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Commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l’électricité nucléaire, dans le périmètre du mix électrique français et européen, ainsi qu’aux conséquences de la fermeture et du démantèlement de réacteurs nucléaires, notamment de la centrale de Fessenheim

Mercredi 7 mai 2014

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 62

Présidence de M. François Brottes Président puis de M. Michel Sordi Vice-Président

– Thème : Coûts comptables du nucléaire

Audition, à huis-clos, de MM. Jacques-François Lethu (KPMG), Alain Pons et Patrick Suissa (Deloitte), commissaires aux comptes d'EDF.

L’audition débute à midi quinze.

M. le président François Brottes. Nous accueillons à présent MM. Jacques-François Lethu (KPMG), Alain Pons et Patrick Suissa (Deloitte), commissaires aux comptes d’EDF. Votre audition, messieurs, se déroule à huis clos, ce qui signifie qu’elle ne sera pas retransmise ; en revanche, elle fera l’objet d’un compte rendu, nécessaire au travail du rapporteur, mais qui ne sera pas publié. Tout ce que vous allez dire sera donc transcrit.

Rappelons, s’il en est besoin, qu’EDF est une société majeure du CAC 40, dont la capitalisation s’élève à 50 milliards d’euros environ. C’est aussi une entreprise particulière, dont une grande part de l’activité est régulée par l’État dans le cadre de directives européennes et dont le socle industriel est constitué pour l’essentiel, du moins en ce qui concerne la production, du nucléaire, secteur dans lequel EDF est en situation de monopole. De ce fait, et en raison de la nature même de l’activité nucléaire, l’entreprise abrite dans son bilan des charges futures qui atteignent un niveau insolite par rapport à celles des autres sociétés de la place. Ces charges futures font débat : sont-elles bien évaluées ou non, sont-elles suffisantes ? C’est sur leur montant précis que nous vous interrogerons, plutôt que sur ce dernier point qui n’est évidemment pas de votre ressort.

Cette audition ne vise pas à vous extorquer des secrets commerciaux ou financiers, d’autant qu’EDF est aussi très exposée à l’export, notamment dans les métiers qui nous occupent. Ce que nous cherchons, c’est à comprendre certains éléments des comptes d’EDF, Réseau de transport d’électricité (RTE) compris puisque cette entreprise est concernée par un certain nombre d’actifs liés à l’exploitation nucléaire. L’objet de notre commission d’enquête est de déterminer quels sont les vrais coûts du nucléaire ; c’est donc sur ce sujet que nous allons vous interroger.

Une question subsidiaire : on pourrait se demander, notamment à la lumière de l’audition du président Proglio hier, s’il ne serait pas judicieux de sortir EDF de la cotation pendant la durée du débat sur la place du nucléaire dans la transition énergétique, tant celui-ci engage d’hypothèses qui peuvent être perturbantes pour l’entreprise. C’est genre de problème auquel EDF est confrontée depuis son changement de statut. Quel est votre point de vue sur cette question technique d’ordre financier ?

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je dois maintenant vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(MM. Alain Pons, Patrick Suissa et Jacques-François Lethu prêtent successivement serment.)

M. Alain Pons (Deloitte), commissaire aux comptes d’EDF. Au nom du collège des commissaires aux comptes, formé des cabinets Deloitte et KPMG et ici représenté par les trois signataires des rapports EDF, je vous présenterai brièvement notre mission légale et nos principales responsabilités.

Notre mission, définie par le législateur, consiste à délivrer au public ainsi qu’aux principales parties prenantes des états financiers une assurance de conformité de ces états, sur la base de diligences très réglementées, qui ont vocation à donner une assurance raisonnable, mais non absolue, que les comptes ne comportent pas d’anomalie significative. Les états financiers incluent les comptes, mais aussi des notes annexes riches et dignes d’intérêt, ainsi qu’un rapport de gestion. C’est sur cet ensemble de documents que portent nos travaux.

Les états financiers, arrêtés par la direction, font également l’objet d’un arrêté des organes de gouvernance de l’entreprise. Ces comptes, pris dans leur ensemble, doivent traduire fidèlement les opérations de la période concernée, le patrimoine et la situation financière de l’entreprise. Ils sont établis en fonction des normes comptables en vigueur, qui sont précises et auxquelles l’on ne saurait déroger ; nous nous en assurons. Certains éléments s’expliquent par l’application de ces normes.

Nous devons également vérifier que les notes annexes donnent des informations suffisamment complètes, claires et pertinentes pour faciliter la compréhension des comptes par les lecteurs. Nos diligences consistent, au moyen notamment de sondages, de vérifications de conformité, d’appréciation des principales estimations significatives réalisées par la direction de l’entité, à nous assurer que ces estimations ne révèlent pas d’erreur, d’anomalie ou d’omission qui affecteraient substantiellement les comptes dans leur ensemble.

Afin d’exercer cette mission légale, nous faisons usage de notre jugement professionnel, en nous appuyant, le cas échéant, sur des documents produits par l’entité, sur des rapports d’experts, sur des entretiens, sur notre connaissance du secteur d’activité concerné, bref sur tout élément ou information qui nous semble pouvoir éclairer ce jugement.

