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Commission d’enquête relative aux causes du projet de fermeture de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu’on peut tirer de ce cas

Mercredi 11 septembre 2013

Séance de 16 h 30

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Alain Gest Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Virgilio Mota Da Silva, délégué du syndicat SUD de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord.

L’audition commence à seize heures trente-cinq.

M. le président Alain Gest. Nous continuons l’audition des représentants des syndicats de l’entreprise Goodyear. Après la CGT hier, nous entendrons aujourd’hui M. Virgilio Mota da Silva, délégué du syndicat SUD de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord.

Cette audition est ouverte à la presse mais, à la différence de la précédente, elle n’est pas retransmise sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale, la pièce où nous nous tenons n’étant pas équipée pour cela.

Un compte rendu de nos débats sera établi dans les jours qui suivent notre réunion. Il vous sera soumis, monsieur Mota Da Silva, pour que vous puissiez vous assurer qu’il correspond exactement aux propos que vous aurez tenus, avant d’être publié sur le site Internet de l’Assemblée nationale.

Conformément à nos habitudes de travail, je vous donnerai d’abord la parole pour un exposé introductif. Notre rapporteure, Mme Pascale Boistard, vous posera ensuite une première série de questions, avant que les autres membres de la commission d’enquête vous interrogent

Le syndicat Sud est, avec le syndicat CFE-CGC, un syndicat minoritaire sur le site de l’usine d’Amiens-Nord. Mme Charrier, de la CFE-CGC, secrétaire du comité central d’entreprise de Goodyear Dunlop Tires France (GDTF), nous a rappelé la semaine dernière la chronologie des événements intervenus depuis 2007 dans les deux usines Goodyear d’Amiens-Nord et d’Amiens-Sud. Selon ses dires, la CGT portait une large part de responsabilité dans la situation actuelle – je rappelle que la direction de Goodyear a décidé, le 11 janvier dernier, de fermer l’usine d’Amiens-Nord, ce qui entraînerait près de 1 200 licenciements. Hier, les représentants de la CGT ont rejeté cette accusation en portant la responsabilité sur la direction de l’entreprise.

L’audition d’aujourd’hui vous permettra, monsieur, de nous exposer votre analyse des faits. Nous voudrions en particulier savoir pourquoi les situations respectives des usines d’Amiens-Nord et Sud ont divergé aussi radicalement. Quel est le rôle des syndicats, et en particulier celui d’un syndicat minoritaire, dans le dialogue social au sein de l’entreprise, dialogue semble-t-il difficile dont Mme Charrier nous a dit qu’il était marqué par des violences verbales et parfois physiques ? Quelle est votre appréciation de la situation actuelle et de son évolution ?

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Virgilio Mota Da Silva prête serment.)

M. Virgilio Mota Da Silva, délégué du syndicat SUD de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord. Je ne trouve pas tout à fait normal que cette audition ne bénéficie pas des mêmes conditions de diffusion que les précédentes. Cette différence de traitement n’est pas sans importance au regard de la situation que nous vivons.

M. le président Alain Gest. Je comprends très bien votre sentiment, et nous sommes les premiers à déplorer cet état de fait, dû au manque de disponibilité des salles équipées. Je peux cependant vous rassurer : les journalistes ici présents assureront la diffusion de ce qui sera dit ici.

M. Virgilio Mota Da Silva. Je n’en doute pas : je voulais simplement pointer cette différence de traitement.

Dès 1995, la direction de l’usine Goodyear d’Amiens avait tenté d’imposer le travail en continu, sept jours sur sept avec une organisation de travail en 5 x 8, provoquant une grève très dure d’une douzaine de jours. Cet épisode extrêmement difficile a marqué les esprits, et en vérité le climat social ne s’est jamais véritablement apaisé depuis.

Je m’appelle Virgilio Mota Da Silva. J’ai deux enfants et je suis employé chez Goodyear comme constructeur changeur régleur depuis janvier 1988. Comme de nombreux camarades, je n’ai bénéficié d’aucune promotion, n’ayant jamais été évalué. Sans doute mes fonctions syndicales ne sont-elles pas étrangères à cet état de fait. Je ne l’ai cependant pas vécu comme une discrimination, la plupart de mes collègues étant dans le même cas. C’est la raison pour laquelle je n’accepterai d’être dédommagé de ce manquement à ce qui est une obligation légale qu’à la condition que mes collègues le soient aussi.

En tant qu’élu du syndicat SUD sur le site Goodyear d’Amiens-Nord, j’espère pouvoir vous apporter un éclairage différent et complémentaire de ce qu’ont pu vous apprendre les auditions précédentes. Le point de vue que je vais vous exposer est celui de tous les élus du syndicat SUD Chimie d’Amiens, qu’ils représentent les salariés de Goodyear ou ceux de Dunlop. En effet, si ces deux sites ont une histoire différente, les intérêts des salariés sont les mêmes.

Notre histoire commune débute en 1999 par un joint venture entre les sociétés Goodyear et Dunlop, jusqu’ici concurrentes, accord de coopération qui débouchera sur la fusion acquisition que vous connaissez. Le but de cette opération était d’améliorer la compétitivité de ces entreprises, à travers la mise en place de « synergies » susceptibles d’accroître la rentabilité du groupe, le mot signifiant en réalité réduction de personnel via la fusion de plusieurs activités. La stratégie a été dès lors d’exercer une pression drastique sur les établissements, tenus de « mériter » les investissements autres que ceux nécessaires au simple maintien de l’outil de travail. Nous avons en effet constaté sur nos deux établissements un déclin significatif des investissements lourds et innovants. Ce déclin était particulièrement sensible chez Dunlop : avant d’être racheté par Goodyear, il appartenait au groupe japonais Sumitomo, dont la culture industrielle est très éloignée des stratégies de court terme de l’Américain.

Aujourd’hui, la direction tente de faire endosser les résultats de cette stratégie aux ouvriers, alors qu’ils en sont les premières victimes et qu’ils ont fait le maximum pour maintenir l’activité de deux sites jusqu’alors rentables. Ce jeu de dupes, nous l’avons payé de notre santé : ce sont des travailleurs postés et payés à la tâche, travaillant dans des conditions très difficiles, qui ont permis de faire tourner les deux usines à plein régime et de dégager des bénéfices. Sur le site de Goodyear, la rémunération à la tâche représentait 30 à 35 % de la rémunération, et je crois que c’est encore le cas sur le site de Dunlop.

Force est de constater cependant que les efforts des ouvriers d’Amiens n’ont pas empêché la direction européenne de privilégier largement le développement du groupe dans les pays de l’Est. Celle-ci a ainsi fait le choix de développer son site de Dębica, ex Stomil, en Pologne, l’usine Sava en Slovénie ou encore les sites de production que le groupe possède en Chine, alors que l’innovation de nos usines était le cadet de ses soucis.

