L’audition débute à neuf heures cinq.
M. le président François Brottes. Nous ouvrons aujourd’hui une séquence d’auditions consacrées au déploiement des réacteurs de troisième génération, et donc à l’EPR.
Lorsque l’on évoque la troisième ou la quatrième génération de réacteurs, on évoque davantage de sécurité, moins de combustibles et moins de déchets. Notre trajectoire est-elle fiable en la matière, sachant que l’on dit souvent que la troisième génération est assez peu différente de la génération précédente ?
J’insiste sur le fait que les questions de sûreté sont au cœur de nos préoccupations. L’EPR a été conçu pour être plus sûr que les réacteurs actuels. Cependant, la validation du processus de construction des deux centrales européennes n’a pas été acquise facilement et semble évolutive. Les années passant et la construction avançant, les autorités de sûreté posent des exigences nouvelles qui obligent à repenser les procédés.
Par ailleurs, les chantiers ont connu des vicissitudes de natures diverses, allant du non-respect du droit du travail à des défauts de construction en passant par des problèmes de sous-traitance, autant d’éléments qui peuvent nous conduire à douter de la sûreté de l’EPR, à l’approche de sa mise en service.
Pour répondre à ces questions, nous avons le plaisir d’accueillir M. Philippe Jamet, commissaire de l’Autorité de sûreté nucléaire, et M. Jacques Repussard, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande, messieurs, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Philippe Jamet et M. Jacques Repussard prêtent serment.)
M. Philippe Jamet, commissaire de l’Autorité de sûreté nucléaire. Le projet EPR date de 1990 ; initié dans le cadre d’une étroite collaboration franco-allemande, il est, du fait des circonstances politiques, devenu un projet strictement français.
Dès 1993, un certain nombre d’objectifs de sûreté ont été définis. Le premier d’entre eux consiste à réduire significativement le nombre des incidents par rapport au parc actuel, grâce, d’une part, à la fiabilisation des équipements et, d’autre part, à la prise en compte, dès la conception du projet, du facteur humain. Un deuxième objectif est de réduire très significativement, de l’ordre d’un facteur 10, la probabilité de fusion du cœur. Et l’EPR s’est également vu assigner des objectifs en termes de conséquences des accidents.
Pour les accidents sans fusion du cœur, le réacteur doit être conçu de telle manière qu’il n’y ait aucune mesure de protection des populations ou de l’environnement à prendre. Dans le cas d’un accident avec fusion du cœur, doivent être évités les phénomènes explosifs pouvant donner lieu à des rejets trop rapides ou trop importants pour permettre la protection de la population. Enfin, dans le cas d’une fusion du cœur lente – envisageable – les contraintes sont telles que les mesures de protection de la population qui devraient être prises seraient extrêmement limitées : pas d’évacuation au-delà de quelques kilomètres ; pas de relogement permanent et des restrictions alimentaires limitées dans le temps. Pour mémoire, à Fukushima 200 000 personnes ont été évacuées et 2 000 kilomètres carrés ont été déclarés zone interdite.
M. le président François Brottes. Voulez-vous dire que, s’il y avait eu un EPR à Fukushima, la catastrophe n’aurait pas eu lieu ?
M. Philippe Jamet. Ce n’est pas aussi simple que cela, et l’ASN va exiger des améliorations de l’EPR pour qu’il se comporte correctement en cas de cataclysme. Cela étant, on peut, en première approximation, estimer que vous avez raison.
Ces objectifs de 1993 ont été repris au niveau européen par l’Association des autorités de sûreté des pays d’Europe de l’Ouest (WENRA) et complétés par des objectifs supplémentaires en termes de résistance à la malveillance, de gestion des déchets, de radioprotection et de management de la sûreté. Compte tenu de ces objectifs, il est clair pour l’ASN que le réacteur EPR marque, du point de vue de la sûreté, un progrès considérable par rapport au parc existant. Concrètement, dans le cadre d’un exercice de crise, un accident serait plus facile à gérer avec l’EPR qu’avec un réacteur où l’on ne pourrait empêcher la fusion du cœur, avec traversée de la cuve et risques de fuite à l’extérieur, comme à Fukushima.
La construction du réacteur nucléaire de Flamanville, engagée en 2007, est évidemment suivie par l’ASN, qui effectue sur le site une vingtaine d’inspections par an. Ces inspections ont permis de constater des problèmes mineurs et d’autres plus importants qui ont conduit l’ASN à arrêter le chantier et à soumettre sa reprise à autorisation. Je citerai, à titre d’exemple, des problèmes de soudage du liner, le revêtement interne de l’enceinte de confinement, en 2008, 2009 et 2010, ou des problèmes de génie civil : positionnement des câbles de précontrainte, nids de cailloux dans certaines parois, problèmes de fabrication du couvercle de cuve – lequel comporte davantage de conduits que les couvercles actuels – ou encore montage à l’envers de certaines vannes. Dans ce dernier cas, l’ASN a exigé qu’AREVA donne des explications sur les causes de cette erreur et fasse le nécessaire pour empêcher qu’elle se reproduise ; elle n’a autorisé la reprise du chantier qu’à partir du moment où elle a considéré qu’elle avait obtenu des garanties suffisantes.
