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Commission d’enquête sur l’exil des forces vives de France

Mercredi 2 juillet 2014

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 18

Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Louis Eudes, président de Délocalia, société de conseil en investissement immobilier à l’étranger et de relocation de retraités à l’étranger

–  Présences en réunion

Présidence
de M. Luc Chatel,

L’audition débute à seize heures vingt-cinq.

M. le président Luc Chatel. Nous recevons M. Louis Eudes, président de la société Délocalia, plateforme de services en matière d’immobilier résidentiel à l’étranger et de relocation de retraités à l’étranger, c’est ce dernier point qui préoccupe notre commission.

Avant de vous entendre, monsieur, je vous demande, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Louis Eudes prête serment.)

M. Louis Eudes, président de Délocalia. Délocalia propose, depuis 2008, un service intégré d’inspiration britannique. L’idée m’en est venue en Asie, où je travaillais alors et où j’ai eu l’occasion d’observer le phénomène nouveau des Européens qui s’installaient dans la région pour y vivre leur retraite. Tandis que les Scandinaves ou les Britanniques étaient très organisés, bénéficiant d’infrastructures d’accueil adaptées, les Français, soucieux de se tenir éloignés de leurs compatriotes, arrivaient en ordre dispersé, adoptaient une démarche plus individualiste et évitaient de fréquenter leurs compatriotes, Montaigne leur ayant appris qu’on ne voyage pas pour « chercher des Gascons en Sicile ». Cela les exposait toutefois à des risques considérables, notamment lorsqu’il s’agissait d’acquérir un bien immobilier dans des pays où le souvenir de la colonisation, toujours vivant, avait dicté, à l’égard des étrangers, des règles strictes pour l’accession à la propriété.

Nous proposons des services globalisés pour l’installation de retraités dans quinze pays, de l’Asie du Sud-Est aux Caraïbes, en passant par l’île Maurice ou l’Afrique du Nord et la péninsule ibérique. Ces pays se livrent une concurrence sur ce marché, dont chacun a bien compris l’intérêt et dont le cœur se situe à Londres, où sont basés les services financiers, la promotion immobilière internationale et le marketing. En 2007, avant la crise, le stock d’immobilier détenu par les Britanniques à l’étranger s’élevait à 80 milliards d’euros. Le dispositif est plus ouvert et plus organisé au Royaume-Uni : l’investissement résidentiel à l’étranger y est considéré comme un produit d’épargne. Cela permet à l’État d’avoir une traçabilité et aux ressortissants de diversifier leur épargne. Le choix, qu’a fait Délocalia de s’installer en France pour être au plus près de ses clients et de leurs préoccupations, représente un défi quotidien.

La question de l’épargne et du pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations de ceux qui décident d’aller vivre leur retraite au soleil, mais ils ne négligent pas non plus d’autres données relatives à l’autonomie, au « bien vieillir », à la qualité de vie.

Cette réalité est difficile à appréhender. La Maison des Français de l’étranger estime à 200 000 le nombre de Français de plus de 65 ans résidant à l’étranger. La Caisse nationale d’assurance vieillesse – CNAV – sert plus de un million de pensions de retraite à l’étranger, parmi lesquelles il convient de distinguer celles versées à des binationaux ou à des travailleurs immigrés qui, eux aussi, sont sensibles au coût de la vie et au bien vieillir. La réalité est donc protéiforme. L’exil au soleil ne concerne pas que des retraités à la recherche d’une solution d’évasion fiscale.

Depuis 2008, la crise a accentué le phénomène. Les retraités français ont pris conscience, après une phase d’attentisme, que rien ne serait plus comme avant. Nous avons vu arriver une clientèle avide d’informations, cherchant d’abord à se convaincre que la bonne décision était de rester en France. Mais l’idée du départ a fait son chemin. Depuis un an, le nombre de passages à l’acte augmente.