Il est certes légitime que le groupe Goodyear cherche à conquérir les marchés de ces pays en pleine expansion, mais cela n’aurait pas dû se faire au détriment de nos usines, dans lesquelles tout ou partie des bénéfices tirés de la sueur des travailleurs amiénois aurait dû être réinvesti. Les syndicats n’ont eu de cesse de dénoncer ce défaut d’investissements, qui atteignait des proportions alarmantes. La même stratégie a été appliquée dans d’autres pays : en Grèce, au Royaume Uni, en Italie, des usines ont été purement et simplement fermées sous le prétexte d’un manque de compétitivité qui avait en réalité été créé de toutes pièces !

En 2007, une fois les équipements devenus obsolètes en raison de ce défaut structurel d’investissement, la direction passe ouvertement à l’offensive : après avoir assuré pendant des années que son taux d’investissement était suffisant, elle argue d’un état des choses qui est le résultat direct d’une stratégie depuis longtemps dénoncée par les syndicats pour entamer le bras de fer et dégrader encore plus les conditions de travail en échange de maigres investissements. Elle fait miroiter un investissement de 26 millions d’euros sur chaque site, à la condition que les ouvriers acceptent une nouvelle organisation de travail en 4 x 8 très contraignante. De toute façon ce niveau d’investissement ne suffira pas, aux dires des experts, pour remettre les équipements à niveau. À titre d’exemple, il est sans commune mesure avec les 500 millions de dollars qui ont été injectés dans l’usine de Dębica pour la seule année 2007. Si le déclin de nos usines s’est accentué en 2007, il n’a pas commencé à cette date ; il résulte d’une stratégie voulue et réfléchie bien en amont.

Bien décidée à continuer à « presser le citron », la direction nous a menacés, lors de la réunion du comité central d’entreprise (CCE) du 24 janvier 2008, d’un plan de sauvegarde de l’emploi prévoyant 402 licenciements sur le site de Goodyear et 178 sur le site de Dunlop. Voici les propos de M. Rousseau : « Nous sommes dans une situation complexe où nous n’avons plus le choix : soit nous nous mettons d’accord sur le projet présenté au mois d’avril, basé sur une organisation en 4 x 8, soit nous exécutons le nouveau plan. » Qu’est-ce d’autre qu’un chantage ?

Le syndicat SUD Chimie a dénoncé vigoureusement ce chantage inadmissible tant en interne que dans les médias. Le climat social s’est peu à peu envenimé et les tensions sont devenues très vives. Faisant fi de nos nombreuses contre-propositions, la direction a volontairement plombé ce qui aurait pu être une négociation loyale, en plaçant la barre bien trop haut. Son seul objectif était de faire tourner l’usine en 4 x 8, 350 jours par an, et elle ne nous a laissé aucune marge de manœuvre. Il s’agissait d’un simulacre de négociations, la direction n’ayant pas changé une virgule à son projet initial. Je tiens à votre disposition le rapport de l’expert du cabinet Ecodia, qui confirme que le projet d’organisation en 4 x 8 sur 350 jours n’était pas négociable.

La direction a réussi son coup de force puisqu’elle est parvenue à faire signer l’accord par le syndicat CGC chez Goodyear et par la CGT et la CGC chez Dunlop. En revanche, les sections SUD Chimie des deux sites se sont opposées à la signature de cet accord, en faisant valoir ses nombreux inconvénients.

Si l’accord n’a pas pu être mis en œuvre chez Goodyear, les syndicats de Dunlop l’ont avalisé alors qu’il avait été rejeté par 75 % de ceux qui étaient directement concernés par la nouvelle organisation en 4 x 8 et qui ont vécu ce choix syndical comme une véritable trahison.

À ce propos, je conteste l’affirmation de Mme Charrier, selon laquelle le passage en 4 x 8 avait été approuvé par une majorité des salariés. Il est vrai qu’on fait dire ce qu’on veut aux chiffres.

M. le président Alain Gest. Pouvez-vous être plus précis sur ce point ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Pour nous, seuls les salariés concernés par cette nouvelle organisation du travail devaient être consultés, mais nous étions prêts à accepter le principe de deux consultations : l’une de l’ensemble du personnel et l’autre des seuls concernés. La direction a refusé un tel compromis pour ne prendre en compte que le vote de l’ensemble du personnel. C’est ce qui explique la différence des résultats. S’il est vrai que 73 % du personnel ont approuvé l’accord, celui-ci a été rejeté par 75 % des personnels concernés.

Mme Pascale Boistard, rapporteure. Parlez-vous du premier ou du deuxième vote ?

M. Virgilio Mota Da Silva. J’ai le souvenir qu’il n’y a eu qu’une consultation chez Dunlop. S’agissant de Goodyear, je parle du deuxième vote.

Mme la rapporteure. Quel était le résultat du premier vote ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Il me semble qu’il n’a pas pu être mené à bien. En tout état de cause, les résultats étaient similaires dans les deux usines.

SUD Chimie a alors engagé une guerre visant à prouver au juge que l’accord signé et mis en place dans l’usine Dunlop était illégal. Le 2 septembre 2009, le tribunal de grande instance d’Amiens confirme l’illégalité de cet accord. La direction de Dunlop adopte alors une autre stratégie : l’usine Dunlop est mise en location-gérance et sortie du périmètre de la société Goodyear Dunlop Tires France, ce qui lui permet de renégocier tous les accords d’entreprise. Tenant compte de ce qui avait conduit à l’invalidation de l’accord précédent, le nouvel accord obtint l’aval du juge.

Depuis, en dépit de quelques aménagements, l’organisation du travail reste très problématique chez Dunlop, contrairement à ce qu’affiche la communication du groupe. Nos collègues ont déjà chômé treize jours, alors que le but affiché était de faire fonctionner l’appareil de production pendant un plus grand nombre de jours. La production n’est pas au niveau fixé dans l’accord : seulement 10 000 pneus sont produits par jour au lieu des 18 000 prévus, soit près de la moitié. Tous les mois, la direction locale fait état devant le comité d’entreprise de performances médiocres, d’un taux élevé de déchets, et d’un nombre excessif de congés maladies et d’accidents du travail. Je ne vois pas en quoi l’organisation en 4 x 8 a amélioré la compétitivité du site. Je crains qu’il n’ait en rien pérennisé l’usine de Dunlop : je ne serais pas étonné qu’un jour ou l’autre la direction argue de l’état de sous capacité de ce site pour décider sa fermeture. En tout état de cause, compte tenu des efforts immenses consentis par les travailleurs de cette usine, il vous revient de tout mettre en œuvre pour leur éviter le sort des salariés de Continental. Le syndicat SUD Chimie s’y emploie tous les jours, et tout ce que vous savez aujourd’hui doit vous permettre d’agir en amont pour empêcher la fermeture de cet établissement.

