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Commission d’enquête sur l’exil des forces vives de France

Mercredi 4 juin 2014

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 11

Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Guillaume Bordry, président de l’Association des directeurs d’IUT (ADIUT) et directeur de l’IUT Paris Descartes, et M. Stéphane Lauwick, directeur de l’IUT du Havre, membre du bureau de l’Association des directeurs d’IUT

–  Présences en réunion

Présidence
de M. Luc Chatel,

L’audition commence à dix-sept heures vingt.

M. le président Luc Chatel. Messieurs, les départs de centres de décision, les exils fiscaux, mais également l’expatriation de nombreux jeunes français nous interpellent. Nous aimerions savoir si vous constatez un tel phénomène parmi les diplômés des instituts universitaires de technologie – IUT. Je précise que nous distinguons les expatriations liées à des parcours d’études à l’international, nécessaires à la fois pour les jeunes et pour le rayonnement de la France, et les départs subis qui peuvent être liés à la conjoncture économique, aux difficultés sur le marché du travail ou encore à des considérations fiscales ou sociales.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande au préalable de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Guillaume Bordry et M. Stéphane Lauwick prêtent serment.)

M. Guillaume Bordry, président de l’Assemblée des directeurs d’IUT
– ADIUT –, directeur de l’IUT Paris Descartes.
Je vous remercie de bien vouloir nous donner l’occasion d’évoquer un sujet qui nous tient à cœur : l’avenir de nos diplômés. Nous nous intéressons à cette population particulière qui forme les cadres intermédiaires, type de profession vers laquelle s’oriente une proportion importante – entre 40 % et 50 % – de nos diplômés. À titre anecdotique, c’est l’un d’entre eux qui m’a accueilli à mon arrivée à l’Assemblée nationale, preuve que nos diplômés peuvent rester en France – et pas forcément pour faire ce pour quoi ils ont été formés.

Sur ce sujet particulier, nous avons pu regrouper des éléments qui nous permettent de répondre aux questions que vous nous avez soumises.

La première question concernait l’accompagnement d’une ouverture à l’international des étudiants français.

Tout d’abord, dans la quasi-totalité des instituts universitaires de technologie – au nombre de 113 en France répartis sur environ 200 sites –, un service des relations internationales incite et accompagne les étudiants dans leurs projets de mobilité, qu’il s’agisse de semestres d’études, de poursuites d’études ou de stages en entreprise à l’étranger. Cette mobilité internationale peut concerner jusqu’à 20 % des étudiants d’un IUT, tel celui de Montpellier. En visant un cycle d’études très particulier, la première ou la deuxième année après le baccalauréat, cette mobilité peut être qualifiée de précoce : elle participe d’une intégration à un parcours d’études, plus que d’une mobilité terminale.

S’agissant de l’exode des diplômés, nous suivons les parcours de nos jeunes grâce à une enquête pilotée par le ministère de l’Éducation nationale, qui examine de manière systématique le devenir de nos étudiants trente mois après l’obtention de leur diplôme universitaire de technologie – DUT. Selon cette enquête, 10 % à 20 %, selon les IUT, de nos étudiants partent à l’étranger une fois diplômés, mais essentiellement, là encore, pour des séjours d’études – il ne s’agit pas d’un départ en vue de travailler. Les expatriations pour le travail, quant à elles, représentent 1 % à 2 % de nos diplômés, avec comme principales destinations l’Europe, à la faveur du programme Erasmus en particulier, puis le Canada, l’Australie et l’Amérique latine. En dépit de la crise, ce chiffre demeure stable : entre 2008 et 2011, 98 % de nos étudiants sont toujours présents sur le territoire national trente mois après leur diplôme. Aussi n’avons-nous pas d’éléments précis sur les motivations des jeunes au départ, dont la proportion reste faible.

Il nous est difficile de développer un réseau de diplômés expatriés, en raison de la situation très particulière des IUT par rapport à des établissements délivrant des diplômes de niveau bac + 5 par exemple.