Les instituts de sondage – dont les études doivent être lues avec précaution, car elles sont commandées par les promoteurs immobiliers – font état d’une hausse des intentions d’achat de résidence à l’étranger, de 5 % en 2008 à 20 % en 2011. Si l’on additionne les personnes souhaitant acheter à l’étranger et celles désireuses de s’y établir, il n’est pas déraisonnable d’estimer que près de la moitié des Français de plus de 55 ans y songent. Cela n’implique pas un passage à l’acte, car cela suppose de surmonter un obstacle psychologique : il faut accepter de rompre les liens qu’on a noués tout au long de sa vie. Toutefois, si, par le passé, les Français ont toujours rechigné à quitter leur pays, les familles s’internationalisent aujourd’hui : les enfants vivant à l’étranger offrent un repère rassurant pour les parents retraités qui sont alors plus prompts à sauter le pas.

Selon la Caisse des Français de l’étranger, le phénomène reste marginal : il concerne quelques milliers de personnes par an depuis trois ou quatre ans. Parmi les personnes de plus en plus nombreuses venant prendre conseil auprès de nous, nous estimons qu’une sur dix part effectivement.

Nous faisons intervenir des juristes, des fiscalistes et des assureurs. La question de la couverture santé est très importante pour les retraités, y compris lors du retour – on finit toujours par rentrer au pays, l’exemple anglais le montre.

Pourquoi s’en aller ? Pour les Français, quitter un si beau pays, où de nombreux étrangers rêvent d’avoir un pied-à-terre, ne peut être qu’un déchirement. Le climat est au cœur des préoccupations des Britanniques et des Scandinaves – en raison du déficit d’ensoleillement, on compte, chez ces derniers, un nombre de dépressifs supérieur à la moyenne européenne. Mais la recherche du bon investissement n’est pas étrangère à leur démarche. En Grande-Bretagne, l’immobilier est un produit financier ; l’éducation du marché est très forte et très en avance sur ce que nous connaissons. En France, la crise des finances publiques fait peser une menace sur l’épargne. De ce point de vue, la France se distingue et retrouve son rôle de « pays du mitan », cher à Cioran.

Les candidats à la retraite au soleil cherchent également à assurer leur « bien vieillir » : ils ont la hantise de voir le pays qui leur a tout donné tout leur reprendre, une peur de la spoliation, voire, pour les moins privilégiés, de la misère, et c’est ce qui les pousse à rechercher des destinations qui apparaissent comme des eldorados.

Autre singularité française, les personnes âgées ont le sentiment d’être déconsidérées et stigmatisées. À cet égard, M. Louis Chauvel, dans son enquête sur les classes moyennes, parle de « dyssocialisation des générations » pour désigner la résurgence du conflit de générations, nourri par des besoins économiques antagonistes. Pour M. Patrick Lemattre, professeur à HEC, la génération, née dans les années 1940, qui a été très gâtée, redoute de l’être moins dans la dernière partie de sa vie.

Le Maroc a été le premier pays à se positionner sur le marché en raison de la proximité géographique et culturelle. La francophonie est un critère important. Ensuite sont arrivés la Tunisie, l’île Maurice, la Thaïlande qui propose des soins hospitaliers et des infrastructures peu chères, le Sénégal, dont l’offre fiscale est calquée sur celle du Maroc, et, plus récemment, l’Espagne et le Portugal, à la faveur de leur crise des finances publiques. Dans ce dernier pays, le régime des impatriés exonère les pensions de retraite des ressortissants étrangers. Le marché est donc désormais mondial.

Les Français sont submergés par les informations et les propositions. Ils viennent nous consulter après avoir fait un premier tri pour analyser le matériau recueilli. En tout état de cause, la décision est fondée sur les affinités culturelles, la couverture santé et la préservation du patrimoine.

M. le président. Votre décision d’installer votre entreprise en France représente, dites-vous, un « défi quotidien ». Pouvez-vous développer cette affirmation ?

Quelles prestations de service offrez-vous à vos clients ? Quelles cibles visez-vous : tous les retraités ou un certain niveau de revenu et de patrimoine ? En effet, le pouvoir d’achat préoccupe aussi bien les bénéficiaires de petites pensions que les détenteurs de patrimoine important.

Êtes-vous en mesure d’évaluer l’évasion d’épargne et de patrimoine qui résulte de cet exil ? Ce sont autant de capitaux qui ne sont pas investis dans l’économie française.

Les retraités français ont-ils un profil différent des retraités des autres pays européens ? Le constat d’une accentuation de la tendance à l’exil est-il valable dans toute l’Europe ?