Chez Goodyear, les syndicats ayant respecté l’opposition déterminée des salariés au projet d’organisation du travail en 4 X 8, l’histoire a été différente. La direction s’est acharnée à mettre à mal cette usine par trois plans successifs de sauvegarde de l’emploi d’une ampleur croissante, tous combattus par SUD Chimie sur le terrain social. Si la direction a renoncé au premier PSE, qui prévoyait la suppression de 402 emplois, bien que la justice l’ait finalement validé, ce ne fut que pour doubler la mise, en proposant un nouveau PSE de 817 licenciements, soit la totalité de l’activité tourisme ! Goodyear ayant annoncé dans le même temps la cession de la production de pneus agraires à un repreneur, le juge, saisi de ce nouveau plan social par le syndicat majoritaire, a demandé un complément d’information sur le devenir de l’activité agricole, au nom du droit à l’information des salariés. Cette jonction des deux projets mettait à mal la stratégie de la direction.

Un seul repreneur acceptant de poursuivre l’activité agricole, sauvant la moitié des emplois, le syndicat SUD Chimie s’est attaché envers et contre tous, notamment contre le syndicat majoritaire, à élaborer un plan global pour les deux sites, visant à sauver 1 100 emplois chez Dunlop et 600 chez Goodyear. Ce plan que nous avons affiné au fil du temps, était un moindre mal en comparaison de la fermeture totale, dont le risque n’était pas négligeable. Le maintien de la production de pneus agricoles constituait un atout de taille pour imposer un projet global, puisque la direction souhaitait poursuivre cette activité d’une manière ou d’une autre : elle s’était même engagée par écrit à maintenir cette activité si Titan venait à faire défaut.

Il est vrai que ce projet global prévoyait 270 départs seniors et 124 départs volontaires, mais il avait l’avantage d’insuffler un élan salutaire au fonctionnement du site de Dunlop, plombé chaque jour un peu plus par l’organisation en 4 X 8.

Telle est la solution que nous défendions dès 2011. Bien que notre projet ait été ardemment combattu par le syndicat majoritaire, qui nous accusait de favoriser le déclin du site, l’idée faisait cependant son chemin et la direction commençait à évoquer la possibilité de trouver un accord sur certains points. La négociation aurait dû nous permettre d’avancer sur les autres. Malheureusement, la direction a décidé de mener des discussions informelles avec le syndicat majoritaire et lui seul, dans une opacité totale.

Quelle ne fut pas notre surprise lorsqu’en juin 2012, la CGT annonçait avoir emporté une « victoire totale », selon ses propres termes : la direction abandonnait son projet de PSE au profit d’un plan de départs volontaires (PDV). Il s’agissait là d’un changement complet de stratégie de la part du syndicat majoritaire puisque cette solution ressemblait fort à celle qu’il avait tant décriée. On annonça même des indemnités de départ dont les montants étaient proches de ce que nous revendiquions. Le conflit semblait enfin se dénouer, et nous attendions avec impatience de connaître les détails de l’accord.

Mais voilà qu’en septembre 2012 le syndicat majoritaire découvre que Titan ne souhaite pas pérenniser les emplois agricoles au-delà de deux ans. On s’étonne qu’une garantie aussi importante que celle du maintien de l’emploi agricole durant cinq ans n’ait pas été négociée dès le début de l’année 2012, avant la campagne présidentielle. Les syndicats auraient alors pu monter ce point en épingle afin d’inciter les candidats à exiger de Titan qu’il satisfasse une revendication que nous jugions incontournable dès 2011. On se demande quel était le but poursuivi par ceux qui annonçaient une victoire totale en juin, alors qu’une revendication aussi essentielle n’était pas satisfaite.

Nous accusons la direction de Goodyear de nous avoir menés en bateau. Une négociation ainsi conduite, à l’exclusion de tous les autres syndicats, via des rencontres informelles dans des hôtels, hors de tout cadre légal, ne pouvait pas être loyale, étant donné l’importance des enjeux.

Le 27 septembre 2012, la direction annonce la fin de cette négociation, et manifeste, semble-t-il, la volonté d’une fermeture totale du site d’Amiens Nord, ce qui entraînerait 1 173 départs contraints et la fin des activités tourisme et agraire. Ce choix est le pire qui pouvait nous être annoncé, même si nous n’avons jamais sous-estimé ce danger.

Aujourd’hui, la donne a changé : la direction a largement désorganisé les ateliers, mis en sous-capacité l’outil de travail et enterré l’accord que nous avions défendu. Il y a une énorme différence entre nos propositions et la mise à la rue sans contrepartie digne de ce nom de tous ces salariés qu’on a menés au bord du précipice ! À ceux qui prétendent que le refus du PDV était une preuve de courage, je réponds qu’il s’agissait au contraire d’un manque de courage et de transparence. La situation actuelle est diamétralement opposée à celle qui prévalait il y a encore un an et qui aurait dû permettre un accord si les négociations avaient été menées de façon loyale. Rien ne peut justifier un tel échec.

SUD Chimie n’a jamais accepté ni un PSE ni l’absence de pérennisation de l’emploi sur nos deux usines. L’intérêt des travailleurs a été notre seul guide et les pressions de toutes sortes ne nous ont pas détournés de notre rôle. Pour SUD Chimie, seule la vérité est payante, et c’est pourquoi je peux encore me regarder dans une glace.

Nous avons le sentiment que, depuis un an, cette guérilla n’a plus véritablement de sens. Même si elle nous permet de grignoter quelques jours, voire quelques semaines, nous craignons tous qu’elle ne connaisse un épilogue dramatique. Face à la volonté destructrice de la direction, il manque un véritable projet, construit, viable et porté par les salariés. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Ce qui manque actuellement c’est une volonté collective. C’est elle que nous appelons de nos vœux.

Si notre usine délabrée est la lanterne rouge des sites européens du groupe Goodyear Dunlop, selon un classement établi par le groupe lui-même, cela résulte d’une stratégie de mise en danger volontaire de la direction. Et, en dépit de ce qu’affirme la communication de la direction, Dunlop Amiens, qui occupe l’avant-dernière place de ce classement, est vouée à connaître le même sort.

Votre rôle de politique est de restaurer un équilibre entre salariés et direction des entreprises pour que les efforts des travailleurs soient payés de retour, et que ceux-ci ne soient pas victimes de décisions stratégiques visant à asphyxier des établissements rentables afin d’investir ailleurs. Vous devez trouver le moyen d’obliger ces entreprises à investir pour maintenir à niveau leurs équipements, surtout lorsqu’elles font des bénéfices. Les travailleurs amiénois enragent que personne n’ait pu trouver de solution propre à assurer la poursuite des activités de leur usine.

