritable volonté de rupture avec les réformes précédentes. C’est donc avec beaucoup de satisfaction que j’ai pris connaissance des amendements que vous nous proposez. Ils vont dans le bon sens et viendront enrichir, dans les domaines qui relèvent de notre compétence, ce projet de loi.
Les associations s’interrogent sur les conditions d’attribution et les modulations de durée de ce contrat pluriannuel. Vous-même, vous présentez plusieurs amendements, précisément pour que les étudiants puissent poursuivre leurs études le temps nécessaire, même s’il leur arrive d’échouer – c’est le droit à l’erreur. Il fallait également améliorer les conditions d’accès au travail des étudiants étrangers. Jusqu’à présent, le titre de séjour était ouvert aux titulaires au moins d’un master, alors que certaines formations qualifiantes permettent de travailler plus rapidement. Vous proposez des amendements qui vont en ce sens.
Ensuite, vous soulignez à juste titre que ce n’est sans doute pas à la préfecture de juger de la réalité et du sérieux des études effectuées par une étudiante ou un étudiant, et qu’il vaut mieux laisser le centre de formation lui-même se prononcer à ce propos. Pour ma part, je pense qu’il faut faire en sorte que les préfectures aient le moins de marges de manœuvre possibles, que ce soit en matière d’immigration ou dans d’autres matières. On évite ainsi que ne se créent des inégalités d’une préfecture à l’autre.
Cet après-midi comme lors des prochaines étapes de l’examen ce projet de loi, nous allons suivre attentivement le cheminement de vos amendements.
Enfin, je me félicite, au nom du groupe Gauche démocrate et républicaine, que ce projet de loi autorise l’accès des journalistes aux centres de rétention. C’est l’occasion pour moi de souligner l’importance qu’il y aurait à débattre à nouveau de la loi sur la protection des sources. Mais nous allons prendre une initiative en ce sens dans les jours qui viennent.
Mme Isabelle Attard. À mon tour de saluer la qualité du travail de notre rapporteure. Nous sommes réunis parce qu’en 2011 M. Claude Guéant avait pris une circulaire concernant les étudiants étrangers non ressortissants de l’Union européenne qui souhaitaient prolonger leur expérience professionnelle en France. Cette circulaire malheureusement célèbre visait, selon une approche qualitative et sélective, à faire passer l’immigration légale de 200 000 à 180 000 personnes par an. Heureusement, la mobilisation des étudiants a été relayée pendant la campagne présidentielle, une partie des candidats – dont François Hollande – s’étant prononcés pour le retrait de la circulaire en cas d’élection. Ainsi, cette circulaire a été abrogée par le gouvernement Ayrault le 31 mai 2012.
Après l’élection de François Hollande, la sénatrice socialiste Dominique Gillot a déposé une proposition de loi afin de faire évoluer rapidement la législation. Cependant, le Gouvernement a choisi une autre stratégie : outre l’abrogation de la circulaire Guéant, il a organisé un débat sans vote au Parlement sur l’immigration étudiante et professionnelle – en avril 2013 au Sénat, et en juin 2013 à l’Assemblée nationale. Puis il a introduit quelques modifications législatives à la marge dans la loi relative à l’ESR, que nous avons examinée ici en 2013. Lors de ce débat sans vote, il a été rappelé que les étudiants représentaient un tiers de l’immigration économique en France, et qu’ils étaient nombreux à rester sur le territoire, une fois leur cursus terminé, pour chercher du travail. La France est en effet le quatrième pays le plus attractif, avec environ 300 000 étudiants étrangers par an. L’objectif du Gouvernement est très clairement de renforcer notre compétitivité, de consolider notre place au niveau international et d’affirmer son choix d’accueillir des talents étrangers et les visiteurs professionnels qui contribuent au rayonnement de l’économie française. Enfin, en s’appuyant sur cette proposition de loi Gillot, les sénateurs ont proposé de modifier la législation lors des débats sur la loi Fioraso relative à l’ESR. Suite au débat parlementaire, le texte ne va pas aussi loin que la proposition de loi, mais apporte tout de même quelques avancées sur lesquelles nous reviendrons lors de la défense des amendements.
Quoi qu’il en soit, je partage tout à fait le souci de mes collègues Marie-George Buffet et Gilda Hobert : en matière d’accueil des étudiants étrangers, la réciprocité est extrêmement importante. On ne peut pas souhaiter que nos étudiants puissent suivre dans les meilleures conditions possibles, en toute sérénité, des études à l’étranger, voire y travailler une fois leurs études terminées, et ne pas faire en sorte qu’il en soit de même dans notre propre pays pour les étudiants étrangers – qui sont extrêmement nombreux, particulièrement en doctorat.