Il nous est interdit de nous immiscer dans la gestion de l’entreprise, c’est-à-dire d’accomplir, directement ou indirectement, des actes de gestion, mais aussi d’exprimer des jugements sur la conduite de la gestion de l’entreprise.

À l’issue de notre mission, trois cas de figure sont envisageables. Dans le premier cas, nous sommes en mesure de certifier que les comptes sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice, de la situation financière et du patrimoine à la fin de l’exercice. Nous pouvons alors formuler dans notre rapport toute observation utile destinée à appeler l’attention du lecteur sur une information fournie dans l’annexe et susceptible d’éclairer un point essentiel à l’élaboration des comptes. Dans le second cas, nous certifions avec réserves, si notre vision diffère de celle du management sur tel ou tel point. Enfin, nous pouvons refuser de certifier les comptes si nous estimons que l’image qui est donnée de la situation financière d’une entité n’est pas pertinente vis-à-vis du public. Ce cas est extrêmement rare. Une certification avec réserves ou un refus de certification doit être motivé dans notre rapport.

Ce rapport est régi par des normes auxquelles nous ne pouvons déroger. Il porte sur l’état financier arrêté par la direction et les organes de gouvernance et comprend les comptes, les annexes et le rapport de gestion. Je me permets d’insister à nouveau sur l’importance des notes annexes pour informer le public et éclairer son jugement.

S’agissant du cas précis de la société EDF, nous exerçons notre mandat de façon collégiale, conformément à la loi. Ce mandat est de six ans ; nous avons été nommés par l’assemblée générale des actionnaires du 24 mai 2011. Nous avons sur les comptes une responsabilité conjointe et solidaire. Nous exerçons également nos missions annexes, prévues par la loi.

J’en viens à un point essentiel à nos yeux, et qui vous permettra d’apprécier les obligations qui s’imposent à nous, y compris dans le cadre de cette audition : le strict respect du secret professionnel. Aux termes de l’article L. 822-15 du code de commerce, nous sommes tenus au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont nous avons pu avoir connaissance à raison de nos fonctions. Ce secret professionnel est impératif et absolu ; il ne peut être levé que dans les cas où la loi l’impose ou l’autorise expressément, cas dont une audition par la commission d’enquête ne fait pas partie. Nous sommes donc tenus de déposer sous réserve des dispositions de l’article 226-13 et 226-14 du code pénal. Le non-respect du secret professionnel engage notre responsabilité civile, pénale et disciplinaire.

Naturellement, nous sommes autorisés et disposés à répondre sur tous les éléments qui ne sont pas couverts par le secret professionnel ; nous y sommes même tenus. Nous pouvons donc vous fournir toute explication relative à nos rapports ainsi que les comptes joints à ces rapports, et vous apporter l’éclairage des professionnels que nous sommes, ce que nous ferons très volontiers, autant qu’il nous est possible.

Je comprends que l’audition est enregistrée afin de faciliter la rédaction du compte rendu ; nous remercions les membres de la commission d’enquête et les autres personnes présentes de garantir la confidentialité des propos échangés.

M. le président François Brottes. Merci de nous avoir rappelé à quoi servent les commissaires aux comptes, ce dont nous avions déjà une petite idée.

Combien de temps consacrez-vous chaque année à EDF, si ce n’est pas un secret d’État ?

M. Patrick Suissa (Deloitte), commissaire aux comptes d’EDF. Ce n’est pas un secret d’État. Il y a des personnes spécifiquement dédiées à cette tâche.

M. le président François Brottes. Combien d’heures de travail cela représente-t-il ?

M. Patrick Suissa. On peut connaître le chiffre par cabinet. Nous y consacrons, au regard de nos normes professionnelles, le temps nécessaire pour pouvoir émettre une opinion.

M. le président François Brottes. Je vous ai posé une question. Combien de temps cela représente-t-il ? Deux jours, un mois ?

M. Patrick Suissa. Pour notre cabinet, 36 000 heures.

M. Jacques-François Lethu (KPMG), commissaire aux comptes d’EDF. L’ordre de grandeur est le même chez nous. À titre personnel, j’y passe plusieurs centaines d’heures par an.

M. Alain Pons. Notre hésitation ne résultait pas d’une quelconque volonté de secret, mais de la nécessité de tenir compte des filiales étrangères.

M. le président François Brottes. Il importe que nous nous fassions une idée du volume horaire que ce travail implique, afin d’en apprécier le sérieux.

M. Alain Pons. Ce volume est conséquent. Nous avons simplement un problème de mesure.

M. Patrick Suissa. Le chiffre mentionné ne concerne que la France, et non nos filiales étrangères.

M. le président François Brottes. Merci de cette précision.

M. Denis Baupin, rapporteur. Voilà quelques mois que nous travaillons sur les coûts de la filière nucléaire. Tous ne concernent évidemment pas EDF. Cela étant, nous aimerions disposer de votre éclairage sur plusieurs questions, dont je doute qu’elles soient couvertes par le secret professionnel ; vous en jugerez.