En revanche, le réseau des IUT organise de manière coordonnée l’accueil d’étudiants étrangers. Ainsi, un grand nombre de nos instituts mène une politique d’accueil d’étudiants étrangers, avec les atouts et parfois les difficultés de chacun des territoires où ils se situent. Ils accueillent environ 10 % d’étudiants étrangers originaires, par ordre décroissant, du Maghreb, de la Chine, de l’Union européenne, et du Mexique avec lequel nous sommes liés par des accords très anciens puisque les IUT français ont contribué à l’élaboration du système d’enseignement technologique mexicain.

Selon les quelques enquêtes menées auprès de cette population particulière, les motivations à venir en France sont : la qualité des formations, une image culturelle particulière de la France et l’opportunité de venir travailler après ses études. Nous notons également, grâce au travail mené par le réseau des IUT et au développement de relations avec des pays émergents, une progression régulière de ce chiffre de 10 %. De surcroît, nos instituts ont développé des dispositifs d’accompagnement particuliers, un tutorat spécifique, notamment une formation au français langue étrangère destinée aux étudiants chinois, thaïlandais et vietnamiens, dispensée dans des centres de langue d’une dizaine d’IUT français.

Votre dernière question portait sur le suivi de ces diplômés étrangers et sur la proportion de ceux ayant trouvé un emploi en France. Nous suivons ces diplômés comme les autres ; nous ne sommes donc pas en mesure de les distinguer trente mois après l’obtention de leur diplôme. Par conséquent, nous ne disposons pas de statistiques fiables sur le devenir particulier de cette sous-population.

En conclusion, cette audition nous permet de montrer que nous ne sommes pas véritablement concernés par le volet exil des diplômés. L’intérêt des étudiants des IUT pour l’étranger s’explique par le fait qu’ils y voient un élément de leur parcours, davantage qu’un lieu d’insertion professionnelle ultérieure. En revanche, le réseau des IUT ne cesse d’attirer des étudiants étrangers. Différents projets, pilotés à la fois par le réseau lui-même et les IUT individuellement, sont menés avec des pays émergents, le Maroc pour le développement de l’alternance et de l’apprentissage, l’Algérie pour la création d’instituts universitaires de technologie. Le système de formation technologique des techniciens supérieurs et des cadres intermédiaires reste un atout pour la France. Produit exportable de notre enseignement supérieur, il peut continuer à aider, à informer d’autres systèmes universitaires intéressés par une dimension très appliquée de la pédagogie, et désireux de promouvoir une connexion permanente entre enseignement universitaire et application professionnelle.

M. le président Luc Chatel. Plus le niveau de qualification des jeunes est élevé, moins ils sont touchés par le chômage. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur l’employabilité, la situation des jeunes diplômés d’IUT, de niveau bac + 2, sur le marché du travail ?

Vous avez indiqué ne pas constater d’évolution du chiffre des départs, de l’ordre de 1 % à 2 %. Pouvez-vous nous apporter des précisions en la matière ? Compte tenu des difficultés sur le marché du travail, l’expatriation peut-elle être perçue comme un eldorado ?

M. Guillaume Bordry. En 2008, 2,3 % des étudiants ayant répondu à l’enquête que nous leur avions adressée trente mois après l’obtention de leur diplôme avaient un emploi à l’étranger. Néanmoins, nous ne disposons pas de chiffre pour une proportion importante d’entre eux – 40 % –, puisque 60 % seulement des diplômés ont répondu à cette enquête. Sans doute est-il plus simple pour un étudiant de répondre s’il se trouve toujours sur le territoire national. En 2009, nos anciens étudiants étaient ainsi 1,8 % à travailler à l’étranger ; pour 2010, le chiffre est à peu près similaire. Il s’agit donc d’une proportion relativement faible.

Les IUT proposent des filières tertiaires, liées aux services, et des filières industrielles, sur lesquelles Stéphane Lauwick va vous apporter des précisions.