Framatome, qui a construit les premiers réacteurs français, avait certes rencontré des problèmes identiques, mais EDF, pour expliquer ces incidents, met en avant la perte de compétences d’une industrie qui n’a pas construit de réacteurs depuis longtemps, les aléas liés à une première réalisation, la complexité de celle-ci et les d’études d’ingénierie exigées qui ont fait dériver le planning. S’il est facile en effet de parler de plans, de calculs et de procédures, la qualité d’une réalisation dépend en grande partie du savoir-faire dont elle a bénéficié. Or c’est une notion plus difficile à formaliser, à transmettre, et il faut sans cesse la réévaluer lorsque les objets changent. Quoi qu’il en soit, si l’ASN a bien constaté d’importants problèmes, qui ont été corrigés au prix d’un allongement des délais, elle n’a aujourd’hui aucun doute sur la qualité de la réalisation de l’EPR– et c’est là l’essentiel.
Pour l’ASN, un réacteur sûr, ce n’est pas uniquement un réacteur bien construit ; c’est un réacteur dont la sûreté est démontrable et pérenne. Cela exige certaines procédures d’examen, dont EDF devra fournir les justificatifs lors de la soumission du dossier de mise en service, fin 2014. La démonstration de sûreté a été examinée une première fois lors de l’étude du dossier d’autorisation de création, mais les documents administratifs qui seront fournis fin 2014 devront comporter d’importantes précisions techniques dans les domaines suivants : les études d’accident, qui démontrent qu’en cas d’accident dans le réacteur le système et les procédures de conduite garantissent la sûreté ; le programme des essais de démarrage, qui servent à vérifier, avant la mise en marche d’une installation nucléaire, que les performances attendues sont atteintes ; le plan d’urgence interne, qui détaille ce que l’exploitant doit faire en cas d’accident, et les règles générales d’exploitation.
Compte tenu du volume de travail à fournir, l’ASN a engagé dès 2011, avec l’appui de l’IRSN, l’examen anticipé de ces documents. Néanmoins, la poursuite des études et les aléas du chantier ont conduit à des évolutions et à des modifications qu’il faudra prendre en compte pour l’autorisation de mise en service définitive. Ce sont des circonstances assez classiques pour un prototype, mais l’ampleur de la tâche est telle que, dans la perspective d’une autorisation de mise en service prévue pour 2016, le planning est plus que tendu.
Le projet EPR français est couplé aux autres projets étrangers. L’ASN a des relations bilatérales avec toutes les autorités de sûreté des pays qui construisent ou envisagent de construire des EPR – non seulement la Finlande, évidemment, avec qui nous avons d’étroites relations, mais aussi le Royaume-Uni, la Chine, avec laquelle la collaboration n’est malheureusement pas aussi développée que nous le souhaiterions, et les Etats-Unis avec la NRC. Par ailleurs, plusieurs groupes de travail multilatéraux ont été mis en place.
À côté de l’EPR finlandais, extrêmement similaire au nôtre malgré quelques différences, il existe actuellement dans le monde trois types de réacteur à eau pressurisée dits de troisième génération : le réacteur russe AES-2006, d’une puissance de 1 200 MW ; le réacteur américano-japonais AP-1000 de la compagnie Westinghouse, en construction aux États-Unis et en Chine ; le réacteur coréen APR-1400, d’une puissance de 1 400 MW, en construction en Corée et dans les Émirats arabes. Il existe entre eux des différences significatives et, si nous avions à nous prononcer, je ne suis pas sûr que nous jugerions leur conception aussi robuste que celle de l’EPR. Il n’est pas certain que nous accepterions la démonstration selon laquelle, en cas de fusion, le cœur de l’AP-1000 reste dans la cuve et n’entre pas au contact du béton de l’enceinte. Nous ne l’accepterions probablement pas non plus pour l’APR-1400. Ces démonstrations ont un fort caractère probabiliste, peu conforme à notre conception de ce que doit être une démonstration de sûreté.
M. le président François Brottes. Le réacteur russe ne vous pose pas de problème ?
M. Philippe Jamet. C’est le réacteur dont la conception et le niveau d’exigence requis sont les plus proches de ceux de l’EPR.