On a rappelé le statut spécifique d’EDF, dont le capital est détenu par l’État à 85 %, mais qui est cotée en bourse. L’État fixant les tarifs de l’électricité,…

M. le président François Brottes. L’État ou la justice !

M. le rapporteur. La justice oblige, certes, l’État à les revoir.

Usant de son pouvoir régalien, l’État, donc, peut agir, par le biais de la fixation des tarifs, sur les revenus de la société ; il peut aussi en arrêter les installations. Ces spécificités font-elles varier votre mode d’évaluation des comptes par rapport à ce qui se pratique dans les autres entreprises ?

Nous avons parlé hier avec Henri Proglio de la durée d’amortissement des installations, qui a défrayé la chronique il y a quelques mois. Les réacteurs nucléaires ont une durée de vie de quarante ans, et l’Autorité de sûreté nucléaire nous dit que rien n’est aujourd’hui acquis quant à la poursuite de leur exploitation au-delà de ce délai. Pourtant, l’hypothèse de l’allongement de leur durée d’amortissement a été évoquée, ce qui, selon l’Autorité des marchés financiers, est peu compréhensible. Je ne suis pas du tout expert en la matière, mais si la cotation d’EDF en bourse varie en fonction d’hypothèses quant à la durée de vie des réacteurs qui ne sont pas avérées et qui pourraient améliorer artificiellement la valeur du patrimoine, cela risque de poser des problèmes. Chaque fois que cette possibilité a été évoquée, on nous a dit qu’elle était soumise à l’accord des commissaires aux comptes. Qu’en pensez-vous ?

Par ailleurs, comment évaluer dans les comptes le fait qu’une autorité indépendante puisse faire fermer du jour au lendemain l’essentiel des installations de production d’électricité de l’entreprise pour des raisons de sûreté et que, en tout état de cause, l’incertitude règne quant à la possibilité d’en prolonger l’exploitation au-delà de quarante ans ? Ce risque est-il chiffrable ? Si oui, comment les comptes le traduisent-ils ?

M. le président François Brottes. Cette situation n’est pas propre au nucléaire, mais concerne toutes les entreprises soumises à autorisation.

M. le rapporteur. Certes, mais en l’espèce, elle est liée aux enjeux de notre commission d’enquête. Il serait intéressant de pouvoir établir une comparaison chiffrée avec d’autres filières de production.

EDF est confrontée à un mur d’investissements dans le parc nucléaire. Nous avons parlé avec Henri Proglio du grand carénage ; quelque évaluation précise que l’on en fasse, les montants à engager représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros sur une dizaine d’années. L’entreprise peut-elle les assumer étant donné son niveau d’endettement ?

S’agissant de l’EPR de Flamanville, on constate une très grande différence entre l’estimation initiale du coût et l’évaluation actuelle du coût final. Comment s’impute-t-elle dans les comptes et quelles en sont les conséquences ?

La mesure des charges futures du parc nucléaire, c’est-à-dire des sommes qui devront être consacrées au démantèlement des installations et à la gestion des déchets radioactifs, est essentielle à la fiabilité de nos engagements vis-à-vis des générations futures. En d’autres termes, il est primordial de bien évaluer ce qu’il faut mettre aujourd’hui au pot pour financer ces activités si nous ne voulons pas que nos descendants le fassent à notre place. Or l’Autorité des marchés financiers a appelé mon attention sur l’observation que vous formulez systématiquement, depuis l’introduction en bourse d’EDF, à propos de ces charges et des méthodes qui ont été employées pour les évaluer. Selon l’AMF, il n’est pas commun qu’une observation des commissaires aux comptes à propos d’une société du CAC 40 soit réitérée pendant une période aussi longue. Il semble donc que vous ne soyez pas totalement rassurés sur ce point et que vous teniez à le signaler. Pour quelle raison ? À quelle autre méthode d’évaluation faudrait-il recourir pour que cette observation disparaisse ?

Par ailleurs, le niveau des provisions destinées à couvrir ces coûts futurs dépend en grande partie du taux d’actualisation retenu. Ce taux serait trop élevé à en croire la CNEF, la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des INB et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs. Avez-vous voix au chapitre sur ce point ? Vous contentez-vous d’acter ce taux ou pouvez-vous en évaluer la pertinence ? Dans cette dernière hypothèse, faudrait-il, selon vous, le modifier ?

Enfin, les stocks de plutonium, qui représentent un volume non négligeable et servent à la fabrication du combustible MOX, sont valorisés à zéro dans les comptes d’EDF. Pouvez-vous nous donner votre avis et vos explications sur cette approche apparemment illogique ?

M. le président François Brottes. Je vous reposerai, pour ma part, ma question liminaire, à laquelle vous n’avez pas répondu : une société aussi exposée au débat public et à d’éventuels revirements stratégiques doit-elle rester cotée en bourse tant que les décisions qui la concernent ne sont pas arrêtées ?

M. Alain Pons. Il est exact qu’EDF est une entité régulée, soumise à un cadre réglementaire, à un dispositif législatif et à l’appréciation de la puissance publique sous toutes ses formes, ainsi que de l’opinion publique. Son statut est particulier et son activité sinon unique au monde, du moins singulière. Cela rend l’élaboration des comptes plus délicate et l’exercice de notre mission plus complexe, mais cela ne change rien aux règles comptables, aux rapports à produire ni aux éléments à porter à l’information du public.