M. Louis Eudes. Ce qui constitue un défi, en France, ce n’est pas de créer une entreprise, c’est de la faire vivre. Le temps englouti par les tâches administratives n’est pas consacré aux clients. Dans les dix-huit premiers mois de Délocalia, il m’a fallu remplir soixante-cinq formulaires différents ! La plupart du temps, on y redemande les mêmes informations. En outre, on exige toujours de vous que vous entriez dans une case. Or notre métier fait nécessairement appel à plusieurs domaines de compétence. Difficile, dans ces conditions, de renvoyer l’image que nous souhaiterions au marché…

Nous proposons aux clients une « approche solution » afin de réussir leur retraite au soleil. Notre service consiste à réduire les risques liés à l’installation dans un pays étranger, qu’il s’agisse d’immobilier ou de couverture santé. Or, en France, le raisonnement par métier ne correspond pas à cette approche que les Anglais savent si bien mettre en œuvre alors même que les clients attendent précisément des solutions.

M. le président. Comment êtes-vous rémunérés ?

M. Louis Eudes. Nous sommes payés par le client, à rebours de la pratique habituelle dans laquelle les remisiers sont rémunérés par ceux qui fabriquent les produits d’investissement. Je considère que ce système est malsain, car le conseil est nécessairement biaisé. Ce type de conflit d’intérêts est durement sanctionné par la loi américaine. Mais tous les clients ne sont pas réceptifs à cet argument. Il nous faut surmonter la culture de la gratuité, liée au service public, qui est très forte dans notre pays. Les Français ne sont pas habitués à payer un service ni à considérer le prestataire comme un partenaire susceptible de lui venir en aide en cas de difficultés. La rémunération porte sur le conseil en amont ainsi que sur l’achat immobilier. Nous faisons preuve d’une transparence totale, mais n’échappons pas aux clients indélicats qui exploitent gracieusement les informations que nous leur fournissons.

Toutes les couches de la population sont concernées par le phénomène d’installation à l’étranger. De nombreuses personnes s’installent avec peu de moyens et trouvent des petits boulots sur place. Mais certains pays commencent à faire de l’écrémage : la Thaïlande impose un dépôt bancaire pour toute demande de visa de retraité. Les pays cherchent à attirer les personnes dont le pouvoir d’achat est susceptible de développer la consommation locale.

Notre clientèle est celle qui peut payer notre service. Aujourd’hui, elle est essentiellement composée de personnes dont le patrimoine oscille entre 3 et 15 millions d’euros – les grandes fortunes n’ont pas besoin de nos services, elles sont déjà organisées autrement.

M. le président. Les personnes possédant un tel patrimoine sont préoccupées par le maintien de leur niveau de vie pendant leur retraite ?

M. Louis Eudes. Elles s’inquiètent de la pérennité de leurs placements dont elles constatent que la rentabilité actuelle avoisine zéro. Leur grande préoccupation, depuis cinq ans, c’est la préservation et la transmission de leur patrimoine.

Je ne dispose pas d’évaluation en ce qui concerne l’épargne. Je sais néanmoins que les gens partent en laissant la plus grande part de leur épargne en France. Les comportements sont quelque peu schizophrènes, d’autant que la législation est ambiguë.

Les actifs financiers des non-résidents sont exonérés d’impôt de solidarité sur la fortune – ISF. Cette mesure favorise le maintien de l’épargne en France. Mais, dès lors que l’épargne est en France, le centre des intérêts économiques – qui, selon l’article 4B du code général des impôts, détermine le lieu de résidence fiscale – l’est aussi. Dans ce cas, l’administration fiscale pourrait remettre en cause le statut de résident fiscal à l’étranger. Ceux qui ont fait ce choix vivent donc avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ils savent qu’ils peuvent être rattrapés par le fisc.

M. le président. Qu’en est-il de la comparaison internationale ? La France, qui, historiquement, était attractive pour les retraités étrangers, l’est-elle toujours ? Conseillez-vous également ces personnes ?

M. Louis Eudes. Le phénomène de la retraite en dehors de son pays a démarré dans les pays du Nord, chez les Scandinaves, les Hollandais et les Britanniques, car le climat est inhospitalier et l’immobilier cher. L’expatriation des Britanniques a néanmoins ralenti lorsque la livre a perdu du terrain par rapport à l’euro. Mais les Britanniques reviennent un peu en France. Le marché est régulé par les disparités de pouvoir d’achat.