En cette période de crise, nos étudiants s’orientent davantage vers la poursuite de leurs études, plutôt que vers le marché de l’emploi. Après la réorganisation de l’enseignement supérieur européen en trois ans, ils sont environ 40 % à faire une année d’études supplémentaire après leur diplôme universitaire de technologie, afin d’obtenir une licence professionnelle. L’insertion immédiate après un DUT concerne seulement 15 % à 20 % des diplômés. Aussi la question du marché de l’emploi nécessite-t-elle au préalable d’intégrer cette dimension de poursuite des études.

Nous recevons des demandes régulières d’ouverture dans les universités de filières qui concernent des secteurs pour lesquels la situation de l’emploi est reconnue difficile. Le ministère de l’Enseignement supérieur a la possibilité d’ajourner l’ouverture d’un département dans une filière risquant de conduire les diplômés à une situation de recherche d’emploi infructueuse. Cette possibilité d’ajustement de notre volume de diplômés concerne, en particulier, la filière communication, très prisée des étudiants, mais problématique au regard du marché du travail.

M. Stéphane Lauwick, directeur de l’IUT du Havre, membre du bureau de l’Assemblée des directeurs d’IUT. La situation est à peu près similaire dans les filières industrielles, où les étudiants font le choix de la sécurité. À l’entrée dans l’enseignement supérieur, ils projettent de se qualifier en deux ans, puis une certaine aisance acquise, voire une appétence pour l’acte d’apprentissage les amène à s’adapter à la situation du marché de l’emploi. À cet égard, la notion d’employabilité, que vous utilisez à juste titre, est porteuse de potentialités réelles.

Le taux d’emploi reste élevé dans les filières industrielles. Selon les spécialités, seuls 6 % à 8 % des étudiants n’ont pas trouvé d’emploi trente mois après l’obtention de leur diplôme – taux moindre par rapport à celui de la population ayant un niveau de formation inférieur. Ainsi, dans un contexte de grave crise économique, connu des familles et des diplômés, on assiste à un maintien de l’emploi et des compétences.

M. le président Luc Chatel. En indiquant que 10 % d’étudiants étrangers sont accueillis dans les IUT, vous avez énuméré les critères qualitatifs de l’impatriation. Avez-vous également des critères s’agissant des étudiants qui s’expatrient ? En d’autres termes, connaissez-vous les raisons pour lesquelles ils partent travailler ou étudier à l’étranger ?

M. Guillaume Bordry. Il me semble que la motivation au départ s’explique d’abord par un projet de formation des étudiants à l’étranger, où ils pourront ensuite éventuellement poursuivre leur carrière ou simplement leur vie. Les étudiants en IUT ont la possibilité de s’arrêter à bac + 2 ou de continuer leurs études. On retrouve le même esprit dans cette logique du départ à l’étranger : ils ont la possibilité d’en revenir ou d’y rester. Nous ne disposons pas d’éléments plus précis pour qualifier ces départs.

M. Régis Juanico. Réalisez-vous des études de cohortes, des suivis de longue durée de vos étudiants partis à l’étranger et revenus en France ?

M. Guillaume Bordry. Nous ne disposons que d’une enquête, celle dont je vous ai parlé, qui examine la situation de nos étudiants deux ans et demi après l’obtention de leur diplôme. Entre ces études, nous réalisons des séries chronologiques pour observer les évolutions entre promotions, mais nous ne sommes malheureusement pas en mesure aujourd’hui de suivre plus précisément une promotion sur plusieurs années.

M. le président Luc Chatel. Merci beaucoup, messieurs. Votre contribution sera très utile à l’élaboration de notre rapport.

L’audition se termine à dix-sept heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de France

Réunion du mercredi 4 juin 2014 à 17 h 15

Présents. - M. Luc Chatel, M. Yann Galut, M. Marc Goua, M. Régis Juanico, Mme Monique Rabin

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