M. Patrick Suissa. C’est cette complexité qui explique que des associés, des personnes expérimentées, doivent dégager assez de temps pour effectuer et suivre les prestations.

M. Alain Pons. Il s’agit assurément d’un dossier complexe, l’un des plus complexes que nos cabinets respectifs aient à traiter sur la place.

M. Patrick Suissa. Cela résulte de la spécificité d’EDF, mais aussi du secteur d’activité en lui-même : on retrouve cette complexité dans d’autres entreprises qui interviennent dans le secteur de l’énergie, en particulier nucléaire.

M. Jacques-François Lethu. La question de la modification de la durée d’amortissement n’est pas non plus spécifique au groupe EDF : dans les autres entreprises, on doit régulièrement s’interroger sur la pertinence des durées d’amortissement prévues au regard de l’utilisation probable qui sera faite d’un bien. Les normes comptables intègrent d’ailleurs expressément la possibilité de les réviser, qu’il s’agisse des normes IFRS applicables aux comptes consolidés ou des normes comptables françaises, applicables aux comptes sociaux d’EDF : la valeur résiduelle et la durée d’utilité d’un actif doivent être révisées au moins à chaque fin de période annuelle.

Dans le cas particulier d’EDF, aucune décision de modification n’a été actée dans les comptes. Lorsqu’elle le sera, il nous appartiendra de vérifier sa conformité aux principes comptables internationaux et français.

M. le rapporteur. Pourriez-vous me répondre plus précisément ? L’ASN nous dit qu’elle sera en mesure de nous préciser en 2017 ou 2018 le cadre dans lequel l’exploitation des installations nucléaires pourrait être prolongée au-delà de quarante ans. Pouvez-vous concevoir, avant cette date, une durée d’amortissement de cinquante ans, ou est-ce incompatible avec la sincérité des comptes ?

M. Jacques-François Lethu. Les normes comptables précisent que la durée d’amortissement correspond à la durée probable d’utilisation. C’est ce qui est écrit dans les textes. Nous apprécierons cette durée probable d’utilisation à la lumière des échanges entre la société et l’ASN. Certains groupes d’experts ont pris position, des demandes ont été formulées. Si, à la lecture de ces éléments, le caractère probable de la durée nous paraît confirmé, il ne nous semble pas impossible d’anticiper.

M. Patrick Suissa. Tout cela relève d’une décision de gouvernance qui, aujourd’hui, n’est pas prise. Nous nous prononcerons en temps et en heure en fonction de cette décision des autorités compétentes, au premier rang desquelles la direction de l’entreprise. On a parlé des débats avec les pouvoirs publics ; à ce jour, nous avons eu connaissance, comme l’ASN, d’ailleurs, de certains éléments techniques du dossier ; mais, je le répète, l’allongement n’est pas décidé.

M. Michel Sordi. La durée d’exploitation de la petite sœur de Fessenheim, aux États-Unis, a été portée à soixante ans. L’autorité qui veille à la sûreté nucléaire n’est certes pas la même dans les deux pays, mais, les Américains n’étant pas plus bêtes que nous, cela peut nous donner à réfléchir.

M. Jacques-François Lethu. De tels éléments seront effectivement pris en considération, comme ils l’ont été en 2003, lorsque la durée d’exploitation a été portée de trente à quarante ans.

M. le président François Brottes. L’analyse tient donc compte d’un environnement assez large.

M. Alain Pons. Absolument. Dans la même industrie, la durée de vie a pu être étendue aux États-Unis, en effet, mais aussi en Angleterre. La probabilité de la durée de vie dépend de la conjonction de trois facteurs : l’un est technique – sans être des techniciens du nucléaire, nous tenons compte des avis des experts qui sont disponibles –, un autre est économique et un autre est lié à la gouvernance. Pour notre part, nous ne faisons que comptabiliser et constater ; il ne nous appartient pas de décider. Si la gouvernance décide d’étendre la durée de vie en s’appuyant sur des considérations techniques et sur des éléments économiques substantiels, nous serons en mesure d’accepter cette extension du point de vue comptable. Il en va de même dans bien d’autres industries : sans être fréquente, la modification de la durée d’amortissement n’est pas exceptionnelle. Du fait de l’évolution technologique, les durées de vie ne sont pas figées, dans quelque secteur que ce soit.

M. le rapporteur. Je vais préciser ma question. Lors du débat à ce sujet, certains ont fait valoir que la durée de vie n’avait rien à voir avec la durée d’amortissement : la première pourrait être de quarante ans alors que la seconde serait de cinquante ans ; il s’agirait d’une question purement comptable. Cela m’avait quelque peu surpris. Votre réponse semble, au contraire, impliquer que les deux sont liées.

M. Alain Pons. Tout à fait.

M. le rapporteur. Cela ne va pas de soi, car ceux qui insistaient sur cette dissociation étaient des personnes assez haut placées. Pour vous, l’accord de l’ASN paraît quasiment être une condition sine qua non.