Pour notre part, si nous n’avons pas tout réussi, au moins avons-nous le sentiment de n’avoir jamais caché au personnel les dangers de telle ou telle décision. C’est en toute indépendance que nous avons construit des contre-propositions viables. Nous continuons à croire que notre projet peut encore être mis en œuvre car c’est le seul moyen d’éviter une catastrophe sociale. Comme le disait Einstein, un problème sans solution raisonnable est un problème mal posé. Notre projet permettrait de sauvegarder 600 des 1 173 emplois du site d’Amiens-Nord et de passer de 921 à 1 100 emplois sur le site de Dunlop, grâce à une nouvelle organisation du travail. Les 394 emplois en moins seraient compensés par 270 départs de seniors et 124 départs volontaires : au-delà de ce nombre, d’autres salariés seraient embauchés pour remplacer les salariés qui voudraient bénéficier du PDV. Ce projet est conditionné à une augmentation de charge du site de Dunlop et la garantie par Goodyear de la pérennisation sur cinq ans de 600 emplois agricoles à Amiens-Nord, conformément à son engagement de maintenir l’activité agricole.

Mme la rapporteure. Que pensez-vous de la qualité du dialogue social au sein de ces deux établissements ? Quelles sont les relations entre les organisations syndicales ? Quelle est votre appréciation de la réalité du motif économique invoqué par l’entreprise pour justifier la fermeture du site d’Amiens-Nord ? Considérez-vous la situation actuelle comme le résultat de la volonté du groupe GDTF de délocaliser ces productions ?

Quelles actions avez-vous pu mener pour améliorer la formation et les conditions de travail des salariés ?

M. le président Alain Gest. On a évoqué des violences, des pressions exercées sur les personnels ou sur des représentants de la direction locale, la destruction de locaux syndicaux, etc. Que pouvez-vous nous dire là-dessus ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Je peux vous dire que le dialogue social est compliqué chez Goodyear. Le climat social y est marqué par de fortes tensions, ce qui peut s’expliquer par le fait que la direction nous pousse dans nos retranchements en mettant en péril nos emplois. Les relations entre organisations syndicales sont également tendues, le syndicat majoritaire revendiquant pratiquement l’exclusivité de l’action syndicale. Dès lors, il est compliqué d’assurer les conditions d’un débat démocratique au sein des institutions représentatives du personnel. Ce climat de tension ne m’impressionne guère, même si j’ai déjà été menacé plusieurs fois – mais je ne tiens pas à m’étendre davantage sur des faits qui n’intéressent pas grand monde.

M. le président Alain Gest. Détrompez-vous : ils nous intéressent beaucoup, d’autant plus qu’ils n’avaient jamais été évoqués publiquement avant que la commission d’enquête ne se réunisse.

M. Virgilio Mota Da Silva. J’ai même fait l’objet de menaces de mort, puisque vous voulez tout savoir, mais tout cela est resté verbal et je n’ai pas déposé plainte, ni même déposé de main courante. Cela nourrit cependant un climat délétère et peu propice au dialogue. Je pourrais aussi évoquer les chahuts qui accueillent toute prise de parole qui n’est pas le fait du syndicat majoritaire. Je déplore ce manque de respect mutuel. Je peux comprendre que les esprits soient quelque peu échauffés de part et d’autre. Je comprends moins, en revanche, la revendication d’exclusivité du syndicat majoritaire, d’autant que le site d’Amiens-Nord ne compte plus que deux syndicats. Davantage de respect envers le syndicat minoritaire
– l’opposition en quelque sorte – permettrait, non seulement de débattre dans une plus grande sérénité, mais peut-être de faire émerger d’autres solutions.

La justification par le motif économique relève de la responsabilité de l’employeur. La direction affirme qu’elle arrivera à en prouver le bien-fondé devant les tribunaux : je demande à voir. En tout état de cause, si elle y parvient c’est qu’elle l’aura fabriqué de toutes pièces. Je vous renvoie à l’analyse du dernier PSE par le cabinet SECAFI. Selon ce rapport, notre usine ne tourne qu’à 20 % de ses capacités, ce qui engendre des coûts supplémentaires considérables. Il semble cependant que le site peut encore être rentable, tous ses équipements étant amortis.

En tout cas, la direction a sciemment dégradé la situation du site depuis 2000 et surtout depuis 2007 : jusqu’à cette date au moins, l’activité de l’usine était suffisante pour supporter les coûts fixes et dégager des bénéfices. Je ne saurais me prononcer sur sa rentabilité à compter de cette date. Il est incontestable, en revanche, que la direction a ruiné tout ce qui nourrissait le lien social. Tous les salariés d’Amiens-Nord sont en souffrance depuis cinq ans. Je ne sais pas si vous pouvez mesurer combien la situation est dure à vivre pour eux. Ils n’ont pas demandé à travailler deux ou trois heures par jour, avec une direction qui leur fait comprendre qu’ils ne servent à rien.

En tout état de cause, je ne dispose pas des chiffres qui me permettraient d’évaluer la pertinence du motif économique : la direction prétend qu’il est compliqué de distinguer la part d’Amiens-Nord dans la comptabilité globale du groupe GDTF – il faudra bien pourtant qu’elle en fasse état devant le juge. Je peux seulement vous indiquer mon sentiment.

La délocalisation renvoie à une stratégie de longue date de la direction. Celle-ci n’a pas découvert les problèmes du site d’un jour à l’autre ; un bon gestionnaire d’entreprise sait où il va et ne remarque pas le mur au dernier moment. Présent dès le milieu des années 1990, le sous-investissement structurel est devenu criant depuis le début des années 2000. Comme le montrent les procès-verbaux, lorsque le CCE analysait, chaque semestre, la situation de notre usine, ce manque d’investissements constituait notre plus grande source d’inquiétude. La direction ne consentait qu’un million ou un million et demi d’euros – juste assez pour entretenir l’outil de travail en effectuant le dépannage courant, rien de plus ; elle n’a investi dans aucune innovation technologique, refusant de mettre les équipements au goût du jour. Par conséquent, elle ne peut pas nous accuser, en 2007 ou en 2008, d’avoir dégradé la situation : en accumulant un retard technologique important sur notre usine, elle est seule responsable du déclin qui s’est amorcé dès le début des années 2000, et dont elle a voulu se servir pour nous faire avaliser l’organisation en 4x8.

En 1995 déjà, la direction voulait négocier un 5x8, mais les gens ne voulaient pas travailler le dimanche. Une grève très importante a éclaté dans l’usine, dont beaucoup gardent encore les cicatrices ; nos choix ont alors été respectés. En 2000, la CGT a signé un accord RTT qui prévoyait le travail du dimanche, avec des équipes de suppléance. Les salariés ont donc consenti des efforts importants.

M. Patrice Carvalho. Cet accord de 5x8 devait-il s’appliquer à tous les secteurs et à toutes les machines de fabrication ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Tout à fait. Toute l’usine, y compris le secteur agricole, toutes les étapes de fabrication devaient être concernées par le 5x8. Mais cette organisation a été refusée par l’ensemble du personnel. Les six syndicats de l’époque ont fait front pour s’opposer au projet de la direction. Nous sommes restés en grève pendant treize jours.