Il faut également mentionner l’ATMEA, réacteur de 1 000 MW, très similaire à l’EPR en termes de conception, et dont la Jordanie, la Turquie ou le Vietnam ont envisagé la construction, mais qui, pour l’instant, n’a fait à ma connaissance l’objet d’aucun achat ferme. Nous collaborons cependant avec l’autorité de sûreté turque pour le cas où il serait choisi par la Turquie.
Je terminerai par trois remarques sur la quatrième génération. Premièrement, il est clair pour l’ASN que les réacteurs de quatrième génération doivent impérativement se caractériser par un progrès en termes de sûreté par rapport à la troisième génération. S’agissant d’une filière dont la durée de vie est d’un siècle ou d’un siècle et demi, il n’est pas imaginable que la technologie et le niveau de sûreté soient figés. Ensuite, compte tenu de cet impératif, le choix d’une technologie de quatrième génération doit être le résultat d’une analyse ouverte, qui compare non seulement les différentes technologies disponibles, mais également leurs implications en termes de sûreté : des réacteurs de 300, 1 000 ou 1 500 MW ne sont pas équivalents en termes de risques et de sûreté.
M. le président François Brottes. En clair, vous êtes en train de dire que ceux qui retiennent la quatrième génération pour seule option ne sont pas assez ouverts !
M. Philippe Jamet. Oui ! L’ASN a en tout cas demandé au groupe permanent d’experts d’examiner les avantages et les inconvénients des différentes options possibles. Et cela m’amène à ma troisième remarque, qui concerne le projet ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration). Pour les raisons que je viens d’indiquer, l’ASN considère que ce projet, dont le niveau de sûreté n’excède pas celui des réacteurs de troisième génération, ne peut constituer un prototype.
M. le président François Brottes. Mais ne réalise-t-il pas des avancées par rapport à la troisième génération en matière de combustible ou de déchets ?
M. Philippe Jamet. Vous avez raison, mais la condition pour qu’un prototype de quatrième génération puisse être construit, c’est qu’il permette d’expérimenter des solutions qui garantiront un niveau de sûreté significativement augmenté par rapport aux réacteurs de troisième génération.
M. Jacques Repussard, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Si l’EPR est porteur d’avancées notables en termes de sûreté, il ne réalise pas de progrès en matière de gestion des déchets liés au combustible. Un réacteur à eau légère fonctionne en effet selon les même principes physiques que les autres réacteurs.
M. le président François Brottes. Le volume de déchets est-il équivalent ?
M. Jacques Repussard. Il est plus important puisque le réacteur est plus puissant. En revanche, ce qui constitue un progrès, c’est que le démantèlement a été conçu ex ante, ce qui devrait permettre de limiter la volumétrie des déchets de déconstruction. C’est néanmoins un point secondaire par rapport à la question des déchets nucléaires à vie longue.
Pour l’IRSN, l’EPR n’est pas la fin de l’histoire des réacteurs à eau légère ; en d’autres termes, des améliorations sont encore possibles. Il correspond à un choix de filière et marque une étape et des progrès importants mais, si la France décidait de se doter d’un nouveau parc de réacteurs à eau légère, ce serait une erreur de se contenter de dupliquer l’EPR de Flamanville, dont la conception, je le rappelle, remonte à plus de vingt ans. Les coûts de construction de l’EPR peuvent être abaissés, les systèmes optimisés, et la question de la puissance doit être réexaminée.
M. le président François Brottes. Suggérez-vous qu’il faut opter partout pour des réacteurs de type ATMEA ?
M. Jacques Repussard. Non, mais je considère qu’il y a là des choix de politique énergétique et de filière industrielle à faire. Il existe maintenant des objectifs de sûreté harmonisés par WENRA et, juste avant la catastrophe de Fukushima, la Direction générale de l’énergie et du climat avait saisi l’IRSN pour que nous proposions un projet de document-cadre concernant non pas seulement l’EPR stricto sensu, mais les règles de sûreté applicables en France à l’ensemble des réacteurs de troisième génération, ce qui, à l’époque, incluait les réacteurs de type ATMEA.
Ce document, que nous tenons à votre disposition, contient les recommandations de l’IRSN pour décliner les objectifs fixés par WENRA. Il a été transmis à l’ASN et, avec l’accord de celle-ci, il sera communiqué à l’industrie nucléaire pour débat. Il doit aider à mieux définir ce que l’on entend par réacteur de troisième génération et suggère des avancées qui constituent moins une révolution que des pistes d’optimisation. Ce document ouvre la voie à l’examen de différentes options de puissance et en particulier à la possibilité de « maintien en cuve » pour des réacteurs de moindre puissance. Il se penche également sur les conditions d’utilisation des systèmes passifs. L’AP-1000 conçu par Westinghouse comporte de nombreux systèmes passifs de sûreté et, si nous avons de sérieux doutes sur la fiabilité de sa démonstration de sûreté, nous n’en condamnons pas pour autant l’utilisation des systèmes passifs qui pourraient se révéler utiles dans l’avenir.