En conclusion, je remercie chaleureusement, au nom du groupe Écologiste, Mme la rapporteure pour avoir grandement amélioré ce projet de loi. Je pense même que je retirerai certains de mes amendements, car les siens vont plus loin.
M. Jacques Cresta. J’ai eu, la semaine dernière, l’occasion de parler de coopération culturelle internationale lors de l’examen du rapport d’information sur les dix ans de la Convention de l’UNESCO relative à la diversité culturelle. J’exprimais alors mon étonnement devant la diminution constante, depuis 2008, de la délivrance de titres de séjour portant la mention « profession artistique et culturelle ». Il en est de même, d’ailleurs, pour le renouvellement de ces titres. Assurément, les conditions d’obtention de cette carte de séjour sont en partie responsables de cette diminution. Je vous les rappelle, telles qu’elles sont définies dans l’article L. 313-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d’asile : les artistes doivent être « titulaires d’un contrat de plus de trois mois passé avec une entreprise ou un établissement dont l’activité principale comporte la création ou l’exploitation d’une œuvre de l’esprit ».
La création du « passeport talent » pourrait modifier les conditions de délivrance de titres de séjour pour les artistes et faciliter ainsi les coopérations artistiques et culturelles qui enrichissent notre pays. Mais qu’en est-il en vérité ? De quelle manière la renommée internationale d’un artiste sera-t-elle établie ? Cette renommée est capitale puisque celle qui ne pourra pas la démontrer ne pourra pas bénéficier du « passeport talent ». Sera-t-elle établie par les comités d’experts des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ? En résumé : sommes-nous réellement en train de simplifier les procédures pour les artistes ?
Mme Laurence Arribagé. Alors que l’Europe est confrontée à une crise migratoire dramatique, la situation de l’immigration en France aurait mérité un temps de réflexion plus long que celui que l’agenda de la session extraordinaire lui consacre.
Force est de constater que ce projet de loi est en cohérence avec la logique de facilitation de l’accueil des étrangers sur notre territoire qui caractérise la politique du Gouvernement depuis 2012. Si je partage votre volonté de mettre en avant les avantages économiques et culturels de l’immigration pour notre pays, je considère que cette précipitation est contraire à toute clarification. Plus particulièrement, les dispositions de l’article 11 relatives à l’attribution du « passeport talent », qui visent à renforcer l’attractivité de notre pays, privilégient celles et ceux qui envisagent un investissement économique direct en France. Cette mesure est, certes, louable sur le papier, et nous ne pouvons qu’y être favorables, mais il conviendrait de préciser la nature et le montant de l’investissement projeté, ainsi que de fixer à celui-ci d’un niveau minimum et d’une durée au moins égale à celle du séjour.
Une interrogation demeure quant au nombre important de Français qui quittent notre pays et investissent à l’étranger, tant sur le plan intellectuel que financier, quand ils ne se délocalisent pas totalement afin de fuir la fiscalité aberrante imposée par un gouvernement manquant de perspectives à long terme. À quand la délivrance d’un « passeport talent retour » pour nos ressortissants ? S’il est fondamental d’accueillir des investisseurs étrangers en France, garder nos concitoyens créateurs d’idées, d’entreprises, de richesses et d’emplois me paraît tout autant essentiel, sinon plus.
M. Guénhaël Huet. Entre 2012 et 2013, l’immigration légale dans notre pays a augmenté de près de 6 %, le regroupement familial de 15 %, et l’immigration illégale, à en juger par le nombre des allocataires de l’aide médicale d’État, de 35 %. Ces chiffres, très factuels, sont le résultat de l’application de textes juridiques disparates et de nature différente tels la directive assouplissant les critères de régularisation des sans-papiers et la franchise pour bénéficier de l’AME, Frédéric Reiss l’a rappelé.
Je déplore la rapidité avec laquelle nous examinons aujourd’hui ce projet de loi, dans le cadre d’une session extraordinaire et sous le coup d’une procédure d’urgence. Le texte contient pourtant un certain nombre de mesures intéressantes, je pense en particulier au parcours de formation et au titre de séjour pluriannuel. Il eût été cependant plus utile de réfléchir aux capacités d’accueil de notre pays et à ses besoins économiques réels. Dans ces conditions, je crains que ce projet de loi ne soit perçu que comme une facilité supplémentaire offerte à l’immigration, sans qu’il y ait eu au préalable une véritable estimation ni un débat sur l’évolution globale du droit des étrangers dans notre pays.