Les Américains pratiquent depuis longtemps la retraite dans les pays d’Amérique centrale dans lesquels tout est très bien organisé : visas pour retraités, infrastructures d’accueil.

Parce qu’elle est le dernier pays arrivé sur le marché, la France tâtonne. On a commencé à nier le phénomène qui, en raison de l’attachement viscéral des Français à leur pays et du fait que les autorités voient la population comme source de richesse, n’est pas très bien considéré. Nous avons peut-être perdu la bataille de la mondialisation au XVIIIe siècle, faute de diaspora. Aujourd’hui, cette diaspora existe, elle est une chance. L’expérience acquise par les expatriés est utile à la compréhension du monde par notre pays. Dans les années 1990, alors que les autres pays parlaient de mondialisation, la France vantait l’exception culturelle. Cet autisme a fait beaucoup de mal à la génération des quadras. Les plus jeunes ont compris qu’il fallait aller ailleurs.

M. Charles de Courson. Vous avez évoqué l’attractivité fiscale. Je crois savoir que certains États mettent en place des dispositifs dérogatoires au droit commun pour les étrangers. Ainsi, il semble que le Maroc n’impose les revenus qu’à hauteur de 30 %. Est-il d’autres exemples d’imposition sur le revenu dérogeant au droit national ?

Quels accords de sécurité sociale règlent le cas des résidents français dans ces pays ?

M. Louis Eudes. Avant la question fiscale, les clients doivent évaluer leurs affinités culturelles avec un pays. C’est un projet de vie : ils savent souvent vers quel pays ils ont envie d’aller. Les raisons fiscales ne suffisent pas pour donner envie de s’installer au Luxembourg !

Tous les pays anciennement colonisés par la France ont signé avec elle une convention fiscale qui leur confère le droit de taxer selon un régime dérogatoire. La base imposable est largement exonérée. Le plus souvent, les résidents étrangers bénéficient d’un abattement de 80 %. Il faut cependant nuancer les avantages de ces systèmes d’imposition dont la progressivité est très importante et les taux identiques, voire un peu plus élevés, qu’en France. Entre 4 000 et 5 000 euros de revenu, le taux d’imposition est en moyenne de 5 à 8 %. Pour les revenus modestes, il est préférable d’être résident fiscal en France, où ils ne sont pas imposés.

Il faut également prendre en compte le contrôle des changes. Pour bénéficier du régime dérogatoire, il faut remettre dans le pays le produit de sa pension de retraite. Il importe d’étudier l’opportunité de convertir sa pension en devise étrangère face aux risques de dévaluation. En Tunisie, la monnaie a été dévaluée de 30 % avec la crise. En 1997, la Thaïlande a fermé ses frontières, il était impossible d’exporter des devises.

M. Charles de Courson. Certaines personnes transfèrent uniquement la partie de la pension nécessaire à la vie sur place.

M. Louis Eudes. Certains prennent en effet quelques libertés avec la loi. Mais, au Maroc, l’État peut taxer au régime de droit commun la partie de l’épargne qui n’est pas déposée au Maroc. Pour bénéficier du régime dérogatoire, vous devez fournir un extrait de votre caisse de retraite. L’État a donc connaissance des montants que vous percevez.

M. Charles de Courson. Il suffit de donner une seule pension sur les deux ou trois qui composent la retraite des Français.

M. Louis Eudes. Cela dépend de l’État d’accueil. En Espagne, les autorités sont averties de l’existence d’une retraite complémentaire. Il suffit qu’elles présentent une demande d’information aux autorités françaises pour obtenir le montant de la retraite complémentaire. Le redressement peut, dans ce cas, remonter au-delà des trois années qui sont la règle en France.

J’estime en outre qu’il doit y avoir une éthique de la retraite au soleil, par respect pour son pays d’origine et pour le pays d’accueil. L’échange automatique de renseignements accentue la pression en faveur de la transparence et modifie les comportements. En Israël, l’ouverture d’un compte donne désormais lieu à une déclaration automatique au fisc français. L’installation dans un pays a pour conséquence mécanique d’augmenter les prix pour la population locale. Or tous les habitants ne sont pas en mesure de profiter de la manne que constituent les retraités étrangers.