M. Denis Baupin, rapporteur. Pourriez-vous préciser à quoi vous faisiez référence en parlant de « maintien en cuve » d’un réacteur ?
M. Jacques Repussard. L’EPR a été conçu selon l’hypothèse, raisonnable, qu’en cas de fusion du cœur, la cuve sera traversée par le combustible fondu. Il est donc équipé d’un récupérateur de corium pour éviter la mise en pression de l’enceinte et la traversée du radier. Mais il existe d’autres solutions, et certains ingénieurs nucléaires travaillent à l’étranger sur le concept du maintien en cuve du combustible fondu, ce qui empêcherait des conséquences graves en cas d’accident sérieux puisque le combustible se refroidirait dans la cuve. Reste à démontrer cette théorie, avec des arguments plus solides que des arguments probabilistes. Cela nécessite, selon nous, une expérimentation grandeur nature, réalisée grâce à des simulateurs.
Nous avons toute confiance dans la démonstration de sûreté de l’EPR en cas de fusion du cœur, mais cela ne signifie pas que la sécurité ne peut pas être renforcée. Ce serait une tromperie d’affirmer que ce réacteur, conçu avant Fukushima, nous garantit de tout accident grave. En effet, si l’EPR a grandement diminué la probabilité d’accidents dus à des causes internes, les accidents liés à des événements externes de très grande ampleur – guerre ou bouleversement géologique important – ne peuvent être totalement exclus. Le bâtiment a été conçu pour résister aux chutes d’avion, mais se pose la question de la vulnérabilité des piscines de combustible usé. D’où la nécessité de poursuivre notre réflexion sur le « noyau dur » de sûreté que nous avons élaboré après l’accident de Fukushima et qui va s’appliquer à Flamanville.
Si la France veut optimiser économiquement et industriellement son équipement électronucléaire de troisième génération dans les meilleures conditions de sûreté, elle doit donc poursuivre sa réflexion sur le choix de gamme de puissance de ses réacteurs et sur l’usage éventuel de systèmes de sécurité passifs.
Pour ce qui concerne la quatrième génération, l’enjeu est triple : améliorer la sûreté ; économiser l’uranium naturel et obtenir, avec le plutonium, une énergie quasiment renouvelable ; résoudre la question des déchets. Atteindre ces objectifs exige cependant de lever d’importantes difficultés. La première touche aux réacteurs eux-mêmes. Il reste des verrous technologiques à faire sauter en matière de sûreté pour atteindre, voire dépasser, les objectifs de WENRA, que ce soit pour les réacteurs à sodium ou pour les autres. Sur les six filières de quatrième génération identifiées par la communauté internationale, certaines n’ont pas encore dépassé le stade du bureau d’études. L’IRSN a produit, il y a deux ans, un rapport que nous vous remettrons et qui compare les avantages et les inconvénients des différents concepts en termes de sûreté. Il en ressort que certains de ces concepts posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses.
Un changement de filière implique par ailleurs un autre cycle du combustible. Il ne suffit pas de construire des réacteurs, il faut fabriquer de nouveaux combustibles, qui apportent des bénéfices en termes de sûreté, mais au prix de profonds bouleversements industriels, en amont comme en aval.
Le passage à la quatrième génération suppose enfin des infrastructures de recherche dont nous ne disposons plus. Ces vingt dernières années, de nombreuses installations expérimentales du CEA ont été fermées, la filière des réacteurs à eau légère étant considérée comme mature. Pour des raisons de contrainte budgétaire, on a estimé que la modélisation et des essais menés à échelle réduite pourraient suffire. C’est ainsi qu’a été arrêté le réacteur expérimental Phébus, qui avait permis d’étudier les accidents provoqués par la fusion du cœur et de calculer les termes sources, fournissant des résultats qui ont été utilisés au moment de la catastrophe de Fukushima. Un autre réacteur, Cabri, qui sert à tester la capacité de résistance des combustibles nucléaires des réacteurs actuels à des pics de réactivité, notamment en fonction de la corrosion des gaines, est financé quasiment intégralement par l’IRSN, et nous avons les plus grands doutes sur son avenir. La quatrième génération implique donc de reconstituer toute une infrastructure de recherche.
En matière de déchets enfin, les réacteurs à neutrons rapides à l’étude en France n’apportent pas de progrès majeurs en matière de produits de fission dérivés de l’utilisation du combustible. Une filière de régénération et de retraitement des combustibles, qui reste à inventer et à financer, permettra de récupérer le plutonium, mais resteront les produits de fission dont la volumétrie ne sera pas très différente de celle obtenue avec les réacteurs à eau légère.