Mme la rapporteure pour avis. Il est vrai que le calendrier d’examen du projet a été accéléré mais je rappelle qu’il a été déposé sur le bureau de notre assemblée il y a un an.
Le premier objectif visé est de sécuriser le parcours des migrants afin qu’ils n’aient plus à se présenter une fois par an à la préfecture et ne soient plus soumis aux tracasseries et incertitudes que cela implique. Le deuxième objectif, c’est l’attractivité de la France dans un contexte de compétition internationale accrue, et nous avons besoin de faire venir les étudiants et tous les talents sur notre territoire. Le troisième objectif, clairement assumé, est l’équilibre nécessaire entre le contrôle et les mesures d’éloignement, d’une part, et le respect des libertés fondamentales, d’autre part. Je fais ce rappel pour couper court à un certain nombre de faux débats.
Le contrat d’accueil et d’intégration ne constitue pas une nouveauté puisqu’il existe depuis 2006, fondé sur la connaissance du français et sur l’acceptation des valeurs républicaines. Notre texte ne fait que perfectionner le dispositif, le précédent étant unanimement considéré comme trop coûteux et inefficace puisque sans incidence sur le parcours ultérieur des intéressés. Un niveau de langue supérieur sera exigé, du moins au terme des cinq ans de séjour nécessaires à l’obtention de la carte de résident. Par ailleurs, mes amendements tendent à affiner le sens donné à l’acceptation des valeurs républicaines. Enfin, un parcours plus personnalisé est proposé, particulièrement en ce qui concerne les services de droit commun : soins médicaux, scolarisation des enfants, etc.
Le « passeport talent » est certes nouveau, mais il ne fait que regrouper les différentes catégories existantes en en ajoutant deux autres : les employés de jeunes entreprises innovantes et les titulaires de masters créateurs d’entreprises. Il ne s’agit donc pas d’ouvrir notre territoire à tout va et à n’importe qui.
La carte attribuée aux artistes existe, elle, depuis 2006, mais, en 2012, seules 162 personnes étaient accueillies à ce titre ! Cela prouve que le dispositif actuel est trop restrictif, à la fois par la durée d’emploi exigée en contrepartie et par le niveau de rémunération. Il s’agit de permettre à ces artistes de séjourner plus longtemps sur notre territoire.
Quant aux cartes de résident pour « contribution économique exceptionnelle », seules quatre ont été délivrées en 2012, les conditions étant également trop restrictives. C’est pourquoi, à l’avenir, les conditions seront déterminées par voie réglementaire et non plus législative.
Comme Mme Buffet, je considère que l’intérêt que représente l’immigration pour notre pays n’est pas assez valorisé, car la France ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans les migrations des décennies précédentes. Mme Buffet a mis en regard le montant des cotisations sociales versées et celui des prestations servies ; Campus France, de son côté, a calculé que les flux financiers générés par les étudiants étrangers dans notre pays bénéficient à celui-ci à hauteur de 1,7 milliard d’euros. Il y a donc là un intérêt à la fois culturel, social et économique qui gagnerait à être reconnu.
Ma préoccupation constante a été de réduire les marges d’interprétation de la loi qui se traduisent par des inégalités entre les territoires et, pour les personnes concernées, par un sentiment d’injustice.
Mme Attard a évoqué la réciprocité, c’est-à-dire la façon dont nos jeunes sont accueillis à l’étranger. Il nous reste beaucoup à faire, malgré le guichet unique, dans le domaine de l’accueil et de l’accompagnement, mais cela relève du domaine réglementaire. Au demeurant j’ai insisté dans le rapport sur l’intérêt qu’il y a à motiver les universités à cet effet.
En ce qui concerne la possibilité de travailler en France, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche permet d’ores et déjà la délivrance aux titulaires de masters d’une autorisation provisoire de séjour pendant un an. Je propose, comme je l’ai dit, d’étendre cette possibilité aux autres diplômes du supérieur, comme les « bacs plus deux ». Au-delà de ces douze mois, les intéressés relèvent d’un autre régime.
Le projet de loi marque enfin une avancée majeure en ouvrant l’accès des centres de rétention et des zones d’attente aux journalistes. C’est un sujet sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années, et qui est fondamental pour la transparence et pour l’information de nos concitoyens. J’insiste d’ailleurs dans le rapport pour que le pouvoir réglementaire organise les choses sans pour autant tout verrouiller.