S’agissant de l’évaluation et de la formation des salariés, l’usine dispose d’une commission formation – obligatoire –, mais la direction finance davantage les formations destinées aux plus qualifiés. Ceux qui sont en bas de l’échelle ont donc de fortes chances d’y rester, alors que ceux du milieu peuvent évoluer plus facilement. Quant à l’absence d’évaluation annuelle, elle constitue un manquement à la législation. Nous la demandons régulièrement, même si, pris par d’autres urgences, nous n’avons pas traité ce sujet avec tout le sérieux nécessaire ; mais nous ne l’obtiendrons pas sans l’intervention de l’inspection du travail.

Je n’ai pas l’intention de vous apitoyer, mais les conditions de travail sont très difficiles, pas tant physiquement – aujourd’hui, nous ne sommes pas surchargés de travail à l’usine d’Amiens-Nord – que psychologiquement. En revanche, à Amiens-Sud, même si l’usine tourne en sous-production, ceux qui travaillent sont extrêmement chargés. On souffre donc différemment dans les deux usines, mais nous avons tous beaucoup souffert depuis cinq ans.

Mme la rapporteure. Comment ont évolué dans l’usine les taux d’accidents du travail, qui semblaient très importants ? En tant que représentant syndical, avez-vous dialogué avec la direction pour obtenir des protections plus fortes, et avec quel résultat ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Jusqu’en 2008-2009, notre usine présentait les taux de fréquence et de gravité les plus élevés de la branche caoutchouc. On disait à l’hôpital que nos blessés venaient de la « boucherie ». Ces dernières années, les accidents sont devenus moins nombreux, d’abord parce que l’usine s’est trouvée moins chargée, mais également parce que la direction a fait quelques aménagements pour éviter de se voir accuser de faire courir un danger grave et imminent au personnel de l’usine. Le bilan social de 2012 mentionne un taux d’accidents de 119 en 2010, 102 en 2011 et 137 en 2012. Quant au taux de gravité, il s’élève à 5,3 en 2010 et à 5,36 en 2011 ; le calcul manque pour 2012.

M. Patrice Carvalho. La direction contestait-elle ces accidents ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Elle l’a fait chaque fois qu’elle le pouvait – parce qu’il n’y avait pas de témoins ou qu’il s’agissait d’une douleur d’effort –, ce qui lui a d’ailleurs en partie permis de faire baisser les taux. Mais elle a aussi souvent échoué.

Mme Arlette Grosskost. Goodyear est-il une société française, filiale d’une entité américaine, ou bien un établissement ?

M. Virgilio Mota Da Silva. L’usine Goodyear d’Amiens est un établissement qui fait partie de la société française GDTF qui comprend le siège social à Rueil-Malmaison et les usines d’Amiens-Nord, de Montluçon et de Riom.

Mme Arlette Grosskost. Revenons sur toute cette hystérie. Vous déplorez le manque d’investissements dans votre usine ; pourtant à partir de 2008, la direction propose un investissement de 52 millions d’euros, naturellement accompagné d’une nouvelle organisation du temps de travail. Les organisations syndicales commencent par accepter ce projet, avant de le rejeter ; pourquoi ?

Un PSE est ensuite proposé, puis un PDV – refusé au motif que le plan de reprise par Titan ne prévoyait un business plan que sur deux ans. Or vous dites qu’aujourd’hui vous proposeriez quasiment le même plan, avec des indemnités et des primes extralégales d’un montant similaire, et un maintien d’effectifs – qui, en l’absence de repreneur, reste abstrait. Pourquoi alors avoir refusé un PDV qui vous paraît correct à l’heure actuelle ?

S’agissant de l’appréciation du motif économique, je ne doute pas qu’aujourd’hui, le haut de bilan s’est largement dégradé par rapport à il y a quelques années.

En matière de formation, les salariés ont-ils utilisé leur droit individuel à la formation (DIF) ? Plus généralement, au cours de quelque procédure que ce soit, a-t-on constaté un délit d’entrave, systématique ou non ?

Enfin, confirmez-vous que le tribunal accepte depuis le mois de juin le plan de licenciement économique global ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Le tribunal n’avait rien trouvé à redire sur la forme, mais depuis, d’autres jugements ont été rendus, qui concernent le fond. Il y a eu appel du jugement du mois de juin ; le délibéré sera rendu le 24 septembre.

M. le président Alain Gest. Onze procédures judiciaires sont actuellement en cours.

M. Virgilio Mota Da Silva. Les investissements censés nous sauver du naufrage ne représentaient qu’un leurre pour nous faire accepter, à travers le 4x8, une organisation du travail tellement pénible qu’elle nous aurait menés à notre perte. Comme le montre le rapport d’Ecodia, la direction n’a pas modifié sa proposition d’un iota : elle souhaitait passer de 326 à 350 jours d’ouverture de l’usine par an ; nous avons formulé des propositions allant, de mémoire, jusqu’à 342 jours, mais c’était 350 ou rien. Nous avons estimé que ces changements dégradaient tellement les conditions de travail et la vie de famille des salariés qu’ils étaient à la fois intenables et contreproductifs, au sens où ils ne garantissaient en rien la pérennité de nos usines. Et c’est ce que les salariés de Dunlop sont en train de vivre aujourd’hui. J’espère me tromper, mais vous risquez bientôt d’entendre parler de cette usine ; il faudra alors y prêter une attention particulière, car ces salariés ont également souffert dans leur chair à cause d’un accord qu’ils avaient pourtant refusé et qu’on leur a imposé. Tous les points négatifs de cette organisation du travail, que nous avions pointés, ressortent aujourd’hui.

M. Patrice Carvalho. Le passage en 4x8 remettait-il en cause des avantages ?

M. Virgilio Mota Da Silva. On devait accepter le 4x8 ou quitter l’entreprise ; refuser le nouvel avenant au contrat de travail valait licenciement – choix qu’ont fait 70 ou 80 salariés de l’usine Dunlop.

M. le président Alain Gest. La nouvelle organisation se traduisait-elle par des heures de travail en plus ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Oui, en travail posté on devait passer de 33,75 heures à 35 heures de temps de présence.

Mme Barbara Pompili. Le plan que vous proposiez prévoyait de réorienter une partie des effectifs vers l’usine Dunlop d’Amiens-Sud. Celle-ci étant désormais rattachée à une entité luxembourgeoise, cette solution reste-t-elle toujours possible ?

Vous avez évoqué les pressions dont vous avez fait l’objet, ainsi que l’ambiance générale à l’usine. Le dialogue entre les syndicats semble difficile, mais avez-vous le sentiment qu’une union syndicale aurait pu empêcher la dégradation de la situation ? L’entreprise n’a-t-elle pas utilisé cette division pour amener l’usine vers la fermeture ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Réorienter des effectifs vers Dunlop relève d’un simple jeu d’écriture ; du jour au lendemain, la direction a mis cette usine en location-gérance et l’a rattachée à Goodyear Dunlop Luxembourg, sans que rien n’ait changé. Il serait aussi facile pour des experts de remettre l’établissement dans le giron GDTF qu’il a été de l’en enlever. Cette solution reste donc toujours possible, à condition d’en avoir la volonté.