M. Charles de Courson. Est-il exact que les régimes dérogatoires ne sont pas prévus par les conventions fiscales ?

M. Louis Eudes. Ils ne figurent pas comme tels. Les conventions attribuent au pays de résidence le droit de taxer les pensions de retraite, laissant ainsi la possibilité à celui-ci d’appliquer un régime dérogatoire. Ce point est débattu par les fiscalistes. Mais, à ma connaissance, ces questions ne sont pas encore tranchées.

M. Charles de Courson. La notion d’intérêts économiques, qui détermine la résidence fiscale, suscite des controverses. Y a-t-il une jurisprudence ?

M. Louis Eudes. Le code général des impôts est très clair. Lorsqu’on est résident à l’étranger, sont soumis à l’ISF les biens immobiliers situés en France et les participations dans des sociétés dont on détient plus de 25 %. Le reste est exonéré, y compris les placements financiers. Cette règle a une dimension vertueuse, puisqu’elle permet de conserver l’épargne en France. Mais la définition du centre des intérêts économiques reste une épée de Damoclès pour les retraités ayant le statut de non-résident français.

Mme Claudine Schmid. Vous dites que vos clients s’inquiètent de la diminution de leur patrimoine, mais, dans le même temps, ils laissent leur épargne en France. N’y a-t-il pas là une contradiction ? Une personne va-t-elle vraiment s’installer à l’étranger pour des raisons fiscales alors que son patrimoine demeure en France ?

M. Louis Eudes. C’est une question qui relève surtout de la psychologie. Un client nous a dit : « Mon pays ne m’intéresse plus. » Le désamour vis-à-vis d’un pays avec lequel les candidats au départ entretiennent un rapport passionnel explique l’envie de s’en aller, mais il reste toujours quelque chose de l’amour… Les sentiments à l’égard de la France sont ambivalents.

Mme Monique Rabin. Votre société s’intéresse-t-elle à l’accueil des retraités immigrant en France ?

M. Louis Eudes. Ce type d’immigration a commencé en France après les accords de Fontainebleau en 1984 – les Britanniques ont découvert les opportunités dans le domaine immobilier. Elle a connu une période de reflux, mais elle reprend maintenant. Ces immigrés créent de l’activité, dans le domaine du tourisme ou des services, en apportant un savoir-faire commercial qui n’est pas dans notre culture.

Mme Monique Rabin. Leurs motivations sont-elles similaires à celles de la clientèle française ?

M. Louis Eudes. Oui, le pouvoir d’achat et la qualité de vie sont des déterminants incontestables. Néanmoins, chacun analyse différemment les entraves en la matière selon sa culture et les défauts de son pays d’origine. Mais, surtout, le monde est plus ouvert, les gens bougent, pensant qu’ailleurs, l’herbe est plus verte. Ce comportement est profondément ancré dans la nature humaine.

Mme Claudine Schmid. Les personnes désireuses de partir ont-elles déjà eu une expérience à l’étranger ? Autrement dit, l’expatriation entraîne-t-elle l’expatriation ?

M. Louis Eudes. C’est incontestable. Lorsque la barrière psychologique a été franchie une fois, elle peut l’être de nouveau plus facilement. Il est intéressant de noter que, en français, le terme d’« étranger » renvoie à « étrange », tandis que, en anglais, foreign signifie l’extérieur. Le lexique français manque de richesse pour aborder ces questions. Comment traduire, par exemple, overseas property ? Cela reflète un rapport au monde différent, une peur de l’étranger dans le cas de la France.

Quand la barrière est franchie, on s’aperçoit que le monde extérieur n’est pas si étrange et qu’être français vous y donne même quelques atouts pour réussir. Les entreprises étrangères sont ravies d’accueillir de jeunes Français. Les formations dispensées sont à la hauteur des défis de l’économie mondialisée.

M. le président. Monsieur Eudes, nous vous remercions.

L’audition se termine à dix-sept heures vingt-cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de France

Réunion du mercredi 2 juillet 2014 à 16 h 15

Présents. - M. Luc Chatel, M. Sergio Coronado, M. Charles de Courson, M. Yann Galut, M. Régis Juanico, M. Jean-François Mancel, Mme Monique Rabin, Mme Claudine Schmid

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Étienne Blanc, M. Marc Goua

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