La Commission en vient ensuite à l’examen des articles.
Avant l’article premier
La Commission est saisie de l’amendement AC38 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit de s’assurer que les refus de visa « étudiant » sont motivés, procédure qui a existé entre 1998 et 2005 et dont l’abolition a été ressentie comme vexatoire. Cette motivation permet en outre au demandeur de retravailler son dossier de façon à tenir compte des motifs du refus.
M. Christophe Premat. Il existe un débat sous-jacent à celui du refus de visa par les autorités consulaires et diplomatiques, et qui concerne en particulier l’acceptation des valeurs de la République, car le cadre commun de référence européen n’évalue que la compétence linguistique.
Mme la rapporteure pour avis. Mon amendement ne concerne que la délivrance du visa, c’est-à-dire la démarche permettant l’autorisation d’entrer en France.
La Commission adopte l’amendement.
TITRE IER
L’ACCUEIL ET LE SÉJOUR DES ÉTRANGERS
Chapitre Ier
L’accueil et l’accompagnement
Article 1er : Contrat personnalisé fixant le parcours d’accueil et d’intégration de l’étranger
La Commission examine l’amendement AC27 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit de préciser que l’information sur la vie en France mise à la disposition des étrangers doit être traduite dans une langue compréhensible par les intéressés. Les consulats et Campus France assurant déjà ce type de traduction, l’amendement n’a pas d’incidence financière.
M. Christophe Premat. Je le dis au passage, bien que les intéressés ne soient pas concernés par un texte relatif au droit des étrangers : Campus France devrait s’ouvrir plus aux binationaux ou aux Français vivant à l’étranger et revenant en France pour intégrer un parcours dans l’enseignement supérieur.
Par ailleurs, l’indicateur de performance de Campus France sur lequel le législateur se fonde dans le cadre du vote du budget est déterminant pour savoir combien d’étudiants étrangers sont attirés par la France. Il ne serait pas inutile de le mentionner dans l’exposé des motifs de l’amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AC29 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement se borne à rappeler que les informations et les démarches prescrites dans le contrat d’accueil et d’intégration demeurent, comme c’est le cas aujourd’hui, gratuites et financées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Il n’a donc aucune incidence financière.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle se penche sur l’amendement AC28 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement précise les dispositions que devra comporter le décret d’application afin de laisser le moins de marge d’interprétation possible, en reprenant le contenu du contrat d’accueil et d’intégration.
M. le président Patrick Bloche. Il convient effectivement que l’égalité soit assurée sur tout le territoire dans ce domaine.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.
Article 2 : Condition de connaissance suffisante de la langue française pour la délivrance de la carte de résident
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.
Article 5 : Autorisation provisoire de séjour
La Commission est saisie de l’amendement AC22 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement concerne les étudiants souhaitant compléter leurs études par une première expérience professionnelle ou par la création d’une entreprise, et auxquels peut être délivrée une autorisation provisoire de séjour (APS), aujourd’hui limitée à douze mois. Nous souhaitons que cette durée puisse être portée à vingt-quatre mois, car la multiplication des CDD en France est déjà facteur d’insécurité, particulièrement pour les plus jeunes, et il conviendrait de rendre plus sereine la période difficile que constitue le passage des études à l’activité professionnelle.
Mme la rapporteure pour avis. C’est en effet un passage difficile. La loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche prévoit déjà cette autorisation provisoire, en la conditionnant à un niveau minimal de rémunération ; un de mes amendements propose de moduler cette condition. En revanche, il me semble excessif de porter la durée de l’APS à deux ans, car de deux choses l’une : soit l’étudiant a trouvé un emploi dans ce laps de temps, et il n’en a plus besoin, soit son parcours pose question et il est légitime de réexaminer sa situation. J’insiste cependant sur le fait que la non-prolongation de l’APS ne signifie pas la suppression systématique du titre de séjour : l’intéressé change seulement de catégorie de titres à demander. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement.
Mme Isabelle Attard. Cette précarité administrative dans laquelle se trouvent les étrangers pourrait être tempérée, car elle ne facilite ni la recherche d’un emploi ni la poursuite d’études. Il existe plusieurs façons d’aborder cette période de transition, et il s’agit le plus souvent, hélas, d’enchaîner les contrats de courte durée.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC30 de la rapporteure pour avis et AC23 de Mme Isabelle Attard.
Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit de faciliter l’accès à l’APS à tout étudiant ayant validé un diplôme de l’enseignement supérieur, quel qu’il soit, alors qu’aujourd’hui le master est exigé.