M. Patrick Suissa. Nous en tiendrons compte, mais il ne s’agit pas d’une condition sine qua non puisque, dans toutes les entreprises normalement constituées, la durée d’amortissement dépend de l’horizon auquel l’entreprise attend des retombées économiques – des flux financiers – de l’exploitation de ses actifs. Si l’on peut escompter un retour sur investissement durant quarante ans, voire au-delà, nous validerons donc la durée d’amortissement retenue.

M. Alain Pons. Si c’est autorisé, bien évidemment.

En ce qui concerne la déconnexion supposée entre amortissement comptable et amortissement économique, ce sont plutôt à des règles fiscales que vous faites référence. L’écart entre amortissements fiscaux et amortissements comptables passe en amortissement dérogatoire dans les comptes sociaux. Cela peut vous fournir un élément de réponse. Mais, dans les normes comptables internationales, celles qui sont applicables aux comptes consolidés d’EDF, il n’y a pas d’écart entre durée de vie économique et durée de vie comptable.

M. Patrick Suissa. Par ailleurs, l’ASN ne s’est jamais prononcée pour autoriser l’exploitation jusqu’à quarante ans. Elle ne peut le faire qu’à l’occasion de la troisième visite décennale : elle donne des autorisations d’exploitation de dix ans. Je ne sache donc pas que l’ASN ait jamais délivré un blanc-seing permettant l’exploitation de tout le parc d’EDF pendant quarante ans.

M. Alain Pons. Enfin, la durée d’amortissement actuellement inscrite dans les comptes est bien de quarante ans.

M. Jacques-François Lethu. Dès lors que l’on connaît les attentes de l’ASN, que l’entreprise est capable d’y répondre de manière appropriée et que la direction est décidée à mettre en œuvre les mesures nécessaires, il nous semble possible de prolonger la durée d’amortissement.

(Présidence de M. Michel Sordi, vice-président)

M. le rapporteur. Qu’en est-il de l’intégration des éléments d’incertitude dans les comptes ? La décision de prolonger l’exploitation des installations au-delà d’une certaine durée ne dépendant pas seulement de l’entreprise, mais aussi d’une entité extérieure, c’est un élément de vulnérabilité par rapport à d’autres producteurs d’électricité. Sait-on chiffrer cette vulnérabilité ?

M. Alain Pons. Elle est sans effet sur la comptabilisation et sur les états financiers produits. En revanche, elle influence vraisemblablement la valorisation, ce qui échappe à notre domaine de compétence. Lorsqu’une décision de fermeture est prise, elle est actée et nous en tirons les conséquences comptables – en général, des dépréciations d’immobilisations, des mises au rebut, le provisionnement des coûts qui en résultent. L’élément d’incertitude que vous évoquez fait partie de l’environnement ; il est naturellement pris en considération en tant que tel par les marchés.

M. Patrick Suissa. À ce jour, dans les comptes, il n’existe aucune incertitude quant à la durée d’amortissement de quarante ans.

L’endettement d’EDF a été ramené de 41,6 milliards d’euros au 31 décembre 2012 à 35,5 milliards fin 2013. Selon les chiffres communiqués par l’entreprise, le ratio de l’endettement net rapporté à l’excédent brut d’exploitation, traditionnellement utilisé pour mesurer le niveau d’endettement, est de 2,1. Ce chiffre se situe dans la fourchette basse des perspectives d’endettement de l’entreprise, comprises entre 2,2 et 2,5. S’il ne nous appartient pas d’évaluer la capacité d’EDF à faire face au « mur d’investissements », en termes d’agrégats financiers, l’entreprise se situe à un niveau tout à fait convenable au regard des critères d’évaluation habituellement appliqués.

M. Alain Pons. Notre mission consiste à porter un jugement sur les comptes. L’endettement y figure. Nous constatons son évolution, mais nous n’avons pas à estimer la capacité financière de l’entreprise à couvrir au-delà d’une année les charges futures d’investissement. Notre responsabilité concerne la continuité d’exploitation : lorsque nous signons chaque année notre rapport sur les comptes consolidés, nous devons vérifier que la liquidité dont dispose l’entreprise permet d’assurer son fonctionnement courant pour l’année qui suit. Le « mur d’investissements » s’étendant sur plusieurs années, il échappe à notre compétence.

Tout ce que nous pouvons vous dire a été dit par mon confrère : l’endettement de la société, rapporté à ses capitaux propres et à ses résultats, est convenable.

M. le rapporteur. L’information du public n’est donc pas assurée par votre rapport, mais uniquement par le document de référence ?

M. Alain Pons. L’information du public provient d’éléments tels que le document de référence – comptes, rapport de gestion – ainsi que de toute communication de l’entreprise, notamment celles, régulières, auprès d’analystes financiers, qui commentent ses comptes.

M. le rapporteur. Est-ce ainsi qu’est diffusée l’information sur le grand carénage et ses conséquences potentielles ?

M. Alain Pons. Le grand carénage est mentionné dans les états financiers que j’ai évoqués, tout au moins dans le rapport de gestion.

M. Jacques-François Lethu. S’agissant de l’EPR de Flamanville, notre responsabilité consiste à nous assurer que les éléments relatifs au coût sont convenablement traduits dans les comptes, ce qui est le cas aujourd’hui. Le fait que des surcoûts soient possibles ne doit pas nécessairement faire obstacle à la traduction de ces éléments dans les comptes de l’entreprise.