Si notre pays souhaite réellement développer, au-delà du prototype, les réacteurs de quatrième génération, cela mérite une étude d’impact qui intègre, au-delà des questions de sûreté, les aspects financiers et l’ensemble des enjeux qui dépassent le seul savoir-faire technologique. Cela ne m’apparaît envisageable ni à court ni à moyen terme ; tout au moins cela pourrait-il l’être à l’horizon d’un demi-siècle. D’ici là, se pose donc la question de l’approvisionnement énergétique de la France.
M. le président François Brottes. Monsieur Jamet, partagez-vous les analyses de M. Repussard ?
M. Philippe Jamet. Je suis entièrement d’accord avec ce qu’a dit Jacques Repussard sur les apports de la quatrième génération en matière de gestion du combustible et des déchets.
M. le rapporteur. Mes questions porteront essentiellement sur les réacteurs de troisième génération.
Vous avez évoqué une division par dix de la probabilité d’accidents. Pourriez-vous nous indiquer à quoi cela correspond en valeur absolue ?
Dans le cas de Flamanville, le coût a été triplé et le délai doublé par rapport au projet vendu originellement aux pouvoirs publics : était-ce totalement imprévisible ou les difficultés ont-elles été délibérément sous-estimées pour forcer la décision politique ?
Vous avez été, l’un comme l’autre, très catégoriques sur la qualité des performances du réacteur en matière de sûreté. Pourriez-vous nous donner des précisions sur les fissures apparues sur le radier lors de la construction ? Ont-elles été définitivement réparées ou y a-t-il là une faiblesse latente du réacteur ?
Vous avez évoqué la nécessité de renforcer la sécurité de l’EPR contre les risques de cataclysme et sa mise aux normes, à la suite des évaluations complémentaires de sûreté (ECS) post-Fukushima. L’EPR est-il aujourd’hui aux normes ou doit-on redouter de nouveaux délais et de nouveaux coûts ? Une polémique s’est par ailleurs développée sur la résistance de l’EPR à un crash d’avion : pouvez-vous nous confirmer que le bâtiment a bien été conçu pour résister à un tel crash et pouvez-vous nous préciser ce qu’il en est des piscines, dont M. Repussard avait l’air de sous-entendre que leur sécurité pouvait être améliorée ?
Vous avez parlé d’un planning plus que tendu. Pouvez-vous nous en détailler les étapes et nous dire quelles seraient les conséquences d’un dépassement des délais ? Que se passera-t-il si le premier chargement en combustible nucléaire ne pouvait avoir lieu comme prévu le 11 avril 2017 ?
Le coût du kilowattheure produit a été évalué par EDF sur la base d’une hypothèse de fonctionnement à 90 % de la puissance du réacteur pendant soixante ans : cela vous paraît-il réaliste, sachant que c’est une norme bien supérieure à celle des réacteurs de deuxième génération ?
Monsieur Repussard, vous avez déclaré dans plusieurs entretiens à la presse qu’il fallait arrêter la course à la puissance, laissant sous-entendre que plus un réacteur est gros, plus l’accident peut être grave. Visiez-vous l’EPR ? Estimez-vous qu’il faut, à l’avenir, se tourner vers des réacteurs de moindre puissance ?
M. Philippe Jamet. Concernant les probabilités de fusion du cœur, contrairement aux Japonais ou aux Américains, nous n’accordons pas une grande confiance aux valeurs absolues, tellement entachées d’incertitude qu’elles n’ont pas de sens. En revanche, les valeurs relatives qui permettent d’établir entre deux réacteurs une différence de facteur dix sont clairement des indicateurs de progrès. C’est le cas pour l’EPR dont la probabilité de fusion du cœur est dix fois moins élevée que pour le parc actuel : pour les défaillances d’origine interne, elle est de l’ordre de 10-6.
Les coûts et les délais annoncés au départ étaient fondés sur des prévisions qui n’intégraient pas forcément la perte de savoir-faire consécutive à un long temps de latence de la construction nucléaire. Les aléas de construction et les retards engendrés étaient sans doute prévisibles, mais les constructeurs n’ayant ni la mémoire ni l’expérience de leurs prédécesseurs, ils les ont sans doute mal anticipés.
Nous avons connu des ennuis avec le radier, et le chantier a été suspendu à plusieurs reprises, mais aujourd’hui l’ASN considère que la réalisation de l’EPR répond aux exigences de sûreté.