En matière d’union syndicale, je refuse la critique gratuite, estimant que toutes les solutions sont bonnes à écouter. Ce qui manque cruellement aujourd’hui, c’est un contre-projet crédible à opposer à celui de la direction. Les recours juridiques – que je ne remets pas en cause – permettent de grignoter quelques jours ou quelques semaines, mais sur le fond, la conclusion semble déjà écrite.

Mme la rapporteure. Vous avez vous-même proposé un plan ; avez-vous le sentiment que la direction est prête à considérer un autre projet ?

M. le président Alain Gest. Vous avez évoqué la volonté du syndicat majoritaire d’exclure les autres syndicats de la discussion.

M. Virgilio Mota Da Silva. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.

M. le président Alain Gest. Vous avez dit que la direction avait choisi de ne discuter qu’avec le syndicat majoritaire, mais vous avez également évoqué la difficulté à participer au débat à cause du souhait du syndicat majoritaire de traiter seul avec la direction. La responsabilité revient-elle alors uniquement à la direction ? D’après Mme Catherine Charrier, la CGC aurait accepté d’être écartée des discussions pour laisser une chance à la négociation.

M. Virgilio Mota Da Silva. On peut tout imaginer, mais c’est à la direction que revient la responsabilité d’organiser des négociations dans un cadre juridique formel – chose qu’elle n’a pas faite. Je n’accuse pas la CGT de nous avoir exclus des discussions car je n’en ai ni la preuve ni le sentiment.

Pour revenir aux questions de Mme Grosskost, on n’avait pas d’autre choix que de rejeter l’accord des 4x8. Allez à la sortie de l’usine Dunlop pour interroger les salariés, et vous comprendrez très vite que cet accord – qui impose de travailler deux matins, deux après-midis, deux nuits, avec un week-end toutes les six ou sept semaines – est tout simplement inhumain.

M. le président Alain Gest. Nous recevrons la semaine prochaine les syndicats majoritaires de Dunlop.

M. Virgilio Mota Da Silva. À côté de la CFTC – signataire de l’accord –, qui va certainement enjoliver les choses, vous devriez également recevoir SUD qui vous apportera un éclairage différent.

Le DIF a été régulièrement utilisé, notamment pour faire passer des certificats d’aptitude à la conduite en sécurité (CACES) qui peuvent servir en cas de reconversion. La direction a également mis en place des cours de base comme le français et les mathématiques. Mais rien n’a été fait pour assurer la formation à un nouveau métier dont on pourrait vivre. Les gens sont maintenus dans leur jus, la direction affirmant attendre la mise en place du cabinet de reclassement.

S’agissant de l’accord avec Titan, je ne comprends pas que le syndicat majoritaire ait parlé de victoire totale en juin 2012 et d’échec en septembre de la même année. Il est très problématique d’avoir menti ou omis de tout dire aux salariés. Le maintien des effectifs sur cinq ans semblait acquis ; ces mots sont restés gravés dans ma mémoire, car ils représentaient l’espoir d’une solution. Mais l’opacité des discussions – conduites en dehors de tout cadre légal – nous empêchait d’accéder à l’ensemble des informations. Ce n’est qu’en septembre 2012, quand tout a été rejeté, que nous avons tout compris.

M. Patrice Carvalho. Êtes-vous mandaté ou élu ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Je suis élu au comité d’établissement.

M. Patrice Carvalho. Comment a évolué le score de votre syndicat par rapport aux élections précédentes ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Nous avons perdu des voix, mais nous avons légèrement progressé en pourcentage, par rapport au nombre d’inscrits. En deux ans, la CGT est passée de 800 à 650 voix, et nous, de 140 à 120 ; la CGT a donc perdu 150 voix, et nous 20 seulement – soit moins en proportion.

M. Patrice Carvalho. Votre témoignage est quelque peu contradictoire : d’une part, vous dites que la tension syndicale a sans doute incité la direction à décider la fermeture de l’usine…

M. Virgilio Mota Da Silva. Je n’ai pas dit cela.

M. Patrice Carvalho. Vous ne l’avez pas dit ainsi, mais c’est ce que vous avez suggéré en disant que la forte tension syndicale depuis 1995 – vous avez parlé de blessures encore présentes – a sans doute contribué à la décision de la direction. Après, vous avez plusieurs fois dit le contraire, affirmant que la direction était seule responsable, et que la fermeture de l’usine correspondait à une volonté politique.

M. Virgilio Mota Da Silva. Je n’ai caché ni les divergences entre les syndicats – qui se sont accrues depuis 2011 –, ni les problèmes pour mener les réunions à bien. Mais je n’ai jamais affirmé que ce sont ces tensions qui ont causé la situation.

M. Patrice Carvalho. Je parlais des tensions entre le syndicat majoritaire et la direction.

M. Virgilio Mota Da Silva. Je ne peux pas répondre à la place de la direction. Je ne sais pas dans quelle mesure ces tensions ont motivé sa décision, mais si tous les syndicats avaient fait front ensemble, nous aurions peut-être pu faire émerger une solution différente de celle qui nous menace aujourd’hui.

Il nous manque un projet viable et acceptable pour la direction. Il y a un an à peine, celle-ci voulait absolument maintenir l’activité agricole, et a déployé beaucoup d’efforts en ce sens ; depuis, elle a décidé d’abandonner complètement le site. C’est l’activité agricole qui a fait vivre l’usine depuis cinq ans – même si les procédures judiciaires y ont également contribué –, et son abandon a été une erreur. Si la direction d’Amiens-Nord n’a jamais pu se permettre d’arrêter toute la production – comme cela a été fait chez Continental -, c’est qu’elle a toujours eu besoin des pneus agricoles. Ce détail l’a d’ailleurs mise en difficulté devant les tribunaux, car pour évaluer son projet d’arrêt de l’activité tourisme, le tribunal a exigé des informations sur l’activité agricole et son avenir. Gênée par la jonction des deux dossiers, la direction a décidé de se débarrasser de l’ensemble en tirant un trait sur le site.

M. Patrice Carvalho. Y a-t-il eu délocalisation ? Des productions ont-elles été progressivement redirigées vers d’autres sites industriels ?

Pensez-vous que les gens ont agi en pleine conscience en refusant le 5x8, puis le 4x8, ou bien ont-ils été influencés ?

Enfin, vous décrivez des conditions de travail compliquées, des accidents du travail à répétition ; le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a-t-il utilisé le registre du danger grave et imminent ?

M. Virgilio Mota Da Silva. En 2012, le taux de fréquence des accidents du travail dans notre usine – nombre d’accidents multiplié par 106 et divisé par le nombre d’heures travaillées – s’élevait à 137.

M. Patrice Carvalho. Alors que la moyenne dans les usines est de l’ordre de 6.

M. Virgilio Mota Da Silva. Vous confondez peut-être avec le taux de gravité – nombre de jours perdus en arrêt du travail multiplié par 103 et divisé par le nombre d’heures travaillées –, qui est légèrement inférieur à 6 ?