Par ailleurs, l’entreprise ne gère pas son parc nucléaire réacteur par réacteur, mais de manière globale puisque c’est l’ensemble des réacteurs qui permet de satisfaire les besoins en électricité : tel ou tel réacteur n’est pas dédié à la production de telle ou telle usine.

M. le rapporteur. Les comptes ne permettent donc pas de savoir si tel ou tel réacteur rapporte une somme donnée par année.

M. Patrick Suissa. Il n’y a pas de flux de trésorerie associé à chaque centrale : le parc est géré globalement. Il est donc impossible de savoir quelle centrale a été appelée et d’identifier les flux financiers associés à cette production d’électricité.

M. le rapporteur. On n’est donc pas en mesure de dire que tel réacteur rapporte tant de millions d’euros chaque année.

M. Jacques-François Lethu. On peut dire, en fonction de sa production et du prix moyen de vente d’EDF, ce qu’un réacteur est susceptible de rapporter. En revanche, l’électricité étant fongible, l’on ne peut pas savoir que l’électricité de tel réacteur est vendue à telle entreprise ou à tel particulier, à telles conditions tarifaires.

M. le rapporteur. Je songe au débat sur les indemnisations en cas de fermeture d’un réacteur ou d’un autre, qui suppose que l’on sache si chacun des réacteurs a rapporté de l’argent pendant une période donnée. Est-ce aujourd’hui identifiable dans les comptes ?

M. Patrick Suissa. Ce qui est identifiable dans les comptes, c’est la valeur nette comptable de cet actif, non sa valeur économique.

M. Jacques-François Lethu. Par ailleurs, est également identifiable le revenu généré par la totalité du parc. Ces différents éléments permettent d’approcher le montant du revenu généré par un réacteur.

M. Alain Pons. Venons-en aux charges futures, dont l’importance ne vous a pas échappé : selon une évaluation qui figure en toute transparence dans les états financiers, elles correspondent à un agrégat de 67 milliards d’euros, en valeur consolidée et brute. En outre, cette valeur est actualisée. Du point de vue de la technique comptable, il s’agit de projeter des coûts futurs ; nous comptabilisons donc au bilan la valeur présente de l’ensemble des coûts à décaisser sur de nombreuses années. Les cycles sont extrêmement longs : de mémoire, le dernier décaissement est prévu pour 2117.

Ces provisions varient en fonction des taux d’actualisation retenus et des hypothèses de décaissement année par année ; cette sensibilité aux hypothèses choisies est importante. D’où la nécessité, selon nous, d’attirer l’attention du lecteur sur ces éléments. Avec cinquante-huit réacteurs, EDF est un opérateur unique au monde par son parc installé. Les provisions sont constituées à très long terme. Dès lors, les estimations sur lesquelles on se fonde pour les établir – les meilleures possibles du point de vue technique et des coûts – n’en sont pas moins sensibles aux hypothèses de coûts, de taux d’inflation et de taux d’actualisation à long terme ainsi qu’aux échéanciers de décaissement. L’information que nous fournissons doit donc être transparente. En particulier, je le répète, il est important que le lecteur des comptes d’EDF prenne connaissance des notes annexes, qui expliquent comment la technique comptable a pu mesurer les éléments présents de ces charges futures et rappellent qu’ils sont bâtis sur des hypothèses raisonnables, solides, robustes même, mais sensibles, du seul fait de la durée pour laquelle on provisionne.

Le point le plus délicat, ce sont les flux de décaissement, tributaires d’hypothèses techniques et de gouvernance. On l’a dit, les provisions sont soumises à une réglementation très stricte incluant des revues régulières. Des décisions sont prises ou ne le sont pas, des calendriers sont revisités. Les flux de décaissement dépendent des décisions prises au fil de l’eau en la matière. Aujourd’hui, les provisions portées au bilan reflètent sincèrement et fidèlement les différentes hypothèses connues. Mais elles dépendent par nature de la décision de la puissance publique et d’hypothèses techniques qui peuvent varier avec le temps. Il faut donc fournir au lecteur une appréciation de ces différents éléments, ce que fait la société au travers des notes annexes. Notre responsabilité consiste à nous assurer qu’elles sont lues et que l’attention du lecteur est bien appelée sur ces questions.

M. le rapporteur. L’AMF nous dit qu’il n’est pas habituel de faire figurer une observation de manière aussi systématique.

M. Alain Pons. En effet, cette observation figure dans le rapport depuis que celui-ci existe, en conséquence depuis l’introduction d’EDF en bourse.

M. le rapporteur. Vous pourriez aussi bien formuler une observation sur l’incertitude affectant la durée de fonctionnement des réacteurs ou sur d’autres aspects encore. Je ne suis pas expert en documents de référence ni en rapports de commissaires aux comptes, mais le fait que vous décidiez de signaler ce point en particulier doit bien signifier quelque chose.