L’EPR a été dimensionné pour résister à un séisme ou une inondation de référence. Cependant, la catastrophe de Fukushima a montré qu’au-delà de ce dimensionnement il était nécessaire d’avoir des systèmes extrêmement robustes permettant, même en cas de phénomène naturel d’une ampleur imprévue, le refroidissement du cœur et l’intervention d’équipes externes. Les prescriptions issues des ECS s’imposent à Flamanville : il s’agit du « noyau dur » et de la Force d’action rapide nucléaire (FARN). Le « noyau dur » est naturellement plus facile à mettre en place sur l’EPR que sur les réacteurs du parc actuel. Sans doute certaines exigences sont-elles d’ailleurs déjà remplies – le dossier de demande de mise en service nous permettra de faire le point.
Je confirme que l’enceinte de l’EPR a été conçue pour résister à un crash d’avion. L’aéronautique évoluant, je ne sais néanmoins si cela sera encore le cas dans un siècle.
Si l’EPR n’était pas mis en service en avril 2017, le Gouvernement pourrait annuler le décret de création. Au-delà de cet aspect réglementaire, un nouveau retard n’aurait pas de conséquences techniques majeures.
Après réception du dossier de demande de mise en service fin 2014, l’IRSN et l’ASN ont pour tâche d’analyser celui-ci en tenant compte des modifications intervenues depuis 2011, avant l’approbation de l’autorisation de mise en service, laquelle permet la réception et le chargement des combustibles sur le site. Le risque majeur à ce stade est que les délais ne permettent pas à l’instruction et au processus d’approbation du dossier de se dérouler dans des conditions satisfaisantes.
Quant aux évaluations d’EDF tablant sur une utilisation du réacteur à 90 % de sa puissance pendant soixante ans, elles constituent un objectif technique exigeant mais atteignable. Est-ce pour autant réaliste ? Probablement y aura-t-il des aléas…
M. Jacques Repussard. La probabilité d’incidents d’origine interne est très nettement inférieure, pour l’EPR, à celle des réacteurs actuels. Reste que les calculs ne tiennent pas compte des agressions externes hors dimensionnement – catastrophes naturelles, actes de terrorisme ou de sabotage, et je ne pourrais pas affirmer sous serment qu’en cas de crash d’un avion de très grande capacité, chargé de dizaines de tonnes de carburant, les conséquences de l’incendie seraient maîtrisées.
Le risque zéro n’existe pas. J’ai donc recommandé que l’on appréhende la course à la puissance en termes de précautions et non plus en termes de performances technologiques. Les Coréens et les Chinois imaginent des réacteurs passifs de 1 600 MW, ce que je juge très déraisonnable. Mes propos à la presse ne visaient pas particulièrement l’EPR, mais je m’interroge : l’industrie nucléaire ne se trompe-t-elle pas de combat quand elle tente de baisser le coût du KWh en augmentant la puissance de ses réacteurs plutôt qu’en vendant des réacteurs moins puissants mais générant des risques dont la probabilité de maîtrise est plus grande ? La probabilité que survienne un accident consécutif à une catastrophe à laquelle les ingénieurs n’auraient pas pu parer est supérieure pour l’EPR à 10-6, et ses conséquences sont proportionnelles à la puissance du réacteur.
Les surcoûts générés par un projet industriel sont la plupart du temps prévisibles, mais la loi du marché fait qu’ils sont souvent ignorés au moment de la vente. Quant aux délais, il n’y a pas de différence significative entre les délais de construction de l’EPR et ceux des autres réacteurs du parc ; prétendre qu’on allait construire un EPR en quatre ans n’était pas très sérieux.
M. Jamet a bien indiqué que les défauts de construction constatés ont été réparés ou le seront avant la mise en service.
Toutes les préconisations consécutives aux ECS post-Fukushima n’ont pas encore été mises en œuvre, mais elles le seront.
Quant aux piscines de l’EPR, elles sont mieux protégées des agressions externes que celles du parc actuel, mais le système reste intrinsèquement vulnérable.
M. le rapporteur. Pouvez-vous préciser ?
M. Jacques Repussard. Les piscines de l’EPR sont en hauteur. À la différence de celles du parc actuel, elles sont protégées des crashs d’avion. Mais d’autres scénarios sont possibles, comme une vidange accidentelle de la piscine. Le système de liaisons aquatiques qui relient la cuve du réacteur au réservoir d’eau est un système assez sophistiqué qui comporte des vulnérabilités d’autant plus problématiques, en cas de vidange, qu’il y a communication avec le bâtiment où loge le réacteur. Si l’EPR constitue un progrès, des améliorations de la sécurité restent donc possibles, et le dôme de protection ne résout pas l’intégralité des problèmes. Je le répète, l’EPR est conçu pour résister à l’impact mécanique d’un avion de grande capacité, mais les effets qu’aurait l’embrasement de plusieurs dizaines de tonnes de carburant restent difficiles à évaluer.