Mme Isabelle Attard. Je retire mon amendement, car celui de la rapporteure est meilleur en ce qu’il inclut les diplômes de niveau « bac plus deux ». On ne peut à la fois prétendre promouvoir les cycles courts et valoriser les seuls masters.
L’amendement AC23 est retiré.
La Commission adopte l’amendement AC30.
Elle étudie ensuite l’amendement AC31 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement tend à moduler le niveau de rémunération minimale, aujourd’hui fixé à 1,5 SMIC, pour exercer un emploi dans le cadre de l’APS en fonction des filières professionnelles et des territoires.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 modifié.
Après l’article 5
La Commission est saisie de l’amendement AC24 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Parallèlement aux débats sans vote sur l’immigration étudiante et professionnelle qui se sont tenus au Sénat et à l’Assemblée nationale en avril et juin 2013 et au dépôt d’une proposition de loi relative à l’attractivité universitaire de la France par notre collègue sénatrice Dominique Gillot, le Gouvernement a publié le 10 juin 2013 une circulaire relative aux modalités de délivrance des titres de séjours pluriannuels prévus par l’article L. 313-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cette circulaire visait notamment à généraliser le titre de séjour pluriannuel afin d’éviter aux étudiants étrangers d’avoir à renouveler leur visa chaque année.
Or l’article 13 du présent projet de loi prévoit l’abrogation de l’article L. 313-4 au lieu d’en conserver les éléments positifs. Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi la logique de la circulaire du 10 juin 2013, en permettant aux étrangers titulaires d’une carte temporaire portant la mention « étudiant » de la renouveler pour une durée de trois ans pour les étudiants inscrits en licence, pour une durée de deux ans pour ceux inscrit en master et pour une durée de quatre ans pour ceux inscrit en doctorat.
Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement est satisfait, puisque les actuels titulaires d’une carte d’étudiants, comme les titulaires d’un visa de long séjour, pourront, à partir de la date de la promulgation de la loi, solliciter une carte pluriannuelle dont la durée de validité sera ajustée à leur cycle d’étude. Je proposerai par ailleurs de prolonger, sous condition, cette validité d’une année ; je demande donc le retrait de l’amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Mme Isabelle Attard. Je retire mon amendement car, effectivement, l’ajout d’une année par notre rapporteure est très positif ; j’aurais trouvé gênant que l’on se limite à une durée fixe puisque l’on ne peut prévoir à l’avance la durée des travaux de thèse.
L’amendement est retiré.
Article 9 : Carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle
La Commission examine l’amendement AC32 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. C'est un amendement de cohérence avec l’extension de l’APS aux titulaires de tout diplôme habilité de l’enseignement supérieur.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 modifié.
Article 11 : Carte de séjour pluriannuelle
La Commission examine l’amendement AC33 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement supprime la référence au « sérieux » de la participation de l’étranger aux formations prescrites dans le cadre du contrat d’accueil car, dépourvue de portée normative, cette mention est susceptible de faire l’objet d’interprétations divergentes. Seul demeurerait le critère de l’assiduité du signataire. Il convient en outre de prévoir des circonstances particulières pouvant entraver l’assiduité de l’intéressé.
M. Frédéric Reiss. Cet amendement prend certes en compte l’imprévu, mais j’aurais souhaité que l’on prenne en compte le niveau réellement acquis et pas seulement l’assiduité ; dans ces conditions, on aura toutes les excuses pour ne pas suivre sérieusement les cours. À ce titre, cette proposition me paraît dangereuse.
Mme la rapporteure pour avis. Les circonstances particulières sont bien réelles, il peut y avoir des problèmes de santé ou des contraintes professionnelles, qu’on ne peut ignorer. Quant au « sérieux », comment l’évaluer ? L’amendement supprime tout risque d’interprétation arbitraire, en retenant la seule obligation d’assiduité, assortie de quelques exceptions.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AC34 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Le « rejet » des valeurs de la République, laissé qui plus est à la seule appréciation de l’autorité administrative, n’a guère de portée juridique. Je propose de définir la manifestation d’un tel rejet par une « volonté caractérisée », notion clairement établie par la jurisprudence.
M. Christophe Premat. L’évaluation des attitudes culturelles est toujours problématique, particulièrement en ce qui regarde la laïcité, qui est une des règles fondamentales de la République. Il est bon d’objectiver ces situations devant lesquelles les autorités sont souvent démunies pour se prononcer lucidement.