M. Patrice Carvalho. Non. Mais s’agit-il de l’indicateur TF1 ou bien de TF1, TF2 et TF3 ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Il s’agit de TF3.

M. Patrice Carvalho. Donc tous les accidents cumulés.

M. Virgilio Mota Da Silva. Je ne suis plus membre du CHSCT, mais lorsque je l’étais, j’ai dû à deux reprises recourir au registre de danger grave et imminent pour imposer l’arrêt d’un équipement. À cette époque, la pression sur la production était telle qu’on ne pouvait pas obtenir un tel arrêt par simple discussion ; ne trouvant pas de solution à l’amiable, j’ai dû utiliser ce moyen. Aujourd’hui, avec l’allègement de la pression, les équipements sont fréquemment arrêtés – cela arrange même la direction.

S’agissant des délocalisations, la direction n’a pas enlevé de la production à Amiens-Nord pour la transférer en Pologne ou en Slovénie. Elle s’est contentée de ne pas investir sur notre site, nous privant des équipements nécessaires pour produire des pneus adaptés au marché d’aujourd’hui ; en même temps, elle a investi dans les usines de Pologne et de Slovénie, leur donnant cette capacité. On ne fabrique pas en Pologne, à notre place, les pneus de 13, 14 ou 15 pouces que nous fabriquions ; en revanche, on y produit des pneus correspondant à la demande actuelle. La direction s’en défendra sûrement, mais il s’agit d’une forme de délocalisation : ne pas avoir investi pour actualiser son parc machines et mettre son potentiel de fabrication à niveau a fait partir les productions ailleurs. Les sommes dont ont bénéficié les usines de Pologne et de Slovénie sont colossales ; aussi, aujourd’hui, l’usine de Pologne est-elle l’une des plus modernes du groupe Goodyear en Europe.

Enfin, le refus du 5x8 et du 4x8 ne s’est pas fait sous influence. Les syndicats ont, chacun de leur côté, informé les salariés des dangers des systèmes de rotation, mais les gens ont pris la décision en pleine conscience ; nous n’avons pas voté à leur place. En 1995, 80 à 90 % des salariés étaient opposés à l’accord.

M. Patrice Carvalho. Avec quel temps de travail hebdomadaire devait fonctionner le 5x8 de 1995 ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Avec 33,6 heures – le maximum que prévoyait la convention collective du caoutchouc ; multiplié par 5, cela fait 168 heures, soit le nombre d’heures d’une semaine.

M. Jean-Louis Bricout. Je voudrais revenir sur les relations sociales dans l’entreprise. Le rejet de l’accord sur les 4x8, 350 jours par an, proposé par la direction, semble représenter un point de rupture. Or les modifications dans l’organisation du travail d’une entreprise sont chose courante, et il faut parfois se mettre autour de la table pour trouver les bonnes solutions. Quand ils constatent aujourd’hui les conséquences de ce refus – dégradation des conditions de travail et de la santé des salariés, risque de fermeture de l’usine –, les employés ne ressentent-ils pas une forme de regret de ne pas avoir abouti à un accord sur un autre projet – terme que je préfère à celui de contre-projet ? Pensez-vous que la négociation reste possible ? Devant une situation aussi tragique, n’est-il pas temps de renouer le dialogue ? Qu’en pense le personnel aujourd’hui ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Le personnel d’Amiens-Nord, qui vit une tension intolérable, veut absolument voir l’avenir se dégager d’une manière ou d’une autre et retrouver des perspectives. Le plus angoissant reste de ne pas savoir de quoi le lendemain sera fait. Si nous disposions d’un contre-projet, nous pourrions nous battre tous ensemble pour l’imposer à la direction.

Quant à Amiens-Sud, vous demandez si, en dépit des conditions de travail difficiles, il ne vaut pas mieux travailler que de voir l’usine fermée. Pour ma part, je ne peux pas poser la question dans ces termes ; autant demander si vous préférez être guillotiné ou pendu. En tout état de cause, le 2 septembre 2009, le tribunal a invalidé l’accord, sur quatre points en particulier, enjoignant à la direction de les corriger. En appel – arrêt rendu le 17 mars 2011–, la direction a réussi à prouver qu’elle avait apporté toutes les modifications nécessaires.

M. Jean-Louis Bricout. On a l’impression que toutes vos relations avec la direction s’inscrivent dans l’opposition ; la rupture me paraît démesurée par rapport aux enjeux.

M. Virgilio Mota Da Silva. En 2008, j’ai participé aux négociations qui se sont déroulées dans un cadre légal ; nous avons travaillé d’arrache-pied pour formuler des contre-propositions. Nous en avons fait onze, toutes rejetées par la direction. Au final, ces six mois de discussions n’ont servi à rien, puisque la direction a balayé tous nos scénarios pour déclarer qu’elle voulait un 4x8 à 350 jours, 35 heures hebdomadaires, tous temps de pause exclus – et rien d’autre. Autant le dire dès le début, et éviter de faire semblant de négocier.

M. Jean-Louis Bricout. Vos contre-propositions concernaient-elles uniquement l’organisation du travail, ou bien également les contreparties sociales à la nouvelle organisation ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Uniquement l’organisation du travail. Le 4x8 permettait à la direction de supprimer une équipe en gardant le même volume de travail. De 31,30 heures, on devait passer à 35 heures, le nombre de salariés tombant de 2 110 à 1 770.

M. Jean-Louis Bricout. Mais y a-t-il un sentiment de regret de ne pas avoir fait aboutir les négociations ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Nous le regrettons évidemment, mais quelle attitude aurions-nous dû adopter pour qu’elles aboutissent ? On ne peut pas négocier seul ; nous étions face à un mur. La direction joue à « pile je gagne, face tu perds » : elle accuse aujourd’hui les salariés d’Amiens-Nord de ne pas avoir accepté le 4x8 – argument largement relayé dans la presse ; mais de quoi accusera-t-elle demain les salariés de Dunlop ? De ne pas arriver à faire tourner le 4x8 ? D’avoir trop d’accidents ? Trop d’absentéisme ? Trop de déchets ? Trop de fatigue ? Trop de dépressions ? La direction trouve toujours une raison d’accuser les salariés, alors qu’elle seule est responsable des investissements et des conditions de travail. Pour que les salariés soient rentables, il faut les faire travailler dans de bonnes conditions ; aujourd’hui, ce n’est le cas ni à Amiens-Nord ni à Amiens-Sud.

M. Philippe Noguès. L’accord est impossible sans dialogue social, donc sans volonté des deux côtés ; aujourd’hui, estimez-vous que la direction garde la volonté d’envisager autre chose que la fermeture totale de l’usine ?

Qu’avez-vous pensé de la proposition de la CGT consistant à créer une société coopérative et participative (SCOP) ? La réaction de la direction n’illustre-t-elle pas son refus de reprendre le dialogue ?