La cuve de l’EPR a bien été conçue pour pouvoir être irradiée pendant soixante ans dans le cadre d’un fonctionnement à 90% de la puissance du réacteur. C’est techniquement possible dans le respect des exigences de sûreté. Reste que les aléas industriels de maintenance sont imprévisibles et qu’ils ne permettent pas de calculer le coefficient de disponibilité effective.
M. Michel Sordi. Des visites d’installations nucléaires étant programmées pour le mois d’avril, je souhaiterais, monsieur le président, que vous puissiez organiser celle de la centrale de Fessenheim.
Monsieur Jamet, la construction de réacteurs EPR sera soumise dans chaque pays à l’autorisation des autorités de sûreté locales. Pensez-vous possible, afin de maintenir la cohérence de la filière nucléaire française, d’atteindre partout des exigences de sûreté identiques et conformes à nos standards ?
Monsieur Repussard, l’autorité belge a sollicité votre expertise sur des défauts constatés il y a peu sur des cuves de réacteur belges. Quelle était l’origine de ces défauts, et auriez-vous autorisé le redémarrage des réacteurs si de tels défauts avaient été constatés en France ?
Vous avez dit qu’au vu de la tâche qui l’attendait et du renouvellement des compétences, EDF se devait de mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois. Avez-vous, vous-même, mis en place une telle gestion au sein de l’IRSN ?
Si je vous ai bien compris, les réacteurs de nouvelle génération à neutrons rapides ne réduisent pas le volume de déchets. Il me semblait néanmoins que cette nouvelle technologie permettait de valoriser ces déchets ; or nous disposons aujourd’hui, pour plusieurs milliers d’années, d’une quantité de déchets qui pourraient être recyclés et faire tourner des centrales de nouvelle génération.
M. Stéphane Travert. Le coût élevé de l’EPR résulte pour une grande part des aménagements liés à la sûreté. Techniquement, la sécurité des deux réacteurs de Flamanville et de Finlande est supérieure à celle de tous les réacteurs du monde. L’ASN a néanmoins émis des réserves sur le contrôle-commande. Pourriez-vous nous préciser si ces réserves ont été levées et quelles garanties vous a apportées EDF sur le système informatique de sécurité et de commande ?
M. le rapporteur. Les premiers EPR mis en service seront sans doute les chinois. Est-il prévu un retour d’expérience ?
M. Jacques Repussard. L’examen en profondeur de la couche d’acier des cuves belges a révélé de très nombreuses microfissures. Notre expertise a été sollicitée pour déterminer si elles étaient dues à l’irradiation en service ou s’il s’agissait d’un défaut d’origine. L’enquête a été difficile car la société ayant fabriqué ces cuves n’existait plus, mais elle a conclu qu’il s’agissait bien d’un défaut d’origine. Si ces microfissures ne présentaient pas en elles-mêmes un grand caractère de nocivité, du fait de leur très grand nombre, les modèles mathématiques dont nous disposons n’ont pas permis de déterminer de manière probante leur impact sur la tenue du matériau. Les autorités belges ont jugé peu vraisemblable que survienne une rupture brutale et ont donc choisi de redémarrer les réacteurs en mettant en place un programme de surveillance.
M. le président François Brottes. Qu’auriez-vous conseillé si un tel incident s’était produit en France ?
M. Jacques Repussard. Les microfissures concernaient deux cuves belges, soit un tiers de la capacité de production. Dans ces conditions, l’IRSN n’avait pas de raison d’insister sur la nécessité de maintenir les réacteurs à l’arrêt.
M. le président François Brottes. Est-ce dangereux ou non ?
M. Jacques Repussard. Ma conviction personnelle est que ce n’est pas vraiment dangereux et que la mise en place d’un programme de surveillance est une solution raisonnable.
S’agissant à présent de l’aval du cycle, le plutonium n’est pas un déchet ; c’est une matière valorisable. Mes propos sur les réacteurs de quatrième génération ne visaient que les matières non valorisables, et il est clair, puisque c’est un objectif de la filière, que les réacteurs à neutrons rapides constituent un progrès gigantesque puisqu’ils permettent de valoriser efficacement le plutonium et l’uranium. Aujourd’hui, contrairement à d’autres pays, nous avons un processus de retraitement du plutonium et de l’uranium, et on ne stocke donc pas ces produits à Bure. Cela étant, entre les réacteurs à eau légère et les réacteurs de quatrième génération, la volumétrie des autres déchets ne sera pas très différente.
M. le président François Brottes. Vous saluez donc le processus de retraitement !
M. Jacques Repussard. Il faut une étude d’impact nationale. Les coûts du retraitement en aval du cycle doivent être intégrés aux coûts globaux de la filière. Il s’agit d’un choix politique majeur. Une filière à neutrons rapides sans industrie de retraitement n’a aucun sens, et il ne suffit pas de s’interroger sur la faisabilité du réacteur.