M. Frédéric Reiss. L’étude d’impact ne précise pas si un décret viendra préciser les modalités de refus de l’attribution de la carte de séjour pluriannuelle en cas de rejet manifeste des valeurs républicaines. Il conviendrait pourtant d’en préciser le contenu afin d’éviter l’arbitraire dans les décisions prises au sein des différents territoires.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement AC35 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Je propose que l’évaluation de l’assiduité de l’étudiant, qui conditionne le maintien de la carte de séjour pluriannuelle, soit confiée à son établissement de formation, lequel est le mieux à même de le connaître.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle étudie l’amendement AC36 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement permet d’allonger d’un an par cycle d’études la durée du titre du séjour étudiant, sous réserve de l’avis de l’établissement de formation. Il n’est donc pas créé de droit automatique au redoublement, mais simplement un droit à l’erreur.
La Commission adopte l’amendement.
Elle aborde ensuite de l’amendement AC37 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Il convient d’élargir la notion de renommée internationale ouvrant droit au « passeport talent », donc à la carte de séjour pluriannuelle, en attribuant celle-ci aux talents artistiques, sportifs, scientifiques ou humanitaires jouissant d’une renommée nationale.
M. Christophe Premat. Cet amendement répond parfaitement aux objectifs assignés à notre réseau culturel, qui est d’essayer d’attirer de jeunes talents en France, il entre donc en pleine cohérence avec notre politique diplomatique extérieure.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement AC25 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. L’objet de cet amendement, dans la lignée de la proposition de loi de Dominique Gillot, est de rendre automatique l’attribution de la carte de séjour pluriannuelle aux titulaires d’un diplôme de doctorat délivré en France. Cela permettra de créer un droit illimité au séjour en France pour tout titulaire d’un doctorat délivré en France, et de développer ainsi la coopération économique continue tout en évitant le pillage des cerveaux des pays émergents.
Nous savons qu’aujourd’hui ce sont les doctorants qui produisent les publications les plus importantes sur notre territoire. Nous souhaitons leur dire que nous n’avons pas pour intention de les exploiter pendant trois ou quatre ans en utilisant leurs neurones et leurs travaux pour, in fine, nous débarrasser d’eux comme de vulgaires Kleenex.
Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement, qui vise à attribuer un droit de séjour permanent sur le territoire national, correspond à une revendication de certaines personnes que j’ai auditionnées, en particulier la Conférence des présidents d’université (CPU). Il me semble toutefois difficile de créer un nouveau titre de séjour exorbitant du droit commun, car en quelque sorte permanent, pour un public somme toute restreint.
Le « passeport talent », tel qu’amélioré par notre texte, est ouvert aux doctorants et peut être renouvelé ; les intéressés ont donc déjà la possibilité de demeurer en France au terme de leurs études. Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
Mme Isabelle Attard. Mme Fioraso défendait les docteurs en proposant d’élargir leur accès à la haute fonction publique. Si nous voulons valoriser le titre de docteur comme le font les pays étrangers – où les titulaires d’un PhD en font systématiquement état sur leur carte de visite –, il nous faut reconnaître officiellement que nos docteurs sont des « talents ».
Mme la rapporteure pour avis. Vous ne sauriez mieux dire, et c’est d’ailleurs pourquoi ils relèveront désormais du « passeport talent » !
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.
Chapitre III
Dispositions diverses
Article 23 : Accès des journalistes aux zones d’attente et aux lieux de rétention
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.
M. Frédéric Reiss. Je tiens à rappeler, avant le vote sur l’ensemble des dispositions, que nous critiquons le fait que le Gouvernement ait engagé, le 19 juin dernier, la procédure accélérée sur ce texte, quand bien même il est « dans les tuyaux » depuis longtemps. Nous ne comprenons pas cette volonté d’aller trop vite.
Le vote de mon groupe, à ce stade, est défavorable.
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
La séance est levée à dix-huit heures.
——fpfp——
Réunion du mardi 30 juin 2015 à 16 heures 15
Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, Mme Laurence Arribagé, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Brigitte Bourguignon, M. Emeric Bréhier, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dessus, Mme Sandrine Doucet, M. Yves Durand, M. Hervé Féron, Mme Gilda Hobert, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Maud Olivier, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Christophe Premat, M. Frédéric Reiss
Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Ary Chalus, Mme Sophie Dion, Mme Annie Genevard, Mme Sonia Lagarde, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, Mme Barbara Pompili, M. Rudy Salles, Mme Julie Sommaruga