M. le président Alain Gest. Ne s’agit-il pas d’un contre-projet valable ? Même si ce n’est pas celui que vous souhaitiez, qu’en pensez-vous ?

M. Virgilio Mota Da Silva. La procédure de fermeture totale d’Amiens-Nord est engagée depuis le 31 janvier 2013, et la direction avance méthodiquement, réunion après réunion. J’espère néanmoins qu’il reste encore une solution de sortie de crise par le dialogue. À une certaine époque, la direction avait tout fait pour préserver l’activité agricole ; elle ne peut pas y renoncer par pur désir de revanche. En effet, l’expert note que si Goodyear abandonne aujourd’hui ce marché, il aura du mal à y revenir par la suite ; face à une direction déchaînée, prête à tout perdre, notre contre-projet – qui nous apparaît sérieux et viable – a pour objectif de la ramener à la raison, lui permettant de conserver le marché agricole. Nous consentons beaucoup d’efforts, notamment en acceptant la suppression de 394 postes – principalement des départs seniors, mais ce sont malgré tout des emplois en moins. La direction devrait considérer ce projet – poursuite de l’activité d’Amiens-Nord, concentrée sur le secteur agricole – avant de fermer le site, car elle pourrait y gagner économiquement. L’agricole représente l’une des activités les plus rentables dans le pneumatique, où l’on réalise les marges les plus importantes. La direction aurait pu vendre ce secteur avec profit ; elle ne perd de l’argent que parce qu’elle a elle-même baissé la charge de l’usine : on produit actuellement environ 300 pneus agricoles par jour contre 820 à la belle époque. La direction crée donc véritablement les conditions de son plan social. Or nous avons les capacités et les équipements nécessaires pour poursuivre l’activité ; l’expert évalue à 25 ou 30 millions d’euros la remise à niveau du matériel – chiffre à comparer aux 162 millions que coûte le plan social. Il s’agit donc d’une ineptie ; il est ridicule et dégoûtant de perdre complètement un marché par simple volonté de représailles, car ce sont les salariés qui en subiront les conséquences.

Quant à la SCOP, c’est un projet qui a le mérite d’exister, mais auquel je n’ai jamais cru.

M. le président Alain Gest. Pourquoi ? La CGT affirme proposer le même projet que Titan.

M. Virgilio Mota Da Silva. Les mélanges en amont de la production, ainsi que les machines, les codes et les mesures des pneumatiques sont protégés par des brevets Goodyear, et l’entreprise ne les cèdera pas à une SCOP. Celle-ci ne pourra donc reprendre que la partie production. Il en allait tout autrement de Titan – pneumaticien qui se spécialise dans l’agricole – auquel Goodyear comptait céder la chaîne d’un bout à l’autre.

M. le président Alain Gest. Mais vous pourriez produire sous licence ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Je pense que Goodyear ne donnera jamais ses licences sur les mélanges. Le projet de la SCOP excluait également la recherche et le développement, les moules de pneumatiques – qui coûtent des centaines de milliers d’euros pièce – et la distribution. La CGT propose de reprendre uniquement la partie production, en la sous-traitant à Goodyear. Or comment une SCOP pourrait-elle dicter aux salariés les mêmes conditions de travail que la direction d’une entreprise, exiger des résultats, des cadences ? Comment pourrait-elle leur imposer des sacrifices sur les salaires au nom de la rentabilité ? Tout cela me semble incongru et incompatible avec le monde syndical. Ce projet m’apparaît donc mort-né, mais il a le mérite d’exister, et la CGT a le droit de le développer.

M. le président Alain Gest. Vous portez une appréciation plus que mitigée sur l’évolution des conditions de travail à Amiens-Sud ; mais pouvez-vous nous confirmer que depuis que la nouvelle organisation du travail a pris effet, la direction y a investi entre 41 et 48 millions d’euros ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Non ; d’ailleurs j’en doute.

M. le président Alain Gest. Vous avez mentionné que les réunions se passaient parfois dans un climat difficile, un brouhaha, etc. ; pouvez-vous confirmer que le syndicat majoritaire ne vient pas à certaines d’entre elles, ou s’en va immédiatement ?

M. Virgilio Mota Da Silva. C’est arrivé pour des réunions qui ne l’intéressaient pas ou qui posaient problème pour la suite de la procédure. Nous vivons une guérilla ; même quand on essaie d’adopter une démarche constructive, la volonté d’hégémonie – ou d’exclusivité – du syndicat majoritaire rend difficile de se faire entendre, de porter nos revendications à la direction et d’en entendre les réponses. Mais je ne condamne pas ces comportements, car la violence vient d’abord de la direction. Quand on annonce la fermeture totale d’une usine, cela crée forcément des tensions extrêmes.

M. le président Alain Gest. On nous avait d’abord indiqué que toutes les usines du groupe fonctionnaient en 4x8 ; or hier, la CGT a affirmé que ce n’était le cas ni de Montluçon ni de Riom.

M. Virgilio Mota Da Silva. Je confirme que ni Montluçon ni Riom ne travaillent en 4x8. En revanche, je ne connais pas la situation dans les autres usines en Europe ; il faudra poser la question à M. Rousseau.

M. le président Alain Gest. Êtes-vous depuis toujours syndiqué à SUD, ou bien avez-vous auparavant fait partie d’un autre syndicat ?

M. Virgilio Mota Da Silva. J’étais à la CFDT jusqu’en 2003, année de rupture.

M. le président Alain Gest. Avez-vous participé à la création de la section SUD d’Amiens-Nord ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Oui. Goodyear a tout fait pour nous priver de la représentativité dans l’entreprise, que nous avons dû prouver devant les tribunaux.

M. le président Alain Gest. Chez Dunlop, il existe aussi une section CGT ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Elle a disparu depuis la signature de l’accord 4x8. Tous les responsables ont été démis de leurs fonctions, et la section dissoute.

M. le président Alain Gest. Par la fédération nationale ?

M. Virgilio Mota Da Silva. Oui.

M. Patrice Carvalho. Parce qu’ils n’ont pas respecté le vote des gens.

M. Virgilio Mota Da Silva. Cette décision peut se comprendre si la section ne suit pas les directives de la fédération et va contre la volonté des salariés. Les membres de la CGT se sont réfugiés à l’UNSA.

M. le président Alain Gest. Monsieur Mota Da Silva, je vous remercie d’avoir répondu à nos questions.

L’audition s’achève à dix-huit heures quarante.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux causes du projet de fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord, et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu'on peut tirer de ce cas

Réunion du mercredi 11 septembre 2013 à 16 h 45

Présents. - Mme Pascale Boistard, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Claude Buisine, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Marc Germain, M. Alain Gest, M. Franck Gilard, Mme Arlette Grosskost, M. Philippe Noguès, Mme Barbara Pompili, Mme Clotilde Valter

Excusée. - Mme Véronique Louwagie