M. Philippe Jamet. Chaque pays procède à l’approbation de la mise en service d’un nouveau réacteur selon des normes différentes. Cela étant, tous les pays qui envisagent la construction d’un EPR ont à peu près les mêmes exigences, qui sont celles de WENRA. Ce socle commun, qui concerne notamment les accidents graves, est solide. L’une des différences d’approche touche au contrôle-commande. Nous travaillons à renforcer la cohérence des normes européennes et internationales, en particulier en matière de sûreté.
Reste que le passage du contrôle-commande classique, avec relais, au contrôle-commande informatique est une évolution incontournable mais techniquement difficile, car il est compliqué de garantir la fiabilité d’un système de contrôle-commande informatique. Nous avons sur le sujet des discussions approfondies avec nos collègues finlandais et américains, mais divergeons pour l’instant sur l’approbation du système.
La France a rejeté la première proposition d’AREVA, mais juge satisfaisante la nouvelle proposition faite par le groupe. Les Finlandais ont également rejeté cette première proposition, leurs objections portant, d’une part, sur l’indépendance des modules, qui doivent pouvoir fonctionner de manière autonome, et, d’autre part, sur le cumul de défaillances qu’il est raisonnable d’anticiper.
Sur le premier point, nous considérons que les réserves des Finlandais sont sans objet ; sur le second point, les exigences finlandaises dépassent très largement ce qui est requis par les normes internationales. J’ajoute que nous sommes en avance sur les Finlandais, car l’EPR n’est pas le premier réacteur pour lequel nous mettons en place un contrôle-commande informatisé ; cela a déjà été fait pour les quatre réacteurs du palier N4.
M. le président François Brottes. Croyez-vous à la thèse selon laquelle l’EPR finlandais ne démarrera jamais ?
M. Philippe Jamet. Je ne peux pas répondre à cette question.
Nous sommes très désireux de collaborer avec l’autorité de sûreté de chinoise, qui ne répond pour l’instant ni à nos attentes ni à nos espoirs, une des raisons expliquant la difficulté de nos relations étant que l’autorité chinoise manque de moyens et qu’elle ne sait plus où donner de la tête. Nous ferons néanmoins tout notre possible pour bénéficier du retour d’expérience des Chinois. EDF, de son côté, affirme avoir de meilleures relations avec les constructeurs chinois.
Quant à nos propres moyens, s’ils ne sont pas augmentés, l’ASN aura des difficultés, elle aussi, à faire face à l’ensemble des tâches qui l’attendent dans les années à venir.
M. Michel Sordi. Je n’ai pas eu de réponse sur la gestion prévisionnelle des emplois à l’IRSN.
M. Jacques Repussard. Nous pratiquons la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), conscients que nous devons non seulement faire face au manque de moyens, mais également assurer le maintien des savoir-faire. Depuis trois ans, l’IRSN mène une politique ambitieuse adossée sur la création d’une université interne et des modules de formation obligatoires pour les ingénieurs. Nous travaillons également activement à l’identification et à la capture des savoir-faire.
Je ne saurai en revanche vous répondre sur le devenir des infrastructures de recherche. Il n’y a pas d’expertise sans recherche, et il n’y a pas de recherche sans moyens d’expérimentation. Or le CEA est en train de détruire sa capacité d’expérimentation pour des raisons budgétaires, préférant se concentrer sur le projet ASTRID et le démantèlement de ses anciennes installations. C’est un problème qui pourrait devenir crucial.
La France est le seul pays qui n’a pas connu de grave accident de criticité, comme il s’en est produit en Russie, au Japon ou aux États-Unis. Or, faute de moyens financiers pour l’entretenir, nous avons renoncé à maintenir notre plate-forme expérimentale de Valduc, alors qu’il s’agissait d’une installation de très haut niveau, mondialement reconnue et dont le Japon veut aujourd’hui nous acheter les résultats. Nous dépendrons donc désormais de notre coopération scientifique avec les Américains, ce qui n’est pas une bonne solution en matière de sûreté nucléaire.
M. le président François Brottes. Nous vous remercions, messieurs, d’être venus répondre à nos questions.
L’audition s’achève à dix heures trente.
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire
Réunion du jeudi 27 février 2014 à 9 heures
Présents. - M. Bernard Accoyer, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. François Brottes, Mme Sabine Buis, Mme Françoise Dubois, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, Mme Frédérique Massat, M. Patrice Prat, M. Michel Sordi, M. Stéphane Travert, Mme Clotilde Valter
Excusés. - M. Damien Abad, M. Philippe Baumel, M. Jean-Pierre Gorges, Mme Sylvie Pichot, M. Franck Reynier, M. Éric Straumann