M. Alain Pons. Cela s’explique par le fait qu’EDF est un opérateur unique. Sur la place financière, des termes de provision aussi longs sont uniques ou extrêmement rares. Sur la place française, je n’ai pas connaissance de décaissements à 2117. Il ne serait pas sérieux de ne pas appeler l’attention du lecteur sur ce profil d’émetteur atypique. La présence en France de cinquante-huit réacteurs sur 450 à 500 dans le monde, cette grande sensibilité aux hypothèses, cet aspect régulé, tout cela pèse dans l’estimation et doit être signalé à des lecteurs qui ne sont pas nécessairement français, qui peuvent être des investisseurs étrangers.

M. le rapporteur. À ma question sur ce qui pourrait vous inciter à retirer cette observation, vous répondez donc que vous allez la maintenir ?

M. Alain Pons. Mes successeurs pourront vous répondre ! Aujourd’hui, je ne vois pas bien sur quel fondement nous pourrions, nous, la retirer.

M. Jacques-François Lethu. Sauf peut-être à disposer d’une perspective très claire sur certains éléments du cadre réglementaire… Mais, à ce jour, il n’y a aucune raison de ne pas reconduire l’observation.

M. Patrick Suissa. Nos normes professionnelles ne nous habilitent pas à délivrer une information qui ne saurait être mentionnée dans les comptes par l’entreprise, à moins d’être en désaccord avec celle-ci. Il ne s’agit pas ici d’une observation pour incertitude : nous appelons l’attention du lecteur sur des informations structurantes qui éclairent la compréhension des comptes et sont, à nos yeux, de qualité, dans la mesure où elles intègrent aux notes annexes certains éléments de sensibilité.

M. Jacques-François Lethu. Toutes les hypothèses sont convenablement et précisément décrites.

M. Alain Pons. Tous ces éléments étant très compliqués, nous avons pour obligation d’y appeler l’attention du lecteur et de les lui expliquer.

M. Patrick Suissa. En ce qui concerne le taux d’actualisation, les normes comptables prévoient que, dès lors que des décaissements sont programmés ou que des obligations doivent se dénouer dans un futur éloigné, les modalités de comptabilisation tiennent compte de la valeur temps de l’argent. D’où l’actualisation. S’agissant des provisions nucléaires d’EDF, conformément à la loi de 2006, le taux d’actualisation est soumis à un plafond dit réglementaire, lequel n’est pas totalement conforme aux normes comptables. Or, comme commissaires aux comptes, nous devons nous prononcer en fonction des référentiels comptables, mais aussi de la réglementation.

Conformément aux recommandations de l’AMF sur les méthodes comptables, EDF applique une méthodologie permanente, ce à quoi nous veillons. Pour calculer le taux d’actualisation, EDF retient un taux sans risque sur une moyenne glissante de dix ans, puis tient compte de la cotation des obligations des entreprises de première catégorie. C’est ainsi que, au 31 décembre 2013, le taux obtenu était de 4,8 %, identique à celui du 31 décembre 2012, comme précisé dans les comptes. Le taux plafond réglementaire est déterminé à partir de la moyenne sur quatre ans du taux de l’échéance constante à trente ans (TEC 30) et du spread plafonné à cent points de base – ce qui est contraire aux normes comptables qui ne prévoient pas de plafond.

À l’instigation de l’entreprise, des discussions ont été engagées avec la direction générale de l’énergie et du climat en vue d’obtenir l’autorisation de surseoir à l’application de ce taux plafond. Ce point est mentionné dans les comptes. La comptabilisation des engagements nucléaires d’EDF applique donc le taux de 4,8 % issu des calculs de l’entreprise, mais la sensibilité, de vingt points de base, de l’évaluation des provisions nucléaires est précisée en annexe.

Nous avons donc estimé que l’information fournie dans les états financiers était satisfaisante, pertinente et complète.

M. le rapporteur. Le détail de vos propos dépasse quelque peu mes compétences. Quel serait le taux plafond ?

M. Patrick Suissa. Tel que précisé dans les comptes, il s’élèverait à 4,58 %. Mais EDF a obtenu des autorités de tutelle l’autorisation de suspendre l’application de ce taux plafond en attendant l’issue des discussions en cours sur la transition énergétique et la gestion des déchets à long terme.

M. Alain Pons. Les normes comptables nous imposent de tenir compte des taux tels qu’ils existent, c’est-à-dire des taux à long terme. Il en résulte un taux d’actualisation de 4,8 %. Le taux réglementaire, qui a fait l’objet d’une dérogation cette année, était de 4,58 %. La principale raison de cet écart est que le taux réglementaire prévoit un taux normatif de cent points de base sur ce que l’on appelle le spread, alors que les marchés financiers ne connaissent pas de taux normatif.

Pour notre part, nous retenons le taux économique, imposé par les normes comptables. Ces éléments techniques ont suscité des discussions et nous avons demandé à la société, qui l’a fait très volontiers, de faire figurer en annexe les différentes hypothèses retenues et leur impact sur la valorisation des provisions au bilan.

M. Patrick Suissa. Si l’on retient des séries relativement longues, c’est afin de se régler sur la duration des passifs. S’agissant du nucléaire, alors que le taux réglementaire se fonde sur une durée d’observation des taux de quatre ans, le fait de déterminer une moyenne glissante sur dix ans produit un effet de lissage qui évite une volatilité du bilan d’EDF, et tient compte des évolutions structurelles de l’économie et non pas des à-coups liés aux périodes de crise économique.

M. Michel Sordi, vice-président. À quel montant cette différence de taux correspond-elle ?

M. Patrick Suissa. Ce montant figure en annexe aux comptes. L’effet joue soit sur le bilan lorsqu’il existe un actif de contrepartie de la provision, soit sur le résultat. Quoi qu’il en soit, on peut estimer que l’effet d’une réduction de vingt points de base sur la provision au bilan, laquelle représente 32,6 milliards d’euros en valeur actualisée, serait de 1,139 milliard, et d’environ 500 millions sur le compte de résultat. Vous trouverez ces chiffres dans le document de référence, à la page 340.

M. Jacques-François Lethu. Sur la valorisation des stocks de plutonium, je n’ai pas d’information.

M. Patrick Suissa. On peut faire l’hypothèse qu’il s’agit d’une technologie particulière qui nécessite très probablement des autorisations, donc des installations ad hoc permettant d’utiliser le stock. A défaut d’installations, il est difficile de reconnaître une valeur dans les comptes.

M. le rapporteur. Mais les installations existent.

M. Patrick Suissa. Peut-être faut-il des autorisations particulières. Je ne dispose pas de cette information.

M. le rapporteur. Issu du retraitement, le plutonium sert à fabriquer du MOX. C’est une activité à laquelle AREVA se livre depuis des années pour le compte d’EDF. Naturellement, cela suppose des autorisations : l’utilisation du plutonium est très surveillée.

Bref, vous n’avez pas d’éléments à ce sujet ?

M. Jacques-François Lethu. Non.

M. le rapporteur. Cela vous évoque-t-il d’autres cas dans lesquels un combustible potentiel ou une matière première potentielle serait valorisé à zéro ?

M. Patrick Suissa. Nous pourrions faire des recherches et vous transmettre la réponse, mais, à chaud, nous n’avons pas d’exemple qui nous vienne à l’esprit.

M. le rapporteur. Reste la question du président Brottes au sujet de la suspension de la cotation pendant le débat sur l’avenir d’EDF et la transition énergétique.

M. Michel Sordi, vice-président. Est-ce possible ? Souhaitable ?

M. Jacques-François Lethu. Cette question n’est pas de notre ressort. Les suspensions de cotation dépendent de l’AMF.

M. Alain Pons. C’est un sujet qui ne nous appartient pas, sur lequel nous ne sommes pas compétents.

M. Michel Sordi, vice-président. N’avez-vous pas un avis ?

M. Alain Pons. Nous pouvons toujours avoir un avis à titre personnel, mais pas dans le cadre de nos fonctions.

M. Michel Sordi, vice-président. Est-ce une question pertinente ?

M. Alain Pons. Je ne peux en juger.

M. Michel Sordi, vice-président. Indépendamment des provisions, EDF a aussi constitué une cagnotte financière. À combien se monte-t-elle ?

M. Jacques-François Lethu. Elle répond aux obligations réglementaires de la loi de 2006. À la fin décembre 2013, elle représentait 103 % des montants provisionnés dans les comptes et devant être couverts par les actifs dédiés, soit une vingtaine de milliards d’euros.

M. le rapporteur. Mettre en face de ces sommes des actifs de RTE assure-t-il une liquidité suffisante pour financer le démantèlement et la gestion des déchets, sachant que l’on ne pourrait revendre ces actifs qu’à la Caisse des dépôts ?

M. Patrick Suissa. Cette possibilité a été offerte par un décret ; nous l’actons dans les comptes.

M. Alain Pons. Dans les actifs dédiés figure aussi la créance CSPE.

M. le rapporteur. N’est-elle pas plus liquide que les actifs de RTE ?

M. Jacques-François Lethu. Des actifs, cela se vend.

M. le rapporteur. Mais, en l’occurrence, seulement selon certaines règles. Vous êtes aussi commissaires aux comptes de RTE ; vous le savez, ces actifs ne peuvent être vendus qu’à une entité publique, donc qu’à la Caisse des dépôts. Le président de l’ASN de l’époque avait parlé de contournement de l’esprit de la loi.

M. Patrick Suissa. Manifestement, les pouvoirs publics n’en ont pas tenu compte !

M. le rapporteur. Ce n’est pas faux.

M. Patrick Suissa. Nous n’avons pas d’avis sur la question. Tout ce que nous pouvons dire, c’est qu’étant donné les horizons de décaissement, la réglementation peut changer, y compris au sujet de RTE. En outre, sur les 21 milliards constitués, on compte 12 milliards d’actifs liquides, voire très liquides.

M. Michel Sordi, vice-président. Merci, messieurs.

Je souhaite personnellement qu’EDF continue à bien se porter, à honorer ses engagements et à répondre aux besoins de notre pays et de ses habitants. Je pense que nous en serons tous d’accord.

M. Alain Pons. En effet, nous le souhaitons tous !

L’audition s’achève à treize heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Réunion du mercredi 7 mai 2014 à 11 h 30

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. François Brottes, M. Jean-Pierre Gorges, M. Michel Sordi, Mme Clotilde Valter

Excusés. - Mme Françoise Dubois, M. Stéphane Travert